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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 14 mars 1865

(Annales parlementaires de Belgique, Chambre des représentants, session 1864-1865)

(Présidence de M. E. Vandenpeereboom.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 625) M. de Florisone, secrétaire, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Van Humbeeck, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Florisone présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Les sieurs Peesteen, Meynne et autres membres de l'association libérale et constitutionnelle de l'arrondissement de Bruges proposent des mesures pour assurer la sincérité des élections et demandent l'abrogation des lois relatives à l'expulsion des étrangers. »

- Renvoi aux sections centrales chargées d'examiner le projet de loi sur les fraudes électorales et sur les étrangers.


« Le sieur Van Brabander propose la suppression du droit de barrière. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants de Wavre proposent des modifications au projet de loi relatif à l'administration du temporel des cultes. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.


« Le sieur Logneux demande que son fils Nicolas-Joseph, soldat au régiment des guides, soit libéré du service militaire. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Janssens demande que son fils Maximilien, qui s'est engagé au régiment Impératrice Charlotte, lui soit rendu. »

- Même renvoi.


« Les sieurs Coppens et Bort demandent la publication des Annales parlementaires en flamand comme en français. »

- Même renvoi.


« Le sieur Van Heers propose l'établissement d'une taxe annuelle sur les biens immeubles appartenant à une communauté civile ou religieuse. »

- Même renvoi.


« M. d'Hane-Steenhuyse, retenu par des affaires importantes ; M. de Woelmont, obligé de s'absenter, demandent des congés de quelques jours. »

- Accordés.


MpVµ. - M. Neyt fait part à la Chambre du décès de son frère, ancien membre de la Chambre des représentants.

- Pris pour notification.


M. Le Hardy de Beaulieuµ (pour une motion d’ordre). - En relisant les Annales parlementaires, j'ai remarqué que mon nom ne figure pas parmi les membres qui ont pris part au vote définitif de la loi sur le prêt à intérêt. Je suis cependant de ceux qui ont émis un vote favorable à ce projet de loi.

Je désire que cette omission soit réparée.

MpVµ. - L'observation de M. Le Hardy de Beaulieu sera insérée aux Annales et servira de rectification.

Composition des bureaux des sections

Les sections de mars se sont constituées comme suit :

Première section

Président : M. Joseph Jouret

Vice-président : M. Thonissen

Secrétaire : M. Couvreur

Rapporteur de pétitions : M. Van Wembeke


Deuxième section

Président : M. de Theux

Vice-président : M. Thienpont

Secrétaire : M. de Florisone

Rapporteur de pétitions : M. Bouvier-Evenepoel


Troisième section

Président : M. Thibaut

Vice-président : M. Dewandre

Secrétaire : M. T’Serstevens

Rapporteur de pétitions : M. Wasseige


Quatrième section

Président : M. de Ruddere de Te Lokeren

Vice-président : M. Van Overloop

Secrétaire : M. Van Hoorde

Rapporteur de pétitions : M. de Conninck


Cinquième section

Président : M. Vleminckx

Vice-président : M. Jacquemyns

Secrétaire : M. de Macar

Rapporteur de pétitions : M. Van Humbeeck


Sixième section

Président : M. Van Iseghem

Vice-président : M. Muller

Secrétaire : M. Elias

Rapporteur de pétitions : M. Pirmez

Prise en compte d’une demande en grande naturalisation

II est procédé au vote par scrutin secret sur la prise en considération de la demande de grande naturalisation du sieur Jules-Hubert Van Aken, docteur en droit.

Nombre de votants, 61.

Majorité absolue, 33.

Le dépouillement du scrutin donne :

Boules blanches, 40.

Boules noires, 15.

En conséquence, la Chambre prend la demande en considération. Il en sera donné information au Sénat.

Projet de loi accordant une grande naturalisation

Le rapport présenté à la Chambre, par M. Bouvier, au nom de la commission des naturalisations, est ainsi conçu :

« Messieurs, le sieur Coucke, né à Bruges, le 21 février 1825, s'est engagé, le 2 avril 1841, dans l'armée belge. Il a déserté le 12 septembre 1845, et n'ayant pas encore atteint sa majorité, il prit du service dans l'armée néerlandaise, sans l'autorisation du Roi

« Revenu en Belgique, il fut condamné, le 7 avril 1851, à 15 jours d'emprisonnement pour première désertion, et réincorporé, à l'expiration de sa peine. Il est aujourd'hui caporal au 6ème de ligne, et ses supérieurs donnent les meilleurs renseignements sur son compte. Croyant avoir perdu sa nationalité, il avait adressé, en 1859, pour obtenir la naturalisation ordinaire, une demande qui n'avait pas été accueillie, le pétitionnaire ne s'engageant pas à payer le droit d'enregistrement.

« Par plusieurs décisions prises dans des cas semblables, notamment sur les pétitions des sieurs Taquin, Baudoux et Bostoen, n°163 et 219 de la session de 1863, la Chambre a passé, sur ces demandes, à l'ordre du jour, par le motif que ces pétitionnaires n'avaient pas perdu la qualité de Belge, ayant pris du service à l'étranger avant d'avoir atteint leur majorité.

« Le sieur Coucke a renouvelé sa demande, pour obtenir une décision qui fixât son état.

« Mue par les motifs qui vous ont décidés dans les cas que je viens de citer, votre commission, messieurs, a l'honneur de vous proposer de passer également à l'ordre du jour sur la pétition du sieur Coucke. »

- Personne ne demandant la parole, il est procédé au vote par assis et levé sur les conclusions de la commission des naturalisations.

Ces conclusions sont adoptées.

Rapport sur une pétition

M. David. - Le rapport de la commission permanente de l’industrie, relative à la libre sortie des chiffons de lin et de coton, est ainsi conçu :

« Messieurs, avant la conclusion de nos derniers traités de commerce avec la France et l'Angleterre, les chiffons de lin et de coton, servant à la fabrication du papier, étaient prohibés, à la sortie du royaume, d'une manière absolue ; ils payent aujourd'hui un droit uniforme de 12 francs (page 626) par 100 kilogrammes, qui sera réduit à 10 francs, à partir du mois d'octobre de cette année ; c'est là le taux le plus bas, fixé par le traité du 11 mai 1861 avec la France, et qui deviendra d'application générale avec les autres pays.

« Ce régime exceptionnel appliqué aux chiffons est, d'après la pétition des marchands de chiffons, une véritable entrave à leur commerce avec l'étranger ; ils ne peuvent espérer, en acquittant un droit à la sortie qui représente 25 p. c. de la valeur de la marchandise, de voir prendre de l'extension à leurs transactions ; des maisons anglaises ont fait quelques achats en Belgique, en 1863, mais elles sont obligées d'y renoncer ; les pétitionnaires demandent donc que les chiffons de lin et de coton soient libres à la sortie du pays, comme le sont les chiffons de laine.

« Les fabricants de papier, de leur côté, affirment que la suppression immédiate du droit de sortie sur les chiffons provoquerait une crise dans laquelle la plupart d'entre eux trouveraient la ruine et le désastre. Ils invoquent, en faveur du maintien du régime actuel, plusieurs considérations, dont voici les plus saillantes : le chiffon, qui est une matière première indispensable à leur industrie, n'est produit qu'en quantité limitée ; tous les pays qui nous entourent entravent aujourd'hui l'exportation des chiffons par des droits de sortie, sauf l'Angleterre, où le prix élevé de cette marchandise en rend l'achat impossible pour le dehors ; il ne s'est révélé aucune cause puissante pour dévier du régime actuel : les traités internationaux doivent rester à l'abri des remaniements et des altérations partiels ; les modifications demandées tourneraient au profit exclusif des marchands de chiffons et non des collecteurs de chiffons ; l'industrie de la papeterie s'est développée, comptant sur la stabilité des conditions actuelles, ses conditions d'existence ne peuvent être changées inopinément ; l'abolition du droit de sortie sur les chiffons sera immédiatement suivie d'une hausse sur le papier, au grand préjudice des consommateurs de papier ; l'Angleterre se trouve dans des conditions de fabrication plus favorables ; le charbon y est à meilleur compte, les produits chimiques y coûtent 25 p. c. de moins qu'en Belgique ; en prononçant la libre sortie des chiffons, il faudrait en même temps réformer le tarif douanier des produits chimiques. Au résumé cependant, comme des expériences à l'effet de suppléer à l'emploi des chiffons car d'autres matières textiles, paraissent devoir produire des effets utiles dans un avenir plus ou moins rapproché, une forte minorité parmi les fabricants de papier admet une réduction de 2 francs par an sur le droit de sortie des chiffons, de manière qu'il disparaisse entièrement en cinq années, c'est-à-dire pour le mois d'octobre 1869. Ils appellent en même temps l'attention de la Chambre et du gouvernement sur l'utilité qu'il y aura à amener nos voisins à modifier, dans ce sens, leur législation sur les chiffons, et à consentir à des réductions sur les droits d'entrée des papiers.

« Votre commission d'industrie s'est occupée à plusieurs reprises de cette question des chiffons, et notamment dans ses rapports des 7 avril 1859 et 14 mars 1861 ; à ces époques, la prohibition de sortie était absolue, et, pour ne pas trop brusquer la situation, elle cherchait alors à faire remplacer la prohibition par l'application d'un droit de sortie.

« Ce système a prévalu dans le traité de commerce avec la France, du 31 mai 1861, et dans ceux conclus plus tard avec d'autres pays ; mais le droit de sortie de 10 francs par 1030kilogrammes de chiffons paraît constituer encore une véritable entrave au commerce de ce produit avec les pays voisins. Toutes les considérations alléguées contre la prohibition de sortie subsisteraient donc encore contre le droit de sortie à peu près prohibitif actuel.

« Pour encourager et augmenter la cueillette du chiffon, il faut que le prix en soit aussi rémunérateur que possible, il faut que le détenteur puisse librement disposer de sa marchandise là où elle se paye le mieux, et l'abolition du droit de sortie amenant plus de concurrence pour l'achat de cette matière, le prix en hausserait ; de certaines quantités perdues aujourd'hui pour l'industrie, dans les villages surtout, seraient collectées, et la partie de la classe pauvre qui s'adonne à ce dur métier y trouverait un peu plus de soulagement à la misère.

« Ce droit de sortie est le seul qui figure encore à nos tarifs douaniers, et s'il est vrai de dire qu'il a eu, jusqu'à certain un point, sa raison d'exister, la production du chiffon étant nécessairement limitée, il faut l'avouer, les raisons de le maintenir n'existent plus aujourd'hui.

« Les pays qui nous entourent ont modifié leur législation, non seulement pour les chiffons, mais aussi pour le papier. En Angleterre, la sortie du chiffon est libre ; à partir d'octobre prochain, le droit de sortie sera réduit à 10 francs par 100 kilogrammes en France ; en 1866, le droit de sortie des Etats du Zollverein sera réduit de moitié et fixé ainsi à fr. 12 48 c. par 100 kilogrammes. ; le droit de sortie est de fr. 10 60 par 100 kilogrammes en Hollande ; d'après les stipulatious du traité entre la France et la Suisse, du 24 novembre 1864, le droit de sortie sur les chiffons sera :

« A partir du 1er janvier 1866 de 9 fr. pour 100 kilogrammes, 1868 de 8 fr et 1869 de 4 fr.

« Les modifications introduites dans les tarifs douaniers qui frappaient les papiers ont été beaucoup plus importantes et plus favorables pour notre industrie papetière.

« L'Angleterre, qui frappait chez celle le papier d'un droit d'accise de 14 shillings, augmenté de 5 p. c. par 112 livres anglaises, faisait payer à l'importateur étranger un droit de douane équivalent, c'est-à-dire, en monnaie et poids belges, fr. 36 53 c. par 100 kilogrammes de papier. Ces droits d'accise et de douane ont été abolis simultanément, à partir du 1er octobre 1861 ; depuis lors le papier entre librement dans ce pays, et nos fabricants belges ont largement profité de ce changement de législation ; leurs importations, qui, en 1858, n'étaient que de 617,501 francs, montaient, cinq ans plus lard, en 1862, au chiffre de 5,043,095 francs.

« Les papiers payaient, à l'entrée en France, avant le traité de commerce du 31 mai 1861, de 80 à 160 francs par 100 kilogrammcs, suivant qualité ; depuis ce traité jusqu'au 1er octobre 1864, ils sont frappés d'un droit uniforme de 10 et 11 francs par 100 kilogrammes, qui, à partir de cette dernière date, sera réduit à 8 fr. et 8 fr. 80 c.

« En Hollande, les papiers sont soumis au droit de 5 p. c. à la valeur.

« Lors de la mise à exécution du traité de commerce avec le Zollverein en 1866, des droits d'entrée peu importants seront maintenus sur certaines qualités de papier, et réduits, sur les papiers de grande consommation, de fr. 74 90 c. et 37 45 c. à fr. 24 97 c. et 9 99 c. par 100 kilogrammes. (Voir l'annexe n° 1, qui contient tous les renseignements sur le régime douanier applicable aux chiffons et au papier, en Belgique et dans les pays voisins.)

« Si des modifications importantes dont la papeterie belge a profité ont été apportées au régime douanier du papier dans la plupart des pays qui nous entourent, il nous semble, d'après les faits révélés par la statistique générale, que la fabrication du papier a dû réaliser bien des progrès depuis quelques années, et que ses efforts et ses essais pour remplacer, au moins en partie, le chiffon par d'autres matières textiles, doivent bientôt aboutir au résultat désiré, et ainsi au délaissement du chiffon, dans une certaine mesure, et à sa dépréciation. La production du chiffon, chacun le reconnaît, n'est pas illimitée ; la Belgique n'en fournit donc qu'une quantité déterminée, augmentant insensiblement avec la population, et les quantités importées pendant les cinq années, 1858 à 1862, n'ont pas varié ; il y a même plus, le commerce d'exportation, qui n'existait pas avant 1861, a fourni en 1862 des chiffons à l'Angle., terre pour 146,465 francs, et à la France pour 781,729 francs, ensemble pour une somme de 928,194 francs, ce qui a réduit d'autant la marchandise disponible en Belgique.

« Si nous admettons maintenant, ce qui est rationnel, que la consommation intérieure du papier augmente chaque année en Belgique, sans que l'importation du papier étranger, restée absolument stationnaire depuis cinq années, en flottant entre 497,255 francs en 1858, et 585,537 francs en 1862, lui soit venue en aide, nous devons nous demander si, pour porter l'exportation vers tous les pays du chiffre de 3,330,442 francs en 1858, à la somme de 8,161,782 en 1862, la papeterie belge n'a pas déjà remplacé le chiffon par des matières premières nouvelles. Cent kilogrammes de chiffons donnent 60 kilogrammes de papier, terme moyen, pensons-nous ; la Belgique, d'après MM. les fabricants de papier, produit 15,000,000 de kilogrammes de chiffons, quantité qui suffit à peine, d'après ce rendement, pour alimenter la fabrication du seul papier exporté ; il faut donc que d'autres matières soient venues se substituer au chiffon. Des progrès et des améliorations seront encore apportés dans l'industrie du papier, et un moment viendra où le chiffon ne sera plus la matière première indispensable à cette fabrication ; il est donc sage, en facilitant l'exportation, de le préserver d'une dépréciation qui aurait pour effet d'enlever les moyens d'existence à la partie de la classe pauvre qui s'occupe de la cueillette des chiffons.

« Les fabricants de papiers doivent se rassurer sur les effets de l'abolition du droit de sortie des chiffons ; en effet, comment comprendre qu'une marchandise d'aussi peu de valeur puisse supporter des frais de commission, d'achat, d'un long transport, d'assurance maritime, etc. ? Si les produits chimiques et la houille coûtent moins en Angleterre qu'en Belgique, par contre la main-d'œuvre y est plus élevée ; le papier que l'on y fabrique est de qualité spéciale, plus chère, et ne saurait faire concurrence aux produits belges.

(page 627) « D'après toutes ces considérations, la commission d'industrie, qui a foi dans l'avenir de l'industrie du papier en Belgique, inclinerait vers une suppression immédiate des droits de sortie sur les chiffons de lin et de coton, mais elle comprend que nos traités de commerce ne peuvent être modifiés brusquement et que les conditions sur lesquelles une de nos grandes industries devait encore pouvoir compter pendant sept ans, jusqu'à l'échéance du traité avec la France, ne sauraient être changées du jour au lendemain. Elle considère ainsi la réduction partielle et annuelle de 2 francs, à partir d'octobre prochain, pour arriver en cinq années à la suppression complète des droits, comme un moyen terme qui satisfera et les chiffonniers et les fabricants de papier. En désirant que le gouvernement puisse amener les pays voisins à entrer dans la même voie, quant aux chiffons, et à réduire encore les droits d'entrée sur les papiers, votre commission, messieurs, a l'honneur de vous proposer le renvoi des pétitions à MM. les ministres des finances et des affaires étrangères. »

M. Rodenbach. - Messieurs, nous admettons tous le principe de liberté en matière de douane ; les chiffons de lin et de coton sont le seul article qui soit, je ne dirai pas prohibé à la sortie, mais qui paye un droit de sortie très élevé ; il est de 10 fr. les 100 kil., 25 p. c, de la valeur. Ne pourrait-on pas songer à faire disparaître ce droit ? L'Angleterre reçoit le papier fabriqué en Belgique, sans prélever de droit d'entrée.

Il paraît que nos fabricants de papiers font de très bonnes affaires : ils envoient pour plusieurs millions de papiers en Angleterre. Pourquoi dès lors ne pas songer à la classe des marchands qui recueillent les chiffons et qui doivent aussi pouvoir faire quelques bénéfices ? J'appelle donc l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur la convenance qu'il y aurait à supprimer le droit de 25 p. c. à la sortie des chiffons de lin et de coton. Dans l'intérêt du pauvre et des classes peu aisées, cette mesure est commandée.

Maintenir ce droit dans notre tarif me paraît inconciliable avec les principes de liberté et d'équité que nous avons adoptés en matière de douane.

M. David, rapporteur. - La commission aurait pu émettre dans son rapport la même opinion que l'honorable M. Rodenbach. Mais des traités de commerce existent et la commission a pensé que nous ne pouvions pas en brusquer le changement.

D'un autre côté, nous n'avons pas voulu modifier complètement la position des fabricants de papier qui prospèrent et qui tendent de jour en jour à remplacer les chiffons par d'autres matières textiles pouvant produire du papier.

La commission d'industrie, afin de ménager tous les intérêts, a conclu à ce que le droit de sortie disparût en cinq ans, par une diminution de 2 fr. d'année en année, de manière à donner aussi au gouvernement le temps de traiter avec les pays avec lesquels nous avons des conventions commerciales, afin d'obtenir des faveurs sur l'entrée du papier, par exemple, dans les pays où il est encore imposé de droits très élevés.

La commission d'industrie a pensé que le gouvernement pourrait obtenir ce résultat, puisque la France, qui vient de conclure un traité de commerce avec la Suisse, a établi que, pour 1869, il n'y aurait plus réciproquement qu'un droit de sortie de 4 fr. sur les chiffons. C'est arriver bien près de la suppression complète du droit de sortie, et il est indubitable que, prochainement, ces droits disparaîtront d'un pays à l'autre.

M. Coomans. - Il me semble que le gouvernement aurait un mot à dire dans cette affaire. La commission d'industrie ne fait pas de lois ; elle ne les interprète même pas, et il ne peut pas suffire d'une déclaration de sa part.

En ce qui me concerne, j'ai exprimé plusieurs fois ma surprise et le chagrin que j'éprouve de voir les plus beaux principes fléchir sans motif grave devant de petites considérations d'intérêt matériel ou personnel. Depuis si longtemps que la Chambre s'occupe des chiffons, je ne suis pas encore parvenu, à comprendre les motifs de l'interdiction que nous maintenons à la sortie (interruption), interdiction en réalité, quoique masquée sous un droit de sortie.

On prétend qu'il s'agit de sauvegarder les intérêts des fabricants de papier. Ces intérêts sont respectables, je suis de ceux qui les comprennent plus spécialement. Mais il y a d'autres intérêts qui ne sont pas moins respectables et que notre devoir est de respecter.

J'ai déjà eu l'honneur de présenter cette observation à la Chambre, le chiffon est la propriété du pauvre ; c'est quasi la seule propriété du pauvre. Vous l'expropriez sans indemnité aucune. Au profit de qui ? Au profit des fabricants de papier, peut-être au profit du consommateur, ce qui n'est pas démontré, mais à coup sûr au détriment des propriétaires de chiffons.

En avez-vous le droit ? Non, vous n'avez pas le droit d'établir cette illégalité devant la loi des douanes. L'inégalité des Belges devant la loi des douanes n'a été que trop longue et que trop injuste. Elle a presque complètement cessé. Je voudrais qu'elle cessât entièrement.

Je demande donc que l'on justifie mieux qu'on ne l'a fait jusqu'à présent cette interdiction de la sortis des chiffons. Il a été démontré, à mes yeux parfaitement démontré, que l'interdiction de la sortie des chiffons avilit dans une proportion assez sensible cette marchandise, c'est-à-dire qu'il en résulte pour les propriétaires de chiffons une perte annuelle de plus d'un million de francs.

Si cela est vrai, mais nous devrions trembler à la pensée de prolonger une iniquité de ce genre. Les mêmes arguments que l'on a produits quelquefois ici à l'appui du régime en vigueur ont été présentés à l'appui de toutes les restrictions, de toutes les prohibitions, de toutes les protections imaginables.

Il y a bien d'autres intérêts à sauvegarder que ceux des fabricants de papier, mais je voudrais que l'intérêt le mieux sauvegardé fût celui de la justice, de la logique et du bon sens. Or, je persiste à ne pas comprendre l'exception odieuse que nous maintenons dans notre législation douanière.

Sans vouloir prolonger ces observations qui méritent, ce me semble, un mot de réponse du gouvernement, je ferai remarquer encore qu'il a régné des doutes fâcheux sur la véritable interprétation de la loi concernant le commerce des chiffons et qu'il conviendrait d'éclaircir ces doutes.

M. David, rapporteur. - Je ne répondrai qu'à un seul point du discours de l'honorable M. Coomans. Il a demande pourquoi jusqu'à présent l'on a conservé la prohibition à la sortie des chiffons. Je crois qu'il n'ignore pas que le chiffon, jusque dans ces derniers temps, était prohibé dans tous les pays qui nous entourent ; par conséquent si nous avions supprimé la prohibition de la sortie du chiffon, que serait devenue l'industrie de la papeterie en Belgique ? Peu ou point de chiffons serait resté dans notre pays et nos fabricants auraient été à cette époque très embarrassés de satisfaire la consommation intérieure du papier.

La commission d'industrie aurait désiré que la prohibition fût levée ; elle est libre échangiste.

M. Coomans. - En théorie.

M. David, rapporteur. - Elle l'était avant M. Coomans, qui demandait, il n'y a pas tant d'années, des droits protecteurs sur les grains.

MfFOµ. - Les droits sur les drilles et chiffons existent dans notre tarif depuis très longtemps, et je dois dire que je ne considère pas comme très péremptoires les raisons alléguées par l'honorable M. Coomans pour les faire disparaître.

Peut-être auraient-ils été abolis depuis plusieurs années déjà, si la réforme douanière n'avait pas été combattue si vivement dans le principe, et notamment par l'honorable M. Coomans lui-même, qui s'en fait aujourd'hui, et malheureusement un peu tard, l'apôtre le plus zélé.

M. Coomans. - Depuis de longues années.

MfFOµ. - Oh, non ; il n'y a certes pas bien longtemps que vous êtes converti ; mais vous avez le zèle du néophyte, et, depuis votre conversion, vous affectez de vous montrer l'ardent partisan d'idées que jadis vous avez signalées comme des utopies d'une réalisation impossible. (Interruption.) Vous le niez en vain. A une autre époque, vous avez été l'adversaire le plus décidé, le plus violent et le plus persévérant des doctrines du libre échange.

M. Coomans. - Pas du tout.

MfFOµ. - Donnez-vous donc la peine de relire vos discours.

Pour en revenir à l'objet qui nous occupe, je dirai, messieurs, que j'ai tenté plusieurs fois d'obtenir que les autres pays fissent disparaître les droits imposés à la sortie des chiffons ; je n'y ai pas réussi. Les pays les plus avancés dans le système de la liberté commerciale, comme la Hollande par exemple, ont maintenu des droits réellement prohibitifs à la sortie des chiffons ; la prohibition n'a pas été inscrite dans le tarif, mais le droit est tellement élevé qu'il équivaut à uue véritable prohibition. Et cependant, on ne peut certes pas accuser la Hollande de mettre en pratique le système protecteur.

Quoi qu'il en soit, je pense que le temps est venu de faire quelque chose à cet égard pour notre pays, et mon intention est de soumettre à la Chambre, dans un temps peu éloigné, des propositions à ce sujet.

(page 628) Dans la révision du tarif, dont j'ai déjà eu l’honneur d'entretenir la Chambre, nous comprendrons des propositions relatives aux chiffons, et elles auront pour objet de faire disparaître les droits actuels dans un temps déterminé.

M. Coomans. - Messieurs, puisque l'honorable ministre des finances le veut, je dois réfuter, peut être pour la douzième fois, l'étrange reproche qu'il m'adresse d'avoir été le partisan le plus fanatique de la protection.

- Voix à gauche. - C'est vrai.

- D'autres voix. - Non.

M. Coomans. - Il n'en est rien. Voici la vérité pure, et toute la Chambre l'attestera. J'en appelle au témoignage non seulement des nouveaux venus qui ont pu ou auraient dû lire les Annales parlementaires, mais surtout de mes anciens collègues, parmi lesquels ! hélas je figure depuis longtemps.

J'ai toujours dit, dès mon entrée dans cette Chambre, que je n'étais pas bien certain que la liberté commerciale fût toujours et pour tous les pays meilleure que le système protectionniste, mais que j'étais parfaitement convaincu qu'en cette matière il fallait faire régner la justice et l'égalité ; et quand M. le ministre des finances est venu ici, un des premiers, produire un commencement de réforme douanière, qu'est-ce que j'ai dit ?

J'ai dit : Faites cette expérience. Peut-être ne profitera-t-elle pas au pays, mais faites-la loyalement, et si vous appliquez à l'agriculture le système libre-échangiste, appliquez-le également à l'industrie et au commerce.

Pour vous citer une preuve officielle, irrécusable, je prends la liberté de vous renvoyer tous aux Annales parlementaires du mois d'août 1851, alors que j'ai déposé ici un projet de réforme générale et loyale qui appliquait la liberté à toutes les branches du travail national, mais dans une mesure plus défavorable encore à l'agriculture et à l’industrie.

En août 1851, j'ai formulé et déposé sur le bureau cette proposition que l'honorable ministre des finances a combattue à cette époque, mais qu'il a réalisée depuis. Je me déclare parfaitement, quoique tardivement, satisfait sous ce rapport.

J'ai dit que le principe de la justice dominait tous les autres principes quelque respectables qu'ils fussent et que l'économie politique devait être appliquée au point de vue de la justice, que je faisais fi de toutes les interprétations judaïques et hypocrites que l'on fait des bons principes, quand ces principes déplaisent à ceux qui en demandent l'application contre des adversaires.

M. de Liedekerke. - J'étais avec vous.

- D'autres membres. - Nous aussi.

M. Coomans. - Cette thèse, je n'ai pas eu l'honneur de la soutenir seul, Dieu merci ; j'ai été appuyé par un grand nombre de mes honorables collègues de la droite et par plusieurs de mes honorables collègues de la gauche qui ont reconnu aussi que le système commercial que l'honorable M. Frère a fait prévaloir pendant douze ans était parfaitement inique et injuste.

L'honorable ministre vient se targuer aujourd'hui de son amour pour la liberté commerciale et m'accuse, moi, de l'avoir toujours baie.

Je nie que M. le ministre ait pratiqué la liberté du commerce. Il l'a pratiquée contre l'agriculture, mais il a eu soin de maintenir la protection la plus outrée en faveur des fabricats de quelques grandes villes, notamment de la ville de Gand et c'est cette anomalie que j'ai signalée.

J'ai donc dit que pour moi les principes d'équité naturelle et sociale dominent l'économie politique même la plus savante et la mieux démontrée, et que je ne pouvais m'associer à cette application inique et au fond inconstitutionnelle des principes du gouvernement qui se disait libéral en cette matière, mais qui ne s'est jamais montré tel.

Voilà la vérité.

Mais, messieurs, quand même j'eusse eu tort en 1847,1848 et 1849, cela prouve-t-il que j'ai tort en 1865, lorsque je demande en faveur des pauvres l'application de vos principes de liberté ?

L'honorable ministre des finances ne trouve, je crois, qu'un seul prétexte à faire valoir pour le maintien du régime actuel, c'est que d'autres pays conservent la prohibition. Mais quand nous alléguions ce prétexte en d'autres circonstances, M. le ministre nous réfutait assez aisément en nous disant que le prétendu principe de la réciprocité ne prouvait rien, que la liberté étant bonne en elle-même, il fallait la pratiquer alors même que d'autres la repoussaient. D'ailleurs il n'est pas vrai, en fait, que l'étranger pratique la prohibition du commerce des chiffons.

Le commerce est généralement libre ; mais, je le répète, ne le fût-il pas, et toutes les nations du monde maintinssent-elles l'interdiction de la sortie des chiffons, je ne pourrais pas encore y consentir chez nous, parce que je veux être juste et qu'il est profondément inique d'exproprier des concitoyens qui ont droit à un régime d'égalité. Vous ne pouvez pas justifier l'expropriation que vous pratiquez en faveur de quelques fabriques de papier, et je suis affligé de voir que la commission de l'industrie, composée, comme le dit M. David, de libres-échangistes, cherche à justifier ce qui est injustifiable, une protection inique.

MfFOµ. - Messieurs, je ne reproche nullement à l'honorable membre d'avoir changé d'opinion en matière douanière ; tout au contraire, je le loue beaucoup de sa récente conversion. Je trouve seulement étonnant qu'ayant été pendant si longtemps l'adversaire déclaré et, sans aucun doute convaincu des réformes douanières....

M. Coomans. - Du tout.

MfFOµ. - Je vais vous rappeler les faits.

M. Coomans. - Vos cafés et votre bière.

MfFOµ. - Je pourrai vous rappeler bien d'autres choses.

Je dis donc que l'on peut trouver assez étonnant que l'honorable M. Coomans, ayant accablé le libre échange de ses anathèmes, ayant voulu le ridiculiser par les sarcasmes les plus ironiques, l'ayant enfin attaqué comme jamais il ne l'a été nulle part ailleurs, ainsi que je l'ai prouvé dans une récente discussion en faisant des citations de ses discours qui démontrent de la manière la plus évidente son implacable hostilité...

M. Coomans. - Non.

MfFOµ. - Je m'étonne, dis-je, qu'ayant pris jadis une pareille altitude, l'honorable membre ait la prétention de reprocher aujourd'hui à ceux-là mêmes qui ont proposé et fait triompher malgré lui la réforme douanière, de ne pas marcher assez vite, de n'en pas finir assez tôt de tous les abus. Ce beau zèle de sa part paraît un peu exagéré. Il devrait y mettre un peu plus de modération. (Interruption.)

Oui ! Vous prétendez n'avoir pas été le défenseur du système protecteur, et vous alléguez comme une preuve à l'appui de cette prétention, la proposition que vous avez faite en 1851, et qui constituait, selon vous, une réforme douanière admirable, réforme que le ministère aurait lui-même reprise ensuite, et qu'il aurait fait prévaloir après l'avoir combattue lorsqu'elle était due à votre initiative.

Eh bien, messieurs, je renvoie l'honorable M. Coomans à la réfutation que j'ai faite, en 1851 de sa prétendue réforme douanière. Je me bornerai à rappeler à l'honorable membre qu'il avait puisé son système dans une brochure émanant d'un négociant d'Anvers, M. Mathyssens ; qu'il s'était inspiré des idées exposées dans cette brochure, et que sa proposition avait surtout pour but et aurait eu pour résultat de renforcer à outrance le régime des droits différentiels.

En outre, il s'y trouvait, sous prétexte de réformes douanières, des aggravations de droit considérables, par exemple, sur les cafés, comme vient de le rappeler l'honorable membre.

Maintenant, messieurs, sur l'objet même dont nous nous occupons, l'honorable membre trouve extraordinaire qu'on se retranche derrière ce qui se pratique ailleurs quant à la sortie des chiffons ; et il trouve très extraordinaire surtout que le ministre des finances ait invoqué de pareils motifs pour justifier le maintien des droits actuels.

Mais l'honorable membre n'a donc pas entendu ce que j'ai dit tout à l'heure à la Chambre ? Je viens de déclarer qu'après avoir vainement essayé, par des négociations avec les pays étrangers, d'arriver à une législation commune pour cet article du tarif, et qui n'eût pas dès lors offert d'inconvénients pour nos industriels, j'étais résolu à soumettre à la Chambre une proposition quant aux chiffons, et que cette proposition serait comprise dans le projet de réforme douanière que j'ai annoncé l'intention de déposer prochainement.

L'honorable membre a donc parfaitement tort de s'amuser à prétendre que je combats la prétendue réforme qu'il préconise. En présence de la déclaration que je venais de faire, il aurait pu retrancher de son discours toutes les observations qu'il a cru nécessaire de présenter pour me convaincre.

M. Coomans. - L'honorable ministre des finances en revient toujours à la période de 1848 et de 1849, alors qu'avec d'autres honorables collègues j'ai demandé un droit protecteur de 5 p. c. en faveur de l'agriculture belge. Mais l'honorable ministre ne dit pas que je n'ai demandé ce droit de 5 p. c. qu'aussi longtemps que le droit protecteur de cent (page 629) et de cent cinquante p. c. en faveur de certains fabricats belges serait maintenu, et que j'aurais renoncé très volontiers à ce droit protecteur de 6 p. c, qui n'est pour moi qu'un droit de justice, lorsque les industries manufacturières et urbaines consentiraient à pratiquer ce libre échange qu'elles nous vantaient sans cesse, mais dont elles ne voulaient pus pour elles-mêmes.

M. le ministre des finances a oublié surtout de vous apprendre que ce que je proposais et disais à cette époque avait la pleine approbation de M. le ministre. (Interruption.)

Un signe que me fait M. le ministre des finances m'oblige à rappeler cet incident de la longue discussion qui a eu lieu alors que M. le ministre de la justice m'a félicité d'avoir reproché aux libre-échangistes de vouloir nous nourrir, nous, des navets du libre-échange, tandis qu'eux goûtaient parfaitement les choux-fleurs de la protection.

L'honorable ministre des finances, rappelant la proposition libérale, très libérale, trop libérale, selon lui, que j'avais faite en août 1851...

MfFOµ. - Pas libérale du tout !

M. Coomans. - Elle était trop libérale, car vous n'en avez pas voulu.

MfFOµ. - C'était le renforcement du système des droits différentiels.

M. Coomans. - Point, vous l'avez adoptée depuis. Elle était équitablement libérale.

Ainsi, pour une légère augmentation du droit sur les cafés (que j'avais proposée du reste, non par amour des droits fiscaux, mais pour combler le déficit qu'aurait occasionné au trésor la suppression de plus de cent articles du tarif), M. le ministre des finances se prévaut de cette proposition pour prétendre que je réclamais une aggravation considérable de droit.

Or, messieurs, savez-vous ce qu'elle était ? Elle se réduisait à 2 francs par 100 kilos, soit un centime à la livre. Et M. le ministre des finances, qui m'a déjà reproché au moins dix fois dans cette enceinte d'avoir proposé cette augmentation, a proposé, lui, et fait voter une augmentation de cent pour cent sur les bières, et il trouve cette augmentation des droits sur les bières parfaitement libérale, tandis que la légère augmentation de 2 ou 3 francs par 100 kilos de café, il la trouve cléricale.

Mais, messieurs, où donc est la différence ? Elle n'existe que dans les chiffres : 2 fr. par 100 kil. de café et 2 fr. par hectolitre de bière. Jai déclaré à cette époque que si l'on voulait renoncer à cette augmentation de droits sur le café, j'y applaudirais pleinement ; que je n'avais fait ma proposition que pour complaire à M. le ministre des finances qui voulait sauvegarder les intérêts du trésor.

Quand il plaira à M. le ministre des finances de supprimer tous les droits sur le café et sur la bière, ainsi que sur une foule d'autres articles, je serai avec lui. Mais il ne se présentera pas de si tôt à ce rendez-vous-là.

Encore une fois, tout ce qu'on vient de dire n'est qu'un dérivatif pour nous éloigner de la question à l'ordre du jour. Au fond, l'honorable ministre est de notre avis ; je lui fais l'honneur de le croire. Il sent bien que cette exception odieuse, établie et consacrée contre les pauvres chiffonniers, ne peut pas être maintenue ; et il dit : Soyez tranquilles, nous supprimerons ces droits. Eh bien, je me plains précisément de ce qu'on ne supprime pas, depuis dix-huit ans, ce qu'on reconnaît devoir être supprimé.

C'est là l'objet de ma plainte et je la renouvellerai chaque fois que l'occasion s'en présentera, quoique, ainsi que je l'ai insinué tantôt, je sois peut-être beaucoup plus intéressé moi que l'honorable ministre des finances à ce que les fabricants de papier fassent de bonnes affaires en Belgique.

M. Rodenbach. - La Chambre des représentants belge a été pendant plus de vingt ans partisan de la protection modérée. Le gouvernement lui-même, pendant plus d'un quart de siècle, a étende l'opinion qu'il fallait protéger l'industrie belge contre l'étranger.

Mais, messieurs les idées ont beaucoup marché depuis lors partout autour de nous : l'Angleterre n'a plus que quelques articles dont l'entrée soit frappée d'un droit ; la France a fait aussi de grands pas vers le libre échange ; la Hollande a marché dans la même voie ; tous les pays voisins de la Belgique en un mot pratiquent plus ou moins le système de la liberté commerciale.

Moi aussi, messieurs, j'ai été partisan de la protection modérée ; mais en voyant partout le progrès des idées, j'ai fait mon mea culpa et même mon mea culpa maxima de mes anciennes opinions protectionnistes ; je suis prêt à voter toutes les mesures qui nous seront encore proposées dans l'intérêt de la liberté commerciale.

Tout le monde a progressé sous ce rapport, et nous serions des rétrogrades si nous restions stationnaires, si nous ne suivions pas le courant des progrès réalisés autour de nous.

Au commencement de ce débat, j'ai dit quelques mots auxquels M. le ministre a bien voulu répondre qu'on est en vole de négociations, et qu'on espère pouvoir présenter bientôt un projet de loi qui donnera satisfaction aux petits marchands de chiffons.

Je conçois qu'on ne doive pas faire les choses brusquement. Mais tout le monde doit être satisfait, puisque M le ministre des finances nous annonce la présentation d'un projet de loi et qu'ainsi on va rendre ce commerce plus libre.

- Le renvoi des pétitions à MM. les ministres des finances et des affaires étrangères est ordonné.

Projet de loi ouvrant un crédit supplémentaire au budget du ministère de l’intérieur

Discussion de l’article unique

MpVµ. - L'article unique du projet de lof est ainsi conçu :

« Article unique. Un crédit de 15,400 francs est ouvert au département de l'intérieur, pour l'acquisition du terrain situé rue de la Tulipe, à Ixelles, sur lequel a été élevé le magasin servant à la conservation du matériel des fêtes.

« Ce crédit sera couvert au moyen des ressources ordinaires de l'Etat et formera l'article 156 du budget de l'exercice 1865. »

(page 643) M. Vander Donckt. - Messieurs, ce n'est pas en en qualité de rapporteur de la section centrale que j'ai demandé la parole, je désire soumettre à la Chambre quelques observations au sujet du crédit en question.

Messieurs, en 1856, il a été demandé à la Chambre un crédit de 14,000 francs pour la construction du magasin où sont conservés aujourd’hui les objets d'ornementation qui ont servi lors de la célébration du vingt-cinquième anniversaire de l'inauguration de S. M. le Roi. Ce magasin a été construit sur un terrain qui a été loué à cette époque à raison de 550 fr. par an et dont le bail expire le 1er juillet 1865. Ce qui fait à peu près 5 mille francs pour neuf ans. Aujourd'hui, on nous demande un nouveau crédit de 15,400 francs ce qui revient ensemble à une somme de près de 35,000 francs, et cela pour conserver les objets qui ont servi aux fêtes du XXVe anniversaire. Ces 33,000 fr. donnent un intérêt annuel qui, multiplié par 20 années, donnerait le double du capital, qui ferait une somme de 7,000 francs.

Je demande si c'est là un acte de bonne administration, Evidemment ces objets se détériorent par le temps. D'après l'exposé des motifs, on conserve ces objets pour le cas où l'on pourrait les utiliser éventuellement à l'occasion d'une nouvelle fête nationale qui serait célébrée.

Eh bien, messieurs, je suppose un instant qu'une nouvelle fête ait lieu ; je suppose à cette fin qu'une commission soit nommée, qu'elle soit chargée d'aller examiner les objets qui se trouvent dans le magasin rue de la Tulipe à Ixelles pour s'assurer s'ils peuvent être utilisés en vue de la nouvelle fête.

Or, je ne doute pas que la commission, après examen, ne vienne déclarer que tous ces objets ne peuvent plus servir, ne valent pas la peine d'être restaurés, que le bois est vermoulu, que le fer est rouillé, et que ces objets ne sont pas analogues à la nouvelle fête.

Je demande, en conséquence, s'il est bien avantageux aux intérêts de l'Etat de conserver le magasin d'Ixelles, et s'il ne serait pas beaucoup plus rationnel, aujourd'hui que l'on va acquérir le terrain qui a été tenu en location jusqu'ici et sur lequel a été construit le magasin ; s'il ne serait pas beaucoup plus rationnel de vendre le contenant et le contenu, de vendre le magasin qui est situé dans un quartier près de la place communale où les bâtiments sont très recherchés, où les terrains se vendent très cher ?

Pour moi je pense que le gouvernement ferait bien de ne pas conserver ce magasin, que l'on peut considérer comme une boutique de bric-à-brac, de se défaire du tout et de faire rentrer au trésor le capital qui en proviendrait. Cette opération me paraît à tous égards préférable, ne fût-ce que par rapport au magasin, qui a une valeur réelle. L'Etat n'aurait plus de frais d'entretien et de garde ; il n'aurait plus les frais d'écritures au ministère de l'intérieur et il ferait un meilleur emploi du capital.

Mais en demandant qu'on vende le tout, je n'entends pas m'opposer à la demande du crédit qui est en discussion. Je crois qu'on fait là un acte de homme administration. Le magasin a été construit sur le terrain d'autrui que le gouvernement a loué ; je crois qu'on doit se mettre en possession du fonds sur lequel se trouve le magasin.

En résumé, j'appelle l'attention du gouvernement sur cette affaire ; je crois que, dans l'intérêt bien entendu du trésor, il serait de bonne administration de vendre ces vieux matériaux et le magasin où ils sont déposés et dont la conservation est onéreuse et constitue le trésor en perte d'une somme annuelle égale à l'intérêt que ce capital mieux employé produirait.

(page 629) MfFOµ. - Messieurs, le crédit qui est demandé par le département de l'intérieur n'est contesté par personne ; il ne l'est pas non plus par l'honorable préopinant, dont les observations ont un objet différent ; il admet que l'on achète le terrain, dont il est question dans le projet de loi, au prix du bail intervenu en 1856 ; mais il demande que le gouvernement ne conserve pas plus longtemps un magasin d'objets d'ornement destinés aux fêtes nationales ; il prétend qu'il y aurait plus d'économie à acheter ces objets chaque fois que l'on juge convenable de donner des fêtes publiques.

Messieurs, le département de l'intérieur ne paraît point partager cette opinion ; dans l'exposé des motifs du projet de loi, il déclare, au contraire, qu'il y a utilité pour l'Etat d'agir comme il l'a fait, qu'il convient de ne pas se dessaisir des objets qui ont servi aux fêtes du XXVème anniversaire de l'inauguration du Roi, et qui ont coûté des sommes assez considérables.

Chaque fois qu'il y a une fête nationale on utilise ces objets ; il est même arrivé que l'on en a envoyé en province pour rehausser l'éclat des fêtes du même genre.

Entre autres considérations, voici ce qu'on lit dans l'exposé des motifs :

« En dernier lieu, quelques-unes des statues soigneusement conservées, et dont l'exécution avait été confiée à des artistes éminents, ont fait partie de la décoration extérieure du local provisoire construit pour l'exposition triennale des beaux-arts.

« Elles ont été ensuite réintégrées au magasin. »

Il semble qu'on obtiendrait très peu de chose de la vente de ces ornements, et que l'on peut, comme le fait justement remarquer le département de l'intérieur, en tirer un parti meilleur en les faisant servir chaque fois que l'occasion s'en présente.

Au surplus,,1'attention du département de l'intérieur est appelée sur ce point. S'il est reconnu qu'il est plus avantageux de vendre ces objets que de les conserver, on pourra aviser.

Vote de l’article unique

Personne ne demandant plus la parole, il est procédé au vote par appel nominal sur l'article unique du projet, qui est adopté à l'unanimité des 68 membres présents.

Ce sont :

MM. Lange, Le Hardy de Beaulieu, Lesoinne, Mascart, Moreau, Mouton, Muller, Orban, Orts, Pirmez, Reynaert, Rodenbach, Tack, Tesch, Thienpont, Thonissen, T'Serstevens, Valckenaere, Alp. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Overloop, Van Wambeke, Verwilghen, Vilain XIIII, Vleminckx, Allard, Ansiau, Bara, Beeckman, Bouvier-Evenepoel, Carlier, Coomans, Couvreur, Crombez, David, de Baillet-Latour, dé Borchgrave, de Brouckere, de Conninck, de Florisone, De Fré, Delaet, de Liedekerke, de Macar, de Mérode, de Moor, de Naeyer, de Ruddere de Te Lokeren, de Smedt, de Theux, Devroede, Dewandre, d'Ursel, Frère-Orban, Funck, Grosfils, Hayez, Hymans, Jacobs, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Julliot, Kervyn de Lettenhove et Ern. Vandenpeereboom.

Projet de loi accordant des crédits supplémentaires au budget du ministère des finances

Discussion des articles

Articles 1 et 2

(page 630) Personne ne demandant la parole dans la discussion générale, la Chambre passe à la délibération sur les articles.

« Art. 1er. Des crédits supplémentaires sont alloués au budget du ministère des finances, pour l'exercice 1865, jusqu'à concurrence de vingt mille cinq cent trente et un francs quarante-deux centimes, savoir :

« Administration des contributions, etc.

« 1° Chapitre VIII, article 43. Suppléments de traitement (exercice 1863) : fr. 10,743.

« 2° Chapitre VIII, article 44. Indemnités, primes et dépenses diverses (exercice 1863) : fr. 9,008.

« Administration de l'enregistrement, etc.

« 3° Chapitre VIII, article 45. Charges et contributions sur les domaines (exercice 1862) : fr. 37 58.

« 4° Chapitre VIII, article 46. Frais de poursuites et d'instances (exercice 1862) : fr. 712 84.

« Total : fr. 20,531 42. »

- Adopté.


« Art. 2. Ces crédits seront imputés sur les ressources ordinaires de l'exercice 1865. »

- Adopté.

Vote sur l’ensemble

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi, qui est adopté à l'unanimité des 68 membres présents.

Ce sont :

MM. Lange, Le Hardy de Beaulieu, Lesoinne, Mascart, Moreau, Mouton, Muller, Orban, Orts, Pirmez, Reynaert, Rodenbach, Tack, Tesch, Thibaut, Thienpont, Thonissen, Valckenaere, Alp. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Overloop, Van Wambeke, Verwilghen, Vilain XIIII, Vleminckx, Allard, Ansiau, Bara, Beeckman, Bouvier-Evenepoel, Carlier, Coomans, Couvreur, Crombez, David, de Baillet-Latour, de Borchgrave, de Brouckere, de Conninck, de Florisone, De Fré, Delaet, de Liedekerke, de Macar, de Mérode, de Moor, de Naeyer, de Ruddere de Te Lokeren, de Smedt, de Theux, Devroede, De Wandre, d'Ursel, Frère-Orban, Funck, Grosfils, Hayez, Hymans, Jacobs, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Julliot, Kervyn de Lettenhove et E. Vandenpeereboom.

Projet de loi réunissant le hameau du Brou à la commune de Basenge (province de Limbourg)

Vote de l’article unique

MpVµ. - L'article unique du projet de loi est ainsi conçu :

« Article unique. Le hameau de Brou, indiqué par une teinte jaune au plan ci-annexé, est détaché de la commune de Wonck, province de Limbourg, et réuni à celle de Bassenge, même province.

« La limite séparative entre les deux communes est fixée conformément à la ligne A, B, C, tracée sur ledit plan. »

Personne ne demandant la parole, il est procédé au vote par appel nominal sur ce projet.

70 membres prennent part an vote.

69 votent l'adoption.

1 vote contre.

En conséquence le projet de loi est adopté ; il sera transmis au Sénat.

Ont voté l'adoption :

MM. Lange, Le Hardy de Beaulieu, Lesoinne, Mascart, Moreau, Mouton, Muller, Orban, Orts, Pirmez, Reynaert, Rodenbach, Tack, Tesch, Thibaut, Thienpont, Thonissen, T'Serstevens, Valckenaere, Alp. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Overloop, Van Wambeke, Verwilghen, Vilain XIIII, Vleminckx, Wasseige, Allard, Ansiau, Bara, Beeckman, Bouvier-Evenepoel, Carlier, Coomans, Couvreur, Crombez, David, de Baillet-Latour, de Borchgrave, de Brouckere, de Conninck, de Florisone, De Fré, Delaet, de Liedekerke, de Mérode, de Moor, de Naeyer, de Ruddere de Te Lokeren, de Smedt, de Theux, Devroede, de Wandre, de Woelmont, d’Ursel, Frère-Orban, Funck, Grosfils, Hayez, Hymans, Jacobs, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Julliot, Kervyn de Lettenhove et Ern. Vandenpeereboom.

A voté le rejet : M. da Macar.

Rapport sur des pétitions

MpVµ. La commission conclut au renvoi à M. le ministre des finances des pétitions relatives à l’emploi de l’eau de mer.

M. Kervyn de Lettenhove. - Je viens, messieurs, appuyer les conclusions de la commission. Il est à remarquer que des localités très voisines de l'Escaut où l'on peut prendre l'eau salée, sont aujourd'hui complètement privées de cet avantage, et sans contredit, il serait à désirer que la loi garantît à tous les industriels, quelle que soit la localité qu'ils habitent, les mêmes droits.

Y a-t-il des difficultés d'exécution ? Je ne le crois pas. Il est très facile, au moyen des instruments qui sont à la disposition de l'administration des douanes, au moyen du densimètre, de constater la densité de l'eau salée.

D'après les renseignements qui m'ont été donnés, des expériences ont déjà été faites et l'on a pu déterminer avec certitude quelle est la densité de l'eau salée prise dans l'Escaut.

J'appelle donc l'attention de M. le ministre des finances sur la nécessité d'assurer à tous les sauniers l'égalité des mêmes droits partout où l'eau salée peut être prise et de modifier le plus tôt possible la loi de 1844, qui a constitué, au contraire, un privilège pour un très petit nombre de localités.

- Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées.

Ordre des travaux de la Chambre

MpVµ. - L'objet suivant de l'ordre du jour est l'accise sur les sucres.

M. de Theuxµ. - Je pense qu'il convient de remettre cet objet à demain, on ne peut pas aborder une discussion aussi importante à la fin d'une séance et lorsque personne n'y est préparé.

M. Dumortier. - Personne ne s'attendait à ce que la loi sur les sucres vînt aujourd'hui.

M. de Brouckere. - Elle est à l'ordre du jour.

M. Dumortier. - Il y avait plusieurs objets importants qui venaient avant celui-là et qui ont été remis. J'ai vu aujourd'hui des personnes intéressées dans la question et qui m'ont demandé mon opinion sur le jour où commencerait la discussion ; j'ai répondu que, selon les probabilités, ce ne pourrait guère être que dans le courant de la semaine prochaine.

Il y avait notamment à l'ordre du jour, avant la loi sur les sucres, les modifications à la loi communale. Je demande qu'on donne la priorité à cet objet.

M. Pirmez. - Si l'on ne veut pas aborder la loi des sucres aujourd'hui, je demanderai alors, qu'on reprenne l'interprétation des lois. Ce projet n'a donné lieu à aucune difficulté dans les sections, et il a été adopté à l'unanimité.

M. Mullerµ. - Je demande que M. Wasseige veuille bien lever l'opposition qu'il a faite à ce que l'interprétation des lois fut discutée aujourd'hui.

Nous pourrions ainsi continuer la séance utilement.

M. Wasseige. - Je ne demande pas mieux que de voir la Chambre continuer utilement la séance, mais le projet sur l'interprétation des lois n'a été distribué qu'hier soir et la plupart des membres, arrivés à midi, n'ont pu encore en prendre connaissance.

M. Pirmez. - Messieurs, la chose est bien simple. Je reconnais que chacun a le droit de demander qu'on ne vote pas le projet de loi d'interprétation des lois. Si quelqu'un s'y oppose, qu'il le dise. Si personne ne s'y oppose, votons.

M. Wasseige. - Je n'insiste pas. Je n'avais voulu faire qu'une simple observation.

MpVµ. - M. Wasseige n'insistant pas, nous abordons la discussion du projet de loi portant interprétation des lois.

Projet de loi relatif à l’interprétation des lois par le pouvoir législatif en cas de double cassation

Discussion des articles

Article premier

MpVµ. - Le gouvernement s'est rallié aux modifications proposées par la commission.

La discussion s'ouvre donc sur le projet de la commission.

- Personne ne demandant la parole dans la discussion générale, cette discussion est close et l'on passe à celle des articles.

« Art. 1er Lorsque, après une cassation, le deuxième arrêt, jugement ou décision, est attaqué par les mêmes moyens que ceux du premier pourvoi, la cause est portée devant les Chambres réunies qui jugent en nombre impair.

« Aucun recours en cassation n'est admis contre le deuxième arrêt, jugement ou décision, en tant que ce deuxième arrêt, jugement ou décision est conforme au premier arrêt de cassation. »

- Adopté.

Article 2

(page 631) « Art. 2. Si le deuxième arrêt, jugement ou décision est annulé par les mêmes motifs que ceux de la première cassation, le juge du fond à qui l’affaire est renvoyée, se conforme à la décision de la cour de cassation sur le point de droit jugé par cette cour. »

M. Orts. - Messieurs, je crois qu'il y a un changement de rédaction à introduire dans cet article. On y a accumulé 3 mots pour désigner la juridiction qui sera chargée de rendre la sentence après le premier arrêt de cassation, mais ces 3 mots ne comprennent pas une énumération complète ; ainsi, par exemple, je ne trouve dans aucun d'eux l’indication des conseils de discipline de la garde civique, dont les décisions sont aussi soumises à la cour de cassation.

Je préférerais employer une expression générale au lieu de cette énumération. Je propose le mot « décision » qui s'applique à l'acte posé par toute espèce de corps délibérant. Je supprimerais les mots « arrêt et jugement » et je dirais : « Si la deuxième décision est annulée, etc. »

M. Pirmez. - Si l'on adopte ce changement à l'article 2, il faut l'introduire également à l'article premier.

MjTµ. - Je crois qu'il n'y aurait aucun inconvénient à maintenir les articles 1 et 2 tels qu'ils sont rédigés.

Ces mots : « Si le deuxième arrêt, jugement ou décision » comprennent nécessairement toutes les décisions de quelque nature qu'elles soient et, par conséquent, celles des conseils de discipline, qui sont de véritables jugements.

Je ne vois aucune espèce d'inconvénient à maintenir la rédaction telle qu'elle est, d'autant plus qu'elle a déjà été votée dans l'article premier.

M Ortsµ. - Moyennant l'explication de M. le ministre de la justice, je n'insiste pas.

M. Van Humbeeck. - Il me semble cependant que parmi les objections de l'honorable M. Orts, il y en a une qui subsiste.

Ce n'est pas dans le premier membre de la phrase que se trouve le vice de rédaction. Là il y a une énumération complète, mais plus loin, quand on parle des diverses juridictions auxquelles l'affaire est renvoyée, l'énumération est incomplète, et c'est là, je crois, qu'il faudrait une expression générale pour la remplacer.

Ainsi, l'article dit : « La cour, le tribunal ou la députation permanente du conseil provincial. » Mais il y a d'autres juridictions que celles qui sont ici mentionnées qui peuvent être saisies après le renvoi en cassation.

Il faut donc là, ou citer toutes ces juridictions, ou employer une expression générale.

M. Pirmez. - Je propose de dire : « le juge du fond. »

MpVµ. - M. Pirmez propose de remplacer les mots : « La cour, le tribunal ou la députation permanente du conseil provincial » par ceux : « Le juge du fond. »

- L'article 2 est adopté avec l'amendement proposé par M. Pirmez.

Articles 3 et 4

« Art. 3. La cour d'appel à laquelle, dans le cas de l'article précédent, l'affaire sera renvoyée, prononcera en audience ordinaire. »

- Adopté.


« Art. 4. Chaque fois que la cour de cassation casse pour la seconde fois dans le cas de l'article premier, le procureur général près de cette cour, transmet les décisions rendues au ministre de la justice, qui, chaque année, en fait rapport aux Chambres. »

- Adopté.

Article 5

« Art. 5. Les cours, les tribunaux et les députations permanentes des conseils provinciaux, sont tenus de se conformer aux lois interprétatives, dans les affaires où le point de droit n'est pas définitivement fixé. »

M. Van Overloopµ. - Je ne veux faire qu'une simple observation : c'est qu'il faut introduire ici le même changement qu'à l'article 2.

MjTµ. - Non, il faut seulement qu'il soit bien entendu que le mot « tribunaux » comprend les tribunaux militaires et les conseils de discipline de la garde civique.

M. Van Overloopµ. - Si cela est entendu, je n'insiste pas.

MjTµ. - Les tribunaux militaires sont compris dans le mot général de « tribunaux. »

- L'article est adopté.

Articles 6 et 7

« Art. 6. Les articles 23, 24 et 25 de la loi du 4 juin 1852 resteront applicables aux causes renvoyées après une seconde cassation prononcée avant l'époque de la mise en vigueur de la loi nouvelle. »

- Adopté.


« Art. 7. Les articles 23, 24 et 25 de la loi du 4 août 1832 sont abrogés. »

- Adopté.


MpVµ. - L'article 2 ayant été amendé il y a lieu de procéder à un second vote ; quand la Chambre entend-elle y procéder ?

- Voix nombreuses. - Demain.

- L'assemblée décide que le second vote aura lieu demain.

Ordre des travaux de la Chambre

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Si la Chambre est d'avis d'aborder demain la discussion du projet qui apporte des modifications à la loi communale, je demanderai qu'elle ne se réunisse qu'à trois heures. (Interruption.)

Permettez ; je désire être présent à la discussion de ce projet, mais d'un autre côté je dois me trouver au Sénat au début de la séance pour répondre à une interpellation annoncée.

Je ne puis pas me trouver des deux côtés à la fois.

M. Bouvierµ. - Mettons à l'ordre du jour de demain la question des sucres.

MpVµ. - Y a-t-il de l'opposition à ce qu'on remette la séance de demain à trois heures.

- Des voix. - Oui, oui.

M. Mullerµ. - On ne propose de fixer la séance de demain à 3 heures que parce que M. le ministre de l'intérieur doit être occupé au Sénat...

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Au moins une heure.

M. Mullerµ. - Mais ne pourrait-on pas mettre à l'ordre du jour de demain le projet de loi sur les sucres ?

M. Dumortier. - J'ai eu l'honneur de demander à l'assemblée de remettre la discussion de la loi des sucres à demain. (Interruption.)

Cette loi donnera nécessairement lieu à de longues discussions ; d'un autre côté, je sais que les intéressés ont l'intention de vous adresser une pétition au sujet de cette loi, je viens d'en acquérir la certitude.

M. Hymans. - Nous en avons déjà reçu.

M. Dumortier. - Vous en recevrez une seconde dans quelques jours. Selon moi, il ne serait pas juste d'empêcher les intéressés de présenter leurs observations, d'autant que rien ne nous presse, car nous avons à l'ordre du jour le projet relatif aux modifications à apporter à la loi communale, dont la discussion a été interrompue.

Il me paraît utile de reprendre cette discussion, afin que ce projet puisse être envoyé au Sénat qui siège en ce moment.

J'appuie donc la proposition de M. le ministre de l'intérieur de remettre la séance de demain à trois heures.

M. Orts. - J'insiste pour l'adoption de la proposition de M. Muller malgré les observations de M. Dumortier parce que si nous ne l'adoptons pas nous n'aurons pas de séance demain. (Interruption.) Il est incontestable que l'interpellation annoncée au Sénat provoquera une discussion qui ne sera pas terminée à 3 heures. Tout le monde connaît l'objet de cette interpellation ; elle touche à une question très grave qui préoccupe l'opinion publique dans cette Chambre et au-dehors et qui ne sera pas résolue en une demi-heure. La preuve que le Sénat y attache de l'importance, c'est qu'un des amis politiques de M. Dumortier, ne pouvant pas assister à la séance d'aujourd'hui, a demandé la remise de l'interpellation à demain. (Interruption.) N'est-ce pas l'objet de la demande de M. le baron d'Anethan ?

- Une voix. - Non, il s'agit d'une autre question

M. Orts. - Quoi qu'il en soit, cette interpellation provoquera une discussion importante, et je crois que M. le ministre de l'intérieur n'aura pas fini à trois heures. Nous n'aurons donc pas de séance demain, à moins d'aborder la loi sur les sucres. M. Dumortier nous dit qu'une pétition doit nous être envoyée. Mais nous avons reçu des pétitions sur cette question ; ce sont de simples répliques au rapport de M. Valckenaere. Tous les arguments produits ont été discutés. D'ailleurs, si je ne me trompe, la pétition dont parle M. Dumortier sera distribuée ce soir, et tout le monde pourra connaître à temps les observations des pétitionnaires.

MfFOµ. - Je ferai remarquer à la Chambre, ou plutôt à l'honorable M. Dumortier, que le projet de loi sur les sucres est déposé depuis assez longtemps, qu'il a été mûrement examiné en sections et en section centrale, et que la Chambre est saisie depuis quelque temps déjà d'un rapport très complet sur la matière ; enfin, que les intéressés ont déjà fait connaître leurs idées et formulé leurs vœux. Je ne comprends donc pas que l'on demande à la Chambre d'ajourner la discussion de ce projet de loi, sous prétexte que des pétitions doivent lui être adressées.

Je ferai observer d'ailleurs que l'honorable M. Dumortier sert mal les intérêts dont il embrasse la défense, en proposant l'ajournement de la discussion du projet. Il est très désirable, au contraire, pour les (page 632) industriels intéressés que la Chambre se prononce au plus tôt sur la question, afin que le Sénat puisse encore en être saisi dans sa réunion actuelle, et que la loi soit mise en vigueur à dater du 1er avril prochain. Si nous ne parvenons pas à la mettre à exécution pour cette époque, ce sera probablement un trimestre perdu. Or, les intéressés eux mêmes désirent que certains articles de la loi puissent être mis en vigueur au plus tôt, afin de pouvoir exporter sous le nouveau régime.

Je pense donc que, dans l'intérêt même des fabricants, il faudrait discuter cette loi sans délai, et j'engage l'honorable M. Dumortier à renoncer à son opposition.

M. Bouvierµ. - Je voulais présenter les observations que viennent de faire l'honorable M. Orts et M. le ministre des finances. Nous connaissons les objections que font les fabricants de sucre au rapport présenté par la section centrale sur le projet de loi qui nous est soumis. Il y a plus de quinze jours que nous avons reçu ces observations.

Il est donc inutile que nous suspendions l'examen de ce projet de loi. Le pays attend avec la plus légitime impatience que nous votions les grands projets dont nous sommes saisis, tels que le projet de loi sur la milice, le projet de loi sur les fraudes électorales, le projet de loi sur le temporel du culte. Si nous n'en abordons pas bientôt l'examen, le pays sera indigné, et il en résultera que le régime parlementaire perdra dans l'esprit des populations.

M. Dumortier. - Je dois dire d'abord que l'honorable M. Orts n'est pas exactement renseigné sur la situation de cette affaire ; la pétition que les fabricants de sucre ont l'intention de présenter à la Chambre ne serait, selon lui, que la confirmation de celle qu'ils ont présentée il y a une dizaine de jours. Je crois savoir de la manière la plus formelle que c'est d'une toute autre pétition qu'il s'agit. Je crois donc qu'il faut laisser aux intéressés le temps de produire la défense de leurs intérêts.

Veuillez remarquer, en effet, messieurs, qu'il y a en Belgique une centaine de fabriques de sucre indigène répandues sur tous les points du territoire ; il s'agit donc ici d'intérêts qui méritent bien qu'on s'en occupe avec maturité, et il n'est pas possible de trancher incidemment une question de cette importance.

Ce n'est que depuis deux ou trois jours que les intéressés ont eu connaissance du rapport de la section centrale par la publicité qu'y a donnée un journal d'Anvers.

Il convient donc de leur laisser le temps de la lire avec attention et de répondre aux considérations qui y sont développées,

Je n'admets pas d'ailleurs avec M. le ministre des finances que l'opposition que je fais à la mise à l'ordre du jour soit contraire à l'intérêt de ces industriels ; je pense, au contraire, qu'elle leur est infiniment avantageuse.

Quoi qu'il en soit, messieurs, beaucoup de membres qui ont l'intention de prendre part à cette discussion ne seront peut-être pas même présents, ne se doutant pas que la Chambre dût s'occuper immédiatement d'un projet de cette importance. Il serait donc infiniment préférable de mettre à l'ordre du jour de demain le projet de loi relatif aux modifications à la loi communale, projet qui est à l'ordre du jour depuis un mois et qui est bien plus réclamé par l'opinion publique que la nouvelle loi sur les sucres.

Maintenant, il est bien vrai que les raffineurs ont intérêt à la mise à exécution de certaines dispositions de la loi ; mais il n'en est pas de même des sucreries, pour lesquelles la loi ne fonctionnera qu'au mois d'octobre. Nous avons donc tout le temps d'examiner avec maturité les graves questions que soulève le projet de loi sur les sucres.

M. Pirmez. - Il me paraît impossible que la Chambre suspende la discussion parce qu'on nous annonce l'envoi prochain d'une pétition. Mais il y a une autre raison encore qui doit engager la Chambre à suivre le cours ordinaire de ses travaux. La question dont il s'agit est loin d'être inconnue à plusieurs membres de cette assemblée et notamment à l'honorable M. Dumortier. Or, il est bien certain que toutes les considérations que les pétitionnaires ont présentées et pourraient faire valoir encore, nous seront exposées par l'honorable membre avec beaucoup plus d'éloquence, de clarté et d'autorité que les pétitionnaires n'ont pu et ne pourraient le faire.

Je suis donc parfaitement tranquille en proposant à la Chambre d'entamer cette discussion dès demain ; car je sais que, quand même je n'aurais pas sous les yeux la pétition qui nous est annoncée, tous les arguments des fabricants de sucre nous seront exposés de la manière la plus habile et la plus complète par l'honorable M. Dumortier.

MpVµ. - Je soumets à la Chambre la proposition de se réunir demain à deux heures et de porter en tête de son ordre du jour la loi sur les sucres.

- Cette proposition est adoptée.

La séance est levée à 4 1/2 heures.