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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 8 mars 1865

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1864-1865)

(Présidence de M. Moreau, premier vice-présidentµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 605) M. Thienpont secrétaireµ, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. de Florisone, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

- La rédaction est approuvée.

Pièce adressée à la Chambre

M. Thienpont présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Le sieur Moïse Wyngaerd, boucher à Tongres, né à Maestricht, demande la naturalisation ordinaire avec dispense du droit d'enregistrement. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.

Projet de loi relatif au prêt à intérêt

Discussion des articles

Article 2

« Art. 2. Le taux de l'intérêt légal est fixé à cinq pour cent en matière civile, et à six pour cent en matière de commerce. »

- Adopté.

Article nouveau

M. le président. - L'amendement déposé par M. Notelteirs trouve sa place après l'article 2. Il est ainsi conçu :

« Le capital du prêt est essentiellement remboursable.

« Les parties peuvent seulement convenir que le remboursement ne sera pas fait avant un délai qui ne pourra excéder dix ans, si l'intérêt n'excède pas le taux légal, ni cinq ans, si l'intérêt excède ce taux, ou sans avoir averti le créancier au terme d'avance qu'elles auront déterminé. »

La parole est à M. Notelteirs.

M. Notelteirs. - L'on revendique pour le prêteur non seulement la liberté du taux des intérêts, mais encore la liberté du temps sans aucune limite légale.

La loi n'accorde à aucun contrat une liberté sans bornes, et cependant, pour le contrat de prêt, souvent si dangereux et si dur pour certaines classes de la société, on réclame la liberté absolue.

En déposant mon amendement, je n'ai parlé ni de prêt commercial, ni d'escompte, ni de banque, je n'ai parlé que du prêt civil et surtout du prêt hypothécaire. Je n'ai ni approuvé, ni combattu la liberté du taux des intérêts, je me suis borné à la question du temps : celle de savoir si, comme elle le fait pour la rente, la loi ne limite pas, ou ne doit pas limiter, pour le prêt, le terme pendant lequel les parties contractantes peuvent interdire au débiteur la faculté de se libérer en remboursant le capital.

Sans avoir égard à la disposition de la loi en fait de rente, on réclame comme naturelle et nécessaire la liberté absolue du temps au profit du prêteur jointe à celle du taux.

Ces libertés sont nécessaires, dit-on, pour appeler les capitaux sur le marché, pour provoquer ainsi la concurrence et procurer le bon marché de l'argent.

Je comprends diverses causes de concurrence et de bon marché de l'argent, mais je ne comprends pas comment la liberté du taux élevé et celle de disposer du temps peuvent par elles-mêmes produire le bon marché de l'argent. Si c'est au moyen de ces libertés qu'il faut attirer le capital au marché, il y viendra, je l'admets ; mais ce sera pour profiter des nouveaux avantages qui lui sont offerts et non pas pour le donner à bon marché.

Ces nouveaux avantages sont énormes. Ils vont donner au capital une nouvelle puissance, ajoutée à celle déjà si grande et si mystérieuse dont il dispose toujours.

Sa puissance sera d'autant plus grande que l'intérêt sera plus élevé et qu'il pourra légalement s'assurer une rente élevée d'un manière permanente pendant un long terme.

Je doute si cette nouvelle puissance peut être salutaire à la société.

Elle peut avoir pour effet d'engager le capital à se retirer du commerce, de l'industrie, de l'agriculture, en un mot des entreprises essentiellement utiles à la société, pour se porter principalement vers les opérations du prêt et vers celles du commerce de l'argent.

Ce mal se produira si vous permettez au capital de se créer au moyen du simple prêt, surtout du prêt hypothécaire, des rentes élevées, garanties pour un long terme contre le remboursement.

Il peut en résulter que le propriétaire du capital, se tournant de préférence vers le prêt, abandonne l'industrie, le commerce et l'agriculture, qui, alors, ne seraient en général plus exercés qu'au moyen de capitaux tenus en location, ce qui certes, ne pourrait pas les faire prospérer, ni faire rendre les services qu'ils sont appelés à procurer.

Je me demande si la puissance absorbante et asservissante du capital a été bien mesurée avant de revendiquer la liberté sans limite du taux, et surtout celle du temps.

Ainsi l'on revendique pour lui la liberté du taux, celle de l'anatocisme et celle du temps.

Ainsi on réclame la parfaite légalité d'un contrat stipulant comme suit :

A prête à B mille francs productifs d'intérêts à 5 p. c. l'an, accroissant au capital avec anatocisme, le tout payable après 150 ans, sans faculté pour l'emprunteur de se libérer avant l'expiration de ce terme. Eh bien, après l'expiration du terme, ces mille francs seront devenus la somme énorme de plus d'un million et demi.

Je sais qu'on peut répondre que pareille convention ne se contractera pas. Aussi je ne propose l'exemple que comme une hypothèse pour prouver la puissance énorme du capital même au taux légal actuel, mais disposant librement du temps en sa faveur, et cependant on nous propose un projet de loi permettant la réalisation de cette hypothèse.

On objecte que si l'on n'accorde pas au prêteur sur hypothèque la liberté du temps à son profit, la propriété foncière ne trouvera plus à emprunter. Je n'admets pas la justesse de cette objection ; mais en l'acceptant pour uu moment, nous rendrions service à la propriété foncière en ne lui permettant pas d'emprunter dans ces conditions qui lui interdisent la faculté de se dégager. En effet, pareille propriété serait presque mise hors du commerce : chargée au taux légal seulement à la moitié de sa valeur pour un terme irrachetable de 50 ans, elle serait perdue et confisquée.

L'on m'objecte encore : Vous combattez des chimères, vous créez des hypothèses qui ne se réaliseront pas. On n'a pas fait usage jusqu'à présent de ces stipulations qui enlèvent à l'emprunteur la faculté de rembourser avant un long terme. On ne le fera donc pas dans la suite.

C'est une erreur. Oui, on use de pareilles stipulations ; et on en usera bien plus fréquemment et plus largement lorsque, par suite de la liberté du taux, le prêteur trouvera un plus grand avantage à assurer une longue durée à sa rente élevée.

Je sais bien, messieurs, que dans les hautes régions de la finance et de la propriété on calcule mieux, et que les emprunteurs de cette classe ne souscriront pas à ces liens désastreux de longue durée ; mais ce n'est pas pour ces classes seules que nous faisons les lois. Il est une classe nombreuse de citoyens qui seront victimes de ces liens durables. Il est des moments et des circonstances où le petit propriétaire, le petit bourgeois, le cultivateur et l'artisan acceptent la loi que le prêteur lui impose.

Plus d'une fois j'ai rencontré des contrats de prêt dont le terme stipulé au profit du créancier entravait la bonne liquidation en temps opportun, soit d'une fortune grevée, soit d'une succession à partager. J'ai rencontré aussi plusieurs contrats par lesquels, outre l'intérêt annuel, l'emprunteur se soumet à diverses autres obligations au profit du prêteur.

Ainsi un brasseur stipule que son emprunteur ouvrira un estaminet où il débitera la bière de sa brasserie. Le distillateur, le marchand de boissons ou d'autres denrées fait la même chose.

Souvent ces charges sont très lourdes et s'aggravent par le temps. Sous le régime du taux légal, la loi présente un remède aux exagérations de ces contrats. Les tribunaux peuvent décider que les charges accessoires jointes à l'intérêt principal excèdent le taux légal, et ainsi porter remède aux exagérations.

Sous le régime de la liberté du taux, ce remède fait défaut. L'emprunteur surchargé et asservi pour un long terme subi par nécessité, n'aura plus aucun remède légal pour sortir de sa situation, car les partisans de la liberté absolue du prêt veulent bien concéder la restitution en entier au profit de l'emprunteur contre lequel on a abusé de ses passions et de ses faiblesses ; mais ils la refusent à celui contre lequel on a abusé de son ignorance et de ses besoins, ou d'une détresse momentanée.

Dans cette situation je trouve que le meilleur, le seul moyen de remédier aux exagérations et aux suites asservissantes du contrat de prêt, consiste dans une limite légale au terme pendant lequel le prêteur peut interdire à l'emprunteur la faculté de rembourser.

(page 606) Tel est le but de mon amendement, Je veux appliquer au prêt l'article 1911 du Code civil relatif à la rente. Aussi j'ai adopté une rédaction conforme à celle de cet article.

Les motifs sont les mêmes, il est même soutenable à mes yeux que l'article 1911 s'applique au prêt comme à la rente, mais comme le rapport suppose le contraire dans son argumentation, je trouve nécessaire de trancher cette question législativement. Cela devient absolument nécessaire à côté de la liberté du taux. Les motifs qui ont dicté l'article 1911 militent même plus impérieusement pour le contrat de prêt que pour celui de la rente : Par le contrat de rente le fournisseur de l'argent aliène son capital. Par le contrat de prêt il ne l'aliène pas, et l'on pourrait ainsi avoir l'exemple d'un prêteur en droit d'exiger le remboursement, tandis que l'emprunteur n'aurait pas le droit de rembourser malgré le prêteur. La loi, à mes yeux, ne peut permettre pareille convention.

Je n'ai pas combattu la liberté du taux ; mais je ne saurais admettre sans limite légale la liberté du temps au profit du prêteur.

Le lien durable imposé au débiteur et à ses biens est contraire au bien général, ma raison et mon cœur le repoussant. Je ne saurais admettre que, lorsque après l'expiration d'un terme raisonnable (que la loi limite pour la rente et qu'elle doit également et à plus forte raison limiter pour le prêt), l'emprunteur offre le remboursement au prêteur, celui-ci puisse lui répondre : J'ai saisi le bon moment pour me créer un revenu élevé et assuré en vous louant mon capital : à vous l'obligation de continuer jusqu'à l'expiration du terme, à travailler à vos risques et périls pour le faire fructifier pour moi ; à moi le droit d'en jouir sans soins et sans soucis.

Les jurisconsultes et les législateurs anciens sont de mon avis. Les hommes pratiques en matière civile partagent, je n'en doute pas, mon opinion, ceux surtout qui sont en relation avec les classes moyennes de la société.

L'époque de 1789 a eu ses bonnes et ses mauvaises idées ; parmi les bonnes se place en première ligne celle qui a rangé la faculté de racheter la rente, malgré toute stipulation contraire, parmi les maximes supérieures et d'ordre public ; nous devons consolider cette maxime et l'appliquer au prêt d'une manière expresse pour écarter tout doute en cette matière. Cela est impérieusement nécessaire à cause de la liberté du taux.

Si la Chambre accordait les libertés réunies du taux et du temps au profit du prêteur, la loi changera de nom ; au lieu, de s'appeler loi de la liberté du prêt, l'expérience lui donnera un jour le nom de loi d'asservissement de l'emprunteur et de ses biens.

M. Lelièvre. - L'amendement de l'honorable M. Notelteirs est contraire à tous les principes du droit.

Lorsqu'il s'agit d'une créance, le terme peut être stipulé par la convention en faveur du créancier.

Telle est la prescription formelle de l'article 1187 du code civil. Ce principe est conforme à l'ancienne jurisprudence (voir Pothier, traité des obligations, n°2325.)

En droit les parties peuvent donc convenir d'un terme en faveur du créancier.

S'il en est ainsi, pourquoi dérogerions-nous à ce principe dans le prêt à intérêt ? Les parties n'ont-elles pas le droit de régler ce point comme elles l'entendent, et à quel titre porterait-on atteinte à ce qu'elles ont trouvé bon de stipuler librement, alors qu'il s'agit d'une créance à terme ?

On se prévaut de la disposition relative aux rentes, mais cet argument prouve précisément le contraire de la thèse énoncée à l'amendement.

En effet si le remboursement d'une rente constituée peut être interdit au débiteur pendant dix ans, alors cependant que cette rente est de sa nature essentiellement rachetable, à plus forte raison lorsqu'il s'agit d'une créance remboursable à terme, doit-on maintenir les stipulations des parties dans toute leur énergie.

Il y a plus. La proposition de M. Notelteirs est contraire aux premiers principes du droit. Elle a pour but d'empêcher le placement de fonds pour un terme excédant dix ans, même lorsqu'il s'agit de l'intérêt légal. Or, c'est là une grave atteinte à la liberté des conventions, atteinte que rien ne saurait justifier.

Je crois donc devoir refuser mon assentiment à un amendement qui, à aucun point de vue, ne me paraît admissible.

Cet amendement renverse, du reste, les principes du Code civil. En effet, ce Code autorise à stipuler que quand il s'agit d'une rente stipulée comme prix d'un immeuble, le remboursement ne pourra être effectué avant trente ans.

Comment veut-on, en présence de cette disposition, que nous adoptions l'amendement qui nous est soumis ?

Cet amendement introduirait dans notre législation des anomalies qu'il est impossible de décréter. Il est évident que nous devons maintenir les règles du droit commun et que nous ne pouvons déroger, à ce point de vue, à la liberté des stipulations que les parties trouvent bon d'arrêter en ce qui concerne les créances à terme.

Ce sont ces considérations qui ne me permettent pas de voter la proposition de M. Notelteirs.

MfFOµ. - Je ne pense pas non plus, messieurs, que l'amendement de l'honorable M. Notelteirs puisse être admis par la Chambre. Déjà hier j'ai eu l’honneur de le dire, cet amendement doit être considéré abstraction faite du projet de loi sur le prêt à intérêt, à moins qu'on ne le présente comme une restriction au principe de liberté consacré par l'article premier que vous avez voté. S'il n'a pas ce caractère, il soulève évidemment une question qui est tout à fait étrangère au projet de loi que nous discutons.

Il s'agit, en effet, de la question de la durée des contrats. En règle générale, le droit moderne est, avec raison, peu favorable aux contrats perpétuels. La législation moderne est tout empreinte d'un esprit contraire à la durée illimitée des engagements. Cependant, messieurs, c'est à tort que l'honorable M. Notelteirs prétend que tout contrat perpétuel est interdit. Certains actes peuvent avoir un caractère de perpétuité, par exemple, les contrats ayant pour objet l'établissement de servitudes, qui tient indéfiniment la propriété. Quoi qu'il en soit, les législateurs du Code civil, qui étaient inspirés par les idées que nous venons d'indiquer, ont cependant admis d'une manière très large les stipulations en ce qui touche les prêts ; ils ont voulu une seule chose, c'est qu'il y eût un terme. Le terme est donc une condition essentielle du prêt ; mais du moment qu'un terme est fixé, quelle qu'en soit la durée, il est satisfait aux intentions du législateur. Si le terme n'a pas été fixé, c'est au juge à le déterminer suivant les circonstances.

L'honorable membre voudrait limiter les stipulations d'emprunts à 10 ans et même à 5 ans, nonobstant tout engagement contraire. Mais, messieurs, la Chambre comprendra sans nul doute qu'une telle proposition décide une question d'une extrême importance pour le crédit, et dont la solution, dans le sens indiqué par M. Notelteirs, pourrait avoir les conséquences les plus fâcheuses et entraîner des inconvénients incalculables, auxquels l'honorable membre n'a sans doute pas songé,

Et d'abord, pourrait-on appliquer cette règle aux emprunts à contracter par l'Etat, par les communes, par les établissements publics, les compagnies de chemins de fer et autres ? Appliquerez-vous cette règle aux stipulations qui ont pour objet le remboursement d'un capital au moyen d'annuités calculées de manière à comprendre l'amortissement en même temps que le service des intérêts ? Evidemment non, vous ne le pourriez pas.

Vous serez donc obligé, de ce chef, de faire des exceptions à votre législation. Dans la pensée de l'honorable M. Notelteirs, quoi qu'il en dise, c'est surtout la liberté du prêt hypothécaire qu'il entend restreindre par son amendement.

M. Notelteirs. - Là est le grand mal, c'est le lien de longue durée.

MfFOµ. - Vous êtes cependant obligé de me concéder que vous ne pouvez appliquer votre amendement aux divers contrats que je viens d'énumérer. Ainsi, si l'on admettait votre amendement dans sa forme absolue, l'Etat ne pourrait plus contracter en s'imposant l'obligation de ne pas rembourser pendant un certain temps. Il ne pourrait stipuler un terme dépassant 5 ans, si le taux de l'emprunt était supérieur à l'iutérêt légal, et 10 ans si cet intérêt était égal ou inférieur à celui qui est prévu par la loi. Eh bien, je dis qu'un tel système aurait une influence déplorable sur le crédit public, et qu'il aurait pour conséquence inévitable d'aggraver les conditions du prêt. Bien loin de favoriser l'emprunteur, on arriverait fatalement à lui imposer des charges plus lourdes.

M. Mullerµ. - C'est clair.

MfFOµ. - Vous voulez spécialement ces conditions restrictives pour le prêt hypothécaire. Mais le moyen à l'aide duquel vous essayez d'atteindre votre but est complètement illusoire. Rien ne serait plus facile que d'éluder l'obligation que vous voulez imposer.

En effet, d'après l'amendement, on pourra stipuler qu'il faudra prévenir 5 ou 10 ans d'avance pour opérer un remboursement. Mais, en réalité, dans la pratique des choses, une pareille stipulation rendrait (page 607) illusoire la faculté de remboursement. L'idée est empruntée à la disposition de l'article 1911 du Code civil, relative aux rentes perpétuelles ; mais, par cet article, le législateur n'a exigé qu'une seule chose, la fixation d'un terme ; du moment qu'il y avait un terme, même fort éloigné, il était satisfait. C’est un autre but que vous poursuivez.

Or, si l'on voulait modifier les principes généraux du Code, quant à la durée des contrats de prêts, on ne saurait prendre trop de précautions avant de se prononcer ; il faudrait, avant tout, peser mûrement toutes les conséquences et prévoir tous les inconvénients des mesures nouvelles que l'on voudrait introduire.

Et d'ailleurs, des difficultés se sont-elles tout à coup révélées aujourd'hui, en ce qui concerne la libre stipulation de la durée du prêt à intérêt sur hypothèque ? Je ne le pense pas. Je crois au contraire que cette liberté a eu des avantages réels, non seulement pour les préteurs, mais surtout pour les emprunteurs. Pendant longtemps les prêts hypothécaires ont été contractés à des taux inférieurs au taux légal. Ils se sont faits longtemps à un taux inférieur à 5 p. c. Il y avait avantage à cette époque de stipuler pour un terme indéfini, comme on paraît craindre qu'on ne le fasse lorsqu'il y aura liberté entière quant au taux de l'intérêt. Et pourtant, signale-t-on des faits nombreux constatant que l'on aurait stipulé pour des termes très éloignés, et dans le but de s'assurer des bénéfices supérieurs à ceux que l'on eût obtenus en fixant l'expiration du contrat à une époque, plus rapprochée ? Signale-t-on des ruines dues à la pratique de ce système ? Pas le moins du monde ; aucune plainte ne s'est fait entendre à cet égard, et l'on peut dire que les inconvénients en vue desquels l'amendement est présenté ne se sont pas produits dans le passé. Rien n'indique donc la nécessité ou l'utilité même, d'une innovation de ce genre, que l'on voudrait précisément introduire aujourd'hui, uniquement parce que l'on proclame la liberté du prêt.

Or, vouloir arriver, par des artifices de ce genre, à faire qu'on prêté à des taux inférieurs à celui du marché, c'est évidemment poursuivre la plus vaine des chimères. Si l'on pouvait contraindre à prêter, je le concevrais ; mais du moment qu'on ne peut contraindre à prêter, il est clair que l'on ne peut aussi, quoi que l'on fasse, obtenir l'argent qu'au taux du marché.

Pourriez-vous d'ailleurs interdire de stipuler que, si l'on veut user du droit de rembourser après 5 ans, on sera tenu de rembourser un capital plus élevé que le montant de la somme empruntée ? - L'interdirez-vous ? Evidemment non ! Vous ne le pourriez pas. Vous ne sauriez vous occuper de toutes les dispositions possibles des contrats, pour les limiter toutes. On pourra donc stipuler dans le sens que je viens d'indiquer, et dès lors votre prescription serait encore éludée. Du moment que l'on peut convenir de se libérer après cinq années, mais à la condition de rembourser un capital plus élevé (et vous ne pourrez pas proposer de limiter sur ce point la liberté des contractants), votre disposition devient lettre morte, et le but que vous poursuivez vous échappe complètement.

Ainsi, à quelque point de vue qu'on se place, il me paraît impossible d'admettre l'amendement de M. Notelteirs. Il serait sans utilité, il serait sans aucure efficacité, et n'aurait d'autre résultat que rendre plus onéreuses pour les emprunteurs les conditions imposées par les prêteurs.

- La discussion est close, l'amendement de M. Notelteirs est mis aux voix et rejeté.

Article 3

« Art. 5. Le bénéfice résultant pour la Banque Nationale de la différence entre l'intérêt légal et le taux d'intérêt perçu par cette institution est attribué au trésor public. »

« Art. 3 (amendement de la section centrale). Le bénéfice résultant pour la Banque Nationale de la différence entre l'intérêt légal et le taux d'intérêt perçu par cette institution, sera déduit des sommes annuellement partageables entre les actionnaires, et sera ajouté au fonds de réserve. »

MfFOµ. - Messieurs, la disposition proposée par le gouvernement, et qui forme l'article 3 du projet, a été critiquée vivement, principalement dans la séance d'hier ; il ce sera donc pas inutile que je l'appuie de quelques considérations.

Si la discussion sur les banques avait pris plus d'importance, je m'étais promis de m'occuper de la question de la liberté des banques aux Etats-Unis. J'aurais montré à cette occasion quelle est, en réalité, la législation qui régit la circulation dans ce pays, et je serais arrivé à prouver que les principes qui y sont admis sont au fond les mêmes que ceux que j'ai défendus. La réglementation des banques d'émission existe aux Etats-Unis ; seulement elle diffère, sous certains rapports, de celle qui est en vigueur chez nous.

La discussion ne s'étant pas, en réalité, établie sur ce point, je me suis abstenu d'y revenir ; mais je me permettrai cependant de citer quelques lignes du rapport des commissaires du Massachusetts, rapport récent, puisqu'il concerne l'année 1860. Le passage que je vais en extraire peut s'appliquer à la disposition dont nous, nous occupons et caractérise le véritable esprit de la législation en vigueur dans les Etats d'Amérique en ce qui concerne la circulation :

« La circulation, disent les commissaires, est en réalité un droit régalien qui ne devrait être exercé que par le gouvernement ; par l'abus d'une législation, qui a trop de durée pour pouvoir la réformer, elle est généralement exercée aux Etats-Unis par des banques particulières. Mais l'Etat s'est toujours réservé le droit exclusif de la régler, de la contrôler et de la surveiller.

« En outre, l'Etat ne s'est pas dessaisi de ce pouvoir sans compensation ; chaque Etat, au contraire, tire une grande partie de son revenu des taxes imposées sur les banques. »

Ce sont ces derniers mots, messieurs, qui ont un certain rapport avec l'article en discussion, et l'honorable orateur auquel je réponds particulièrement, qui a visité les Etats-Unis, peut confirmer la vérité de cette assertion. S'il avait invoqué ses souvenirs à cet égard, il aurait trouvé là déjà un exemple du système qu'il a cru devoir combattre.

La circulation étant concédée par le gouvernement, le gouvernement a pu, ici comme en d'autres pays, ici comme aux Etats-Unis, y mettre des conditions. La condition de participer dans une certaine mesure aux bénéfices de cette circulation, est celle qui se présente le plus naturellement ; c'est celle qui a été appliquée, non seulement ici (notre loi porte elle-même la preuve de l'application de ce principe), mais aussi aux Etats-Unis ; elle l'a été également en Angleterre. En Angleterre, la circulation donne droit à l'Etat de percevoir certains bénéfices ; et l'on calcule que, directement ou indirectement, la Banque d'Angleterre abandonne à l'Etat au moins trois dixièmes des bénéfices qu'elle réalise sur la circulation.

Et pourtant, on conteste en Belgique le droit de l'Etat d'agir de même ; on nous dit : « Vous n'avez pas le droit de stipuler de la sorte ; la Banque doit, comme les autres particuliers, comme toute autre société, jouir du bénéfice que peut lui procurer l'élévation de l'escompte, même au-delà d'un certain taux. »

On assimile donc la Banque Nationale à un établissement ordinaire, à de simples particuliers. Eh bien, c'est là une erreur fondamentale ; la Banque est un établissement public, constitué sous des conditions bien déterminées ; et cet établissement public ayant une législation spéciale, sous la foi de laquelle les actionnaires ont contracté, ne peut donner à ces actionnaires d'autres droits que ceux qui résultent de la loi et du contrat ; ils n'en peuvent invoquer d'autres.

L'ensemble des lois qui existaient au moment où la Banque a été formée, assurait certains avantages aux actionnaires qui se sont engagés dans cet établissement, et parmi ces avantages, celui de percevoir un escompte dont le taux maximum était déterminé légalement.

Je comprendrais que si, par hasard, le législateur avait voulu abaisser pour l'escompte le taux légal de l'intérêt, et l'amener à 3 ou 4 p. c, je comprendrais, dis-je, que les actionnaires de la Banque eussent pu dire à l'Etat : Vous modifiez notre contrat mutuel ; nous avons contracté avec vous sous l'empire d'une législation qui nous assurait la perception d'un intérêt maximum de 6 p. c. ; nous ne pouvons pas, en présence de ce contrat, être tenus de subir les conséquences de la législation nouvelle que vous introduisez. Un pareil langage eût été parfaitement juste, et l'on n'aurait eu aucune objection sérieuse à y opposer. Mais, au contraire, quand nous apportons à la législation qui existait à l'époque où le contrat avec la Banque a été conclu, une modification dans un sens diamétralement opposé, n'est-il pas évident que nous ne portons aucune espèce d'atteinte aux droits des actionnaires de la Banque ? Ni en droit, ni en équité, ils ne peuvent donc être autorisés à se plaindre.

Certes, messieurs, le gouvernement a la faculté de créer dix banques au lieu d'une, s'il le juge convenable ; il n'est pas obligé de continuer à confier sa caisse à la Banque à l'expiration du contrat conclu à cet effet ; il n'est pas obligé non plus de recevoir les billets de la Banque dans ses caisses. Eh bien, cette liberté d'action que le gouvernement conserve vis-à-vis de la Banque, explique et détermine suffisamment le droit que consacre l'article 3 du projet de loi. (Interruption.) Je vais le prouver. C'est une formule différente à prendre.

Contesterez-vous au gouvernement le droit de dire à la Banque : « Je consens à ce que vous fassiez le service du caissier de l'Etat, à la condition que vous m'abandonniez les bénéfices qui excéderont 6 p. c. ? » N'ai-je pas le droit de dire à la Banque : « Vous n'aurez la disposition (page 608) des capitaux du trésor, qu'à des conditions déterminées et notamment à la condition pour l'Etat de percevoir l'intérêt excédant 6 p. c. N’ai-je pas encore le droit de dire à la Banque : « Vos billets ne seront admis dans les caisses de l'Etat qu'à telles ou telles conditions » ? i J’avais même le droit, et cela sans l'autorisation législative, de stipuler directement que le bénéfice résultant pour la Banque de la différence entre l'intérêt légal et le taux d'intérêt perçu par cet établissement appartiendrait au trésor public : ce droit est incontestable pour le gouvernement. Je le répète, j'aurais pu m'abstenir de soumettre à la législature une proposition de loi dans ce sens. Mais c'est dans l'intérêt de la Banque elle-même que j'ai voulu agir comme je l'ai fait. Je crois, en effet, qu'il importe beaucoup que le privilège dont elle est investie ne soit pas suspecté dans l'opinion publique ; je pense que ce n'est pas un bonheur pour elle de faire trop de bénéfices ; non seulement, ces bénéfices assez considérables suscitent naturellement l'envie, mais on arrivera à croire qu'il suffit de partager la circulation entre plusieurs banques, pour que chacune puisse parvenir à réaliser les mêmes profits. Et ainsi on ébranlera une institution qui, telle qu'elle est constituée aujourd'hui, a pu rendre de grands services au pays, et qui, divisée, ne sera certes plus à même de rendre des services équivalents.

L'intérêt de la Banque est donc que l'accroissement de ses bénéfices soit limité, quand on peut le faire, conformément à la loi et à l'équité. Or, c'est ce que je crois avoir suffisamment établi.

Maintenant, la mesure est-elle utile ? On nous dit : « La mesure tournera au préjudice du commerce. Qu'allez-vous faire ? La Banque n'aura plus d'intérêt à élever son escompte, et cependant elle n'a que deux moyens pour défendre son encaisse : élever l'escompte ou décimer les bordereaux. Or, la Banque n'étant plus intéressée à élever l'escompte, décimera les bordereaux. Voilà ce qui sera essentiellement préjudiciable au commerce. » (Interruption.)

Je réponds à la première objection de l'honorable M. Sabatier.

La Banque décimerait donc les bordereaux, au lien d'employer l'autre moyen, beaucoup moins préjudiciable au commerce et consistant dans l'élévation du taux de l'escompte ? Mais savez-vous, messieurs, ce que l'on vous dit en formulant ainsi l'objection que je combats ? On vous dit que la Banque, pour ne pas élever l'escompte à 7 ou à 8 p. c., et cela dans le seul but de n'avoir pas à verser 1 ou 2 p. c. au trésor de l'Etat, renoncera bénévolement à gagner 6 p. c ? (Interruption.)

Evidemment cela n'est pas admissible. Une pareille supposition est parfaitement chimérique. Comment ! la Banque renoncera à gagner 6, uniquement par mauvaise humeur, et cela parce que l'Etat devrait percevoir 1 ou 2 si l'escompte s'élevait à 7 ou 8 p. c. ? Convenons-en, messieurs, cela n'est pas sérieux. L'intérêt existera toujours pour la Banque d'agir, quant au taux de l'escomptes, suivant les circonstances qui se produiront. Cet intérêt sera suffisant pour que la Banque n'emploie pas des moyens qui seraient justement blâmés c'est-à-dire la réduction des bordereaux, pour éviter que l'Etat ne réalise ce bénéfice. On n'a pas à redouter une pareille éventualité.

Mais on peut dire, dans un sens opposé, que si la Banque, institution privilégiée, ayant un monopole de fait, se trouve en possession d'un moyen d'accroître les bénéfices de ses actionnaires en sauvegardant, dans bien des circonstances, la responsabilité qui lui incombe, elle n'hésitera pas. On peut dire qu'alors l'escompte dépassera facilement 6 p. c, parce que la Banque, ayant à faire certains efforts, à prendre certaines précautions, pouvant engager sa responsabilité si elle n'élève pas l'escompte, préférera ne pas encourir cette responsabilité. Or, nous lui donnons la latitude d'élever son escompte ; elle a tous les moyens de donner satisfaction aux intérêts du commerce tout en défendant son encaisse ; personne ne peut donc avoir à se plaindre. Seulement la Banque sera tenue de faire participer le trésor à une faible quotité des bénéfices qu'elle pourra faire.

Que prétend-on encore ? Mais vous allez enlever des ressources à la Banque. L'objet de notre amendement est de faire que la Banque possède toutes les ressources possibles dans l'intérêt du commerce.

M. Sabatier. - La mesure n'est pas isolée.

MfFOµ. - La mesure n'est pas isolée ; mais vous avez dit que c'était là l'objet de votre amendement ; que vous aviez surtout en vue de constituer des ressources plus grandes entre les mains de la Banque dans l'intérêt du commerce.

M. Sabatier. - D'entrer dans un système d'augmentation de ressources.

MfFOµ. - D'entrer dans un système d'augmentation de ressources, soit ! Eh bien, c'est ce que je conteste. Votre système n'augmenterait pas les ressources de la Banque. Vous avez proposé d'ajouter les bénéfices dont nous nous occupons au fonds de réserve. Mais on s'est souvenu que le fonds de réserve était, de par la loi, constitué en fonds publics et qu'il était impossible, en constituant cet excédant en fonds publics, d'augmenter les ressources de la Banque ; l'on a donc dit : Nous l'ajouterons au fonds social.

On peut s'étonner que d'honorables membres qui, comme le faisait hier l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu, contestent à l'Etat le droit de stipuler comme le gouvernement le propose, viennent cependant approuver un pareil amendement. L'Etat, disent-ils, n'a pas le droit de s'emparer d'une partie des bénéfices de la Banque Nationale ; cet établissement est une société comme toutes les autres, qui peut disposer librement de son avoir et l'appliquer comme elle l'entend. Et les honorables membres qui tiennent ce langage, proposent cependant un amendement par lequel on enjoint à cette même institution, que l’on dit libre, indépendante, et maîtresse absolue, de consacrer une partie de ses bénéfices à l'augmentation de son capital social ! C'est-à-dire qu'on propose une violation flagrante de son contrat, puisque le contrat détermine l'importance du capital social et stipule que ce capital ne pourra être augmenté que de l'assentiment des intéressés. La mesure que l'on propose, tout en critiquant le droit que nous voulons prétendument, nous arroger, a donc pour effet de violer directement le contrat que l'on déclare vouloir à tout prix faire respecter.

Maintenant, le but que l'on propose serait-il atteint ? Les ressources de la Banque seront-elles augmentées ? A cette question, messieurs, je réponds, non, dans le système de l'amendement, et oui, dans le système du gouvernement.

On oublie que le gouvernement abandonne sa caisse à la Banque ; tout l'avoir de l'Etat est à la disposition de la Banque. Le commerce profitera donc directement et complétement des ressources dont on parle, si on les verse dans les caisses du trésor.

M. de Naeyer. - Si le trésor n'en dispose pas.

MfFOµ. - Evidemment. J'arrive à cette objection, et vous verrez qu'elle n'a pas d'importance.

Il faudrait, en effet, pour qu'il en fût autrement, que l'encaisse du trésor à la Banque vînt à descendre au-dessous du montant du bénéfice que l'Etat pourra faire sur l'intérêt excédant 6 p. c. Eh bien, cette éventualité est d'une réalisation impossible. Cet excédant de bénéfice pourra s'élever à quelques centaines de mille francs ; mettez un million ou deux ; mettez-en quatre si vous voulez. Je dis qu'il est impossible que l'encaisse du trésor descende au-dessous de 4 millions.

La Banque aura donc toujours à sa disposition le montant des bénéfices dont il s'agit, dans le système du gouvernement. Elle ne l'aurait dans le système de l'amendement que si l'on avait le droit d'imposer à la Banque un accroissement de son capital social.

D'autres objections de moindre importance ont été faites également à cette proposition. On nous a dit que l'on combattait la proposition du gouvernement parce que son adoption aurait pour résultat de consacrer le privilège de la Banque. Les honorables membres qui ont parlé ainsi ont perdu de vue que ce privilège existe, et qu'il est consacré par la loi de 1850.

J'ai déjà répondu d'un seul mot à l'objection en interrompant l'honorable membre : aussi longtemps que l'état de choses actuel existera, la disposition que nous proposons sera également maintenue ; si on établissait plusieurs banques, le législateur aurait à aviser. Vînt-on à établir la liberté complète de la circulation fiduciaire, il est évident que la disposition ne serait pas maintenue comme mesure exceptionnelle. On ne consacre donc rien, on ne fortifie donc rien.

Eu résumé, messieurs, la disposition que nous avons eu l'honneur de soumettre à la Chambre me paraît parfaitement juste, parfaitement équitable ; elle ne peut pas nuire à la Banque, elle ne peut pas nuire aux intérêts du commerce, et, enfin, nous avons, en faveur de la disposition et contre les objections que quelques membres nous opposent, nous avons le silence de la Banque ; la Banque ne réclame pas, la Banque ne vient pas nous dire elle-même, ce que l'on croit pouvoir alléguer en son nom : « Je proteste contre la disposition ; c'est sans droit que l'on dispose d'une partie de mes bénéfices. » La Banque ne dit rien ; non pas que je ne sois convaincu que les actionnaires aimeraient mieux se voir attribuer la totalité des bénéfices, mais parce qu'il est parfaitement reconnu qu'on ne pourrait pas contester au gouvernement le droit de stipuler de la sorte, et que le ministre des finances aurait de son propre chef, à raison du privilège, à raison de l'encaisse, à raison des billets qu'il reçoit dans ses caisses, le droit de faire des stipulations bien plus larges encore en faveur de l'Etat.

(page 609) M. Couvreurµ. - J'avais renoncé, non sans regret, à prendre la parole dans cette discussion à cause d’une récente indisposition. En ce moment encore l'état de ma santé ne me permet pas d'entrer dans le débat ; mais après les paroles que vient de prononcer M. le ministre des finances, je ne puis m'abstenir de déclarer que si, comme membre de la section centrale, j'ai voté l'amendement et si je persisterai à le voter, c'est surtout parce que je suis partisan et partisan très déterminé de la liberté absolue des banques, en y comprenant la liberté de l'émission. Je n'ai pas voulu donner une consécration nouvelle à un monopole de fait, ni consolider ce monopole pour l'avenir en me ralliant à l'article 3, proposé par le gouvernement. J'ajoute que tout en étant, en principe, partisan de la liberté des banques, j'admets cependant qu'à titre de transition, cette matière soit réglementée, mais réglementée par la loi, afin que chacun jouisse du droit commun. Il y a des principes qui, si vrais qu'ils soient, ne peuvent pas recevoir immédiatement leur application à raison des mœurs du pays où il faudrait les introduire.

Je ne puis entrer en ce moment dans de plus long développements. Un autre temps viendra où j'aurai l'occasion de revenir utilement sur ce sujet.

Je trouve que la proposition du gouvernement consolide le privilège de la Banque, le consolide parce qu'elle fait entrer dans la caisse du trésor un bénéfice qui, à mon avis, ne peut lui revenir, et que ce bénéfice est un véritable impôt prélevé sur le commerce.

Que l'Etat, faisant un contrat avec une Banque, l'instituant son caissier, devenant son client, stipule des avantages particuliers à son profit, ou que l'Etat prélève un impôt sur les billets émis par les Banques, cela peut se défendre ; mais ce que je ne saurais admettre, c'est que l'Etat devienne l'associé de la Banque et réalise des bénéfices sur les opérations d'escompte.

Enfin, ce que je ne comprends pas non plus, c'est que l'Etat veuille prendre sur lui la responsabilité de décisions qui ne doivent dépendre que de l'offre et de la demande.

En réalité, lorsqu'il s'agira d'élever le taux de l'escompte au-delà de 6 p. c, la détermination en sera prise non par la Banque, mais par l'Etat ou plutôt par le ministre des finances sur le rapport de quelque employé de son département.

Un homme, qui peut se tromper, sera donc juge d'une résolution qu'il n'appartient qu'au crédit de fixer, et si, pour éviter l'impopularité d'une décision onéreuse pour le commerce, il contient la Banque dans les limites d'un escompte maximum de 6 p ; c, ou bien, s’il a tort, il exposera cet établissement soit à se ruiner, soit à nuire aux escompteurs en décimant les bordereaux, ou bien, s'il a raison, il provoquera les accusations de lucre contre lesquelles il prétend le protéger.

Toutes ces considérations, que je ne puis malheureusement qu'indiquer, ne sont que des conséquences du monopole et de la prétention de l'Etat de se faire, par personne interposée, l'organisateur et le régulateur du crédit.

Au fond de ce débat, il n'y a véritablement qu'une question ; c'est celle de la liberté du crédit, et si j'ai voté, en section centrale, la proposition qui vous est soumise, c'est parce qu'elle m'a paru mieux sauvegarder cette liberté que le texte primitif du projet de loi.

M. Vermeireµ. - Je voterai pour l'amendement de la section centrale ou plutôt je préférerais que l'article 3 fût supprimé. Voici, messieurs, les motifs pour lesquels j'émettrai ce vote. Lorsque nous avons fait la loi qui institue la Banque Nationale, en 1850, notre principal but a été de séparer le crédit public du crédit particulier. On voulait, surtout, que le gouvernement n'intervînt plus dans les transactions particulières.

L'honorable ministre des finances vient de vous faire observer qu'il pourrait dire à la Banque : « Je ne vous confierai plus, à l'avenir, l'office de caissier de l'Etat » et il a ajouté que c'est en retour du dépôt que le gouvernement a, gratuitement, à la Banque, qu'il demande une rémunération.

Dans le principe, messieurs, l'office de caissier de l'Etat avait été considéré comme une charge pour la Banque, à ce point que, pendant plusieurs années, le gouvernement a payé, à la Banque, une somme assez ronde pour faire ce service.

Ce n'est que depuis 1859 que l'on a cessé de payer cette rémunération. Il en résulte que ce qui était considéré, dans le principe, par le gouvernement comme une charge pour la Banque est devenu pour elle un avantage.

M. le ministre des finances vient encore de nous dire que la Banque Nationale pourrait prendre, à l'égard du public, des mesures restrictives par rapport à l'escompte, en ce sens qu'elle pourrait même décimer les effets qu'elle escompterait.

Dans la discussion générale, je crois avoir établi qu'on ne fait pas disparaître d'un seul coup le numéraire des banques, et j'ai trouvé comme exemple que, pendant plus de 20 ans, l'intérêt et l'escompte ont été bien plus haut en Hollande et en Angleterre qu'à Paris, sans que pour cela le numéraire de la Hollande et de l'Angleterre se fût dirigé vers la France.

Ce sont là des théories qui, certainement, peuvent exercer une influence, parce qu'on y applique la maxime économique Là où une marchandise est plus chère, elle se rend de préférence ; mais, dans la pratique des affaires de banque, ces différences ne se font pas du jour au lendemain.

La Banque Nationale, il est vrai, a contracté sous le régime de la loi de 1807, encore en vigueur en 1850, et limitant le taux de l'intérêt ; mais il faut cependant considérer qu'il n'y a dans la loi, ni dans les statuts de la Banque, pas une seule condition qui prévoie le cas de la liberté du prêt à intérêt ; donc l'excédant du produit de l'escompte au-delà de six pour cent ne peut faire retour à l'Etat qu'à condition de mettre la Banque hors du droit commun, ce qui, certes, n'a pu entrer dans l'intention du législateur.

La Banque reste libre de faire ses affaires comme elle l'entend dans les limites de son contrat, résumé dans la loi et dans les statuts.

Il y a encore un autre motif pour lequel je n'accepterai pas l'article 3 de la loi ; c'est que lorsque, dans un moment donné, l'escompte sera à un taux plus élevé que l'escompte actuel, et le gouvernement devant profiter de cet excédant, le public, qui ne raisonne pas toujours d'une manière bien saine, pourrait considérer cette augmentation d'intérêt profitant à l'Etat comme une contribution extraordinaire qu'on prélèverait sur le commerce et sur l'industrie ; tandis que si la Banque seule doit, dans des circonstances extraordinaires, profiter de l'élévation de son escompte, elle aura seule, alors, la responsabilité de la mesure qu'elle prend.

Le gouvernement, selon moi, ne doit jamais être soupçonné de prélever des impôts en dehors de ceux qui sont votés par la législature et surtout des impôts qui frapperaient directement le commerce et l'industrie.

Ce motif, que la Banque doit et peut agir librement, en vertu des contrats privés et, d'autre part, des motifs que j'ai puisés dans des considérations d'un haut intérêt, me forcent à voter contre l'article 3.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Messieurs, vous aurez tous remarqué que l'honorable ministre des finances, dans la réponse qu'il vient de faire à mon discours d'hier, a esquivé la question que j'ai posée.

J'ai demandé à quel titre l'Etat prétendait s'emparer des produits de l'escompte au-delà de 6 p. c., quand il s'agit de la Banque Nationale.

M. le ministre a répondu par le rapport des commissaires de l'Etat de Massachussetts des Etats-Unis, établissant que cet Etat impose la circulation et en tire un très notable revenu. En effet je vois qu'en 1838 la taxe sur la banque de l'Etat de Massachussetts a produit 383,000 dollars ce qui fait un peu plus de 3 millions de francs, presque la moitié des revenus de cet Etat.

Mais je dois faire remarquer que dans le Massachussetts c'est la circulation qui est imposée non pas sur un seul établissement, mais sur toutes les 80 ou 85 banques qui existent dans l'Etat tandis qu'ici ce que l'on veut prendre c'est l'escompte au-delà de 6 p. c., ce qui est tout à fait différent.

La circulation n'est pas imposée, mais lorsque par suite d'une crise commerciale la Banque se trouve dans la nécessité, pour protéger son encaisse, d'augmenter le taux de l'escompte, l'Etat vient lui dire : Vous êtes forcée d'augmenter l'escompte, mais c'est à mon profit exclusif.

Ou bien cette augmentation de l'escompte est une chose nécessaire, commercialement parlant, pour protéger l'encaisse ou bien elle ne l'est pas. Si elle ne l'est pas, l'escompte ne sera pas porté au-delà de 6 p. c. C'est évident.

Mais si elle est nécessaire pour protéger l'encaisse de la Banque, je me demande de nouveau à quel titre l'Etat doit venir s'emparer de cet excédant.

Est-ce à titre d'impôt ? J'ai prouvé hier que ce n'est pas possible. L'impôt doit être voté annuellement par la Chambre ; or, nous n'allons pas voter tous les ans qu'il y aura une crise commerciale, pour pouvoir satisfaire à cet article du budget des recettes.

C'est, me dit-on, en vertu du contrat fait avec la Banque. Mais le contrat ne contient rien de semblable, comme l'a fort bien dit l'honorable M. Vermeire. Aucun de ces articles ne dit que les bénéfices de l'escompte au-delà de 6 p. c. seront attribués à l'Etat. Si cela y était, nous n'aurions aucune objection à faire.

(page 610) Mais, si en vertu de votre pouvoir souverain vous imposez à la Banque la perception d'un bénéfice qu'elle fait, je trouve que vous faites une chose exorbitante. Je ne reprendrai pas l'argumentation que j'ai produite hier, mais je ne puis accepter l'introduction d'un pareil principe dans nos lois.

M. le ministre des finances, pour justifier cette mesure, dit qu'il a le droit, en vertu du contrat, de dire à la Banque : Je vais vous retirer ma caisse, je vais vous retirer l'avantage que je vous ai concédé de recevoir vos billets en payement des impôts.

Je reconnais que cela peut se faire, mais alors l'Etat n'agirait pas tant en vertu d'un droit qu'en abusant de son droit.

Les paroles que vient de prononcer M. le ministre des finances établissent donc ce que je disais hier, à savoir que la Banque ne réclame pas, par la raison bien simple qu'elle ne perdra pas à l'adoption de l'article 3. Loin d'y perdre, elle y gagnera, au contraire, de pouvoir rejeter sur l'Etat l'impopularité de l'élévation de l'escompte au-delà de 6 p. c. lorsqu'elle devra se résoudre à cette mesure pour protéger son encaisse. Dans l'état actuel des choses, la Banque est moralement tenue à une certaine réserve, mais du moment que ce sera l'Etat qui profitera de l'élévation de l'escompte, la Banque n'hésitera pas à la décider, afin d'atteindre plus tôt le but qu'elle aura en vue. Ce but atteint, elle réduira le taux à 6 p. c. et elle y restera le plus longtemps possible.

C'est précisément ce que M. Sabatier vous a démontré dans son discours. C'est ainsi qu'elle arrivera à constituer, contre le commerce, un escompte moyen supérieur à celui qui est établi aujourd'hui.

Dans l'état actuel des choses, si la Banque se trouvait momentanément dans la nécessité d'élever son escompte au-delà de 6 p. c., elle le réduirait immédiatement après, le plus possible, pour détruire le mauvais effet produit sur les populations par un escompte élevé.

Par l'article 3 de la loi, la Banque sera dégagée à cet égard de toute responsabilité ; ce sera l'Etat qui la supportera tout entière.

Telles sont les raisons pour lesquelles je persiste dans le vote que j'ai cru devoir émettre dans la section centrale contre le projet de loi et je serais même d'avis de me rallier à l'idée émise par M. Vermeire de supprimer complètement l'article 3 de la loi.

M. Coomans. - Après les savants et adroits sophismes des défenseurs de l'amendement, j'ai deux mots à dire, moins pour appuyer le système de l'honorable ministre des finances dont le succès me paraît assuré, que pour expliquer mon vote et montrer que je ne suis pas infidèle à mon programme de liberté en adhérant à l'article 3.

Moi aussi, je suis partisan d'une liberté aussi large, aussi absolue que possible ; j'ai déjà eu l'occasion d'en fournir des preuves et je compte bien en donner encore. Mais la liberté n'est pour rien dans cette affaire, pas plus que l'équité ni la logique n'y sont blessées. La Banque n'est pas dans la liberté ; si elle y était, je consentirais volontiers à ce qu'on lui fît l'application la plus large des principes de liberté ; mais la Banque n'est pas dans le droit commun ; elle jouit de privilèges qui ont pris des proportions impopulaires, pour ne pas dire injustes.

La plus grande partie des bénéfices réalisés par la Banque est la conséquence des privilèges dont nous l'avons dotée et surtout de la confiance qu'inspire le crédit du gouvernement. Soyons justes, les bénéfices de cette compagnie particulière sont dus à la loi de faveur dont l'honorable ministre des finances n avait pas prévu toutes les conséquences.

M. Vermeireµ. - Je demande la parole.

M. Coomans. - Je suis convaincu que nous aurions strictement le droit de percevoir un intérêt de 1 ou 2 p. c. sur les billets émis par la Banque sous la garantie de l’Etat. (Interruption.) Je dis qu'au point de vue de la logique et de la justice, nous serions en droit, nous aurions même le devoir de nous réserver la plus grosse part, le 1/10, le 1/5, le 1/3 peut-être des bénéfices réalisés annuellement par la Banque, de même que nous nous réservons une forte part des bénéfices réalisés par une autre banque, celle de Spa. Il ne serait au fond que très juste que la Banque nous payât l'intérêt du crédit que nous lui prêtons. Car à mes yeux et à proprement parler, les 120 millions de billets que la Banque met en circulation ne sont pas les billets de la Banque, ce sont plutôt les billets de l'Etat belge. (Interruption.) Oui, l'Etat sera toujours forcé de les garantir. (Interruption.) Un gouvernement qui accepte un billet dans sa caisse l'escompte et le garantit en réalité. (Nouvelle interruption.)

Si j'ai tort, l'honorable ministre des finances est bien généreux d'en faire la remarque, car c'est sa thèse que je défends.

Quand donc j'adhère au principe de l'article 3, qui prescrit le versement au trésor des bénéfices extraordinaires et véritablement supplémentaires réalisés par la Banque, je ne fais pas une entorse à la liberté ni à la logique, je fais l'application d'un principe d'équité naturelle, voire d'un droit positif.

Ceci soit dit pour faire pressentir l'opinion que j’émettrai quand il s'agira de renouveler le privilège de la Banque. Nous avons à recueillir d'autres avantages de notre participation à ses opérations que ceux que nous possédons actuellement.

Si nous ne nous réservons aujourd'hui que 200,000 ou 300,000 fr. par an pour notre part dans les bénéfices réalisés par la Banque, nous sommes trop généreux, je dirai même que nous sommes imprévoyants, et que nous serions coupables si nous persistions dans ce système. Nous avons le droit de nous réserver un juste intérêt des billets émis avec notre garantie morale, une part dans les bénéfices de la Banque et de toutes les banques que nous patronnerons.

Veut-on supprimer complètement le privilège de la Banque ? C'est une autre thèse qui ne me répugne pas. Veut-on entrer dans le système de la liberté absolue ? J'y consens volontiers et j'y suivrai de bon cœur mes honorables adversaires de ce moment. Mais, je le répète, nous sommes en présence d'un privilège ; et nous n'avons pas à nous inquiéter des objections qu'on nous fait au nom de la liberté, qui n'a rien à voir en cette circonstance. C'est une opération financière que nous faisons, pas autre chose.

M. Vermeireµ. - En présentant à la Chambre quelques considérations que je viens de lui soumettre, je ne croyais pas avoir avancé des sophismes. Si des sophismes ont été produits dans cette discussion, c'est par mon honorable ami qu'ils l'ont été.

En effet, de quoi s'agit-il ? D'un contrat qui est intervenu entre une société particulière et le gouvernement pour un objet déterminé. Or, ce contrat ne peut, d'après moi, être changé que par la volonté des contractants.

Dans le principe, la Banque a reçu une rémunération assez considérable du chef du service de caissier de l'Etat, parce qu'alors ce service avait été considéré comme onéreux pour la Banque. Mais, aujourd'hui, ce service est considéré par le gouvernement comme offrant un avantage tel, que celui-ci devrait, dans des circonstances extraordinaires, en retirer un nouveau bénéfice.

Si ma mémoire m'est fidèle, ou peut évaluera plus de 500,000 fr. le bénéfice que la Banque réalise de ce chef dans des années comme celle qui vient de s'écouler.

Comme je l'ai dit tantôt, messieurs, la Banque Nationale agit comme société particulière ; elle a son contrat, elle a ses statuts, et je crois que, existant ainsi, elle doit pouvoir retirer tous les avantages que sa position peut lui procurer ; comme, d'autre part, elle doit aussi être responsable des préjudices qui pourraient en résulter.

L'honorable M. Coomans a comparé la Banque Nationale à l'institution des jeux de Spa. Eh bien, messieurs, c'est le cas ou jamais de dire : comparaison n'est pas raison. Quelle analogie, en effet, peut-il y avoir entre la Banque Nationale qui rend d'incontestables services au commerce et à l'industrie, et les jeux de Spa où le joueur a plusieurs mauvaises chances contre une bonne ; contre ces jeux immoraux qui ruinent beaucoup de familles ei n'en enrichissent guère ; et qui ne sont maintenus que par une tolérance d'une moralité fort contestable ?

M. de Theuxµ. - Je ne puis admettre l'amendement de la section centrale et en le combattant je me place bien plus au point de vue de l'intérêt du pays qu'au point de vue de l'intérêt du trésor.

Par la liberté illimitée du taux de l'intérêt, d'une part, et par le grand capital dont la Banque dispose par le crédit que le gouvernement lu assure, d'autre part, elle peut exercer une influence très considérable sur le taux de l'escompte ; et il est évident que si son intérêt la porte à augmenter le taux de l'escompte en temps de crise, elle sera suivie par les banquiers particuliers non privilégiés.

Il en résultera donc une situation très difficile pour le pays ; chacun à l'envi élèvera le taux de l'escompte pour faire le plus de bénéfice possible ; tandis que la Banque Nationale a été instituée en grande partie pour modérer le taux de l'escompte et venir en aide au commerce et à l'industrie.

Je veux donc qu'elle soit complètement désintéressée dans l'élévation du taux de l'escompte au-delà de 6 p. c. ; ce taux, qui est le taux de son contrat, constitue pour elle un avantage suffisant. Nous en avons eu l'expérience.

L'article 3 du projet du gouvernement étant adopté, si la Banque élève son escompte à plus de 6 p. c, il sera constant qu'elle aura cédé à une nécessité absolue et agi dans l'intérêt général. Si, au contraire, cet article n'est pas adopté, la Banque, en cas d'élévation du taux de l'escompte à plus de 6 p. c, pourrait être soupçonnée d'avoir agi dans son intérêt particulier ; et voilà le danger de la situation.

(page 611) Mais, dit-on, c'est une atteinte au contrat. Messieurs, j'ai beau chercher où est cette atteinte, je ne puis la découvrir. Evidemment, s'il y avait plusieurs banques à émission de billets et que le gouvernement imposât une limite à l'une d'elles et pas aux autres, il y aurait là un privilège.

Maïs la Banque Nationale est le seul établissement privilégié pour l'émission des billets ; c'est le seul qui reçoive le secours du gouvernement pour ses opérations de banque. Eh bien, dans cette situation, la loi a parfaitement le droit de stipuler, dans l'intérêt du pays bien plus encore que dans l'intérêt du trésor, que le produit de l'escompte dépassant 6 p. c. sera versé au trésor.

Cela me paraît de toute justice et parfaitement irréprochable.

Quant à moi, je n'hésite pas à voter la proposition du gouvernement et à rejeter l'amendement de la section centrale.

MfFOµ. - Je croyais, messieurs, avoir rencontré et réfuté les objections produites hier par l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu. Il insiste cependant pour que j'y réponde. C'est que probablement je me suis mal expliqué ou que je n'ai pas été compris.

L'honorable membre prétend que je n'ai pas répondu à cette question qu'il m'a posée : « A quel titre veut-on percevoir cette quotité de bénéfice ? »

Il me semble, cependant, messieurs, que j'ai répondu tout à l'heure à la question. J'ai démontré, je pense, ce qui est admis par tout le monde, que la Banque Nationale est un établissement qui jouit de certains avantages, de certains privilèges, de certain monopole de fait. J'ai dit qu'aussi longtemps que nous respections le contrat fait avec cet établissement, aucune plainte de sa part ne pouvait nous être adressée. Or, en formulant notre proposition que disons-nous ? Nous disons à la Banque : « Pour vous, la loi de 1807 continue de subsister. C'est sous l'empire de cette loi que vous vous êtes constituée ; vous ne pouvez pas vous plaindre de ce qu'on la fasse disparaître pour autrui seulement, et non pour vous ; le maintien de la loi de 1807 à votre égard ne constitue pas une violation de votre contrat. Cependant, s'il arrive que vous veniez à dépasser le taux de 6 p. c, parce que des raisons d'intérêt public pourraient justifier cette élévation de l'escompte, dans ce cas vous verserez au trésor le bénéfice que vous aurait procuré l'excédant de 6 p. c. »

Voilà ma réponse à l'objection de l'honorable membre ; je la crois claire et péremptoire.

L'honorable M. Couvreur nous a dit qu'il ne voulait point, pour trois motifs, voter la proposition du gouvernement : le premier, c'est que cette proposition tendrait à consacrer le privilège de la Banque ; le second, c'est que le gouvernement serait associé aux bénéfices de cet établissement ; et le troisième, c'est que le gouvernement engagerait par là sa responsabilité.

Ce sont bien là, je pense, les objections de l'honorable membre. Voici ma réponse :

Le privilège, nous ne le créons pas ; il existe en vertu de la loi de 1850, et aussi longtemps qu'il subsistera, je ne comprends pas comment la disposition aujourd'hui proposée serait de nature à augmenter, à fortifier ce privilège. Si des modifications viennent à être apportées au privilège tel qu'il a été constitué au profit de la Banque, le même pouvoir législatif avisera ; il n'est pas irrévocablement lié ; et, par conséquent, cette objection ne doit pas arrêter l'honorable membre.

L'Etat, dit-on en second lieu, va s'associer aux bénéfices de la Banque ; mais, messieurs, il y est associé déjà.

M. Couvreurµ. - C'est un tort.

MfFOµ. - Selon vous c'est un tort, je le veux bien ; mais enfin c'est un principe fondamental de la loi de 1850 : l'Etat obtient le sixième des bénéfices excédant 6 p. c.

Or, s'il peut recevoir légitimement, en vertu de la loi de 1850, le sixième des bénéfices excédant 6 p. c, pourquoi, en vertu de la loi nouvelle, ne pourrait-il pas percevoir, légitimement aussi, la partie du bénéfice qui résultera pour la Banque de l'élévation de l'escompte au-delà de 6 p. c ?

Enfin, dit-on, c'est la responsabilité du gouvernement qui est engagée. - Eh quoi cette responsabilité sera-t-elle plus engagée si l'article 3 du projet est admis, qu'elle ne l'est actuellement ? C'est ce qu'il m'est extrêmement difficile de comprendre.

A certains points de vue, la responsabilité de l'Etat est toujours engagée dans cette affaire de la Banque, par suite de la surveillance qu'il doit exercer sur ses opérations. Mais aura-t-il une autre responsabilité à encourir du chef de la disposition contenue dans l'article 3 du projet de loi ? En aucune manière.

On dit que le gouvernement sera accusé d'être l'auteur de l'élévation de l'escompte. On craint que le public ne comprenne pas bien la disposition dont il s'agit. « Ce sera, dira-t-on, pour faire la part des bénéfices du gouvernement que l'escompte aura été élevé. »

Mais, messieurs, la même objection pourrait être faite dès aujourd'hui. Le reproche ne serait pas plus fondé actuellement qu'il ne l'était auparavant. Du reste, l'objection n'a pas été faite ; on ne s'est pas plaint, on n'a accusé personne des conditions imposées à l'escompte. Et pourquoi ? parce que l'élévation du taux de l'escompte n'est pas un fait arbitraire ; c'est un fait qui est réglé par l'état de l'encaisse, qui, elle-même, est solidaire de l'état du marché.

Or, du moment que l'encaisse sera réduit à une certaine quotité, nécessairement, fatalement l'élévation de l'escompte aura lieu ; et dès lors on ne pourra pas imputer au gouvernement d'avoir fait élever cet escompte, uniquement pour accroître les bénéfices qui doivent en résulter pour lui.

Comment cette idée pourra-t-elle jamais se répandre dans le public ! Le gouvernement aurait le plus misérable intérêt dans une pareille opération ; ce seraient des quotités tout à fait insignifiantes ; par conséquent on ne pourra pas supposer que le gouvernement exerce une pression sur la Banque, pour arriver à l'élévation du taux de l'escompte.

Mais, dit l'honorable M. Vermeire : « C'est une espèce d'impôt qu'on va prélever sur une classe de citoyens. »

Oh ! messieurs, croyez-le bien ! le public ne sera pas assez sot pour croire que, du moment qu'un bénéfice fait par la Banque passe aux actionnaires, ce soit chose admirable, tandis que si ce bénéfice est versé dans le trésor de l'Etat, ce soit quelque chose d'injuste et de condamnable. Le public dira au contraire : « Après tout, l'escompte ayant dû fatalement être élevé, il vaut mieux que l'Etat en profite que la Banque ; ce sera une réduction de charges pour les contribuables, ce sera une juste compensation des avantages qui sont faits à la Banque. »

L'honorable M. Coomans, abondant dans cette dernière idée, en a un peu exagéré la portée ; il a exagéré surtout les obligations qui incombent à l'Etat du chef de la Banque ; il a déclaré notamment que l'Etat était le garant des billets émis par cet établissement.

Oui, messieurs, je le reconnais, la circulation impose des obligations à l'Etat ; mais il en serait encore ainsi, alors même qu'il y aurait plus d'une banque, avec faculté pour chacune d'émettre des billets ; l'Etat aurait, dans certaines circonstances, les mêmes obligations. Nous en avons fait l'expérience.

En effet, quand il s'agit de la circulation, qui est une affaire de la plus haute importance, il est impossible que les pouvoirs publics se désintéressent et s'abstiennent complètement ; il est au contraire indispensable qu'ils interviennent.

Il y a là une sorte d'intérêt de police de même qu'en matière de poids, de mesures, de monnaies. On trouve qu'il est très nécessaire et très légitime que les autorités communales prennent des mesures pour assurer la liberté de la circulation sur la voie publique et la sécurité des citoyens ; eh bien, pour assurer la sécurité des affaires, il faut exactement la même intervention des pouvons supérieurs.

Mais, en admettant que la circulation engage le gouvernement dans le sens que je viens d'indiquer, la responsabilité positive dont parle l'honorable M. Coomans existe-t-elle pour lui ? Messieurs, l'Etat est parfaitement juge du degré d'intervention qu'il pourrait accorder dans l'intérêt public ; il n'a pas mis sa signature sur les billets en circulation ; il n'est donc pas garant de droit, comme l'honorable membre prétendait le faire supposer.

Ceci me donne occasion de répondre à des idées exposées ici, notamment par l’honorable M. Dumortier, à savoir qu'il faut regarder comme un grand danger une circulation de 120 millions de billets de banque. Mais on ne s'est pas demandé si la Banque donnait ses billets pour rien. Si elle les donnait pour rien, il y aurait assurément beaucoup d'amateurs pour les prendre. Mais contre quoi donne-t elle ses billets ? Seulement contre des écus ou des lingots que l'on vient déposer dans ses caisses, ou contre des valeurs de premier choix, couvertes de plusieurs signatures, et qui, dès lors, ne peuvent l'exposer à aucune espèce de danger.

La Banque a donc 120 millions de billets en circulation ; mais elle a, d'autre part, dans son portefeuille 120 millions d'effets de première valeur ; il est donc absolument impossible au porteur d’un billet de banque d'essuyer le moindre préjudice, car avant qu'il puisse y être exposé, il faut non seulement que le capital de 25 millions de la Banque soit épuisé, mais encore que sa réserve de 10 millions soit également absorbée ; il faut donc qu'elle ait éprouvé pour 35 millions de perte sur le portefeuille, pour que les porteurs de billets de banque, qui sont les créanciers de la Banque, puissent essuyer un dommage.

L'honorable M. Coomans a beaucoup insisté, en outre, sur les bénéfices que fait la Banque, sans tenir compte des services qu'elle rend. Or, (page 612) messieurs, je pense que tout le monde reconnaît que la Banque rend de très grands services au public en général, et en particulier au commerce et à l'industrie. Il ne s'agit pas seulement des services qu'elle rend au public par la circulation fiduciaire, et qui permet au pays de faire emploi de 120 millions de capitaux qu'il est dispensé d'employer comme monnaie : ce service est très important, car c'est un intérêt de 4 à 5 millions par an dont profite la masse des citoyens, c'est-à-dire quelque chose comme le tiers de l'impôt foncier. Par le seul fait que la Banque a dans la circulation 120 millions en billets, la communauté fait emploi d'un capital équivalent, d'un capital productif, qui circulant sous forme d'espèces métalliques, serait absolument stérile.

La Banque ne se borne pas aux services qu'elle rend au commerce, par son escompte ; non pas qu'elle fasse seule l'escompte ; car elle subit la concurrence en cette matière ; il arrive même que son escompte est plus élevé que celui qui se paye sur le marché d'Anvers. Mais, indépendamment de ce service qu'elle rend au commerce, par son escompte assuré dans de larges proportions, la Banque rend à l'Etat un service direct de la plus haute importance. La Banque fait gratuitement le service de caissier du trésor public. C'est une charge qui serait très onéreuse à l'Etat, s'il devait s'en acquitter lui-même. Ce service lui a coûté dans le principe 500,000 fr. par an. Quand nous avons institué la Banque, nous en avons fixé la rétribution à 200,000 fr. comme maximum ; elle a été réduite ensuite à 100,000 fr. ; et maintenant le service en est fait gratuitement.

Ce n'est pas tout, messieurs. Depuis quelque temps, un service de titres de la dette publique a été organisé à la Banque, mesure qui a dégrevé le département des finances d'une responsabilité énorme, et qui a contribué à faciliter la réduction de ses dépenses. Vous le savez, il y a des titres de la dette publique qui peuvent, au gré des ayants droit, être convertis, soit en titres au porteur, soit en inscriptions nominatives au grand livre. Eh bien, ces opérations se faisaient dans les bureaux du département des finances qui était obligé de garder et de confier ainsi à un certain nombre de fonctionnaires des valeurs représentant une somme considérable et déposées dans les caves du ministère. Il y avait là une immense responsabilité pour l'administration, et le danger en a été signalé plusieurs fois. Eh bien, un service particulier a été organisé à la Banque, qui s'en acquitte sans rémunération aucune. La Banque accomplit ce service sans qu'il en résulte aucune dépense pour l'Etat.

Enfin nous avons une participation directe dans les bénéfices de la Banque, ce qui fait qu'en somme, par ces divers avantages, soit directs, soit indirects, la Banque, dès aujourd'hui, procure au trésor des revenus qui ne sont assurément pas à dédaigner.

M. Coomans. - Lorsqu'on exprime en peu de mots une idée nouvelle ou à peu près nouvelle, on s'expose à des interprétations inexactes, et c'est ce malheur qui vient de m'arriver.

Je ne suis pas un ennemi des billets de banque, bien au contraire, ni même de la Banque. Loin de croire que nous avons trop de papier-monnaie, je crois que nous n'en avons pas asssz et j'espère que le progrès aidant, nous arriverons un jour à supprimer à peu près la monnaie de métal.

Ce que j'ai voulu dire, c'est que les actionnaires de la Banque font des bénéfices considérables du chef de la garantie morale et politique donnée par l'Etat belge aux 120 millions de billets en circulation.

Ce que j'aurais voulu ajouter, si je n'avais craint d'être trop long, c'est que l'Etat belge ferait peut-être une excellente opération, en émettant directement, loyalement et courageusement lui-même 120 millions de billets et en les prêtant à qui lui en payerait l'intérêt le plus élevé. Au fond, c'est ce que je désirerais.

Je voudrais que l'Etat belge, au lieu de fabriquer de la monnaie d'or et d'argent, imprimât des billets de banque. (Interruption.) Puisque l'Etat inspire heureusement assez de confiance pour placer au pair sa dette qui est de 550 millions, pourquoi n'en inspirerait-il pas assez aux Belges, quelque défiants qu'ils soient, pour leur faire accepter au pair 120 millions de billets ?

Voilà le fond de mon idée. Pourquoi la Belgique ne ferait-elle pas ce que d'autres Etats ont fait utilement et impunément ? Pourquoi n'imprimerait-elle pas à son profit, pour une centaine de millions de billets ?

M. Rodenbach. - Sans garantie, ce seraient des assignats.

MfFOµ. - A cours forcé ?

M. Coomans. - Certainement. Mais vous n'auriez pas besoin de décréter ce cours forcé. Ne le décrétez pas, j'y consens encore, et émettez ces billets comme vos bons du trésor, comme votre 4 1/2 p. c, et ils seront parfaitement garantis. C'est le crédit, le juste et légitime crédit de l'Etat belge qui fait qu'on prend au pair les billets de la Banque, et grâce à ce crédit, on accepterait aussi les billets émis directement par l’Etat.

Messieurs, la Banque se trouve donc dans une situation privilégiée qui lui défend d'invoquer le principe de liberté. Elle n'est pas dans le droit commun ; nous n'avons donc pas à lui appliquer le droit commun.

Elle réalise des bénéfices du chef de notre participation à ses opérations ; l'honorable ministre des finances l'a reconnu tantôt. Notre part dans ces bénéfices est-elle suffisante ? Les uns disent oui, les autres disent non, et je suis de ces derniers. Notre part de bénéfices, dans ceux que fait la Banque, est insuffisante, et ce sera un beau jour à mes yeux que celui où nous pourrons loyalement modifier cet état de choses ; par conséquent les 200,000 ou 300,000 fr. plus ou moins, que nous allons percevoir sur les bénéfices supplémentaires et extraordinaires réalisés par la Banque, nous seront très légitimement acquis comme payement insuffisant de notre crédit et de nos risques.

Nous avons loué notre crédit, et quiconque loue son crédit a droit à une rémunération ; l'Etat se trouve dans cette situation-là. Je le répète, la liberté, le droit commun sont hors de cause.

- La discussion est close.

M. le président. - Je mets aux voix l'amendement de la section centrale.

M. Sabatier. - Je demande la parole.

Quelles que soient les chances défavorables de l'amendement de la section centrale, il faut au moins que cet amendement ne soit pas taxé d'absurde. Jusqu'à présent il l'est ; je l'ai démontré dans le discours que j'ai prononcé à l'ouverture de la discussion. J'ai indiqué que si le gouvernement ne se ralliait pas aux propositions de la section centrale qui sont d'augmenter les ressources de la Banque, en modifiant l'article 13 des statuts et en convertissant en espèces la réserve, nous devons nécessairement de notre côté modifier notre proposition dans le sens que j'ai indiqué.

En présence de la résistance qu'oppose le gouvernement à toute modification de la loi du 5 mai 1850 et des statuts qui en découlent, il est évident que nous devons substituer aux mots : « au fonds de réserve », ceux-ci : « au fonds social ».

MfFOµ. - Parce que... ?

M. Sabatier. - Je vous l'explique. Le bénéfice à résulter de l'application de la loi, c'est-à-dire d'une augmentation de l'escompte au-dessus de 6 p. c, au lieu d'être ajouté au fonds de réserve, devra être ajouté au fonds social. C'est ce que j'ai expliqué à la Chambre.

Ce ne peut être que sur cette nouvelle réduction que l'on vote ; sinon on semblerait repousser une absurdité. Ce serait donner trop beau jeu aux opposants. Je le répète, quelque peu favorable que paraisse la Chambre à l'adoption de notre amendement, il faut au moins tenir compte de ce que j'ai dit et répété pendant la discussion.

MfFOµ. - Je n'ai que quelques mots à dire en réponse aux observations que vient de faire l'honorable M. Sabatier.

Il considère comme une espèce d'obstination de notre part de ne pas vouloir modifier la loi de 1850 et les statuts de la Banque. Comme je l'ai fait remarquer déjà, le gouvernement n'a pas le droit de faire de pareilles modifications. Il ne peut réformer les statuts, il ne peut changer la loi qu'avec l'assentiment des actionnaires. C'est un contrat auquel nous ne pouvons toucher. L'honorable M. Sabatier s'est donc trompé sous ce rapport.

Maintenant il modifie son amendement, en ce sens que les bénéfices dont parle l'article 3 ne seront pas ajoutés à la réserve. Pourquoi ? Parce que la réserve est constituée, d'après la loi, en fonds publics et qu'on n'augmenterait pas les ressources de la Banque en constituant ces bénéfices en fonds publics. Nous les ajouterons donc, dit-il, au fonds social.

Mais je demanderai à l'honorable membre en vertu de quel droit il croit pouvoir augmenter le capital social ? Et en supposant même que l'on pût prescrire son accroissement, on peut aussi, aux termes de la loi, constituer ce capital en fonds publics, comme il pourrait, à un moment donné, se trouver en réalité dans les mêmes conditions que la réserve

Dans l'un comme dans l'autre cas, le but que l'on poursuit ne saurait être atteint, et je pense dès lors que la Chambre fera bien de voter l'article 3 tel que le gouvernement l'a proposé.

M. Sabatier. - Je demande la parole.

M. le président. - Je ferai remarquer que la discussion a été close. M. Sabatier a présenté tardivement son sous-amendement. Si la Chambre désire que j'ouvre de nouveau la discussion, je le ferai. S'il n'y a pas d'opposition, je déclare la discussion de nouveau ouverte et j'accorde la parole à M. Sabatier.

(page 613) M. Sabatier. - Messieurs, le rapport de l'honorable M. Jamar constate que la section centrale tout entière a demandé au gouvernement d'aviser au moyen de modifier la loi de 1850, ainsi que les statuts qui en sont la conséquence ; le gouvernement répond qu'il ne peut le faire. Je ne discute pas le fait, je l'accepte ; mais dans cette situation que nous ne pouvons évidemment pas forcer, je ne puis que répéter ce que j'ai établi il y a quelques jours, c'est qui les mots : « fonds de réserve » n'auraient pas de sens et qu'il faut dire : « au fonds social ». Je crois l'avoir dit assez de fois maintenant.

- L'amendement de la section centrale, tel qu'il est modifié par M. Sabatier, est mis aux voix par appel nominal.

84 membres sont présents.

14 adoptent.

70 rejettent.

En conséquence l'amendement n’est pas adopté.

Ont voté l'adoption : MM. de Macar, de Mérode, de Naeyer, Janssens, Le Hardy de Beaulieu, Nothomb, Reynaert, Sabatier, Schollaert, Thonissen, Vermeire, Wasseige, Beeckman et Couvreur.

Ont voté le rejet : MM. de Florisone, De Fré, de Haerne, de Kerchove, Delaet, Delcour, de Moor, de Muelenaere, de Rongé, de Ruddere de te Lokeren, de Theux, Devroede, Dewandre, de Woelmont, Dupont, d’Ursel, Elias, Frère-Orban, Goblet, Grosfils, Hayez, Hymans, Jacobs, Jacquemyns, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Julliot, Landeloos, Lange, Lelièvre, Lesoinne, Lippens, Magherman, Mascart, Moncheur, Mouton, Muller, Nélis, Notelteirs, Orban, Orts, Pirmez, Rodenbach, Rogier, Tesch, Thibaut, Thienpont, Valckenaere, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Hoorde, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Nieuwenhuyse, Van Overloop, Verwilghen, Warocqué, Allard, Ansiau, Bara, Braconier, Carlier, Coomans, Crombez, David, de Baillet-Latour, de Bast, de Brouckere, de Conninck et Moreau.

L'article 3 du gouvernement est mis aux voix et adopté.

M. Vermeireµ. - On a demandé l'appel nominal.

M. le président. - J'ai procédé à l'épreuve et à la contre-épreuve avant que l'appel nominal eût été demandé.

M. Wasseige. - J'aurai l'honneur de vous faire observer, M. le président, que la Chambre n'a pas pu comprendre que vous mettiez l'article aux voix par assis et levé, puisque personne ne s'est levé, et si l'épreuve avait été sérieuse, il en résulterait que l'article aurait été rejeté, puisque personne ne l'aurait adopté. Il y a eu erreur de bonne foi bien certainement de la part du bureau ; l'appel nominal a été demandé par plus de dix membres ; vous ne l'avez pas entendu, j'en suis convaincu, mais le fait est certain.

M. Pirmez. - Il ne peut pas y avoir d'inconvénient à remettre l'article aux voix par appel nominal. Seulement je ferai remarquer que le rejet de l'article 3 n'aurait pas d'autre effet que de donner le bénéfice à la Banque Nationale, qui le distribuerait immédiatement à ses actionnaires, de sorte qu'il ne serait pas conservé à l'usage du commerce, comme on le demandait. (Interruption.) La discussion a été close sur l'amendement et non pas sur l'article du gouvernement. De deux choses l'une : ou l'article est adopté et alors on ne peut pas demander l'appel nominal, ou il n'est pas adopté et alors on peut le discuter.

Je dis donc que le rejet de l'article n'aurait d'autre effet que de faire donner une somme qui appartient à l'Etat, de faire donner cette somme à la Banque Nationale, non pas du tout pour la mettre à la disposition du commerce, mais pour la distribuer immédiatement aux actionnaires de la Banque.

- Il est procédé au vote par appel nominal sur l'article 3 du projet de gouvernement.

87 membres y prennent part.

71 ont répondu oui.

15 ont répondu non.

1 (M. Couvreur) s'est abstenu.

Ont répondu oui : MM. de Florisone, De Fré, de Haerne, de Kerchove, Delaet, Delcour, de Moor, de Muelenaere, de Rongé, de Ruddere de te Lokeren, de Theux, Devroede, Dewandre, de Woelmont, Dumortier, Dupont, d'Ursel, Elias, Frère-Orban, Goblet, Grosfils, Hayez, Hymans, Jacobs, Jacquemyns, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Julliot, Landeloos, Lange, Lelièvre, Lesoinne, Lippens, Magherman, Mascart, Moncheur, Mouton, Muller, Nélis, Notelteirs, Orban, Orts, Pirmez, Rodenbach, Rogier, Sabatier, Tesch, Thienpont, Valckenaere, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Hoorde. Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Nieuwenbuyse, Verwilghen, Warocqué, Allard, Ansiau, Bara, Braconier, Carlier, Coomans, Crombez, David, de Baillet-Latour, de Bast, de Brouckere, de Conninck et Moreau.

Ont répondu non : MM. de Macar, de Mérode, de Naeyer, Janssens, Le Hardy de Beaulieu, Nothomb, Reynaert, Schollaert, Thibaut, Thonissen, Van Overloop, Vermeire, Wasseige et Beeckman.

M. le président. - M. Couvreur est prié de faire connaître les motifs de son abstention.

M. Couvreurµ. - Je n'ai pas voté pour la proposition du gouvernement parce qu'en principe je n'admets pas qu'il puisse s'immiscer eu ces matières et en retirer un bénéfice. Je n'ai pas voté contre elle, parce que, adversaire du privilège de la Banque, je n'ai nul souci d'augmenter les profits de ses actionnaires. L'amendement de la section centrale qui seul, autant que les circonstances le permettaient, s'attachait à sauvegarder les intérêts du commerce ayant été rejeté, je n'avais plus qu'à m'abstenir.

Article 4

« Art. 4. Toutes les dispositions contraires à la présente loi sont abrogées. »

- Adopté.

Vote sur l’ensemble

Il est procédé à l'appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.

81 membres y prennent part.

77 répondent oui.

2 répondent non.

2 se sont abstenus.

Ont voté pour : MM. de Florisone, Di Fré, de Haerne, de Kerchove, Delaet, Delcour, de Macar, de Mérode, de Moor, de Muelenaere, de Naeyer, de Rongé, de Ruddere de Te Lokeren, Devroede, Dewandre, de Woelmont, Dupont, d'Ursel, Elias, Frère-Orban, Grosfils, Hayez, Hymans, Jacobs Janssens, Jacquemyns, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Julliot, Landeloos, Lange, Lelièvre, Lesoinne, Lippens, Magherman, Mascart, Moncheur, Mouton, Muller, Nélis, Nothomb, Orban, Orts, Pirmez, Reynaert, Rodenbach, Rogier, Sabatier, Schollaert, Tesch, Thibaut, Thienpont, Thonissen, Valckenaere, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Nieuwenhuyse, Van Overloop, Vermeire, Verwilghen, Warocqué, Wasseige, Allard, Ansiau, Bara, Beeckman, Braconier, Carlier, Coomans, Couvreur, Crombez, David, de Bast, de Brouckere, de Conninck et Moreau.

Ont voté contre : MM. Dumortier et Vander Donckt.

Se sont abstenus : MM. de Theux et Notelteirs.

En conséquence la Chambre adopte.

Le projet de loi sera renvoyé au Sénat.

M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont priés de faire connaître les motifs de leur abstention.

M. de Theuxµ. - J'ai fait connaître mes motifs dans la discussion de l'article.

M. Notelteirs. - Je n'ai pas voté contre la loi parce que je ne condamne pas absolument la liberté du taux des intérêts ; mais je ne puis voter cette liberté qu'autant que la faculté du débiteur d'une rente de la racheter, après un délai déterminé par la loi malgré toute stipulation contraire, ne soit assurée également à l'emprunteur.

Ordre des travaux de la chambre

M. Allard (pour une motion d’ordre). - Messieurs, nous avons commencé aujourd'hui en sections l'examen du projet de loi sur le temporel des cultes. Cette loi comporte à peu près 200 articles.

Si nous continuons de ne nous réunir en sections que deux heures par jour, cet examen durera très longtemps.

Je propose donc de fixer la séance publique de demain à 3 heures et la réunion en sections à midi.

M. de Theuxµ. - Messieurs, il n'y a pas de motifs pour changer l'heure de la séance, et en voici la raison.

Le projet de loi est très important, il est susceptible de donner lieu à beaucoup d'observations ; il faut donc que chacun de nous ait le temps de l'examiner sérieusement.

Deux heures de travail en section me paraissent devoir suffire.

M. Lelièvre. - Il me paraît impossible de continuer utilement l'examen du projet de loi sur le temporel des cultes sans consacrer chaque jour à cet objet au moins trois heures. Je ne puis donc qu'appuyer la proposition de M. Allard, dont l'utilité ne peut être méconnue. C'est le seul moyen d'achever cette semaine l'examen du projet de loi dont il s'agit.

(page 614) M. Mullerµ. - Je ferai remarquer qu'il importe de terminer le plus rapidement possible l'examen du projet sur le temporel des cultes pour ne pas entraver l'examen d'autres projets en section centrale. L'honoraire M. Kervyn de Lettenhove, désirant accélérer l'examen du projet de loi sur la milice, avait proposé de convoquer la section centrale pour demain à 9 heures du matin. J'ai dû répondre qu'il me serait impossible de me rendre à cette convocation, que mes forces ne me permettraient pas de siéger de neuf heures du matin à cinq heures du soir.

Il me semble que rien ne s'oppose à ce que nous consacrions demain et après-demain un peu plus de temps à l'examen du projet de loi sur le temporel des cultes.

C'est dans l'intérêt de nos travaux mêmes que je fais cette observation.

M. de Moorµ. - Elle est fort juste.

M. le président. - Il y a une proposition de mettre la séance de demain à 3 heures.

- Cette proposition, mise aux voix, est adoptée.

Projet de loi sur les sucres, soumis aux chambres hollandaises (meilleur titre à trouver)

M. le président. - M. le ministre des finances vient de déposer sur le bureau le projet de loi sur les sucres, soumis aux chambres hollandaises avec les pièces à l'appui.

MfFOµ. - Je pense qu'il conviendrait de mettre à l'ordre du jour le projet de loi sur les sucres.

- La Chambre, consultée, décide que ce projet sera mis à la suite de l'ordre du jour.

La séance est levée à 4 heures trois quarts.