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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 5 avril 1865

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1864-1865)

(Présidence de M. E. Vandenpeereboom.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 757) M. de Florisone, secrétaire, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

Il donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

II présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Des habitants de l'Escaillière demandent que ce hameau, dépendant de BaiIeux, soit érigé en commune distincte. »

- Renvoi a la commission des pétitions.


« Des habitants de Fosses prient la Chambre d'annuler le tirage au sort pour la milice qui a eu lieu dans cette commune le 20 février dernier. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal de Huy prie la Chambre de rejeter les dispositions du projet de loi sur le temporel des cultes qui imposent aux communes la charge de subvenir aux frais des cultes catholique, protestant et israélite, en cas d'insuffisance des ressources des fabriques, des commissions fabriciennes et des consistoires. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.


« Le conseil communal de Diest demande que le projet de loi relatif à l'exécution de travaux d'utilité publique comprenne le canal de jonction du Demer au canal de la Campine d'un côté et à celui de Louvain d'un autre côté. »

M. Beeckman. - Cette pétition présente un caractère d'utilité publique ; j'en demande donc le renvoi ,à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.

- Adopté.


« Le sieur Van Dooren demande l'abrogation de la partie de l'article 56 de la loi sur les pensions civiles, concernant la femme qui se marie avec un pensionnaire. »

M. Lelièvre. - Je demande le dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi qui modifie la législation sur les pensions civiles.

- Adopté.


« Le sieur Nicolas Peeters, tapissier, à Laeken, né à Oudgeestel (Pays-Bas), demande la naturalisation ordinaire avec exemption du droit d'enregistrement. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« Le conseil communal de Maeseyck prie la Chambre de comprendre dans le projet de loi de travaux publics la construction d'un canal d'embranchement reliant à Maeseyck le canal de Bois-le-Duc à la Meuse. »

M. Vilain XIIII. - Je demande le renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.

- Adopté.


« MM. de Borchgrave et Thienpont, obligés de s'absenter pour affaires urgentes, demandent un congé de quelques jours. »

- Accordé.

Motion d’ordre

M. Vander Donckt. - J'ai demandé la parole pour une motion d'ordre et en même temps pour un rappel au règlement. Avant-hier les sections pour le mois d'avril se sont constituées. La deuxième section a nommé pour vice-président, l'honorable M. Vleminckx et pour rapporteur à la commission des pétitions, M. Bouvier-Evenepoel. Or, ni l'un ni l'autre de ces honorables membres ne font partie do cette section.

Je demande donc que la deuxième section soit régulièrement convoquée, afin de procéder à l'élection d'un vice-président et d'un rapporteur à la commission des pétitions pris dans son sein. L'exécution du règlement est de droit, car la position où se trouvent ces honorables membres est fausse et pourrait donner lieu à contestations.

Voilà l'objet de ma motion d'ordre.

M. Bouvierµ. - L'observation que vient de faire l'honorable M. Vander Donckt est parfaitement exacte. M. Vleminckx a été nommé vice-président...

M. Coomans. - Par qui ?

M. Bouvierµ. - Je vous l'aurais dit si vous aviez bien voulu me laisser achever, et je ferai remarquer que ce n'est pas moi qui interrompt. (Interruption.) M. Vleminckx a été nommé vice-président à la deuxième section, et j'ai été nommé rapporteur près de la commission des pétitions, bien que nous ne fissions ni l'un ni l'autre partie de la deuxième section. Mais d'après ce qu'on nous a dit aujourd'hui, cette nomination est le résultat d'une erreur qui devra faire l'objet d'une rectification dans le sens des observations de M. Vander Donckt.

MpVµ. - La section sera invitée à se réunir pour rectifier l'erreur si elle a eu lieu.

Interpellation relative à la question du Mexique (continuation)

M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - L'honorable M. Delaet avait annoncé, il y a quelque temps déjà, qu'il adresserait une demande d'explications au gouvernement sur trois points relatifs à l'organisation d'un corps de volontaires belges destiné à servir au Mexique, savoir : la mise à la disposition de ce corps des casernes d'Audenarde, l'engagement prétendument illégal du caporal Crimmers et le sort réservé aux militaires de la légion belge-mexicaine.

Vous avez vu hier, messieurs, par le long discours qu'a prononcé l'honorable M. Delaet, que son cadre s'est singulièrement élargi et qu'à ses trois demandes d'explications il en a ajouté plusieurs autres, qui sont la reproduction de certains propos, sortis je ne sais d'où, et qu'on a élevés à la hauteur de faits politiques.

Ma réponse à l'honorable M. Delaet sera d'autant plus facile que l'honorable M. de Brouckere a déjà donné dans cette enceinte des explications tellement nettes et péremptoires, qu'après son discours plusieurs d'entre vous demandaient la clôture et qu'à la rigueur je pourrais me dispenser d'y ajouter un seul mot.

Cependant, comme je ne veux pas avoir l'air de fuir ce débat, je compléterai les explications que nous a données l'honorable M. de Brouckere en vous demandant pardon d'avance d'être obligé de répéter en partie ce qu'il vous a dit.

Messieurs, pour vous faire apprécier les explications que je vais vous donner, je suis obligé de vous fournir quelques renseignements sur ce qui s'est passé au début de l'organisation du corps belge-mexicain.

Comme vous le disait fort bien l'honorable M. de Brouckere, l'officier général qui a accepté la mission d'organiser ce corps n'avait plus conservé de sa position militaire que son titre de général. Beaucoup de personnes, entendant dire qu'un général était chargé de cette organisation, ont pu croire que cet officier était l'agent du département de la guerre. Or, il n'en est rien : un général à la retraite est un citoyen rentré dans la vie civile, qui ne dépend plus de l'autorité militaire, qui est complètement libre, et à qui le gouvernement n'a plus aucun ordre à donner.

Ainsi donc, messieurs, le général Chapelié, qui avait accepté la mission de former le corps mexicain, était complètement indépendant.

Le général Chapelié n'a accepté cette mission que parce qu'il croyait, en la remplissant, rendre encore un dernier service à l'armée et au pays ; c'est pénétré de cette pensée, qu'il est venu m'en entretenir.

Ce digne général, dont je m'honore et dont je m'honorerai toujours d'avoir été l'ami pendant 30 années, m'a expliqué les motifs qui l'engageaient à accepter la mission qui lui était offerte et j'avoue que j'ai partagé complètement sa manière de voir.

Le général Chapelié, qui avait formé une grande partie de la jeunesse intelligente et instruite de notre armée, qui était entièrement dévoué à cette jeunesse et à cette armée, trouvait un grand avantage à procurer à quelques-uns de ses anciens élèves le seul enseignement qu'il n'avait pas pu leur donner, la pratique de la guerre ; il croyait que si un jour la Belgique était menacée d'un danger, ce serait un grand avantage pour elle d'avoir quelques officiers et quelques soldats formés à la rude école de la guerre et qui, par cela même, inspireraient plus de confiance au pays et à leurs camarades ; tel était le grand et honorable mobile du général Chapelié en acceptant sa mission.

Il savait aussi que c'était un moyen de donner à une catégorie très intéressante de militaires, à la catégorie des sous-officiers et caporaux, un avancement plus rapide que celui que nous pouvons leur donner.

Il croyait enfin que les engagements dans la légion mexicaine auraient ce bon résultat de créer des vacances qui permettraient à quelques jeunes soldats d'arriver au grade de sous-officier, et que le départ de plusieurs sous-officiers belges pour le Mexique en qualité d'officiers, (page 758) fournirait le moyen de conserver sous les armes en Belgique un plus grand nombre de jeunes gens instruits et appartenant à de bonnes familles.

Le général Chapelié croyait encore qu'il serait extrêmement utile de procurer à quelques-uns de nos militaires l'instruction pratique de la guerre, sans frais pour le pays, alors que d’autres nations s’imposent de leurs sacrifices, pour envoyer leurs officiers acquérir l’expérience de la guerre à l’étranger.

Enfin le général Chapelié avait l'espoir que le séjour de nos compatriotes au Mexique aiderait à établir, avec ce pays, des relations avantageuses pour la Belgique, si le gouvernement nouveau parvenait à se consolider.

Tels sont les motifs qui ont dirigé M. le général Chapelié. Quand il m'en a parlé, je lui ai dit : « Je regrette que le gouvernement ne puisse pas intervenir dans cette question ; mais je vous promets qu'il n'apportera aucun obstacle à l'accomplissement de votre mission. »

Et comment le général Chapelié a-t-il agi ? a-t-il agi comme tant d'autres, clandestinement, de la manière la plus honteuse ? (Je ferai connaître des faits à ce sujet.)

Non, il a agi au grand jour, ouvertement, loyalement ; il a fait connaître par des affiches et par des publications dans les journaux tout ce qui se rattachait à l'organisation du corps. On l'a accusé d'avoir accepté des mineurs. Eh bien, lisez les journaux, les affiches, les annonces, vous verrez qu'il déclare n'accepter aucun individu ayant moins de 21 ans, qui ne serait pourvu d'une autorisation de ses parents. J'ai ici les affiches, et j'y lis :

« Les personnes âgées de moins de 21 ans devront joindre à leur demande le consentement écrit de leurs parents, visé, pour légalisation, par l'administration communale du lieu de leur domicile. »

Voilà ce qui a été écrit et voilà ce qui a été fait.

M. Delaetµ. - Cela n'a pas été fait.

M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Je vous le prouverai.

M. Delaetµ. - Je vous prouverai le contraire.

M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Je n'ai interrompu ni par un geste, ni par un signe, le discours de M. Delaet, et cependant ce discours renferme contre moi des allusions blessantes, des allusions que personne dans cette enceinte, excepté M. Delaet, ne se serait permises, et que je relèverai tout à l'heure.

Messieurs, dans tout ce qui a été fait, y a-t-il quelque chose d'insolite, de nouveau ? On vous a prouvé hier le contraire, on vous a dit que je n'avais fait que suivre les errements du gouvernement belge depuis 33 ans. Vous savez qu'en 1832 on a organisé un corps belge pour servir au Portugal.

Eh bien, a-t-on fait pour l'organisation du corps mexicain, tout ce qu'on a fait alors pour l'organisation du corps portugais ? Non, messieurs, loin de là.

L'honorable M. Coomans, quand l'honorable M. de Brouckere a cité le fait, l'a interrompu pour lui dire qu'à cette époque la Belgique n'était pas neutre.

Je suis fâché de faire observer à l'honorable M. Coomans, qu'il n'est pas heureux dans ses citations historiques. Pendant la discussion du budget de la guerre, M. l'historien Coomans contestait l'opinion émise par moi que les armées régulières l'emportent sur les armées irrégulières et que la civilisation date surtout de l'époque où ces dernières ont disparu ; il m'a répondu que les armées permanentes ont au contraire été battues par des armées irrégulières, témoin la bataille des Eperons d'or, où l'armée régulière de la France a été vaincue par l'armée des communes. J'ai fait observer à l'honorable représentant que la bataille des Eperons d'or a été livrée 142 ans avant l'organisation des armées permanentes.

Eh bien, pour l'histoire moderne, l'honorable M. Coomans est aussi sujet à caution que pour l'histoire du moyen âge, et quand il dit qu'en 1832, la Belgique n'était pas neutre, je n'ai, pour le réfuter, qu'à lui citer l'article 9 du traité des 18 articles et l'article 7 du traité des 24 articles.

Déjà l'article 9 du traité du 9 juillet disait :

« La Belgique, dans ses limites, telles qu'elles seront tracées conformément aux principes posés dans les présents préliminaires, formera un Etat perpétuellement neutre. Les cinq puissances, sans vouloir s'immiscer dans le régime intérieur de la Belgique, lui garantissent cette neutralité perpétuelle, ainsi que l'intégralité et l'inviolabilité de son territoire dans les limites mentionnées au précédent article, »

Et l'article 7 du traité des 24 articles dit :

« La Belgique, dans les limites Indiquées aux articles 1, 2 et 4, formera un Etat indépendant et perpétuellement neutre. »

On n'a jamais contesté la valeur de ces articles. Les articles relatifs à notre dette ont seuls été modifiés en 1839, par suite des dépenses que les Pays-Bas nous avaient occasionnées en nous obligeant au maintien d'une armée sur le pied de guerre par son refus d'accepter les traités. Mais les autres articles du traité de 1831 ont été maintenus.

Cependant, dès 1832, on organisait la légion portugaise et c'était sous le ministère de l'honorable comte de Theux, qui doit se rappeler ces détails.

M. de Theuxµ. - Je crois que c'est une erreur, que c'est en 1833 que cette légion a été organisée.

M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - J'ai vérifié les faits. La légion a été organisée au commencement de septembre 1832, M. le général Evain étant au ministère de la guerre, et vous étant au ministère de l'intérieur.

M. de Theuxµ. - Ce que je sais, c'est que cela n'a jamais été délibéré en conseil.

M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Je ferai observer que M. le ministre de la justice de cette époque a dû intervenir, attendu qu'il a permis de recruter dans les prisons et que les prisons n'étaient pas sous les ordres du ministre de la guerre.

M. Orts. - Les prisons étaient alors au département de l'intérieur.

M. le ministre de la guerre (M. Chazal) - Je ne rappelle ce fait que pour prouver qu'au département de la guerre et dans le pays même, on a agi d'une manière bien plus prononcée que nous ne l'avons fait, et que cependant jamais il ne s'est élevé de plainte à ce sujet.

L'honorable M. de Brouckere vous citait encore plusieurs cas d'autorisations données à des officiers belges qui, lorsqu'il y avait une expédition un peu sérieuse, prenaient service dans certains régiments français, étaient attachés à un état-major, et après la campagne, revenaient prendre leur position dans l'armée, sans avoir perdu la qualité de Belge.

On y trouvait l'avantage de donner à ces officiers l'instruction pratique dont je parlais tout à l'heure.

Voilà donc les motifs qui m'ont engagé à ne pas être défavorable et à être au contraire bienveillant pour la mission du général Chapelié.

Maintenant examinons les faits de détail sur lesquels on a demandé des explications.

La première chose qu'on a examinée, c'est une circulaire du 25 juillet 1864. On a parlé de cette circulaire comme si c'était un fait nouveau que vous ne connaissiez pas, et cependant la première fois qu'il a été question de l'affaire du Mexique dans cette enceinte, presque toute l'argumentation ou une partie de l'argumentation de M. Guillery a roulé sur cette circulaire, ce qui n'a pas empêché l'adoption de l'ordre du jour de M. Bara.

Eh bien, celte circulaire dans laquelle je prie les chefs de corps de donner des facilités au général Chapelié pour l'accomplissement de sa mission, constitue-t-elle un acte d'intervention ? Comment ! messieurs, on reconnaît au Roi le droit d'accorder l'autorisation de servir à l'étranger et on ne permettrait pas au général Chapelié de connaître la position des hommes qui demandent à être incorporés.

Je crois qu'on a fait une confusion ; il y a deux espèces d'intervention : il y a l'intervention politique, officielle, celle qui résulte d'engagements contractés et pour l'accomplissement desquels le gouvernement est obligé de prendre des mesures ; puis il y a une deuxième intervention, intervention obligatoire, qui consiste à faire ce qu'il faut pour régler la position des citoyens envers l'Etat. Ainsi, par exemple, des militaires demandent l'autorisation de servir au Mexique ; incontestablement le Roi a le droit d'accorder cette autorisation et il faut bien que le gouvernement intervienne pour la leur faire obtenir.

La circulaire du 25 juillet était donc indispensable, pour renseigner le général Chapelié sur la position des hommes qui se présentaient à lui et prévenir aussi toute espèce d'irrégularité.

Tous les actes du département de la guerre prouvent les précautions qu'il a prises pour ne pas intervenir officiellement. Je citerai à cet égard l'article 2 de l'arrêté royal qui autorise à servir au Mexique. Que dit cet article 2 ? « L'autorisation mentionnée dans l'article précédent sera révoquée de plein droit dans le cas où les intéressés viendraient à poser un acte quelconque impliquant une infraction aux devoirs de la neutralité. »

(page 759) Voila, messieurs, les précautions que prenait le gouvernement pour ne pas intervenir.

Rappelez-vous la deuxième circulaire, dans laquelle il est dit que le gouvernement, d'accord avec la Chambre, rappelle aux chefs de corps qu'ils ne peuvent peser aucun acte de nature à engager la responsabilité du gouvernement.

Ainsi donc, je le déclare encore, le gouvernement n'est pas intervenu. Peut-on me citer un seul acte, une seule pièce officielle qui prouve l'intervention du gouvernement ? A-t-il engagé qui que ce soit à aller servir au Mexique ? A-t-il fait une seule démarche ? Il a été obligé de refuser beaucoup de demandes, de retenir plusieurs de ceux qui voulaient partir.

Il a eu soin même de faire connaître, par une lettre écrite au général commandant la 1ère division, qu'il ne pourrait pas accorder l'autorisation à des militaires dont la présence était nécessaire au corps.

Si le gouvernement avait pris des mesures comme gouvernement pour l'organisation de la légion mexicaine, je comprendrais parfaitement qu'on soutînt qu'il y a eu intervention, mais ce n'est pas ce qui a eu lieu comme je viens de le prouver.

C'est parce qu'on n'a pas fait cette distinction entre l'intervention obligatoire et l'intervention politique que l'on a été amené à accuser le gouvernement injustement. Du moment qu'on fait cette distinction, on doit reconnaître que les actes posés par lui étaient inévitables et conformes à ses stricts devoirs.

Le deuxième fait qu'on a incriminé est un ordre donné par le commandant d'un régiment. On a pris, au sujet de cet ordre, toutes sortes de précautions oratoires. On vous a dit : je ne parlerais pas de cet ordre, je me garderais bien d'en parler si le colonel du régiment n'était pas mort. C'était une insinuation.

Je ne connaissais pas cet ordre, mais maintenant que M. Delaet me l'a fait connaître, je dois déclarer que je ne puis qu'approuver le colonel qui l'a donné.

Si les autres colonels n'ont pas agi d'une façon analogue, ils ont eu tort.

Que dit cet ordre du jour ? Il dit aux sous-officiers et aux soldats : Ceux de vous qui demandent à partir pour le Mexique, doivent liquider leur compte ; si vous n'avez pas d'argent, le général Chapelié est disposé a vous en avancer après votre engagement.

Cet ordre était très sage. Le colonel ne voulait pas que le trésor fût obéré par le fait de l'organisation du corps mexicain, et puis en sa qualité de président du conseil d'administration, il avait la responsabilité de la gestion financière du corps et à ce point de vue il était intéressé à ce que les masses fussent en bon ordre.

Une autre mesure encore a été incriminée. On a dit qu'un colonel, dans ses instructions sur la manière dont les inscriptions devaient être faites, recommandait d'établir les choses de telle et telle façon et de laisser les dates des congés en blanc.

Ceci s'explique parfaitement. Le chef du corps doit demander au ministre de la guerre des congés pour les hommes qui désirent s'engager ; il ignore à quelle date précise ces congés seront accordés, et pour cette raison il dit : Vous laisserez les dates en blanc : je les remplirai, quand M. le ministre de la guerre aura statué.

A cette occasion, M. Delaet a fait une insinuation contre laquelle je proteste ; il vous a dit : Les dates en blanc étaient des désertions préparées. Comment ! on a osé dire, dans cette enceinte, que le ministre de la guerre, qui est le protecteur-né de ses subordonnés, pouvait préparer une désertion pour la punir après.

11 n'y a que ceux qui sont capables de pareilles infamies qui puissent en accuser les autres.

M. Delaetµ. - Je demande la parole.

M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Je vous l'accorde tout de suite.

MpVµ. - M. Delaet est inscrit.

- Une voix. - M. le ministre de la guerre lui a cédé la parole.

M. Delaetµ. - Je demande la parole pour un rappel au règlement.

MpVµ. - Vous ayez la parole pour un rappel au règlement.

M. Delaetµ. - Je désire demander si le règlement de la Chambre tolère l'emploi du mot « infamie » que vient d'employer M. le ministre de la guerre en faisant allusion à des paroles que j'ai prononcées hier.

MpVµ. - La parole est continuée à M. le ministre de la guerre.

M. Delaetµ. - C'est la seule réponse que l'on me fait ?

M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - J'arrive au fait relatif aux casernes. On a dit qu'il n'était pas important, mais que j'avais eu tort de le nier. Je ferai remarquer d'abord que je n'ai pas nié que les casernes d'Audenarde eussent été mises à la disposition du corps mexicain. Quand on m'a interpellé à ce sujet, j'ai dit que les casernes appartenaient à la ville et que c'était elle qui avait traité avec le corps mexicain.

Il y a à Audenarde deux casernes : la caserne des Jésuites, propriété de la ville, et la caserne de Magdendal, qui appartient à l'Etat, mais qui, par suite du démantèlement de la place a été mise depuis le 14 avril 1861 à la disposition de la ville, aux conditions ordinaires de l'entretenir à ses frais et de la remettre au département de la guerre à la première réquisition.

Quand le général Chapelié a procédé à l'organisation du corps mexicain, il m'a demandé de mettre à sa disposition le camp de Beverloo. Je le lui ai refusé, parce que ce camp appartient à l'Etat, et je lui ai conseillé de s'entendre avec une ville propriétaire de casernes. Il a traité directement avec la ville d'Audenarde.

Quelque temps après, cette ville a demandé au département de la guerre de mettre à sa disposition l'ancienne boulangerie et l'ancienne infirmerie qui étaient inoccupées depuis 1861.

On me dira peut-être : Mais ne saviez-vous pas que la ville d'Audenarde demandait ces locaux pour le corps mexicain ?

Parfaitement ; mais je n'avais pas à m'arrêter à cette considération ; c'était la ville d'Audenarde qui m'adressait la demande, cela me suffisait.

N'ai-je pas souvent accordé de semblables concessions aux villes qui m'en ont fait la demande dans d'autres circonstances ? N'ai-je pas accordé dernièrement à la ville d'Anvers, qui me la demandait, une partie de l'hôpital militaire ?

M. d’Hane-Steenhuyseµ. C'était une question d'humanité.

M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - La ville d'Anvers m'en a remercié chaleureusement ; mais je ne m'étonnerais pas qu'elle vînt plus tard m'en faire un grief. Car la ville d'Anvers m'avait aussi vivement remercié de la rapidité avec laquelle j'avais mené les travaux de la citadelle du Nord, et vous savez tous comment elle m'a fait expier ses éloges et quels déboires elle m'a suscités à propos de cette citadelle.

L'honorable M. Delaet a dit : « Mais ces hommes que vous avez enrôlés pour le Mexique, et qui sont la fleur des pois de l'armée (c'est son expression), voyez comment ils se sont conduits à Audenarde. Ils y ont fait pour 8,000 francs de dégradation aux objets de casernement et de literie. »

Je ferai remarquer à ce sujet qu'on ne peut pas répondre de la bonne conduite de tout le monde ; dans un corps comme celui-là, composé non seulement de militaires, mais d'une quantité de jeunes gens appartenant à la vie civile, on comprend qu'il ait pu se trouver quelques individus n'ayant pas une conduite tout à fait régulière.

Je dirai même qu'on les a excités au désordre en leur répétant : « Vous êtes engagés illégalement ; on n'a aucun droit sur vous, vous n'êtes pas tenus à la discipline ; vous pouvez faire tout ce que vous voulez. Et cependant, messieurs, le désordre a été tellement insignifiant que l'administration communale d'Audenaerde ne s'en est pas même aperçue.

Quant aux dégradations qui ont été commises, elles ne sont point insolites ; elles se produisent dans toutes les garnisons, à l'école militaire même. Au surplus, le corps mexicain a parfaitement remboursé ce qu'il devait à la ville d'Audenarde.

MfFOµ. - Dans tous les cas cela ne nous regarde pas.

M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Evidemment, mais je tiens à réduire à néant toutes ces accusations et je ne saurais mieux compléter ma démonstration qu'en faisant connaître à la Chambre comment la vide d'Audenarde a jugé le corps mexicain ; elle verra que son appréciation diffère un peu de celle de l'honorable M. Delaet. Voilà ce qu'elle a écrit, au moment du départ du premier détachenv.nf, au lieutenant-colonel qui commandait la légion :

« A la veille de votre départ d'Audenarde pour l'empire mexicain, ou vous emmenez sous vos ordres le premier détachement du régiment belge Impératrice Charlotte, nous avons envers vous un devoir à remplir, celui de vous exprimer notre entière satisfaction pour l'esprit d'ordre et de disciplina qui n'a cessé d'animer tout le corps dont le commandement vous est confié, ainsi que notre reconnaissance pour les excellents rapports que nous avons constamment eus, tant administrativement qu'à titre particulier, aussi bien avec vous-même qu'avec tous vos officiers. S'il nous était permis, M. le lieutenant-colonel, d'apprécier exactement la conduite du nouveau corps mexicain, nous, ne manquerions nullement (page 760) d'en augurer favorablement et de lui prédire un brillant avenir. Aussi en vous promettant de suivre votre courageuse entreprise et de nous at au sort de vos hommes avec le plus vif intérêt, nous ne faisons qu'exécuter une véritable obligation, puisque ces sentiments de considération et d'estime, vous avez su vous les acquérir autant par les belles qualités qui vous distinguent personnellement, ainsi que tous vos officiers, que par l'excellente conduite que vous avez su inspirer à tous les hommes de votre régiment. »

l'ai une autre lettre de la même administration écrite à la veille du départ du dernier détachement, et celle-ci est conçue en termes encore plus chaleureux que la première ; elle contient l'expression de la plus vive satisfaction pour la manière dont le corps mexicain s'est conduit à Audenarde pendant son séjour dans cette ville. Les accusations de M. Delaet étaient donc parfaitement injustes, en voilà la preuve la plus évidente.

On s'est apitoyé, messieurs, sur le sort de nos nationaux au Mexique. On a invoqué des lettres qui ont été publiées. Je suis heureux de pouvoir démentir plusieurs de ces lettres et de prouver qu'elles sont apocryphes ; ce sont des lettres pour la plupart rédigées en Belgique et vous allez en avoir la preuve : c'est qu'il était matériellement impossible que les premières qui sont arrivées en Belgique eussent été réellement expédiées du Mexique. Ainsi, dans une de ces lettres, on citait des faits qui étaient prétendument arrivés à certains militaires.

Or, il s'est trouvé que la mère de ces jeunes gens a reçu, quelque temps après, de l'un d'eux, une lettre dont le contenu démontrait la fausseté de celle qui leur avait été attribuée. Et cette mère, heureuse de voir cesser ses alarmes et indignée d'avoir été si odieusement trompée, a écrit aux journaux une lettre dont je vous demande la permission de vous donner lecture, car vous y reconnaîtrez les sentiments de la mère de véritables soldats belges. Quant à ceux dont on publie de prétendues lettres, je nie que ce soient des soldats belges.

Non, messieurs, ce ne sont pas des Belges qui se plaindront jamais de quelques marches forcées ; ce ne sont pas des Belges qui se plaindront jamais de quelques privations.

Je sais bien ce qui se passe quelquefois dans les régiments ; en Belgique même, il arrive souvent que des miliciens qui arrivent au camp de Beverloo se lient avec d'anciens militaires qui ne croient pas faire chose très répréhensible en leur dictant des lettres destinées à apitoyer leurs parents et à leur soutirer de l'argent que l'on dépense en commun. Dès lors, qu'y aurait-il d'extraordinaire à ce que de semblables lettres eussent été expédiées du Mexique ; et faut-il pour cela douter du courage et du caractère de nos concitoyens !

Voyez, au contraire, messieurs, les lettres que plusieurs d'entre vous ont reçues ; vous y trouverez une seule plainte, un seul regret, c'est de n'avoir pas encore vu le feu, c'est de n'avoir encore pris part à aucun combat.

Et quand l'honorable M. Delaet parle de la mortalité énorme qui aurait décimé la légion mexicaine, de militaires belges tombés sous le poignard mexicain, je ne puis qu'opposer à ces allégations le démenti le plus formel ; attendu que, depuis le départ de la légion belge-mexicaine, pas un seul de nos soldats n'a été tué par des Mexicains.

Il y a, depuis le départ de Belgique, seize soldats qui ont succombé. Eh bien, messieurs, cette mortalité ne dépasse nullement les limites de celle qui se produit en Belgique.

Voilà les faits dans toute leur vérité ; et là seule plainte, je le répète, de nos compatriotes engagés au Mexique, c'est de n'avoir fait encore que des marches et de ne pas avoir été conduits à l'ennemi.

Voici la lettre de Mme Davreux, la mère de trois de nos compatriotes engagés dans la légion belge-mexicaine, à laquelle j'ai fait allusion tout à l’heure :

« Monsieur le directeur,

« Dans un article Les Belges au Mexique, inséré dans votre numéro du 16 mars, n°74, vous citez les noms de deux de mes enfants : Mi!. Emile Davrcux, lieutenant, et Léon Davreux, caporal, au régiment Impératrice Charlotte, au Mexique, et vous leur attribuez un rôle, une existence, des regrets, contre lesquels je crois, en ma qualité de mère, avoir le droit de protester.

« Une lettre de mes enfants, en date du 27 janvier, date extrême des dernières nouvelles arrivées du Mexique, par la voie d'Angleterre, porte que M. le lieutenant Davreux et ses frères n'étaient pas à Mexico le 15 janvier, mais bien à Tucabaya, siège de la manufacture des poudres de l'empire et me permet de vous affirmer, contrairement aux assertions convenues dans votre article, que ces jeunes gens n'étaient nullement épuisés de fatigues, au point d'avoir les pieds ensanglantés, qu'ils n’avaient nullement à se plaindre de leur existence au Mexique, n'avaient nullement été contraints à prendre part à des exécutions par les armes, n'avaient pas été forcés de recourir aux baïonnettes pour obtenir un logement convenable chez un médecin à Orizaba ou ailleurs, n'avaient pas encore souffert de la moindre indisposition, et, enfin, qu'ils supportaient avec résignation et même avec gaieté les petits inconvénients de la vie de campagne que tous les militaires français et mexicains, les autorités et les habitants, s'efforçaient, à l'envi l'un de l'autre, de rendre supportables pour les nouveaux arrivants.

« Quoique n'étant pas personnellement citée dans votre article, je crois que le nom de mes enfants absents, cité par vous à propos de faits complètement erronés, m'autorise suffisamment à vous adresser une protestation et me donne le droit d'espérer que vous l'accueillerez dans un de vos plus prochains numéros.

« Veuillez, etc. »

Messieurs, je ne connaissais pas madame veuve Davreux, mais j'avoue qu'en lisant sa lettre, je n'ai pu m'empêcher de la féliciter d'avoir eu la loyauté et le courage de démentir les fausses nouvelles qui avaient été publiées.

Maintenant, j'arrive à mon crime capital, à l'affaire Crimmers. Messieurs, lorsqu'on a parlé de cette affaire pour la première fois, je n'avais jamais entendu parler de Crimmers. Je ne savais pas qu'il y eût un Crimmers parti pour le Mexique. Mais comme j'entendais d’honorables membres de la Chambre affirmer positivement que Crimmers avait reçu l'autorisation de servir au Mexique...

M. Coomans. - Je vous ai demandé des renseignements, et vous m'avez dit que vous lui aviez donné un congé et qu'alors il pouvait faire tout ce qu'il voulait.

MfFOµ. - On s'en rapportait à ce que vous affirmiez ; on a eu tort de vous croire.

M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Je n'avance rien sans preuves. Voici exactement ce que vous avez dit ; je l'ai transcrit :

« Un jeune homme, âgé de 16 ans, obtient l'autorisation de son père de prendre du service dans un régiment belge. Ce jeune homme reçoit de l'honorable ministre de la guerre l'autorisation de passer dans un régiment mexicain à l'insu de son père. »

Voilà une affirmation. Je présumais bien que l'allégation « à l’insu de son père » devait être inexacte, puisque à ma connaissance le général Chapelié avait prescrit à tout le monde, de la manière la plus formelle, de ne pas engager de jeunes gens mineurs, sans autorisation de leurs parents ; mais j'ai raisonné alors dans l'hypothèse qu'il pouvait y avoir eu erreur et que l'honorable M. Coomans était parfaitement bien renseigné.

La Chambre comprendra que je ne puis connaître les noms de tous les miliciens qui obtiennent des congés, que je ne puis pas entrer dans des détails aussi minimes.

Le fait est que je ne savais pas le premier mot de cette affaire ; mais sous l'impression de ce que j'avais entendu ici, mon premier soin, en rentrant au ministère, fut de demander des renseignements au chef de la division qui a les congés dans ses attributions.

Il m'apprit que Crimmers, caporal au régiment des carabiniers en garnison à Malines, avait subi une série de punitions : 15 jours d'arrêts forcés au mois de décembre, puis 4 jours de cachot au pain et à l'eau, et enfin le 4 janvier, encore 8 jours de cachot ; qu'après sa sortie du cachot, Crimmers avait déserté avec un sergent de sa compagnie, nommé Neukens.

Le colonel commandant du régiment des carabiniers m'a confirmé l'exactitude de ces faits. Crimmers avait déserté le 12 janvier ; or, c'est plus de 40 jours après, le 24 février suivant, que, sur l'interpellation de M. Coomans, j'ai répondu que je ne savais pas si le sieur Crimmers était parti pour le Mexique.

M. Coomans. - Moins le si.

M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Crimmers a déserté le 12 janvier, l'avant-veille du départ du dernier détachement. Comment a-t-il été engagé au corps mexicain ? C'est ce que j'ignore, et c'est ce qui ne me regarde pas.

Mais je puis faire des suppositions. Crimmers, voulant partir pour le Mexique, est arrivé au dernier moment, alors que le chef du détachement était dans tous les embarras d'un long voyage ; il en aura profité pour se faire admettre, et on l'aura admis, soit qu'il ait altéré son livret, soit qu'on n'ait pas vérifié exactement sou acte de naissance.

J'ai fait demander des renseignements au Mexique ; quand je les aurai obtenus, on saura s'il y a falsification de papiers, ou si l'on n'a pas procédé à la vérification de l'acte de naissance.

Messieurs, on vous a dit que Crimmers a figuré dans un arrêté royal et qu'on l'en a fait disparaître ; on a ajouté qu'un avocat a affirmé avoir vu (page 761) cet arrêté signé par le Roi et contresigné par le ministre de la guerre, or cet avocat n'a pu rien voir, en fait d'arrêtés royaux.

Voici ce qui s'est passé : quand les hommes qui avaient demandé l'autorisation d'aller servir au Mexique étaient à bord, et que leur résolution était, par le fait même, devenue irrévocable, on dressait les états à soumettre au département de la guerre, afin d'obtenir pour les partants l'autorisation de servir à l'étranger, sans perdre la qualité de Belge. On a pris cette précaution lors du départ des derniers détachements, parce que précédemment on avait constaté plusieurs erreurs dans les indications relatives à la position des hommes.

D'après cela, lors du départ des derniers détachements, on a annoncé aux soldats qui se trouveraient à bord, qu'ils ne recevraient l'autorisation royale de servir au Mexique que lorsqu'on aurait pu s'assurer que leur position était régulière.

Les chefs des détachements ont donc envoyé l'état des hommes embarqués au général chargé de l'organisation, qui l'a transmis au département de la guerre. On a extrait de cet état les noms des individus appartenant à chaque régiment, et on a envoyé ces états partiels aux chefs des corps intéressés, en leur disant : Voilà les noms des hommes de votre régiment qui sont partis pour le Mexique et auxquels il est question d'accorder l'autorisation d'aller servir à l'étranger.

C'est alors que, le 5 février, le commandant du régiment des carabiniers a fait connaître que Crimmers et Neukens avaient déserté le 12 janvier. Par suite de ce renseignement, on n'a pas porté Crimmers et Neukens sur l'état annexé à l'arrêté royal. On dit : « Mais nous avons vu un état où Crimmers figure le 150ème ; et dans la lettre envoyée à M. le président de la Chambre, vous dites, vous ministre de la guerre : Je vous envoie l'état des officiers, sous-officiers et soldats, etc. ; leur nombre est de 875 et cependant les états ne portent que 874 noms. Par conséquent, c'est Crimmers qu'on a fait disparaître. » Mais veuillez remarquer que Neukens ne se trouve pas non plus sur l'état envoyé à M. le président, bien qu'il figure sur l'état qu'a vu M. Janson.

Je regrette d'entrer dans ces détails, mais on a fait tant de bruit de cette affaire que je dois l'expliquer.

J'oubliais de dire à la Chambre, pour lui faire apprécier à quels moyens on a eu recours, que l'état provisoire autographié auquel on fait allusion, est un document du département de la guerre que l'on a trouvé le moyen de faire enlever des bureaux.

Messieurs, si les accusations qui on tété dirigées contre le département de la guerre dénotent des sentiments bien bas de la part de leurs auteurs, elles prouvent aussi beaucoup d’ignorance de ce qui se passe dans l'armée.

Permettez moi de vous faire observer que quand même le département de la guerre voudrait faire un déserteur, cela lui serait complètement impossible. Si donc ceux qui prétendent que le ministre de la guerre a fabriqué la désertion de Crimmers étaient à ma place et voulaient commettre un pareil crime, ils ne le pourraient pas. Vous allez en avoir la preuve.

Messieurs, lorsqu'un homme déserte, le commandant de la compagnie et le sergent-major doivent immédiatement le faire figurer sur la situation de la compagnie, qui est envoyée au quartier-maître et au chef du détachement.

Le commandant de la compagnie dont Crimmers faisait partie est un homme dont l'honorabilité aura, j'en suis certain, des répondants dans cette enceinte : c'est le capitaine de Macar. Cet officier n'a pas manqué à son devoir ; il a porté Crimmers manquant le 11 au soir. L'état est signé par lui et par le sergent-major. Deuxièmement, l'inscription de l'absence du déserteur doit être faite : 1° au registre contrôle de la compagnie ; 2° à la situation de la compagnie ; 3° à la situation du régiment. Troisièmement, un procès-verbal des effets emportés et des effets délaissés par l'homme manquant doit être dressé et signé par le commandant de la compagnie et par les sous-officiers.

Quatrièmement, inscription de l'absence doit être faite au livre de ménage, qui règle la solde et la dépense du ménage des soldats. Il doit toujours être affiché dans la chambrée, cl si l'on portait un homme de plus au ménage, comme la solde des soldats en souffrirait, il y aurait immédiatement réclamation.

Cinquièmement, le signalement du déserteur doit être envoyé au colonel commandant la gendarmerie du royaume, au major commandant la gendarmerie de la province où le déserteur est né et au chef de la gendarmerie du lieu de naissance.

Crimmers était né à Bruxelles et Neukens à Anvers, on a envoyé leurs signalements au commandant de la gendarmerie à Bruxelles, et au commandant de la gendarmerie à Anvers.

Indépendamment de ces mesures réglementaires, le major commandant le dépôt de Malines soupçonnant que Crimmers et Neukens avaient pu déserter pour rejoindre le détachement d'Audenarde, a envoyé immédiatement les signalements à la gendarmerie de cette ville.

Enfin le signalement d'un déserteur doit être envoyé au bourgmestre de la ville où il est né, et le signalement de Crimmers a été envoyé au bourgmestre de Bruxelles comme celui de Neukens a été envoyé au bourgmestre d'Anvers.

Ce n'est pas tout. Pendant les 20 jours qui ont suivi la désertion, c'est-à-dire du 12 janvier au 8 février, la situation journalière de la compagnie et la situation journalière du régiment ont dû faire figurer Crimmers et Neukens dans la colonne des manquants.

Après les 28 jours, c'est-à-dire le 8 février, une nouvelle mutation a dû être inscrite au contrôle et dans toutes les situations de la compagnie ; c'est alors qu'ils ont été rayés comme déserteurs.

Il y a donc plus de cent inscriptions pour constater une désertion. Et l'on a osé dire que l'on avait fabriqué la désertion de Crimmers, qui avait eu lieu quarante-quatre jours avant qu'on en parlât, et l'on a supposé que ces inscriptions, auxquelles ont dû concourir des officiers et des sous-officiers en très grand nombre, ont pu se faire après coup, pour faire croire à la réalité d'un fait qui n'existerait pas et qui chargerait d'un crime un innocent.

Mais, messieurs, dans quel intérêt le ministre de la guerre aurait-il écrit que Crimmers était déserteur, si ce n'était la vérité ? Pour me donner le plaisir de contredire ce que j'avais avancé : que si Crimmers est parti, c'est qu'il avait eu l'autorisation de partir ? Mais quand l'honorable M. Bouvier m'a demandé pourquoi Crimmers ne figurait pas dans les listes envoyées à la Chambre, si je lui ai répondu que Crimmers était déserteur, c'était pour rendre hommage à la vérité, parce que c'était un fait que je venais d'apprendre.

Messieurs, j'ai voulu savoir si tous les états prescrits par les règlements avaient été produits et étaient en règle. J'ai chargé des officiers de se rendre à Malines pour vérifier les faits et rapporter toutes les feuilles volantes que l'on pouvait réunir. Je les ai apportées ici ; je les mets à la disposition de la Chambre ; on verra qu'elles sont signées par tous les ayants titre.

J'ai mieux fait. J'ai demandé à M. le bourgmestre de Bruxelles s'il avait reçu en temps utile la déclaration de désertion de Crimmers, et voici sa réponse :

« Monsieur le ministre,

« En réponse à votre lettre du 28 courant (cabinet), j'ai l'honneur de vous informer que le caporal Crimmers (Jean-Baptiste), volontaire, m'a été signalé comme déserteur, en la forme ordinaire, par M. le major commandant le détachement du régiment des carabiniers en garnison à Malines. La pièce indique que Crimmers a déserté avec des armes et des bagages ; elle porte la signature du capitaine commandant la compagnie et du major commandant le détachement ; elle est datée du 12 janvier ; elle est entrée dans mes bureaux le 14 du même mois. »

Messieurs, l'avocat qu'on vous citait tout à l’heure s'est aussi adressé à M. le bourgmestre. Il lui a demandé, la veille du meeting, si Crimmers lui avait été signalé comme déserteur. M. le bourgmestre, absorbé par les affaires d'administration, n'a pas pu lui répondre immédiatement. Cela n'a pas empêché cet avocat de venir affirmer qu'il avait des pièces qui prouvaient que Crimmers n'était pas déserteur ; alors que s'il avait attendu quelques jours, il aurait eu la réponse de M. le bourgmestre qui lui aurait prouvé que Crimmers était bien réellement déserteur.

Messieurs, permettez-moi ici une réflexion. Lorsqu'on s'est aperçu que la Chambre et le pays étaient fatigués de l'éternelle question d'Anvers, et que personne ne prenait au sérieux les doléances des Anversois au sujet de la citadelle du Nord, on a inventé la question mexicaine ; on a cherché à transporter la citadelle du Nord au Mexique. Car, comme on a pris l'engagement de ne laisser ni paix ni trêve au ministère de la guerre qui a fait construire les fortifications d'Anvers, et qui a fait exécuter vos décisions, on a inventé ce nouveau système d'opposition qu’on va chercher à exploiter de toutes les manières.

De là est née l'affaire Crimmers, qui n'est qu'un épisode de la question mexicaine. Du déserteur qui a passé tant de temps au cachot, on a fait un enfant mineur de 16 ans, bien qu'il en eût 18 ; on en a fait une espèce de petit Mortara mexicain !

II y avait là une belle occasion de faire étalage et parade de beaux sentiments et de lancer une philippique ardente contre le ministre de la guerre, contre son odieux despotisme, contre le régime du sabre, et autres lieux communs qu'on a débités dans les meetings ou ailleurs. Aussi cette affaire Crimmers a-t elle été saisie au bond avec enthousiasme par quelques (page 762) jeunes gens, je ne dirai pas avocats sans cause, mais impatients de se produire, de se poser en hommes politiques plus soucieux que vous-mêmes de défendre les droits des citoyens afin d'attirer sur eux, par ce procédé bien connu, l'attention des électeurs et peut-être aussi un peu celle des clients. C'était un bon moyen de faire d'une pierre deux coups. Messieurs, dans un pays de liberté absolue et surtout dans un pays de grand bon sens pratique comme le nôtre, je ne trouverais pas grand inconvénient à ce que la jeunesse se livrât à des exercices oratoires, si l'on ne dépassait pas certaines limites et si, dès leur début, ces jeunes gens ne descendaient pas jusqu'aux plus odieuses calomnies, ce qui fait bien mal augurer de leur avenir.

Le développement, le perfectionnement de l'éloquence de ces jeunes impatients n'aurait rien perdu et leur considération ainsi que la satisfaction de leur conscience auraient beaucoup gagné, au contraire, à ne pas débuter en calomniant un homme qui, par 35 ans de services, dévoués à son pays, a quelque droit à l'estime de ses adversaires mêmes et qui a aidé à fonder cette liberté dont abusent ceux qui n'ont rien fait pour elle et qui la compromettent par leurs exagérations.

Je suis très indulgent pour les ardeurs et les impatiences de le jeunesse, mas je crois qu'il y aurait beaucoup d'inconvénients pour la marche des affaires, pour la dignité des pouvoirs, pour nos institutions elles-mêmes à ce que la Chambre accueillît ces accusations odieuses, ces accusations infimes qui se produisent toujours dont un pays de liberté absolue comme le nôtre. Il serait dangereux qu'elle forçât les ministres à s'en défendre, à entrer dans l'explication des plus minimes détails de leur administration, et à discuter sans cesse les mêmes questions que la Chambre a décidées et résolues, comme si les décisions et les résolutions de la Chambre étaient lettres mortes.

Eh bien, messieurs, je demande à la Chambre de me prendre sous sa sauvegarde, non pas moi personnellement, car j'ai toujours fait abstraction de ma personne depuis que je suis aux affaires, mais l'autorité que je représente, parce que, dans l'intérêt de la chose publique, cette autorité doit être forte, intacte et respectée.

Messieurs, je crois devoir vous donner une dernière explication relative à un fait qui a produit une certaine impression sur vos esprits et sur l'opinion publique.

La dernière fois qu'il a été question du Mexique, on nous a dit, messieurs, qu'on avait demandé un congé pour un soldat dont les parents étaient malades... (interruption), et que le département de la guerre...

M. Coomans. - Pas le département de la guerre.

M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Que l'on avait refusé le congé par cette formule bien connue du département de la guerre, que « les besoins du service empêchent d'accorder le congé demandé. » (Interruption.)

Voici les propres expressions dont s'est servi l’honorable M. Coomans :

« Nous verrons notamment comment des miliciens belges, qui n'ont pu obtenir des congés pour se rendre auprès de leurs parents malades, ont, peu de jours après, obtenu un congé pour le Mexique. Il m'a été mis sout les yeux des papiers assez intéressants sous ce rapport et qui m'ont appris, entre autres choses, qu'un milicien, supplié par un de ses parents dangereusement malade, de venir le visiter, ayant demandé un congé, reçut une réponse conçue à peu près en ces termes que nous connaissons tous : i Les intérêts du service défendent impérieusement d'accueillir votre demande. »

« Or, peu de jours après, ce même milicien obtenait l'autorisation de prendre du service pour le Mexique. Remarquez qu'il était au service actif de la Belgique. »

Et un peu plus loin :

« Quoi ! le jeune homme dont je parlais tantôt, je le sais, je l'affirme, n'a pas pu obtenir un congé pour assister aux derniers moments de sa mère parce que « les besoins impérieux du service s'y opposaient, et quelques jours après il obtenait l'autorisation de partir pour le Mexique ! »

Messieurs, j'ai fait pour cette affaire ce que j'avais fait pour l'affaire Crimmers. Eu rentrant au département de la guerre, j'ai fait faire une enquête pour savoir comment il se faisait que dans une circonstance pareille on eût refusé un congé.

Veuillez-le remarquer d'abord, messieurs, les colonels des régiments sont autorisés, sans recourir au département de la guerre, à accorder des congés de huit jours aux soldats ; les généraux de brigade peuvent, en pareil cas, accorder des congés de quinze jours, et les généraux de division, des congés d'un mois. Ces dispositions sont prises afin que les soldats puissent régler convenablement leurs affaires.

Voilà, messieurs, ce qui se passe dans l'armée et par conséquent j'étais fort étonné qu'un congé eût été refusé à un soldat dans une circonstance semblable à celle que me signalait l’honorable M. Coomans. De toutes parts on m'a dit qu’on n'avait aucune connaissance de ce fait. J'ai alors écrit à l'honorable M. Coomans la lettre suivante :

« Monsieur le représentant,

« Lors de la discussion qui a eu lieu ces jours derniers à la Chambre des représentants au sujet de l'organisation du corps belge-mexicain, vous avez fait mention d'un soldat de notre armée qui aurait été autorisé à frire partie de ce corps et auquel peu de jours auparavant, on aurait refusé un congé pour se rendre auprès de son père dangereusement malade.

« La règle au département de la guerre a toujours été d'accueillir favorablement les demandes de l'espèce même en faveur des soldats de la compagnie de discipline, lorsque le fondement des causes qui les motivent est suffisamment établi.

« Les recherches entreprises dans mes bureaux pour vérifier le fait que vous avez mis en avant étant restées infructueuses, je viens vous prier, M. le représentant, de vouloir bien m'indiquer le nom et le régiment du militaire qui a été victime de cette infraction aux instructions en vigueur, pour que je puisse prendre des mesures afin d'en prévenirlje renouvellement.

« Agréez, je vous prie, M. le représentant, l'expression de ma considération la plus distinguée.

« Le ministre de la guerre t (Signé) Baron Chazal. »

L'honorable M. Coomans m'a fait l'honneur de me répondre ce qui suit :

« Monsieur le ministre,

« Je m'empresse de répondre à la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire avant-hier.

« Le fait que j'ai mentionné à la Chambre m'a été certifié par le capitaine même qui avait proposé d'accorder le congé en question, mais qui avait essuyé un refus du chef de corps. Je le tiens donc pour avéré. Il est d'ailleurs à ma connaissance personnelle que des militaires, sous-officiers et soldats, n'ont pas reçu la permission d'aller visiter leurs parents malades. J'apprends donc avec une vive satisfaction que ces rigueurs sont illégales, que vous les condamnez, M. le ministre, et que votre ferme intention est de faire respecter les instructions en vigueur. J'avoue que je croyais qu'un certain arbitraire régnait dans la distribution des congés. La déclaration que vous voulez bien me faire me prouva que la rigueur de nos lois de milice sera atténuée en ce point, et j'en suis heureux.

« Agréez, je vous prie, M. le ministre, l'expression de ma considération la plus distinguée.

« Signé : Coomans. »

L'honorable M. Coomans, en me répondant, n'avait plus les papiers ; c'était un capitaine qui lui avait dit que le chef de corps, etc. Cela ressemble un peu à l'affaire du père et du grand-père.

- Voix à gauche. - C'est honteux !

M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - J'ai voulu avoir des renseignements plus précis et j'ai insisté auprès de M. Coomans par la lettre suivante :

« Monsieur le représentant,

« Permettez-moi d'insister pour obtenir de votre obligeance les éléments nécessaires à la saine appréciation des circonstances au milieu desquelles s'est produit le refus de permission dont vous avez cru devoir entretenir la Chambre.

« Vous devez comprendre que je tienne à m'assurer de l'exactitude d'un fait qui, par la manière dont vous l'avez présenté, a dû produire une impression pénible dans le pays et fâcheuse pour le département de la guerre.

« Je fais donc appel à votre loyauté, monsieur le représentant, pour obtenir au moins le numéro du régiment du milicien auquel vous avez fait allusion, si vous ne jugez pas à propos de me donner le nom du milicien lui-même. Je rechercherai comment les choses se passent dans ce régiment en matière de congés, et, s'il y a une réforme utile à opérer, elle ne se fera pas attendre.

« Veuillez agréer, M. le représentant, l'expression de ma considération la plus distinguée.

« Le ministre de la guerre, (Signé) Baron Chazal »

M. Coomans m'a fait l'honneur de me répondre :

« Monsieur le ministre,

« En réponse à votre lettre du 12, j'ai l'honneur de vous affirmer derechef que le fait que j'ai produit incidemment à la Chambre sur le témoignage d'un capitaine en activité de service, est conforme à la vérité ; je n'hésiterais pas à citer des noms propres, si je ne craignais de (page 763) paraître abuser d'une confidence. Da reste, ce fait importe peu, car il n'est pas isolé, et si vous voulez bien m'honorer d'une interpellation devant la Chambre, j'en citerai plusieurs du même genre qui, m'étant presque personnels, pourront être publiés sans inconvénient, sous ma seule responsabilité. J'ai eu plusieurs fois l'occasion de constater que des militaires de toute catégorie n'ont pas obtenu la permission de se rendre auprès de leurs parents malades.

« Cependant, M. le ministre, je suis convaincu que vous désapprouvez cet abus, et que vous en empêcherez la reproduction. La déclaration que vous avez bien voulu me faire à cet égard me satisfait pleinement, et je vous prie d'agréer l'expression de mes remerciements ainsi que celle de ma considération la plus distinguée. »

Je ne sais si j'ai le droit d'adresser des interpellations à l'honorable M. Coomans. Je lui reconnais ce droit vis-à-vis de moi ; mais je lui demanderai cependant de me faire connaître le nom de ces miliciens qui n'ont pas obtenu de congés, afin que je puisse rectifier les faits.

Je n'ai entretenu la Chambre de cette affaire que parce que j'étais convaincu que, s'il reconnaissait s'être trompé, M. Coomans m'aiderait à rétablir la vérité.

M. Coomans. - J'ai hâte de m'expliquer sans préambule aucun sur le fait personnel que m'impute l'honorable ministre de la guerre.

Le fait que j'ai allégué devant la Chambre est vrai, parfaitement vrai ; il s'est passé dans les circonstances que je vais dire.

M. Dolezµ. - Faites comme M. le ministre de la guerre ; produisez des pièces.

M. Coomans. - Aucun de vous ne s'étonnera du refus que je maintiens de faire connaître le nom...

- Voix à gauche. - Si, si.

M. de Moorµ. - C'est un scandale, c'est une indignité !

M. Coomans. - Cette interruption est une indignité. Veuillez réécouter avant de protester. J'espère qu'aucun de vous ne s'étonnera du refus que je maintiens de faire connaître l'auteur des renseignements dont j'ai signalé le résumé à la Chambre.

- Une voix. - Mais le numéro du régiment ?

M. Coomans. - Un capitaine en activité de service...

M. de Moorµ. - De quel régiment ?

M. Coomans. - Un capitaine en activité de service m'écrit qu'un de ses hommes n'a pas obtenu l'autorisation d'aller visiter son père malade et que ce même homme a reçu, peu de temps après, l'autorisation de partir pour le Mexique.

- Voix à gauche. - Les pièces !

M. Coomans. - J'ai demandé des renseignements à ce capitaine qui, s'il n'eût été mon ami, n'aurait pas pris l'initiative d'une pareille révélation.

Il me répond très catégoriquement en me donnant le nom du jeune homme qui n'a pas obtenu le congé qu'il demandait. (Interruption.) Je m'abouche avec ce capitaine, je lui demande l'autorisation de publier le fait ; il me répond :

« C'est à moi que le congé a été demandé ; j'ai transmis la demande à mon supérieur, qui m'a dit que le jeune homme allait être libéré sous peu et qu'il serait temps assez alors de retourner chez lui. J'ai fait observer à mon supérieur que ce refus était bien dur, il m'a fermé la bouche.

« Maintenant, ajouta-t-il, il est vraisemblable que si vous publiez le nom du milicien, je serai victime de cette indiscrétion. »

C'est pour cela que j'ai refusé de faire connaître le nom de ce capitaine à M. le ministre de la guerre et, je le répète, j'espère qu'aucun de vous ne s'étonnera de mon refus.

- Voix à gauche. - Si ! si !

- Voix à droite. - Non ! non !

M. Coomans. - Le même capitaine se plaint vivement, trop vivement peut-être de ce qu'il appelle les injustices commises à son égard. Il est mal vu de son supérieur et j'irais le nommer ? Ce serait évidemment le perdre.

J'affirme sur l'honneur ce que je viens de dire ; j'ai un écrit du capitaine, je connais le milicien ; j'ai parlé à l'un et à l'autre ; la Chambre appréciera et le pays aussi.

M. Mullerµ. - Vous ne deviez pas produire le fait à la Chambre si vous ne vouliez pas citer les noms.

M. Coomans. - Je ne reçois pas de leçon ici et moins de vous que de tout autre.

Vous voulez faire dévier le débat ; vous m'avez fait reculer tout à l’'heure jusqu'au commencement du XIVème siècle, à la bataille des Eperons d'or ; je pourrais prouver à M. le ministre qu'il se trompe en m'attribuant l'opinion qu'il y avait des armées permanentes en Belgique en 1301, alors que j'ai fait un grief à Charles le Téméraire de les avoir inventées vers 1475. J'ai parlé de cette chevalerie féodale en permanence sous les armes, et j'ai dit que cette chevalerie permanente avait été défaite par des troupes non permanentes, par les bourgeois de nos magnifiques communes belges. Mais je n'ai, pas dit qu'il y avait des armées permanentes en Belgique en 1301. C'est là un écart d'imagination de M. le ministre. Il faut être bien pauvre d'arguments pour m'opposer celui-1à.

Et puis, on m'entraîne vers la citadelle du Nord. Nous avons, paraît-il, inventé l'affaire du Mexique parce que l'affaire de la citadelle du Nord était usée ; et, dans l'une et l'autre de ces affaires, nous avons usé et abusé des meetings.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Il est vrai que dans l'une et l'autre on a usé de dissimulation avec les Chambres, en leur cachant la réalité des choses. L'une et l'autre ont cela de commun, mais cela seulement.

Je proteste contre la flétrissure que M. le baron Chazal a essayé de jeter sur les meetings et sur l'un des honorables et courageux organisateurs des meetings.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - II n'a pas flétri les meetings.

M. Coomans. - Je dis, moi, que, sous un régime de représentation privilégiée comme le nôtre, sous le régime du suffrage restreint et privilégié d'où sont sorties les Chambres, il importe, dans un pays libre, qu'il y ait des meetings.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Il n'a pas flétri les meetings.

M. Coomans. - Je les considère comme le complément indispensable de notre organisation politique, et je plaindrais le pays s'il en était réduit à nos Chambres et à notre gouvernement (interruption) pour la défense de ses intérêts, de ses droits et de ses meilleures aspirations.

Le droit de faire de la politique est celui de tous les citoyens belges, sans distinction da cens ; et quand ils se réunissent en meeting, ils usent d'un droit et je crois qu'en ce moment c'est véritablement l'accomplissement d'un devoir.

Du reste, la plupart des griefs allégués dans le dernier meeting, auquel je regrette de n'avoir pu assister, sont parfaitement fondés ; je vais le démontrer.

Messieurs, je conçois que nous puissions différer d'avis, par des raisons diverses, sur l'utilité, sur l'opportunité, sur la légitimité de notre expédition militaire au Mexique.

Je conçois que les uns l'approuvent et l'admirent, que les autres la blâment et la condamnent, mais nous devrions tous être unanimes sur un point essentiel, à savoir qu'il importe, dans un pays libre, que le gouvernement dise toujours la vérité aux Chambres et à la nation, (Interruption.)

M. de Moorµ. - Et les représentants aussi.

M. Coomans. - S'il vous plaît ? Je n'ai pas compris.

M. de Moorµ. - Je dis : et les représentants aussi.

M. Coomans. - C'est ce que vous ferez bien de faire. (Interruption.)

M. de Moorµ. - Commencez d'abord ; votre observation ne me touche pas.

M. Coomans. - Si. Il importe, je le répète, que le gouvernement dise toujours la vérité aux Chambres et à la nation et qu'il ne leur cache rien de ce qu'elles ont le droit de savoir pour qu'elles puissent se prononcer toujours en parfaite connaissance de cause.

Or, messieurs, il est vrai, lumineusement vrai que, dans cette longue et déplorable affaire du Mexique, le gouvernement n'a pas dit la vérité aux Chambres, que les Chambres n'ont pas su ce qu'elles avaient le droit de savoir et que nous avons dû arracher un à un les faits au gouvernement.

Veuillez-vous-le rappeler, messieurs, dans le principe, on nous affirmait que le gouvernement était resté absolument étranger à l'organisation de la légion belge-mexicaine, qu'il ne l'avait nullement favorisée, qu'il n'avait pas même donné des autorisations pour servir au Mexique.

- Voix au banc de MM. les ministres. - Ah ! Ah !

M. Coomans. - C'est au Moniteur. Vous avez dit que vous aviez accordé à des soldats arrivés au terme de leur service des congés pour en disposer comme ils l'entendaient, pour faire tout ce qu'ils voulaient.

L'honorable M. Vandenpeereboom a même dit : « Je n'avais pas à m'occuper de ce que feraient les congédiés ; il pouvaient faire ce qu'ils voulaient. Le titulaire du portefeuille du département de la guerre étant absent, j'ai accordé ces congés sans m'enquérir de l'usage qu'en feraient ceux qui les obtenaient. »

(page ) Voilà ce que nous a dit l'honorable ministre de l'intérieur et M. le ministre de la guerre vient de prouver, comme l'avait du reste fait hier déjà l'honorable M. Delaet, que les congédiés étaient tellement destinés au Mexique qu'on ne leur accordait l'autorisation légale qu'après le départ.

C'était donc bien pour le Mexique qu'on les congédiait. Cela est tellement vrai que lorsque les congédiés ne s'embarquaient pas pour le Mexique on ne leur maintenait pas leur congé et ils étaient qualifiés de déserteurs et arrêtés comme tels. (Interruption.)

Ceci confirme parfaitement ce que, du reste, nous savions déjà, à savoir que des sous-officiers en activité de service ont conduit à Audenarde les congédiés belges et les ont escortés, défrayés de leur voyage et ne les ont guère quittés jusqu'au moment de leur embarquement.

On nous disait que le gouvernement belge n'avait pas accordé à la légion belge-mexicaine la caserne d'Audenarde, que ce bâtiment appartenant à la ville même, celle-ci pouvait seule en disposer. On nous disait à cette époque qu'aucun bâtiment appartenant à l'Etat n'avait été mis à la disposition de la légion. Or deux bâtiments de l'Etat ont été livrés à la légion ; cela est constaté aujourd'hui, contrairement aux allégations formelles des ministres. On s'est récrié à tort contre le simple soupçon d'une telle faveur. On ne nous a pas dit non plus que le gouvernement avait mis à la disposition de la légion mexicaine des infirmiers du département de la guerre. Et cependant rien n'est plus vrai : des infirmiers en pleine activité de service ont été détachés de leurs garnisons, envoyés à Audenarde et mis au service du chef de la légion mexicaine.

Messieurs, je m'empresse de protester - je dois employer ce mot - contre l'expression d'infamie dont s'est servi M. le ministre de la guerre en faisant une allusion très personnelle au discours de mon honorable ami, M. Delaet. Mon honorable ami a insinué (interruption) et il s'est borné à insinuer, parce que, s'il avait eu la pleine certitude du fait, il n'eût pas hésité à l'affirmer, car personne ici, je pense, ne lui reprochera de manquer de cœur ; il a donc insinué que peut-être on n'était pas fâché d'augmenter par des déserteurs le chiffre de la légion mexicaine en paraissant diminuer le nombre des autorisations. (Interruption.)

Eh bien, cette insinuation, je suis très tenté de la transformer en affirmation (interruption) et je vais citer des faits qui, peut-être, vous feront partager ma manière de voir, ou tout au moins mes doutes.

Le sergent-major Leys (citons des noms, cette fois, puisque nous ne compromettons personne), de la 5ème compagnie, 3ème bataillon, et le sergent Du Parque, de la 2ème compagnie, 2ème bataillon du 6ème régiment de ligne en garnison à Ypres, tous deux volontaires, ont obtenu chacun un congé de deux jours le 12 décembre dernier (je lis ces détails dans une lettre).

Le 14 du même mois, ces deux sous-officiers partaient d'Audenarde sans autorisation quelconque pour le Mexique avec le 3ème détachement de la légion belge-mexicaine sous les ordres du capitaine Tydgat. Le 14 décembre, le même jour par conséquent, ils étaient portés manquants et le 11 janvier on les rayait du contrôle comme déserteurs. Mais le 14 janvier 1865, il fut mis à l'ordre journalier de ce régiment que par disposition du 12 janvier, 2ème division, n°165, M. le ministre de la guerre autorisait le licenciement par anticipation à la date du 15 décembre 1864 du sergent-major Leys et du sergent Du Parque précités.

Ces messieurs sont bien déserteurs, tellement déserteurs qu'ils sont portés comme tels sur toutes les paperasses dont est venu vous entretenir M. le ministre de la guerre.

Maïs, chose étrange, ces déserteurs sont l'objet d'une faveur spéciale ; car l'honorable ministre de la guerre autorise par anticipation leur engagement à la date du 15 décembre. Il y a là encore un effet rétroactif. Ces déserteurs ne sont plus des déserteurs ! Ils ont bien mérité de la Belgique et surtout du Mexique. J'ajoute qu'ils ne figurent pas aux annexes des arrêtés royaux. Ils ont donc perdu leur qualité de Belges.

Voilà un fait que je livre à vos méditations. J'ai cité assez de circonstances pour mettre sur la voie l'honorable ministre de la guerre.

Il me serait assez difficile d'affirmer personnellement des choses que je n'ai pas vues ; mais quand des renseignements pareils me sont fournis par des hommes que je connais et d'un caractère parfaitement honorable, je crois pouvoir les produire devant la Chambre.

Voici encore un autre fait que je ne puis pas non plus garantir personnellement et qui reste dans le même ordre d'idées.

Dans un régiment de la capitale... (Interruption.)

- Un membre. - Lequel ?

M. Coomans. - Dans le régiment des guides. On a lu le livre d'ordres, rappelant la radiation de quatre volontaires considérés comme déserteurs. Or, ils étaient si peu déserteurs qu'ils se trouvaient dans la caserne, en train de faire leurs adieux à leurs anciens camarades, au moment où on a lu le livre d'ordres, avec cette sentence.

J'ai encore ici cinq autres lettres du même genre ; je m'abstiendrai de les lire pour abréger ; mais beaucoup de faits concordent dans le même sens, c'est-à-dire qu'on a donné des congés, pour aller se promener et faire tout ce qu'on voulait pendant un certain nombre de jours, à des soldats qui, ainsi que l'a dit M. le ministre de la guerre, et je l'admets pleinement, avaient la ferme intention de s'engager pour le Mexique. On préférait ne pas donner des autorisations tout de suite, parce qu'alors il y avait un moyen de coercition contre ces soldats, car s'ils ne partaient pas pour le Mexique, ils étaient déserteurs ; et s'ils parlaient pour le Mexique, ils avaient la ressource d'un arrêté ministériel qui, pris anticipativement, leur accordait des congés pour le Mexique.

Voilà les faits ; on ne pourra les nier ; car si, comme l'a cru l'honorable ministre de l'intérieur, on s'était borné à donner des congés pour faire tout ce qu'ils voulaient, à ces soldats encore en activité de service, je doute qu'il y en eût beaucoup qui seraient partis pour le Mexique. Mais ce que M. le ministre de l'intérieur avait affirmé, très loyalement, n'était pas vrai : on n'a pas donné de congés pour faire tout ce qu'on voulait. Qu'on me montre une seule disposition officielle conçue dans ce sens ; pour moi, je n'en connais pas. : on a toujours donné des congés pour le Mexique, et la preuve est fournie par les arrêtés royaux.

MjTµ. - Cela n'est pas exact.

M. Coomans.—Ce qui n'est pas exact, c'est qu'il y ait eu congés pour tout faire. Or, MM. les ministres avaient prétendu cela.

Messieurs, permettez-moi de vous faire remarquer qu'on a été réellement bien bon pour tous les soldats qui demandaient l'autorisation de partir pour le Mexique, attendu que cette autorisation a été accordée à des hommes qui n'étaient sous les armes que depuis deux ans, à des volontaires qui avaient un long terme à parfaire, et même à des remplaçants qui avaient huit années à servir. On a donné, je pense, des congés à peu près à tous ceux qui en ont demandé. Car de deux choses l'une : ou c'était un bon sujet qui demandait le congé, et alors, d'après l'honorable ministre de la guerre, il fallait lui accorder le congé comme une récompense ; ou bien, c'était un mauvais sujet qui faisait la demande ; et alors d'après les officiers supérieurs de l'armée, on devait se montrer plus empressé encore d'accorder le congé, afin qu'on pût se défaire de ce mauvais sujet-là.

Mais on a été excessivement sévère pour d'autres. Quand on demandait un congé pour aller au Mexique, on était servi sur l'heure ; mais quand on demandait un congé pour aller servir son père ou sa mère, on ne l'obtenait pas ; en voici encore une preuve.

Messieurs, savez-vous que nous avons en Belgique des miliciens qui doivent servir sans interruption pendant 5 ans ? Ce sont les miliciens incorporés dans les armes spéciales, notamment dans la cavalerie ; c'est rude de devoir servir pendant 5 ans, alors que d'autres ne servent que deux ans ; injustice criante, violation de la justice distributive !

Mais pourquoi un homme qui a servi pendant cinq ans son pays gratuitement et qui demande un congé pour aller gagner le pain de sa famille, de ses parents malades et pauvres, se voit-il refuser ce congé ? Je trouve qu'il faudrait faire quelque chose de plus pour les Belges que pour les étrangers. Favorisez l'empereur du Mexique, sans nous faire tort, je ne m'y opposerai guère ; mais faites quelque chose pour nos malheureux pères de famille que vous faites succomber souvent sous l'impôt du sang.

Voici une preuve du mauvais vouloir que l'on montre, quand il s'agit d'accorder des congés aux soldats qui veulent aller soigner leurs parents :

Je lis textuellement une lettre du 18 mars :

« Monsieur Coomans,

« Permettez au plus humble de vos serviteurs, Jean Inslegers, commissionnaire public à Anvers, rue des Images, n°219, de vous exposer que vainement il s'est adressé au département de la guerre pour réclamer son fils, Léopold Inslegers, soldat au dépôt du 1er régiment de lanciers à Tirlemont. Soldat milicien de 1860, il sert depuis un an au-dessus du temps fixé pour les miliciens incorporés dans la cavalerie. Il n'a pas de dette à sa masse, il est l'aîné de sept enfants en bas âge, et peut, par conséquent, être d'une grande utilité dans sa famille, en travaillant de concert avec le père soussigné pour l'entretien de ses frères et sœurs incapables, etc. »

Voilà un homme qui sert depuis cinq ans, qui n'obtient pas de congé. Mais voulez-vous aller servir l'empereur du Mexique, vous aurez un congé sur l'heure ! Désertez-vous pour cet empereur, vous serez innocenté !

(page 765) Et est-ce l'honorable ministre de la guerre seul qui se prête aux actes de faveur dont je me plains ? Non. Je crois que tous les ministres sont parfaitement solidaires en cette affaire. Ainsi, M. le ministre de la justice, qui ne m'écoute pas, est aussi intervenu très activement en faveur de la légion belge-mexicaine, et en voici la preuve.

Six légionnaires d'Audenarde se rendent un jour à Renaix et s'y livrent à des exploits tels que, par jugement du 3 décembre 1864, ils sont condamnés pour coups, blessures, bris de clôture, etc., après avoir été tous arrêtés préventivement :

Van Kerchove, Oscar, à deux mois de prison.

Marchand, Michel, à six mois de prison.

Malfait, Jean, à trois mois.

Deroa, François, à quatre mois.

Hanssens, Pierre-Félix, à 4 mois.

Deruy, Jean-Baptiste, à un an de prison.

Voilà six condamnés qui ne sont pas la fleur des pois de l'armée belge ni de l'armée mexicaine.

Que fait le gouvernement ? Il leur demande s'ils ont l'intention de partir pour le Mexique.

lis étaient incorporés dans la légion d'Audenarde.

MjTµ. - C'est d'abord complètement faux.

M. Coomans. - Je suppose que le complètement faux de M. le ministre porte sur cette allégation que le gouvernement avait demandé s'ils avaient l'intention de partir pour le Mexique.

MjTµ. - Précisément.

M. Coomans. - Cela est possible. Quand je dis le gouvernement, c'est un agent quelconque de l'autorité.

MjTµ. - C'est faux, je nie.

M. Coomans. - Soit, mettons que cela est faux... (Interruption.) Le gouvernement ne fait rien demander du tout. Aucun agent de l'Etat ne fait rien demander du tout ; je l'accorde à l'honorable ministre.

Mais on (je ne sais qui), on avertit ces six hommes qu'ils seront graciés, s'ils s'embarquent pour le Mexique et qu'ils ne seront pas graciés s'il ne partent pas.

Cela est complètement faux, dit l'honorable ministre de la justice. Eh bien, soit! (Interruption.) Je relève le démenti de l'honorable ministre pour être sûr qu'il sera consigné au Moniteur.

MjTµ. - Parfaitement.

M. Coomans. - Mais il se trouve que sur ces six condamnés, il y en a cinq qui déclarent qu'ils veulent partir, et que le sixième, le moins coupable, le seul qui soit condamné à deux mois seulement déclare qu'il aime mieux la prison que le Mexique. Eh bien, des arrêtés royaux gracient les uns qui partent et qui sont partis pour le Mexique, les plus coupables ; et celui qui est condamné seulement à deux mois, qui ne veut pas partir pour le Mexique, reste en prison et parfait sa peine.

MjTµ. - Je demande la parole. La Chambre veut-elle me permettre de dire un mot ?

M. Coomans. - Oui! oui!

MjTµ. - D'un mot, j'expliquerai toute cette affaire.

Comme pour toutes les requêtes en grâce, il y a eu des propositions du parquet qui ont été examinées par le département de la justice et transmises au Roi. Ce n'est qu'après la signature de Sa Majesté que j'ai vu qu'il s'agissait d'individus qui s'étaient enrôlés pour le Mexique.

Quant au fait indiqué par l'honorable M. Coomans, je sais parfaitement qu'aucun agent n'a pu se livrer aux investigations dont parle l'honorable membre, ni n'a demandé aux individus dont il s'agit s'ils voulaient partir pour le Mexique.

L'honorable M. Coomans énonce aujourd'hui ce fait que l'un de ces individus n'aurait pas été gracié. Je ne dénie pas le fait, parce que je ne suis pas renseigné ; mais je ne le crois pas ; je veux vérifier.

Voilà ce que j'ai à répondre. Le gouvernement a agi dans cette circonstance comme il le fait toujours : il a transmis à la signature de Sa Majesté les propositions qui lui étaient arrivées du parquet.

M. Coomans. - L'honorable ministre de la justice se trompe fort s'il croit que j'ai l'intention de l'accuser d'avoir un amour exagéré pour l'expédition du Mexique. Je crois qu'il ne l'aime guère, et j’admets que M. le ministre n'ait pas connu les faits dont je parle. J'espère qu'il doit se déclarer satisfait de mon langage. Mais comment expliquera-t-il pourtant cette coïncidence, ce hasard étrange que, sur six condamnés, on n'en retient qu'un en prison, le moins coupable et celui qui refuse de partir pour le Mexique ?

MjTµ. - Reste à vérifier.

M. Coomans. - Tandis que celui-là même qui est condamné à un an, est gracié très peu de jours après le jugement.

M. Lelièvre. - Celui qui n'a pas été gracié, avait-il demandé sa grâce ?

M. Coomans. - Je suppose que l'honorable M. Lelièvre qui m'interrompt connaît bien moins encore les faits que l'honorable ministre de la justice.

Il y a quelqu'un qui a signé ces arrêtés ; c'est l’honorable ministre de la justice. En connaît-il l'histoire intime ? Peut-être non. Mais nous qui ne sommes pas initiés à tous ces arcanes, ne pouvons-nous pas trouver étrange une pareille coïncidence ? (Interruption.)

MjTµ. - Je demanderai à l'honorable M. Coomans s'il peut affirmer que cet individu ait demandé sa grâce ?

M. Coomans. - Je demanderai à M. le ministre de la justice s'il peut affirmer que les cinq autres ont demandé leur grâce ?

MjTµ. - Evidemment. Sans cela, le parquet n'aurait pas pu statuer.

M. Coomans. - Mon honorable collègue M. Debaets me dit qu'on accorde des grâces d'office. (Nouvelle interruption.)

M. Nothomb. - Très souvent.

M. Coomans. - C'est ce que je croyais aussi.

MjTµ. - Jamais.

MpVµ. - Je demande qu'on laisse continuer l'orateur sans l'interrompre.

M. Royer de Behr. - C'est de la conversation.

M. Coomans. - Dans tous les cas, il y avait lieu de faire une exception à la prétendue règle affirmée par M. le ministre de la justice, ne fût-ce qu'enfin de ne pas laisser croire par le public que l'on montrait une prédilection toute particulière pour les Belges disposés à partir pour le Mexique

Tout ce que j'ai voulu prouver, c'est qu'ils sont sortis de prison immédiatement après le jugement, puisqu'ils sont partis pour le Mexique, et que celui qui n'a pas voulu partir a achevé sa peine. Vous expliquerez cela comme vous voudrez. Le public en pensera ce qu'il voudra et moi aussi. (Nouvelle interruption.)

MpVµ. - J'ai demandé de ne pas interrompre. La parole est à M. Coomans.

M. Coomans. - Je ne demande pas mieux, M. le président, que d'avoir la parole. Mais on me la prend à chaque instant. Cependant je tâche d'intéresser autant que possible mes auditeurs, on est ingrat. (Interruption.)

Remarquez, messieurs, je vous prie, que d'après les honorables ministres de la guerre et des affaires étrangères, on n'a jamais donné d'autorisation de départ pour le Mexique qu'aux plus méritants. Oh! il fallait encourager les militaires modèles, et quand ils se comportaient bien, il fallait leur donner en récompense ce voyage au Mexique ? Mais voilà des condamnés que vous envoyez au Mexique ! Et nous savons que des certificats de bonne conduite ont été refusés par les autorités militaires même à des engagés mexicains ! Il y a là un ensemble de contradictions fort audacieuses.

Messieurs, je ne ferai qu'effleurer certains faits qui mériteraient de longs développements, mais je ne veux pas abuser de l'attention de la Chambre.

Le gouvernement belge a fourni des bâtiments de l'Etat à la légion mexicaine, il lui a fourni des fusils, on m'a même dit que ces fusils sortaient des arsenaux d'Anvers ; il leur a donné de l'argent, puisqu'on a payé le chemin de fer à beaucoup d'hommes enrôlés ; il a prêté son concours con amore chaque fois que ce concours était nécessaire ou simplement utile. Le 8 août dernier un jury a siégé au quartier du régiment des grenadiers à Bruxelles, à l'effet de choisir des musiciens pour la légion mexicaine.

Je me bornerai ici, messieurs, à faire une allusion, à poser une question délicate à l'honorable ministre des affaires étrangères de préférence. Je voudrais lui demander si un diplomate belge en pleine activité de service ne s'est pas mis en rapport avec l'empereur Maximilien et avec ses agents tant à Miramar qu'à Paris pour arriver à la rédaction d'une convention concernant l'expédition mexicaine. J'ai lieu de croire que cela est vrai. L'honorable ministre s'expliquera, s'il le juge convenable, mais si la convention existe, je serais très curieux de la lire.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Et moi aussi.

M. Coomans. - L'honorable ministre de la guerre a beaucoup insisté sur les formalités minutieuses qu'il avait prescrites pour empêcher (page 766) que des mineurs ne fussent enrôles à l’insu de leurs parents et pour empêcher que. des déserteurs ne fussent engagés ; il résulte de tous les faits avancés par l’honorable ministre, que ses instructions ont été bien mal observées, attendu que des mineurs ont été enrôlés ainsi que des déserteurs, et cela sans aucune opposition de l'autorité.

Je voudrais savoir encore, je conviens que je suis fort indiscret, voudrais savoir comment il s'est fait que les chefs de la légion d'Audenarde ont pu si facilement enrôler des mineurs et des déserteurs.

Le gouvernement court après ce malheureux Crimmers dans toute Belgique, il frappe à toutes les portes, excepté à celle derrière laquelle pouvait supposer qu'il était caché. C'est à Audenarde que Crimmers se trouve et il y est enrôlé. Mais pourquoi les chefs de l'expédition n'ont ils pas exigé la preuve que Crimmers avait reçu l'autorisation de son père et qu'il avait reçu son congé ? Pourquoi ces chefs ne se sont-ils pas montrés plus fidèles à leur devoir ?

Le premier déserteur venu est accueilli. Oh! toutes les précautions sont prises sur le papier, mais elt s n'existent pas dans la réalité des faits. Je demande formellement à l'honorable ministre comment les chefs d'Audenarde ont pu violer si audacieusement tous leurs devoirs envers le gouvernement belge et envers les familles belges, envers les lois du pays qui leur prodiguait des trésors d'hospitalité ?

Mon honorable ami M. Van Overloop a posé une question fort importante, à laquelle on n'a pas encore répondu. Il a demandé si les enrôlés non militaires avaient enfin reçu l'autorisation de servir au Mexique.

Messieurs, il serait inique de refuser cette autorisation aux bourgeois quand on l'accorde aux militaires et, pour le dire en passant, n'est-il pas étrange que l'honorable ministre de la guerre mette toute l'armée belge à la disposition des recruteurs étrangers ? Nous devions, nous a-t-il dit, favoriser cette expédition, nous devions fournir aux chefs d'Audenarde le moyen de contrôler la moralité de nos soldats, parce qu'ils voulaient se procurer ces soldats ; mais je ne vois pas la nécessité pour le gouvernement d'ouvrir tous les régiments belges à des racoleurs étrangers. Le gouvernement pouvait dire qu'il n'entendait pas que les militaires belges prissent service à l'étranger ; alors il n'y avait aucune de ces précautions à prendre et la légion belge se serait formée d'éléments purement civils.

J'ai une question grave à adresser à l'honorable ministre de l'intérieur. Les volontaires belges servant à titre de volontaires et admis dans la légion mexicaine ont été rayés de l'effectif de l'armée belge ; la même disposition n'a pas été prise pour les miliciens, qui sont seulement détachés au Mexique. (Interruption.) Ils font encore partis de l'armée belge.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Ils font partie de l'armée belge.

M. Coomans. - D'après notre législation sur la milice, le volontaire belge qui achève son temps de service exempte son frère... (Interruption.)

Mais à la condition d'avoir parfait son temps de service.

Or, je demande à l'honorable ministre pourquoi, au nom du gouvernement entier, sans doute, il vient de prendre la grave mesure d'avertir les autorités compétentes que les volontaires partis pour le Mexique n'exempteront plus leur frère. J'engage l'honorable ministre à bien réfléchir avant de répondre, car je suis parfaitement renseigné sur ce point.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Très mal renseigné.

M. Coomans. - Je demanderai qu'on veuille bien me donner à ce sujet quelques éclaircissements.

S'il était vrai que la faveur accordée au gouvernement mexicain en ce qui concerne les volontaires belges, eût pour conséquence d'obliger un certain nombre de Belges à servir a leur place, avouez que cette faveur serait injuste, qu'elle serait inique.

Or, j'ai lieu de croire qu'on oblige aujourd'hui le frère d'un volontaire parti pour le Mexique à servir au cas où il tirerait un mauvais numéro. (Interruption.)

MpVµ. - Pas d'interruption. Vous avez la parole, M. Coomans.

M. Coomans. - Vous faites bien de le rappeler, M. le président.

Autre fait. Des volontaires de l'armée belge partis pour le Mexique, avec l'autorisation royale, out été incorporés dans l'armée belge comme miliciens parce que les certificats nécessaires n'avaient pas été produits ; il y aura là une perte pour l'effectif da l'armée et la conséquence en sera que quelque pauvre diable sera maintenu sous les armes plus longtemps qu'il ne l’aurait été sans cette circonstance. Sur ce fait encore, il importe que nous obtenions quelques éclaircissements de M. le ministre.

Un mot encore au sujet de Crimmers.

L'honorable ministre de la guerre m'endosse l'affaire Crimmers : c'est moi qui suis le coupable, c'est moi qui ai affirmé que Crimmers avait reçu un congé pour le Mexique. Il n'en est rien.

Lors de ma première interpellation, j'ai demandé dos explications à M. le ministre de la guerre au sujet du jeune Crimmers ; j'ai demandé s'il était vrai que le jeune Crimmers avait reçu l'autorisation de partir pour le Mexique sans le consentement de son père, et l'honorable ministre m'a répondu qu'il avait donné à Crimmers un congé pour faire ce qu'il voulait.

Mais il reste toujours, dans l'affaire Crimmers, ce côté grave d'un mineur enrôlé pour l'étranger avec l'assentiment du gouvernement.

- Voix à gauche. - Du tout, du tout.

M. Coomans. - J'explique le mot « assentiment du gouvernement » en ce sens que la légion mexicaine s'organisait avec l'assentiment du gouvernement.

- Voix à gauche. - Non, non.

M. Coomans. - Le jeune Crimmers a été enrôlé par des hommes favorisés par le gouvernement. Eh bien, je demande comment les organisateurs de la légion d'Audenarde ont pu enrôler ce mineur et d'autres. Car il en est d'autres ; il y a notamment le jeune homme. (Interruption.) J'ai entendu hier avec regret M. de Brouckere faire des plaisanteries sur le sort de ce jeune homme parti pour le Mexique sans l'autorisation de son père, fait dont se plaint son grand-père, il n'y a pas là sujet à plaisanterie.

Quoi ! une légion étrangère enrôle un mineur sans l'autorisation de son père ; le père est fonctionnaire public, il s'exagère peut-être les dangers d'une réclamation, il se tait et le grand-père réclame pour lui ; cela est parfaitement sérieux, parfaitement respectable.

M. de Brouckere. - Le grand-père ne s'est pas plaint.

M. Coomans. - Il s'est plaint.

M. Delaetµ. - Le grand-père se plaint et le père aussi.

M. de Brouckere. - Le père ne s'est pas plaint.

M. Delaetµ. - Sous un régime de liberté il n'a pas osé !

MfFOµ. - Il aime mieux sa place que son fils.

M. Coomans. - J'ai encore une douzaine de faits à signaler, mais j'ai une telle confiance dans la valeur de ceux que je vous ai soumis que je m'y rapporte pour le moment, en attendant des explications qui, je le crains, ne me seront pas données. Il y a parti pris d'étouffer tout cela.

Je voudrais que la Chambre, reconnaissant qu'elle a été induite en erreur et qu'il y va de la dignité parlementaire et des pins grands intérêts du pays, exprimât le regret que le gouvernement ne soit pas resté absolument étranger à l'expédition du Mexique.

MpVµ. - M. le ministre de la guerre a fait parvenir au bureau les pièces constatant la désertion du sergent Stuckens et du caporal Crimmers.

M. Giroulµ. - Je ne suivrai pas l'honorable M. Coomans dans les longs détails dont il a entretenu la Chambre ; je me bornerai simplement à lui faire remarquer que son discours manque de conclusion ; je constate que jusqu'à ce moment il n'a produit aucune espèce de proposition et que nous en sommes toujours à discuter sur des explications sans savoir si nous aurons un vote à émettre.

Je crois que la question dont nous nous occupons peut être ramenée à des termes excessivement simples. Quelle est la législation de la Belgique en ce qui concerne les citoyens qui prennent un engagement à l'étranger ? Aux termes de l'article 21 du Code civil, ils perdent la qualité de Belge ; cette pénalité peut être levée par l'autorité royale pour des raisons dont elle seule est juge.

M. Van Overloopµ. - Le Roi n'a pas ce pouvoir.

M. Giroulµ. - Le Roi peut empêcher l'application de la peine en autorisant préalablement ce citoyen à prendre du service à l'étranger.

Eh bien, lors de la discussion qui a surgi à propos de l'expédition mexicaine, pour la première fois dans cette enceinte en septembre 1864, quel est le sentiment qui s'est manifesté ici d'une manière à peu près unanime ? C’est que la législation actuelle était trop sévère ; c'est que la pénalité édictée par l'article 21 du Code civil n'était plus en harmonie avec les libertés qui nous régissent, et qu'il fallut la faire disparaître. Et c'est, messieurs, sur ce vœu exprimé des deux côtés de cette Chambre que qelque temps après, le 21 mars dernier, le gouvernement a déposé un projet de loi tendant à relever les Belges qui prendront désormais du service à l'étranger ou qui sont actuellement dans cette position, de la déchéance prononcée par l'article 21 du Code civil. Ce projet a été envoyé à l'examen des sections, qui l'ont unanimement adopté, et la section centrale, composée de membres appartenant aux (page 767)

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CHAMBR& DES REPRJÎslMTAKTS} 8B1NCK DU 8 AVRIL 18«l.

que des mineurs ne fussent enrô es à 1 insu de leurs parents et pour cm pêcher qn ?. des déserteuis ne fussent engagés ; il résulte de tous les fait» avancés pari honorable ministre, que ses instructions ont été bien mal observées, attendu que des mineurs ont été enrôlés ainsi que des déser leurs, et cela sans aucune opposition de l'autorité.

Je voudrais savoir encore, je conviens que je suis fort indiscret, voudrais savoir comment il s'est fait qu-j les chefs de la légion d'Aude narde ont pu si facilement enrôler des mineurs et des déserteurs.

Le {gouvernement court après ce malheureux Crimmers dans toute Belgique, il frappe à toutes les portes, excepté à celle derrière laquelle pouvait supposer qu'il était caché. C'est à Audenardc que Crimmers se trouve et il y est enrôlé. Mais pourquoi les chefs de l'expédition n'ont ils pjs exigé la preuve que Crimmers avait reçu l'au'orisation de son père et qu'il avait reçu son congé ? Pourquoi ces chefs ne se sont-ils pas mon très plus fidèles à leur devoir ?

Le premier déserteur venu est tccueilh ' Oh! toutes les précautions sont prises sur le papier, mais elt s n'existent pas dans la réalité des faits. Je demande formellement à l'honorable ministre comment les chefs d'Audenarde ont pu violer si audacieusement tous leurs devoirs envers le gouvernement belge et envers les familles belges, envers Icî lois du pays qui leur prodiguait des trésors d'hospitalité ?

Mon honorable ami M. Van Overloop a posé une question fort impir tante, à laquelle on n'a pas encore répondu. Il a demandé si les enrôlés non militaires avaient enfin reçu l'autorisation de «ervir au Mexique.

Messieurs, il serait inique de refuser cette autorisation aux bourgeois quand on l'accorde aux militaires et, pour le dire en passant, n'est-il pas étrange que l'honorable ministre de la guerre mette toute l'armée belge à la disposition des recruteurs étrangers ? Nous devions, nous a-t-il dit, favoriser cette expédition, nous devions fournir aux chefs d'Audeuarde le moyen de contrôler la moralité de nos'soldats, parce qu'ils voulaient se procurer ces soldats ; mais je ne vois pas la nécessité pour le gouver nemer.t,l'ouvrir tous les régiments belges à des racoleurs étrangers Le gouvernement pouvait dire qu'il n'enteudait pas que les militaires belges pri sent service à l'étranger ; alors il n'y avait aucune de ces pré cautions a prendre et la légion belge se serait formée a'éléments pure ment civils.

J'ai «no question grave à adress rà l'honorable ministre de l'intérieur Les volontaires belges strvaut à litre de vo'outaires et adsiis dans la le gion mexicaine ont été rayés d j l'effectif de l'armée b ?'ge ; la même dis posit oa n'a pas été prise pour les milciens, qui sont seulement déta chés au Mexique. (Intermption.) Ils font encore partis de l'armée belge.

\195. A. Vaujïenpccreoooin, ministre de l'intérieur.— Us font partie de l'armie belge.

B2. Coomaus.—D'après notre législation sur la milic, le volontaire b^lge qui achève son temps de service exempte son frère... (Interruption.)

Mais à la condition d'avoir parfait son temps de service.

Or, je demande à l'honorable miuistre pourquoi, au nom du gouvernement entier, sans doute, il vient de pr. ndre la grave mesure d'avertir les autorités compétentes que les volo itaires partis pour le Mexique n'exempteront plus leur frère. J'engage l'honorable ministre à bien ré iléchir avant de répondre, car je suis parfaitement renseigné sur ce point.

M. Alp.Vaudcnpccrcboom, ministre de l'intérieur.—

Très-mal renseigné.

m. Coomans. —Je demanderai qu'on veuille bien me donner à ce sujet quelques éclaircissements.

S'il é'.ait vrai que la faveur accordée au gouvernement mexicain en ce qui concerne les voloataires belges, eût pour conséquence d'obliger un certain tiombrc de Belges à servir a leur place, avouez que cette faveur serait injuste, qu'elle serait inique.

Or, j'ai lieu de croire qu'on oblige aujourd'hui le frère d'un volontaire parti pour le Mexique à servir au cas où it tirerait un mauvais numéro. (Jnterrur.t/on.)

1«. le président. — Pas d'interruption. Vous avez la parole, M. Coomans.

St. Coomans. — Vous faites bien de le rappeler, M. le président.

Autre fait. Des volontaires de l'armée belge partis pour le Mexique, avec l'autorisation royale, out été incorporés dans l'armée belge comme miliciens parce que les ceniticats nécessaires n'avaieut pas été produits ; il y aura là une perte pour l'effectif da l'armée et la conséquence en sera que quelque pi-tvrciuble sera maintenu sous les armes plus longtemps qu'il ne i aurait èth saincute circonstance. Sur ce fait encore, il importe que nous obtenions quelques ée'a resse-nens di M. le ministre.

Un KiOt encaie au sujet de Crirnmen,.

L'honorab'c ministre de la guerre m'endosse l'affairs Crlmours : c'es moi qui suis le coupable, c'est moi qui ai affirmé que Crimmers avait reçu un ongé pour le Mexïq c. Il n'en e»t rien.

Lors de ma première interpellation, j'ai d< mandé dos explications à M. le ministre de la guerre au sujet du jeune Crimmers ; j'ai demandé s'il était vrai que le jeune Crimmers avait r< çu l'autorisation de partir pour le Mexique sans le consentement de son père, et l'honorable ministre m'a répondu qu'il avait donné à Crimmers un congé pour faire ce qu'il voulait.

Mais il reste toujour ?, dans l'affaire Crimmers, ce côté grave d'un mineur enrôlé pour l'étranger avec l'asjentimcnt du gouvernement. Voix a gaucue : Du tout, du tout.

Ml. Coomans. —- J'explique le mot assentiment du gouvernement en ce sens que la légion mexicaine s'organisait avec l'assentiment du gouvernement. Voix a gacciie : Non, non.

M. Coomans. — Le jeune Crimmers a été enrôlé par des hommes

favorisés rar le gouvernement. Eh bien, je demande comment les organisateurs de la légion d'Audenarde ont pu enrô'er ccraiaeur et d'autres. Car il en est d'autres ; il y a notamment le jeune homme. (Interruption.) J'ai entendu hier avec regret M. de Brouckerc faire des plaisanteries sur le sort do ce jeune homme pirti pour le Mexique sans l'autorisation de son père, fait dont se plaint son grand-père, il n'y a pas là sujet à plaisanterie.

Quoi ! une légion étrangère enrôle un mineur sans l'autorisation de son père ; le père est fonctionnaire public, il s'exagère peut-être les dangers d'une réclamation, il se tait et le grand-père réclame pour lui ; cela est parfaitement sérieux, parfaitement respectable. M. de Brouckerc. — Le grand-père ne s'est pas plai .t. M. Coomans. — Il s'est plaint. SI. Dclact. — Le grand-père se plaint et le père aussi. M. de Brouckerc. — Le père ne s'est pas plaint. ML DCtaet. — Sous un régime de liberté il n'a pas osé ! IM. Frère-Ornan, ministre des finances. — 11 aime mieux sa place que son fils.

SI. Coomans. — J'ai encore une douzaine de faits à signaler, mais j'ai une telle confiance dans la valeur de ceux que je vous ai soumis que ,e m'y rapporte pour le moment, en attendant des explications qui, jelo crains, ne me seront pas données. Il y a parti pris d'étouffer tout cela.

Je voudrais que la Chambre, reconnaissant qu'elle a été induite en erreur et qu'il y va de la dignité parlementaire et des pins grands intérêts du pays, exprimât le regret que le gouvernement ne soit pas resté absolument étrarrger à l'expédition du Mexique.

M- le président. — M. le ministre de la guerre a fait parvenir au bureau les pièces constatant la désertion du sergent Stuckjns et du caporal Crimmers.

ML Oironl. — Je ne suivrai pis l'honorable M. Coomans dans les longs détails dont il a entretenu la Chambre ; je me bornerai simplement à lui faire remarquer que son discours manque de conclusion ; je con-sts.te que jusqu'à ce moment il n'a produit aucune espèce de proposition et que nous en sommes toujours à discuter sur des explications sans savoir si nous aurons un vote à émetire.

Je crois que la question dont nous nous occupons peut être ramenée à des termes excessivement simples. Quc'le est la législation de la Belgique en ce qui concerne les citoyens qui prennent un engagement à l'étranger ? Aux termes de l'art. 21 du Code civil, ils perdent la qualité de Belge ; cette pénalité peut être levée par l'autorité royale pour des raisons dont elle seule est juge. M. Vau Overloop.—Le Roi n'a pas ce pouvoir. M. Oironl. — Le Roi peut empêcher l'application delà peine en autorisant préalablement ce citoyen à preudre du service à l'étranger.

Eh bien, lors de la discussion qui a surgi à propos de l'expédition mexicaine, pour la première fois dans cette enceinte en sept ;mbre 1864, quel est le sentiment qui s'est manifesté ici d'nne manière à peu près unanime ? C est que la législation actuelle était trop sévère ; c'est que la pénalité édic-ée par l'art. 21 du Code civil n'était plus en harmonie avec les libertés qui nous régisseni,et qu'il fallut la faire disparaître. Et c'est, messieurs, sur ce vœu exprimé des deux côtés de cette Clumbre que lelque temps après, le21 mars dernier, le gouvernement a déposé un projet de loi tendant à relever les Belges qui prendront désormais du service à l'étranger ou qui sont actuellement dans cette position, de la déchéance prononcée par l'art. 21 du Code civil. Ce projet a été envoyé à l'examen des sections, qui l'ont unanimement adopté, et la section centrale, composée de membres appartenant aux (page 767) deux côtés de la Chambre, l'a également adopté à l'unanimité. Il est donc permis d'espérer qu’elle recevra, quand nous le discuterons publiquement, un accueil également favorable.

Or, messieurs, que reproche-t-on au gouvernement ? Il faut bien le dire, précisément d'avoir anticipé sur le vœu généralement manifesté dans la première discussion relative à l'expédition mexicaine ; d'avoir, autant qu'il était en lui, mis l'article 21 du Code civil en harmonie avec nos institutions. On lui reproche d'avoir, à l'occasion de l'expédition mexicaine, usé de la faculté qui lui appartient incontestablement de relever antérieurement, sur leur demande, ceux qui voudraient servir à l'étranger, de la déchéance de leur qualité de Belge.

Eh bien, je dis, messieurs, que si nous élaguons de la discussion tous les petits détails dans lesquels on l'a noyée, nous devons reconnaître que le gouvernement, en agissant ainsi, est resté dans les limites de son droit et que nous avons été dans le vrai en disant, au mois de septembre dernier, qu'il n'est pas intervenu d'une manière officielle dans l'organisation du corps belge-mexicain.

Mais, nous dit-on, d'autres faits se sont révélés depuis lors ; il y a eu une circulaire de M. le ministre de la guerre ; il y a eu certain bâtiment de l'Etat mis à la disposition du corps mexicain ; c'est là de l'intervention directe.

Au premier abord, je l'avoue, ces faits m'avaient paru avoir une certaine gravité ; mais après les explications fournies par M. le ministre de la guerre, je déclare que cette première impression s'est profondément modifiée. Il résulte, en effet, de ces explications que la circulaire ministérielle n'avait pour but que de faire connaître aux officiers de l'armée l'intention du gouvernement de ne pas prendre une attitude hostile vis-à-vis de l'expédition mexicaine ; qu'il se bornait à laisser faire.

Je ne conteste pas qu'une portée plus grande ne puisse être donnée à la première circulaire ministérielle ; mais après tout, c'est à M. le ministre de la guerre, auteur de la circulaire, plus qu'à personne qu'il appartient d'en déterminer la véritable portée et nous devons accepter sa propre interprétation, tant qu'elle n'est pas contredite par les faits ; et dès lors, reconnaître loyalement qu'il n'est plus possible de donner à ce document le caractère d'un acte d'intervention de la part du gouvernement.

Quant au bâtiment qui a été mis à la disposition de la légion belge-mexicaine, on nous a dit que c'était une question qui concernait exclusivement l'administration communale d'Audenarde, propriétaire de cet immeuble ; dès lors, ce n'est pas dans ce fait non plus qu'on trouve la trace d'une intervention directe.

Maintenant, messieurs, je ne suivrai pas l'honorable M.Delaet dans les diverses considérations qu'il a fait valoir et dont plusieurs, je dois bien le dire, me semblent se contredire quelque peu.

Ainsi, après avoir reproché au gouvernement son intervention dans la formation du corps mexicain ; après avoir réfuté cette explication qui consiste à dire que le gouvernement a laissé faire sans s'inquiéter de la question de savoir ce que devenaient les Belges qui s'enrôlaient dans le corps belge-mexicain, l'honorable M. Delaet, dans la seconde partie de son accusation, a vivement reproché au gouvernement d'avoir laissé des Belges partir pour le Mexique sans qu'ils fussent entourés de tous les soins qu'ils pouvaient exiger en vertu de leur contrat ; de ne pas avoir surveillé leur établissement au Mexique ; de ne pas avoir recherché s'ils étaient bien ou mal traités dans ce pays.

Eh bien, messieurs, si des Belges, après avoir, en vertu de contrats librement consentis, aliéné une partie de leur liberté au profit d'un Etat étranger, pouvaient encore réclamer la protection diplomatique, nous serions exposés à des conflits continuels et cela bien souvent pour les plus futiles griefs. Il est évident, selon moi, que, dans ce cas, le gouvernement belge n'a plus à intervenir sur le point de savoir si le contrat conclu entre un Belge et un Etat étranger est ponctuellement exécuté par celui-ci. Par conséquent, ce reproche de l'honorable M. Delaet me paraît encore avoir complètement disparu.

Il en est un autre que je signalerai en passant ; je veux parler de ce qu'il a dit relativement aux condamnations prononcées contre un certain nombre de jeunes gens qui n'auraient pas appliqué les cinq francs de prime d'engagement qui leur étaient alloués aux choses spécifiées dans le contrat.

Il est évident, messieurs, que le gouvernement ne peut pas être rendu responsable de ce fait qui est de la compétence de l'autorité judiciaire seulement.

Or, nous sommes tous d'accord dans cette Chambre pour reconnaître que l'autorité judiciaire est parfaitement impartiale, indépendante et que, dans les condamnations qu'elle prononce, elle ne cède qu'aux inspirations de sa conscience, sans se laisser influencer par aucune considération étrangère.

Que reste-t-il donc, messieurs, de tous les griefs qui ont été articulés contre le ministère au sujet de cette question ? Une seule chose ; ce sont les sympathies plus ou moins vives manifestées par le gouvernement en faveur de l'expédition mexicaine.

Quant à moi, je le déclare franchement, je ne partage point ces sympathies, et je regrette qu'elles soient manifestées sur le banc des ministres, tout en reconnaissant qu'ils ont agi dans la plénitude de leur droit. Mes sympathies, je tiens à le dire bien haut, ne sont point celles de l'honorable M. de Brouckere ni du gouvernement, parce que je n'envisage pas comme l'honorable membre la situation du Mexique, les droits de l'empereur Maximilien et les motifs qui ont amené son avènement au trône du Mexique.

M. de Brouckere. - J'ai dit que c'étaient là des questions d'appréciation ; que les avis sur ce point pouvaient parfaitement différer.

M. Giroulµ. - L'honorable membre ne s'étonnera donc pas si je ne partage pas sa manière de voir sur ces questions.

Pour moi, messieurs, Juarez représente avant tout l'indépendance nationale, l'indépendance de son pays ; il est avant tout le représentant des libertés civiles et politiques.

Je n'ai pas l'intention de revenir longuement sur les faits qui ont précédé l'avènement de Maximilien au trône du Mexique ; cependant, un regard très rapide, jeté sur les événements qui ont précédé cette révolution, suffira pour démontrer la vérité de mes allégations.

Après do nombreuses dissensions intestines, après une lutte très vive entre les deux partis qu'on trouve partout, d'un côté le parti du privilège, le parti du passé, le parti qui prétend jouir seul des droits politiques et sociaux, à l'exclusion de toutes les autres classes de citoyens ; d'un autre côté, le parti de ceux qui veulent la liberté et l'égalité pour tous après une série de révolutions, le Mexique était arrivé à la tranquillité sous l'administration de Juarez.

Juarez avait vaincu les factions et établi dans le Mexique tout entier le règne de la constitution fondée par l'assemblée nationale et le règne des lois. Toutes les factions avaient cessé d'être ; leurs chefs étaient allés hors du Mexique chercher un refuge contre les suites ordinaires d'une révolution qui leur était hostile.

Almonte, Marquez, Miramon et les autres chefs du parti rétrograde, je ne dirai pas clérical, étaient allés en France intriguer contre le gouvernement de Juarez et faire un appel à l'intervention étrangère.

Une difficulté diplomatique existait entre Juarez et les ministres de trois puissances, accrédités auprès de son gouvernement, difficulté née d'abord de ce qu'au milieu des révolutions successives de ce pays, les intérêts de certains nationaux de ces trois puissances avaient été lésés ; en second lieu d'embarras financiers.

Les trois puissances, pour arriver à la solution de la difficulté, interviennent au Mexique ; on signe la convention de Soledad ; les représentants des trois puissances se déclarent satisfaits : ils obtiennent toutes les satisfactions qu'on peut légitimement accorder. Mais la France se refuse à ratifier la convention que son représentant avait signée. Et pourquoi s'y refuse t-elle? Parce qu'elle était partie pour le Mexique avec l'intention préconçue de renverser le gouvernement de Juarez ; elle y est parvenue après une lutte de deux ans qui démontre le sentiment profondément national de ce pays et honore le gouvernement de Juarez ; car Juarez a fait une guerre nationale, au nom des lois, avec le concours de l'assemblée législative souveraine ; et le siège de Puebla prouve que Juarez, qu'on a représenté comme une espèce de chef de brigands avait pour lui, non seulement le peuple, mais encore l'armée entière du Mexique.

Enfin les Mexicains sont vaincus ; les Français s'installent à Mexico ; qu'y font-ils ? Consulte-t-on l'assemblée nationale? fait-on un appel au suffrage universel, comme en France, en Italie et dans d'autres pays où le suffrage universel a prononcé sur le sort de la nation ? Non, messieurs, quelques Mexicains, réunis dans la capitale, décident, sous l'influence des baïonnettes françaises que Juarez a cessé de présider aux destinées de la nation, et ils appellent Maximilien.

Maximilien accepte ; il arrive au Mexique ; il y est depuis un an, et vous savez dans quelles circonstances il y exerce son autorité; vous savez que Juarez, contre lequel ou a lutté pendant trois ans, est encore aujourd'hui à la tête de plusieurs provinces, qu'il a des généraux, des finances, une armée ; qu'il tient encore ferme et haut le drapeau de la nationalité mexicaine, malgré les Français, malgré les auxiliaires de Maximilien, et malgré tout ce qu'on a pu faire pour triompher d'une résistance opiniâtre.

(page 768) Je dis que la situation de Maximilien n'a d'analogie dans aucun autre pays du monde, sauf peut être dans une seule principauté.

Je veux parler de Rome. I! y a à Rome un souverain temporel qui ne pourrait pas, sans courir à sa perte, faire un appel au suffrage national. Aussi y a t-il à Rome une armée française ; à Rome encore, on tend la main aux enrôlés de toutes les nations.

Je livre à votre appréciation le point de savoir si le gouvernement romain, comme celui de Maximilien, appuyé sur des baïonnettes étrangères n'osant pas demande à la nation quelle forme de gouvernement elle préfère ,est plus national que le gouvernement de Juarez qui, après trois années de lutte, continue de défendre courageusement toutes les libertés civiles et politiques contre tous les anciens régimes ; je vous laisse le soin de décider si Juarez n'est pas le véritable représentant de la nationalité mexicaine.

- La clôture est demandée.

M. Delaetµ (contre la clôture). - Messieurs, prononcer la clôture en ce moment, ce serait commettre un véritable déni de justice à mon égard. Lorsque l'honorable général Chazal, tout en invitant fa Chambre à ne pas porter atteinte au prestige du gouvernement, n'a pas craint de porter atteinte, en ma personne, à la dignité parlementaire, j'ai demandé la parole ; j'ai prié M. le président de vouloir bien apprécier si le mot « infamies », appliqué par M. le ministre de la guerre à ce que j'avais dit dans la séance d'hier, était parlementaire ; je lui ai demandé si c'était là respecter la dignité du représentant et s'il croyait n'avoir rien à dire à M. le ministre de la guerre ? J'ai fait cette demande comme représentant.

Maintenant si je ne trouve pas protection dans le règlement de la Chambre, si je reste livré à la discrétion ministérielle, si même les simples convenances ne doivent plus être observées à mon égard, j'aurai à examiner personnellement ce qui me reste à faire.

MpVµ. - Je dois rétablir les faits tels qu'ils se sont présentés. Le discours de M. Delaet n'a pas paru au Moniteur. Nous ne pouvons pas, dès lors, en juger. Nous avons pu comprendre, ainsi que M. le ministre de la guerre, que M. Delaet avait dit qu'on laissait en blanc certains renseignements, pour pouvoir inscrire les noms, comme étant ceux de déserteurs ? A-t-on bien ou mal compris ? Nous n'en savons rien ; les Annales n'ayant pas paru. M. le ministre de la guerre a dit que si ces allégations, qui étaient une accusation très grave et qui avaient un caractère tout à fait injurieux, avaient été réellement avancées, il se croyait obligé de faire la réponse que la Chambre a entendue. La réponse conditionnelle qu'a faite M. le ministre de la guerre, nous la connaissons, mais nous n'avons pas sous les yeux l'attaque qui y a donné lieu.

Si M. Delaet veut déclarer qu'il n'a pas énoncé cette accusation, j'engagerai M. le ministre de la guerre à retirer le mot.

Messieurs, jusqu'ici nous avons été calmes. La discussion a duré longtemps, On désire qu'elle dure encore.

- Des membres. - Non ! non !

MpVµ. - La Chambre en décidera ; mais je prie M. Delaet de ne pas insister sur ce fait et surtout de remarquer que son discours n'a pas paru aux Annales parlementaires.

M. Delaetµ. - Je ne pourrais pas, en ce moment, répéter littéralement ce que j'ai dit hier ; je ne puis donc m'en porter garant. Mon discours doit être en ce moment à l'impression au Moniteur. Ma pensée a été celle-ci : pourquoi a-t-on laissé les dates en blanc ? Etait-ce en vue des cas de désertion ? (Interruption.) C'est la question que j'ai faite. Cette question vient d'être reprise à l'instant même sous une forme plus affirmative que celle que je lui avais donnée.

Il y a eu certainement des congés accordés pour le Mexique et retirés immédiatement, quand l'homme n'était pas parti, et cet homme a été déclaré déserteur. J'ai cité des faits hier : le fait de Pont et le fait Deconinck.

Donc, si j'ai demandé des renseignements, moi qui connais peu les paperasses administratives, comme les qualifie mon honorable ami M. Coomans, il n'y a certes pas là de quoi m'imputer une infamie dans la pensée.

Maintenant que, par égard pour la dignité parlementaire, M. le ministre de la guerre retire le mot qui m'a blessé, je le veux (interruption), je le veux bien (interruption). S'il ne le retire pas, c'est à la Chambre à juger.

Du reste, j'aurai encore autre chose à dire à la Chambre. J'ai été chargé par un père, dont le fils mineur, sous-officier dans l'armée belge... (Interruption.)

- Plusieurs membres. - La clôture !

M. Delaetµ. - Je m'oppose à la clôture. Je n'ai pas seulement la parole sur l'incident, je l'ai aussi demandée pour m'opposer à la clôture.

J'annonce donc à la Chambre que j'ai par devers moi la réclamation d'un père dont le fils mineur, Henri-Joseph Kok, maréchal des logis fourrier, volontaire au 2ème régiment d'artillerie, est parti pour le Mexique comme sergent fourrier sans l'autorisation paternelle. Voilà un fait bien positif. Le père s'adresse à la Chambre pour réclamer son fils. (Interruption.)

M. Bara. - Il importe à l'ordre de nos travaux de savoir ce qu'on va faire. Je m'étais fait inscrire immédiatement après les dernières paroles de l'honorable M. Coomans. Il avait dit qu'il sollicitait la Chambre de revenir sur l'ordre du jour qu'elle avait adopté le 2 septembre 1864. Je demanderai si la proposition en est faite.

MpVµ. - Aucune proposition n'est parvenue au bureau.

M. Bara. - Aucune proposition n'est parvenue au bureau. Dans l'hypothèse où il n'en arrive pas, il est évident qu'il n'y a pas d'obstacle à ce que la Chambre prononce la clôture. Si une proposition semblable était faite, je proposerais, de mon côté, et je ne demande pas à la Chambre de prononcer de discours pour appuyer ma proposition, que la Chambre décidât qu'elle persiste dans son ordre du jour du 2 septembre 1864. Je renonce à tout discours, à tout développement de ma pensée, m'en rapportant aux motifs que j'ai donnés alors.

M. Coomans. - Je m'oppose à la clôture, d'abord parce que j'ai oublié un fait très important parmi tous ceux dont j'ai fait le sacrifice tantôt.

M. Bara. - Vous le direz dans la Paix.

M. Coomans. - Je vous en recommande la lecture. Ensuite, parce que je me propose de soumettre à la Chambre un ordre du jour.

- Plusieurs membres. - Proposez-le.

M. Coomans. - Un ordre du jour qui, s'il n'est pas une rétractation de celui du 2 septembre, est au moins une rectification exigée, selon moi, par la dignité de la Chambre et même par celle du gouvernement belge. (Interruption.)

Je désire que la parole me soit accordée encore pendant cinq minutes.

- Plusieurs membres. - Non ! non ! La clôture !

MpVµ. - La clôture est demandée, M. Coomans. Si vous avez une proposition à faire, veuillez-la remettre au bureau.

M. Coomans. - Veuillez me permettre au moins, à l'appui de ma proposition, de parler encore cinq minutes.

MpVµ. - Persiste-t-on à demander la clôture ?

- Des membres. - Oui ! oui !

M. Coomans. - Vous voulez empêcher toute discussion sur la motion de l'honorable M. Bara. Sera-t-il dit que dans une Chambre belge on fera des motions indiscutables ? J'ai à présenter quelques observations sur la proposition de l'honorable membre. On ne peut pas voter sur une proposition non discutée même pendant cinq minutes. (Interruption.) Je dis que j'ai une observation très importante à faire.

MfFOµ. - C'est une tactique.

M. Coomans. — Je déclare que si vous ne me permettez pas de présenter aujourd'hui deux ou trois observations que j'ai à vous soumettre, je les présenterai sous forme d'interpellations, mais j'insiste sur ceci : c'est qu'il importe que nous puissions émettre un avis sommaire sur la proposition qui vous est soumise.

MpVµ. - Voici la proposition que M. Coomans envoie au bureau :

« La Chambre, regrettant que le gouvernement ne soit pas resté absolument étranger à l'expédition belge-mexicaine, passe à l'ordre du jour. »

M. Bara. - Voici la contre-proposition que je dépose sur le bureau :

« La Chambre, en présence des explications données par le gouvernement, persiste dans la décision qu'elle a prise le 2 septembre 1864, et passe à l'ordre du jour. »

- Plusieurs membres. - Aux voix ! aux voix !

M. Bara. - L'honorable M. Coomans vient de dire que la majorité voulait étouffer la discussion.

M. de Brouckere. - Elle a eu lieu quatre fois.

M. Bara. - Nous ne pouvons évidemment accepter un pareil reproche et nous protestons contre les paroles de l'honorable M. Coomans.

MfFOµ. - C'est une tactique.

M. Bara. - Comment ! Voilà la quatrième fois que l'affaire du Mexique revient devant la Chambre. Les faits qui ont été signalés par (page 769) l'honorable M. Coomans étaient parfaitement connus des membres de la Chambre, lorsqu'ils ont voté l'ordre du Jour du 2 septembre.

M. Coomans. - Du tout.

M. Bara. - Ne chicanons pas. Les faits les plus graves étaient connus, à savoir les congés et les autorisation d'aller servir au Mexique sans perdre la qualité de Belge.

Voilà les faits les plus graves, faits que moi-même je n'approuve pas et que j'eusse même aimé n'avoir pas vu poser. Quant au reste, ce sont tous cancans, ou des choses insignifiantes que vous êtes allés chercher de part et d'autre pour faire de l'agitation.

Je crois, messieurs, que la dignité de la Chambré exige que ce débat soit fermé.

J'aurais moi-même beaucoup de choses à dire ; la dernière partie du discours de l'honorable M. de Brouckere n'est pas en rapport avec ma manière de voir, mais j'ai renoncé à la parole parce que je ne veux pas être le jouet de ta tactique de la minorité qui veut faire de l'agitation dans le pays au sujet de faits consommés et appréciés par une décision de la Chambre. (Interruption.)

Comment ! après la lettre du ministre qui a suivi l'ordre du jour du 2 septembre, lorsque le ministre montre sa condescendance pour les vœux de la Chambre et écrit à tous les chefs de corps qu'il ne veut pas qu'on intervienne dans l'affaire du Mexique, vous n'êtes pas encore satisfaits ! Que voulez-vous ? Voulez-vous renverser le gouvernement pour l'affaire mexicaine ? Allez-vous faire revenir nos soldats qui sont allés au Mexique ? Vous ne le pouvez pas ; ils ont des contrats, ils sont engagés vis-à-vis du gouvernement mexicain.

L'affaire du Mexique dans cette Chambre est une affaire politique, c'est une manœuvre de l'opposition et rien de plus. C'est pourquoi je prie la majorité de voter l'ordre du jour que j'ai proposé.

- Plusieurs membres. - Aux voix ! Aux voix.

M. Delaetµ. - Je prie la Chambre d'observer que je viens de déposer sur le bureau une pétition qui ramènera fatalement cette question du Mexique. Il y a ici un fait nouveau.

Cette fois l'honorable ministre de la guerre ne peut pas dire que le mineur est déserteur ; il est inscrit, sous n°669, à l'état B.

- Plusieurs membres. - La clôture ! la clôture !

M. Delaetµ. - Cette pétition ramènera la question du Mexique et si nous recommençons cette discussion, ce sera' de votre fait, non du nôtre.

M. de Theuxµ (contre la clôture). - Messieurs, dans mon opinion la Chambre ne peut sans injustice refuser la parole à M. Coomans, qui a déposé un ordre du jour. Elle le peut d'autant moins que l'honorable M. Bara, après en avoir déposé un, a prononcé tout un discours. Sera-t-il dit que dans une Chambre belge la majorité étouffe la voix de la minorité ?

M. Mullerµ (pour un rappel au règlement). - Je veux simplement rappeler à la Chambre que lorsque la demande de clôture est faite dans les formes voulues par le règlement, on ne peut pas accorder la parole à tous ceux qui la demandent contre la clôture, car de cette manière on pourrait rendre la clôture impossible.

- La clôture est mise aux voix et adoptée.

L'ordre du jour proposé par M. Coomans est mis aux voix par appel nominal.

86 membres sont présents.

27 adoptant,

55 rejettent.

4 s'abstiennent.

En conséquence la proposition n'est pas adoptée.

Ont voté l'adoption :

MM. de Muelenaere, de Naeyer, de Ruddere de te Lokeren, d'Hane-Steenhuyse, Dubois, Hayez, Jacobs, Janssens, Landeloos, Magherman, Reynaert, Royer de Behr, Snoy, Thonissen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Renynghe, Van Wambeke, Vermeire, Verwilghen, Vilain XIIII, Beeckman, Coomans, Debaets, de Conninck, Delaet et Delcour.

Ont voté le rejet :

MM. de Moor, de Rongé, de Vrière, Dewandre, Dolez, Dupont, Elias, Frère-Orban, Giroul, Grosfils, Hymans, Jacquemyns, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Lebeau, Le Hardy de Beaulieu, Lelièvre, Lesoinne, Lippens, Mascart, Moreau, Mouton, Muller, Nélis, Orban, Orts, Pirmez, Rogier, Sabatier, Tesch, T'Serstevens, Valckenaere, Alp. Vandenpeereboom, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Nieuwenhuyse, Vleminckx, Warocqué, Allard, Bara, Bouvier-Evenepoel, Braconier, Carlier, Crombez, David, de Baillet-Latour, de Bast, de Brouckere, de Florisone, De Fré, de Kerchove, de Macar et Ernest Vandenpeereboom.

Se sont abstenus :

MM. de Theux, Nothomb, Van Overloop et de Mérode.

M. de Theuxµ. - J'ai voté contre l'ordre du jour de M. Bara le 2 septembre, parce que j'étais convaincu que le gouvernement était réellement intervenu dans l'expédition du Mexique ; Je n'ai pas voté l'ordre du jour aujourd'hui, parce que je ne suis pas convaincu que le gouvernement à contrevenu aux traités en intervenant comme il l'a fait.

M. Nothomb. - J'ai été obligé de m'abstenir et voici mes raisons : Je n'ai pu adopter l'ordre du jour parce qu'il me paraissait une espèce de blâme contre l'entreprise même de l'empereur Maximilien et contre nos compatriotes qui l'ont suivi au Mexique.

Or, j'éprouve une vive sympathie pour cette entreprise et pour l'expédition qui s'y rattache. A mon sens, l'œuvre est grande et noble dans son but, glorieuse indirectement pour mon pays puisqu'elle l'associe, à côté de la fille de notre Roi, à la régénération d'une nation déchue et qu'elle favorise la cause du progrès et les intérêts de la civilisation.

Mais d'autre part, je n'ai pu voter contre l'ordre du jour parce que mon vote négatif aurait eu pour signification d'approuver le langage et l'attitude dans cette Chambre du cabinet dont les explications embarrassées et les réticences regrettables ne m'ont point satisfait.

M. Van Overloopµ. - Je me suis abstenu pour les mêmes motifs que mon honorable ami M. Nothomb à si bien développés.

M. de Mérode. - Je me suis abstenu pour les mêmes motifs que l'honorable M. Nothomb.

MpVµ. - Vient maintenant l'ordre du jour proposé par M. Bara.

- Cet ordre du jour est mis aux voix et adopté.

La séance est levée à 5 1/2 heures.