(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1864-1865)
(Présidence de M. E. Vandenpeereboom.)
(page 709) M. de Florisone, secrétaire, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. de Moor, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.
- La rédaction en est approuvée.
M. de Florisone présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.
« Des propriétaires et commerçants de Bovigny demandent l'établissement d'une halte-station à Courtil Bavigny sur le chemin de fer de Spa-Luxembourg. »
« Même demande de propriétaires et commerçants de Houffalize, Mont, Mont-le-Ban, Wibrin, Cherain. »
M. de Moorµ. - Je propose le renvoi à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport.
- Adopté.
« Les membres de l'administration communale de Ham-sur-Sambre demandent le prolongement, par cette commune jusqu'à Fosses, de la route d'Eghezée à la Sambre. »
M. Lelièvre. - Le chemin de fer dont il s'agit en la pétition est d'une utilité incontestable. La réclamation est, du reste, urgente. Je ne puis donc que l'appuyer, et je demande qu'elle soit renvoyée à la commission des pétitions, avec prière de faire un prompt rapport.
- Cette proposition est adoptée.
« Le sieur Chamard propose des modifications au projet de loi concernant les pensions civiles. »
M. Lelièvre. - La pétition propose un amendement au projet de loi relatif aux modifications à apporter au projet de loi sur les pensions civiles. Cet amendement est de nature à être soumis à l'examen de la section centrale qui s'est occupée de ce projet. Je demande donc que la Chambre veuille renvoyer la pétition à la section dont il s'agit, qui sera appelée à émettre son avis sur les dispositions énoncées en la réclamation du pétitionnaire.
MpVµ. - La section centrale a terminé son travail. Le rapport est fait.
M. Lelièvre. - Puisque M. le président pense qu'il y aurait des inconvénients à prononcer pour le moment le renvoi à la section centrale, je me borne à demander le dépôt de la pétition sur le bureau pendant la discussion du projet de loi, me réservant de demander ultérieurement le renvoi à la section centrale.
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.
« Il est fait hommage à la Chambre, par M. Auguste Meulemans, d'un exemplaire de ses « Etudes historiques et statistiques sur les ressources agricoles, industrielles et commerciales de la Belgique. »
- Dépôt à la bibliothèque.
« M. Le Bailly de Tilleghem, retenu par une indisposition, demande un congé. »
- Accordé.
M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Messieurs, je compte examiner la loi à un point de vue différent de celui où se sont placés les différents orateurs qui ont pris la parole jusqu'ici, et comme je ne veux pas faire un hors-d'œuvre, je demanderai donc si la discussion spéciale est terminée ? Je céderai volontiers la parole à celui qui voudrait la continuer. Mais si personne ne désire parler encore, j'aborderai immédiatement les questions que je me propose de traiter devant la Chambre.
Messieurs, dans les deux ou trois discours que l'honorable M. Dumortier a prononcés dans cette discussion, il a attribué à l'économie politique les malheurs de la betterave et les douleurs de la canne à sucre. Je me propose, messieurs, de démontrer que l'économie politique n'a absolument rien à faire avec les réclamations de ces deux produits.
La loi qui nous est présentée, messieurs, a un double but ; c'est d’abord de permettre au gouvernement de ratifier un traité conclu avec trois autres puissances. Le premier point a été suffisamment élucidé par les orateurs qui m'ont précédé, et je crois que l'honorable M. Jacquemyns et l'honorable ministre des finances ont parfaitement démontré qu'il y aurait danger pour la Belgique à ne pas ratifier ce traité international.
Les parties contractantes, on vous l'a prouvé, se sont réservé des moyens très efficaces de forcer à s'y soumettre celles des parties qui ne voudraient pas ratifier la convention.
Je ne m'attacherai pas à vous répéter les raisons qui vous ont été données.
J'aborde immédiatement la partie économique du projet.
Le second des buts de la loi est d'assurer au gouvernement un revenu de 6 millions de francs approximativement.
C'est contre ce résultat surtout que se sont élevées les réclamations des fabricants de sucre, et je dois dire que je partage complètement leur manière de voir, non pas au point de vue des détails, mais au point de vue de l'ensemble.
Je trouve que 6 millions à payer par le sucre est un impôt exorbitant et j'espère prouver que cet impôt deviendra même plus tard très dangereux pour l'avenir du pays.
Je déclare cependant que je voterai l'impôt demandé, par la raison que la Chambre a voté les dépenses qui le rendent nécessaire et que je me ferai toujours un devoir de voter les impôts, aussi longtemps que la Chambre votera les dépenses.
Ceci dit pour justifier mon vote, j'examine la seconde question soulevée par le projet,
Il s'agit d'un impôt de 45 francs par 100 kilog. de sucre produit ou importé dans le pays, au numéro qui sert de type, c'est-à dire au n°12.
Examinons immédiatement la proportion de l'impôt avec la valeur des produits imposés. Si j'examine l'état des marchés, je vois que le n°12 se vendait, à Lille, la semaine dernière, de 58 à 60 fr. les 100 kilog.
Je pense qu'il est à peu près au même prix en Belgique. L'impôt est donc de 75 p. c. de la valeur de la marchandise ; je trouve cette proportion exorbitante. Le sucre en effet est un des éléments principaux de l'alimentation de l'homme. On peut dire qu'il en est même une partie essentielle,
Je trouve donc un droit de 75 p. c. exorbitant, alors que nous avons dégrevé toutes les autres denrées alimentaires ; cependant, je dois le dire, je trouve que cette proportion est encore moins élevée que celle de l'impôt qui frappe une autre matière bien autrement nécessaire à l'alimentation, le sel, et qui s'élève à 18 fr., alors que le prix de la denrée n'est que de 4 fr. par 100 kilogr.
Les Anglais procèdent, messieurs, d'une façon tout à fait différente. Depuis vingt ans, c'est-à-dire depuis les grandes réformes de sir Robert Peel, en 1845, ils ont successivement dégrevé tous les impôts qui frappent la consommation. L'année dernière encore ils ont réduit l’accise sur le sucre d'une somme de 1,400,000 livres sterl., c'est-à-dire de 35 millions de francs, et telle est l'élasticité donnée à la consommation par la réduction des impôts, que, malgré cette réduction qui devait réduire les revenus de 1,400,000 livres sterling, les neuf premier» mois de l'exercice écoulé accusent des recettes qui donnent lieu de croire que la recette ne sera réduite que de 900,000 liv. st., en sorte que, par l'accroissement de la consommation, résultat de la diminution des droits 500,000 liv. st. auront été récupérées en une seule année.
Depuis 20 ans, comme je le disais tout à l'heure, l'Angleterre procède par suppression ou réduction de droits d'accise ou de douane ; si la consommation était restée la même, il y aurait eu de ce chef, pour le trésor, une diminution de recette de 600 à 700 millions de francs ; mais la consommation de tous les articles soumis autrefois à des droits élevés a augmenté au point que les revenus sont restés à peu près les mêmes.
Le droit sur le sucre a été réduit l'année dernière en Angleterre à 12 shillings, c'est-à-dire à environ 28 fr. par 100 kilog., tandis que nous le maintenons à 45 fr. en Belgique, ce qui est beaucoup trop élevé.
Eh bien, je crois que nous suivons à cet égard une politique qui deviendra dans peu d'années très dangereuse pour le pays ; les Anglais continuant à dégrever les produits de l'industrie et à supprimer ou réduire tous les impôts de consommation, la conviction s'établissant de plus en plus chez eux que la suppression totale de ces impôts est nécessaire au développement de l'industrie, il arrivera un jour, si nous n'y prenons garde, où l'industrie anglaise sera entièrement débarrassée de tous les droits qui, frappant la consommation, augmentent ses charges, et ce jour-là l'industrie continentale sera mise dans une position extrêmement difficile vis-à-vis de ses concurrents.
(page 710) Je crois donc qu'il serait prudent de suivre l'Angleterre dans la voie où elle est entrée et de prévoir, dès ce moment, l'époque où l'industrie anglaise sera débarrassée de tout ce qui l'entrave encore dans son développement. Notez bien, messieurs, qu'elle est déjà très avancée dans cette voie, et qu'il n'y reste plus que fort peu d'articles soumis à l'accise et aux droits de douane.
J'appelle l'attention de la Chambre et surtout du gouvernement sur ce point, car il faudra le prendre en considération dans les projets des budgets à venir.
Il a été démontré dans la discussion, je n'ai pas besoin de reproduire ici les chiffres qui ont été produits, qu'en Belgique la consommation est inférieure à celle de la Hollande, de l'Angleterre, des Etats-Unis et de beaucoup d'autres pays.
Voyez quel immense avantage il y aurait pour l'industrie agricole et commerciale à ce que la consommation du sucre dans notre pays puisse atteindre le niveau auquel elle s'est élevée dans d'autres contrées.
Mais, messieurs, il est surtout un point sur lequel je crois devoir appeler toute votre attention.
Je viens d'examiner la question relativement au consommateur ; je vais maintenant la traiter brièvement au point de vue de l'agriculture.
Le droit de 45 fr. par 106 kilogrammes frappe non seulement le consommateur, mais encore, comme je viens de le dire, l'agriculteur ou le producteur, en ce sens que celui-ci doit faire l'avance de l'impôt. Et cette avance, comme je vais le démontrer, jointe aux formalités fiscales qui sont l'accompagnement nécessaire du système de perception de l'impôt, est un empêchement très sérieux aux progrès et à la prospérité de cette industrie.
On admet qu'en moyenne un hectare produit environ 40,000 kilogrammes de betteraves brutes. On sait que la betterave brute produit environ 5 p. c. de sucre. Un hectare de betteraves doit donc produire 2,000 kilogrammes de sucre, lesquels à raison de 45 francs par cent kilogrammes représentent un impôt de 900 francs par hectare planté de betteraves destinées à la consommation du pays.
Il est certes bien évident, messieurs, qu'il ne s'agit ici que d'une simple avance ; mais il est évident aussi que cette avance de 900 francs d'impôt par hectare est un empêchement considérable à ce que l'agriculteur en fasse d'autres beaucoup plus nécessaires que celle de l'impôt ; je veux parler des engrais. Or j'ai entendu, dans le cours de cette discussion, répéter à plusieurs reprises à ce sujet un mot qui m'a beaucoup effrayé. Plusieurs fois on a parlé de l'épuisement des terres employées à la culture des betteraves. D’autre part j'ai lu dans les ouvrages spéciaux, et j'ai souvent ouï des cultivateurs très entendus se plaindre de l'épuisement du sol produit par la culture de la betterave.
Or, messieurs, si cela était exact, il y aurait évidemment un immense danger pour le pays à voir la terre s'épuiser pour produire pendant quelque temps des ressources au trésor public.
M. Dumortier. - C'est un préjugé. (Interruption.)
M. Le Hardy de Beaulieuµ. - C'est possible ; mais je dois dire cependant que si, au lieu d'avoir 900 fr. d'impôt à payer, le cultivateur pouvait consacrer 400 francs seulement par hectare à l'amendement des terres servant aux betteraves pour leur restituer tout ou partie des substances qui leur sont enlevées, la culture de la betterave, loin de pouvoir être accusée d'être une cause d'épuisement du sol, viendrait puissamment en aide à l'amélioration de la culture et à l'accroissement de la production des céréales et des autres denrées alimentaires.
Voilà, messieurs, un ordre d'idées sur lequel j'appelle l'attention la plus sérieuse de la Chambre et du gouvernement.
Il résulte de ce que je viens de dire, qu'un impôt trop considérable sur une industrie empêche celle-ci de produire tout ce qu'elle pourrait, si elle n'était pas grevée de cet impôt. C'est un point excessivement important, parce que si nous recevons de bonnes terres de nos auteurs, c'est un devoir pour nous de les remettre meilleures à nos successeurs et nous ne devons certainement pas les épuiser, à l'effet de produire, en vue de nos besoins ou de notre agrément actuel, des impôts plus ou moins considérables.
J'appelle donc l'attention de M. le ministre des finances et celle de la Chambre sur cette question. Pour ma part, je crois que si l'on abaissait sensiblement l'impôt sur les sucres, non seulement on obtiendrait après un certain délai les mêmes revenus, mais on contribuerait notablement à faire de l'industrie sucrière un des moyens, non pas épuisants, mais améliorants du sol et de l'agriculture.
Messieurs, il résulte de ce que je viens de vous dire que le système d'impôts indirects qui sont, je ne le conteste pas, d'une perception très commode et très facile, qui se payent, comme on l'a répété très souvent, sans qu'on s'en aperçoive, n'a pas tous les avantages réels qu'on croit y reconnaître. Ils ont aussi des inconvénients économiques très graves.
Je crois que nous devrons un jour étudier les moyens d'arriver, comme on l'a fait en Angleterre, à établir un système d'impôts directs, au lieu de ce système de taxes indirectes. Quand nous aurons étudié cette question dans tous ses détails, nous verrons que les impôts directs, beaucoup moins onéreux à percevoir que les autres, se répartissent aussi d'une manière beaucoup plus juste et beaucoup plus rationnelle sur les populations. Ils répercutent avec moins de perte pour les contribuables.
Les impôts indirects ont cet immense désavantage de ne permettre le contrôle du pays, ni sur la recette ni sur la dépense.
On se laisse entraîner bien plus facilement, quand on ne connaît pas précisément qui paye l'impôt, on se laisse aller à voter des dépenses devant lesquelles on reculerait, si on devait voter en même temps un impôt spécial pour y subvenir.
En effet, il est très facile de dire : « Nos enfants et nos petits-enfants payeront ces dépenses, comme nous le faisons trop souvent sans songer que nos enfants aussi auront des besoins et des charges à supporter. »
Ainsi, dans le moment actuel nous avons annuellement devant nous 40 millions d'impôts qui sont affectés à payer la charge de la dette publique, pour lesquelles nous ne recevons en échange qu'un certain nombre de kilogr. de coupons ou de quittance et par autre chose ; nous payons en outre beaucoup d'autres dépenses également improductives et d'une nécessité contestable ; je crois que si nous avions le malheur d'avoir une crise alimentaire ou autre, s'il y avait un bouleversement en Europe, nous serions extrêmement embarrassés de faiie face aux engagements que nous avons contractés, et que nous augmentons encore au lieu de les réduire.
C'est pourquoi j'ai cru devoir appeler l'attention de la Chambre et celle du gouvernement sur ces questions extrêmement importantes et surtout très graves. Si j'y ai réussi, je n'aurai pas occupé inutilement les moments de la Chambre.
MfFOµ. - Messieurs, je ne puis traiter en ce moment les questions qui ont été soulevées par l'honorable membre. Je pense que le moment n'est pas opportun pour examiner s'il y a lieu de préférer, d'une manière absolue, l'impôt direct à l'impôt indirect, ni quelle peut être l’influence des réductions d'impôt sur le mouvement de la consommation des produits imposés.
Je crois cependant devoir signaler à l'attention de l'honorable membre une erreur que j'ai déjà relevée, en ce qui concerne la question spéciale des sucres. L'honorable M. Le Hardy nous a dit que, grâce à la diminution du droit sur les sucres en Angleterre, la consommation s'était accrue dans des proportions énormes. Il semble croire que la cause unique de cette consommation plus considérable a été la réduction assez notable opérée sur le droit dont ce produit est grevé.
Quant à moi, messieurs, je pense que cette appréciation n'est pas exacte. Il est bien vrai que la consommation du sucre s'est considérablement accrue en Angleterre, après la réforme de Robert Peel, puisque cette consommation s'est élevée de 205 millions à 450 millions de kilog. Il est également vrai que la réforme avait pour but, comme l'a dit l'honorable membre, une réduction importante et successive de l'impôt, en appelant, en outre, les sucres étrangers dans de plus grandes proportions sur les marchés anglais.
Mais, messieurs, peut-on dire que ce soit la réduction du droit qui a amené ce développement de la consommation ? N'est-ce pas surtout et avant tout à l'accroissement de la richesse publique que doit être attribuée cette extension de la consommation ? Pour que le raisonnement de l'honorable membre fût logique et vrai, il faudrait que le prix du sucre eût subi une diminution notable ; car son argument serait complètement faux, si le prix du sucre, avant comme après la réforme, s'était maintenu à peu près le même. Or, messieurs, voici le taux moyen du prix des sucres avant la réforme en 1846 et à une époque postérieure. Je ne puis citer, quant à présent, que la date de 1858. Je ne pouvais prévoir que l'honorable membre traiterait cette question, sans cela je me serais pourvu des documents nécessaires. Mais le prix moyen des sucres à l'acquitté était en 1846 de 2 livres 8 shillings 1 denier, et il était en 1858 de 2 livres 1 shilling 3 deniers. Le prix moyen a donc, d'une époque à l'autre, baissé de 6 shillings 8 deniers, soit de 16 fr. 50 c. par 100 kil. ; et, comme je le disais à une autre époque, il est évident que cette différence est trop (page 711) faible pour avoir exercé sur la Consommation l'influence que l'on prétend.
II suffit de remarquer que le prix moyen était de 1 fr. 3 c, en Angleterre tandis qu'il était de 1 fr. 17 en Belgique, pour comprendre qu'une telle différence de prix (14 c. par kil.) était évidemment trop faible pour expliquer la différence de consommation dans l'un et l'autre pays.
Il y a donc là des causes tout à fait étrangères à la réduction des droits qui ont agi sur la consommation. Les prix se rapprochaient beaucoup en Angleterre et en Belgique, et la consommation est évidemment plus considérable en Angleterre qu'ici.
L'honorable membre a d’ailleurs raisonné comme si nous connaissions exactement la consommation en Belgique. Malheureusement, il n'en est rien ; nous n'avons à cet égard qu'une approximation fort inférieure à la réalité. Mais en Angleterre il est très facile de connaître le montant de la consommation intérieure. Tant de sucres sont importés, tant de sucres sont raffinés, et quelques quantités sont exportées, dans une proportion extrêmement minime ; le reste est livré à la consommation. On en connaît donc exactement le chiffre.
Mais pour nous, c'est une chose tout à fait incertaine. Nous sommes obligés de créer ce que nous appelons une consommation légale, celle que j'ai expliquée hier, et résultant des quantités livrées à la consommation sous payement des droits, mais nous ignorons les quantités indemnes de droit dont les fabricants et les raffineurs disposent.
Il nous est donc impossible de savoir quelle est véritablement la quantité de sucre livrée à la consommation. Nous savons que la consommation légale, qui n'est certes pas la consommation réelle, est proportionnellement de beaucoup inférieure à celle de l'Angleterre. C'est un argument que nous invoquons contre les fabricants de sucres. Nous disons qu'il est impossible que la consommation soit aussi faible que semblent l'attester les chiffres que nous connaissons ; elle doit être dans une proportion plus forte à raison du degré d'aisance dont jouissent nos populations.
Il est, en effet, impossible d'admettre que, dans un pays où la consommation de toutes les denrées suit une progression rapide et constante, le sucre seul se trouverait exclu de ce mouvement. Officiellement, cette situation peut s'expliquer par les quantités indemnes de droit qui sont livrées à la consommation ; celle-ci est donc évidemment de beaucoup plus considérable que ne semblent l'indiquer les résultats de la statistique administrative. Donc, encore une fois, c'est là un fait qui nous est inconnu, et l'on ne saurait tirer d'argument fondé de chiffres que l'on sait parfaitement ne pas exprimer une situation réelle.
- La discussion générale est close.
M. Jacobsµ (pour une motion d'ordre). - Messieurs, la partie capitale du projet de loi, c'est le minimum des recettes ; je demanderai donc si la Chambre trouve un obstacle à ce que la discussion commence par les articles 5 et 6, relatifs à ce minimum. J'en fais la proposition formelle.
MfFOµ. - Je ne comprends pas le moins du monde qu'il y ait lieu d'intervertir l'ordre de la discussion. Lorsque nous arriverons aux articles 5 et 6, nous nous expliquerons sur le minimum ; mais je ne vois aucun avantage à anticiper sur cette discussion.
Au surplus je ferai remarquer à l'honorable membre que le minimum n'est pas dans les articles qu’il cite ; le minimum est fixé par une loi spéciale, et celle qui est en ce moment soumise aux délibérations de la Chambre ne s'occupe en aucune façon de la question du minimum.
M. Jacobsµ. - Bien que le minimum trouve son origine dans une loi antérieure, il est certain que si les articles 5 et 6 étaient écartés, l'intention de la Chambre serait de l'abolir, et un article additionnel serait proposé dans ce but.
Il est incontestable qu'il y a utilité à statuer d'abord sur le principe du minimum.
La solution à donner à plusieurs questions peut en dépendre. Je citerai entre autres l'amendement admettant les sucres bruts n°19 et 20 au droit des sucres n°15 à 18, majoré de 2 p. c. Cela n'est-il pas contraire aux intérêts du trésor ? Si le minimum est aboli, ce n'est l'affaire que du ministre des finances ; mais si le tort qui doit en résulter pour la recette de 6 millions tombe sur les affineurs et sur les fabricants, je ne sais si je pourrai donner mon adhésion à la proposition de la section centrale.
La question du minimum se trouvant soulevée par les articles 5 et 6, et l'intention de la Chambre devant se manifester d'une manière très claire dans le vote sur ces articles, je maintiens ma proposition de statuer immédiatement sur le minimum.
MfFOµ. - Je ne vois pas le moindre intérêt réel à intervenir l'ordre de la discussion.
M. Jacobsµ. - Vous n'y voyez pas d'obstacle non plus ?
MfFOµ. - Pardon ; je tiens à ce que l'ordre naturel de la discussion soit suivi. Vous ne donnez qu'une seule raison pour justifier l'interversion que vous proposez : c'est que le paragraphe 5, introduit dans l'article 3, pourrait avoir pour effet de compromettre les droits du trésor. Je prouverai que c'est là une erreur, et que, par conséquent, cette disposition ne peut avoir aucune influence sur la question du minimum.
J'insiste donc, messieurs, pour que la discussion soit maintenue, conformément au règlement, sur les articles du projet de loi, en suivant l'ordre de ces articles.
M. Dumortier. - Messieurs, l'observation présentée par l'honorable M. Jacobs me paraît pleine de justesse. La question du minimum domine la loi tout entière et la première question qui se présente est ceiie-ci :
Y a-t-il lieu, oui ou non, de maintenir le minimum ?
Si la Chambre venait à décider que cette disposition si anormale doit disparaître, il est évident que tous les articles de la loi pourraient s'en ressentir. C'est une véritable question préalable à la discussion, et il me semble que la Chambre, tout en laissant les articles 5 et 6 à discuter, comme le demande M. le ministre des finances, pourrait très bien examiner d'abord la question de savoir si elle entend, oui ou non, conserver le minimum.
MfFOµ. - La Chambre n'est pas saisie de cette proposition.
M. Dumortier. - Je vais la faire.
MfFOµ. - Cela ne se rapporte pas à la loi.
M. Dumortier. - Cela s'y rapporte complètement puisque vous le réglez par les articles 5 et 6.
Je le répète, messieurs, cette question est préalable à la discussion de la loi.
J'ajoute, messieurs, que le minimum n'existe dans aucun pays de l'Europe et que le motif pour lequel on l'a établi autrefois chez nous n'existe plus ; que par conséquent il doit disparaître.
MfFOµ. - Je m'étonne vraiment que l'honorable membre vienne dire que la question du minimum domine toute la loi, alors que la loi ne s’en occupe même pas !
M. Coomans. - C'est la base de toute la loi.
MfFOµ. - Je ne conçois pas que vous puissiez dire une pareille chose ; la loi a pour objet d'approuver une convention conclue entre quatre pays, dans le but de régler les conditions de l'exportation des sucres ; voilà l'objet de la loi. Maintenant, à propos de cette convention, en formulant le projet de loi destiné à l'approuver, j'ai proposé quelques dispositions de nature à rendre moins onéreuse la perception de l'impôt, et à faire disparaître certains griefs dont on se plaignait du chef du minimum, fixé par une loi toute différente, loi dont la Chambre n'est pas saisie en ce moment.
Mais les honorables membres, saisissant le prétexte des modifications que je propose dans le but d'adoucir le système eu vigueur, viennent nous dire : Nous allons supprimer le minimum !
Eh bien, usez de votre droit d'initiative, et demandez la réforme de la loi de 1849. Mais n'ayez pas la prétention d'introduire cet objet dans la loi actuelle, où il n'en est pas question. Nous n'avons à délibérer pour le moment que sur un point : c'est celui de savoir s'il faut, oui ou non, approuver la convention. (Interruption.) Comment ! on aura discuté la question du minimum et l’on se sera prononcé à cet égard, avant même de savoir si l’on veut adopter la convention ? Cette discussion sur un objet qui n'est pas même dans la loi serait parfaitement oiseuse ; car rien ne prouve que la convention ne sera pas rejetée, et dans une telle éventualité on se trouverait fort embarrassé si déjà l'on avait statué sur la question du minimum.
Commençons donc par savoir si la Chambre approuve la convention. C'est l'objet de l'article premier du projet de loi. Puis vient l'article 2, qui fixe l'accise sur les sucres en corrélation avec cette convention.
Lors donc que nous serons fixés sur ces points, nous nous occuperons des autres dispositions du projet de loi.
M. Dumortier. - M. le ministre dit que la question du minimum est tout à fait étrangère à la loi.
Comment se fait-il que, dans la séance d'hier, il en ait parlé pendant une demi-heure ?
MfFOµ. - Puisque vous en avez parlé, je l'ai justifié.
M. Dumortier. - Cela prouve que la question n'est pas étrangère à la loi.
(page 712) D'un autre côté le minimum est 1'abrogation de la convention ; quand vous aurez un déficit dans le minimum fixé, vous modifierez les bases de la convention, car en définitive la convention n'existera plus pour la Belgique.
Il faut donc commencer par examiner si cet état de choses continuera d'exister oui ou non.
Vous nous demandez de voter la convention et de l'autre vous défaites la convention par le minimum.
Voyons donc si le minimum peut exister. C'est la base de toute la discussion.
M. Jacquemyns. - Messieurs, je trouverais parfaitement insolite qu'on allât intervertir l'ordre de la discussion d'une loi en déplaçant les articles selon leur importance.
M. Coomans. - Cela s'est fait cent fois et cela n'est pas insolite du tout.
M. Jacquemyns. - Soit, mais je trouve la chose très difficile et très insolite.
On a discuté plus de cent lois à la Chambre et je crois qu'habituellement on suit l'ordre des articles.
D'ailleurs à quoi sert la discussion générale ?
Dans la discussion générale on peut toucher à toutes les dispositions de la loi, je regrette pour les membres qui auraient préféré parler davantage du minimum qu'ils n'aient pas saisi l'occasion de la discussion générale pour le faire.
Qu'y a-t-il de plus important maintenant ? Pour ma part, si j'avais à demander à la Chambre qu'on voulût bien commencer par l'objet principal, mais je demanderais qu'on commençât par examiner l'article premier qu parle de la convention et en voici les raisons : c'est qu'une fois que nous aurons adopté la convention nous serons liés pour 10 ans, tandis que si, par le vote de la loi, nous nous astreignons à maintenir ou à abolir le minimum, nous ne serons liés qu'autant que nous voudrons.
Il s'agit, d'une part, de contracter un engagement pour 10 ans, dont nous ne pouvons nous libérer à nous seuls, à moins d'une nouvelle convention internationale.
Il me semble qu'un engagement de dix ans a bien son importance ; tandis que quant au minimum il est évident que s'il était maintenu dans le projet de loi actuel, chaque membre de la Chambre peut, en vertu de son initiative parlementaire, à quelques jours d'ici en proposer la suppression.
Je demande donc que l'on suive dans la discussion l'ordre du projet de loi.
M. Jacobsµ. - Messieurs, ma proposition n'a rien d'insolite, comme le prétend l'honorable M. Jacquemyns, et je lui citerai, si parva licet componere magnis, la loi sur les établissements de bienfaisance dont on a commencé la discussion par l'article 76 en laissant de côté les 75 premiers articles.
Du reste, si l'on cherche à éviter une discussion préliminaire sur le minimum de recette, je n'ai qu'à modifier ma proposition. Pour qu'elle s'établisse d'une manière bien plus naturelle encore, je proposerai, et je concilierai, ainsi, toutes les questions de forme en proposant un amendement consistant en un paragraphe additionnel à l'article premier conçu comme suit :
« Le minimum de recette est aboli. »
Je tiens surtout à cette discussion préliminaire, parce que, comme l'a dit l'honorable M. Dumortier, le minimum de recette détruit la convention que nous voterons dans l'article premier.
« Art. 1er. La convention relative au régime des sucres, conclue à Paris le 8 novembre 1864, entre la Belgique, la France, le Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et d'Irlande et les Pays-Bas, sortira son plein et entier effet. »
MpVµ. - Il y a un amendement de l'honorable M. Jacobs qui consiste à ajouter à l'article premier un paragraphe ainsi conçu : « Le minimum de recette est aboli. »
M. Jacobsµ. - Messieurs, l'amendement que je propose à l'article premier consiste dans la suppression du minimum de recette. Si j'avais cru qu'une opposition quelconque eût été faite à ma première proposition, j'aurais profité de la discussion générale pour revenir sur cette question.
L'honorable ministre des finances, après s'être étendu longuement sur les deux premiers points qu'il a examinés hier, la prise en charge d'abord, l'amendement de MM. Bricoult, Carlier et T'Serstevens ensuite, a été beaucoup plus sobre d'explications en ce qui concerne le minimum de recette,
Il a tenu en réserve, nous assure-t-il, beaucoup d'arguments et il a même oublié de répondre aux nôtres.
Il n'a pas contesté ce fait, qui est du reste incontestable bien qu'il l'ait passé sous silence, que ce minimum de recette est en réalité la destruction de la convention.
La convention a pour but de mettre les industriels belges qui travaillent le sucre sur la même ligne que leurs concurrents des pays voisins.
Le minimum de recette aurait pour effet, aurait pour sanction de diminuer la décharge, d'augmenter le rendement, de rompre l'égalité établie par le traité.
M. le ministre des finances, se rendant compte de la gravité de l'objection faite par les honorables MM. de Kerchove et de Theux et par moi, que c'était là un fait tout à fait exceptionnel, tout à fait exorbitant, sans pendant pour aucun autre impôt et dans aucun autre pays, nous répond :
Je ne dis pas au sucre : « Donnez-moi six millions. » Je me borne à diminuer la décharge à l'exportation pour le cas où la somme de 6 millions ne serait pas produite au trésor.
C'est à peu près, messieurs, comme ces industriels qui attendent les passants au coin d'un bois et qui ne leur disent pas : « Je ne vous demande la bourse. » Mais : « Je vous demande la bourse ou la vie » ; car rompre, par une diminution de décharge, l'égalité que la convention établira entre les Belges et leurs voisins, c'est mettre les industriels nationaux et spécialement les raffineurs dans l'impossibilité de travailler pour l'exportation, c'est-à-dire dans la nécessité de fermer leurs usines.
Voyez les tableaux annexés au rapport de la section centrale et vous y constaterez la décadence du raffinage belge pour l'exportation.
Le langage de M. le ministre des finances est donc en réalité celui-ci : Payez-moi 6 millions et que cela finisse !
L'honorable ministre a combattu l'assimilation faite entre l'impôt sur les sucres et différents autres impôts, notamment celui sur la bière et celui sur le genièvre. Il n'y a, d'après lui, aucune espèce de rapport entre eux ; les sucres produisent des excédants, il n'y en a ni pour les distilleries ni pour les brasseries.
Un moment après, il se chargeait de réduire son affirmation à sa juste valeur, en rappelant les villes qui, avant l'abolition des octrois, par suite de l'élévation de la décharge qu'elles accordaient, se trouvaient complètement privées de ce revenu, la consommation locale étant servie au moyen des excédants.
Tout rendement légal est bien difficilement en équilibre exact avec le rendement réel ; il est ou inférieur ou supérieur. Plus nos distillateurs et nos brasseurs chargent leurs cuves (car ils sont pris en charge d'après la capacité), plus ils ont d'excédants ; moins ils y mettent de matières productives de bière ou d'alcool, plus il y a de déficit. Les distillateurs, les brasseurs et les raffineurs se trouvant dans une situation analogue, je ne conçois donc pas qu'on prenne des précautions exceptionnelles à l'égard des raffineurs et des fabricants de sucre, d'autant plus que ces industriels sont d'excellente composition. Ils vous disent : Etablissez le droit d'accise que vous voudrez, le rendement qu'il vous plaira, la décharge qui vous conviendra, nous l'acceptons, pourvu que nos concurrents des pays voisins soient traités comme nous.
Si vous croyez, comme M. Vermeire, que le sucre doit produire plus de 6 millions, augmentez l'accise ou établissez des patentes, ainsi que le proposait hier M. Dumortier, mais n'usez pas du mauvais moyen du minimum, ne cherchez pas à faire des recettes eu détruisant une convention que l'on a eu tant de peine à conclure,
M. le ministre des finances nous a parlé des bons résultats du minimum ; il a pris deux périodes décennales, l'une où le minimum existait, l'autre où il n'existait pas ; il a mis ces périodes en parallèle et a prouvé que la première a l'avantage sur la seconde.
Mais est-ce le minimum qui est cause de cet avantage ? Cela n'est pas soutenable.
L'avantage tient à une foule de circonstances qu'il serait très long et très difficile de déterminer, mais le minimum (mesure inventée dans te seul intérêt du trésor et qui ne peut que nuire aux industriels), le minimum n'y est pour rien ; la preuve en est que, sous le régime du minimum, le raffinage a cessé d'exister.
Le minimum, a dit encore M. le ministre des finances, est fixé d'après la consommation la moins élevée possible. Nous avons, pendant une période de quelques années, pris d'une part le chiffre de la fabrication., Nous y avons ajouté les importations, nous en avons défalqué les exportations et nous avons obtenu un chiffre, inférieur à la réalité, puisque (page 713) les excédants doivent y être ajoutés, et qui, cependant, doit produire plus de six millions.
Que ce soit la consommation la moins élevée possible pour ces années, je n'en disconviens pas, mais pour les années suivantes il n'en est pas de même. Je ne veux pas prétendre que la Belgique soit en voie de décadence ; des circonstances particulières peuvent restreindre la consommation d'une denrée, comme par exemple, la cherté de cette denrée. Vous avez fait vos calculs pour une période d'autant d'années ; continuez-les.
Chaque année vous percevrez le droit sur la fabrication majorée de l'importation, défalcation faite de l'exportation.
Si la différence atteint 15 millions de kilogrammes, vous toucherez 6 millions.
Les primes sont réduites à rien ou presque rien par suite de l'élévation du rendement et de prise en charge.
La Belgique, continue M. le ministre des finances, n'est pas dans des conditions semblables à celles des autres pays, et en effet, il n'y a pas deux pays qui se trouvent dans des conditions identiques. Mais au point de vue des intérêts du trésor, la Belgique est dans une situation plus favorable que la Hollande. L'exportation hollandaise est triple de ce qu'a été la nôtre. S'il y a des primes à l'exportation, c'était donc à la Hollande, bien plus qu'à la Belgique, à prendre la mesure rigoureuse du minimum.
MfFOµ. - Elle l'a prise.
M. Jacobsµ. - Elle y renonce.
MfFOµ. - Elle y revient.
M. Delaetµ. - Du tout.
M. Jacobsµ. - J'y viendrai tantôt.
M. le ministre des finances nous apprend que les expériences que prescrit la convention porteront sur 123 catégories de sucres bruts ; ces 123 catégories produisent chacune un rendement différent, elles seront rangées par classes, et dans chaque classe il en est qui produiront plus que la moyenne de cette classe ; il y aura donc toujours des excédants.
J'avais répondu à cet argument, et M. le ministre des finances a passé ma réponse sous silence ; j'en redirai donc quelques mots, ou plutôt je renverrai M. le ministre à un document qu'il connaît sans doute mieux que moi ; je veux parler de l'exposé des motifs du projet de loi hollandais. Toutes les raisons données par le gouvernement belge pour maintenir le minimum sont examinées dans ce document et toutes paraissent insuffisantes au gouvernement des Pays-Bas.
Aptes avoir constaté que, bien que le rendement eût été élevé d'une manière constante en Hollande, le produit du sucre n'avait pas augmenté, on s'y demande à quoi tient le mécompte et on l'attribue à trois causes :
La première, c'est que l'on importe des sucres de plus en plus beaux, qui donnent par conséquent un rendement de plus en plus considérable ; la seconde, c'est que les procédés de fabrication se sont améliorés ; la troisième, c'est que sur une exportation aussi considérable que celle de la Hollande, de minimes excédants peuvent former à la fin un total considérable.
Mais on objecte à ces raisons : Quant aux sucres de qualité supérieure, que le système des classes remédie à l'inconvénient qu'ils offrent ; quant aux procédés de fabrication, qu'ils sont arrivés à un tel point de perfectionnement qu'il n'est pas à supposer qu'on parvienne à extraire plus de sucre qu'on ne le fait ; quant à l'exportation, on y applique le frein auquel M. le ministre des finances a fait allusion. Quel est ce frein ? Le voici : Lorsque l'exportation des sucres raffinés se sera élevée à 55 millions de kilogrammes par semestre, le gouvernement pourra diminuer la décharge.
Ce n'est d'ailleurs que transitoirement que cette mesure est établie. (Interruption.) M. le ministre des finances m'objecte qu'elle est définitive, il suppose que les expériences prévues par l'article 3 et qui doivent y mettre fin n'auront jamais lieu ; admettons-le. Les intéressés sont prêts à accepter la substitution de cette disposition au minimum de recettes. Que M. le ministre remplace son minimum par un article de loi ainsi conçu : « Lorsque l'exportation des sucres raffinés aura atteint le chiffre de 70,000,000 de kilogr. par an, le gouvernement pourra diminuer la décharge. » Nous l'accepterons des deux mains.
Nos exportations n'ont jamais dépassé 20 millions de kilogrammes ; elles se sont réduites l'année dernière à 7 millions, elles descendront cette année à moins encore, elles n'atteindront 70 millions que dans un avenir bien lointain.
Si c'est par égard pour les industriels belges que M. le ministre des finances n’a pas fait cette substitution comme le gouvernement hollandais, je l'engage à se préoccuper un peu moins et surtout d'une autre manière de leurs intérêts ; ils lui seront reconnaissants d'un peu moins de sollicitude.
MfFOµ. - J'ai vu avec plaisir l'honorable préopinant renoncer à la proposition qu'il avait faite d'intervertir l'ordre de la discussion, pour discuter d'abord les articles 6 et 7 du projet.
Quant à sa nouvelle proposition, je dois lui faire remarquer qu'il ne suffit pas de qualifier une chose quelconque d'amendement pour que ce soit réellement un amendement. La proposition de M. Jacobs peut-elle prétendre à ce nom ? Je prends l'article premier du projet et j'y lis ; » La convention relative au régime des sucres conclue à Paris le 8 novembre 1864, entre la Belgique, la France, le Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et d'Irlande et les Pays-Bas, sortira son plein et entier effet. » Qu'amende-t-on dans cette disposition en disant que le minimum est supprimé ? Quelle est la modification que l'on apporte à l'article premier du projet de loi ? Mais absolument aucune. (Interruption.) Cela est évident ! On peut bien proposer pareille chose, on peut proposer à son gré toute disposition quelconque, si étrangère qu'elle puisse être à l'objet principal de l'article en discussion ; mais cela ne constituera certainement pas un amendement.
M. Thonissenµ. - Question de forme.
MfFOµ. - Question de forme ! Mais non, c'est une question de sens commun. (Interruption.) Je vous demande ce que vous amendez par votre paragraphe additionnel ? Vous avez un droit de par la Constitution, c'est celui de proposer des amendements au projet de loi. Ce droit, je n'entends certes le contester en aucune manière. Mais, encore une fois, je vous demande ce que vous amendez ?
M. Jacobsµ. - Je propose un principe destructif de celui que vous voulez faire sanctionner.
MfFOµ. - Mais qui ne se trouve ni dans la convention, ni dans l'article premier du projet de loi.
M. Coomans. - C'est votre opinion ; mais, selon nous, il y est.
MfFOµ. - Je maintiens mon appréciation et j'oppose à ce prétendu amendement la question préalable. (Interruption.)
M. de Naeyer. - C'est impossible,
MfFOµ. - Que voulez-vous que je fasse ? Si l'on admettait le système que je combats, on pourrait introduire tout ce que l'on voudrait dans un projet de loi, et jamais on ne pourrait y opposer la question préalable. Je le fais ici et c'est parfaitement mon droit.
M. Coomans. - Vous rejetterez l'amendement ; c'est bien plus simple.
MfFOµ. - Sans doute je pourrais le rejeter ; mais je ne renonce pas à l'autre moyen, qui est péremptoire, contre lequel il n'y a rien à objecter, et qui résulte d'une disposition formelle du règlement de la Chambre : la proposition faite sous prétexte d'amendement n'en est pas un, et j'y oppose la question préalable.
M. Dumortier. - Et cela veut dire qu'il n'y a pas lieu de délibérer.
MfFOµ. - Evidemment, il n'y a pas lieu de délibérer sur une proposition qui ne constitue pas un amendement.
M. Vilain XIIII. - On peut en faire l'objet d'un article spécial.
MfFOµ. - Sans doute ; mais cela n'en modifiera pas le caractère ; et sous quelque forme qu'on le produise, je devrai toujours y opposer la question préalable. (Interruption.)
Messieurs, soyons justes et raisonnables ; vous avez deux droits, le droit d'amendement et le droit d'initiative. Il ne s'agit pas ici de l'exercice du droit d'amendement ; je viens de le prouver. Ainsi vous voulez substituer à votre droit d'amendement le droit d'initiative. Eh bien, je vous renvoie au règlement et je vous dis : Remplissez les formalités prescrites par le règlement. Sans aucun doute, vous avez le droit de demander la suppression du minimum ; mais faites-en l'objet d'une proposition régulière en vertu de votre droit d'initiative ; cette proposition sera envoyée aux sections et elle arrivera devant la Chambre, après avoir subi toutes les épreuves prescrites par le règlement. J'invoque donc le règlement...
M. de Naeyer. - Ce n'est pas le règlement.
MfFOµ. - Comment ! ce n'est pas le règlement ? Alors j'avoue que je n'y comprends plus rien.
M. Bouvierµ. - C'est un dérèglement qu'il veut. (Interruption.)
(page 714) M. de Naeyer. - Quelle est la disposition du règlement qui met obstacle à la demande de M. Jacobs ?
MfFOµ. - Mais le règlement contient des dispositions formelles qui régissant tout ce qui est relatif aux amendements, et des dispositions relatives aux propositions émanant de l'initiative des membres de la Chambre. Quant aux amendements, ce règlement indique ce que c'est ; un amendement est une modification à une disposition proposée.
- Voix à droite. - Eh bien, c'est cela.
MfFOµ. - Une proposition, pour avoir le caractère d'un amendement, doit nécessairement se rattacher à des dispositions soumises à la Chambre et dans ce cas l'assemblée peut délibérer sans examen préalable par les sections.
Mais s'il s'agit, au contraire, d'une proposition n'ayant aucun rapport avec un projet soumis à la Chambre, cette proposition doit être renvoyée aux sections pour qu'elles décident s'il y a lieu d'en ordonner la lecture ; si la lecture en est autorisée, l'auteur est ensuite appelé à la développer ; il faut après cela qu'elle soit prise en considération, renvoyée de nouveau aux sections, lesquelles constituent une section centrale qui est chargée de présenter un rapport à la Chambre. Voilà ce que le règlement décide, et j'ai ainsi répondu à votre question.
M. de Naeyer. - Cela ne tranche pas la question de savoir si la proposition de M. Jacobs est un amendement.
MfFOµ. - Non, mais j'ai commencé par établir que ce n'est pas un amendement.
- Voix à droite : C'est la question.
M. Delaetµ. - C'est évidemment un amendement puisqu'elle corrige un vice essentiel du projet de loi.
MfFOµ. - Il m'a suffi, pour prouver que ce n'est pas un amendement, de vous lire l'article premier du projet de loi. Encore une fois, je vous demande en quoi la proposition de l'honorable M. Jacobs amende cet article, qui porte : La convention est approuvée. Il n'est question de rien autre chose dans l'article premier, et vous venez proposer d'y insérer : « le minimum est supprimé.» (Interruption.) La convention ne s'occupe en aucune façon du minimum ; elle ne modifie pas notre régime intérieur quant à l'exercice et au mode de perception de l'impôt. Par conséquent votre proposition n'est pas un amendement et je l'écarte par la question préalable.
Maintenant, je ne veux cependant pas laisser sans réponse ce que vient de dire l'honorable membre.
Il nous dit : Je demande la suppression du minimum de recette parce que ce minimum de recette rompt en réalite la convention. La convention, dans l'esprit de l'honorable membre et dans l'esprit des intéressés, a pour but de placer les industriels des divers pays dans des conditions égales, et par conséquent, lorsque l'action des dispositions de la loi qui sont faites pour assurer le minimum de recette viendra à se produire par la réduction de la décharge, les conditions ne seront plus les mêmes pour les uns et pour les autres.
Eh bien, le point de départ n'est pas exact. La convention est faite par chacun des divers pays contractants, d'abord au point de vue de son trésor. Elle est faite afin d'empêcher, dans les divers pays, que l'impôt ne soit dilapidé à l'aide d'un système de primes plus ou moins déguisées. Voilà un des buts de la convention.
Maintenant, le résultat doit être de placer les uns et les autres dans des conditions sensiblement égales, autant du moins qu'on peut l'espérer de régimes différents, de situations qui ne sont pas les mêmes. Mais, naturellement, ce n'est pas à dire qu'on renonce dans chaque pays au moyen le plus simple d'assurer la perception de l'impôt ; cela ne veut pas dire que si les conditions sont dissemblables dans les divers pays, la Belgique ait renoncé, elle, à s'assurer le moyen de percevoir intégralement l'impôt qui lui est dû, ou tout au moins le minimum de cet impôt.
On dit encore : Mais la convention ayant pour but de placer les industriels des divers pays dans les mêmes conditions, les primes seront supprimées de fait, il n'en existera plus et, par conséquent, le minimum n'aura plus de raison d'tire.
Mais d'abord, messieurs, nous n'avons qu'à invoquer sur ce point l'opinion des raffineurs eux-mêmes qui se sont adressés à la Chambre.
« Le régime maintenu par le projet de loi est celui du minimum de recette. Nous disons qu'il est injuste et qu'il doit infailliblement amener la ruine du raffinage en Belgique.
« Il est injuste. Le régime du minimum de recette a pour justification les primes accordées à l'exportation des sucres raffinés, primes qui laissent dans la consommation une quantité plus ou moins grande de sucre indemne de droits.
« Nous ne reviendrons pas sur le passé. Nous nous bornons à examiner la situation nouvelle que crée le projet de loi.
« Le rendement, fixé par l'article premier de la convention du 8 novembre 1864, n'est que provisoire. Endéans l'année, des expériences seront faites sous le contrôle du gouvernement belge. Ces expériences serviront à fixer le rendement définitif d'après les rendements réels obtenus. Le résultat de ces expériences sera ce que l'on en attend si le gouvernement y délègue des hommes capables, et comme il n'en manque pas, on peut affirmer que les rendements qui seront appliqués à notre industrie ne lui laisseront plus de prime. »
Il y a là deux choses ; il y a d'abord l'existence des primes actuelles ; ce qui est la justification du minimum, même aux yeux des raffineurs qui se sont adressés à vous. Il y a ensuite la constatation de ce fait, que c'est dans quelques années qu'auront lieu les expériences pour fixer le rendement réel qui ne doit plus laisser de primes. Mais en attendant que ces expériences aient été faites, en attendant qu'on ait constaté le rendement réel, la prime subsistera ; par conséquent, si le minimum était supprimé dans les circonstances actuelles, il est indubitable qu'une fraction très notable de l'impôt se dissiperait de nouveau en primes.
En présence de cette éventualité, il est absolument impossible de songer à supprimer le minimum. Mais alors même que les opérations dont je viens de parler auront été faites, il est évident, comme je l'ai dit hier, que l'on ne pourra arriver qu'à des moyennes, et qu'il y aura toujours des combinaisons qui permettront d'obtenir des avantages tels que l'impôt continuera de fournir, dans une mesure plus ou moins restreinte, une prime au profit des industriels, et au détriment du trésor. Ainsi que je l'ai fait remarquer déjà, messieurs, on s'est mépris sur le sens de ce qu'on appelle le minimum de recette ; ce minimum de recette ne consiste pas à exiger que le sucre produise une somme déterminée ; le minimum de recette signifie seulement, qu'au-delà d'un certain chiffre, le trésor dit : « Je vais être mis au pillage ; je me refuse à abandonner une partie de ce qui m'appartient. » Telle est tout simplement la signification du minimum de recette ; on n'oblige pas les industriels à verser une somme fixe de six millions ; on les empêche d'entamer cette somme pour en percevoir eux-mêmes une partie sous forme de primes.
Mais, dit l'honorable membre, en agissant ainsi envers les sucres, vous faites comme ce brigand au coin d'un bois ; vous demandez aux fabricants, non pas la bourse, mais la bourse ou la vie.
Messieurs, là comparaison est assez étrange ! Eh bien, puisque brigands il y a, je demande quels sont les véritables brigands dans cette affaire ? Sont-ce les industriels qui veulent absolument puiser dans le trésor, ou est-ce moi, qui veux absolument défendre le trésor dans l'intérêt public ?
Messieurs, j'ai dit que les brasseries et les distilleries n'étaient pas du tout dans les mêmes conditions que les fabriques de sucre ; que si elles étaient dans les mêmes conditions, on devrait leur appliquer le même régime. L'honorable M. Jacobs n'a pas compris l'objection que j'ai faite, quand j'ai invoqué ce qui s'était passé autrefois dans les communes à octroi. Dans plusieurs de ces communes il y avait des primes résultant de la restitution accordée à l'exportation ; et comme il y avait des primes, on a dû recourir dans ces localités à des moyens analogues à ceux que nous employons pour assurer la perception de l'impôt sur le sucre. Mais en ce qui touche la restitution à l'exportation, la décharge que l'on accorde aux bières et aux genièvres ne contient pas de primes, eu égard surtout aux petites quantités qui sortent du pays.
Si vous voulez que nous élevions le rendement pour le sucre au raffinage à un certain chiffre, par exemple à 95 p. c, et que nous portions la prise en charge à 1,600 grammes dans les fabriques de sucre, alors elles seront dans la position des brasseries et des distilleries, alors vous pourrez supprimer le minimum. (Interruption.)
Vous reconnaissez par là que dans les conditions actuelles il y a prime. (Nouvelle interruption.)
Comment ! il n'y a pas de primes ? Je croyais vraiment qu'il n'y avait plus que les fabricants de sucre eux-mêmes qui pussent soutenir une pareille assertion et je ne croyais pas que dans cette Chambre il se rencontrât un seul membre pour émettre sérieusement cette opinion. Mais, messieurs, c’est de la vieille histoire. Il y a 15 ans que j'ai prouvé l'existence des primes, et ces primes existent toujours. Comment ! vous avez une prise en charge de 1,400 grammes dans les fabriques de sucre, et vous qui défendez les intérêts des raffineurs, vous dites qu'il n'y a pas de primes ! (Interruption.)
L'honorable M. Jacobs me dit que l’exportation a cessé ; oui, l'exportation a cessé ; mais pourquoi ? Parce que des excédants considérables, laissés indemnes de droit ont été livrés à la consommation. (Nouvelle interruption). (page 715) S'il n'y a plus d'exportation, il n'y a plus de primes à accorder à la sortie des sucres raffinés ; mais à l'intérieur, il reste une prime pour les fabriques de sucre de betterave ; et quand elles obtiennent un rendement supérieur à 1,400 grammes, elles perçoivent à leur profit une partie de l'impôt. (Interruption.)
On prétend que cela sera changé. Oui, mais le chiffre de 1,500 grammes auquel nous sommes arrivés, n'est encore qu'une moyenne. Cela signifie que, dans certaines années, on obtiendra encore un excédant au-delà des 1,500 grammes, et que par conséquent le trésor belge sera menacé, alors qu'il ne l'est pas en Hollande, qu'il l'est très peu en France et qu'il ne l'est pas du tout en Angleterre. Cette différence au préjudice de la Belgique résulte de notre fabrication de sucre de betterave, qui est plus importante qu'ailleurs. En France les fabriques de sucre de betterave produisent tout au plus un tiers de la consommation ; en Belgique, elles produisent la totalité de la consommation ; en Hollande, la production du sucre de betterave est insignifiante ; en Angleterre, on n'en fabrique pas. Comment voulez-vous, dès lors, appliquer les mêmes principes, à des situations si dissemblables ?
D'ailleurs, une innovation est introduite : c'est celle qui consiste dans le système des types. Nous ne savons pas quelles seront les conséquences de cette innovation au point de vue du trésor. Donc, sous ce rapport, il y aurait une extrême imprudence à faire disparaître le minimum. Aujourd'hui, nous n'avons plus seulement les intérêts du trésor à sauvegarder, nous avons encore à veiller à un autre intérêt très important : je veux parler de l'intérêt du fonds communal. L'impôt sur le sucre est une des sources du fonds communal ; il est donc du plus haut intérêt pour toutes les communes que rien ne vienne compromettre le revenu qui leur a été attribué.
Messieurs, lorsque plus tard le système des types aura été expérimenté et que cette innovation aura pu être approfondie, s'il est démontré que le minimum peut être supprimé sans inconvénient, nous le ferons certainement disparaître ; mais jusque-là, je le répète, il y aurait une extrême imprudence à en prononcer la suppression.
Je persiste donc à opposer à l'amendement la question préalable.
M. Coomans. - Messieurs, je n'ai pas abusé de la parole dans ce long débat sur les sucres et je me proposais de me taire jusqu'à la fin ; car sur maints points j'ai des doutes plutôt que des opinions à émettre. Mais je dois protester contre la théorie que l'honorable ministre des finances a produite sur notre droit d'amendement.
Cette théorie est très dangereuse, parce qu'elle est très arbitraire. Elle tend à supprimer le droit d'amendement, c'est-à-dire le principal droit des minorités devant les majorités qui n'out déjà que trop de droits et dont les droits sont toujours assez garantis.
Quoi ! messieurs, il suffira désormais, pour repousser un amendement, qu'une minorité ou un gouvernement dise : Ce n'est pas un amendement, et ce n'est pas un amendement parce que ce n'est pas un amendement. Mais avec un règlement pareil, on arriverait au dérèglement et à l'absolutisme.
M. Bouvierµ. - Et à la suppression du gouvernement parlementaire et des majorités. (Interruption.)
M. Coomans. - Evidemment. Cette interruption est très bonne, monsieur Bouvier. Vous supprimez le gouvernement parlementaire et discréditez les majorités en supprimant le droit d'amendement et en permettant aux majorités de rejeter des amendements par la seule raison, qui n'en est pas une, qu'à ses yeux ce ne sont pas des amendements.
Messieurs, si l'amendement de mon honorable ami M. Jacobs n'était pas un véritable amendement, M. le ministre des finances ne le repousserait pas. L'honorable ministre repousse la disposition additionnelle de mon honorable ami, parce que c'est un amendement, c'est-à-dire une modification réelle et sérieuse au système du gouvernement.
Voila la vérité.
Vous pourrez, dit l'honorable ministre, intercaler toute autre chose dans cet article premier, au même titre que cette disposition-ci. Point. Si nous y avions apporté une chose quelconque qui n'eût aucun rapport avec le projet de loi, l'honorable ministre n'aurait pas fait deux discours pour repousser cette modification, il nous en eût laissé toute la responsabilité et tout le ridicule.
Messieurs, c'est un amendement, parce que c'est la sanction, la conséquence de la convention. Je ne conçois même pas la convention, c'est-à-dire l'article premier, sans l'amendement. L'amendement dit : Nous approuvons la convention à la condition qu'elle reste convention et que son but soit atteint, but qui est de placer sur le même pied tous les producteurs de sucre des quatre parties contractantes.
Notre amendement est la sanction, la conséquence forcée et logique de l'article premier. Du reste, c'est un amendement précisément parce que le ministre le combat.
Messieurs, il est plus simple, plus parlementaire, plus loyal de voter contre une disposition que de la repousser par la question préalable.
Je prie la Chambre d'examiner sérieusement l'amendement, de le rejeter s'il lui déplaît, mais de ne pas nous opposer un véritable déni de justice.
M. de Theuxµ. - Messieurs, dans mon opinion, la Chambre ne doit pas abuser des questions préalables. Car la question préalable tend souvent à retarder l'émission d'une opinion franche et nette. Or, il appartient à une Chambre des représentants et particulièrement à une Chambre belge, d'avoir une opinion franche et nette.
Messieurs, y a-t-il ici lieu à appliquer la question préalable ? Je ne le crois pas. Il est évident que la convention a pour objet premièrement d'établir une égalité de rendement et secondement une égalité de restitution.
Mais, ainsi que l'a observé l'honorable M. Jacobs, si la restitution en Belgique finit par être moins forte qu'elle ne l'est dans les pays étrangers sur la même exportation, il est évident que l'industrie belge est dans une position d'infériorité. Donc le minimum, ayant ce but, a pour objet de paralyser en partie les bons effets de la convention.
Que fait l'honorable M. Jacobs ?
L'article premier propose l'adoption de la convention. L'honorable M. Jacobs dit : Bien ; mais supprimez alors en même temps la condition du minimum qui rend la situation des raffineurs belges inférieure à celle des raffineurs des pays étrangers.
Ceci est parfaitement logique, et c'est réellement à l'article premier que cette question se pose tout naturellement.
Je crois, messieurs, qu'il n'est pas douteux, d'après toutes les expériences qui ont été faites, que le rendement admis de commun accord par les divers pays, est le rendement moyennement vrai.
MfFOµ. - Cela n'est pas fait.
M. de Theuxµ. - Oui, mais cela sera fait.
MfFOµ. - Nous ne savons pas où nous aboutirons.
M. de Theuxµ. - C'est la conséquence de la convention.
Donc, messieurs, si la restitution est basée sur le rendement légal, il n'y a pas de prime d'exportation.
Et puis, s'il y avait une prime d'exportation à l'étranger, pour que la convention atteigne ses effets, il faudrait qu'il y eût en Belgique une prime d'exportation égale à celle qui existerait à l'étranger, sauf à chaque pays à se récupérer par des droits sur la consommation, qui satisferaient aux besoins du trésor.
Quant aux droits sur la consommation du pays, nous sommes parfaitement libres.
Quant à l'égalité du commerce, nous ne sommes pas libres, si nous voulons être justes envers nos industriels, si nous voulons être bons patriotes, protéger nos propres intérêts et ne pas favoriser ceux de l'étranger.
On dit, messieurs : Le rendement est basé sur la moyenne de plusieurs années. C'est juste. Si vous n'admettez pas une moyenne de plusieurs années, il faut prescrire l'exercice, et il vaudrait bien mieux l'exercice pour nos industriels que de dépasser le rendement vrai en certaines années et d'empêcher nos industriels de profiter des bonnes années. Dans cette situation, leur condition serait très mauvaise. Bien mieux vaudrait l'exercice. Mais si le minimum est aboli, comme en Hollande, on a trouvé un expédient pour le cas où le rendement serait supérieur, ou le trésor serait lésé, je dis que M. le ministre des finances trouvera de son côté un expédient comme on en a trouvé un en Hollande.
MfFOµ. - Les conditions ne sont pas les mêmes.
M. de Theuxµ. - Les conditions sont à peu près les mêmes. Les conditions des industriels dans les divers pays ne peuvent pas être exactement les mêmes sou pour sou. Mais les conditions sont sensiblement les mêmes pour les différents industriels et pour les divers pays. C'est sur cette base que la convention est faite. Si l'on n'avait pas trouvé une condition à peu près égale, on n'aurait pas pu faire une convention internationale.
Quant à moi, par les motifs que je viens de dire et ceux que j'ai énoncés dans la discussion générale, je voterai contre la question préalable et pour l'abolition du minimum, sauf ensuite, si M. le ministre des finances propose quelques mesures pour sauvegarder les intérêts du trésor, à y donner mon assentiment.
M. Jacobsµ. - L'honorable comte de Theux disait tout à l'heure (page 716) qu'il faut être très sobre de questions préalables. J'ajouterai qu'il faut être très large en matière d'amendement et c'est en ce sens que la Chambre a toujours agi.
Lorsque MM. de Naeyer et Guillery ont proposé de soustraire à la tutelle des commissaires d'arrondissement les communes de 10,000 âmes, à propos de modifications apportées à la loi communale, personne n'a songé à opposer la question préalable.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - C'est une question qui sera discutée.
M. Jacobsµ. - Il y a peu de jours on a laissé développer, sans opposition, un amendement et on l'a renvoyé à la section centrale.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - On l'a laissé développer, mais on ne l'a pas discuté.
M. Jacobsµ. - Lorsque la Chambre a eu à statuer sur les pétitions relatives à l'extension du droit de suffrage, on les a renvoyées à la section centrale chargée de l'examen du projet de loi relatif aux fraudes électorales, personne n'a contesté le droit d'y souder ces questions qui n'ont cependant pas un rapport aussi direct avec ce projet que mon amendement en a avec l'article premier.
MjTµ. - La question a été formellement réservée.
M. Jacobsµ. - Le rapport qui existe entre l'article premier et l'amendement que j'ai présenté, c'est, ce me semble, un rapport extrêmement direct.
L'article premier porte que la convention sortira son plein et entier effet. Or, si ce minimum est appliqué à l'un des buts de la convention, but principal, disait-on hier, but accessoire, dit-on aujourd'hui, qui est de mettre les industriels des différents pays sur la même ligne, ce but n'est pas atteint et dès lors la convention ne sort pas son plein et entier effet.
Je répondrai un seul mot à M. le ministre des finances sur le fond de la question. Il fait intervenir le fonds communal qui intervient chaque fois qu'on propose une modification à nos impôts, pour rallier tous les intérêts contre elle. Le sucre fournit au fonds communal environ 18 cent mille francs ; il produira toujours bien plus que cette somme.
MfFOµ. - C'est un tantième.
M. Jacobsµ. - C'est un tantième en apparence, mais en réalité une somme fixe que nul de nous ne refuserait de garantir au fonds communal. L'intérêt des communes est tout à fait en dehors de la question, et la Chambre ne maintint-elle pas le minimum, ne voudrait pas que les communes en souffrent. C'est donc en vain que vous chercheriez à provoquer une coalition d'intérêts contre la suppression du minimum.
M. Bara. - Messieurs, l'honorable M. Jacobs a lui-même démontré l'impossibilité de voter son amendement à l'occasion de l'article premier. Pour vous en convaincre, il suffit de faire l'historique de l'amendement. L'honorable M. Jacobs a demandé d'abord à la Chambre de voter sur le principe du minimum contenu dans les articles 5 et 6.
M. Jacobsµ. - Il paraît que je m'étais trompé, M. le ministre des finances me l'a fait remarquer.
M. Bara. - Il est incontestable cependant que vous avez demandé cela. Je ne fais que constater.
On vous a répondu qu’il est inutile de troubler l'ordre des articles. Vous avez cherché un expédient pour faire voter de suite sur le minimum et c'est alors que vous avez proposé un prétendu amendement à l'article premier. M. Jacobs a donc reconnu que le principe de son amendement se trouvait dans les articles subséquents, dans les articles 5 et 6.
M. Jacobsµ. - M. le ministre des finances m'a prouvé que j'étais dans l'erreur.
M. Bara. - M. Jacobs n'a pas voulu faire voter la Chambre sur la question de savoir si l'on intervertirait l'ordre de la discussion des articles ; mais pour être logique, il aurait dû persister dans sa demande de voter d'abord sur le minimum.
Maintenant, messieurs, pouvons-nous accepter, à l'article premier, une proposition qui n'est pas un amendement à cet article, qui n'y a aucun rapport ?
M. Jacobs et M. Coomans disent qu'ils ont le droit de proposer des amendements ; sans doute, mais il faut que les amendements soient en rapport avec les articles auxquels ils les rattachent. Il faut bien admettre que si dans un projet de loi il y a un article auquel l'amendement se rapporte d'une manière parfaitement indiquée, il n'est pas permis de le rattacher à un autre article. Je suppose que les honorables membres reconnaissent cela ?
M. Coomans. - Non.
M. Bara. - Non ! Ainsi, M. Coomans présentera, à l'article premier, un amendement qui se rapportera à l'article 8, par exemple, que le bon sens obligera d'y rattacher, et l'honorable M. Coomans trouvera cette manière d'agir raisonnable. On peut faire des lois de cette façon chez les Iroquois, mais je crois que dans un parlement civilisé on doit rattacher les amendements aux articles avec lesquels ils sont en rapport.
Or, l'amendement de M. Jacobs s'applique aux article 5, 6 et 9 ; il doit, pour atteindre son but, demander la suppression de ces articles, voilà ce qu'il doit demander pour faire de la bonne législation.
Messieurs, je ne proposerai pas la question préalable, mais je propose tout simplement de renvoyer l'amendement aux articles 5, 6 et 9. J'ai le droit de demander que la Chambre décide qu 'l'on discute l'amendement aux articles où il en sera véritablement question.
Quant à l'amendement en lui-même, je ne le voterai pas, quoique j'appartienne à un arrondissement où il y a beaucoup de fabricants de sucre, et voici, messieurs, le motif pour lequel je ne voterai pas cet amendement : Si le minimum est supprimé, il faut rétablir l'exercice. Or, les sucriers veulent-ils l'exercice ?
M. Dumortier. - Oui.
M. Bara. - M. Dumortier répond : Oui ! Mais qu'il réunisse les fabricants et qu'il leur pose la question. Il y a des sucriers qui veulent l'exercice, il y en a d'autres qui n'en veulent pas. Si M. le ministre des finances venait dire : « J'établirai l'exercice, » avant quinze jours, les réclamations arriveraient en foule. Voilà la vérité ; et il faut être franc et savoir la dire même à ses commettants.
Je suis intimement convaincu que le chiffre de 6 millions répond à la consommation du sucre dans le pays. Je dirai plus, il est démontré que l'industrie du sucre a prospéré sous le régime du minimum, je ne dirai pas à cause du minimum, mais malgré le minimum.
Admettons que le minimum ait pu nuire à l'industrie des sucres, mais il est certain qu'il n'a pas arrêté son développement dans de fortes proportions.
Je crois que quand on prétend que l'on ne consomme en Belgique que 13 millions de kilogrammes de sucre, on est en dessous de la vérité, et la preuve, c'est la consommation constatée en Hollande et en Angleterre.
Si maintenant on votait l'amendement de l'honorable M. Jacobs, qu'arriverait-il ? C'est que, comme on l'a dit, on pourrait à l'aide des primes, faire disparaître l'impôt.
Croyez-vous que, s'il en était ainsi, le gouvernement abandonnerait ses 6 millions sur les sucres ? Je ne le crois pas. Il exigera, par d'autres moyens, des sucriers un impôt d'au moins 6 millions.
Dans ce moment-ci je ne serais pas de ceux qui voudraient réduire l'impôt sur les sucres, alors que je vois un impôt très lourd peser sur le sel.
S'il est vrai, comme vous le dites, que le chiffre de 6 millions n’est pas atteint, il faudrait un dégrèvement sur les sucres et il faudrait faire face à ce manquant dans nos ressources en augmentant d'autres impôts.
Mais je sais que l'impôt est atteint, et beaucoup de sucriers sont d'avis que le chiffre de 6 millions est fourni par la consommation actuelle.
Je connais cependant des fabriques qui se trouveront dans une mauvaise situation, qui ne peuvent produire du n°12 avec 1,500 grammes. Je le regrette beaucoup, mais d'où vient cela ?
Du système de l'abonnement, qui est un système vicieux.
Je crois qu'en matière d'impôt de consommation, il faut réellement l'exercice, mais du moment que l'abonnement est établi, l'industrie doit en supporter toutes les conséquences.
Si elle ne veut pas de ce système, qu'elle se mette d'accord pour demander l'exercice. Or, cet accord n'existe pas.
Le jour où vous proposerez une législation établissant l'exercice, l'union entre les sucriers sera rompue d'une manière complète et nous serons sollicités dans divers sens.
- Une voix. - Ce sera juste.
M. Bara. - Oui, ce sera juste. Les industriels agiront dans leur intérêt, mais il faut aussi veiller sur le trésor et empêcher qu'on ne le vide. Or, tant qu'il y aura des restitutions à la sortie, il faudra admettre ou l'abonnement avec le minimum ou l'exercice. Il n'y a pas de milieu entre ces deux modes de recouvrement.
S'il en est ainsi, que pouvons-nous faire ?
Je ne puis opposer à l'amendement que l'exercice et l'exercice est impossible. Il faut donc que j'assure les 6 millions si je les crois dus par l'industrie des sucres, et force m'est dès lors de voter la proposition du gouvernement et de repousser l'amendement de l'honorable M. Jacobs, En terminant, je dois dire que l'honorable ministre des finances (page 717) ne m'a pas donné tous mes apaisements sur la question du type n°12, je ne sais encore si c'est le n°12 ou le n°10.
MpVµ. - La question préalable a été posée. Elle doit avoir la priorité.
M. Jacobsµ. - Je demande l'appel nominal.
M. Bara. - Je ferai une proposition par sous-amendement. Je demande que la proposition de l'honorable M. Jacobs soit renvoyée à l'article 5.
MfFOµ. - Mon but est atteint par la proposition de l'honorable M. Bara. La question préalable sur l'article premier n'empêcherait pas l'honorable M. Jacobs de reproduire son amendement à un autre article.
Je me rallie à la proposition de l'honorable M. Bara, et je retire la question préalable.
MpVµ. - La question préalable est retirée.
M. Jacobsµ. - Si la question préalable est retirée, on ne peut plus voter que sur le fond de ma proposition.
Il ne peut appartenir à M. Bara pas plus qu'à tout autre membre de cette Chambre de distraire un amendement d'un article auquel son auteur propose de l'ajouter et de le transporter à un autre article.
Qu'on pose la question préalable, je le conçois ; qu'on décide qu'il n'y a pas à délibérer sur la proposition, je l'admets ; mais qu'on transporte un amendement d'un article à un autre sans consulter son père et sans s'inquiéter s'il lui convient de présenter un amendement à un autre article, cela me paraît inconcevable. J’ai présenté un amendement à l'article premier, je n'en ai pas proposé à l'article 5.
J’insiste donc, puisque la question préalable est retirée, pour que la Chambre vote sur mon amendement.
M. Guillery. - Messieurs, l'honorable M. Jacobs dit qu'il n'appartient pas à l'honorable M. Bara de régler l'ordre de la discussion. Cela est vrai, mais l'honorable M. Bara n'a pas émis cette prétention. Il a demandé que la Chambre décidât, et il avait incontestablement ce droit que l'amendement de l'honorable M. Jacobs serait renvoyé aux articles 5 et 6.
Cet amendement se rapporte, en effet, aux articles 5 et 6, qu'on le dise ou qu'on ne le dise pas, qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas.
Vous ne pouvez faire qu'un amendement que vous proposez à l'article premier ne fasse par la force des choses partie de l'article 5 ou de l'article 6.
Ce qu'on propose à la Chambre, c'est de décider, après avoir pris connaissance du texte des articles 5 et 6, que l'amendement se rapporte à ces articles.
MpVµ. - La parole est à M. de Brouckere.
M. de Brouckere. - Je voulais faire l'observation que vient de présenter l'honorable M. Guillery.
M. Dumortier. - Messieurs, un amendement présenté à une loi peut se rapporter à plusieurs articles.
L'amendement de l'honorable M. Jacobs peut, il est vrai, se rattacher aux articles 5 et 6, mais on ne peut point contester qu'il peut se rattacher aussi et qu'il se rattache, avant tout, à l'article premier.
Que porte l'article premier ?
L'article premier porte : « La convention sortira son plein et entier effet. »
Eh bien, que propose l'honorable M. Jacobs ?
Il propose de faire en sorte que la convention puisse sortir son plein et entier effet, car maintenir le maximum, c'est dire que la convention ne sortira pas son plein et entier effet. C'est dire noir et blanc en même temps.
Je ne conçois pas comment M. le ministre des finances, qui nous présente une convention ayant pour but de rendre la position égale entre les quatre parties contractantes, ne comprend pas que pour qu'il en soit ainsi il faut commencer par supprimer le minimum, car le minimum met les parties contractantes en désaccord, il frappe d'un impôt plus considérable les sucres belges que ceux des trois autres parties.
La première chose à faire, c'est donc de liquider ce point, et je trouve que mon honorable ami, M. Jacobs, a parfaitement raison de demander que son amendement soit mis aux voix en même temps que la convention, car c'est la condition sine qua non de l'article premier.
L'article premier dit :
« La convention sortira son plein et entier effet.
« Le minimum dit :
« La convention ne sortira pas son plein et entier effet. »
Avant de dire la convention sortira son plein et entier effet, il faut savoir si le minimum n'y fait pas obstacle.
Tel est le but de la proposition de mon honorable ami, et cette proposition est tellement logique que je ne concevrais pas qu'on pût la repousser. La première question est de savoir si vous voulez que l'article premier soit, oui ou non, une vérité ; s’il doit être une vérité, il faut supprimer le minimum.
Je crois donc que l’amendement de mon honorable ami se rapporte bien à l’article premier et qu’il faut le maintenir à cet article.
M. Coomans. - Si j'ai bien commis tout à l'heure M. le président, la question préalable serait écartée.
- Voix nombreuses. - Oui, oui.
M. Coomans. - L'honorable ministre des finances a renoncé à la question préalable !
MpVµ. - Oui.
M. Coomans. - Mais l'honorable ministre a déclaré qu'il opposerait la question préalable chaque fois que la proposition de M. Jacobs serait représentée, c'est-à-dire aussi bien aux articles 5 et 6 qu'à l'article premier. C'est ce que tous nous avons entendu. Eh bien, en ce point essentiel, l'honorable ministre des finances n'est pas d'accord avec MM. Bara et Guillery, qui admettent, eux, l'amendement aux articles 5 et 6. Il faut donc nous entendre. Si mon honorable ami, se ralliant au système de MM. Bara et Guillery, renonçait à demander le vote de son amendement à l'article premier et si on lui oppose de nouveau la question préalable aux articles 5 et 6, il aura été tout simplement joué, passez-moi l'expression.
Nous avons droit à un vote ; ce vote, il nous le faut ; on nous chicane, à quoi bon ? (Interruption.) L’honorable ministre ne veut pas de l'amendement de M. Jacobs, il a déclaré que cet amendement était étranger non seulement à l’article premier, mais à tous les articles, et qu'il lui opposerait à tous les articles la question préalable. S'il en est ainsi, nous ne pouvons adhérer aux observations de M. Bara.
Je demande qu'on s'explique franchement.
M. le ministre des finances accepte-t il le vote aux articles 5 et 6 sur l'amendement de mon honorable ami M. Jacobs ? S'il l'accepte, je consens, par esprit de conciliation et sous réserve de nos droits parlementaires, au déplacement de l'amendement ; sinon nos honorables adversaires devront se résigner au vote de cet amendement à l'article premier. (Interruption.)
Si nous devions rencontrer aux articles 5 et 6 la même question préalable, la même fin de non-recevoir, le même déni de justice, nous aurions discuté en vain et, je dois le dire, peu loyalement.
J'attends une réponse formelle à ma question. (Interruption.) Posera-t-on la question préalable, oui ou non ? Ne jouons pas sur les mots.
M. de Brouckere. - M. Jacobs a présenté un amendement qu'il rattache à l'article premier du projet de loi. M. le ministre des finances oppose à cet amendement la question préalable. La proposition de M. le ministre est combattue par plusieurs membres et entre autres par l'honorable orateur qui vient de se rasseoir, M. le ministre des finances retire sa proposition, voilà que M. Coomans est mécontent de ce qu'il la retire.
- Des voix. - Du tout.
M. Coomans. - La retire-t-il pour tous les articles ?
M. Guillery. - Nous verrons cela plus tard.
M. Coomans. - J'aimerais mieux le voir maintenant.
- Une voix. - Laissez parler M. de Brouckere.
M. de Brouckere. - Je ne suis pas pressé. Je répète que M. le ministre des finances avait proposé la question préalable, que cette proposition a été vivement combattue, entre autres par M. Coomans, et maintenant que M. le ministre des finances retire sa proposition, M. Coomans en est mécontent...
- Voix à droite. - Du tout, du tout.
M. de Brouckere. ... et veut à tout prix que la Chambre vote sur la question préalable.
- Voix à droite. - Mais du tout.
M. Bara. - N'interrompez donc pas.
M. de Brouckere. - Laissez-les faire ; cela les amuse et cela ne me gêne pas. Murmurez donc, mais à une condition : c'est que je répéterai autant de fois que vous murmurerez.
Je répète donc que M. Coomans semble mécontent de ce qu'on a retiré la question préalable et veut absolument que la Chambre vote sur cette question. Qu'il la présente !
M. Coomans. - Je n'ai rien demandé de semblable.
M. de Brouckere. - Qu'il la présente ; mais jusqu'à ce moment la question préalable est hors de cause.
Quelle est la question que nous avons à décider ? Elle est toute simple. M. Jacobs rattache son amendement à l'article premier. M. Bara lui répond : Je veux bien que nous nous occupions de votre amendement, mais à propos des articles 5 ou 6, non à propos de l'article premier, et je demande à la Chambre de décider qu'elle examinera l'amendement à l'occasion de ces articles.
Voilà la question à décider, la seule à décider, Que répond (page 718) l'honorable député d’Anvers ? Vous n’avez pas le droit, vous, M. Bara, de décider à l’occasion de quel article on examinera mon amendement. Cela est incontestable. M. Bara n'a pas ce droit, pas plus que M. Jacobs : leur droit sont égaux. M. Jacobs rattache son amendement à l'article premier, M. Bara le rattache aux articles 5 et 6, eh bien, la chambre décidera.
La seule question à décider en ce moment, je le répète, est donc celle-ci : La Chambre entend-elle s'occuper de l'amendement de M. Jacobs à l'occasion de l'article premier, ou bien à l'occasion des articles 5 et 6 ? (Aux voix ! aux voix !)
- Une voix à droite. - L'appel nominal !
- La proposition de M. Bara, tendante à l'ajournement de l'amendement de M. Jacobs aux articles 5 et 6, est mise aux voix et adoptée.
MpVµ. - Nous arrivons maintenant à l'article premier.
M. Jacobsµ (pour une motion d’ordre). - Malgré le vote qui vient d'avoir lieu, j'ai le droit de retirer mon amendement, et de me réserver d'examiner s'il y a lieu de le proposer soit à l'article 5, soit ailleurs, tel quel ou modifié. C'est ce que j'ai l'honneur de faire.
MpVµ. - Il reste à discuter l'article premier ; la parole est à M. Dumortier.
M. Dumortier. - L'article premier du projet de loi renferme la question la plus grave de toutes au point de vue de l'industrie sucrière, puisqu'il consacre une disposition nouvelle qui fixe la prise en charge de 1,400 à 1,500 grammes.
Déjà, messieurs, j'ai eu l'honneur de vous le dire, cette augmentation du taux de la prise en charge équivaut à une augmentation de droit de fr. 3,15 par cent kil. et à un impôt total de près de 800,000 fr. dont on frapperait les fabriques de sucre. Déjà j'ai fait ressortir la situation véritable qu'on va faire aux sucreries par cet article et tout à l’heure l'honorable M. Bara vous a dit avec raison qu'un très grand nombre de fabricants de sucre préféraient l'exercice à la disposition de l’article premier du projet de loi combiné avec l'article 10 de la convention.
Eh bien, messieurs, je désire présenter un amendement portant que les fabricants de sucre auront la faculté de réclamer la fabrication en entrepôt. Il est bien entendu qu'une loi interviendrait pour régler cette fabrication.
Il y a, messieurs, deux questions dominantes dans ce projet de loi : celle que renferme l'article premier et celle qui résulte de la combinaison des articles 3 et 4.
La question du minimum vient ensuite.
La fabrication du sucre peut-elle ou ou non produire annuellement en moyenne une prise en charge de 1,500 grammes ? Si elle le peut, vous avez raison de l'imposer ; si elle ne le peut pas, vous commettrez une grande injustice en établissant une prise en charge que cette industrie est incapable de supporter.
Eh bien, messieurs, je crois avoir résolu cette question d'une manière irréfutable, en vous signalant ce qui se passe dans le département du Nord et en vous prouvant que notre sol est dans les mêmes conditions que celui de ce département français.
J'ai démontré, en effet, que dans le département du Nord les sucreries ne peuvent pas supporter une prise en charge de 1,425 grammes, et par cela même j'ai prouvé que vous commettriez une flagrante injustice en imposant à nos raffineurs une prise en charge de 1,500 grammes.
Dans la séance d'hier, j'ai démontré encore qu'en France les départements qui ont donné ce chiffre de 1,500 grammes et plus appartenaient tous au centre, et je vous ai montré chiffres par chiffres, d'après des documents officiels de France, les excédants qui avaient été produits dans ces départements.
Mais messieurs, en est-il de même dans le département du Nord ? Une seule citation puisée dans l'enquête française m'a suffi pour répondre à cette question ; permettez-moi de la relire. Voici ce que je lis à la page 356 de l'enquête française ; c'est la déposition de M. Mariage, qui représentait l'industrie de l'arrondissement de Valenciennes :
« La moyenne des rendements par hectolitre et par degré a été chez nous de 1,300 grammes en 1852 et 1853, de 1,392 en 1854 et 1855, de 1,321 en 1857 et 1858 et de 1,346 en 1859 et 1860.
« Si nous prenons la moyenne des dix dernières campagnes dans notre arrondissement, nous ne trouvons que 1,422 grammes seulement. Ces chiffres sont officiels. »
Que nous répond à cela M. le ministre des finances ? Que si le département du Nord a refusé de prendre l'abonnement à 1,425 grammes, c’est parce que les fabricants ne pouvaient pas exporter 1eurs produits ; mais ici encore une fois il a fait confusion ; il a confondu, exportation des sucres raffinés avec celle des sucres bruts.
Il a perdu de vue que l'exportation des sucres bruts est seule permise et que la loi interdit l'exportation des sucres raffinés qui ne sont point d'origine étrangère. Ce n’est donc point la question des sucres raffinés qui a empêché les 100 fabricants du département du Nord d'accepter la prise en charge à 1,425 grammes ; s'ils ne l'ont point voulu, c'est que la moyenne de dix années ne s'élevait qu'à 1,422 grammes et que par conséquent ils savaient ne pas pouvoir atteindre ce chiffre de 1,425 grammes.
Je le répète, messieurs, la question d'exportation est ici tout à fait sans objet ; et M. le ministre des finances en se servant de cet argument s'est encore une fois mis à côté de la question. L'unique motif pour lequel les raffineurs du département du Nord n'ont pas accepté la mise en charge à 1.425 grammes c'est qu'ils ne pouvaient pas arriver à ce chiffre par leur fabrication.
Si le département du Nord ne peut produire 1,425 grammes, comment voulez-vous imposer aux fabricants belges une prise en charge de 1,500 grammes ? Vous allez leur faire payer un impôt sur les sucres qu'ils n'auront pas produits, et par conséquent vous allez commettre une grande injustice, une grande iniquité.
Il est bien vrai que, dans certaines années, les fabricants de sucre de betteraves peuvent obtenir 1,500 grammes, mais vous perdez complètement de vue les séries de mauvaises années où ils n'obtiennent que 1,200 à 1,300 grammes.
En France, il existe un décret impérial qui permet d'abaisser la prise en charge quand l'année est mauvaise.
Rappelez-vous les déclarations qui ont été faites par M. Barbier, directeur général des contributions indirectes en France, déclarations que je vous ai citées et desquelles il résulte que, dans des séries d'années, la prise en charge n'a produit que 1,200 à 1,300 grammes ; et quand, en Belgique, vous arriverez dans ces sériés de mauvaises années, vous exigerez du fabricant le payement de l'impôt, à raison de 1,500 gr. Je le répète, c'est une injustice, une véritable iniquité.
Frappez les produits qui existent : personne n'y trouvera à redire ; mais ne frappez pas les produits qui n'existent pas ; réservez au moins aux intéressés la faculté de se soumettre à l'exercice.
Il est évident que la condition faite aux industriels français est incontestablement plus favorable que celle que l'on veut faire à nos industriels.
Les intéressés, dans la pétition qu'ils nous ont adressée, nous ont demandé de leur laisser la faculté de fabriquer en entrepôt. Eh bien, c'est cette faculté que je viens réclamer aujourd'hui pour eux.
Quand le fabricant a un entrepôt, le trésor est parfaitement désintéressé, puisqu'il perçoit jusqu'au dernier centime de la fabrication, mais du moins le fabricant n'est pas exposé à payer un impôt sur des sucres qu'il n'a pas produits.
La majeure partie des fabricants de sucre indigène désire vivement obtenir la faculté de travailler en entrepôt ; vous voyez que par là ils écartent toutes les questions de prime, de fraude, etc. ; ils déclarent dans la pétition qu'ils veulent payer jusqu'au dernier centime pour tout ce qu'ils auront produit ; mais ils demandent en même temps que quand ils auront une mauvaise année à passer, quand la betterave ne rapporte que 1,200 à 1,300 grammes, ils ne soient pas tenus de payer un impôt sur des quantités de sucres qu'ils n'auront pas produites. Peut-on agir plus franchement ? Un pareil système, c'est la loyauté même, et on aurait très mauvaise grâce de ne pas l'adopter.
L'honorable M. Jacquemyns nous parle des entraves qui résultent en Hollande de l'application du système de l'exercice. -Je répondrai que rien n'est plus facile que de supprimer ces entraves...
M. le président, je demande la remise du débat à demain ; le bruit des conversations particulières couvre ma voix, et c’est tellement vrai que le sténographe est obligé de venir s'asseoir derrière moi pour recueillir mes paroles...
MpVµ. - J'invite les membres au silence ; la parole est continuée à M. Dumortier.
M. Dumortier. - Messieurs, je vais vous faire connaître la teneur de ma proposition. Vous savez que l'article premier dispose que pour les fabriques abonnées, la prise en charge est fixée à 1,500 grammes.
Eh bien, je propose d'ajouter, comme second paragraphe, ce qui suit :
« Les fabricants de sucre pourront réclamer la fabrication en entrepôt. Une loi en réglera le mode. »
(page 719) MfFOµ. - C'est une violation de la convention.
M. Dumortier. - Comment ! c'est une violation de la convention ! La France, l’Angleterre violent donc la convention ! C'est vous qui violez la convention. Mon amendement n'est pas une violation de la convention.
Quand les fabricants viennent dire à M. le ministre des finances : « Prenez en charge tout ce que nous produisons ; nous consentons à payer l'impôt jusqu'au dernier kilogramme que nous avons produit. » On ne peut plus reprocher aux fabricants de vouloir des primes ; mais alors en vient dire : « C'est une violation de la convention ! »
Il n'en est rien, messieurs ; la convention stipule pour les fabriques abonnées, mais elle laisse entières les fabriques non abonnées.
Eh bien, je demande que nos fabriques jouissent du droit qu'ont les fabricants en France et en Hollande, c'est-à-dire qu'elles aient la faculté de déclarer qu'elles ne veulent pas être abonnées. (Interruption.)
Je comprends que M. le ministre des finances ne veuille pas de ce système ; il a besoin des 800,000 francs qu'il veut prendre aux sucriers, pour arriver au minimum de recettes qu’il ne saurait atteindre sans cela. Mais je ne puis assez le répéter, vous n'avez pas le droit de prélever un impôt sur des sucres qui n'ont pas été produits. Et quand les fabricants viennent vous dire : « Prenez en charge jusqu'au dernier kilogramme de sucre que je produis, mais laissez-moi la faculté de fabriquer en entrepôt ; » vous n'avez pas le droit de venir prétendre que la convention est violée.
Messieurs, elle n'est pas violée, parce que la convention part, au contraire, du principe, que l'exercice est la règle et que l'abonnement n'est que l'exception.
J'engage, pour mon compte, tous les intéressés du pays à bien peser, sous ce rapport, toutes les conséquences de la loi, et ceux mêmes des industriels qui ne paraissent pas disposés à accepter la fabrication en entrepôt ne tarderont pas à la demander, parce que c'est leur seule planche de salut dans la position que leur fait la loi.
Je dis que rien n'est plus loyal que le système que les intéressés vous proposent dans leur pétition ; ils demandent à pouvoir être soumis à l'exercice. Pourquoi ne pas leur accorder cette faculté, lorsqu'ils vous déclarent de la manière la plus formelle que leur intention est que l'Etat perçoive l'impôt jusqu'au dernier kilogramme de sucre produit par eux ? Je me bornerai pour le moment à ces observations.
- L'amendement est appuyé. Il fera partie de la discussion.
MfFOµ. - Messieurs, en deux mots je démontrerai que l'amendement de l'honorable M. Dumortier est, comme je le lui ai dit, une violation directe de la convention.
Que demande l'honorable membre ? C'est que les fabricants en Belgique puissent, à leur gré, réclamer l'exercice ou l'abonnement. Or, dans le système de la convention, il est clair que l'on doit admettre, pour tous les fabricants d'un même pays, ou le régime de l'exercice, ou le régime de l'abonnement.
M. Dumortier. - Cela n'est pas du tout dans la convention.
MfFOµ. - Comment voulez-vous que cela n'y soit point ? Veuillez donc y réfléchir. Si le système de l'honorable M. Dumortier était admis, voici ce qui arriverait. Dans les années où, à raison de la plus grande richesse saccharine de la betterave, les fabricants seraient assurés d'obtenir des rendements supérieurs au taux de la prise en charge à forfait, naturellement ils demanderaient l'abonnement. Ils profiteraient ainsi de toutes les bonnes conditions d'un forfait. Mais quand des circonstances fâcheuses se présenteraient, ce que présume le forfait et ce que présume la convention, ils diraient : Soumettez-nous à l'exercice. De sorte qu'il n'y aurait réellement plus de forfait. Comment voulez-vous que l'on puisse donner aux fabricants une telle faculté ?
La convention dit : Ou le fabricant sera soumis à l'exercice ou il sera soumis à l'abonnement.
Qu'est-ce que l'abonnement ? Vous l'avez vous-même expliqué très longuement : c'est un forfait. Il y a de bonnes années et il y en a de mauvaises ; il y a des années dans lesquelles on obtient moins de 1,500 grammes, il y a des années où l'on obtient davantage moyennant quoi l'on peut admettre les 1,500 grammes à forfait. Mais si vous n'admettez pas ce système, il faut que toutes les fabriques soient soumises à l'exercice.
La convention a été faite pour régler les deux hypothèses. Pour les fabriques exercées, il n'y a pas de difficulté, on soumet les quantités produites à l'impôt, Mais l'on s'est dit : Il y a des pays dans lesquels on pourra traiter à forfait, dans lesquels il y aura un abonnement. Il s'agit de régler quelle sera la prise en charge dans ces fabriques ; sinon, nous allons permettre de donner une prime aux fabricants de ces pays. Donc la convention a dit : Dans les pays où les fabriques sont abonnées, la prise en charge sera de 1,500 grammes.
Il faut bien, dans cette idée, que le forfait existe. Vous ne pouvez admettre qu'on élude la convention en profitant des bonnes années au moyen de l'abonnement, et en échappant au résultat des mauvaise au moyen de l'exercice. Du moment qu'il y a forfait, il faut que l'abonnement soit général. Sinon, c'est une violation de la convention.
M. Dumortier. - Le fabricant ne viendra pas vous dire au milieu de la fabrication : Je demande à travailler en entrepôt. Il faut qu'il fasse cette demande quelques mois avant la fabrication. Or, tous ceux qui connaissent la fabrication du sucre savent que ce n'est qu'au bout d'un mois, et souvent même à la fin de la fabrication, que l'on peut connaître si l'année sera bonne ou mauvaise. Les résultats peuvent varier d'après diverses causes, et notamment d'après la température. Si vous avez un automne pluvieux, une fabrication commencée sous de bonnes auspices est souvent mauvaise, parce que la betterave rentre en végétation.
Ce qu'il y a dans la convention, c'est la faculté pour toutes les puissances d'accepter l'un ou l'autre mode, l'exercice ou l'abonnement ; et puisque la faculté et donnée à toutes les puissances d'accepter la prise en charge ou d'accepter l'abonnement, pourquoi dans un pays ne pourrait-on avoir la faculté de l'un ou de l'autre, comme on l'avait en France jusqu'il y a deux ans ?
MfFOµ. - Il n'y avait pas de convention, il y a deux ans.
M. Dumortier. - En France, on a eu cette faculté, et le motif pour lequel on a supprimé la prise en charge, ce sont les réclamations des fabricants du département du Nord qui, ne pouvant obtenir 1,425 grammes, ne voulaient pas d'un abonnement qui les mettait sur le même pied que d'autres fabricants qui obtenaient 1,500 grammes. Mais dans votre système, un fabricant qui n'obtiendrait que 1,200 grammes devra payer pour 1,500. En France du moins, un décret de l'empereur permet la réduction, il permet de descendre jusqu'à 1,200 grammes. Ici il faudra toujours payer pour 1,500 grammes, c'est-à-dire pour 3/15 en plus que la quantité obtenue. Cela est réellement incroyable. Comment ! Vous ferez payer à une population 3/15 d'un impôt qu'elle n'a pas produit !
Mais c'est un cinquième de l'impôt que paye en trop le fabricant. Ainsi celui qui payera 150,000 fr. d'impôt, aura 30,000 fr. de perte. Voilà votre système. Je demande si c'est là la manière d'établir un impôt.
Si vous voulez établir votre prise en charge sur le produit des années extraordinaires, des années extra-providentielles, souffrez que le fabricant qui ne se trouve pas dans ces conditions extra-providentielles, vienne vous payer jusqu'au dernier kil. de sucre qu'il produit.
Cela ne cause aucun préjudice à la convention puisque tout l'impôt sera payé.
M. Mullerµ. - Rendez l'exercice obligatoire pour toutes les fabriques.
M. Dumortier. - Je propose ce qu'ont proposé les industriels et voici ce qu'ils ont demandé : « Dans le cas contraire, nous demandons que le gouvernement nous accorde l'exercice facultatif. » Il n'y a pas le plus petit obstacle à ce qu'il en soit ainsi, puisque encore une fois l'on ni peut prévoir, comme le prétend à tort M. le ministre des finances, quand on fera la déclaration d'exercice facultatif trois mois à l'avance, quel sera le rendement de l'année.
Ceux qui demanderont l'exercice, le demanderont que l'année soit bonne ou mauvaise et ils le demanderont parce qu'ils seront dans l'impossibilité de produire les 1,500 grammes à raison desquels on veut les imposer.
- Plusieurs membres. - A demain !
MpVµ. - On réclame de nouveau la remise à demain. Je la mets aux voix !
- La remise à demain est mise aux voix ; elle n'est pas adoptée.
- Des membres. - Aux voix.
MpVµ. - Demandez la clôture régulièrement. Je la mettrai aux voix.
M. Bouvierµ. - Nous demandons la clôture.
MpVµ. - Demandez-la à dix.
- Plus de dix membres se lèvent pour la clôture.
La clôture est mise aux voix et prononcée.
L'amendement de M. Dumortier est mis aux voix ; il n'est pas adopté.
L'article premier est adopté.
La séance est levée à 5 heures.