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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 23 février 1865

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1864-1865)

(Présidence de M. E. Vandenpeereboom.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 557) M de Florisone, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. de Moor, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

- La rédaction est approuvée.

Pièces adressées à la Chambre

M. de Florisone présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Le sieur Ad. Bourdon, employé au chemin de fer de l'Etat à Charleroi, né à Bruille (France) demande la grande naturalisation. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« Des employés des douanes à Verviers demandent que le projet de loi modifiant la législation sur les pensions civiles leur soit rendu applicable. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.


« Des habitants d’Erneuville se plaignent des formalités nombreuses dont la délivrance des permis de ports d'armes est entourée. »

M. Bouvierµ. - J'ai l'honneur de proposer à la Chambre de renvoyer cette pétition à la commission des pétitions avec prière de faire un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.


« M. Bonnevie, avocat à Bruxelles, fait hommage à la Chambre de 120 exemplaires de la pétition qu'il lui a adressée, au sujet des enrôlements pour le Mexique. »

- Distribution aux membres de la Chambre et dépôt à la bibliothèque.

« M. d'Hane-Steenhuyse, retenu à Anvers par des affaires importantes, demande un congé de quelques jours. »

- Accordé.


« M. de Kerchove, retenu chez lui par une indisposition, demande un congé de quelques jours. »

- Accordé.


« M. De Fré, retenu au lit par une indisposition subite, demande un congé. »

- Accordé.


« M. Orts, retenu chez lui par une indisposition, demande un congé. »

- Accordé.

« M. Dubois, retenu chez lui par des raisons majeures de famille, demande un congé. »

- Accordé.


Projet de loi relatif à l’interprétation des lois

Rapport de la commission

M. Pirmez. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la commission d’organisation judiciaire sur le projet de loi ayant pour objet de modifier la loi du 4 avril 1832 relative à l'interprétation des lois.

- Impression, distribution et mise à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi relatif au prêt à intérêt

Discussion générale

MfFOµ. - Messieurs, la question qui vous a principalement occupés hier et qui touche à la constitution des banques d’émission, est celle que je me propose de traiter aujourd'hui devant vous.

Je ne vous entretiendrai donc, quant à présent, ni de la disposition principale du projet de loi qui consacre la liberté du prêt à intérêt, et qui ne paraît pas, du reste, être contesté dans cette Chambre, ni même de la question spéciale que soulève l'amendement proposé à l'article 3 par la section centrale. Je me réserve, quant à ce dernier point, d’examiner les objections qui ont été présentées contre la proposition du gouvernement, lorsque nous en serons arrivés à la discussion de l'article.

Messieurs, pour bien apprécier l'importance et l'utilité des institutions connues sous le nom de banques d'émission, il n'est pas sans intérêt de rappeler certains faits qui font partie de l'histoire financière de notre pays, et qui, à mon avis, sont de nature à jeter une vive lumière sur la question qui fait l'objet du débat actuel.

Pendant plus de trente-cinq ans, nous avons vécu sous un régime de circulation libre, sauf les autorisations qui étaient nécessaires pour constituer des sociétés anonymes. Une seule compagnie considérable a été établie sous ce régime avant 1830. A partir de cette époque, diverses autres sociétés se sont formées à peu près sur les mêmes bases, et nous avons eu ainsi un certain nombre de banques d'émission.

L'autorisation de constituer de semblables établissements était d'ailleurs facilement accordée. Ces autorisations étaient obtenues avec une telle facilité, qu'on les accordait à des établissements qui n'étaient pas destinés à opérer l'escompte, et auxquels même l'escompte était interdit, mais qui faisaient, soit des placements hypothécaires, soit des placements à longs termes, soit la commandite des entreprises commerciales et industrielles. Il est même de simples particuliers qui ont usé de la faculté d'émettre des billets payables à vue et au porteur, et connus sous le nom de billets de banque.

Et cependant, sous ce régime de libre émission, sous ce régime de la pluralité des banques, qui est préconisé aujourd'hui par certaines personnes comme l'idéal qu'il faut essayer de réaliser de nouveau, sous ce régime, dis-je, la circulation n'a pas été bien considérable dans notre pays ; et, malgré cette circulation restreinte, deux fois en dix ans, il a fallu que l'Etat vînt au secours des sociétés jouissant de la faculté de l'émission.

En 1850, le cours forcé qui, sous l'influence des événements de 1848 avait été imprimé aux billets de banque, avec la garantie de l'Etat n'avait pas encore cessé d'exister. Les établissements en possession de l'émission ne se trouvaient pas en mesure, même après deux années de cours forcé, de reprendre les payements en espèce.

C'est alors, messieurs, que je formai le projet de créer une institution établie sur les véritables bases qui, selon moi, doivent assurer la solide existence d'une banque d'émission.

Les compagnies qui existaient à cette époque ne réunissaient pas les conditions essentielles d'un établissement de cette nature. Elles formaient ce qu'on a nommé depuis, en copiant les statuts de la Société Générale de véritables crédits mobiliers. Car, vous le savez, les crédits mobiliers, qui sont si répandus aujourd'hui en Europe, ont en réalité pour bases de leur organisation les statuts mêmes de la Société Générale. Les établissements auxquels je fais allusion opéraient principalement des placements ou immobilisés ou à longs termes. L'escompte n'était que l'accessoire de leurs opérations et partant, leur circulation, comme nous le démontrerons plus tard, ne pouvait être suffisamment garantie.

La combinaison qui fut soumise aux Chambres à cette époque, a eu la très rare fortune de réunir l'unanimité dans cette enceinte et au sénat, à une ou deux voix près ; et, immédiatement après la constitution de la Banque Nationale, le payement en espèces des billets a pu être repris. La circulation fiduciaire s'est aussitôt développée de la manière la plus merveilleuse, et le pays s'est trouvé doté d'un établissement financier capable d'inspirer au public une confiance absolue et qui, je crois pouvoir le dire, a aidé puissamment à féconder toutes les sources du travail national. Jusqu'à présent, messieurs, cette institution n'a rendu que des services : elle n'a causé aucun embarras au pays.

Dès lors, la Société Générale et la Banque de Belgique, dégagées du fardeau de l'émission, qui pesait sur leurs opérations bien plus qu'elle n'y aidait, rendues à leur véritable mission et trouvant elles-mêmes dans la Banque Nationale un appui, un concours toujours empressé, ont pu rendre et ont rendu également d'immenses services à l'industrie du pays.

Les espérances les plus vastes que l'on avait pu concevoir sur les résultats possibles de l'institution de la Banque Nationale ont été, et de beaucoup, dépassées. Avant l'institution de la Banque, nous avions une circulation fiduciaire qui pouvait s'élever à peu près de 20 à 25 millions. En peu de temps, la circulation de la Banque Nationale a atteint jusqu’au chiffre de 120 millions de francs.

Il importe, messieurs, de se bien pénétrer du but que l'on a voulu atteindre en fondant cette institution. La Banque Nationale est un établissement public chargé de la fabrication et de l'émission de la monnaie de banque ; et, pour garantir cette monnaie de banque, ne pouvant se livrer qu'à une opération exclusive, ou à peu près exclusive, c'est-à-dire à l'escompte d'effets de commerce ayant une cause réelle, revêtus de plusieurs signatures solides, et présentant ainsi une sécurité presque absolue.

(page 558) Donc, messieurs, la fabrication de la monnaie de banque et, comme moyen de garantir cette fabrication, comme moyen de soutenir, de maintenir l’émission, l’escompte du papier de commerce dans les conditions que je viens d’indiquer, tel est le but essentiel et fondamental de l’institution.

La Banque doit, en outre, rassembler autant que possible les agents monétaires pour les rendre actifs sans forme de capital, au lieu de les laisser disséminés et improductifs dans les caisses des négociants et des banquiers ; car, lorsqu’ils y sont sans forme de monnaie, ces agents monétaires y sont en effet absolument stériles.

Le trésor concourt à faire atteindre à la Banque Nationale ce but si important, si désirable. Nous avons, en effet, constitué la Banque en caissier de l'Etat. A ce titre, elle reçoit et fait valoir, dans l'intérêt public, dans l'intérêt du commerce et de l'industrie, qui est l’intérêt général du pays, les fonds provenant de l'impôt et qui ne trouvent pas immédiatement leur emploi dans les mains du gouvernement. Ces fonds seraient également improductifs et stériles dans les caisses de l'Etat ; ce serait une valeur absolument perdue pour le pays. La Banque, au contraire, en remettant dans la circulation ces agents monétaires, les utilise pour féconder la production, et l’on peut dire qu’une certaine fraction de l’impôt est ainsi restitué aux contribuables, sous la forme d’un service rendu au commerce et à l’industrie.

Ainsi, d'une part, la fabrication et l'émission de la monnaie de banque ; d'autre part, l’emploi des réserves métalliques, le tout rendu possible au moyen d’opérations d’escompte ne présentant que des chances de pertes presque insignifiantes, tel est l’ensemble de l’établissement financer que vous avez institué par la loi du 5 mai 1850, avec la garantie d’un capital qui doit être aussi restreint que possible, et uniquement en proportion des risques que la banque peut courir dans les opérations en vue desquelles elle a été créée.

Le caractère essentiel d’une pareille institution est donc, je ne puis trop le répéter, l’émission de la monnaie de banque. L’utilité de cette fonction pour le pays, messieurs, est beaucoup plus grande qu’il ne paraît au premier abord. En général on ne se rend pas exactement compte des services incontestables que la Banque rend d’une manière générale par l’émission de la monnaie fiduciaire. On ne voit qu’une chose : l’escompte des effets de commerce, et c’est à cet escompte que l’on s’attache particulièrement pour caractériser le service rendu. Mais l’institution a bien un autre effet et une autre portée.

Grâce à elle, le public peut disposer d'une manière productive d'un capital énorme, qu'il serait obligé d'employer comme monnaie si la Banque n’existait pas. Grâce à la sécurité et à la confiance qu'elle inspire, elle peut mettre en circulation pour une valeur de 110 à 120 millions de billets faisant absolument fonction de monnaie réelle, et, par ce fait même, le public retire de la circulation, si l'on déduit la somme qui doit être tenue en réserve pour les besoins journaliers, environ 80 millions d’espèces métalliques, qu’il peut employer, non plus comme agents monétaires, forme sous laquelle ces espèces ne produisent rien, mais sous forme de capital, c'est-à-dire comme agents de production.

En d'autres termes, la monnaie sert comme instrument d'échanges, comme véhicule des transactions. Eh bien, à un véhicule qui est d’or pur, d'or massif, on substitue, par le fait de l'institution de la banque, un véhicule de papier qui ne coûte pour ainsi dire rien, et qui sert exactement à rendre les mêmes services que les métaux précieux.

Il ne faut donc pas voir seulement, dans l’institution de la Banque, les bénéfices que retirent les actionnaires. C'est voir les choses par leur côté étroit ; au point de vue des intérêt généraux, c’est là une question très secondaire. Ce qu'il faut considérer surtout et avant tout, ce sont les grands services que la Banque rend au pays, et sur lesquels j'attire toute votre attention.

C’est en ces, messieurs, que la monnaie de banque est une admirable invention. Mais pour tirer tout le parti possible de cet utile agent, qui, substitué à la monnaie métallique, est une source d'économie incalculable, qui permet de faire beaucoup plus d'affaires, et beaucoup plus rapidement, qu'avec les métaux précieux, pour en tirer, dis-je, tout le parti possible, tout le bien qu'il peut produire, il faut que l'institution qui l’émet présente la garantie la plus absolue, qu’elle puisse inspirer une confiance sans bornes et qu'elle soit pour ainsi dire infaillible.

Pour qu'elle présente toutes ces conditions de sécurité, le champ de ses opérations doit être circonscrit de la manière la plus précise ; et si j'avais à faire de nouveau la loi sur la Banque, bien que cette loi restreigne plus peut-être qu'aucune autre les opérations permises en général aux banques d'émission, j’en exclurais encore quelques-unes que la loi de 1850 a autorisées.

Ainsi, je n'admettrais pas le prêt sur fonds publics, quoique, en réalité, ce soit là une affaire très secondaire, très accessoire. Je réduirais absolument et exclusivement les opérations de la Banque à l'escompte de papier commercial solidement garanti, et au commerce des matières d'or et d'argent, conséquence naturelle de l'établissement d’une semblable institution.

Les ressources d'une banque doivent donc, je le répète, être pour ainsi dire exclusivement employées à l'escompte.

Quelles sont les ressources dont la Banque dispose pour cet objet ?

C’est, d'abord, l'émission, c’est la monnaie de banque qu'elle met en circulation.

C’est ensuite les dépôts qu'elle peut recevoir en compte courant. Elle place ses valeurs contre des effets de commerce couverts de plusieurs signatures ; elle a également un capital appliqué aux mêmes fins ; mais ce capital n'est là que pour servir de garantie contre les pertes éventuelles qu'elle pourrait subir. La Banque accroît cette garantie d'une réserve. L'émission et le dépôt en comptes courants constituent des obligations immédiatement exigibles, ce sont des obligations payable, à vue ; ayant pris l’engagement de payer à vue les billets qu'elle met en circulation et les dépôts qui lui sont faits, la Banque doit nécessairement se prémunir contre les demandes de remboursement en espèces. De là, la nécessité d'une réserve métallique.

Quant à l'importance de la réserve, notre loi de 1830 ne statue pas ; on s'est réservé de fixer dans les statuts la quotité d'espèces métalliques que la Banque, doit conserver pour pouvoir aisément répondre de ses engagements en attendant qu'elle ait pu encaisser son portefeuille. Car vous remarquerez que toute l'opération à laquelle elle se livre, consiste en ceci : émettre un billet à vue contre un billet payable à terme. Si le billet à terme vient à échoir sans qu'on réclame le montant du billet émis à vue par la Banque, il ne peut se produire aucune difficulté. Si l'échange des billets de banque est, au contraire, réclamé, comme il faut un certain temps pour opérer le remboursement, la banque peut y faire face par les échéances successives de son portefeuille, et, par conséquent, la fraction du capital en espèces peut être assez limitée, sans crainte d'ébranler la confiance du public.

C'est à cet égard qu'une critique a été adressée à la Banque par un des membres qui se sont fait entendre dans la séance d’hier. Il a blâmé la disposition qui se trouve, non pas dans la loi, mais dans les statuts, et qui fait flotter entre 1/3 et 1/4 le montant de la réserve métallique que la Banque est obligée d'avoir toujours disponible.

Cette quotité est essentiellement variable, cela est vrai ; elle dépend des habitudes d'un pays et notamment du degré de confiance qu'il a dans le papier de banque ; elle dépend des circonstances ; elle dépend surtout de l'importance de la circulation fiduciaire et, en outre, à un très haut degré, de la nature même de la circulation métallique.

Vous comprenez, en effet, que chacun de ces éléments doit influer singulièrement sur la nécessité d'une réserve plus ou moins considérable. Si les habitudes du pays sont telles que l'emploi du métal est souvent requis, l'échange sera rapide ; donc la réserve devra être plus forte. Si la confiance dans le papier n'est pas absolue, les détenteurs se présenteront volontiers à la Banque pour réclamer le remboursement des billets qu'ils auront acceptés.

Si la circulation est d'or, au lieu d'être d'argent, alors encore, une influence sera exercée d'une manière notable sur l’encaisse ; on paye en effet beaucoup plus rapidement eu or qu'en argent ; et la circulation étant d'or au lieu d'être argent, a encore cet effet de restreindre d'une manière notable et préjudiciable aux intérêts généraux, la circulation de la monnaie fiduciaire. En effet, dans un pays où la circulation est d'argent, on emploiera de préférence la plus grande somme possible de billets de banque, pour ne pas se servir de pièces de cinq francs, qui sont difficiles à porter, que l'on ne peut même plus porter quand il s'agit de quantités un peu notables, tandis que, lorsque la circulation est d'or, on trouve beaucoup plus de monnaies dans les caisses des banquiers, des commerçants et je dirai même dans les poches des particuliers.

Ainsi, qu'avons-nous constaté, sous l'influence du changement qui s'est opéré dans notre circulation métallique ? Nous avons vu se produire une réaction sur la circulation de la monnaie de banque, qui, de 120 millions qu'elle atteignait moyennement, est descendue à 110 millions : dix millions d'or ont pris dans la circulation la place qu'y occupaient dix millions en papier.

M. Dumortier. - Vingt-six millions ; il y avait 136 millions de monnaie de papier.

MfFOµ. - Non ; c'est là un chiffre maximum ; il faut prendre des chiffres moyens. Au surplus, votre observation ne fait que fortifier mon argumentation.

(page 559) Je rappelle qu'à l'époque où nous discutions cette question de la monnaie d'or, j'ai averti que, bien probablement, le changement que nous allions introduire dans notre circulation aurait pour conséquence de rendre le taux de l'escompte beaucoup plus variable qu'auparavant.

Je tombe donc d’accord, messieurs, que, théoriquement, on peut critiquer, on peut condamner même la disposition des statuts qui a fixé du tiers au quart le montant de l'encaisse destinée à couvrir la circulation.

Vous le savez, messieurs, en France, on n'a pas jugé nécessaire d'imposer à la Banque l'obligation d'avoir en caisse une somme déterminée. On a laissé à la prudence de l'administration le soin de juger ce qu'elle doit faire suivant les circonstances.

Eu Angleterre, au contraire, il y a une limite légale : au-delà de 14 millions sterling, c'est à-dire au-delà de 350 millions de francs, toute émission doit être représentée par une égale valeur en or. On a supposé que les besoins du pays exigeaient une circulation moyenne de 14 millions sterling en billets, et que dès lors la Banque pourrait toujours émettre impunément 350 millions en papier sans avoir un penny dans ses caisses pour en répondre ; mais que, dès qu'on devait dépasser cette somme, il y avait nécessité de faire couvrir l'excédant par son équivalait en or.

En Hollande, on n'a pas inséré dans la loi, non plus que dans les statuts, une limite à cet égard. Mais, par la loi, ou a abandonné à un arrêté royal la fixation du montant de la réserve.

Cependant, si je concède que, théoriquement, on pouvait admettre un autre mode que celui qui a été adopté dans la réalité, je crois que l'on ne devrait pas descendre au-dessous de la proportion qui a été fixée. Si j'étais appelé à déterminer quel doit être, dans l'état des faits actuels, eu égard à l'ensemble des éléments qui s'appliquent à notre circulation de monnaie de banque, le montant de la réserve métallique, je maintiendrais la quotité fixée dans les statuts ; je ne descendrais pas au-dessous du quart, surtout aujourd'hui, en présence de la circulation de l'or.

Vous le voyez donc, messieurs, à ce point de vue, la question n'a réellement pas d'importance sérieuse.

On a critiqué dans l'institution de la Banque un second point : c'est l'emploi de la réserve en fonds publics. Ce capital, dit-on, employé à l'escompte, serait plus utile au commerce. Eh bien, je le dis franchement, quoique ayant soumis, en 1850, cette imposition à la Chambre, je crois que ce que l'on indique vaudrait mieux que ce qui a été fait, et je ne verrais pas de difficulté à convertir en espèces la réserve qui est aujourd'hui en fonds publics, pour la laisser toujours à la disposition du commerce. Mais la mesure est prise ; elle fait partie de la loi ; le contrat avec les actionnaires a été passé dans ces conditions-là, et aucune modification ne saurait y être apportée quant à présent.

Cependant, si je suis d'accord à cet égard avec ceux qui formulent cette critique, ce n'est pas que je pense que l'on puisse obtenir par ce moyen un bien grand résultat ; je crois que, certaines circonstances étant donnés, on pourrait avoir tout au plus un petit résultat. Par exemple, si, dans un moment où l'escompte s'élève, on pouvait disposer sans forme d'espèces des 10 millions qui sont constitués en fonds publics, et que possède la banque, on ajournerait certainement de quelques jours l'élévation du taux de l'escompte.

Mais supposez qu'aujourd'hui on transforme la réserve qui est en fonds publics en un capital disponible pour la Banque ; qu'adviendrait-il ? A peu près rien ; l'effet serait pour ainsi dire nul ; cette transformation n'influerait que très accidentellement et momentanément l'escompte, si tant est qu’elle exercerait une influence quelconque ; le taux de l’escompte s'élèverait soumis à la loi immuable, qu'il ne faut jamais oublier en ces matières, celle de l'offre et de la demande ; le taux de l’escompte serait toujours déterminé par la rareté et l’abondance des capitaux.

Que se produirait-il, d'ailleurs, si la Banque vendait ses fonds publics pour les convertir en espèces ? Voici le résultat vraisemblable d'une pareille mesure : La transformation de la réserve étant résolue, quelques particuliers, ayant des fonds déposés chez les banquiers et attendant un emploi, s'empresseraient de prendre les fonds offerts par la Banque. Et alors les banquiers privés de ces 10 millions qu'ils avaient à leur disposition du chef de ces dépôts, porteront à la Banque une quantité égale d'effets de leurs portefeuilles, et retrouveront ainsi les 10 millions qui leur avaient été confiés. Voilà l'opération qui se ferait probablement. On n'aurait donc fait que déplacer des capitaux. Or, déplacer des capitaux ce n'est assurément pas en créer.

Messieurs, c'est la même erreur qui conduit certaines personnes à conseiller d’accumuler, par tous les moyens, les dépôts dans les banques. L'expérience a prouvé qu'une telle mesure, bien loin d'être utile, est au contraire très funeste et va directement à l'encontre du but que l'on veut atteindre.

Aussi, je considère comme une règle essentielle en cette matière de n'admettre, pour une Banque de circulation, que des dépôts sans intérêt, et de repousser absolument les dépôts pour lesquels on payerait un intérêt quelconque.

Pourquoi ce principe, qui est bon, qui est vrai, a-t-il été généralement adopté ? C’est que la faculté de payer un intérêt sur les dépôts, n'aurait d'autre effet que de compromettre la circulation de la monnaie de banque. Je sais bien que, dans les derniers temps, ce principe a été attaqué. On a représenté le payement d'un intérêt sur les dépôts comme un moyen de fournir au commerce des capitaux à bas prix. Mais je dis que nul ne peut rien contre la nature des choses, et que nul n'a la puissance de fabriquer des capitaux, si ce n'est par le travail ou par l’épargne. Or attirer les capitaux pour les appliquer plus spécialement à l'escompte, c'est évidemment les faire manquer ailleurs. Encore une fois, ce n'est pas accroître les capitaux, c'est purement et simplement les déplacer. Ils seront plus abondants pour l'escompte, je le veux bien ; mais, d'un autre côté, quels seront les résultats d'une pareille mesure ? Que la banque d’émission soit privilégiée ; qu'il y ait une seule banque ou qu'il y en ait plusieurs, dans l'un comme dans l'autre cas, avec des inconvénients plus ou moins graves, ces fonds seront mal employés, car ils serviront à des opérations qui détruiront la sécurité que doit inspirer la monnaie de banque.

Chercher en effet à concentrer, par les moyens les plus puissants, les capitaux dans une banque de circulation, c'est la mettre dans l'indispensable nécessité d'en rechercher l'emploi ; cette nécessité sera d'autant plus impérieuse que, dans le système que je combats, elle serait obligée de bonifier un intérêt. Et alors, au lieu d'aider le commerce pour des causes réelles, la banque, sous le couvert d'effets résultant d'opérations simulées, fera en réalité des avances au commerce ; elle fournira des capitaux à ceux qui en manquent ; de nombreux engagements seront pris à terme, et le jour où ces engagements devront être réalisés, personne ne sera en mesure d'y satisfaire. Dans ce moment, tout le monde sera à la recherche de la chose unique que tout le monde voudra posséder, et qui manquera partout, c'est-à-dire le vrai capital, le seul capital dont on aurait dû disposer.

Que des établissements autres qu'une banque d'émission, qui n'ont pas à répondre de la circulation fiduciaire, que des établissements d'un autre genre fassent des opérations de cette nature, qu’ils appellent les capitaux qui ne doivent être employés que dans un terme plus ou moins long, et rémunèrent le dépôt de ces capitaux, soit. Dans ces conditions, je crois qu'une pareille opération, loin d'exposer à des dangers, présente, au contraire, un grand avantage pour le pays.

Mais lorsque les banques de circulation ont commis, et cela est arrivé dans divers pays, l'imprudence de se lancer dans de pareilles voies, à quoi ont-elles abouti fatalement ? A la suspension des payements en espèces. Toujours, lorsqu'elles avaient dévié de cette règle salutaire qui leur commande de se borner à l'émission de la monnaie eh banque et à l'emploi des réserves métalliques, les banques ont compromis la sécurité de la circulation, toujours elles ont provoqué de grandes crises financières.

Une banque d'émission ne doit pas faire le plus d'escompte possible s elle ne doit pas tfaire de l'escompte à tout prix. Elle ne doit faire de l'escompte que dans la mesure de son émission et des comptes courants sans intérêts qui lui sont confiés. Elle ne doit couvrir ses opérations que par un capital aussi restreint que possible, strictement limité à l'importance de ces opérations.

Car, messieurs, il ne faut pas l'oublier, le but essentiel, la raison d'être d'une banque de cette nature, c'est l'émission de la monnaie fiduciaire et l’emploi des réserves métalliques.

L'émission de la monnaie fiduciaire, pour permettre au public d'employé, comme capital une quantité plus ou moins notable de métal, agent onéreux comme monnaie.

L'emploi des réserves métalliques, pour faire tourner au profit de la production les fonds qui sont en caisse chez tous les industriels et tous les négociants, et qui sont alors une charge pour la production. Versées à la banque, ces réserves métalliques, et ce sont celles-là surtout qu'il faut attirer, ne doivent pas produire d'intérêt, pas plus qu'elles n'en produiraient, si elles continuaient à former l'encaisse de ceux qui les détiennent.

Et pourtant, messieurs, qu'on veuille bien le remarquer, elles ne seront pas données gratuitement à la Banque, bien loin de là. La Banque, en effet, devient alors la caisse commune de tous ceux qui y (page 560) opèrent des dépôts. Elle fait pour eux l'office de caissier ; elle prend la responsabilité de la garde des métaux ; elle opère pour eux leurs payements sans frais ; et ainsi se forme, avec bénéfice pour tous, pour l'ensemble, pour la communauté, pour la généralité des habitants d'un pays, ce système de virement qui dispense de l'emploi onéreux des métaux dans le règlement des comptes.

A cet égard, messieurs, la Banque n'a pas fait, selon moi, tout ce qu'elle pouvait et tout ce qu'elle devait faire, malgré mes conseils et mes avis plus d'une fois répétés, elle n'a créé, dans aucune de ses agences, à l'exception d'Anvers, un service de comptes courants.

A défaut de cette organisation, les banquiers et les négociants de toutes les localités, à l'exception d'Anvers et de Bruxelles, sont privés des nombreux avantages dont jouissent les négociants de ces deux villes. Si le système des comptes courants était établi partout, négociants et banquiers seraient débarrassés du soin, qui est quelque chose de très lourd, de compter, de vérifier les recettes et les payements. Ils pourraient faire verser à leur compte, dans toutes les agences de la Banque, des sommes quelconques, et s'en faire créditer sans frais. Ils seraient enfin déchargés de la garde de leurs capitaux.

C'est là, messieurs, que l'on peut réellement trouver des ressources considérables. La réunion et la concentration des réserves métalliques pour les appliquer à l'escompte, accroîtraient, dans une proportion notable, la somme des capitaux aujourd'hui disponibles.

Ce qu'il faut attirer à la Banque, ce ne sont donc pas les capitaux de placement, ce sont, je le répète, des réserves métalliques, celles qui restent inactives dans les caisses, qui y sont improductives, et qui pourraient être facilement utilisées, si l'on arrivait à généraliser les comptes courants. Car imaginez un instant par la pensée, que tous, habitants du pays, nous soyons dépositaires à la Banque des réserves que nous possédons, et qu'au lieu de nous servir respectivement de notre argent pour acquitter nos achats, pour solder nos dépenses, nous fassions des dispositions sur la Banque, que nous opérions, par des virements, la liquidation de nos comptes respectifs. Quelle est la somme énorme qu'on ne trouverait pas ainsi pour la mettre à la disposition du commerce ?

Quelle est, messieurs, la nature des réserves métalliques de cette espèce ? Elle est tout autre que celle des capitaux de placement. S'il s'agit de capitaux de placement, et si les propriétaires de ces capitaux en trouvent un emploi plus avantageux qu'à la Banque, ces fonds prendront cette direction, et ils déserteront la Banque ; tandis que les simples réserves métalliques seront maintenues à la Banque, au moins dans une large mesure, quelles que soient les circonstances, et viendront ainsi, dans les moments les plus difficiles, au secours de l'industrie et du commerce.

Je ne puis donc trop recommander à la Banque, et je le fais encore une fois du haut de cette tribune, d'employer tous les moyens pour attirer à elles ces réserves métalliques, d'organiser partout le système des comptes courants tel que je viens de l'indiquer. Et ainsi, messieurs, l'on écartera facilement l’idée très surannée de vouloir attirer des capitaux à la Banque à l'aide d'une rémunération.

Dans les derniers temps, je le sais, cela a été signalé comme une sorte de panacée infaillible. On a écrit beaucoup pour préconiser ce système. Le salut, aux yeux de quelques-uns, est d'appeler les capitaux à la Banque à un intérêt déterminé. Sous des formes diverses, cette idée s'est produite ; là sous le nom de billet-chèque, là sous le nom de billet à rentes ; hier chez nous sous le titre de réescompte ; car, au fond, c'est une seule et même idée. Il s'agit, dans l'une et dans l'autre hypothèse, de véritables comptes courants à intérêts. On comprendra sans peine, par exemple, que le réescompte dont on a tant parlé n'est qu'une complication parfaitement inutile du système des comptes courants. On dit : Nous irons à la Banque demander du papier à 1 p. c. au-dessous du taux de l'escompte, avec la faculté de représenter plus tard ce papier à la Banque, qui ne pourra le refuser, attendu qu'il portera sa signature, et nous pourrons ainsi retirer nos fonds. Mais à quoi bon cette complication ? L'opération se résume tout simplement en un compte courant payable à vue ; ce n'est pas autre chose.

Or, au mois de juin dernier, la même idée a été préconisée dans les journaux français sous une autre formule : on recommandait le billet-chèque. Il était destiné, disait-on, à permettre d'élever l'intérêt servi en compte à la banque au niveau de celui de la banque même, sauf un écart invariable de 1 p. c. « Alors, continuait-on, chacun devenant indirectement escompteur, où était la rareté apparente du numéraire succèderait rapidement l'abondance réelle. » Au lieu de cet escompte indirect, c'est l'escompte direct, avec le même écart de l p. c, dont on nous parle aujourd'hui.

Au fond, c'est donc toujours absolument la même idée ; et, à mon sens, d'après les considérations que j'ai fait valoir tantôt, c'est une idée fort pernicieuse, car c'est le compte-courant à la banque, avec intérêt dont j'ai fait voir les inconvénients et le danger.

Mais, messieurs, cette idée est encore beaucoup plus ancienne qu'on ne pourrait le supposer par ce que je viens de dire. Elle a été examinée et discutée dans cette Chambre même, lorsque j'ai proposé d'instituer la Banque Nationale en 1850, et vous allez voir que je parle de cette idée avec un grand désintéressement.

Le projet portait l'interdiction pour la Banque d'emprunter. L’honorable M. Vermeire proposa, par amendement, non seulement, d'empêcher la Banque d'emprunter, mais de lui interdire de payer des intérêts sur les sommes déposées. Frappé de cette idée que la Banque pouvait être sous le coup de demandes de restitutions immédiates pour les dépôts qui lui auraient été confiés, et faisant une distinction, qui est d'ailleurs juridique, entre l'emprunt et le dépôt, je combattis l'amendement de l'honorable M. Vermeire ; non pas que je fusse d'avis que, d'une manière normale et permanente, les dépôts de cette nature pussent produire intérêt, mais parce que je voulais réserver, en vue de certaines éventualités, la faculté pour la Banque de payer des intérêts sur les sommes déposées, afin d'obtenir un terme.

Je demandai donc à la Chambre que la question ne fût pas résolue par la loi, me réservant de la résoudre par les statuts. Eh bien, à cette époque, la Chambre, convaincue par les raisons données par d'honorables membres très compétents, par M. de Brouckere, par M. Cans, par M. Vermeire et par d'autres encore, la Chambre, dis-je, faisant droit à ma demande ne rejeta la proposition de M. Vermeire qu'à la majorité de 33 voix contre 30. Ayant de nouveau mûrement réfléchi, je n'ai pas inséré dans les statuts de la Banque la faculté de payer des intérêts sur les fonds déposés. Par conséquent, la question a été examinée et discutée, elle a été jugée, et la Banque n'a pas le pouvoir de payer des intérêts sur les dépôts qui lui sont confiés.

Maintenant, messieurs, si nous avons réussi à bien préciser le but essentiel d'une institution qui a pour mission de fabriquer de la monnaie de banque, nous aurons, par cela même, démontré les avantages de l'unité en cette matière.

Certes, messieurs, cette unité n'est pas indispensable ; on peut parfaitement concevoir, et cela existe au surplus, on peut parfaitement concevoir plusieurs institutions fabriquant de la monnaie de banque, ayant le droit d'émission ; on peut parfaitement concevoir plusieurs de ces institutions dans un même pays. Cette pluralité peut exister selon les conditions politiques et économiques d'une nation. Cela peut se justifier, par exemple, pour un pays dont les différentes parties se trouvent dans des conditions très différentes, comme le royaume de la Grande-Bretagne ; en effet, l'Angleterre diffère de l'Ecosse et de l'Irlande, l'Ecosse diffère de l'Irlande et de l'Angleterre.

Les conditions économiques ne sont pas les mêmes sur chaque point du territoire. Pour en citer un exemple, le billet au-dessous de 5 liv. serait considéré comme une calamité par l'opinion publique en Angleterre, tandis que le billet de 5 liv. est trouvé indispensable en Ecosse. Que des institutions différentes existent dans un pays ainsi constitué, je l'admets certainement. Mais, en général, je suis porté à croire que l'on n'obtiendra pas, par l'existence simultanée de plusieurs banques, toute la puissance que peut donner un établissement unique pour la fabrication de la monnaie de banque.

Ici, messieurs, où les habitudes locales sont partout les mêmes, où les faits économiques se produisent tous de la même façon, la nécessité de l'unité en matière d'émission de billets de banque me paraît se démontrer d'une manière invincible. Je le répète, on peut concevoir la multiplicité et la variété ; mais, selon moi, il est hors de doute que l'on n'obtiendrait pas avec la multiplicité et la variété, avec ce que l'on nomme la liberté de l'émission, la plus grande utilité possible, et que cette plus grande utilité ne peut être obtenue que par la puissance de l'unité.

Deux choses, messieurs, peuvent résulter de l'absence d'unité, en d'autres termes, de la concurrence ; ou bien, par la défiance générale il y aura peu ou point de circulation fiduciaire, et partant il y aura un dommage très considérable pour la société ; une merveilleuse invention se trouvera ainsi comme anéantie et paralysée dans ses moyens les plus efficaces. Ou bien, au contraire, il y aura confiance générale, et, en ce cas, il y aura un péril constant, un péril imminent pour la sécurité des (page 561) affaires. Les crises devront fatalement se succéder et les ruines s'amonceler.

Qu'on y prenne garde, messieurs, ce n'est pas une chose indifférente que la circulation ; c'est une affaire vraiment sociale. La circulation ne peut pas être impunément troublée. Imaginez, je vous prie, ce que devient un pays, - et nous pouvons contrôler les faits que je considère en ce moment comme imaginaires, par ce qui s'est passé en vingt circonstances différentes dans divers pays ; - imaginez, dis-je, un instant que, par la confiance générale, à raison de la sage constitution des banques, de l'abondance de leurs capitaux, de leur bonne administration pendant un certain nombre d'années, la circulation de la monnaie fiduciaire soit devenue extrêmement considérable, qu'elle soit acceptée par tout le monde, n'inspirant aucune espèce de doute à personne. Mais un jour, une catastrophe éclate ; les banques suspendent leurs payements, les billets ne sont plus acceptés. Voyez quel trouble se produit immédiatement dans toutes les affaires ! Quel péril pour un pays ! Ce péril est tellement grave que vous voyez, que vous avez toujours vu et que vous verrez toujours intervenir l'Etat ; les pouvoirs publics s'efforceront nécessairement, obligatoirement, d'atténuer les souffrances dues à une situation aussi dangereuse.

En d'autres termes, ce serait pour les affaires un trouble pareil à celui qui se produirait, si, par exemple, le service des chemins de fer venait à être tout à coup suspendu. Représentez-vous ce qui en résulterait pour le pays !

L'instrument de la circulation n'est pas seulement, messieurs, une affaire légale ; c'est une affaire d'assentiment public. Les peuples ont passé par une foule d'instruments, avant d'arriver aux métaux précieux. Lorsque le fait de l'emploi des métaux précieux comme monnaie a été constaté, alors seulement le législateur est intervenu. Et comment est-il intervenu ? Il a frappé de la monnaie ; il en a vérifié le titre et les poids.

La monnaie de banque, messieurs, invention nouvelle, substitut de la monnaie métallique, acceptée comme celle-ci, libératoire exactement comme elle, remplissant absolument les mêmes fonctions, est nécessairement dans le domaine du législateur. Il est incontestable que le législateur doit également vérifier le titre et la valeur de cette monnaie fiduciaire.

Je ne puis donc pas admettre, pour ma part, ce que l'on a qualifié de principe de la liberté de l'émission.

Dira-t-on que tout particulier, que toute espèce de société anonyme, quelle que soit la nature de l'institution, quel que soit l'objet qu'elle se propose de réaliser, qu'il s'agisse d'un chemin de fer, d'une banque hypothécaire, d'établissements qui immobilisent ou emploient des capitaux à long terme, dira-t-on que tous ont la faculté, le droit d'émettre de cette monnaie fiduciaire ? Mais s'il en était ainsi, messieurs, et en supposant que la mesure fût évidemment plus efficace, que la confiance existât, vous arriveriez à des catastrophes.

Aussi, messieurs, en face de ce danger, toujours et partout, et souvent après avoir fait de funestes expériences, le législateur a dû intervenir.

On nous disait hier, messieurs, parce que l'on pressentait bien les inconvénients d'un pareil système : « Soit, tout le monde pourra émettre de ces billets de banque ; mais à une condition : c'est qu'on écrira sur ces billets qu'ils ne sont point reçus au trésor. Mais la Banque Nationale continuera de subsister dans ses conditions actuelles ; elle aura également la faculté d'émission ; ses billets seront reçus au trésor, et elle aura, en outre, la caisse de l'Etat. »

Ne nous payons point de mots, messieurs ; il est évident que nous n'avons là que l'étiquette de la liberté. Des billets se trouvant dans de pareilles conditions ne seront acceptés par personne ; ils n'auront qu'un seul effet peut-être, c'est de nuire à la circulation parfaitement garantie, à celle qui se trouve dans les meilleures conditions possibles.

Un pareil système au surplus ne resterait pas longtemps en pratique. Qu'arriverait-il s'il était proclamé ? On s'écrierait bientôt : Ou recevez tous les billets au trésor, ou ne les recevez de personne ; point de privilège !

On irait plus loin, messieurs ; on dirait : Comment ! vous confiez votre caisse à cet établissement, vous y laissez des millions dont il peut faire emploi et tirer profit, et nous autres, qui avons la liberté de faire de la circulation, nous serions tenus de subir la concurrence dans de pareilles conditions ! C'est impossible !

Alors, messieurs, la circulation fiduciaire disparaîtrait, la Banque Nationale serait virtuellement supprimée.

D'où il suit, messieurs, que l'institution devrait disparaître dans son ensemble, qu'elle devrait même cesser d’être le caissier de l'Etat.

Je crois qu'en cette matière, on est malheureusement trop frappé d'une chose. Quand on aperçoit une banque d'émission qui donne de grands profits à ses actionnaires, on se demande invinciblement, malgré soi : pourquoi cet avantage ne serait-il pas partagé ?

Eh bien, messieurs, en raisonnant ainsi, on ne voit, comme je le disais tantôt, que le petit côté des choses : les bénéfices faits par les actionnaires d'une banque, que je voudrais d'ailleurs voir beaucoup moins élevés, qui peuvent être très justement et très légitimement réduits, et qui, lors du renouvellement de la banque, seront nécessairement réduits, on ne voit, dis-je, que ce très petit côté des choses ; car, en définitive, quand on aura partagé, tout le monde n'aura pas encore la jouissance des mêmes avantages, et il n'y aura que quelques privilégiés de plus, si privilège il y a. Mais on néglige le grand côté, le côté véritablement social de la question, la circulation, qui ne peut pas être impunément délaissée. Les pouvoirs publics auront beau vouloir s'abstenir dans cette question ; ils seront amenés forcément à intervenir dès que la circulation sera troublée.

On décore, je le sais, ce système des mots de liberté des banques, de liberté de l'émission. Ces mots sont très séduisants ; mais si j'ai eu le bonheur de me faire comprendre par l'assemblée, si j'ai bien montré ce qu'est la monnaie de banque, si j'ai bien montré les services qu'en retire la masse du public, la généralité des citoyens.

Vous me comprendrez également, messieurs, quand je me demanderai pourquoi, lorsqu'on réclame cette liberté, - si tant est qu'il s'agisse ici de liberté - pourquoi on ne réclame pas en même temps la liberté des poids et mesures, la liberté de la livre et de l'aune ?

Qu'est ce que vous dites quand vous parlez de billets qui seront jetés sur la place par tout le monde ? Vous dites : le public sera juge ; il vérifiera, il examinera ; c'est à lui de se défendre et de se protéger.

Eh bien, il en est de même pour la livre et pour l'aune. Laissez le public se protéger, laisser les arranger aussi comme il voudra pour la question des monnaies. On lui présentera n'importe quoi comme monnaie ; qu'il vérifie. A quoi bon me forcer à faire estampiller le métal que j'ai ? Je veux disposer de mon métal comme je l'entends. Je traiterai avec des particuliers, et ceux qui ne voudront pas recevoir mon métal ne le recevront pas.

Eh bien, ce que vous reconnaissez sans doute comme inadmissible, ce qui serait retourner à la barbarie en matière de monnaie...

M. Pirmez. - Mais la liberté de la monnaie existe. Chacun peut battre monnaie au titre légal.

M. Coomans. - Nous avons la liberté de la monnaie, mais pas la liberté de contrefaire la monnaie de l'Etat ce qui est tout autre chose.

MfFOµ. - Vous n'avez pas la liberté dont je vous parle.

Je dis que ce ne serait pas là un progrès, mais tout au contraire un recul vers la barbarie.

La liberté, comme vous l'entendez, consisterait à supprimer l'intervention de l'Etat et à laisser les particuliers s'arranger comme ils le voudraient en ce qui touche les poids, les mesures, la monnaie.

L'instrument des échanges a une telle importance pour les opérations d'un pays, il a une telle influence sur sa prospérité, sur le développement des affaires ou sur leur ruine, que jamais, quoi qu'on fasse, on ne le verra abandonné à la libre disposition des particuliers.

- Une voix. - C'est évident.

MfFOµ. - En Suisse, aux Etats-Unis, la liberté de l'émission existe, et qu'elle y fonctionne à la satisfaction générale.

Je ne sais pas si la liberté de l'émission existe en Suisse ; je ne le crois pas. A la vérité, comme c'est un pays divisé en un assez grand nombre de petites souverainetés, on y trouve des banques établies dans certains cantons. Il y a actuellement, si je suis bien renseigné, dix-huit banques en Suisse, et de ces dix-huit banques, onze au moins sont des banques cantonales, c'est-à-dire des banques constituées avec la participation plus ou moins directe de l'Etat, qui n'admettrait certainement pas la concurrence. Mais il y a plus : c'est que la Suisse nous offre une preuve à l'appui d'une idée que j'énonçais dans le cours de cette discussion. Que vous disais-je ? qu'avec la pluralité des banques vous pourriez arriver, suivant les dispositions des esprits, suivant les habitudes des populations, (page 562) soit à n'avoir pas de circulation, soit à avoir l'abus de la circulation. En Suisse, il n'y a pour ainsi dire pas de circulation fiduciaire. La Suisse, qui compte 2 1/2 millions d'habitants, a une circulation qui ne s'élève pas en tout à 14 millions de francs, tandis que la Belgique, avec une population de moins de 5 millions d'âmes, arrive à une circulation de 110 à 120 millions de francs.

Il me resterait, messieurs, à m'occuper maintenant des Etats-Unis ; mais j'avoue qu'après vous avoir occupés si longtemps, je me sens un peu fatigué, et obligé d'interrompre cette discussion. Je suis arrivé d'ailleurs à un point que je pourrai reprendre lorsque les idées que j'ai exprimées auront été combattues. Je pourrai alors démontrer à la Chambre, pièces à l'appui (car pour m'éclaircir sur cette question des banques, sur la liberté des banques, que je voyais affirmée dans tant de livres, j'ai fait venir les documents du pays même), je pourrai démontrer à la Chambre que cette prétendue liberté n'existe pas aux Etats-Unis.

M. Dumortier. - Mon intention était d'examiner le projet de loi qui nous est soumis ; mais depuis deux jours ou ne s'occupe que de la Banque Nationale ; nous nous livrons plutôt à une discussion à propos du projet qu'à la discussion du projet lui-même.

MpVµ. - Nous sommes dans la discussion générale.

M. Dumortier. - Nous devrions y être, mais nous n'y sommes pas.

M. Bouvierµ. - Cette discussion est très utile.

M. Dumortier. - Je reconnais qu'elle aura de l'utilité, quand ce ne serait que de démontrer que l'encaisse de la Banque n'est pas suffisant pour le cas de crise, alors surtout que le pays serait, comme l'ont dit MM. Pirmez et Frère, exposé à garantir 120 millions.

Peut-être vaudrait-il mieux laisser la discussion continuer sur le terrain où elle a été placée, mais si vous vous voulez que je dise quelques mots...

- Des voix. - Parlez, parlez.

M. Dumortier. - Je n'aime pas les discussions à bâtons rompus. Depuis deux jours, nous parlons à côté du projet... (Interruption.) Le projet est relatif à l'abaissement de l'intérêt, et au lieu de nous occuper de l'abaissement de l'intérêt, d'examiner si le projet en discussion vaut mieux que la loi de 1807, nous nous lançons dans des considérations excessivement intéressantes, je le reconnais, sur l'institution de la Banque Nationale. Je dirai donc quelques mois, mais vous me permettrez de me réserver la faculté de parler plus tard sur le projet même.

Messieurs, lors de la création de la Banque Nationale, il existait en Belgique deux grandes sociétés qui avaient la faculté d'émettre des billets de banque, c'étaient la Société Générale et la Banque de Belgique. (Interruption.)

- Une voix. - Et la Banque de Flandre et la Banque de Liège.

M. Dumortier. - Ce n'étaient que des banques locales et elles étaient peu importantes. Une fois la Banque Nationale instituée, ces deux sociétés se sont vu retirer le privilège dont elles jouissaient d'émettre des billets de banque ; il en a été de même de la Banque de Flandre. La Banque Liégeoise seule est restée en possession de ce privilège. La loi de 1850 a donné a la Banque Nationale le privilège d'émettre seule des billets de banque ; elle la investie de la mission de caissier de l'Etat, ce qui lui procurait un double bénéfice : le premier, d'avoir dans sa caisse les fonds de l'Etat à sa disposition ; le second de pouvoir émettre des billets de banque dans toutes les localités principales de la Belgique.

Quelle était la situation des esprits lorsque nous avons créé la Banque Nationale ? Je dois le dire et ceux qui siégeaient alors dans cette enceinte se le rappelleront ; on était effrayé de l'obligation où l'on s'était trouvé en 1848 de donner cours forcé et garantie aux billets de banque. Avant la révolution de février en France, l'émission de billets en Belgique ne s'élevait guère au-delà de 20 millions de francs ; 20 millions suffisaient aux besoins du pays.

Dans le cours des événements, cette émission a dû être augmentée pour faire face à des services publics, et au dernier moment l'émission des billets de banque à cours forcé, s'élevait à peu près à 50 millions. Eh bien, ce que la Chambre voulait avant tout et ce qu'elle désirait par dessus tout, c'était non seulement de retirer le cours forcé qu'elle avait été obligée de donner aux billets de banque, mais surtout de faire disparaître cette exubérance de billets qui avait doublé et au-delà la circulation en papier.

Lorsque le gouvernement présenta son projet, M. Frère disait lui-même que le maximum d'émission des billets n'aurait pas pu dépasser le chiffre de 50 millions.

MfFOµ. - Je n'ai pas dit cela.

M. Dumortier. - Oh ! ne le contestez pas, car j'ai sous les yeux vos propres paroles. Voici ce que vous avez dit dans votre exposé des motifs ; et ceci, messieurs, est un des côtés les plus sérieux du débat.

« L'émission à cours forcé ne s'est guère élevée qu'à 50 millions de francs ; en supposant, et c'est là sans doute une limite extrême...

MfFOµ. - C'est une supposition.

M. Dumortier. - Oui, mais vous ajoutiez que c'était là une limite extrême.

Je reprends. « En supposant, disait M. le ministre des finances, que l'on puisse maintenir en circulation des billets convertibles pour une somme égale ou même un peu supérieure, le capital de 15 millions fixé pour que la Banque puisse commencer ses opérations, suffirait déjà, d'après les opinions les moins contestables, à garantir le public contre toute espèce d'éventualités. »

MfFOµ. - Avec la réserve de 35 millions.

M. Dumortier. - Permettez-moi donc d'achever. « Mais la garantie ne s'élève pas à 15 millions ; elle s'élèvera jusqu'à 25 millions.

Quelle était donc la base sur laquelle nous constituions la Banque ? C'était d'abord sur la supposition que jamais la limite extrême de l'émission possible des billets de banque n'aurait excédé 50 millions de francs ; et c'était ensuite sur cette autre supposition que la Banque aurait eu dans ses caisses des capitaux disponibles et en numéraire, s'élevant au tiers au moins du capital émis en papier.

Est-ce là que nous en sommes aujourd'hui ?

M. Bouvierµ. - Trouvez-vous des inconvénients à cette émission ?

M. Dumortier. - Laissez-moi donc continuer ; je ne puis pas passer au-dessus de toute la Chambre pour arriver jusqu'à l'honorable M. Bouvier.

Je le disais donc, messieurs, un tiers du capital émis, propriété de la Banque, devait être en écus dans ses caisses pour représenter la valeur des billets en circulation. Eh bien, en sommes-nous là aujourd'hui ?

La Banque a une émission en papier d'environ 120 millions, et elle n'a dans ses caisses, pour y faire face, que 25 millions en numéraire ; soit un cinquième seulement de son émission au lieu du tiers qu'elle est tenue d'avoir en caisse.

Eh bien, messieurs, je vous le demande, est-ce là une situation normale, une situation tranquillisante pour l'avenir, alors surtout que l'honorable M. Pirmez et M. le ministre des finances viennent nous dire qu'en cas de crise les pouvoirs publics devraient intervenir pour garantir les billets en circulation ?

Je n'admets pas cet étrange principe, mais le jour où vous donneriez, dans ce petit pays, cours forcé à 120 millions de billets de banque, pouvez-vous garantir que ces billets ne subiraient pas une perte de 50 p. c. comme on le voit en Amérique ?

Vous aurez beau me vanter les services de la monnaie de papier ; cela ne me touche nullement en présence des dangers qui peuvent en résulter dans certaines circonstances données.

Et puis, messieurs, s'il est vrai que la monnaie-papier offre tant d'avantages, pourquoi n’avez-vous accordé qu'à la banque Nationale seule le droit d’en émettre ? Pourquoi ne l’accordez-vous pas également à la Société Générale et à la Banque de Belgique ? Evidemment, si c'est là le grand but que vous avez eu en vue, il fallait étendre les moyens de l'atteindre ; car il est incontestable que si trois établissements financiers avaient eu la faculté d’émettre des billets, vous auriez eu trois encaisses au lieu d'un pour garantir l'émission, tandis que maintenait vous n'en avez qu'un seul et encore n'est-il que du cinquième des billets émis en circulation au lieu d'être du tiers.

Mais, il y a, me direz-vous, l'encaisse de l'Etat. Quoi ! messieurs, l'encaisse de l'Etat sert à garantir l'émission des billets de la Banque ! Mais, messieurs, ceci est dune gravité excessive, car en cas de crise, ce serait une déclaration de guerre formelle de la Banque contre le trésor de l’Etat.

Supposons qu'une guerre européenne éclate et qu'elle soit de nature telle que la Belgique, comme garantie de son existence politique, doive prendre des mesures qui l’obligent à disposer de toutes ses ressources ; que resterait-il à la Banque pour faire face à sa circulation fiduciaire précisément au moment où l'on viendrait en demander le remboursement ?

Je dis, messieurs, que c'est un danger imminent pour le pays en présence des catastrophes qui peuvent survenir. Certes, aussi longtemps que (page 563) régnera la paix et la tranquillité, on pourra continuer sans inconvénient à marcher dans cette voie. On s'endort aisément en naviguant sur le fleuve d’Oubli ; mais vienne le jour de la tempête, et la barque chavire pour n'avoir pas été préparée à la soutenir,

Cette situation est grave, messieurs, et je ne connais rien de plus dangereux pour l’avenir de la nationalité, pour l'existence de la patrie, que ce système qui consiste à donner à une banque le monopole de l’émission du papier sans exiger d'elle des garanties sérieuses de payement en toutes circonstances.

Vous avez entendu tout à l'heure M. le ministre des finances lui-même nous dire qu'en Angleterre la Banque ne pouvait pas émettre pour plus de 350 millions de francs de billets sans que le surplus eût sa représentation métallique dans les caves de la Banque.

Ici, au contraire, tout est abandonné à la Banque, et c'est ainsi qu'au lieu de 50 millions qu'on regardait d'abord comme une limite extrême, on est arrivé, avant d'avoir donné cours légal à l'or français, à une émission de 136 millions dont le cinquième à peine est représenté en numéraire.

Je dis, messieurs, que ce n'est pas ainsi que doit agir un gouvernement sage, prudent et doué de la sagacité qui discerne et de la perspicacité qui voit loin, qualités qu'il doit nécessairement posséder pour n'être point pris au dépourvu par les moindres éventualités. Pour ma part, je suis heureux d'avoir eu l'occasion une fois de plus de m'en expliquer devant cette Chambre.

Je pense qu'il est indispensable que le gouvernement prenne des mesures pour que la Banque, en présence d’une émission de papier aussi considérable et aussi dispropoitionnée à notre petit pays, ait au moins dans ses caisses la représentation ea numéraire du tiers de nos émissions fiduciaires.

Il y a cinq ans à peine qu'une crise financière énorme a éclaté en Amérique et fait ressentir ses effets dans toute l'Europe. Eh bien, quel a été alors le langage tenu par M. Lincoln, nouvellement élu président, dans son message aux Chambres des Etats-Unis ?

Il déclarait que le motif de la crise qui venait d'avoir lieu, c'était que les réserves métalliques des banques n'étaient pas suffisantes pour couvrir le tiers des émissions en papier.

Chez nous, à part les fonds qui appartiennent au trésor public, la Banque Nationale n'a dans ses caisses, en numéraire, comme valeur représentative des billets qu'elle a émis, que le cinquième du montant de ces billets. J'ignore même si cette valeur représentative est entièrement en numéraire et disponible ou si, dans l'intérêt de la Banque, les 25 millions qui forment son capital ne se trouvent pas, en partie, en action, ou en fonds publics.

La Banque cherche à réaliser les plus grands bénéfices possibles ; elle ne voit que son intérêt ; elle cherche à amener des bénéfices et ne voit pas autre chose.

Pour mon compte, je serais désireux de savoir quelle est en effet la somme disponible en écus dans les caisses de la Banque Nationale pour couvrir l'émission de 120 millions de papier.

Je dis qu'il est du devoir du gouvernement de prendre des mesures pour qu'un tiers de la circulation du papier soit toujours, au minimum, en numéraire dans les caisses de la Banque, afin que l'Etat, dans un moment de crise, ne soit pas forcé, pour préserver le pays d'une catastrophe épouvantable, de garantir une émission qui n'a été faite que dans l'intérêt de la Banque et de ceux qui en profitent.

MpVµ. - La parole est à M. Jamar.

M. Jamar. - J'y renonce.

MpVµ. - Quelqu'un demande-t-il encore la parole dans la discussion générale ?

M. Dumortier. - Puisque personne ne demande la parole, je prierai la Chambre de me permettre de dire maintenant quelques mots sur le projet de loi lui-même.

Les objections que je viens de présenter m'ont été suggérées par le débat ; ce n'était pas là le but pour lequel je m'étais fait inscrire ; mon but était tout autre : je voulais me borner à examiner succinctement le projet de loi. C'est ce que je vais faire.

L'article premier du projet est le renversement de la loi de 1807 qui régit la matière financière dans notre pays. D'après la loi de 1807, le taux de l'intérêt est fixé d’une manière égale pour tous. Le projet de loi, au contraire, tend à établir deux systèmes, un système d'intérêt légal et un système d'intérêt conventionnel.

Pour l'intérêt légal, il est fixé par l'article 2 du projet de loi ; pour l'intérêt conventionnel, il ne l’est pas ; toute liberté est laissée à cet égard aux contractants par l'article premier.

Depuis le commencement du débat, on a beaucoup parlé en faveur du prêteur ; permettez-nous messieurs, de dire quelques mots en faveur de l'emprunteur.

Ma nature m'a toujours porté à prendre la défense des petits contre les grands. Les gens de banque qui sont de gros personnages, savent toujours très bien faire leurs affaires ; je vais plaider un peu la cause des petits preneurs.

Or, je me demande si la disposition contenue dans l'article premier du projet de loi est réclamée par une situation politique quelconque. Cette situation politique, je ne la vois point. La Belgique, au moyen du régime financier sous lequel elle vite existe, a traversé toutes les crises avec beaucoup de bonheur. Cela tient d'abord à la Banque Nationale, je me plais à lui rendre hommage en ce point ; cela tient encore et surtout à la sagesse du peuple belge qui ne se livre pas à des opérations hasardeuses, qui ne fait généralement que des affaires à coup sûr et chez qui, dès lors, les crises sévissent d'une manière beaucoup moins considérable que les pays où cet esprit de sagesse dans les affaires n'existe pas.

Nous avons donc traversé toutes les crises sans inconvénient. Examinant le projet de loi en discussion, nous voyons en effet qu'en Belgique, de 1851 à 1863, le taux de l'intérêt a été soit de 3 p. c. et une fraction, soit de 4 p. c, soit de 4 p. c. et une fraction. Or, si dans ce long espace de temps, le taux de l'intérêt ne s'est jamais élevé a la Banque Nationale, au taux légal de 6 p. c., quel besoin avons-nous de venir déclarer par la loi que le taux de l'intérêt conventionnel est déterminé librement par les parties contractantes, c'est-à-dire que les emprunteurs seront à la discrétion des prêteurs.

Messieurs, si le pays s'était trouvé dans des positions exceptionnelles, si on était venu dire qu'à telle époque le pays n'a pu marcher avec le taux légal de 6 p. c, je serais le premier à dire qu'il y a nécessité de voter l'article premier du projet de loi ; je m'inclinerais devant les faits ; mais encore une fois, cette situation exceptionnelle n'existe pas, elle n'a jamais existé.

La Belgique a traversé tontes les époques de crise sans que jamais l'intérêt de l'argent ait été élevé au taux légal de 6 p. c, sans même, qu'il ait été à 5 p. c. Dès lors, quelle nécessité y a-t-il de consacrer la liberté absolue, illimitée, pour la fixation de l'intérêt conventionnel ? Ce qui signifie en d'autres termes que vous mettez l'emprunteur entre les mains du prêteur.

Messieurs, la question de l'intérêt de l'argent est tout à fait comparable à celle de la monnaie. L'honorable M. Frère disait tout à l'heure avec infiniment de raison, selon moi, que la monnaie est un objet d'intérêt général, et qu'on ne peut songer à donner aux particuliers la faculté de fabriquer de la monnaie. De même que la loi a le devoir de fixer les conditions de la représentation de la valeur qu'a la monnaie, de même la loi a le devoir de déterminer l'intérêt auquel cette monnaie peut s'émettre.

Si la Belgique était composée exclusivement de banquiers, de marchands d'argent, je comprendrais cette disposition ; les banquiers qui sont en rapport avec l'étranger, peuvent se trouver dans des situations où il leur soit très avantageux de pouvoir fixer à leur guise le taux de l'intérêt conventionnel.

Mais, messieurs, ce n'est là qu'une petite exception. Le taux de l'intérêt a toujours été fixé par la loi en Belgique ; les emprunteurs et les prêteurs s'en sont constamment bien trouvés.

Quels sont généralement les emprunteurs en Belgique ?

Ce sont les petits cultivateurs qui désirent augmenter un peu leur culture et achètent un bout de terre dans ce but.

Ce sont ensuite les petits commerçants, les petits fabricants, les petits industriels qui veulent donner un peu plus d'extension à leurs affaires, au moyen d'un petit capital qu'ils empruntent. Ici ce ne sont plus des opérations de banque, ce sont des opérations de prêt à intérêt qui rentrent entièrement dans l'article premier du projet de loi que nous sommes appelés à voter.

Eh bien, quelle est la situation ? Savez-vous que déjà aujourd'hui 6 p. c. d'intérêt à payer sur un emprunt constituent pour l'emprunteur un chiffre très onéreux et très difficile à recouvrer ! Or, quelle sera la conséquence de votre loi ? C'est que les petits emprunteurs, du jour où vous l'aurez votée, ne trouveront plus à emprunter qu'à 6, à 8 et à 10 p. c. Et alors vout aurez fait l'affaire des richards, mais vous aurez nui considérablement aux petits, aux hommes les plus dignes de votre sollicitude, à ceux que la loi doit protéger, parce qu'ils n'ont que la loi pour les défendre

Je pense donc que c'est une mesure très funeste au pays que de ne pas limiter l'intérêt de l'argent, que de déclarer l'intérêt conventionnel libre.

(page 564) Aujourd'hui les petits cultivateurs vont trouver un notaire ; ils peuvent emprunter à 4, à 5 p. c. Mais le jour où vous aurez inscrit dans la loi qu'on peut prêter a tout prix, savez-vous ce que vous aurez créé ? Vous aurez créé l'obligation de demander davantage et de payer davantage. Votre loi sera une loi en faveur des usuriers. Or, si l'on prête à des taux plus élevés qu'aujourd'hui, il est évident que les petits particuliers qui cherchent à s'élever, ne le pourront plus, et ce sera vous qui les aurez amenés à cette position en les mettant dans l’impossibilité de se procurer des capitaux à bon marché. Le capital à bon marché est la source de toute prospérité nationale, la source de la fortune, de la prospérité de toutes les petites familles, et le jour où vous aurez permis d'élever à volonté le taux de l'intérêt, le capital à bon marché cessera d'exister.

Vous comparez la Belgique à l'Angleterre. Mais est-ce qu'on compare un mouton à un cheval ? L'Angleterre regorge de capitaux, elle est assise sur l'or d'une extrémité du pays à l'autre ; les capitaux y abondent tellement, que l'intérêt y descend à 2 et 2 1/2 p. c. Et vous voulez établir une comparaison entre ce pays et la Belgique ? Cela n'est pas possible ; c'est le cas de dire : Omnis comparatio claudicat. Une seule maison en Angleterre fait souvent plus d'affaires que tout le commerce analogue de la Belgique. Les capitaux en Belgique sont suffisants, mais ils ne se trouvent pas partout et il faut, lorsque vous faites une loi pareille, tenir compte de la situation des divers pays.

Messieurs, à toutes les époques, tous les gouvernements sages se sont élevés contre l'usure, qui est un des maux les plus funestes à la prospérité et au bien-être des populations.

Eh bien la loi que vous êtes appelés à voter, savez-vous quel sera son nom dans le pays ? Ce sera la loi de l'usure. Voilà la loi que vous aurez faite. Et l'on appelle cela de la liberté ! Mais c'est la liberté de mettre la main dans la poche des autres, et cette liberté-là, je n'en veux pas.

Messieurs, ayons égard à la situation des emprunteurs et si nous y avons égard, nous repousserons l'article premier, qui serait fatal à tous les petits industriels, à tous les petits cultivateurs, à quiconque veut s'élever, parce que cet article aurait pour résultat inévitable d'élever le taux de l'intérêt au-delà de ce qu'ils pourraient gagner pour payer ces intérêts et pour nourrir leur famille.

Tous ceux qui se sont occupés d'industrie sont là pour le dire, au-delà du chiffre de 6 p. c., il n'est plus possible, sauf dans des circonstances tout exceptionnelles, de faire un emploi avantageux des capitaux que l'on emprunte et d'arriver à prospérer. Ce chiffre a été fixé en raison du sentiment des besoins de l'humanité, Aujourd'hui vous marchez dans une voie qui n'a donné lieu à aucune réclamation. Nulle part les populations ne se plaignent de l'état de choses qui existe ; aucune pétition ne vous est arrivée de la part des populations pour demander un changement à la situation actuelle. Les seules personnes qui peuvent réclamer un changement, ce sont celles qui veulent retirer davantage de l'argent qu'elles prêtent. Eh bien, celle- là m'inspirent peu d'intérêt.

Autrefois, l'usure était un crime, elle était regardée par tous comme une mauvaise et détestable action ; et par votre loi l'usure sera un bienfait pour la société, l'usurier sera devenu de par la loi un grand homme, sans doute parce qu'elle enrichira quelques hommes aux dépens des classes moyennes. C'est pourquoi je ne voterai pas l'article premier.

M. Notelteirs. - Je ne viens pas combattre la liberté du taux des intérêts ni parler du prêt commercial ni des banques ; je veux présenter quelques observations sur le prêt à intérêt civil, surtout sur le prêt hypothécaire.

Le grand mal, à mon avis, n'est pas tant dans l'élévation du taux d'un intérêt une fois payé, comme c'est l'ordinaire dans le prêt commercial ; le grand mal réside dans la durée d'un long terme stipulé au profit du créancier, et auquel celui-ci tient naturellement d'autant plus que les intérêts sont plus élevés et que l'obligation est mieux garantie par une bonne hypothèque.

De tous temps les jurisconsultes et les législateurs ont favorisé, et à juste titre, la libération du débiteur et le dégrèvement de ses biens. Je dis à juste titre, car une dette de longue durée, irrachetable pendant un long terme, productive d'intérêts élevés, est une espèce d'asservissement de la personne du débiteur et de ses biens, nuisible au bien général de la société et qu'il importe de limiter autant que le permettent les justes égards dus au droit du créancier.

Pour preuve de ce que je viens d'avancer, je demande à la Chambre la permission de citer quelques passages du commentaire du prêt par Troplong.

Avant d'en donner lecture, et pour plus de clarté, je dois d'abord faire remarquer que si les citations de l'auteur ne parlent que de la rente, c'est que jusqu'à la fin du siècle dernier le simple prêt à intérêt était interdit par la loi civile. Pour légitimer les intérêts, la loi exigeait l'aliénation du capital, de là le contrat de rente.

L'on distinguait deux espèces de rentes : la rente constituée, ayant pour cause une somme mobilière. Celle-ci était toujours rachetable.

La rente foncière ayant diverses causes, et spécialement la cession d'immeubles, n'était pas essentiellement rachetable, elle était en quelque sorte considérée comme une espèce de copropriété, comme un démembrement, elle grevait plutôt le bien que la personne du débiteur, et ce dernier pouvait communément s'affranchir en abandonnant le bien grevé.

Voici maintenant les citations de Troplong, chapitre III, n°434 à 440 :

« 434. Si, d'une part, le capital de la rente est toujours inexigible, de l'autre, il doit toujours être au pouvoir du débiteur de le rembourser. Il faut qu'il puisse se libérer « toutes fois et quantes », pour me servir du vieux style, en rendant au créancier le prix qu'il en a reçu. C'est une faculté de rachat inhérente à la vente d'une rente constituée, faculté qui existe de droit et sans stipulation, et qui, comme le dit Coquille, est de l'essence de ce contrat.

« II paraît que, dans le très ancien droit français, les rentes constituées n'étaient pas rachetables. Cet usage était contraire au droit pratiqué dans l'Allemagne et dont l'existence est attestée par les requêtes adressées aux papes Martin V et Calixte III. Mais, par sa bulle de 1570, Pie V ordonna qu'à l'avenir les rentes constituées pourraient toujours être rachetées, et l'ancien droit changea en France à la réformation des coutumes. Loysel fit de la faculté perpétuelle de rachat des rentes une des règles de ses instituts coutumiers : elle était d'ordre public. Ce droit du créancier s'appela droit de rachat ou droit de franchissement. En Normandie et en Bretagne, on dit encore aujourd'hui : « franchir la rente », c'est à-dire la racheter.

« 435. Cette faculté de rachat n'est limitée de droit par aucun temps ; elle ne tombe jamais en péremption.

« 436. Car, remarquons-le, c'est une pure faculté. Le débiteur ne peut pas être contraint au rachat ; le rachat n'est pas pour lui « in obligatione ». Son obligation est de payer les arrérages. Le rachat n'est qu’« in facultate luitionis ».

« 437. Dans l'ancien droit français, cette faculté de rachat était placée si haut, que l'on regardait comme nulles toutes les clauses qui tendaient à la gêner en quelque façon que ce fût. Ainsi, Pothier repoussait les conventions par lesquelles on aurait stipulé que le débiteur ne pourrait racheter la rente qu'en indiquant au créancier un autre bon emploi des deniers du rachat, ou bien qu'après avoir averti le créancier six mois auparavant, afin que ce dernier eût le temps de trouver une collocation. Pothier critique un arrêt du parlement de Grenoble, rapporté par Basset, qui avait pensé que cette dernière clause devait produire effet.

« Aujourd'hui nous sommes moins rigoureux. L'article 1911 autorise formellement cette stipulation que le parlement de Grenoble avait approuvée, au grand regret de Pothier.

« Et non seulement le contrat peut porter la clause que le remboursement ne pourra se faire qu'autant que le créancier a été averti d'avance, mais on peut aller jusqu'à convenir que le débiteur ne pourra pas rembourser avant dix ans.

« 438. Mais au-delà de dix ans il n'est plus permis d'enchaîner la liberté du débiteur. Toute condition qui tendrait à empêcher le remboursement pendant plus de dix ans serait réduite à ce maximum invariablement donné par la loi. (Arg. de l'article 1060 du Code civil.)

« Ni la faveur du prêteur qui, par exemple, pendant sa minorité aurait besoin d'une collocation stable, ni des raisons de convenance puisées dans un autre ordre de circonstances, ne pourraient faire fléchir cette règle. C'est assez d'avoir gêné pendant dix ans la liberté du débiteur.

« 439. Il n'en est pas tout à fait de même de la rente foncière, où par la disposition expresse de l'article 530 du Code civil, on peut interdire au débiteur de rembourser avant trente ans.

« 440. Que devrait-on décider si la convention portait que la rente ne serait rachetable en aucun temps ?

« D'après Pothier, il n'en fallait pas davantage pour annuler le contrat. Si le débiteur, placé sous l'empire de cette condition, avait payé des arrérages, il pouvait les imputer sur le capital ; rien de sérieux n'était censé avoir été fait entre lui et son créancier.

« Pothier voulait qu'on ne laissât subsister le contrat, tout en le modifiant, qu'autant que la liberté de rembourser était gênée ; mais si elle était supprimée entièrement, il le déclarait nul, supposant qu'il cachait un prêt à intérêt, et que l'usure y avait dressé ses pièges.

(page 565) « Nous n'admettons plus aujourd'hui cette rigueur excessive. Il n'y aurait de nul que la clause, et le débiteur aurait de plein droit la liberté de franchir la rente après dix ans. L'article 530 du Code civil offre, pour le décider ainsi, un argument d'analogie irrécusable. »

Vous le voyez, messieurs, l'ancien droit repoussait avec énergie l'asservissement durable du débiteur et de ses biens, au capital, et le législateur de l'époque de 1789 comme du Code, tout en légitimant le prêt à intérêt simple, fut dominé par l'idée large, juste et sage de favoriser la libération du débiteur et de ses biens ; c'est ainsi que non seulement il maintint la rachetabilité de la rente constituée ; mais allant plus loin que l'ancienne législation, il déclare également rachetable la rente foncière et toutes prestations annuelles perpétuelles quelconques, et ce, malgré toute stipulation contraire.

Je me demande en conséquence si, par amour pour la liberté absolue du prêt à intérêt, nous devons abandonner ces idées larges, justes et sages qui favorisent les libérations ? Devons-nous permettre sous forme de prêt ce qui est défendu sous forme de rente ? Car, remarquez-le, si le terme du remboursement, stipulé au profit du préteur, n'est pas limité par la loi, celui-ci pourra stipuler que son capital ne sera remboursé qu'après cinquante ans, cent ans et plus, ce qui équivaudra à la résurrection des rentes irrachetables dont la condamnation a eu des effets si salutaires pour la liberté des biens.

Voici le texte de l'article 1911 du Code civil relatif aux rentes constituées.

« La rente constituée en perpétuel est essentiellement rachetable.

« Les parties peuvent seulement convenir que le rachat ne sera pas fait avant un délai qui ne pourra excéder dix ans, ou sans avoir averti le créancier, au terme d'avance qu'elles auront déterminé. »

Ou bien la limite établie par cet article n'est pas applicable à la faculté de rembourser le capital prêté, et dans ce cas il y aurait, à mon avis, dans le Code une anomalie qu'il faut faire disparaître.

Ou bien la limite est applicable au prêt, par analogie, et dans ce cas il faut en maintenir l'application par un texte exprès.

J'ai l'honneur de présenter l'amendement suivant :

« Le capital du prêt est essentiellement remboursable. Les parties peuvent seulement convenir que le remboursement ne sera pas fait avant un délai qui ne pourra excéder 10 ans, si l'intérêt n'excède pas le taux légal, ni 5 ans si l'intérêt excède ce taux, ou sans avoir averti le créancier au terme d'avance qu'elles ont déterminé. »

- La séance est levée à quatre heures trois quarts.