Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Documentation Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 1 février 1865

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1864-1865)

(Présidence de M. E. Vandenpeereboom.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 415) M. Van Humbeeck procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. de Moorµ donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

- La rédaction est approuvée.

Pièces adressées à la Chambre

M. Van Humbeeck présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Le sieur Bernard-Emile Schmidt, directeur-gérant à la société des charbonnages et hauts fourneaux d'Ougrée, né à Dresde (Saxe), demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.


« Des habitants de Namur demandent la révision du tarif des émoluments des huissiers et des avoués. »

M. Lelièvre. - J'appuie la requête qui me paraît fondée sur de justes motifs, et j'en demande le renvoi à la commission des pétitions avec prière de faire un prompt rapport. »

- Cette proposition est adoptée.


« Le sieur (nom illisible prie la Chambre de contraindre l'administration communale de Mont-sur-Marchienne au payement d'une dette due par cette commune à la société Sclaubos, dont il fait partie, ou d'introduire dans la loi communale une disposition qui donne aux créanciers des communes un moyen efficace de se faire payer. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le conseil communal de Rhode-Saint-Genèse demande l'établissement d'un chemin de fer direct de Charleroi à Bruxelles par Rhode-Saint-Genèse. »

- Même renvoi.


« Les sieurs Pousset, Deprez et autres membres du conseil général d'administration du charbonnage des Couteaux prient la Chambre d’accorder aux sieurs Hoyois et Coudrez la concession d'un chemin de fer de Frameries à Condé par Quiévrain. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Lodelinsart demandent que le bureau des postes et du télégraphe, établi à la station du chemin de fer de l'Est Belge, à l'extrémité de cette commune, soit transféré au centre de Lodelinsart. »

- Même renvoi.


« M. Bury adresse à la Chambre 120 exemplaires du n°2 des publications de l'association pour l'abolition de la peine de mort. »

- Distribution aux membres et dépôt à la bibliothèque.


« M. J. Jouret, retenu chez lui par une indisposition, demande un congé de quelques jours. »

- Accordé.

Projets de loi contenant les budgets définitifs des exercices 1851 à 1859 inclus

Rapport de la commission

M. Moreau. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre le rapport de la commission permanente sur des projets de lois contenant les comptes définitifs des exercices 1851 à 1859 inclus.

Projet de loi sur les enquêtes parlementaires eu matière de vérification de pouvoirs

Rapport de la section centrale

M. Hymans. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi sur les enquêtes parlementaires eu matière de vérification de pouvoirs.

Projet de loi autorisant un échange de terrain dépendant de l'école vétérinaire

Rapport de la section centrale

M. Jamar. - J’ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la commission chargée de l'examen du projet de loi autorisant un échange de terrain dépendant de l'école vétérinaire.

- Impression et distribution et mise à la suite de l'ordre du jour.

Proposition de loi relative aux délits de presse

Lecture

MpVµ. - Messieurs, les sections ont approuvé la lecture de la proposition de loi que voici :

« Art. 1er. En cas de délit de presse, nul ne peut être condamné à des dommages-intérêts ou autres réparations civiles, sans avoir été préalablement déclaré coupable par le jury.

« Art. 2. Si la publication ou la distribution d'un écrit, sans tomber dans les prévisions de la loi pénale, est de nature à causer un dommage à autrui, toute condamnation à des dommages-intérêts ou autres réparations civiles devra être précédée d'une réponse affirmative du jury.

« Dans ce cas, le président de la cour d'assises remettra aux jurés deux questions auxquelles ils auront à répondre séparément.

« La première aura pour but de constater si le défendeur est l’auteur, l'éditeur ou le distributeur de l'écrit.

« La seconde sera relative au point de savoir si l’écrit a eu pour conséquence de causer un dommage au plaignant.

« Art 3. Dans les deux hypothèses prévues par les articles précédents, les dommages-intérêts ne pourront être alloués que par la cour d'assises.

« Art. 4. En matière de presse, la personne lésée, en se constituant partie civil', possède toujours le droit de citation directe devant la cour d'assises. .

« La partie civile fera, par l'acte de citation, élection de domicile dans (page 416) la ville oh siège la cour d'assises. La citation énoncera les faits et tiendra lieu de plainte.

« Il y aura au moins un délai de huit jours, outre un jour par trois myriamètres de distance, entre la citation et le jugement à peine de nullité. Néanmoins cette nullité ne pourra être proposée qu'à la première audience et avant toute exception ou défense,

« L'exploit de citation directe devra, avec observation des mêmes délais, être notifié au procureur général ou au procureur du roi, remplissant les fonctions du ministère public près la cour d'assises.

« Art. 5. L'article 153 de l'arrêté royal du 18 juin 1853 est applicable à la personne lésée, qui use de la faculté que lui accorde l'article précédent.

« Art. 6. Sauf le cas où le fait est qualifié crime par la loi, aucune visite domiciliaire tendante à découvrir l'auteur d'un écrit incriminé ne pourra être pratiquée. »

« Debaets, Coomans, Delaet, Thonissen, Royer de Behr »

MpVµ. - A quel jour les auteurs du projet proposent-ils d'en fixer les développements ?

M. Debaets. - Je pense, messieurs, qu'il n'entre pas dans les intentions de la Chambre de scinder la discussion du budget de la guerre. Je pense qu'il conviendrait de remettre les développements après la discussion de ce budget. Je me tiens à la disposition de la Chambre pour mardi. Il y aura au surplus très peu de chose à ajouter aux développements que j'ai eu l'honneur de présenter à la Chambre au mois de mars dernier et qui sont imprimés.

MpVµ. - Le jour où les développements seront présentés sera donc fixé ultérieurement.


Il est procédé au tirage au sort des sections pour le mois de janvier.

Projet de loi portant le budget du ministère de la guerre de l’exercice 1865

Discussion du tableau des crédits

Chapitre VIII. Pain, fourrages et autres allocations

Article 22

« Art. 22. Pain : fr. 1,903,351 36. »

- Adopté.

Article 23

« Art. 23. Fourrages en nature : fr. 3,110,000 85. »

M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Messieurs, je dois faire observer à la Chambre que, depuis la présentation du budget, il y a eu une hausse assez forte sur le prix des fourrages. Il est donc probable que l'allocation ordinaire ne suffira pas. Quoi qu'il en soit, je n'ai pas cru devoir proposer une augmentation de ce chef, parce que j'espère réaliser des économies sur d'autres denrées, telles que le pain, par exemple, qui sont restées à bon marché.

Si la Chambre veut bien y consentir, le transfert deviendrait régulier par l'adoption d'un article ainsi conçu :

« Le gouvernement est autorisé à prélever sur les crédits ouverts aux articles 12, 13 et 22 du budget, les sommes nécessaires pour pourvoir à l'insuffisance de crédit qui résultera du renchérissement des denrées fourragères, sur les articles 6, 7, 8, 9, 14, 15, 23 et 34. »

M. Hayezµ. - Je demanderai à M. le ministre de la guerre s'il ne trouverait pas plus opportun de combler le déficit qui résultera peut-être de l'augmentation du prix des fourrages en prélevant les sommes nécessaires sur l'allocation demandée pour la remonte de la cavalerie. Il est probable, du moins c'est mon opinion, qu'on en viendra à réduire le nombre des régiments de cette arme ; on pourrait donc faire, dès maintenant, des économies en n'augmentant pas le nombre de ses chevaux.

M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Si, on adoptait ce système on arriverait à cette conséquence qu'il faudrait complètement remonter la cavalerie.

MpVµ. - On pourra discuter ce point lorsque l'article sera en discussion.

- L'article 23 est adopté.

Articles 24 et 25

« Art. 24. Casernement des hommes : fr. 632,506 36. »

- Adopté.


« Art. 25. Renouvellement de la buffleterie et du harnachement : fr. 100,000. »

- Adopté.

Article 26

« Art. 26. Frais de route et de séjour des officiers : fr. 100,000. »

M. Hayezµ. - Vous avez pu remarquer que dans son compte rendu la cour des comptes appelle votre attention sur l'opportunité de modifier le taux des frais de route et de séjour à cause des facilités des moyens actuels de transport. Ces modifications me paraissent rationnelles, mais je crois qu'elles devraient surtout avoir en vue de satisfaire certaines exigences légitimes. Ainsi l'officier subalterne qui voyage avec la troupe ne reçoit aucune espèce d'indemnité ; lorsque les voyages se reproduisent souvent, ils deviennent pour lui une cause de gêne très prolongée.

Les officies d'infanterie qui reçoivent le traitement le moins élevé sont ceux qui souffrent le plus des déplacements multipliés.

L'officier qui voyage isolément, pour rejoindre son corps n'a qu'une allocation tout à fait insuffisante pour pourvoir à ses frais de déplacement s'il voyage par étapes, ce qui peut arriver à un cavalier.

A côté de cette allocation si minime, il y en a d'autres qui jurent avec elles. Ainsi, un officier général, pour se rendre à Anvers, par exemple, touche une somme de 160 fr. 74 c.

Il part le matin, rentre le soir chez lui. (Interruption.) Les frais de route qui ont été touchés de cette manière sont très élevé«.

Je vois dans un état que j'ai sous les yeux, qu'il s'est fait, en 1862, 23 voyages de Bruxelles à Anvers, à peu près deux voyages par mois ; quinze de ces voyages ont coûté chacun fr. 160 74 et cinq fr. 321 48 ; la dépense totale pour l'année a été de 7,900 fr. ; et ce n'est pas celle qui comporte le chiffre le plus élevé.

Pendant les six années, depuis 1859 jusqu'en 1864, les voyages de cette nature et au camp de Brasschaet ont occasionné une dépense totale de 35,738 fr. soit en moyenne 5,956 francs par an.

Jusqu'en 1861, la somme sollicitée au budget pour frais de voyage des officiers s'élevait seulement à 95,000 francs ; en 1861 M. le ministre de la guerre a demandé une majoration de 5,000 francs à cause de la nécessité où il se trouvait d'envoyer des officiers dans différents pays pour étudier les différents systèmes d'artillerie et de fortifications.

Je comprends la raison qui fut alléguée pour obtenir une augmentation de crédit, mais aujourd'hui que nous avons un système d'artillerie que les puissances nous envient, prétend M. le ministre, aujourd'hui que nos fortifications sont à peu près achevées, il me semble que l'on pourrait revenir au chiffre primitif de 95,000 francs, très suffisant, semble-t il, à moins qu'on n'emploie une partie de cette somme à augmenter les indemnités dues aux officiers de rang inférieur.

Dans les développements du budget il y a deux articles pour le crédit dont il est ici question. D'abord 95,000 francs pour les voyages, missions, déplacements ordinaires ; puis 5,000 francs pour les frais de route du ministre de la guerre. Or, une pareille distinction est tout à fait inutile, puisque dans les deux années que je viens de citer les frais dépassent ou n'atteignent pas cette somme.

En 1859, les indemnités payées ont été de fr. 3,163, en 1860 de fr. 8,512, en 1861 de 6,512, en 1862 de 7,971, en 1863 de 6,044 et en 1864 de 3,523.

Il me semble donc que cette disjonction doit disparaître comme tout à fait inutile.

M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Messieurs, le discours que vous venez d'entendre est en son entier dirigé contre moi personnellement.

Je remercie l'honorable M. Hayez d'avoir soulevé cette question, puisqu'elle me fournit l'occasion de donner à la Chambre des explications dont je n'aurais pas pris l'initiative ; elle comprendra pourquoi.

Dans les budgets, il est alloué une somme pour les frais de voyage des ministres. Dans celui du département de la guerre, cette somme, qui a toujours été la mène, est de 5,000 fr. ; elle suffisait jadis, parce que le ministre de la guerre n'avait pas de voyages fréquents et extraordinaires à faire.

Mais depuis que le génie et l'artillerie exécutent d'immenses travaux et qu'il se fait une transformation générale dans tous les service, le ministre appelé à tout étudier, à tout voir par lui-même, est astreint à des excursions indispensables beaucoup plus fréquentes.

Ce que je puis dire à la Chambre, c'est que le crédit a presque toujours été insuffisant, que j'y ai suppléé à mes propres frais et que chaque année j'ai fait à ce sujet des sacrifices fort onéreux pour moi.

Ainsi, j'ai pris à mes frais plusieurs missions à l'étranger, afin de ne pas dépasser les crédits alloués.

Je ne sais si c'est à cela que l'honorable M. Hayez a voulu faire allusion, en donnant le détail des frais de route du ministre. Je n'aurais pas réclamé à ce sujet, parce qu'il s'agissait de mes intérêts particuliers.

(page 417) Mais la Chambre comprendra que lorsqu'on exécute des travaux immenses, nouveaux et d'un intérêt considérable pour le pays, il est de toute nécessité d'étudier sur les lieux ce qui se fait à l'étranger, d'assister aux expériences, de se mettre en relation avec les officiers qui les dirigent et que la somme allouée au ministre de ce chef ne peut l'indemniser à beaucoup près de ses dépenses.

Il n'est pas d'employé subalterne dans une administration quelconque qui ne soit relativement mieux traité que le ministre de la guerre et je croyais qu'au lieu de me faire un grief à ce sujet, M. Hayez aurait apprécié mes sacrifices et m'aurait au moins rendu justice sur ce seul point.

M. Hayezµ. - Je ne sais si j'ai bien compris M. le ministre de la guerre : des officiers ont-ils voyagé en grande partie à ses frais ? C'est beaucoup de bonté de sa part ; mais alors les voyages de ces officiers ont coûté fort cher, car je tiens en main un état comprenant quatre d'entre eux envoyés en mission pendant les années 1859 à 1864, et cet état s'élève à la somme de 24,000 fr. ; il doit même être majoré de 2,065 francs, payés à deux d'entre eux sur mandats spéciaux, les frais de route réglementaires ayant été jugés insuffisants pour les indemniser des dépenses auxquelles ils avaient été entraînés pendant leur mission.

Mes chiffres sont parfaitement exacts, puisque je les ai recueillis à la cour des comptes dont les archives sont quelquefois curieuses à consulter.

- L'article est adopté.

Articles 27 à 29

« Art. 27. Transports généraux : fr. 75,000. »

- Adopté.


« Art. 28. Chauffage et éclairage des corps de garde : fr. 70,000. »

- Adopté.


« Art. 29. Remonte: fr. 580,790. »

- Adopté.

Chapitre IX. Traitements divers et honoraires

Article 30

« Art. 30. Traitements divers et honoraires : fr. 136,725 40.

« Charge extraordinaire : fr. 773 80. »

M. Thonissenµ. - Messieurs, je voudrais que l'honorable ministre de la guerre, dans la mesure du possible, pût introduire quelques changements dans la position des officiers mis en non-activité.

Ces officiers appartiennent à deux catégories essentiellement distinctes. Les uns sont mis en non-activité par mesure d'ordre, c'est-à-dire pour cause d’inconduite ou d'indiscipline ; les autres, au contraire, sont mis en non-activité pour cause d'infirmités, c'est-à-dire pour un fait entièrement indépendant de leur volonté.

Cependant, sous le rapport du traitement, ces deux catégories si distinctes se trouvent absolument sur la même ligne ; les uns et les autres ne reçoivent que la moitié de la solde d'infanterie affectée à leur grade, quelle que soit d'ailleurs l'arme à laquelle ils appartiennent.

A mon avis, cela n'est ni juste ni rationnel. Il n'est pas juste de mettre sur la même ligne l'indiscipline, l'inconduite et le malheur. Il n'est pas rationnel qu'un officier, arrêté dans sa carrière par un événement imprévu, par un fait indépendant de sa volonté, qui est souvent la conséquence même du service, par exemple une chute de cheval dans une manœuvre de cavalerie, se voie réduit à la position gênée et plus ou moins humiliante où se trouve à juste titre l'homme qui a méconnu les devoirs inséparables de l'uniforme.

Qu'à celui-ci on accorde toutes les garanties possibles contre l'action arbitraire de ses chefs, rien de mieux ; mais, quand les faits sont bien constatés, quand l'inconduite est manifeste, on peut en toute justice le réduire à la moitié de la solde d'infanterie. Mais pourquoi mettre sur la mime ligne le malade ? Cela est d'autant moins juste que l'officier malade a souvent des frais extraordinaires à supporter pour subvenir au traitement qu'il doit subir.

Il y a quelques semaines, l'honorable M. Hayez a déposé un projet de loi dont un article, si ma mémoire est fidèle, a pour objet de venir en aide aux officiers malades.

Malheureusement, grâce à l'encombrement de nos travaux, il est très probable que ce projet ne se présentera pas dans la session actuelle et peut-être même dans la session prochaine. Or, je voudrais ne pas attendre jusque-là. Je voudrais que M. le ministre de la guerre eût le moyen, même immédiatement, de porter aux deux tiers de la solde d'infanterie le traitement des officiers mis en non-activité pour cause d'indisposition.

Si les traitements n'étaient pas fixés par une loi, je présenterais moi-même un amendement dans ce sens. Mais il me semble qu'il serait très peu régulier de venir, par un amendement au budget de la guerre, modifier une loi organique.

Je dois donc me borner à engager l'honorable ministre à nous faire le plus tôt possible une proposition formelle. La dépense ne sera pas considérable ; car, d'après les développements du budget, les officiers de tout grade et de toute arme mis en non-activité ne dépassent pas le nombre de 70 ; mais, messieurs, la dépense fût-elle considérable, nous ne pourrions pas reculer, car, s'il est de notre devoir d'être économes de l'argent des contribuables, il est surtout de notre devoir d'être justes, et il n'est pas juste de mettre sur la même ligne l'indiscipline, l'inconduite et le malheur.

M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Messieurs, il y a certainement quelque chose de très fondé dans ce que vient de dire l’honorable M. Thonissen ; mais c'est le fait de la loi. Toutefois, je prends acte de l'observation et dans le travail qui sera présenté à la Chambre, je proposerai des modifications à la loi sur la mise en non-activité, pour que dorénavant la maladie et l'inconduite ne soient plus sur la même ligne.

M. Coomans. - Je profiterai de l'occasion pour rappeler à l'honorable ministre une observation qui a été faite l'autre jour et qui est identique à celle que vient de présenter l'honorable M. Thonissen ; c'est qu'il est bien injuste aussi de renvoyer dans leurs foyers, sans indemnité aucune, les miliciens convalescents. Le simple soldat devenu malade dans vos casernes a certes les mêmes droits à votre justice, à votre équité que l'officier dont vous vous êtes débarrassé, dont vous n'avez pas été très satisfait.

Si M. le ministre donne suite à l'observation de M. Thonissen, ce que je ne le sommerai pas, moi, de faire, il ne peut pas se dispenser de faire également droit à l'observation que je viens de rappeler.

M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Messieurs, la position est totalement différente : quand un soldat est malade, l'Etat lui fait donner tous les soins désirables. On ne l'envoie en congé que lorsque sa guérison est complète. Il y a des pères de famille qui réclament leurs fils malades ; mais on ne les laissé partir que lorsqu'ils sont guéris, et alors on les envoie dans leurs foyers porteurs de congés de convalescence, au lieu de les diriger sur leurs corps.

Si des raisons sérieuses d'humanité imposaient la prise en considération de l'observation de l'honorable M. Coomans, je serais le premier à m'y rallier ; mais je craindrais d'ouvrir la porte à de graves abus.

En effet, messieurs, il arrivera que des soldats se rendront véritablement malades, pour être envoyés en congé avec solde.

N'en avons-nous pas vu qui se mettaient de la chaux dans les yeux pour se donner un ophtalmie apparente ? Ce qui a même obligé le département de la guerre à créer un hôpital spécial à Namur où l'on envoyait tous ces hommes et où ils étaient traités avec sévérité. Si on admettait le système indiqué par M, Coomans, vous auriez des abus sans nombre et une dépense très élevée.

M. Vleminckxµ. - Je ne puis que confirmer ce que vient de dire l'honorable ministre de la guerre ; mais je dois ajouter à ce qui vient de vous être communiqué, que lorsqu'il arrive que le service de santé envoie dans leurs foyers des soldats qui continuent à être malades, ceux-ci reçoivent une pension provisoire ; on les fait sortir alors des hôpitaux avec cette pension, parce que le séjour dans ces établissements leur est devenu nuisible. Les convalescents, proprement dits, ne les quittent que lorsqu'ils n'ont véritablement plus besoin de soins.

M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Ce que vient de dire l'honorable M. Vleminckx est tellement vrai, que vous allez voter dans un instant un article de 7,000 fr. consacrés à payer les soldats malades envoyés chez eux.

M. Coomans. - C'est déjà quelque chose.

M. Hayezµ. - Messieurs, à la page 184 des développements du budget figure un sous-lieutenant, mis au traitement de réforme avec un traitement de 450 fr.

Je demande à la Chambre si elle croit qu'un homme, n'ayant aucune autre ressource et devant vivre honorablement, puisqu'il est toujours officier, peut y parvenir avec cette somme de 450 fr.

On me dira : Il est puni pour son inconduite et ne devrait pas se mettre dans le cas de l'être aussi sévèrement. Je répondrai à cela que la punition est prononcée par un simple arrêté que fait prendre M. le ministre de la guerre et sans jugement. J'aime à croire que ces arrêtés ne sont pris qu'en connaissance de cause ; cependant dans notre pays il semble qu'une autre garantie est nécessaire.

Enfin avec un traitement de 450 fr. un officier n'cst-il pas dans l'impossibilité d'adopter un genre de vie qui lui donne le moyen de s'amender et de se rendre digne de rentrer un jour dans les rangs de l'armée ?

(page 418) Je désire donc qu'on porte remède à cet état de choses en s'occupant le plus tôt possible de la révision de la loi de 1850.

M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Le nombre des officiers au traitement de réforme est excessivement minime. C'est à ce point qu'en 1864 il n'y en avait aucun.

Lorsqu'un officier est mis au traitement de réforme par mesure disciplinaire ou à la suite d'un conseil d'enquête, on l'envoie dans une petite localité ou au camp de Beverloo et il reçoit le quart de son traitement d'activité.

Les officiers qui sont mis au traitement de réforme sont ordinairement des hommes adonnés à l'ivrognerie jusqu’à l'abrutissement. Si l’on améliorait leur position financière, on se priverait d'un moyen de répression.

- Adopté.

Article 31

« Art. 31. Frais de représentation : fr. 30,000. »

- Adopté.

Chapitre X. Pensions et secours

Article 32

« Art. 32. Pensions et secours : fr. 103,150.

« Charge extraordinaire : fr. 2,973 86. »

M. Coomans. - Messieurs, je rattacherai à cet article une interpellation que j'ai à faire à l'honorable ministre. Je désirerais savoir s'il est vrai qu'il a été versé, il y a 5 ou 6 mois, une somme de 300,000 fr. au département de la guerre, du chef d'une partie du bénéfice réalisé par la société pour l'encouragement du service militaire.

Un arrêté royal du 9 septembre 1836 a décrété, si je ne me trompe, la construction d'un hôtel des invalides pour l'armée belge ; il avait été décidé qu'une partie des bénéfices réalisés par la société officielle pour le remplacement militaire serait consacrée à cette bonne œuvre, à cette œuvre d'humanité et de justice, j'aime à le dire.

Je me borne pour le moment à demander à M. le ministre si cette somme d'environ 275,000 à 300,000 fr. a été réellement versée et, en cas d'affirmative quel emploi il compte en faire.

M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Messieurs, vous vous rappelez qu'il y a quelques années, on a autorisé une association pour le remplacement militaire.

Dans les statuts de cette société il était stipulé qu'on prélèverait 30 p. c. sur les bénéfices et que le produit serait consacré à l'édification d'un hôtel des invalides.

La société a opéré dernièrement sa liquidation. Le département de la guerre l'a mise en demeure de payer la somme qu'elle devait à l'Etat. La question a été examinée, je crois, par les tribunaux et la société a été reconnue débitrice de 200,000 francs.

Il m'a semblé qu'avec cette somme il était impossible de construire un hôtel des invalides et qu'il valait beaucoup mieux prier M. le ministre des finances de la faire fructifier et d'en consacrer le revenu à secourir d'anciens militaires malheureux. C'est ce que l'on a fait jusqu'à présent et l'on examinera s'il y a moyen de tirer un meilleur parti de ce fonds qui a une destination spéciale.

M. Coomans. - J'entends avec plaisir que ce fonds recevra en tout état de cause la destination spéciale à laquelle il a été affecté.

L'honorable ministre vient de dire qu'il est impossible, ou au moins difficile de fonder un hôtel des invalides avec cette somme. Je le reconnais ; seulement je dois rappeler qu'il a été dit, en 1836, que le gouvernement se chargerait de l'accomplissement de ce devoir. Il y a, en Belgique, tant de beaux et bons établissements en faveur des malheureux ; il est assez surprenant que ce pays, qui prend des allures décidément militaires, ne possède pas d'établissement pour les soldats malheureux. Je crois que nous sommes le seul pays militaire de l'Europe qui n'ait pas une sorte d'hôtel des invalides.

Il me paraît qu'il serait assez facile, sans imiter Paris, ce à quoi je n'engage pas du tout l'honorable ministre, de créer un asile à nos soldats malheureux qui n'ont rien aujourd'hui.

Non seulement on ne leur donne aucune indemnité pour l'expropriation de plusieurs années de leur travail et de leur liberté, mais dans leur vieillesse ils n'ont aucun secours à attendre du budget de la guerre ; en un mot, je voudrais que quelques miettes de la table splendide du budget de la guerre fussent, de temps en temps, distribuées aux malheureux auxquels je m'intéresse plus particulièrement.

M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - S'il fallait construire un hôtel des invalides, nous dépenserions un capital énorme, peut-être deux ou trois millions, et les soldats n'en retireraient, en définitive, que la jouissance d'un logement, tandis qu'aujourd'hui on leur donne des secours en argent, ce qui est, selon moi, le meilleur emploi à faire dés fonds disponibles.

M. Hayezµ. - Oh ! Oh ! Dites tout de suite : Procédons au vote si vous empêchez vos adversaires de parler.

MpVµ. - Vous avez la parole, M. Hayez.

M. Hayezµ. - Il arrive fréquemment que le règlement des pensions auxquelles les officiers ont droit se fait attendre pendant plusieurs mois ; il résulte le plus souvent de ce retard que ces officiers se trouvent dans une position fort difficile, surtout lorsqu'ils ont de la famille. Ceux qui sortent de la cavalerie ou de l'artillerie peuvent, par la vente de leurs chevaux, subvenir aux premiers besoins de leur nouvelle position ; mais il n'en est pas de même pour les autres.

Je demande à M. le ministre de la guerre s'il n'y aurait pas moyen, puisque chaque officier a droit à un minimum de pension fixé par la loi, de leur payer immédiatement ce minimum, en attendant que le chiffre réel de la pension fût exactement réglé. C'est là, me semble-t-il, une mesure d'humanité.

M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Le pensions des officiers sont immédiatement liquidées lorsqu’il n'y a pas de réclamations faites par eux pour services extraordinaires, blessures, etc. Si un officier cherche à faire valoir des services contestables, il en résulte des délais, car on ne peut liquider sa pension que lorsque les points litigieux sont résolus. Il y aurait même des inconvénients pour les intéressés à ce qu'il fût procédé autrement. Je rappellerai à cet égard que le général Borremans qui aurait eu droit à un cinquième en sus de sa pension pour blessures, ayant négligé de réclamer en temps utile, je ne suis pas parvenu à lui faire obtenir cette augmentation.

M. Hayezµ. - M. le ministre de la guerre ne répond pas à la question que je lui ai adressée. Les précautions dont il vient de parler sont présentes par la loi et sont fort sages ; l'officier qui prétend avoir droit à une majoration de pension du chef de blessures ou infirmités doit faire sa réclamation l'année qui suit sa mise à la retraite. Cette prescription de la loi s'explique, car son absence ferait probablement élever beaucoup ne prétentions à une majoration de pension pour des infirmités qui ne sont pas le fait du service ni contractées au service.

Mais ce n'était pas sur ce point que j'avais appelé l'attention de M. le ministre de la guerre.

Tout officier quittant le service a droit à une pension d'après son grade ; le minimum de cette pension est fixé par la loi, l'officier y a des droits incontestables ; mais comme il peut s'élever des discussions quant au règlement définitif de la pension, c’est-à-dire relativement à la majoration que doit recevoir le minimum, nécessairement acquis, et que ces discussions peuvent se prolonger, je pense que si le pensionné le demande, il n'y aurait aucun inconvénient à lui délivrer ce minimum, et que dans beaucoup de cas ce serait une mesure d'humanité.

M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - La cour des comptes n'admettrait pas cette manière de procéder ; elle ne prononce la liquidation d'une pension que lorsque toutes les pièces justificatives lui ont été produites, et il y aurait de sérieux inconvénients à ne pas en agir ainsi. Si, par exemple, le minimum avait été indûment accordé, qui rembourserait ?

Je crois qu'il y a d'autant moins lieu de modifier la manière de procéder actuelle qu'en général lorsqu'il n'y a pas de réclamations, la liquidation de la pension a lieu presque immédiatement.

M. Lelièvre. - Il me semble qu'il y a quelque chose de fondé dans l'observation de l'honorable M. Hayez. Lorsqu'il s'élève une difficulté sur le taux de la pension, il est clair qu'on devrait statuer immédiatement par mesure provisoire sur la portion liquide de la pension, sauf à prononcer ultérieurement sur la portion illiquide. Evidemment en justice et en équité ou ne doit pas arrêter le payement de la partie incontestée, parce qu'il s'élève une difficulté sur l'excédant. Rien n'empêche d'émettre un arrêté déclarant que la pension est fixée provisoirement à tel taux, sauf à prononcer après instruction sur le supplément litigieux.

J'engage donc M. le ministre à faire droit à l'observation de M. Hayez, qui me paraît fondée.

- L'article est adopté.

Chapitre XI. Dépenses imprévues

Article 33

« Art. 33. Dépenses imprévues non libellées au budget : fr. 16,243 21. »

- Adopté.

Chapitre XII. Gendarmerie

Article 34

(page 419) « Art. 34. Traitement et solde de la gendarmerie : fr. 2,144,270. »

M. Bouvierµ. - J'ai demandé la parole, non pas pour combattre le chiffre alloué au corps de gendarmerie, auquel je n'ai que des éloges à donner, mais pour prier l'honorable ministre qu'il fasse droit à la demande si souvent formulée par les autorités du canton de Virton, de voir porter l'effectif de la brigade de gendarmerie, qui est actuellement de cinq hommes, et que les autorités désirent voir porter à huit hommes.

Cette demande est justifiée par l'accroissement de la population qui s'élève aujourd'hui à 20,000 âmes, répartie sur seize communes, dont plusieurs très éloignées de la résidence de la brigade et composées presque toutes de deux, trois et quatre sections. Elle trouve également sa justification sur l'étendue de nos frontières, dont le développement s'élève à environ 40 kilomètres, sur les nombreuses correspondances hebdomadaires auxquelles les cinq hommes de la brigade sont actuellement assujettis.

J'ajouterai, pour convaincre davantage l'honorable ministre, que notre position géographique, entourée, je dis entourée, mais non sillonnée, de lignes de chemins de fer amenant un grand nombre de mendiants et de vagabonds parcourant en tous sens le pays, occasionne un surcroît de besogne à ces cinq hommes.

Je finirai enfin par dire à M. le ministre qu'ils sont tenus, deux fois par semaine, de faire le service de l'audience de la justice de paix pour y maintenir l'ordre et la dignité qui sont le cortège indispensable d'une bonne justice.

M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - J'examinerai la question, et comme les brigades ne peuvent être établies que de commun accord entre le ministre de la guerre et le ministre de la justice, j'aviserai avec mon honorable collègue, quand M. Bouvier aura bien voulu nous dire quelle est la brigade qu'il désire voir augmenter.

M. Bouvierµ. - C'est celle de Virton.

M. Coomans. - Il y en a bien d'autres qu'on devrait renforcer.

- L'article est adopté.

Vote des articles et vote sur l’ensemble

« Article unique. Le budget du ministère de la guerre est fixé, pour l'exercice 1865, à la somme de trente-quatre millions neuf cent quatre mille neuf cent cinquante francs (34,904,950 francs), conformément au tableau ci-annexé. »

- Adopté.


MpVµ. - Voici l'amendement de M. le ministre de la guerre qui devient l'article 2 :

« Le gouvernement est autorisé à prélever sur les crédits ouverts aux articles 12, 13 et 22 du budget, les sommes nécessaires pour pourvoir à l'insuffisance du crédit qui résultera du renchérissement des denrées fourragères sur les articles 6, 7, 8, 9,14, 15, 23 et 34. »

M. Coomans. - Peut-on affirmer d'avance qu'il y aura déficit sur un article ? Depuis quelques jours le prix de l'avoine a diminué, c'est un bon signe et il me semble qu'il vaudrait mieux dire au lieu de « qui résultera du renchérissement », « qui résulterait, etc. »

J'en fais la proposition.

M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Je me rallie à cet amendement.

- L'article 2 ainsi modifié est mis aux voix et adopté.


Il est procédé à l'appel nominal.

101 membres y prennent part.

64 répondent oui.

29 répondent non.

8 s'abstiennent.

En conséquence la Chambre adopte.

Le projet de loi sera transmis au Sénat.

Ont répondu oui :

MM. Ansiau, Bara, Bouvier-Evenepoel, Braconier, Bricoult, Carlier, de Baillet-Latour, C. de Bast, de Brouckere, de Decker, de Florisone, De Fré, de Kerchove, Delcour, de Macar, de Moor, de Naeyer, de Rongé, de Terbecq, de Theux, de Vrière, Devroede, de Wandre, de Woelmont, Dolez, Dumortier, Dupont, d'Ursel, Elias, Frère-Orban, Guillery, Hymans, Jacquemyns, Jamar, M. Jouret, Julliot, Lange, Lebeau, Lelièvre, Lesoinne, Lippens, Mascart, Muller, Nélis, Orban, Orts, Pirmez, Rogier, Sabatier, Schollaert, Tesch, Thonissen, T'Serstevens, Valckenaere, Vanden Branden de Reeth, Alp. Vandenpeereboom, Vanderstichelen, Van Iseghem, Van Nieuwenhuijze, Van Overloop, Verwilghen, Vilain XIIII, Warocqué et Allard.

Ont répondu non :

MM. Coomans, Couvreur, David, Debaets, de Conninck, Delaet, de Muelenaere, de Smedt, d’Hane-Steenhuyse, Du Bois d'Aische, Funck, Giroul, Goblet, Grosfils, Hayez, Jacobs, Janssens, Landeloos, Le Hardy de Beaulieu, Mouton, Notelteirs, Reynaert, Royer de Behr, Thibaut, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Humbeeck, Van Wambeke et E. Vandenpeereboom.

Se sont abstenus :

MM. de Borchgrave, de Mérode, de Ruddere de te Lokeren, Kervyn de Lettenhove, Magherman, Moreau, Thienpont et Vleminckx.

MpVµ. - Les membres qui se sont abstenus sont priés de faire connaître les motifs de leur abstention.

M. de Borchgraveµ. - Je suis loin d'être un adversaire systématique de l'armée : Je reconnais au contraire qu'il existe des raisons patriotiques très sérieuses pour désirer son maintien sur un pied respectable. D'un autre côté, je déclare qu'aussi longtemps que les lois actuelles sur la milice serviront de base à son organisation, je me croirai consciencieusement obligé de refuser un vote favorable au budget de la guerre.

M. de Mérode. - Je n'ai pas voté contre le budget de la guerre, parce que je veux une armée permanente, appropriée au système de défense nationale qui a prévalu ; je n'ai pas voté pour le budget, ne pensant pas que l'organisation actuelle de l'armée réponde à ce but. Au surplus, je veux attendre, pour me prononcer, la révision, depuis si longtemps promise, de la loi sur la milice et les explications promises par M. le ministre de la guerre.

M. de Ruddere de te Lokeren. - Je me suis abstenu parce que j'aurais désiré des réductions dans les dépenses militaires ; je n'ai pas voulu voter contre pour ne pas contrarier le service de l'administration.

M. Kervyn de Lettenhove. - Je me suis abstenu pour les mêmes motifs que l'honorable M. de Mérode.

M. Magherman. - Je me suis abstenu pour les motifs que j'ai exposés lors du vote de la loi sur le contingent de l'armée.

M Moreauµ. - Je me suis abstenu, comme je l'ai fait les années antérieures et je n'ai pas voté pour le budget de la guerre, parce que je n'ai pas donné mon assentiment à la loi sur l'organisation de l'armée, pour les motifs que j'ai fait connaître lors de la discussion de cette loi.

Je n'ai pas volé contre le budget, parce qu'il est en général dressé en conformité de cette loi.

M. Thienpont. - Messieurs, je suis d'avis que nos dépenses militaires sont exagérées et que le budget de la guerre né peut être justifié que par la loi d'organisation dont il est la conséquence. C'est par cette considération que jusqu'à présent mon vote n'a jamais été hostile au budget.

Toutefois désirant voir modifier la loi d'organisation dans un sens plus économique, désirant aussi voir modifier nos lois de milice, j'ai cru ne pas pouvoir émettre un vote approbatif.

Sans doute, le rapport promis par le gouvernement est destiné à répandre de nouvelles lumières sur toutes nos questions militaires et de défense nationale.

En attendant les nouvelles lumières, je me suis abstenu.

M. Vleminckxµ. - L'approbation du budget de la guerre eût été, à mes yeux, après les paroles prononcées par M. le ministre de la guerre, une adhésion à l'organisation actuelle de l'armée. (Interruption.) Chacun à son avis sur ce point ; je vous exprime le mien.

Cette adhésion, messieurs, je ne puis la donner directement ni indirectement ; et c'est pourquoi je n'ai pas pu voter pour le budget. D'un autre côté, je n'ai pas voulu voter contre, en présence de l'engagement pris par M. le ministre de nous fournir un rapport pour la prochaine session.

Interpellation

M. de Theuxµ. - Je désire adresser une interpellation à M. le ministre de l'intérieur.

Un fait très grave vient de se passer dans la commune d'Uccle. M. Van Tilborgh, nommé échevin de cette commune par arrêté royal du 5 avril 1864, confirmé ainsi dans les fonctions qu'il remplissait antérieurement, vient de recevoir du bourgmestre de la commune une communication portant que sa démission est acceptée et que M. Verrassel est nommé échevin en son remplacement.

La surprise de M. Van Tilborgh a été grande en recevant cette communication ; car il n'avait pas donné sa démission, et les fonctions d'échevin (page 420) ne sont ni amovibles, ni révocables. Donc, il est impossible à M. Van Tilborgh de comprendre son remplacement.

Il est vrai qu'en 1863, M. Van Tilborgh avait donné sa démission, mais elle ne fut pas acceptée alors ; M. Van Tilborgh fut réélu, et l'arrêté royal du 5 avril 1864 l'a confirmé dars les fonctions d'échevin qu'il exerce depuis longtemps.

Messieurs, cette situation faite à la commune d’Uccle est très grave : il paraît, si mes informations sont exactes, que le nouvel échevin a prêté serment et est même entré en fonctions.

Eh bien, cette situation doit être changée immédiatement par l'intervention du gouvernement, car il est certain que la nomination du nouvel échevin est nulle et que tous les actes auxquels il prêterait son concours constitueraient de véritables usurpations de pouvoir.

J'appelle donc l'attention la plus sérieuse de M. le ministre de l'intérieur sur ces faits.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Si les faits allégués par l'honorable comte de Theux sont exacts, il doit y avoir une erreur dans cette affaire. Un échevin a été effectivement nommé il y a deux ou trois jours, si je ne me trompe, dans la commune d'Uccle. Cette nomination a été faite, comme toujours, sur la proposition du commissaire d'arrondissement et du gouverneur. Ces fonctionnaires m'ont proposé des candidats pour remplacer l'échevin démissionnaire. (Interruption.) Je dis de quelle façon les choses se sont passées. Quand une proposition m'est soumise dans ces conditions, je soumets un projet d'arrêté à la signature du Roi. Du reste, j'examinerai l'affaire, et s'il y a erreur, elle sera réparée.

M. Dumortier. - Je ne révoque nullement en doute la bonne foi de M. le ministre de l'intérieur, et je suis parfaitement convaincu qu'il n'a encouru aucune responsabilité du chef de l'erreur qui semble avoir été commise dans cette affaire.

Mais les faits dénoncés par l'honorable M. de Theux ont une gravité extrême. S'il est vrai, comme le dit l'honorable membre, et je suis convaincu qu'il s'est exactement fait renseigner, comme il en a l'habitude, il en a donné souvent des preuves, s'il est vrai que le sieur Van Tilborgh ait été nommé échevin en 1864, il est évident qu'il a prêté serment, et en prêtant serment, il a pris possession de ses fonctions. Or, qu'importe une démission donnée en 1863, si en 1864 il a été nommé de nouveau et s'il a prêté serment ?

Je le répète, le fait dénoncé est d'une gravité extrême. Si le commissaire d'arrondissement a trompé M. le ministre de l'intérieur, il mérite une réprimande au premier chef. (Interruption.) Je ne sais si c'est le bourgmestre lui-même qui a trompé le commissaire d'arrondissement ; j'ignore les circonstances qui se rattachent à cet incident, mais ce qui est certain, c'est qu'il y a ici un fait inqualifiable : on accepte la démission d'un échevin qui est entré en fonctions après avoir prêté serment !

M. De Fré. - Messieurs, je suis le bourgmestre de la commune dont il s'agit.

M. Van Tilborgh a donné sa démission en 1863. Si j'avais été prévenu de l'interpellation de l'honorable M. de Theux, j'aurais pu produire une pièce dont je suis en possession et qui établit que postérieurement à sa démission, M. Van Tiiborgh y a persisté. (Interruption.)

- Un membre. - Par écrit ?

M. De Fré. - Laissez-moi parler ; l'honorable M. Dumortier vient de faire une insinuation fort désagréable qui me met dans la nécessité de m'expliquer.

M. Van Tiiborgh s'était plaint, en 1863, de ne pas pouvoir remplir les fonctions d'officier d'état civil, que c'était une trop grande charge pour lui ; il avait donné sa démission ; le bourgmestre d'alors insista vivement près de lui, pour qu'il renonçât à se démettre de ses fonctions d'officier d'état civil. Nonobstant cette démarche du bourgmestre de l'époque, M. Van Tilborgh, dans une pièce que je n'ai pas ici, parce que je ne m'attendais pas à l'interpellation, a persisté dans sa résolution.

Depuis que je suis bourgmestre, il a souvent déclaré qu'il voulait se retirer, il l'a déclaré en plein conseil, et je suis étonné de sa réclamation.

A la suite de tout cela, la démission qui était entre les mains de M. le commissaire d'arrondissement et au sujet de laquelle M. le gouverneur avait demandé à ce fonctionnaire de proposer des candidats, cette démission a été envoyée à M. le ministre de l'intérieur, avec une présentation de candidats. J'ai été consulté, comme bourgmestre, pour les candidats à nommer. J'ai présenté à M. le commissaire d'arrondissement deux candidats. Cette liste a été envoyée à M. le ministre de l'intérieur qui a proposé à la sanction du Roi la nomination qui vient d'avoir lieu.

Je suis étonné d'apprendre que M. Van Tiiborgh, qui avait donné sa démission d'échevin en 1863, ait été renommé échevin en 1864 par un arrêté royal du mois d'avril.

Cela me semble peu probable, car il est à remarquer qu3 M. Van Tiilorgh a été élu conseiller communal en 1860 ; qu'immédiatement après et a été nommé échevin et que, n'ayant pas dû être réélu conseiller communal en 1863, il continuait ses fonctions d'échevin sans un nouvel arrêté royal. Je le répète, le fait invoqué par l'honorable M. de Theux me paraît peu probable. J'ajouterai que je ne suis bourgmestre que depuis le mois de juillet 1864. J'ignore, dans tous les cas, ce qui s'est passé.

C'est à vérifier, l'honorable membre n'apportant pas l'arrêté royal qui nomme M. Van Tilborgh échevin au mois d'avril 1864 et ne faisant son interpellation que d'après le dire d'une personne dans laquelle il a confiance... (Interruption.)

MpVµ. - N'interrompez pas ; vous demandez des explications, on vous les donne ; vous répondrez.

M. De Fré. - Je réponds sur le premier fait que M. Van Tiiborgh, depuis qu'il a donné sa démission, et malgré les instances réitérées de mon honorable prédécesseur, persistait dans son désir de se retirer.

Quant au second fait allégué par l'honorable M. de Theux, savoir qu'en 1864, M. Van Tilborgh a reçu du gouverneront une nouvelle nomination d'échevin, je dis que cela me paraît peu probable, parce que M, Van Tilborgh n'a pas été soumis à réélection en 1863.

M. de Theuxµ. - Messieurs, il n'est pas du tout matériellement impossible que M. Van Tilborgh, bien qu'il n'ait pas été soumis à réélection en 1863, ait été renommé échevin en 1864. En effet, il peut très bien se faire qu'une première nomination n'ait eu lieu que pour peu d'années et que le terme de ce premier mandat soit expiré en 1864 ; dans cette hypothèse, il y avait lieu à renouveler, en 1864, le mandat de M. Van Tilborgh en qualité d'échevin. Des cas de ce genre de faits se présentent très fréquemment.

Je sais qu'en 1863 M. Van Tiiborgh a voulu se retirer, et c'est réellement sur les instances du bourgmestre d'alors, M. Dolez, qu'il n'a pas donné une suite ultérieure à cette demande de démission. Il est possible que, depuis, M. Van Tilborgh ait dit qu'il persistait à vouloir se retirer, qu'il était fatigué de sa position ; de pareils propos sont souvent tenus par d'autres magistrats, par des fonctionnaires. Mais ce n'est pas une intention suffisamment exprimée pour donner lieu à une démission. Comme M. Van Tilborgh avait reçu une nouvelle nomination d'échevin en 1864, il fallait une nouvelle demande de démission adressée au Roi et signée par l'échevin démissionnaire.

Du reste, je n'insiste pas pour le moment sur cette affaire. Je ne l'aurais certainement pas apportée à cette tribune si je n'en avais pas tenu les détails d'une personne qui, par sa position et son honorabilité, devait m'inspirer la confiance la plus illimitée, comme si j'avais pris moi-même connaissance des pièces, car cette personne doit les avoir lues hier.

Quoi qu'il en soit, j'attendrai les explications que M. le ministre de l'intérieur donnera à la Chambre ; je le prie de ne pas différer d'examiner cette affaire à fond et de nous communiquer, dans un bref délai, le résultat de ses investigations.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Je le répète, messieurs, j'examinerai les faits. Je me borne à dire en ce moment que le commissaire d'arrondissement et le gouverneur me soumettent un ensemble de propositions. Quand les propositions de ces deux fonctionnaires sont conformes, je n'hésite pas à présenter, sans retard, un projet d'arrêté à la sanction du Roi.

Je vérifierai les circonstances dont l'honorable M. de Theux vient de parler ; mais je déclare dès aujourd'hui que si elles étaient exactes - ce que j'ignore - ce ne serait que le résultat d'une erreur de fait et je m'empresserais de la réparer.

- L'incident est clos.

Motion d'ordre

M. Vleminckxµ. - Il y a quelque temps, j'ai demandé à M. le ministre de l'intérieur quelles mesures il avait prises à l'égard des cimetières de Léau et de Londerzeel, dont le mauvais état lui avait été signalé non seulement par le Conseil provincial du Brabant, mais par toutes les autorités qui avaient été consultées.

L'honorable ministre nous a dit qu'il avait fait supprimer le cimetière de Léau, pour cause d'insalubrité, et qu'il croyait se rappeler avoir donné des ordres semblables pour celui de Londerzeel.

Si je ne me trompe, ces cimetière, d'après les ordres de l'autorité civile, devait être supprimé depuis quelques jours. Les ordres les plus précis ont été donnés à cet égard par l'autorité civile. Et je suis informé (page 421) que, malgré ces ordres, l'autorité ecclésiastique ordonne que les inhumations continuent à avoir lieu dans le cimetière de Londerzeel, et cet ordre est exécuté.

Je demande quelles mesures l'honorable ministre de l'intérieur compte prendre pour faire respecter Ici droits de l'autorité civile.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Messieurs, comme j'ai eu l'honneur de le dire à la Chambre, j'ai cru devoir donner ordre de fermer certains cimetières pour cause d'insalubrité. Ces ordres ont été donnés ; j'ignore s'ils ont été exécutés. Mais jusqu'ici aucune plainte n'a été adressée au gouvernement. Le premier mot que j'entends dire à cet égard, c'est l'interpellation que vient de m'adresser l'honorable M. Vleminckx.

Je prendrai des renseignements et, au besoin, j'aviserai aux mesures qu'il faut prendre pour que force reste à la loi, pour que les ordres de l'autorité civile soient respectés.

- L'incident est clos.

Prompts rapports de pétitions

(page 423) M. Vander Donckt, rapporteur. Par pétition datée de Bruxelles, le 8 décembre 1864, des officiers pensionnés demandent la restitution des réductions qui ont été opérées pendant deux ans sur leur traitement, en vertu de l'arrêté du 6 décembre 1839.

Messieurs, cette affaire n'est pas nouvelle, ce n'est pas la première fois que cette question est soumise à la Chambre. C’est au moins pour la dixième fois. La commission m'a chargé de vérifier les époques auxquelles les mêmes pétitionnaires s'étaient adressés à la Chambre, et voici ce qui est résulté de mes investigations et de l'examen des feuilletons de pétitions depuis 1856, que j'ai sous les yeux : L'arrêté de 1839 a été constamment en vigueur et maintenu jusqu'aujourd'hui. Chaque année, les pétitionnaires, anciens officiers des régiments de réserve, ont demandé tantôt individuellement, tantôt collectivement, le redressement de cet arrêté ; ils ont prétendu que cet arrêté était illégal et ont demandé qu'on leur payât la solde que cet arrêté avait réduite.

Ils nous apprennent aujourd'hui qu'ils ont consulté des hommes de loi, des avocats distingués, et se fondant sur l'avis de ces jurisconsultes, ils s'adressent de nouveau à la Chambre ; ils vous ont adressé à tous une petite brochure contenant les décisions de ces jurisconsultes.

Messieurs, votre commission a soigneusement examiné cette affaire, et, à l'unanimité, elle a décidé qu'il n'y avait pas lieu à y donner suite. Dans le cas où cet arrêté royal serait réellement illégal, où il y aurait injustice à le maintenir, ce n'est pas à la Chambre, c'est aux tribunaux que les pétitionnaires devaient s'adresser. En effet, la Chambre ne révoque pas des arrêtés royaux.

Evidemment les pétitionnaires se sont mal adressés ; dans tous les cas, c'est aux tribunaux de décider, et, par ces motifs, la commission, à l'unanimité, vous propose de passer à l'ordre du jour.

(Voir même page, 2e discours.)

(page 421) M. Lelièvre. - Il me semble impossible de prononcer l'ordre du jour sur la pétition dont nous nous occupons, la réclamation porte sur un objet sérieux et digne de l'attention du gouvernement.

Il s'agit de savoir si un arrêté est contraire à un texte positif de loi. Les réclamants se prévalent de contestations émanées d'avocats distingués du barreau de Bruxelles. Je demande donc que la pétition soit renvoyée au ministre de la guerre. Ce renvoi ne préjuge rien ; il provoque seulement un examen. Mais en présence des autorités sur lesquelles s'appuient les pétitionnaire, il est impossible de passer à l'ordre du jour sur une réclamation fondée sur des motifs qui doivent être appréciés.

(page 423) M. Vander Donckt, rapporteur. - Messieurs, l'honorable membre ignore probablement que ce qu'il demande aujourd'hui a déjà eu lieu fréquemment avant et depuis 1856, et notamment le 30 décembre 1856, le 20 mai 1858, le 4 février 1862, le 19 novembre 1862 et le 11 juillet 1864. Voilà pour autant de renvois de la même pétition au ministre, et toujours les pétitionnaires sont revenus à la charge, nonobstant que la Chambre, outre un renvoi au ministre, eût prononcé l'ordre du jour, notamment le 28 décembre 1857, le 16 mars 1859, le 14 décembre 1860, juillet 1862, le 23 janvier et le 2 mai 1863, et surtout après la longue discussion qui a eu lieu à ce sujet dans la séance du 13 juin 1862, lorsqu'on est allé jusqu'à proposer un changement au règlement de la Chambre.

Sept ou huit renvois au ministre ont eu lieu. Si M. le ministre avait cru qu'il y avait lieu de revenir sur l'arrêté royal de 1839, il l'aurait fait. Mais que la Chambre, après ces sept ou huit renvois, et après avoir prononcé à plusieurs reprises l'ordre du jour, se décide à renvoyer de nouveau la pétition à M. le ministre de la guerre, cela me paraît inadmissible. Car, en définitive, à quoi cela tend-il, et quel résultat espère l'honorable membre de ce nouveau renvoi ?

Cela tend évidemment à une nouvelle pétition qui nous reviendra avant peu de temps, et cela se renouvellera éternellement si le gouvernement ne prend pas une mesure dans un sens ou dans un autre. Je persiste donc dans les conclusions de la commission des pétitions.

- L'ordre du jour est mis aux voix et adopté.

Proposition de loi relative aux délits et quasi-délits en matière de presse

Développements et prise en considération

(page 438 M. Debaets. - Messieurs, dans le courant de la session passée, j'ai eu l'honneur de déposer, avec quelques honorables collègues, un projet de loi tendant à assurer à la presse la pleine garantie de son action constitutionnelle.

La dissolution de la Chambre l'ayant dessaisie de tous les projets de loi qui lui étaient présents, nous avons dû réintroduire notre proposition.

Dans la séance du 2 mars 1864 nous avons développé les principaux motifs sur lesquels cette proposition se fonde. Cet exposé, auquel nous renvoyons, nous dispense de vous faire de nouveaux développements.

II suffira d'ajouter quelques mots pour justifier les modifications qui complètent le projet primitif.

L'objection principale soulevée dans plusieurs sections consistait à dire que les faits dommageables produits par voie de la presse sans avoir le caractère de crime ou délit, échappaient à toute répression.

A cette objection quelques-uns répondent : Qu'il n'est point entré dans les idées du Congrès national de réprimer de pareils écarts de la presse ; mais on ne doit pas se le dissimuler : dans l'état actuel des esprits, il serait difficile de consacrer législativement une pareille interprétation de notre pacte fondamental.

Dans ces circonstances, il nous a paru plus prudent de maintenir pour les simples faits dommageables une répression civile, tout en conservant, même pour ce cas, à la presse, la juridiction que la Constitution lui a formellement garantie.

Ce principe posé, les nouveaux articles du projet concernant la procédure semblent se justifier d'eux-mêmes.

Disons néanmoins, pour motiver l'article 5, qu'en empêchant, après le verdict du jury, le renvoi de la cause devant la juridiction ordinaire, pour y être statué sur le quantum des dommages-intérêts ; nous avons voulu accélérer et simplifier la procédure, empêcher les conflits et rester fidèles à l'idée qui avait inspiré les articles 358 et 359 du Code d'instruction criminelle.

Au surplus, la cour d'assises composée d'un conseiller de la cour d'appel, du président et vice-président du tribunal doit, nous semble-t-il, inspirer toute confiance.

Nous croyons, messieurs, en nous réservant à notre exposé du 2 mars 1864, pouvoir nous borner à ces seules considérations.

(page 421 M. Guillery. - Messieurs, j'appuie la prise en considération de la proposition de loi qui vient d'être développée sommairement, mais je crois devoir dès à présent signaler un profond dissentiment entre les honorables auteurs de la proposition et moi. C'est en ce qui concerne les quasi-délits et suivant moi, la première proposition était beaucoup plus constitutionnelle que celle-ci. Les quasi-délits eu matière de presse échappent à la répression ; tel est l'esprit du Congrès national.

C'est tellement vrai, que le Congrès national a décidé que le jury était seul compétent en matière de presse. Or, à l'époque où la Constitution a été discutée et promulguée, il n'y avait pas deux jurys en matière de presse.

Il est évident que le Congrès national, en disant que le jury est seul compétent en matière de presse, n'a jamais eu l'idée de soumettre au jury les quasi-délits.

Je ne veux pas développer maintenant, mais j'ai cru devoir signaler dès aujourd'hui le dissentiment qui me sépare des honorables auteurs de la proposition.

Si l'on veut interpréter fidèlement la Constitution, il n'y a qu'a dire dans une loi ce qui est dit dans la Constitution, c'est que le jury seul peut connaître des affaires de presse. Le jury seul peut connaître des délits dans une matière où les délits sont relatifs, où ils varient suivant les époques et suivant l'état de l'opinion publique et où le jury seul peut décider s'il y a culpabilité.

M. Lelièvre. - Je suis convaincu que la proposition dont nous nous occupons est inconstitutionnelle, en tant qu'elle est relative aux quasi-délits. En effet les actions nées d'un fait qui ne constitue ni crime ni délit, ni contravention, sont des actions purement civiles. Elles constituent pour le créancier un véritable droit civil dont la Constitution attribue la connaissance aux tribunaux civils. Il n'est donc pas possible de le leur enlever pour le transférer au jury qui ne peut s'occuper que des délits de presse, c'est-à-dire de faits qui sont de nature à être frappés de peines publiques.

Lors donc qu'il s'agit d'un fait qui n'est pas de nature à être atteint devant les tribunaux répressifs, il n'existe plus qu'un simple fait dommageable donnant lieu, pour la partie lésée, à un véritable droit civil de la compétence exclusive des tribunaux (article 92 de la Constitution).

Je considère donc la proposition qui vous est soumise comme inconstitutionnelle dans la partie que je viens de signaler et je me réserve de traiter plus amplement cette question, lors de la discussion de la proposition.

M. Debaets. - Messieurs, la question soulevée par l'honorable M. Guillery n'a pas échappé aux auteurs de la proposition et je viens moi-même de l'indiquer sommairement, mais je crois qu'il serait prématuré de la discuter maintenant, il s'agit simplement aujourd'hui de la prise en considération. Evidemment lorsque la proposition sera examinée en sections et en séance publique, on proposera des amendements, on se prononcera pour ou on se prononce contre. Tout cela serait prématuré aujourd'hui.

- La proposition est prise en considération et renvoyée à l'examen des sections.

La séance est levée à 4 heures et demie.