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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 24 février 1865

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1864-1865)

(Présidence de M. Moreau, premier vice-présidentµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 567) M. de Florisone procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. de Moorµ donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la Chambre

M. de Florisone présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Le conseil communal d'Eugies demande l'établissement d'une halte dans cette commune, sur le chemin de fer projeté de Frameries à Condé. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Riez, ancien préfet des études au collège de Charleroi, demande que le projet de loi modifiant la législation sur les pensions civiles soit rendu applicable aux anciens professeurs pensionnés depuis l'organisation de l'enseignement moyen. »

« Même demande du sieur Van Dooren. »

M. Lelièvre. - J'appuie cette pétition et j'en demande le renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi avec prière d'en faire l'objet d'un rapport spécial.

- Adopté.


« Le sieur Temmermans présente des observations en faveur de l'amendement de M. Lelièvre au projet de loi qui apporte des modifications à la loi communale. >

M. Lelièvre. - Je demande le dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.

- Adopté.


« Les sieurs Lagasse, Dupuis et autres membres de l'association libérale de Nivelles proposent des mesures pour assurer la sincérité des élections. »

M. Nélis. - Je demande le renvoi de cette pétition à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif aux fraudes électorales.

- Adopté.


« M. Ern. Vandenpeereboom, président de la Chambre, obligé de s'absenter, demande un congé. »

- Accordé.


« M. J. Moreau fait hommage à la Chambre de deux exemplaires d'une brochure intitulée : « Abris et plantations pour les chemins de fer et moyens de prévenir les amoncellements de neige. »

- Dépôt à la bibliothèque.

Ordre des travaux de la Chambre

M. le président. - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif au prêt à intérêt.

M. Coomans. - La Chambre a décidé l'autre jour que le rapport sur l'affaire du Mexique serait présenté aujourd'hui vendredi. Je crois donc que, pour nous conformer à cette résolution souveraine de la Chambre, nous devrions entendre immédiatement l'honorable M. Bouvier chargé de nous présenter ce rapport.

Si nous commencions notre séance par la suite de la discussion du projet de loi relatif au prêt à intérêt, il est très vraisemblable que nous ne pourrions pas aborder le véritable objet à l'ordre du jour, c'est-à-dire que nous contreviendrions à une résolution formelle de la Chambre. Comme j'ai lieu de croire que l'examen du rapport de l'honorable M. Bouvier ne donnera pas lieu à de longs débats, je crois que la Chambre fera bien de maintenir sa résolution première.

M. le président. - Le procès-verbal dont il vient d'être donné lecture porte que la discussion du projet de loi sur le prêt à intérêt sera continuée aujourd'hui. Cependant, s'il n'y a pas d'opposition à la proposition de M. Coomans, rien n'empêche que le prompt rapport sur l'affaire du Mexique ne soit présenté en premier lieu.

M. Bouvierµ. - Je tiens à déclarer à la Chambre que, conformément au désir qu'elle a exprimé, mon rapport est prêt et que je suis en mesure de le présenter immédiatement.

- La proposition de M. Coomans est mise aux voix et adoptée.

M. de Theuxµ. - Il a été entendu aussi que le second vote de la loi réglant l'exercice du droit d'enquête aurait également lieu aujourd'hui.

M. le président. - Il figure à l'ordre du jour.

Projet de loi modifiant la loi du 30 mars 1836 sur l’organisation communale

Motion d’ordre

M. de Smedt. - Je demanderai à M. le ministre de l'intérieur s'il ne serait pas possible de fournir à la Chambre un document qui serait d'une grande importante pour se prononcer en parfaite connaissance de cause sur la portée et les conséquences de l'amendement des honorables MM. Jacobs et de Naeyer au projet de loi tendant à apporter des modifications, entre autres, à l'ait. 76 de la loi communale.

Je voudrais connaître le nombre des délibérations des conseils communaux qui, en vertu de l'article 76 de la loi communale, ont été soumises à l'avis des députations permanentes et à la signature royale, ainsi que le nombre de celles qui n'ont pas obtenu la sanction du Roi, bien que l'avis de la dépuration permanente leur fût favorable.

Si la chose était possible, je désirerais que M. le ministre de l'intérieur nous donnât aussi le nombre approximatif des délibérations des conseils communaux qui sont soumises annuellement à l'approbation royale. Il s'agit d'établir le rapport entre le nombre de refus et le nombre d'actes approuvés.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Messieurs, le renseignement que demande l'honorable préopinant peut être fourni ; mais je ferai observer qu'il en résultera un travail considérable, surtout si le renseignement doit s'appliquer à un certain nombre d'années. Il faudrait examiner tous les dossiers qui se trouvent dans différents ministères pour savoir quelles sont les délibérations des conseils communaux qui ont été approuvées.

M. de Smedt et M. de Theuxµ. - Une année suffirait.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Ce sera encore un travail considérable. Il n'y aurait aucune difficulté s'il ne s'agissait que d'indiquer le nombre des délibérations qui ont été approuvées, ces délibérations ayant été insérées dans le Moniteur ; mais il n'en est pas de même de celles qui n'ont pas été approuvées ou qui sont en suspens : il faudra, je le répète, compulser tous les dossiers. Du reste, je tâcherai de satisfaire, dans la limite du possible, au désir qui est exprimé. Le renseignement s'appliquera à une seule année.

Rapport sur des pétitions

M. Bouvierµ. - Messieurs, deux pétitions ou plutôt deux dissertations ont été renvoyées à votre commission sur lesquelles j'ai l'honneur de vous faire rapport.

La première, signée par M. l'avocat Vandenkerkhove, est une brochure de 152 pages, qui a pour titre : Les Belges soldats de l'étranger et la neutralité belge. Elle conclut à ce que la Chambre remette en honneur les dispositions nombreuses de loi qui prohibent sur le sol du royaume toute espèce d'armements et d'enrôlements, sans l'autorisation du pouvoir légitime, de soldats et à plus forte raison de corps de troupes pour le service militaire étranger.

La seconde, qui a pour auteur M. l'avocat Bonnevie, établit exactement le contraire ; elle conclut qu'il n'y a pas lieu à remettre en honneur aucune loi à propos des enrôlements qui ont eu lieu pour le Mexique, attendu qu'aucune d'elles n'a été méconnue et que les enrôlements de citoyens libres sont toujours licites, quand ils ne se font pas au profit d'un Etat étranger en paix avec tous les autres Etats.

Ces deux pétitions mémoires portent sur les différents points de droit et l'interprétation de nombreux textes de lois sur lesquels la Chambre qui n'est point une juridiction contentieuse, n'a pas mission d'intervenir.

Elles peuvent avoir de l'importance au point de vue d'une législation à faire. Elles renferment d'ailleurs des observations convenablement présentées sur des questions juridiques ; ce sont les motifs qui ont décidé votre commission, sans rien préjuger, à vous proposer le renvoi de ces pétitions à MM. les ministres de la justice et de l'intérieur.

M. Thonissenµ. - Messieurs, je n'entends pas revenir sur les enrôlements pour le Mexique, qui se sont faits à Audenarde. Ces enrôlements sont des faits consommés, et il me semble inutile d'engager une discussion rétrospective à cet égard. Mais, à mon avis, il est désirable qu'à l'avenir la position légale de ceux qui enrôlent des troupes en (page 568) Belgique, sans permission préalable, soit bien clairement fixée et parfaitement connue. J'espère que le gouvernement pourra nous fournir quelques indications à ce sujet.

Le gouvernement croit-il que le fait d'enrôler des troupes sans autorisation préalable rentre dans les prévisions de l'article 92 du Code pénal, qui commine la peine de mort ? En second lieu, l'autorisation dont parle l'article 92 peut-elle, dans l'opinion du gouvernement, être accordée par un arrêté ministériel ou au moins par un arrêté royal ? En troisième lieu en supposant que, dans l'opinion du gouvernement, un arrêté ministériel ou un arrêté royal suffise, je voudrais savoir suivant quels principes le cabinet se guiderait, si, comme la chose est excessivement probable, une telle autorisation lui était demandée ultérieurement.

Ces questions, je le sais, sont très graves. Non seulement elles intéressent la sécurité de beaucoup de nos compatriotes ; mais elles se rattachent par de nombreux liens à la position de nation perpétuellement neutre qui nous a été faite par les traités.

Si le gouvernement désire y réfléchir avant de se prononcer, je n'y vois aucun obstacle ; mais, eu égard à l'extrême gravité de ces questions, j'espère qu'il ne voudra pas m'opposer un refus absolu d'explication.

J'attendrai les observations de M. le ministre de la justice, avant d'indiquer mes propres opinions.

MjTµ. - Messieurs, l'honorable M. Thonissen vient de me poser trois questions. De ces trois questions il en est une que j'ai examinée. Je n'ai pas étudié les deux autres et par conséquent je ne puis m'expliquer à cet égard. Il n'est pas dans mes habitudes d'improviser des réponses sur des questions aussi graves.

M. Thonissen a demandé si le fait dont il s'agit aujourd'hui tombe sous l'application de l'article 92. Eh bien, je n'hésite pas à répondre que non, d'accord sur ce point avec presque tous les auteurs.

M. Thonissenµ. - Avec quelques-uns.

MjTµ. - Si vous voulez établir cette discussion, soit ; alors nous combattrons à coups de volumes et d'autorités : j'en ai, je dois vous le dire, une assez bonne collection.

Je déclare que, de l'avis de la majeure partie des auteurs et j'ajouterai de ceux qui ont le plus de poids, l'article 92 ne s'applique qu'à ceux qui lèvent des troupes dans le pays pour agir dans l'intérieur du pays, contre le pays. Or, ce n’est pas d'un fait semblable qu'il s'agit. Il ne s'agit pas d'une entreprise criminelle de cette nature. Il s'agit d'un fait posé sans intention criminelle aucune, au vu et au su de tout le monde.

Cette question avait été examinée par moi avant même qu'il s'agît des affaires mexicaines. Je l'ai fait examiner récemment, et tout le monde a été d'avis que l'article 92 n'était pas applicable au cas qui se présente.

Je ne sais pas, messieurs, si nous devons établir une discussion à coups d'autorités et de volumes.

M. Thonissenµ. - Cela est inutile.

MjTµ. - Eh bien, si cela est inutile, je dis que je ne regarde pas le fait dont il s'agit comme tombant sous l'application de l'article 92 ; et il suffit, pour s'en convaincre, de lire la rubrique sous laquelle l'article 92 est placé, les articles qui précèdent et ceux qui suivent.

Quant aux autres questions, je ne les ai pas examinées. Je ne puis admettre qu'on vienne nous demander la solution des questions les plus graves sans nous en prévenir. Cela n'est pas possible. Lorsqu'on veut soulever des questions de cette nature, je demande qu'on prévienne les ministres assez longtemps à l'avance pour qu'ils puissent se préparer à la discussion.

M. Thonissenµ. - J'ai posé mes trois questions, en déclarant que, pour ma part, je ne voyais pas d'inconvénient à ce que le gouvernement prît tout le ternes nécessaire pour me répondre.

Je n'ai eu, en aucune manière, l'intention d'embarrasser le gouvernement. Cette intention est restée bien loin de ma pensée.

Il est une question à laquelle l'honorable, ministre a daigné répondre, et ici mon opinion diffère complètement de la sienne. Sans doute, je ne viendrai pas combattre avec M. le ministre à coups d autorités et d’arrêts Ce mode de discussion ne conviendrait pas à la Chambre ; il ne conviendrait pas à M. le ministre, il ne me conviendrait pas davantage.

Je me bornerai à dire que j'ai étudié très sérieusement la question de mon côté, et que ne conçois pas qu'on puisse avoir le moindre doute sur l'applicabilité de l’article 92 au fait en discussion.

Je n'approuve pas cet article. La peine de mort pour un fait de ce genre est à l'époque actuelle un véritable anachronisme. Modifiez-le, je serai de votre avis ; mais admettre que l'article dont je parle ne s'applique qu'à des entreprises et à des enrôlements dirigés contre le gouvernement, cela n'est pas possible,

Je n'ai pas, pour le prouver, à citer une foule d'auteurs et une foule d'arrêts. Je n'ai qu'à citer le texte même de l'article. De quoi parle-t-il ? Il parle d'enrôlements faits en Belgique et il ajoute : « sans autorisation du pouvoir légitime. »

D'après M. le ministre, l'article s'occupe simplement du cas où l'on veut combattre le gouvernement. Je vous le demande ! Est-il possible de supposer chez un législateur une aberration telle que de venir dire : Vous pourrez lever des troupes pour combattre le gouvernement, si le gouvernement y consent. Vous pourrez faire une révolution, si le gouvernement y consent. Vous pouvez faire la guerre civile, si le gouvernement y consent. Cela est-il possible ? Si vous m'opposiez ici 200 auteurs et 20,000 arrêts, je dirais encore que cela est impossible. Voici le texte de l'article :

« Seront punis de mort.... ceux qui auront levé ou fait lever des troupes armées, engagé ou enrôlé, fait engager ou enrôler des soldats ou leur auront fourni ou procuré des armes ou munitions, sans ordre ou autorisation du pouvoir légitime. »

Eh bien, comment sortirez-vous de ce texte ? Soutiendrez-vous qu'on peut, en Belgique, lever des troupes contre le gouvernement, si le gouvernement y consent, faire une révolution si le gouvernement y consent ? Comment trancherez-vous cette difficulté ? Pour ma part, je ne le vois pas !

L'honorable ministre a invoqué la rubrique qui se trouve en tête du paragraphe dont l'article 92 fait partie. Mais, messieurs, cette rubrique prévoit nettement le cas que j'indique. Elle ne parle pas seulement de guerre civile, d'attaques contre le gouvernement. La voici :

« Des crimes tendant à troubler l'Etat par la guerre civile, l’illégal emploi de la force armée, la dévastation et le pillage publics. »

Ainsi, au nombre des matières indiquées au paragraphe 2, figure l'emploi illégal de la force armée.

Qu'est-ce qu'on entend par l'emploi illégal de la force armée ? Cet emploi illégal se présente ici. Rappelez-vous, messieurs, que l'article a été rédigé sous le règne de Napoléon Ier, et, je vous le demande à tous, est-il possible de supposer que Napoléon ait voulu permettre de lever des troupes en France sans son autorisation ? Les traditions de l'empire sont parfaitement connues ; l'empereur était fort jaloux de son autorité, et l'on ne saurait pas un seul instant supposer qu'il ait jamais eu l'intention de permettre de lever chez lui des corps d'armée sans l'autorisation de son gouvernement.

Le fait de lever des troupes contre le gouvernement est prévu par l'article 91 ; celui-ci parle d'attentats, il parle de complots dirigés contre le gouvernement. Dans votre système, l'article serait parfaitement inutile ; si le cas dont il s'agit était prévu par l'article 92, il était parfaitement inutile de le prévoir dans l'article 91.

Mais, messieurs, il y a autre chose. Dès que vous consultez l'histoire de la législation pénale, la question devient extrêmement simple. On n'a qu'à se mettre on présence du droit français ancien, du droit intermédiaire et du droit moderne.

D'après le droit ancien, il y avait défense absolue de lever en France des troupes quelconques sans l'autorisation préalable du roi. Il y a à cet égard des dispositions qui datent du règne de Louis XIV, et il y en a d'autres qui datent du règne de Louis XV.

On rencontre ensuite le Code pénal de 1791 et le Code du 3 brumaire an IV.

Ces codes portaient qu'il y avait crime à lever en France des troupes dans une intention hostile au gouvernement, et, à cette époque, la distinction faite par l'honorable ministre de la justice trouvait son application. Mais, sous le règne de Napoléon Ier, l'article 92 du code pénal revint à l'ancien droit, sous l'empire duquel il y avait défense absolue de lever des troupes sans autorisation. D'ailleurs, je ne concevrais pas qu'on eût pu permettre de lever des troupes sur le territoire français sans l'autorisation du gouvernement.

Encore une fois, je n'entends pas revenir, je l'ai dit en commençant, sur les événements d'Audenarde. Mais supposons que l'adversaire de l'empereur Maximilien, Juarez, eût levé un deuxième corps d'armée à quelques lieues d'Audenarde, n'y aurait-il pas eu là un véritable danger pour la sécurité publique, et le gouvernement pourrait-il tolérer chose pareille ?

Vous voyez donc, messieurs, qu'ici je ne me préoccupe que de l’avenir.

D'après moi, l'article 92 est applicable au cas actuel. L'article est beaucoup trop sévère ; il est trop absolu dans sa prohibition ; mais il est debout, et, aussi longtemps qu'il sera debout, le gouvernement aura l'obligation d'en faire l'application.

(page 569) M. Van Overloopµ. - Messieurs, à l'occasion de l'expédition du Mexique, il a été question de l'abrogation de l'article 21 du code civil, M. le ministre de la Justice nous a dit qu'il aurait saisi la Chambre d'un projet de loi portant cette abrogation.

Jusqu'ici ce projet n'a pas été déposé. Y aurait-il de l'indiscrétion à demander à M. le ministre de la justice s'il persiste dans son intention de déposer ce projet et, dans l'affirmative, quand ce dépôt aura lieu ?

MjTµ. - Je maintiens mon intention de déposer ce projet de loi qui sera présente le plus tôt possible.

M. Thonissenµ. - C'était là mon seul but.

MjTµ. - Il s'agit de la modification des articles 17 et 21 du code civil relatifs à la qualité de Belge.

M. Coomans. - Messieurs, j'avoue que je suis quelque peu découragé.

Le silence de M. le ministre de la justice, le silence de la gauche tout entière, la conviction que j'ai que la majorité de la Chambre veut étouffer le plus tôt possible ce débat, tout cela m'oblige à résumer très succinctement les observations que j'avais à vous présenter... (interruption), et pour une bonne raison aussi, c'est que je suis très enrhumé.

Messieurs, je ne tiens pas beaucoup non plus à réveiller les souvenirs, désagréables pour tous, que nous a laissés le dernier débat sur l'expédition mexicaine.

En ce qui concerne les faits accomplis, je veux bien passer l'éponge. Seulement, il y a des fait présents à sauvegarder, des faits futurs à prévoir, et, à ce sujet, vous me permettrez, je pense, deux ou trois observations.

Il est certain, - j'espère qu'on ne m'obligera pas à citer des faits dont la production aurait certains inconvénients, - que le gouvernement a outrepassé de beaucoup ses pouvoirs dans les encouragements qu'il a donnés à l'expédition mexicaine. Ainsi on a enrôlé des mineurs (qui se trouvaient au service belge) dans le corps mexicain sans l'assentiment des parents, des pères. Ceci est un fait grave, c'est une atteinte formelle aux droits du père de famille, une violation de la loi civile et militaire.

Les mineurs qui ont obtenu le consentement paternel pour prendre du service en Belgique ne peuvent, sans ce consentement, prendre du service à l'étranger (interruption) ; non, ils ne le peuvent pas avec le seul consentement du ministre. Je serais très curieux d'apprendre ou le ministre puise son droit d'abréger, au profit d'un gouvernement étranger, le service d'un volontaire belge !

Un père peut avoir certaines raisons de permettre à un jeune homme de 16 ou 17 ans de s'enrôler dans un régiment belge ; le jeune homme reste sous les yeux de son père, dans une armée qui lui inspire toute confiance ; il sert une cause que son père approuve.

Mais transformer ces services déjà exceptionnels en services étrangers, c'est un abus, c'est une iniquité, c'est une absurdité. Il faudra que l'honorable ministre s'explique sur les faits de ce genre, notamment sur celui qui nous a été signalé et qui concerne le pétitionnaire Guillaume Crimmers.

Je me propose de prier la Chambre de demander à l'honorable ministre de la guerre un état nominatif, par régiment, des officiers, sous-officiers et soldats qui ont reçu l'autorisation de prendre part à l'expédition mexicaine.

Cet état nous fournira des lumières qui nous permettront d'apprécier la portée et la moralité de la participation du gouvernement aux faits dont la Belgique s'est émue. Nous y verrons notamment comment des miliciens belges, qui n'ont pas pu obtenir des congés pour se rendre auprès de leurs parents malades, ont, peu de jours après, obtenu un congé pour le Mexique. Il m'a été mis sous les yeux des papiers assez intéressés sous ce rapport et qui m'ont appris, entre autres choses, qu'un milicien, supplié par un de ses parents dangereusement malade, de venir le visiter, ayant demandé un congé, reçut une réponse conçue à peu près en ces termes que nous connaissons tous : « Les intérêts du service défendent impérieusement d'accueillir votre demande. »

Or, peu de jours après, ce même milicien obtenait l'autorisation de prendre du service pour le Mexique. Remarquez qu'il était au service actif de la Belgique.

Un autre se trouvait en état de punition, au pain sec et à l'eau, ce qui l'ennuyait fort. Un beau jour un sous-officier vint lui dire : « Partons pour le Mexique ; cela vaudra mieux que de rester ici au cachot. »

« Oui, dit l'autre, je le veux bien. » Et ils sont partis tous les deux pour le Mexique, avec la permission, l'estimé et les encouragements de nos ministres.

Messieurs, cette affaire et d'autres encore vous permettront d'apprécier ce qu'il y avait de sincère et d'exact dans ces déclarations gouvernementales que les autorités belges étaient restées parfaitement étrangères à la formation du corps mexico-belge.

Ce qui m'a ému dans cette question, ce n'est pas seulement le point de droit, d'ailleurs très sérieux et très grave, signalé par l'honorable M. Thonissen après d'autres honorables autorités ; ce n'est pas non plus la complication politique qui pourrait résulter en certaines éventualités du côté des Etats-Unis ; ce n'est pas certes le désir d'embarrasser le gouvernement.

- Voix à gauche. - Oh ! non !

M. Coomans. - Certainement non : j'ai bien d'autres moyens, d'embarrasser le gouvernement. (Interruption.) Ce n'est pas non plus le désir d'embarrasser l'empereur Maximilien ; il a bien assez d'embarras déjà. (Nouvelle interruption.) La véritable cause de mon émotion, de ma mauvaise humeur, je l'ai dite dès le premier jour et je la répète aujourd'hui ; c'est que le millier de militaires belges que nous avons expédiés, au Mexique a forcé un millier de miliciens belges à rester sous les drapeaux, tandis qu'ils eussent pu, sans cela, recevoir leur congé.

- Voix à droite. - Voilà !

M. Coomans. - C'est-à-dire, qu'en réalité l'expédition mexicaine a pesé sur les miliciens belges. Si M. le ministre de la guerre vient me dire qu'il n'en est rien, s'il vient me dire qu'à cause du départ de ce millier de militaires belges on n'a pas dû rappeler ou retenir sous les drapeaux un autre millier de soldats, je lui répondrai qu'il est possible qu'il ait raison en fait. Mais alors j'en conclurai qu'il y a au moins mille soldats de trop dans notre armée.

- Voix à droite. - C'est cela !

- Voix à gauche. - Oui ! oui !

- Autre voix. - Cela n'est pas concluant.

M. Coomans. - Quoi ! avant l’expédition mexicaine, vous aviez mille soldats disponibles pour le Mexique ! Mais il fallait les mettre à la disposition de mille familles belges ; cela valait infiniment mieux que de les mettre au service d'un prince étranger. Il en est absolument de cette affaire du Mexique comme des travailleurs aux fortifications d'Anvers. Quand nous vous disons que vous affaiblissez par là l'effectif de notre armée... (interruption) et ce n'est pas moi qui vous dis cela, vous ne me croiriez pas et vous auriez raison ; mais quand des hommes compétents disent : Vous affaiblissez nos régiments en forçant ou en engageant cinq ou six mille soldats à travailler aux fortifications d'Anvers au lieu de les exercer militairement dans les camps ou dans les garnisons, vous répondez : Mais non, nous pouvons nous passer facilement de ces 5,000 ou 6,000 hommes.

Eh bien, si vous pouvez vous en passer, déduisez-les de l'impôt de chair que vous prélevez chaque année sur la jeunesse belge ; et déduisez-les de l'effectif de votre budget de la guerre.

Du moment que vous avez mille soldats à donner au Mexique, au bey de Tunis, au Grand Turc ou au pape, j'aime mieux que vous les défalquiez de l'effectif belge et que vous les laissiez chez eux.

Vous ne sortirez pas de ce dilemme : ou nos miliciens vous étaient nécessaires et il ne fallait pas les laisser partir ; ou ils vous étaient inutiles et il fallait les laisser retourner chez eux. Vous ne sortirez pas de ce dilemme sans blesser la logique.

Quoi ! le jeune homme dont je parlais tantôt, je le sais, je l'affirme, n'a pas pu obtenir un congé pour assister aux derniers moments de sa mère parce que les besoins impérieux du service s'y opposaient, i et quelques jours après il obtenait l'autorisation de partir pour le Mexique !

Messieurs, je ne suis pas militaire, je l'avoue, je ne connais pas les besoins impérieux du service militaire, mais j'ai un peu de logique, de bon sens et de cœur, et je ne me paye pas de semblables épistoles.

J'aurais bien plus de succès aujourd'hui, je le sais, si l'empereur du Mexique n'avait pas mis la main sur les biens du clergé. Aujourd'hui l'expédition est devenue quasi libérale de cléricale qu'elle paraissait il y a trois ou quatre mois ; et je n'aurai probablement plus le concourt, que j'ai obtenu, à cette époque, de la part de quelques-uns de mes adversaires politiques. Aujourd'hui je resterai à peu près seul ; mais peu m'importe, si j'ai raison !

Messieurs, j'ai l'honneur de prier la Chambre de demander à M. le ministre de la guerre l'état nominatif, par régiment, des officiers, sous-officiers et soldats qui ont reçu l'autorisation de prendre part à l'expédition mexicaine.

- La proposition est appuyée.

M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Je n'ai pas la prétention, messieurs, de discuter la question de droit soulevée par la pétition qui vous est adressée ; je désire répondre quelques mots à l'honorable M. Coomans, pour lui montrer qu'il est complètement dans l'erreur.

(page 570) L'honorable membre prétend que la faculté donnée à un millier de militaires de s'enrôler pour le Mexique a obligé de retenir sous les armes un nombre équivalent de miliciens.

Il n'y a que quelques miliciens à la veille de rentrer dans leurs foyers lui ont obtenu des congés. (Interruption.) Vous niez, M. Coomans, vous dites non, moi je dis oui.

M. Coomans. - Mais je les ai vus pour la plupart dans les casernes.

M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Je dis que non.

M. Delaetµ. - Fournissez donc les états.

M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Je e ferai. Il y avait 3,000 miliciens dont le temps de présence sous les drapeaux expirait, et c'est à un petit nombre d'entre eux que l'autorisation a été accordée de s'engager pour l'expédition mexicaine.

M. Delaetµ. - Et les volontaires ?

M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Quant aux volontaires, il arrive fréquemment qu'on accorde des congés par anticipation à ceux qui en demandent dans l'intérêt de leur famille ou de leur avenir ; mais il faut que leur conduite ne laisse rien à désirer et qu'il n'en résulte aucun inconvénient pour le service.

Vous le savez, messieurs, il y a un grand nombre d'entre vous qui ont appuyé des demandes de congés en faveur de volontaires, et je les ai presque toutes accueillies. Dans la circonstance qui nous occupe, j'y ai eu un grand avantage, parce que le départ d'un certain nombre d'anciens sous-officiers a permis d'accorder de l'avancement et d'encourager ainsi le recrutement volontaire et le rengagement des anciens militaires.

Je crois donc avoir servi les véritables intérêts de l'armée en consentant à la libération des volontaires qui ont désiré aller au Mexique.

Et croyez-vous, messieurs, que ces hommes seraient restés dans l'armée à l'expiration de leur temps de service ? Cela n'est guère probable, et nous pourrions citer beaucoup de faits pour le prouver.

Il y a des natures ardentes qu', ne trouvant pas l’occasion de se battre pour leur pays, s'en vont faire la guerre au loin.

Vous savez tous, messieurs, que, faute d’autorisation, beaucoup de soldats quittent irrégulièrement l'armée pour s'engager dans les légions étrangères.

Leur conduite n'est pas excusable sous le rapport de la discipline, et lorsqu'ils rentrent dans le pays, ils doivent expier leur faute et conserver une tache pour ainsi dire ineffaçable.

Eh bien, messieurs, au point de vue de la moralité, n'ai-je pas rendu un véritable service à la plupart des volontaires qui sont allés au Mexique, en leur permettant d'aller, au grand jour, défendre une cause honorable au lieu d'aller clandestinement en Afrique ou aux Indes ?

Quant aux miliciens, la durée légale de leur service est de dix ans ; mais il n'est jamais entré dans l'esprit de personne de les retenir pendant tout ce temps dans le pays.

Lorsqu'un milicien est envoyé en congé illimité, on lui accorde, quant à la faculté de déplacement, une liberté aussi complète que celle dont jouit la généralité des citoyens.

Je ne comprends pas l'opposition qu'on nous fait, alors que tout le monde se rappelle les facilités qu'on a accordées, dans le temps, pour la formation d'une légion belge destinée à servir en Portugal.

A-t-on fait alors de l'opposition à la Chambre ? A-t-on fait dos observations au gouvernement ? En aucune façon. Les choses se sont passées comme elles se passent maintenant, avec cette différence que le gouvernement est intervenu lorsqu'il s'est agi du Portugal, tandis qu'aujourd'hui nous ne sommes intervenus que pour donner des permissions à ceux qui en ont demandé. J'ai tellement craint de dépasser les bornes d'une simple tolérance, que je me suis empressé, à l'issue de la discussion de l'année dernière, d'adresser aux chefs de corps la circulaire que voici :

« Bruxelles, le 3 septembre 1864.

« Messieurs,

« L'intention du gouvernement, d'accord avec le désir exprimé par la Chambre des représentants, étant de rester étranger à l'organisation du corps mexicain, je crois devoir vous rappeler que vous ne pouvez poser aucun acte qui pourrait engager la responsabilité du gouvernement.

« Le ministre de la guerre, Baron Chazal. »

Cette circulaire prouve que le gouvernement est resté complètement en dehors de l'affaire du Mexique.

- Un membre. - La date ?

M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - La circulaire est du 3 septembre 1864.

MfFOµ. - Messieurs, on paraît insister sur cette idée, que le gouvernement aurait eu l'intention, la volonté de participer à la formation du corps mexicain, participation qui donnerait à un tel acte un caractère officiel, et qui serait ainsi de nature à engager la responsabilité du pays. On appuie principalement sur cette considération, qu'une semblable participation, de la part du gouvernement, pourrait avoir pour conséquence de compromettre de la manière la plus grave les intérêts et la neutralité même de la Belgique.

M. Thonissenµ. - Quelquefois.

MfFOµ. - C'est précisément pour cela qu'on signale l'intervention du gouvernement comme pouvant être dangereuse.

M. Coomans. - C'est une des raisons.

MfFOµ. - C'est une des raisons, soit. Vous en avez exposé d'autres. Mais mon honorable collègue, M. le ministre de la guerre, vient de vous répondre quant à ces autres raisons ; moi, je réponds spécialement à celle-ci.

Je tiens que la théorie que l'on a émise à cet égard est complètement fausse. C'est ce que j'ai déjà démontré, lorsqu'une première fois il a été question de cette affaire dans le parlement. J'ajoute aujourd'hui que, quant au gouvernement des Etats-Unis, tout ce qui concerne notre neutralité lui est parfaitement étranger, et que dès lors tout ce qu'on a dit sous ce rapport ne peut trouver d'application dans le cas dont on s'occupe. Notre neutralité est une convention essentiellement européenne, à laquelle les Etats-Unis sont tout à fait étrangers, qu'ils ne peuvent pas invoquer, et qu'on ne saurait pas leur opposer.

Mais, abstraction faite de cette considération, la volonté du gouvernement belge a toujours été, du jour même où l'on a manifesté l'intention d'organiser un corps de troupes pour le Mexique, de rester complètement étranger à cette organisation. Nous n'avons pas attendu la discussion qui a eu lieu dans cette Chambre pour manifester clairement nos intentions à cet égard.

Le 7 juillet 1864, M. le lieutenant général Chapelié m'écrivit a qu'il avait reçu de S. M. l'empereur Maximilien la mission d'organiser un corps belge destiné à former, au Mexique, la garde de l'impératrice, et que, pour faciliter l'équipement de ce corps, il s'adressait à moi, comme ministre des finances, afin d'obtenir l'autorisation d'importer en Belgique, en franchise des droits d'entrée, à charge de réexportation, une certaine quantité d'effets d'habillement dont il indiquait le nombre et l'espèce.

J'avais, en vertu de la loi, les pouvoirs nécessaires pour accéder à cette demande. De telles concessions s'accordent fréquemment à de simples particuliers. Mais comme, dans ma pensée, une pareille autorisation pouvait être interprétée dans le sens d'une approbation, même indirecte, de la mission dont M. le lieutenant général Chapelié se disait chargé, et comme une sorte d'encouragement donné à l'organisation d'un corps belge pour le service d'un souverain étranger, j'écrivis, le 9 juin 1864, à mon honorable collègue, M. le ministre de l'intérieur, qui a l'industrie dans ses attributions, pour lui faire part de la demande qui m'avait été adressée. Je lui déclarai dans ma dépêche que, tout en reconnaissant que l'autorisation sollicitée pouvait être accordée sans préjudice pour les intérêts du trésor, puisqu'il s'agissait en réalité d'un simple transit, je ne pensais pas qu'il y eût lieu d'y accéder. « Accorder cette facilité, ajoutais-je, serait reconnaître implicitement la mission dont M. le lieutenant général Chapelié paraît être chargé, et je suis d'avis que le gouvernement doit s'abstenir de poser aucun acte pouvant être interprété dans ce sens. »

Voilà ce qui répond à l'honorable M. Coomans, qui s'est cru en droit de mettre en doute l'abstention du gouvernement dans cette affaire.

M. Coomans. - Le département de la guerre n'a pas eu cette opinion-là.

MfFOµ. - Le département de la guerre a eu la même opinion. Mon honorable collègue de la guerre vous a dit dans quelle mesure il avait agi. Craignant, à la suite de la première discussion qui a eu lieu à la Chambre sur cette affaire, que l'on ne dépassât cette mesure, il a adressé aux chefs de corps la circulaire dont il vous a donné connaissance tout à l'heure, et qui ne laisse aucun doute sur ses intentions. (Interruption.)

Je déclare encore une fois, messieurs, qu'il n'y a pas en deux opinions dans le gouvernement ; il n'y en a eu qu'une seule ; nous étions parfaitement d'accord sur le rôle que le gouvernement avait à jouer dans cette affaire. Nous nous en sommes entretenus plusieurs fois, et notre opinion formelle était que le gouvernement ne devait pas prendre part à l'organisation du corps mexicain.

(page 571) Je continue, messieurs, d'exposer les faits ; ce sont des faits authentique, qui sont de nature à faire connaître de la façon la plus certaine toute la pensée du gouvernement.

Mon honorable collègue, M. le ministre de l'intérieur, dans sa réponse à la dépêche que je viens d'indiquer, me fit observer que les recrutements de ce genre soulevaient aussi une question de légalité, et qu'il serait bon d'entendre, sur la question, M. le ministre de la justice.

Je pensai qu'il était également intéressant de connaître l'opinion de M. le ministre des affaires étrangères, à raison de l'effet que l'affaire pouvait avoir sur nos relations extérieures.

J'écrivis donc, le 25 juillet 1864, à mes deux honorables collègues, MM. les ministres de la justice et des affaires étrangères, pour appeler l'attention de l'un sur la question de légalité, et l'attention de l'autre sur la question des relations extérieures.

M. le ministre des affaires étrangères me répondit, le 27 juillet 1864, ce qui suit :

« Je pense comme vous, Monsieur le ministre, qu'il n'y a pas lieu de donner cette autorisation, parce que l'on pourrait y voir une espèce de reconnaissance officielle de la mission dont le général paraît chargé de la part du gouvernement mexicain.

« (...) Quant à la question de légalité, soulevée par notre collègue de l'intérieur, c'est là un point fort délicat, qu'il me semble inopportun de trancher pour le moment.

« M, le ministre de la justice m'ayant exprimé le désir de recevoir des renseignements aussi précis que possible sur la portée et les conditions de ce mandat, j'ai dû me borner à lui répondre que je ne possédais aucun renseignement officiel à ce sujet. »

Enfin, le 30 juillet, M. le ministre de la justice m'adressa la réponse suivante ;

« Cette mission (celle de M. le lieutenant général Chapelle), sur laquelle le gouvernement belge n'a reçu aucun renseignement officiel, consisterait, paraît-il, à organiser en Belgique un corps d'armée destiné à entrer au service du Mexique.

« Veuillez remarquer qu'il ne s'agit pas d'enrôlements en faveur d'une puissance belligérante. L'organisation d'un corps belge au service du Mexique, dans les conditions où il semble s'opérer, ne paraît pas contraire à nos lois, ni de nature à compromettre notre neutralité. »

Les faits étant ainsi parfaitement constatés, parfaitement convenus entre les divers membres du gouvernement, j'écrivis à M. le lieutenant-général Chapelié, à la date du 13 août 1864, que je ne croyais pas pouvoir accueillir la demande qu'il m'avait adressée.

Les pièces dont je viens de donner connaissance à la Chambre attestent, je pense, d'une manière incontestable, la parfaite sincérité de la déclaration que j'ai faite il y a quelques mois, lorsqu'il a été une première fois question de cette affaire. Le gouvernement a toujours manifesté l'intention et a persévéré dans l'intention de rester absolument étranger à l'organisation du corps mexicain en Belgique, et il a toujours voulu que, sous aucun prétexte, on ne pût y attacher l'idée d'une intervention de sa part.

M. Bouvierµ. - L'honorable M. Coomans s'étonne que nous ne venions pas nous associer à ses protestations. Vous vous renfermez à gauche dans un majestueux silence, parce que l'empereur du Mexique, de catholique qu'il était, est devenu libéral en sécularisant les biens du clergé. Je comprends votre mutisme d'aujourd'hui.

Je ferai observer à l'honorable M. Coomans que, sans approuver ni improuver l'expédition du Mexique, le débat qu'il soulève est tout à fait stérile en présence de la décision prise par la Chambre en suite de l'ordre du jour formulé par l'honorable M. Bara le 2 septembre dernier.

Si, à la suite de cet ordre du jour, le gouvernement avait posé des faits rentrant dons ceux que l'ordre du jour avait pour but de rencontrer, je comprendrais que l'honorable M. Coomans soulevât un nouveau débat.

Mais en présence de l'attitude du gouvernement, en présence de l'attitude actuelle, en présence surtout des déclarations que viennent de faire les honorables ministres de la guerre et des finances, il me semble que ce serait vraiment abuser des moments de la Chambre que de continuer un débat qui ne peut aboutir à aucun résultat sérieux ni pratique.

En effet, nous nous sommes demandé, dans la commission, quel était le but des deux pétitions envoyées à la Chambre ? Mais elles ont pour résultat de soulever des questions juridiques, parmi lesquelles se trouve celle que vient d'indiquer l'honorable M. Thonissen.

L'honorable ministre de la justice vient de vous dire, en réponse à l'interpellation de l'honorable M. Van Overloop, qu'il est prêt à déposer un projet de loi sur l'interprétation de l'article 21 du Code civil, également touchée dans les pétitions.

M. Van Overloopµ. - Pas l'interprétation, mais l'abrogation.

M. Bouvierµ. - Soit, l'abrogation. Mais dans une de ces deux réclamations, on ne demande pas l'abrogation de cet article, on veut au contraire le maintenir. Il s'agît, comme j'ai eu l'honneur de vous le dire il y a un moment, de deux mémoires très longs contenant une véritable dissertation sur diverses questions de droit.

Eh bien, ce sont des questions juridiques qui ne sont pas de la compétence de la Chambre. Lorsque le projet de loi qui vous a été annoncé par M. le ministre de la justice sera soumis aux délibérations de la Chambre, ces mémoires pourront être consultés.

Aussi qu'avons-nous fait ? Avons-nous brutalement conclu à l'ordre du jour sur les deux dissertations qui ont été soumises à la Chambre ? Pas le moins du monde.

Nous avons renvoyé les deux pétitions à M. le ministre de la justice, parce que, comme nous l'avons dit, ces deux mémoires soulèvent des questions intéressantes, et qui sont discutées par des jurisconsultes, qui ont été examinées avec soin, et, j'ajoute, avec talent.

Nous en avons également demandé le renvoi à M. le ministre de l'intérieur, parce qu'il y a d'autres pétitions qui se rattachent à l'expédition du Mexique et aux enrôlements de l'Amérique. Ces pétitions ont pour but de demander au gouvernement de mettre un terme à ces enrôlements, dans l'intérêt de l'industrie agricole. Elles prétendent qu'on enlève à cette précieuse industrie un grand nombre de bras qu'il serait dans son intérêt de lui conserver ; qu'elle a de grandes difficultés à trouver en quantité suffisante des bras dans un moment donné, surtout à l'époque de la moisson et elles convient le gouvernement de prendre des mesures pour éviter ces enrôlements.

C'est le motif qui nous a déterminés à en réclamer le renvoi à M. le ministre de l'intérieur.

Vous voyez donc, messieurs, que la question soulevée aujourd'hui par les deux pétitions, en ce qui concerne l'expédition du Mexique, a été, comme j'ai eu l'honneur de le dire en commençant mon discours, définitivement jugée par la Chambre et qu'insister aujourd'hui de nouveau, c'est réellement lui faire perdre un temps précieux que nous pourrions consacrer à des discussions plus utiles aux véritables intérêts du pays.

M. Coomans. - Il me semble que nous nous entretenons souvent très longuement de questions moins importantes que celle-là, et ce ne sera pas ma faute si ce débat cesse faute de combattants. Je prétends qu'il serait très difficile de nous livrer à une discussion plus intéressante et plus opportune que celle-là.

Deux mots encore.

L'honorable ministre des finances affirme que M. le ministre de la guerre m'a complètement réfuté. Si cela était, je le reconnaîtrais. Mais je sens trop que j'ai raison pour avouer que j'ai tort.

Il est du reste des points auxquels l'honorable ministre de la guerre n'a pas touché ; je lui ai demandé de quel droit il avait donné un congé pour le Mexique à un jeune volontaire mineur, non pourvu de consentement de son père.

Messieurs, cela est extrêmement grave. Quand un père confie son jeune fils mineur au gouvernement, le gouvernement devient en quelque sorte père de famille, et c'est le cas alors pour l'honorable ministre de se proclamer père de l'armée. Pourquoi envoie-t-il dans l'autre monde un jeune homme de dix-sept ans contre le gré de ses parents ?

M. Bouvierµ. - Je demande la parole.

M. Coomans. - Le fait est exact.

M. Bouvierµ. - Je vous demande pardon.

M. Coomans. - Je vous pardonne tout. Un jeune homme âgé de 16 ans obtient de son père l'autorisation de prendre service dans un régiment belge. Ce jeune homme reçoit de l'honorable ministre de la guerre l'autorisation de passer dans un régiment mexicain à l'insu de son père.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Du tout.

M. Coomans. - S'il est parti sans voire autorisation, il est déserteur.

M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Je lui ai donné un congé pour faire ce qu'il veut.

M. Coomans. - Ah ! M. le ministre, si je comprends bien, on lui donne un congé pour faire ce qu'il veut, de même que certains soldats, sous le premier empire, recevaient l'autorisation de voter pour qui ils voulaient à la condition que ce fût pour un certain nom propre.

Je vous le demande ; avez-vous réellement donné à ce jeune homme (page 572) un congé pour faire ce qu'il voulait ? Si vous aviez su qu'il ne partait pas pour le Mexique, lui auriez-vous accordé ce congé ?

M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Certainement,

M. Coomans. - Evidemment non. Vous saviez qu'il partait pour le Mexique, et non pour Rome ou Varsovie ; sinon, vous n'auriez pas donné ce congé. En bien, en le lui donnant à cet effet, vous avez directement participé à l'expédition mexicaine. Vous avez manqué à votre devoir de père de famille et vous avez violé la loi. Cite- moi un texte de loi qui vous permet d'affranchir du service un volontaire non remplacé.

Et puis, pourquoi ne répondez-vous pas à ce père de famille qui vous réclame son fils ? Pourquoi ne lui donnez-vous pas ces explications ? Pourquoi ne dites-vous pas à ce père de famille : Je ne sais pas où votre fils est allé ; c'est à vous de courir après lui. Le père de famille vous répondrait que c'est à vous et à vos gendarmes de le garder dans la limite de la Belgique ; que c'est à cette condition qu'il vous l'a confié. (Interruption.)

M. Allard. - Vous ne venez pas crier à la tribune quand on enlève les enfants mineurs à leurs parents !

M. Coomans. - Je ne comprends pas l'interruption.

M. le président. - Je demande qu'on n'interrompe pas.

M. Coomans. - Je désire répondre à l'interruption que je n'ai pas entendue. Je donne la parole à M. Allard.

M. Allard. - Je demande la parole.

M. Coomans. - Demain, quand l'interruption figurera au Moniteur, il sera trop tard.

M. Delaetµ. - N'y faites pas attention.

M. Coomans. - Demain il sera trop tard ; l'interruption figurera au Moniteur et ma réponse n'y sera pas.

Je m'étonne que des ministres viennent nous dire qu'ils donnent à nos militaires l'autorisation d'aller se battre pour qui et contre qui ils le désirent, quoique la loi belge et la neutralité belge s'y opposent.

D'après la déclaration de l'honorable baron Chazal, que je crois conforme à la vérité, on n'a accordé ces congés qu'aux bons sujets, c'est-à-dire que vous avez privé l'armée belge de sa fleur. (Interruption.) Vous venez de dire que lorsque les volontaires se conduisent bien, vous leur permettez de courir les aventures au Mexique ; quand les volontaires et les miliciens se conduisent bien, vous leur permettez de partir pour l'Amérique, mais vous ne leur permettez pas de se marier ! S'ils ont droit à une récompense, accordez-leur celle-là.

Je viens de dire que ce débat était opportun ; c'est un point que je vais établir. Si mes informations sont exactes, l'armée belge a fourni plus de mille hommes au corps mexicain ; il n'y a pas de doute que ces mille hommes ne soient de bons militaires, en ce sens qu'ils ont une vocation militaire, et vous devriez préférer que ces mille hommes fussent restés dans l'armée belge. (Interruption.)

S'ils n'étaient pas partis pour le Mexique, quelques-uns auraient déserté, je connais la doctrine de l'honorable baron Chazal sur ce point ; mais à part cela, c'étaient mille volontaires de plus, mille remplaçants de plus sur le marché belge, et ce chiffre de mille est-il à dédaigner devant le chiffre de 2, 700 remplaçants et substituants qui sont demandés à chaque année ? Déjà tant de familles se plaignent du haut prix du remplacement ; ce prix va s'élever encore, puisque nous diminuons le nombre de ceux qui s'offrent à servir. Cela est si vrai, que l'on m'assure que le prix du remplacement et de la substitution a haussé depuis quelques semaines, et je ne doute point que ce ne soit la conséquence directe de l'expédition mexicaine.

Eh bien, messieurs, c'est un impôt que nous payons à l'empereur du Mexique, et comme nous en payons déjà assez chez nous, je trouve qu'il est fort inutile d'en payer à l'étranger.

Maintenant, messieurs, j'ai rempli mon devoir, vous déciderez ce que vous voudrez, mais je tiens à l'état statistique que j'ai demandé.

M. le président. - La parole est à M. Bouvier.

M. Bouvierµ. - Pour ne pas prolonger ce débat stérile, je renonce à la parole. (Interruption). Il est stérile puisqu'il ne peut aboutir. (Interruption.)

M. Coomans. - Je n'étais pas assis ; on me peut donc pas dire : l'orateur qui vient de se rasseoir.

J'avais encore un mot à ajouter. L'honorable baron Chazal vient de dire qu'il n'a donné à personne l'autorisation de partir pour le Mexique, de s'enrôler dans l'armée mexicaine, qu'il s'est borné à donner des congés par faire tout ce qu'on voulait ; eh bien, messieurs, je ferai remarquer à l’honorable M. Chazal que les congés donnés aux officiers étaient formellement conçus en ce sens qu'ils partaient pour le Mexique.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - On a fait la même chose pour l'Algérie,

M. Coomans. - Il est donc vrai qu'on a fait da la faveur et de l'arbitraire. (Interruption.)

Vous fixerez l'itinéraire d'un officier et vous ne fixerez pas l'itinéraire d'un pauvre jeune homme ! Ayez donc le courage de votre opinion, ayez le courage de vos fautes, car, après tout, elles ne sont pas déshonorantes, je suis convaincu que les intentions ont été pures, mais permettez à un ennemi de toute espèce d'expédition militaire à l'étranger, de combattre celle-ci, reconnaissez que vous avez fait tout ce que vous pouviez pour encourager cette malencontreuse entreprise et alors demandez un bill d'indemnité qui vous sera vraisemblablement accordé par tout le monde, excepté par moi.

M. le président. - La parole est à M. Bouvier.

M. Bouvierµ. - J'ai eu l'honneur de vous dire, M. le président, que j'y renonçais.

M. Allard. - J'ai demandé la parole lorsque M. Coomans se plaignait de n'avoir pas entendu mon interruption ; si la Chambre le permet, je la répéterai.

- Plusieurs membres. - Non ! non !

M. Delaetµ. - Messieurs, on nous a répété à plusieurs reprises que ce débat a été stérile et qu'il est destiné à demeurer stérile ; je suis heureux, quant à moi, de constater la grande fécondité de ce débat : il nous a démontré entre autres ce fait important que dans le ministère, malgré toutes les dénégations qu'on pourra nous opposer désormais, il y a deux opinions bien tranchées, deux lignes de conduite essentiellement distinctes.

Quand M. le général Chapelié s'est adressé à l'honorable ministre des finances pour obtenir de lui la cession de certains objets d'équipement devenus inutiles, M. le ministre des finances a non seulement ouvert une espèce d'enquête, mais il a fini par refuser net ; il n'a rien accordé du tout, parce que dans sa pensée (et il avait raison) toute intervention, soit par vente d'effets, soit par livraison d'hommes...

MfFOµ. - Il ne s'agissait pas de cela.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Il s'agissait de draps à importer en franchise de droit.

M. Delaetµ. - J'avais mal compris M. le ministre des finances, mais le fait en devient encore beaucoup plus grave, puisqu'il ne s'agissait que de simples formalités douanières. Comme, dans la discussion de septembre, on a invoqué surtout l'intérêt commercial du pays, le pays ayant, disait-on, intérêt à ce que l'organisation du corps mexicain se fît sur son territoire, je ne comprends pas que, pour quelques objets qui devaient passer la frontière, on ait voulu forcer l'expédition à s'organiser ailleurs et par suite à priver le pays d'un immense bénéfice. Mais je constate qu'en tout temps M. le ministre des finances s'est abstenu, parce que non seulement il ne voulait pas avoir l'air d'intervenir, mais aussi qu'il ne voulait pas intervenir.

Eh bien, au ministère de la guerre, ces bons errements n'ont plus été suivis, on a adopté un système diamétralement opposé.

Là non seulement on est intervenu en accordant à des officiers la faculté de prendre de service à l'étranger avec conservation de leur grade dans l'armée belge...

MfFOµ. - Nous étions d'accord là-dessus,

M. Delaetµ. - ... ce qui était une intervention très directe et très patente du gouvernement et dont par conséquent le cabinet pourrait être rendu responsable ; mais on a fait plus : on a autorisé les miliciens, les volontaires à sortir des rangs de l'armée belge et, ce faisant, on n'a pas réservé au Roi le droit d'accorder nominalement à chacun de ces hommes la faculté d'aller servir à l'étranger ; on a, au contraire, délégué les pouvoirs du gouvernement aux organisateurs de l'expédition mexicaine. Or, quand un ministère est aussi jaloux, - en cela je l'approuve, - est, dis-je, aussi jaloux des prérogatives du pouvoir civil, ii est fort étonnant qu'il permette ainsi au ministre de la guerre de déléguer un droit royal sans y opposer de réclamation aucune.

Il y a donc eu, de la part des autres membres du cabinet, intervention indirecte, par tolérance.

Puisque le ministre de la guerre qui a reçu, il y a plus de trois semaines, la pétition de Crimmers, n'est pas encore en mesure de nous dire ce qu'est devenu ce jeune homme, c'est parce qu'il a délégué son droit aux organisateurs de l'expédition mexicaine et qu'il lui faut demander à Mexico aujourd'hui ce qui s'est passé il y a trois mois à Bruxelles.

Il est donc évident, messieurs, et c'est là le grand résultat qu'aura produit cette discussion, qu'il y a eu deux courants d'idées, deux systèmes opposés dans le ministère et que malheureusement ni l'opinion (page 573) de M. le ministre de l'intérieur, ni celle de M. le ministre des affaires étrangères, ni celle de M. le ministre de la justice n'ont prévalu.

On a, cette fois encore, renversé chez nous l'adage, adage depuis longtemps renversé d'ailleurs. Cedant arma togae disaient les vieux guerriers romains. En Belgique, dans notre Belgique neutre, savante, industrie, intelligente, pacifique, M. le ministre de la guerre est le vrai chef du cabinet : Cedat toga armis.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Messieurs, je demande à faire une simple observation. On veut constater qu'il y a eu un dissentiment dans le cabinet, notamment entre le ministre de l'intérieur et le ministre de la guerre. Or, messieurs, cela est de toute impossibilité, pour une bonne raison. Quand le corps mexicain s'est constitué à Audenarde, le ministre de l'intérieur faisait ad intérim les fonctions de ministre de la guerre.

Il ne pouvait donc sous ce rapport y avoir aucun dissentiment gouvernemental ni ministériel.

M. Delaetµ. - En ce cas, je vous ai fait trop d'honneur.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Je n'y tiens pas, et je me borne à constater le fait. Par suite donc de l'intérim que j'ai fait, ce serait peut-être à moi de répondre au discours de M. Delaet, mais je déclare, en âme et conscience, qu'il m'est impossible d'y faire la moindre réponse, soit comme ministre de la guerre soit comme ministre de l'intérieur, car je n'ai rien pu comprendre au raisonnement du député d'Anvers.

Je ne sais donc pas ce que l'honorable M. Delaet a voulu dire à la Chambre.

Le ministre de la guerre aurait, d'après lui, délégué ses pouvoirs. Mais messieurs, pendant tout le temps que j'ai eu l'honneur de posséder le portefeuille de la guerre - cela n'a duré que 4 mois, je pense, - je me suis bien gardé de déléguer mes pouvoirs temporaires à qui que ce fût et je n'en aurais d'ailleurs pas eu le droit.

Je n'ai pas eu, pendant ces 4 mois de ma carrière militaire, une seule demande de congé pour aller au Mexique, soit à refuser, soit à accorder, car aucune demande de ce genre ne m'a été faite.

Il est vrai que, durant ces quatre mois, grand nombre de congés ont été demandés au département de la guerre, et comme on était à l'époque de la moisson et que j'étais un ministre civil et de l'agriculture, j'ai profité de la circonstance de mon passage au ministère de la guerre pour accorder le plus de congés possible. (Interruption.)

Et veuillez-vous-le rappeler, messieurs, grand nombre d'entre vous ont profité de ce moment pour obtenir des congés en faveur de miliciens et vous me rendrez cette justice, qu'on n'en a jamais accordé davantage, je pense ; mais je déclare que j'ai parfaitement ignoré ce que sont devenus les volontaires et les miliciens congédiés, autorisés à rentrer dans leurs foyers.

Du reste, messieurs, si les militaires qui sont partis pour le Mexique n'avaient pas fait la demande d'autorisation de servir à l'étranger, on ne les aurait pas même connus, au moins difficilement.

Comment voulez-vous après cela que le ministre de la guerre sache qu'un jeune homme, le jeune Crimmers, dont on fait une espèce de jeune Mortara civil, victime du pouvoir militaire, est parti pour le Mexique ?

Ce jeune homme peut avoir obtenu un congé de faveur par suite peut-être d'une recommandation. S'il est parti pour Mexico, c'est qu'il a obtenu à cette époque un congé comme 2,000 autres soldats.

M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Comme 4,000.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - ;000 donc ont obtenu des congés. Les uns sont partis pour le Mexique, d'autres pour les t'ats-Unis, un peu plus pour le Mexique cependant, je pense ; il y en a qui sont allés en France pour faire la moisson ; le plus grand nombre de ces 4,000 hommes est resté en Belgique.

Quant à moi, pendant tout le temps que j'ai fait l'intérim du département de la guerre, je n'ai pas signé un seul congé pour le Mexique. Un de mes amis même m'ayant demandé un congé en faveur d'un soldat qui désirait s'enrôler dans le corps mexicain, je lui ai fait comprendre que je ne pouvais pas le lui accorder, parce que le gouvernement devait rester complétement étranger à cette expédition. Ainsi donc, je le répète, le gouvernement est resté étranger à cette expédition, le département de la guerre aussi bien que le département de l'intérieur.

M. Bouvierµ. - L'adage de M. Delaet tombe.

M. Delaetµ (pour un fait personnel). - Le fait personnel auquel j'ai à répondre n'est pas bien injurieux ; l'honorable ministre de l'intérieur m'accuse de manquer de clarté. Il est possible que je n'aie pas été assez clair pour l'honorable ministre ; je croîs cependant avoir été compris par beaucoup d'autres membres.

Le défaut de clarté dépend parfois de celui qui parle, d'autres fois de celui qui écoute.

Je donnerai toutefois un éclaircissement qui peut-être fera naître un peu de lumière dans l'esprit de M. le ministre. Des soldats belges engagés au service de l'empereur Maximilien Ier du Mexique conservent la qualité de Belge tout en portant les armes sous un drapeau étranger.

- Une voix. - Ce n'est pas là un fait personnel.

M. Bouvierµ. - C'est un fait personnel aux soldats.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Ils ont obtenu l'autorisation du Roi.

M. Delaetµ. - C'est là que je veux en venir. Ils ont donc reçu l'autorisation royale de servir à l'étranger. Eh bien, je vous le demande, y a-t-il eu pour chacun d'eux un arrêté royal ? S'il en est ainsi, l'honorable ministre de la guerre doit savoir où est Crimmers, et comment il est parti. Ou bien y a-t-il eu un arrêté collectif mis à la disposition des organisateurs du corps mexicain, en d'autres termes, une véritable délégation des droits et prérogatives du pouvoir civil ? Voilà ce que je demande. Est-ce clair ?

M. le président. - Si j'ai bien compris M. le ministre de la guerre, il consent à fournir l'état demandé par M. Coomans.

M. Van Overloopµ. - Si j'ai bien compris M. le ministre de la guerre par intérim, M. le ministre de la guerre effectif n'est pas en état de donner les renseignements réclamés par M. Coomans, puisqu'il déclare qu'il ne peut pas savoir quel est l'usage que les miliciens ont fait de leur congé.

Je voudrais une déclaration nette de la part du gouvernement.

M. le président. - M. Coomans demande au gouvernement de fournir l'état des officiers, des sous-officiers et soldats, qui ont reçu l'autorisation de prendre part à l'expédition du Mexique...

M. Van Overloopµ. - Il y a malentendu ou contradiction entre M. le ministre de l'intérieur et M. le ministre de la guerre. (Interruption.) S'il n'en était ainsi, je me tromperais fort.

MfFOµ. - Vous vous trompez.

M. Van Overloopµ. - M. le ministre de la guerre déclare qu'il fournira les explications demandées par M. Coomans, et M. le ministre de l'intérieur déclare, si je ne me trompe, que ces explications no peuvent pas être fournies.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Il n'y a pas la moindre contradiction entre M. le général Chazal et moi.

M. le ministre de la guerre vous a déclaré que lorsque des congés ont été accordés, ils ne l'ont pas été en vue de l'expédition du Mexique. Est-ce à dire qu'on ignore quels sont les Belges, soit sortis des rangs de notre armée, soit bourgeois, qui font partie du corps belge-mexicain ? Du tout ; le gouvernement les connaît puisque tous ont dû demander au Roi l'autorisation de servir en pays étranger, s'ils voulaient conserver leur qualité de Belges.

Ce n'est donc pas dans les contrôles des régiments qu'on trouvera les renseignements, mais dans les dossiers du département de la justice ou de la guerre relatifs aux demandes de ceux qui sollicitent l'autorisation de servir une puissance étrangère. Si l'on trouve parmi ces demandes celle du jeune Crimmers, auquel on s'intéresse à juste titre, on saura qu'il est au Mexique. Est-ce clair ? (La clôture i)

M. Delaetµ. - Je demande la parole.

M. Van Overloopµ. - J'ai cédé, par convenance, la parole à M. le ministre de l'intérieur ; je désire continuer à expliquer ma pensée.

Il faut être franc : je n'ai pas été hostile à l'expédition du Mexique. A mes yeux, la conséquence de la liberté individuelle est que, de même qu'un Belge peut aller exposer sa vie dans un établissement étranger, tel qu'une houillère, de même il peut aller exposer sa vie dans un corps militaire étranger, pourvu, bien entendu, qu'il ne porte pas les armes contre sa patrie. (Interruption.)

Je ne transige pas sous ce rapport, mais je ne veux pas que le gouvernement intervienne, et je trouve qu'il a tort de ne pas dire ouvertement qu'il est intervenu, puisque que le fait est incontestable. (Interruption.)

Je demande à l’honorable ministre de le guerre : Qui a organisé l'expédition du Mexique ? S'il le désire, je lui ferai connaître les officiers de son département qui ont participé à cette organisation. (Interruption.) Il ne faut pas qu'on nous pousse dans nos derniers retranchements. J'ai assisté à un départ de Belges-Mexicains, j'ai été ému de leur (page 574) enthousiasme, j'ai applaudi aux sentiments patriotiques qu'ils manifestaient, je ne leur suis donc pas hostile, au contraire, mais est-ce un motif pour ne pas déclarer que j'ai vu des officiers détachés du département de la guerre présider au départ ? Voilà les faits.

M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Le général Chapelié s'est chargé d'organiser le corps mexicain ; comme il était à la retraite, il n'était pas lié par des obligations envers l'Etat, et il a opéré avec l'assentiment du département de la guerre, il est vrai ; mais en dehors de son action et de son contrôle.

Plusieurs officiers n'ont demandé des congés pour aller servir au Mexique ; je les leur ai accordés avec empressement. S'ils se sont occupés de l'organisation du corps, ils ont fait chose toute naturelle ; mais le gouvernement n'est intervenu que pour régulariser la position des militaires congédiés et des citoyens qui ont désiré partir.

On nous a demandé d'être franc ; eh bien, je serai franc et je dirai que j'ai vu avec grand plaisir l'expédition au Mexique, parce qu'elle a fourni une occasion de donner du stimulant à notre armée.

Il nous reviendra certainement du Mexique des officiers et des soldats aguerris, que l'armée belge sera heureuse de trouver dans ses rangs si le territoire venait à être menacé. Pour cette raison, je voudrais trouver souvent l'occasion d'envoyer des militaires belges à l'étranger ; notre armée, j'en suis certain, y gagnerait sous tous les rapports. Aussi, je le répète, je donne, comme homme, toutes mes sympathies à l'expédition et j'applaudis de toutes mes forces au courage des militaires qui vont acquérir de l'expérience si loin, à leurs risques et périls, et qui montrent un si chevaleresque dévouement pour la fille de leur souverain. Oui, je le déclare, ils ont toutes mes sympathies et tout mon appui comme particulier.

- Des voix. - La clôture !

- D'autres voix. - Non ! non !

M. Guillery. - Je demanderai au gouvernement de vouloir bien joindre au document qu'il a promis sur la proposition de l'honorable M. Coomans, la première circulaire ou les différentes circulaires ministérielles qui ont été envoyées aux colonels de régiment lorsqu'il s'est agi de l'expédition du Mexique.

Dans la dernière session, l'honorable ministre de la guerre nous a donné une analyse de la première circulaire : je désirerais en avoir le texte formel.

M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Je n'y vois aucun inconvénient.

M. Delaetµ. - Je désire obtenir de M. le ministre intérimaire de la guerre une réponse formelle à cette question-ci et j'espère être assez clair pour me faire parfaitement comprendre :

Les Belges qui sont partis pour le Mexique conservent-ils leur qualité de Belges sous le drapeau mexicain ? Si oui, chacun de ces hommes a-t-il reçu un arrêté royal spécial ? Dons ce cas, le sieur Crimmers sera très vite retrouvé. Et s'il n'est pas intervenu d'arrêté royal spécial, je demande à qui a été confié l'arrêté royal collectif dans lequel tous les noms pouvaient être inscrits au fur et à mesure de la présentation au corps mexicain ?

Voilà ma question.

M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Le gouvernement a reçu les états nominatifs de tous les Belges, militaires ou bourgeois, qui demandaient à partir pour le Mexique.

Les arrêtés royaux donnent les noms de tous ceux qui ont été autorisés à servir à l'étranger ; ils ont été pris sur la proposition du ministre de la justice pour ce qui concerne les bourgeois, et sur la proposition du ministre de la guerre pour ce qui concerne les militaires.

M. Coomans. - Et les officiers aussi ?

M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Les officiers, messieurs, forment une catégorie à part ; ils reçoivent un congé à terme, avec autorisation royale de servir à l'étranger.

M. Coomans. - Et les autres ?

M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Les autres militaires ne sont pas dans la même position que les officiers. Lorsque leur temps de présence au corps est expiré, on leur accorde la faculté de se rendre où ils le désirent. L'arrêté royal les autorise à prendre temporairement du service à l'étranger sans limitation précise de temps.

M. Hymans. - Le débat me paraît porter principalement en ce moment sur le fait relatif au sieur Crimmers, qui a adressé une pétition à la Chambre.

J'entends plusieurs orateurs de la droite s'écrier qu'il faut, à tout prix, retrouver Crimmers et on croirait vraiment, à entendre cos orateurs, qu'il y a un Belge qui a été enlevé violemment du sein de sa famille pour être emporté dans quelque endroit inconnu où M. le ministre de la guerre le tient en chartre privée.

Eh bien, messieurs, il est important, me semble-t-il, que la Chambre sache au moins sur quoi on discute dans cette circonstance.

Le sieur Crimmers existe, on sait où il est : il est au Mexique, il fait partie de la légion des volontaires ; il est donc inscrit sur les contrôles et s'il a pu partir, ce ne peut être que parce qu'il a trompé ceux qui l'ont engagé, sur son âge et sur ses droits... (interruption) ou bien parce qu'une erreur a été commise à son égard. Il n'y a pas d'autre explication possible.

Maintenant, à la pétition du père Crimmers, qu'on a distribuée à tous les membres de la Chambre, se trouve jointe une lettre du général Euchène qui a succédé, je pense, au général Chapelié comme organisateur de l'expédition mexicaine ; cette lettre annonce au sieur Crimmers père qu'on écrira au Mexique afin d'avoir des renseignements sur la manière dont son fils a été admis au corps et qu'on le lui rendra aussitôt que cela sera possible.

Que pourrait-on faire de plus et y a-t-il là un attentat quelconque à la liberté d'un citoyen ?

Si donc c'est sur le fait du sieur Crimmers que porte la discussion, je crois que nous pouvons la clore sans danger.

- Plusieurs membres. - La clôture !

M. Guillery. - Il faut bien avouer une chose, c'est qu'il y a contradiction entre les deux ministres de la guerre. Le ministre de la guerre a une face tournée vers la paix et une face vers la guerre : d'un côté, on a accordé des Belges en aveugle, sans savoir pourquoi, le plus possible. De l'autre côté, des sympathies marquées pour l'expédition mexicaine, désir de voir des militaires (désir que je comprends parfaitement) aller s'exercer dans l'art de la guerre et capables, par là, de venir un jour fortifier notre armée.

Voilà deux idées qui se comprennent l'une et l'autre ; l'une et l'autre sont également respectables ; mais elles sont bien différentes ; c'est le blanc et le noir. Comment ! d'un côté, M. le ministre des finances, et je l'en félicite beaucoup, pousse la prudence jusqu'à ne pas permettre l'entrée dans le pays d'objets d'habillements en franchise de droit. Je crois qu'il a bien fait ; c'était là une prudence qui sera peut-être jugée un peu excessive par quelques-uns, mais que, quant à moi, je considère comme très louable. Le gouvernement a parfaitement bien fait de ne vouloir ni directement ni indirectement paraître favoriser cette expédition.

De l'autre côté, je vois tout autre chose. Je vois des sympathies marquées pour cette expédition, et j'apprends qu'il y a eu toute une liste de Belges qui ont demandé à partir pour l'étranger, liste qui a été soumise au Roi. Or, il ne pouvait être question que de l'expédition mexicaine ; personne ne s'est mépris sur le but de ces demandes ; personne n'a songé un seul instant qu'il fût question d'aller servir un autre pays que le Mexique.

Eh bien, messieurs, quand on a accordé ces autorisations, on a fait une chose beaucoup plus importante que de permettre l'entrée d'un certain nombre d'aunes de drap, de quelques kilogrammes de cuir en franchise de droit.

Il y a entre ces deux ordres de faits toute la différence qu'il y a entre une question de nationalité et une simple question de douane.

Si j'ai demandé la parole, messieurs, c'est surtout pour insister sur la pétition très importante, selon moi, de M. Crimmers. Qu'il ne s'agisse que d'un citoyen ou de 10,000, pour moi la question est la même.

Un père n'a pas permis l'engagement de son fils dans un corps d'armée allant servir dans un pays étranger. La première autorisation n'implique pas l'autre. Mais, nous dit-on, il a reçu un congé, mais nous ne savons pas ce qu'il est devenu.

Vous ne savez pas ce qu'il est devenu ! mais dans quel état est donc votre armée ? Vous avez donné un congé à un milicien ; mais de deux choses l'une : ou c'était un congé pur et simple comme s'il se fût agi pour le jeune Crimmers d'aller voir ses parents ; ou bien c'était un congé pour aller servir au Mexique et il fallait l'autorisation du père ; et alors l'organisateur de l'expédition mexicaine ne devait pas accepter ce jeune homme, attendu qu'il n'avait pas l'autorisation de son père d'aller servir à l'étranger ; et au lieu de faire peser sur lui gratuitement l'accusation de faussaire, au lieu de dire avec une désinvolture admirable que sans doute ce jeune homme a fait usage de faux papiers, on devait s'assurer si ce jeune homme n'était pas arrivé, muni d'une autorisation. S'il est compris dans, une autorisation collective, dans un arrêté comprenant (page 575) d'autres militaires qui ont sollicité ouvertement la permission d'aller au Mexique, alors il y a eu faute de la part de M. le ministre de la guerre en permettant ces enrôlements. Je ne dis pas que ce soit là un crime, tout le monde peut commettre une erreur ; mais quand on a commis une erreur, il faudrait au moins la reconnaître.

Qu'on ne vienne donc pas dire qu'on a donné au jeune Crimmers un congé pur

et simple ; qu'on dise qu'on s'est trompé sur son âge ; mais je le répète, qu'on ne dise pas qu'il a obtenu un congé pur et simple, qu’il a fait usage de faux papiers.

Pour arriver à la connaissance de la vérité, il n'y avait qu'à faire une enquête ; rien n'était plus facile à M. le ministre de la guerre que de se faire représenter tous les arrêtés royaux qui ont autorisé des Belges à aller servir au Mexique, et de voir si le jeune Crimmers y figurait ; s'il n'y figurait pas, il y avait lieu alors de faire rendre compte de sa conduite à l'organisateur du corps mexicain, et de lui demander comment il avait accepté dans ce corps des Belges qui n'avaient pas l'autorisation du Roi pour prendre du service à l'étranger.

MfFOµ. - Messieurs, l'honorable M. Guillery prétend qu'il y a contradiction entre les actes des divers ministres, en ce qui concerne la formation du corps belge-mexicain. Il reconnaît bien que le département des finances a refusé la franchise des droits d'entrée pour certains objets nécessaires à l'organisation de ce corps ; mais, ajoute l'honorable membre, on a posé un acte beaucoup plus important : on a accordé à des militaires l'autorisation de prendre du service à l'étranger !

Il n'y a pas là, messieurs, la moindre contradiction. Nous avons eu l’honneur de dire à la Chambre, lorsque cette question s'est présentée pour la première fois devant elle, que le gouvernement n'avait voulu prendre aucune participation dans cette affaire ; qu'il avait voulu s'abstenir d'une manière absolue ; qu'il s'était borné à accorder l'autorisation de prendre du service à l'étranger, acte que l'on ne peut évidemment ériger en grief, puisqu'il s’agissait d'un gouvernement régulier, et qu'aucun intérêt belge n'était engagé dans la question. Voilà tout ce que nous avons consenti à faire. Nous avons été d'accord pour reconnaître que ce n'était pas là un acte de participation ; que, dans la circonstance spéciale dont il s'agissait, cnus pouvions autoriser des Belges à prendre du service à l'étranger. Il n'y a pas là contradiction, comme le prétend l'honorable M. Guillery.

On dit qu'il y a des sympathies d'un côté et qu'il n'y en a pas de l'autre. Là n'est pas la question. Nous pouvons avoir des sympathies pour telles ou telles expéditions, sans qu'il en résulte aucun engagement de la part du gouvernement.

Tous les jours, nous éprouvons des sympathies toutes personnelles, tout intimes, pour des affaires sur lesquelles nous avons à statuer ; mais nous faisons abstraction, comme c'est d'ailleurs notre devoir, de semblables considérations, lorsque nous avons à poser des actes qui seraient de nature à engager la responsabilité du gouvernement et du pays.

M. le ministre de la guerre a déclaré qu'il a des sympathies pour l'expédition du Mexique. Il a parfaitement raison. N'est-ce pas un sentiment que tout le monde comprend de la part d'un ministre de la guerre ? Et nous tous, messieurs, ne sommes-nous pas sympathiques aux hommes courageux qui vont au loin acquérir une expérience militaire, dont leur pays retirera peut-être un jour tous les fruits ?

Mais là, encore une fois, n'est pas la question. Il s'agit de savoir si le gouvernement est intervenu dans la formation du corps belge-mexicain. Or, nous avons établi que le gouvernement était resté étranger à cette affaire, et je déclare itérativement et très catégoriquement qu'il ne s'est nullement engagé sur cette question.

En vérité, messieurs, je ne sais quel intérêt l'on peut avoir à faire croire que cette affaire pourrait constituer un grief de la part des Etats-Unis à, l'égard de la Belgique ? Veut-on provoquer des représailles exercées sur le territoire des Etats-Unis contre nos compatriotes ? Pourquoi persister à accuser le gouvernement belge, malgré ses dénégations réitérées, malgré les preuves évidentes qui ont été produites, d'avoir pris comme gouvernement, un rôle actif dans cette affaire ? Nous le répétons encore bien haut : le gouvernement belge est resté étranger à l'expédition mexicaine.

Voilà ce que nous avons déclaré, écrit et répété, et nous persistons énergiquement à maintenir cette déclaration comme vraie, sincère et irréfutable !

M. Delaetµ. - Je demande la parole.

M. le président. - M. Delaet a déjà eu la parole deux fois ; je consulte la Chambre sur la question de savoir si la parole lui sera accordée pour la troisième fois.

- La chambre consultée accorde la parole pour la troisième fois à M. Delaet.

M. Delaetµ. - Messieurs, j'ai une simple demande à adresser à M. le ministre de la guerre.

Aux documents que M. le ministre a consenti à fournir à la Chambre, je voudrais voir joindre les actes en vertu desquels les volontaires mexicains conservent la qualité de Belge.

Je ne répondrai pas à la sortie de M. le ministre des finances ; je n'ai qu'un mot à dire : Nous sommes meilleurs patriotes que les membres du gouvernement ne l'ont été dans cette occasion.

Quand les Etats-Unis auront à juger l'affaire du Mexique, les débats de cette Chambre leur apprendront que s'il est un gouvernement qui a pris parti contre la liberté, il est un parlement qui a élevé la voix pour le rappeler à l'observation de la neutralité belge.

M. Goblet. - Messieurs, je ne veux pas prolonger ce débat. Je tiens seulement à faire remarquer que l'honorable ministre de la guerre et l'honorable ministre des finances ont terminé, tous deux, leurs péroraisons en exprimant leurs sympathies envers ceux qui sont allés, par la guerre, acquérir, au Mexique, l'expérience et la science militaire.

Ces deux péroraisons m'ont, d'autant plus frappé, non pas que je blâme tous les sentiment qui peuvent être loués dans certains hommes et dans certaines occasions ; mais je voudrais bien savoir comment on récompensera, à leur retour, les officiers qui sont allés au Mexique.

Tous auront pour le moins un grade de plus qu'ils n'avaient en quittant leur patrie. Quand ils revendront dans leurs foyers, le gouvernement dira sans doute à ces officiers : « Vous avez gagné au Mexique vos épaulettes de capitaine, de colonel ou de général, cela prouve votre mérite ; vous allez reprendre du service dans notre armée, et mettre à notre disposition l'expérience que vous avez acquise. »

Oseriez-vous alors leur dire aussi : Nous comptons sur votre dévouement qu'ont si bien établi vos patriotiques combats au Mexique ?

Pouviez-vous leur offrir pour les récompenser et pour honorer leur courage et leur talent militaire, les grades qu'ils avaient en quittant leur pays ?

Or, en tenant un langage qui montre tant de sympathie, c'est évidemment reconnaître, au moins en vos désirs les plus chers, que vous avez l'intention de récompenser ceux qui ont quitté leurs compagnons d'armes, pour participer à la conquête d'un pays qui ne subit les étran. vous avez tenu force.

Et si par suite de l'oubli complet des engagements que vous avez prononcés dans cette enceinte, vous songez à leur reconnaître leurs grosses épaulettes pour en faire des officiers belges, que pensera notre brave armée ?

Pourquoi donc promettre aujourd'hui ce que vous vous êtes devant tout le pays engagés à ne jamais donner ?

M. Debaets. - Messieurs, je ne veux pas entrer dans le fond de la discussion. Je désire seulement que le gouvernement réponde d'une manière catégorique à la question qui lui a été posée par l'honorable M. Van Overloop, et à laquelle le gouvernement n'a pas répondu. Je tiens, quant à moi, à ce que le gouvernement dégage sa responsabilité dans cette affaire.

Comme vient de le dire M. le ministre des finances, s'il est prouvé que le gouvernement belge n'y est pas étranger, ce n'est pas sa responsabilité seule, c'est celle du pays qui est gravement engagée vis-à-vis de l'étranger.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Je demande la parole.

M. Debaets. - Et si j'ai cette conviction, n'avons-nous pas le droit de dégager au moins notre responsabilité, nous qui, après tout, sommes, de par la nation, les contrôleurs des actes du gouvernement ?

Je désire m'éclairer et je demande que le gouvernement réponde d'une manière catégorique à la question que voici :

L'honorable M. Van Overloop vous a demandé : Etes-vous intervenus par vos officiers dans l'organisation du corps mexicain, non pas par des officiers qui étaient à la retraite ou en congé ou en disponibilité, mais par des officiers qui sont actuellement en service ? Je demande une réponse précise à cette question.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Je n'ai pas pris jusqu'à ce moment la parole dans cette discussion. La position que j'occupe dans le gouvernement m'engageait à garder une certaine réserve. Mais ce que je viens d'entendre ne me permet plus de garder le silence.

(page 576) Je me demande dans quel intérêt, dans quel but des membres de la Chambre qui se disent patriotes, qui se disent amis du pays et de son indépendance, cherchent à tourmenter des questions, à épiloguer sur toutes les paroles des ministres, pour établir devant le pays et l'étranger que le gouvernement est coupable de ce qu'on appelle l'expédition mexicaine.

Dans quel but ? Dans quel intérêt ? Eli bien, en supposant des sympathies bien naturelles de la part des hommes qui siègent au gouvernement, pour ceux de leurs concitoyens, qui, au lieu de passer commodément et paresseusement leur vie au coin de leur feu, le cigare à la bouche, vont courir les dangers, vont risquer leur existence pour une cause qu'ils embrassent, en supposant que de pareilles sympathies existent sur les bancs du ministère et je l'espère sur la plupart des bancs de cette Chambre, et que ces sympathies aient entraîné le gouvernement à favoriser d'une manière indirecte cette expédition, devriez-vous chercher à lui en faire un crime ? Devriez-vous chercher à aggraver sa responsabilité, si cette responsabilité existait ? Ah ! bien plutôt si vous êtes vraiment patriotes, vous devriez fermer les yeux. (Interruption.)

Mais non ! on tient à déclarer aux pays étranges qu'en effet le gouvernement belge a méconnu les devoirs de la neutralité. Voilà le beau résultat qu'on veut atteindre ! (Interruption.)

- Plusieurs membres. - C'est cela !

M. de Moorµ. - M. Delaet l'a dit.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Eh bien, ce résultat, je vous le déclare à l'avance, on ne l'atteindra pas. Le but blâmable, selon moi, que vous cherchez, vous échappera.

Lorsque le gouvernement déclare qu'il est resté de fait étranger à l'expédition, si quelques hommes sur vos bancs ne nous croient pas, les gouvernements étrangers nous croiront.

Vraiment, messieurs, je m'étonne que les bancs de la droite portent contre nous de pareilles récriminations, de pareils reproches. Dans d'autres circonstances, n'a-t-on pas publiquement recruté sur le territoire belge des soldats pour d'autres causes ?

.N'y a-t-on pas recruté des soldats pour l'armée papale ? Avons-nous blâmé la conduite de ces citoyens belges qui se sont enrôlés pour aller servir le pape en Italie ? (Interruption.)

- Un membre. - Vous les avez dénationalisés.

M. Thonissenµ. - On ne les a pas organisés en corps en Belgique.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Du moment qu'on parle du pape, vous n'y tenez plus.

M. le président. - Je demande qu'on n'interrompe pas.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Lorsqu'on est venu publiquement, au sein de la Belgique, recruter des soldats pour l'armée pontificale, y avons-nous fait opposition ? Lorsque la question a été portée devant cette Chambre, celui qui a l'honneur de vous parler en ce moment, bien qu'il ne partageât pas les convictions politiques de ceux qui s'engageaient dans les armées du pape, bien qu'il pût voir un inconvénient, vis-à-vis du gouvernement italien qu'il avait reconnu à ce que la Belgique fournît des soldats à l'armée opposée à l'armée italienne, celui-là a été le premier à rendre hommage à ces citoyens courageux qui allaient défendre une cause qui n'était pas la sienne.

Ce n'est donc pas, messieurs, la première fois que le fait que l'on vient reprocher avec tant d'insistance au gouvernement, se passe en Belgique. A toutes les époques, la Belgique, et je l'en félicite, et je l'en loue, a fourni des soldats aux armées étrangères.

M. Coomans. - Et moi, je ne l'en félicite pas et ne l'en loue pas.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Dès 1831, à l'époque où la neutralité belge venait d'être reconnue par l'Europe, qu'avons-nous vu se passer en Belgique ? Nous avons vu recruter, au vu et au su de tout le monde, avec le concours du gouvernement, un corps tout entier pour le Portugal. Et tout le monde a applaudi à ce premier élan de la Belgique vers les contrées lointaines ; tout le monde a suivi de ses sympathies ces Belges qui s'engageaient pour aller servir la cause libérale en Portugal. Et je le demande à d'honorables membres de la gauche qui ne sont peut-être pas assez pénétrés du sentiment que je défends, si un grand nombre de Belges étaient partis pour défendre des causes qui leur sont particulièrement chères, et qui ont triomphé ou succombé sur divers points de l'Europe, de pareils enrôlements n'auraient-ils pas été salués par les applaudissements des libéraux ?

Eh bien, il faut être impartial ; il faut juger avec générosité tous les sentiments généreux, et je dis que dans ce fait de Belges allant accompagner une jeune femme pleine de courage, la fille de notre Roi, allant lui faire un rempart de leur corps, il y a quelque chose de louable, quelque chose de glorieux, quelque chose de chevaleresque, auquel tout homme généreux devrait applaudir.

Au lieu de cela, voilà une séance que vous consacrez tout entière à chicaner le gouvernement. (Interruption.)

M. Thonissenµ (se levant). - C'est là une insinuation contre laquelle je proteste.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Asseyez-vous, monsieur, vous n'avez pas le droit de vous lever. Je ne vous parle pas et je ne parle pas de vous.

Le langage que je tiens, un de vos honorables amis l'a tenu. L'honorable M. Kervyn l'a tenu l'autre jour dans un discours auquel je me suis en partie associé silencieusement, mais de tout cœur, parce que, si, comme ministre, on est tenu à certaines réserves dans les actes que l'on pose, on n'est pas pour cela condamné à ne pas avoir de sympathie pour les actes généreux de ses concitoyens.

Indépendamment, messieurs, du côté généreux de la question, il y a dans cette expédition des raisons d'intérêt matériel qui, je n'en doute pas, si elles étaient produites devant vous, et si ce n'était abaisser la hauteur du débat, il y a des questions d'intérêt matériel qui doivent faire que le pays applaudisse à cette entreprise lointaine où se sont bravement engagés nos jeunes concitoyens. Il ne faut pas encourager cet esprit de paresse, cet esprit d'égoïsme qui dirait aux Belges : Restez chez vous, vivez grassement, gardez-vous de courir des aventures, évitez avec soin les dangers, et quand un sentiment hardi ou généreux surgit en vous, ayez grand soin de le refouler. Il faut tenir un langage opposé, il faut des applaudissements pour les hommes courageux qui ne craignent pas d'abandonner leur pays et leur famille et qui vont créer des relations utiles, des relations d'affaires (puisqu'il en faut parler), dans un pays qui peut devenir pour la Belgique une sorte de colonie, moins les charges.

Sans vouloir insister sur ce côté de la question, je constate qu'il y a dès maintenant entre le Mexique et la Belgique des rapports nouveaux.

Le mouvement militaire n'est pas le seul qui se produise ; l'entraînement s'est communiqué à d'autres citoyens ; il ne se passe pas de jour qu'il ne se présente au ministère des affaires étrangères l'un ou l'autre jeune homme demandant à se rendre au Mexique pour y établir des relations de commerce.

Eh bien, je le confesse, je fais le meilleur accueil à ces jeunes gens et quand je le puis, je les encourage par les fonds du budget.

Si on le désire, je fournirai la liste de ces volontaires du commerce et de l’industrie qui, eux aussi, vont courageusement remplir leur mission. J'en fournirai la liste, si on la demande, et je prends la responsabilité des actes que je pose à leur égard.

M. Coomans. - Nous ne voterons plus ces fonds-là.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Je bornerai là mes observations et je prie la Chambre d'excuser la trop grande chaleur que j'ai pu apporter dans mes paroles.

M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - J'ai répondu à l'honorable M. Debaets qu'aucun officier n'a été délégué par Je département de la guerre pour organiser la légion mexicaine ; j'ai eu l'honneur de dire tout à l'heure que c'est le général Chapelié, en retraite, qui s'était chargé de l'organisation. Que cet honorable général ait demandé des conseils à certains officiers, cela est fort possible.

M. Coomans. - Et M. l'intendant de Bassompierre ?

M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Mais n'y a-t-il pas des officiers qui font partie de sociétés industrielles ou financières ?

Est-ce que les officiers ne sont pas libres, en dehors de leur service, de donner leurs soins à des affaires honorables qui ne présentent pas d'incompatibilité avec leurs positions dans l'armée. Du moment qu'on ne me signale pas qu'ils manquent à leurs devoirs militaires, qu'ils font des choses répréhensibles, qu'ils posent des actes publics qui soient contraires à la dignité et aux règlements militaires, comment veut-on que je puisse intervenir ?

M. Bara. - Je crois que le débat s'est tout à fait égaré. De quoi s'agit-il ? De deux pétitions, l'une de M. l'avocat Vandenkerkhove qui nous demande de remettre en honneur les lois relatives aux enrôlements et l'autre de M. Bonnevie qui nous demande de ne point nous ranger à l'opinion de M. Vandenkerkhove. Voilà le véritable débat. Qu'en est-il arrivé ?

C'est qu'on est venu attaquer un vote de la Chambre, c'est qu'on est revenu, sous prétexte de ces deux pétitions, sur un point qui avait été tranché par la Chambre, composée de la même manière. La question est identiquement celle qui s'est présentée au mois de septembre et qui a été résolue par un vote d'ordre du jour.

L'honorable M. Coomans et la droite prétendent-ils que M. l'avocat Vandenkerkhove a raison lorsqu'il soutient que l'article 92 du code pénal (page 577) devait être appliqué à ceux qui ont fait les enrôlements pour le Mexique ?

S'ils le prétendent, qu'ils formulent une motion de blâme contre le gouvernement et contre les chefs de parquet de la Belgique, parce qu'ils n'ont pas fait respecter l'article 92 du code pénal. Voilà votre devoir, voilà ce que la logique exige, oserez-vous le faire ?

Mais quel est le jurisconsulte, à part M. Thonissen, qui oserait soutenir qu'il faut appliquer une loi pénale, c'est-à-dire une loi qui par sa nature doit être interprétée restrictivement, dans un sens que les autorités les plus considérables de droit, MM. Chauveau et Hélie, M. Dalloz, M. Tielemans et bien d'autres condamnent de la manière la plus énergique ?

Vous prétendez que le Code pénal prononce la peine de mort contre les personnes qui font des enrôlements pour un pays qui n'est pas en guerre avec la Belgique.

Eh bien, cette supposition est démentie par le texte de la loi, elle est démentie par le chapitre dans lequel la disposition se trouve. Et vous voulez, contre toutes les autorités du droit, contre les princes de la science, que le parquet aurait pu poursuivre. Mais formulez donc un blâme contre le procureur général de Bavay et contre tout le parquet de Bruxelles.

Ils ont été mis en demeure de poursuivre les enrôleurs du corps mexicain, et malgré les sommations qui leur ont été faites, ils n'ont pas agi.

Et un honorable professeur en droit de l'université de Louvain viendra dire : L'article 92 subsiste et doit être appliqué dans un sens condamné par la science.

C'est là une thèse de droit audacieuse, voilà tout, mais on voudra bien admettre que ceux qui sont chargés d'appliquer la loi ne s'en préoccupent pas. M. Thonissen croit triompher en disant que l'article 92 doit s'appliquer à toutes espèces d'enrôlements parce qu'il exige l'autorisation du gouvernement, et que cette exigence fait voir qu'il ne peut s'agir d'enrôlements contre le gouvernement, puisque ce dernier n'autorisera jamais qu'on s'arme contre lui. Mais on ne soutient pas que l'article 92 ne punit que les enrôlements contre le gouvernement, il punit les enrôlements faits pour troubler la paix intérieure du pays, ou devant avoir pour résultat l'emploi illégal de la force armée. On peut très bien prévoir le cas d'amis du gouvernement enrôlant, sans autorisation, des troupes dans son intérêt pour accroître par un coup de main son pouvoir ; eh bien, de pareils faits seraient coupables.

Donc, messieurs, en ce qui concerne l'interprétation de l'article 92 du Code pénal, la droite, sauf M. Thonissen, a battu en retraite. Personne, sauf M. Thonissen, n'a trouvé qu'on dût appliquer l'article 92 du Code pénal.

M. Thonissenµ. - Je n'ai pas dit cela le moins du monde.

M. Bara.µ. - Vous avez soutenu, M. Thonissen, que l'article 92 était applicable ; si votre thèse est vraie, le parquet devait poursuivre et vous n'êtes pas maître d'arrêter ses poursuites.

Si vous aviez été ministre de la justice, vous auriez donné à votre parquet l'ordre de faire poursuivre. Et les tribunaux vous auraient repoussé.

Sur ce premier point donc il n'y a qu'une voix isolée dans la droite ; mais si ce point n'est pas admis, que reste-t-il des pétitions ? Il ne reste plus qu'un vœu de faire une loi ayant pour but de réprimer de pareils enrôlements.

Eh bien, personne ne s'est occupé de cette question. En tout cas que propose la commission ? Elle dit : Il y a, dans les pétitions, des idées utiles, des idées justes, nous demandons le renvoi à MM. les ministres de la justice et de l'intérieur, sans rien préjuger.

Je ne veux pas dire, messieurs, qu'une loi sur la matière ne soit pas nécessaire, je ne veux pas dire non plus qu'elle soit indispensable, mais je suis convaincu que la Chambre ne se prononcera pas à la légère sur une question aussi grave.

Par le renvoi demandé, les pétitionnaires ont atteint leur but, et que reste-t-il ? Il reste une discussion complètement dévoyée par les honorables MM. Coomans et Delaet, il reste une sollicitation à la Chambre de revenir sur un vote qui a eu lieu le 2 septembre.

De quoi étions-nous saisis alors ? On disait que le gouvernement était intervenu dans l'affaire du Mexique, et la Chambre, en face de la déclaration du gouvernement qu'il n'avait pas participé à cette expédition, a passé à l'ordre du jour.

Aujourd'hui, vous remettez en discussion cette décision, el qu'apportez-vous ? Fournissez vous un fait nouveau ?

M. Delaetµ. - Oui.

M. Bara. - Non ! vous n'en produisez aucun, et je vais vous prouver que vous n'avez qu'un but, c'est de faire de l'agitation, de tourmenter le gouvernement.

Maintenant que l'empereur du Mexique a perdu les sympathies de M. Coomans, l'honorable membre est peut-être disposé à mettre du libéral dans l'affaire. Quant à moi, quelle que soit la conduite de l'empereur du Mexique, je maintiens l'opinion que j'ai émise lorsque j'ai fait ma motion d'ordre. Je n'y changerai rien.

Quels sont les actes, messieurs, que vous invoquez pour faire croire à l'étranger que nous avons pris part à l'expédition du Mexique ?

Ce sont les actes qui étaient connus de la Chambre lorsque nous avons voté le 2 septembre. C'est d'abord l'autorisation donnée par le gouvernement de prendre du service à l'étranger.

J'ai déclaré que le gouvernement n'était pas, par ce fait, intervenu dans l'affaire du Mexique, et je ne suis pas, sur ce point, d'accord avec mon honorable ami, M. Guillery. Voici pourquoi :

Je trouve que l'article 21 du Code civil est injuste. Je trouve que chaque individu, en vertu de sa liberté, indépendamment des devoirs de neutralité qui incombent à la nation, doit pouvoir aller servir à l'étranger.

En posant un pareil acte, le gouvernement n'était pas en contradiction avec le refus d'accorder une exemption de droits d'entrée à quelques aunes d'étoffe ; il ne faisait que reconnaître la liberté individuelle méconnue par l'article 21 du Code civil, tandis que s'il avait accordé la franchise de droits, il aurait posé un acte en faveur de l'expédition.

En septembre, on disait ensuite que la ville d'Audenarde avait prêté ses casernes pour le logement des troupes. Ce fait était un des plus significatifs. L'ordre du jour n'en a pas moins été voté.

Qu'avez-vous donc apporté de nouveau ? Rien.

Si, le fait du jeune Crimmers. Mais c'est un fait spécial au département de la guerre. Un fait pareil peut se passer à propos de l’affaire du Mexique comme à propos de toute autre. C'est peut être une erreur. En tous cas il n'a aucun rapport avec l'expédition mexicaine, notre neutralité qu'elle engage prétendument et tous les grands principes qu'on invoque.

Je crois, messieurs, que nous devons rester conséquents avec nous-mêmes.

Que veulent nos adversaires ?

Une motion de blâme formel contre le gouvernement ; ils ne la présenteront pas, elle a déjà été repoussée. En l'absence de faits nouveaux, il doit rester établi, avéré, comme la Chambre l'a déclaré une première fois, que le gouvernement n'a point participé à l'expédition du Mexique.

Dans tous les cas y eût-il la moindre équivoque, une pareille déclaration du gouvernement, faite de bonne foi, doit nous suffire et nous n'avons aucun intérêt, surtout vis-à-vis de l'étranger, à la contester.

Nous ne pouvons, messieurs, dégager la responsabilité du parlement et engager celle du gouvernement.

Après le vote du 2 septembre et vous ne vous déjugerez pas, ce divorce entre le parlement et le gouvernement est impossible. Vous déclarez ce qui est vrai, c'est que le parlement, pas plus que le gouvernement, n'a donné son appui officiel au corps mexicain.

M. Guillery. - Messieurs, le discours prononcé par l'honorable ministre des affaires étrangères a complètement changé la face du débat.

Jusqu'à présent nous trouvions certaines contradictions dans les déclarations des ministres. Nous pouvions louer la prudence des uns et blâmer l'imprudence des autres.

Maintenant il n'est plus possible de méconnaître les sympathies du ministère pour l'expédition du Mexique. Elles ont été exprimée avec tant de chaleur et d'éloquence par l'honorable chef du cabinet, que le doute est impossible.

Entraîné par ces sympathies, l'honorable ministre a même été jusqu'à formuler indirectement un blâme contre ceux qui ne font pas partie de l'expédition. Il les a, en définitive, fort maltraités et il a fort maltraité aussi les membres de la Chambre qui, usant de leur indépendance et obéissant à leur conscience, croient devoir blâmer la conduite du gouvernement. (Interruption.)

Quoi ! l'honorable ministre s'est permis, dans cette enceinte, de diviser les membres de la Chambre en bons et mauvais patriotes...

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Mais non !

M. Guillery. - Il veut nous apprendre à nous, Belges, nés sur le sol belge, à aimer notre pays. Il a eu l'imprudence de dire : Si vous étiez bons patriotes...

Eh bien, il est de ma dignité de représentant de relever ces paroles.

(page 578) Comment ! il ne nous sera pas permis à nous, citoyens d'un pays libre, de dire notre opinion, et parce que nous voulons dégager notre responsabilité de représentants, parce que nous venons dire à l'Europe et à l'Amérique, à un peuple qui respire l'air de la liberté : Ne croyez pas que la Belgique soit complice des fautes du gouvernement ; il y a en Belgique des cœurs qui battent pour h liberté et l'indépendance des peuples et qui n'approuvent point l'intervention du gouvernement en cette affaire...

M. Bara. - Il n'est point intervenu.

M. Guillery. - M. le ministre des affaires étrangères vient, comme chef du cabinet, d'exprimer ses sympathies personnelles pour l'expédition.

Eh bien, messieurs, toutes les convictions sont respectables.

Chacun peut approuver ou désapprouver. Quant à moi, il n'entrera pas un instant dans ma pensée de dire que les ministres sont de mauvais patriotes, parce qu'ils ont agi comme ils l'ont fait.

Suivant moi, ils se sont trompés, et je veux dégager ma responsabilité !

L'honorable ministre ne s'est pas borné à faire l'éloge de l'expédition du Mexique, éloge qui m'étonne, je l'avoue, car il me semble que s'il y avait des sympathies à témoigner dans cette Chambre, au nom de la nation, ce devrait être pour le peuple libre qu'on prive de sa nationalité et non pour le despotisme clérical ou non clérical qu'on veut lui imposer. Que m'importe à moi que le chef de l'empire du Mexique porte la main sur les biens du clergé, qu'il morde, ou non, la main qui l'a protégé, qu'il soit ou non inconséquent dans son despotisme ; je ne vois en lui qu'un despote qui porte la main sur un peuple libre et à qui jamais je ne donnerai mon appui.

- Voix à droite. - Très bien !

M. Guillery. - Si donc je témoigne ici des sympathies, c'est pour les peuples, pour la sainte alliance des peuples et non pour celle des despotes.

On a été jusqu'à dire que nous faisions l'éloge de la paresse, de la nonchalance, de l'égoïsme. J'ai écrit les mots sous la dictée de l'honorable ministre. Est-ce donc là la conduite des Belges qui restent sous les drapeaux de notre armée, qui ne veulent verser leur sang que pour leur pays, qui comprennent qu'un militaire peut être amené, par les malheurs de la guerre, à toutes les horreurs, à tous les crimes qu'elle entraîne quelquefois et qui les excusent par l'amour le plus sacré, l'amour de la patrie, mais qui ne veulent pas aller verser leur sang sur une terre étrangère, au bénéfice du despotisme ?

Mes éloges, à moi, sont pour cette armée qui a droit à toutes nos sympathies, à cette armée qui reste sur le sol belge et en qui nous trouverons protection en cas de danger.

Car, croyez-le bien, pour ne pas aller chercher au Mexique les étranges lauriers qu'on leur promet, et qui consistent dans l'abandon de quelques pièces de terre à cultiver lorsqu'ils auront été soldats pendant un certain nombre d'années, ils n'en seront pas moins braves, ils ne nous en feront pas moins un rempart de leurs corps. A eux donc toutes mes sympathies, à eux tous mes éloges, à eux toutes les sympathies des citoyens belges.

Je devais prendre la parole ; si je ne l'avais pas fait il aurait semblé que ceux de nous qui ne sont pas favorables à l'expédition du Mexique, manquent de patriotisme, car, entraîné sans doute au-delà de sa pensée, M. le ministre des affaires étrangères a été jusqu'à blâmer tous ceux qui ne voulaient pas partir en guerre.

L'honorable M. Bara, prenant la parole après M. le ministre des affaires étrangères, avec une habileté à laquelle je rends hommage, nous dit : Que voulez-vous ? Prenez-vous la défense du système développé par M. Thonissen ? Mais, messieurs, je ne veux rien du tout. Il y a une question qui était soumise à la Chambre ; la discussion s'est engagée ; je suis arrivé au milieu de la discussion, et il m'a paru qu'il résultait des paroles des organes du gouvernement que, contrairement à ce qui était décidé par la Chambre, au mois de septembre, avec une grande prudence et une grande réserve, il y a eu, de la part du gouvernement, une véritable protection accordée à l'expédition du Mexique.

L'honorable ministre des affaires étrangères nous dit : La droite a témoigné des sympathies pour l'armée papale. D'accord, mais il n'en a pas témoigné, lui...

M. de Moorµ. - Si et publiquement.

M. Guillery. - L'honorable M. Rogier a fait entendre les paroles les plus bienveillantes pour ceux qui se sont engagés dans l'armée papale, mais il ne leur a pas permis de prendre du service.

M. de Moorµ. - Ils ne l’ont pas demandé.

Comment ! il ne nous sera pas permis à nous, citoyens d'un pays libre, de dire notre opinion, et parce que nous voulons dégager notre responsabilité de représentants, parce que nous venons dire à l'Europe et à l'Amérique, à un peuple qui respire l'air de la liberté : Ne croyez pas que la Belgique soit complice des fautes du gouvernement ; il y a en Belgique des cœurs qui battent pour h liberté et l'indépendance des peuples et qui n'approuvent point l'intervention di gouvernent nt en cette affaire...

M. Bara. - Il n'est point intervenu.

M. Guillery. - M. le ministre des affaires étrangères vient, comme chef du cabinet, d'exprimer ses sympathies personnelles pour l'expédition.

Eh bien, messieurs, toutes les convictions sont respectables.

Chacun peut approuver ou désapprouver. Quant à moi, il n'entrera pas un instant dans ma pensée de dire que les ministres sont de mauvais patriotes, parce qu'ils ont agi comme ils l'ont fait.

Suivant moi, ils se sont trompés, et je veux dégager ma responsabilité !

L'honorable ministre ne s'est pas borné à faire l'éloge de l'expédition du Mexique, éloge qui m'étonne, je l'avoue, car il me semble que s'il y avait des sympathies à témoigner dans cette Chambre, au nom de la nation, ce devrait être pour le peuple libre qu'on prive de sa nationalité et non pour le despotisme clérical ou non clérical qu'on veut lui imposer. Que m'importe à moi que le chef de l'empire du Mexique porte la main sur les biens du clergé, qu'il morde, ou non, la main qui l'a protégé, qu'il soit ou non inconséquent dans son despotisme ; je ne vois en lui qu'un despote qui porte la main sur un peuple libre et à qui jamais je ne donnerai mon appui.

- Voix à droite. - Très bien !

M. Guillery. - Si donc je témoigne ici des sympathies, c'est pour les peuples, pour la sainte alliance des peuples et non pour celle des despotes.

On a été jusqu'à dire que nous faisions l'éloge de la paresse, de la nonchalance, de l'égoïsme. J'ai écrit les mots sous la dictée de l'honorable ministre. Est-ce donc là la conduite des Belges qui restent sous les drapeaux de notre armée, qui ne veulent verser leur sang que pour leur pays, qui comprennent qu'un militaire peut être amené, par les malheurs de la guerre, à toutes les horreurs, à tous les crimes qu'elle entraîne quelquefois et qui les excusent par l'amour le plus sacré, l'amour de la patrie, mais qui ne veulent pas aller verser leur sang sur une terre étrangère, au bénéfice du despotisme ?

Mes éloges, à moi, sont pour cette armée qui a droit à toutes nos sympathies, à cette armée qui reste sur le sol belge et en qui nous trouverons protection en cas de danger.

Car, croyez-le bien, pour ne pas aller chercher au Mexique les étranges lauriers qu'on leur promet, et qui consistent dans l'abandon de quelques pièces de terre à cultiver lorsqu'ils auront été soldats pendant un certain nombre d'années, ils n'en seront pas moins braves, ils ne nous en feront pas moins un rempart de leurs corps. A eux donc toutes mes sympathies, à eux tous mes éloges, à eux toutes les sympathies des citoyens belges.

Je devais prendre la parole ; si je ne l'avais pas fait il aurait semblé que ceux de nous qui ne sont pas favorables à l'expédition du Mexique, manquent de patriotisme, car, entraîné sans doute au-delà de sa pensée, M. le ministre des affaires étrangères a été jusqu'à blâmer tous ceux qui ne voulaient pas partir en guerre.

L'honorable M. Bara, prenant la parole après M. le ministre des affaires étrangères, avec une habileté à laquelle je rends hommage, nous dit : Que voulez-vous ? Prenez-vous la défense du système développé par M. Thonissen ? Mais, messieurs, je ne veux rien du tout. Il y a une question qui était soumise à la Chambre ; la discussion s'est engagée ; je suis arrivé au milieu de la discussion, et il m'a paru qu'il résultait des paroles des organes du gouvernement que, contrairement à ce qui était décidé par la Chambre, au mois de septembre, avec une grande prudence et une grande réserve, il y a eu, de la part du gouvernement, une véritable protection accordée à l'expédition du Mexique.

L'honorable ministre des affaires étrangères nous dit : La droite a témoigné des sympathies pour l'armée papale. D'accord, mais il n'en a pas témoigné, lui...

M. de Moorµ. - Si et publiquement.

M. Guillery. - L'honorable M. Rogier a fait entendre les paroles les plus bienveillantes pour ceux qui se sont engagés dans l'armée papale, mais il ne leur a pas permis de prendre du service.

M. de Moorµ. - Ils ne l’ont pas demandé.

M. Guillery. - Des bancs de la gauche sont parties des critiques contre ceux qui, ne trouvant pas l'uniforme belge assez beau, allaient chercher un uniforme étranger ; j'ai applaudi à ces critiques et c'est pour cela que je persiste à critiquer l'expédition du Mexique.

Il y a, quoi qu'en pense M. Bara, un grand changement dans l'état de la question. Au mois de septembre, le gouvernement disait : Mais nous ne nous occupons pas de l'expédition du Mexique ; nous y sommes complètement étrangers. Or, aujourd'hui, il témoigne des sympathies pour elle.

MfFOµ. - Du tout.

M. Guillery. - M. Van Overloop vous a cité un fait qui établit qu'il y a eu de la part du gouvernement une véritable protection pour l'expédition du Mexique. Comment, des officiers de l'état-major de M. le ministre de la guerre président au départ de l'expédition, et on dira qu'il n'y a pas de protection ; on donne aux troupes, dans la ville d'Audenarde, des casernes dont l'administration appartient à l'autorité militaire...

M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Du tout.

M. Guillery. - La propriété en est à la ville, mais l'administration appartient à l'autorité militaire.

M. le ministre de la guerre nous dit : Je ne puis pas plus empêcher mes officiers d'assister au départ des troupes mexicaines que de faire partie de telle ou telle société. Est-ce sérieux ? Peut-on envisager de la même manière la fréquentation d'une société où l'on joue au billard, et la protection donnée à une expédition ? Et, je le demande, si les mêmes officiers avaient voulu favoriser le départ d'une légion pour la Pologne, M. le ministre de la guerre se serait-il dit : Je n'ai pas à savoir ce que font, mes officiers en dehors de leur service ; aurait-il toléré leur intervention ?

Ainsi, lorsque des officiers ont assisté au départ du corps mexicain, lorsque, du reste, par d'autres signes, par l'adjudication des fournitures destinées à ce corps, le gouvernement a témoigné de sa sympathie pour l'expédition, il viendra nous dire qu'il y est resté étranger ! Cela n'est pas possible.

M. Coomans. - Il a fourni des armes.

M. Guillery. - En le déclarant, je ne fais rien qui puisse nuire à la position que la Belgique occupe en Europe ou hors d'Europe ; au contraire, je fais en sorte que l'opinion publique, la presse, le citoyen soient attentifs à ce qui se passe, afin que les abus ne se produisent plus.

Que l'article 21 du Code civil existe ou n’existe pas, je désire que jamais le gouvernement ne favorise une expédition quelconque. S'il faut parfois tolérer des expéditions, au moins qu'on ne les encourage pas. Or, il y a eu encouragement par la circulaire aux régiments, par la présence des officiers lors du départ des troupes, par l'adjudication des fournitures faite par l'intermédiaire d'un intendant militaire belge ; il y a eu encouragement par les paroles chaleureuses prononcées dans cette enceinte.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Je demande la parole.

- Des voix. - A demain !

- D'autres voix. - Non ! non !

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). L'honorable préopinant m'a reproché mon exaltation ; j'attribue la sienne à cette circonstance qu'il a été stimulé et encouragé par les applaudissements d'une partie de la Chambre. Je comprends cette exaltation, mais ce que je ne comprends pas, c'est qu'on m'attribue un langage que je n'ai pas tenu. Je n'ai pas divisé la Chambre en bons et en mauvais patriotes ; j'aï dit, au contraire : Vous êtes patriotes.

- Voix à droite. - Non ! non !

- Voix à gauche. - Oui.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - J'ai ajouté, en me tournant vers la droite : Je ne comprends pas le but que vous poursuivez en cherchant par toutes sortes de chicanes à compromettre le gouvernement ; j'ai demandé quel était le but de cette discussion et j'ai fait appel aux sentiments de patriotisme. L'exaltation de M. Guillery a donc porté à faux.

M. Guillery. - Voici vos paroles, je les ai écrites : Si vous êtes bons patriotes...

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Eh sans doute, si vous êtes bons patriotes, vous devez applaudir. Mais cela ne veut pas dire que si vous n'applaudissez pas vous serez de mauvais patriotes. Allez-vous aussi dresser un acte d'accusation contre moi ?

Messieurs, je m'étonne vraiment de l'importance qu'on cherche à donner à cette question. Ou vient de constater avec regret, avec une sorte (page 579) d'indignation, les sympathies que nous avons montrées pour ce qu'on appelle l'expédition du Mexique,

Eh bien, ici encore l'exaltation de l'honorable député de Bruxelles a porté à faux, je n'ai point exalté l'expédition du Mexique en elle-même. (Interruption.) J'ai rendu hommage au courage, au dévouement personnel des jeunes Beiges qui allaient servir à côté de la fille de leur Roi dans une contrée lointaine.

- Voix à gauche. - C'est cela !

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - J'ai rendu hommage à leur dévouement, à leur héroïsme, et sous ce rapport les sympathies que je leur ai montrées, je les maintiens tout entières.

Eh quoi ! l'expédition du Mexique va nous compromettre dans le monde ! Mais, messieurs, de quoi s'agit il ? Qu'est-ce donc que cette armée que nous envoyons au Mexique et qui va jeter l'alarme dans les pays étrangers ?

Il y 1,200 à 1,500 Belges qui sont partis pour le Mexique ; et je voudrais bien savoir quel est l'Etat qui, avec l'ombre de raison (à moins d'y être stimulé et encouragé par les excitations de l'intérieur de la Belgique), pourrait songer à nous reprocher d'avoir favorisé le départ de 1,200 à 1,500 Belges pour un pays comme le Mexique, trois ou quatre fois grand comme la France entière ? (Interruption.)

On a cité les Etats-Unis d'Amérique qui un beau jour pourraient venir nous déclarer la guerre, parce que 1,200 à 1,500 Belges sont allés au Mexique ! Mais, messieurs, les Etats-Unis d'Amérique, - et je crois qu'on en a fait aussi un reproche au gouvernement, - ont recruté dans notre pays un grand nombre d'hommes.

M. Coomans. - Pas avec l'autorisation du gouvernement,

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Et, dès lors, je voudrais bien savoir à quel titre les Etats-Unis viendraient réclamer, si une réclamation même était possible.

Je ne dis pas qu'à la suite de débats comme ceux-ci, messieurs, empruntant les paroles sorties de la bouche de certains membres de cette assemblée, quelques membres de la représentation des Etats-Unis ne pourraient pas nous faire un grief d'avoir laissé partir ces 1,200 à 1,500Belges pour le Mexique ; mais ce dont je suis certain, c'est que si ce fait était relevé au sein des chambres américaines, d'autres voix s'élèveraient pour dire : Mais ce que vous reprochez au Mexique, vous l'avez fait vous-mêmes ; ce recrutement fait pour le Mexique, vous l'avez fait pour les Etats-Unis.

M. de Haerne. - Pour les Etats-Unis, ce sont des sociétés particulières qui s'occupent du recrutement.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Quoi ! M. de Haerne, vous aussi vous vous associez aux critiques qu'on nous adresse ; et cependant, moins que personne, vous devriez blâmer de pareilles missions.

Nous, messieurs, nous encourageons, nous applaudissons au courage des missionnaires qui vont porter au loin les bienfaits, les lumières de la religion ; Ne venez donc pas blâmer la mission mexicaine (interruption), ne venez point blâmer ceux qui vont porter ailleurs le nom de la Belgique et le libéralisme de ses institutions. (Nouvelle interruption.)

- Voix à droite. - A demain ! à demain !

- Voix à gauche : Non ! non ! continuons !

M. Bouvierµ. - Nous terminerons ce débat aujourd'hui ; vous nous avez fait perdre assez de temps déjà.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Messieurs, il n'est pas sans inconvénient d'engager de pareils débats au sein du parlement ; le rôle des gouvernements dans de pareilles questions est .souvent difficile, et cependant on ne parviendra pas à compliquer une situation très simple en elle-même par des hypothèses qui n'ont pus le moindre rapport avec la question du Mexique.

Certes, si des troupes étaient enrôlées avec la permission du gouvernement pour aller combattre dans les rangs d'une armée en guerre avec l'armée d'un Etat reconnu par nous, en paix avec nous, je conçois que là il y aurait lieu de blâmer le gouvernement ; mais en quoi et devant qui la Belgique serait-elle donc compromise par la présence de 1,200 à 1,500 Belges sur le territoire mexicain ?

- Voix à droite. - A demain !

M. Bouvierµ. - Désertez si vous le voulez ; mais nous resterons !

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Je termine, messieurs, en répétant que je n'ai voulu attaquer le patriotisme d'aucun membre de cette Chambre ; je n'ai reproché à aucun membre de cette Chambre d'encourager les mauvais sentiments et les mauvais penchants, pas plus que je ne reproche à personne de préférer la vie tranquille à la vie active, mais j'ai vanté, comme j'en avais le droit, le courage et le dévouement de nos jeunes compatriotes partis pour le Mexique.

Après cette déclaration, je maintiens tout ce que j'ai dit dans mon premier discours. - A demain !

M. le président. - La clôture est demandée.

M. Delaetµ. - Je demande la parole contre la clôture.

M. Coomans. - Je la demande aussi.

M. Thonissenµ. - Je demande à dire un seul mot pour un fait personnel.

M. le président. - La clôture est demandée.

MfFOµ. - Je demande qu'on laisse parler l'honorable M. Thonissen ; il a demandé la parole pour un fait personnel ; elle doit lui être accordée.

M. le président. - La parole est à M. Thonissen.

M. Thonissen.µ. - L'honorable M. Bara m'a attribué une intention odieuse et contre laquelle je proteste de toutes mes forces. Il a dit que j'appelais la peine capitale contre tous ceux qui ont contribué aux enrôlements d'Audenarde. (Interruption.)

- Voix à droite. - Il l'a dit.

M. Thonissenµ. - J'ai dit en commençant que je n'avais nullement l'intention de causer un embarras quelconque au gouvernement ; que je ne voulais pas blâmer le gouvernement ; que je ne voulais point parler du passé, que je ne voulais pas même, m'occuper des enrôlements d'Audenarde.

J'ai dit simplement, que, sans vouloir embarrasser le gouvernement et sans vouloir le chicaner, comme nous l'a reproché l'honorable M. Ro-ier, je ne m'occupais de la question que pour l'avenir. Est-ce la vérité, oui ou non ?

J'ai demandé ensuite au gouvernement si, dans son opinion, l'article 92 était applicable. M. le ministre de la justice m'a répondu que, à son avis, il n'était pas applicable.

J'ai répliqué que, suivant moi, l'article devrait être appliqué, mais que la peine qu'il comminait était beaucoup trop sévère, qu'elle constituait un véritable anachronisme. Voilà les paroles que j'ai prononcées.

Et l'on vient dire que moi, en présence des opinions controversées sur l'applicabilité de l'article 92 à l'espèce, je me suis levé ici pour engager M. le procureur général De Bavay à intenter une poursuite criminelle à un grand nombre de nos compatriotes.

C'est là une pensée à la fois odieuse et absurde. Je n'ai pas pu tenir un pareil langage ; j'en appelle à tous ceux dans le cœur desquels les passions politiques n'ont pas éteint le sentiment de la justice.

- La clôture est demandée.

M. Coomans (contre la clôture). - Est-ce la majorité qui demande la clôture ?

- Des membres à gauche. - Oui !

M. Coomans. - En ce cas, je ferai observer à la majorité que l'honorable M. Bara m'a posé des questions de la nature la plus grave ; il m'a demandé ce que je pensais du système de M. l'avocat Vandekerckhove et du système de M. l'avocat Bonnevie ; il m'a attribué, ainsi qu'à mon honorable ami, M. Thonissen, les intentions les plus odieuses (interruption) et les plus baroques, comme on le dit près de moi, il m'a accusé, moi partisan de l'abolition de la peine de mort ; il m'a accusé d'être venu demander ici l'application de la peine de mort contre une foule de mes compatriotes. (La clôture !)

J'ai besoin de m'expliquer là-dessus. Je dois également réfuter les étranges accusations dont M. le ministre des affaires étrangères s'est fait l'organe. Je dois prouver que si j'ai égard, grandement égard, aux nécessités de la sécurité de la Belgique, je veux aussi sauvegarder un autre grand intérêt, l'intérêt de la dignité du parlement belge...

M. le président. - M. Coomans, vous n'avez la parole que contre la clôture.

M. Coomans. - Je parle contre la clôture ; je pense que mon tour de parole doit m'être maintenu, afin que je puisse donner les explications qu'on m'a demandées et pour réfuter les odieuses accusations dont j'ai été l'objet.

Je tiens à établir que cette Chambre est froissée dans sa dignité lorsqu'on lui fait affirmer des choses notoirement inexactes, lorsqu'on lui fait nier l'intervention du gouvernement dans la formation de la légion mexicaine.

Je désire encore avoir la parole pour établir que ce n'est pas par un calcul de cléricalisme que je suis encore venu aujourd'hui saisir la Chambre de la question mexicaine, puisque c'est moi qui ai fait l'interpellation la première fois, alors que l'empereur Maximilien passait pour clérical ; alors que sur certains bancs de la gauche on m'engageait à (page 580) présenter une interpellation en termes sévères, et qu'à droite je constatais des hésitations.

- Des membres. - Aux voix ! la clôture !

M. Coomans. - Je demande que la suite du débat soit remise à demain...

- Des membres. - Non ! non ! aux voix ! la clôture !

M. Coomans. - Demain nous pourrons arriver avec des conclusions formelles qui sont dans le désir de tous et qui surtout doivent être dans le désir du gouvernement, s'il a quelque confiance dans sa thèse.

- Des membres. - M. le président, mettez donc la clôture aux voix.

M. Coomans. - Si la parole m'était refusée, après que j'avais été inscrit, je devrais en conclure que les discours accumulés de honorables MM. Bara, Rogier et Chazal n'ont été si longs que pour nous empêcher de parler.

- Des membres : Aux voix ! la clôture !

M. Delaetµ. - Je tiens à constater, avant que la clôture soit prononcée, que les doctrines que vient de professer M. Rogier constituent de véritables hérésies diplomatiques, des hérésies telles, qu'elles feraient reculer un élève attaché d'ambassade.

Messieurs, après ce que vient de nous dire l'honorable M. Rogier, et j'espère qu'il voudra bien ne se point corriger aux Annales, sa présence au banc des affaires étrangères est pour la Belgique un danger plus grand que l'expédition mexicaine ; je tiens à vous le démontrer, et c'est pourquoi je vous prie de ne point voter la clôture.

M. le président. - Les membres de la Chambre qui veulent clore la discussion sur la demande de clôture, sont priés de se lever...

Je fais maintenant la contre épreuve. Les membres de la Chambre qui ne veulent pas clore la discussion sur la demande de clôture sont priés de se lever.

Je déclare close la discussion sur la demande de clôture.

M. Delaetµ. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau un amendement.

- Des membres. - C'est trop tard.

M. Delaet. — Quand je suis venu déposer mon amendement, la clôture n'était pas prononcée ; elle ne l'est pas encore en ce moment.

M. Bouvierµ. - Pardon, il y a eu deux épreuves, et à la suite de ces deux épreuves, M. le président a prononcé la clôture de la discussion sur la demande de clôture...

M. le président. - Y a-t-il réclamation ?

- Un membre. - Oui.

M. Mullerµ. - M. le président, aux termes du règlement, vous avez mis aux voix, par assis et levé, la clôture de la discussion sur la demande de clôture, et à la suite des deux épreuves, vous avez prononcé la clôture. Quand vous avez prononcé la clôture, la clôture doit être maintenue. Le règlement doit être observé.

M. le président. - J'ai prononcé la clôture de la discussion relative à la demande de clôture. Maintenant je vais mettre la clôture aux voix par appel nominal, si on le désire. (Interruption.)

M. Wasseige. - C'est la clôture de la discussion sur la demande de clôture qu'on va mettre aux voix.

- Plusieurs membres. - Non ! non !

M. Guillery. - Le bureau a décidé et sa décision doit être maintenue. Il y a clôture de la discussion sur la demande de clôture. Vous pouvez demander l'appel nominal sur la proposition de clôture.

- La clôture est mise aux voix par appel nominal.

80 membres répondent à l'appel nominal.

44votent pour la clôture.

36 votent contre.

En conséquence la clôture est prononcée.

Ont voté pour la clôture :

MM. Crombez, de Baillet-Latour, de Bast, de Decker, de Florisone, de Macar, de Moor, de Rongé, de Smedt, Devroede, Dewandre, Dolez, Dupont, Elias, Frère-Orban, Giroul, Grosfils, Hymans, Jacquemyns, Jamar, M. Jouret, Lelièvre, Lesoinne, Lippens, Mascart, Mouton, Muller, Nélis, Pirmez, Rogier, Tesch, Valckenaere, Alp. Vandenpeereboom, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Vleminckx, Allard, Bara, Bouvier-Evenepoel, Braconier, Bricoult, Carlier et Moreau.

Ont voté contre la clôture :

MM. Coomans, Debaets, de Borchgrave, de Conninck, Delaet, Delcour, de Mérode, de Ruddere de te Lokeren, de Theux, de Woelmont, d'Hane-Steenhuyse, Dumortier, d'Ursel, Funck, Goblet, Guillery, Janssens, Le Hardy de Beaulieu, Magherman, Moncheur, Notelteirs, Nothomb, Reynaert, Schollaert, Thibaut, Thonissen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Overloop, Van Renynghe, Van Wambeke, Vermeire, Verwilghen, Vilain XIIII, Wasseige et Beeckman.

- Les conclusions de la commission, tendantes au renvoi des pétitions à MM. les ministres de la justice et de l'intérieur, sont adoptées.

M. Coomans. - Et ma proposition ?

- Plusieurs membres. - Personne n'y fait opposition.

M. Coomans. - Ainsi elle est adoptée ?

- Plusieurs membres. - Oui ! oui !

- La séance est levée à cinq heures et demie.