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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 28 janvier 1865

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1864-1865)

(Présidence de M. E. Vandenpeereboom.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 393) M. Thienpont, secrétaire., procède à l'appel nominal à I heure et un quart.

M. de Moorµ donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la Chambre

M. Thienpont présente l'analyse des pétitions adressées à la Chambre.

« Des habitants de Forville demandent que la loi électorale prescrive le vote par ordre alphabétique, que le vote soit obligatoire et que l'électeur dont le domicile est en dehors du rayon de 5 kilomètres du chef-lieu d'arrondissement reçoive une indemnité. »

« Même demande d'habitants de Lesve, Tiliier, Fosses et Namur. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi relatif aux fraudes électorales.


« Le sieur Hautmeister propose de substituer au droit d'accise sur la bière un droit de huit francs par 100 kilogrammes de farine employée dans la fabrication de la bière. »

« Même demande des sieurs Van Nieuwenhuyse et Vanderschueren. »

- Renvoi à la commission permanente de l'industrie.


« Des marchands de grains, avoines et fourrages se plaignent que les intendances militaires ne mettent pas en adjudication publique la fourniture de ces marchandises nécessaires au service de l'armée. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de la guerre.


« Des habitants de Bruxelles demandent une loi qui abroge toute répression de la coalition comme telle et qui punisse simplement la menace et la violence lorsqu'elles viennent des' ouvriers comme lorsqu'elles viennent d'autres citoyens. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants de Dour prient la Chambre d'accorder aux sieurs Hoyois et Condroz la concession d'un chemin de fer de Frameries à Condé par Quiévrain. »

- Même renvoi.


« La société chorale et littéraire les Mélophiles de Hasselt fait hommage à la Chambre d'un exemplair du premier volume du bulletin de sa section littéraire. »

- Dépôt à la bibliothèque.


« M. Beeckman, retenu chez lui par une indisposition, demande un congé. »

- Accordé.

Projet de loi portant le budget du ministère de la guerre de l’exercice 1865

Discussion générale

M. de Vrièreµ. - J'avais demandé la parole pour défendre le budget de la guerre au point de vue des devoirs que nous impose la neutralité ; mais l'honorable M. De Fré, dans un discours très substantiel, ayant longuement traité ce côté de la question, ma tâche en sera très abrégée.

Cependant, messieurs, je veux examiner à mon tour quelques points des discours des honorables membres qui ont annoncé un vole improbatif du budget.

Le budget de la guerre, messieurs, a, dans tous les temps, rencontré des adversaires dans cette enceinte ; il en avait de bien plus nombreux avant la loi de l'organisation de l'armée.

J'ai recherché, messieurs, dans les anciennes discussions les motifs sur lesquels s'appuyait l'opposition de cette époque ; et je dois déclarer que c'est dans la discussion actuelle quonu trouve les systèmes les plus vagues et les moins pratiques.

C'est l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu qui a ouvert cette nouvelle campagne contre le budget de la guerre ; il l'a fait vaillamment, en faisant une charge à fond contre les années permanentes.

L'honorable membre a puisé ses convictions dans les règles de l'économie politique et il a cherché à nous ramener à ses idées en nous exposant les prolégomènes de cette science.

On a fait peu d'économie politique en théorie dans cette Chambre, mais on en a fait immensément en pratique depuis un grand nombre d'années. Je ne crois pas que, dans aucun pays, dans aucune assemblée législative, on ait appliqué aux affaires publiques les saines règles de l’économie politique d'une manière plus constante, plus large et plus pratique. Mais, messieurs, à côté de la science de l'économie politique il y a une autre science, c'est la science du gouvernement, et je crains que l'honorable M. Le Hardy n'ait un peu négligé les règles de cette autre science.

Heureusement pour nous, messieurs, les hommes qui ont eu l'honneur de gouverner le pays depuis 30 ans ont toujours pensé que les principes de l'économie politique ne sont utiles dans le gouvernement des Etats que pour autant qu'on les sache combiner d'une manière intelligente avec la science politique.

Cependant, l'honorable M. Le Hardy a cherché à nous démontrer que, faute de suivre les règles de l'économie politique, nous étions dans une. voie de ruine, qui devait nous conduire à la faiblesse et à l'impuissance au jour du danger.

Il nous a rappelé les sommes énormes que nous avions dilapidées pour l'entretien de notre armée ; et je l'avoue, messieurs, j'aurais été effrayé de notre situation, en entendant les calculs de l'honorable membre, si je n'avais été bientôt rassuré par l'honorable M. Jacquemyns qui est venu, à son tour, nous présenter d'autres calculs qui prouvaient que, grâce à la sagesse avec laquelle ont été conduites nos affaires ; que, grâce à ce sentiment de nos devoirs dans le monde politique européen, nous avons échappé peut-être aux malheurs de la guerre, économisé ainsi des sommes infiniment plus considérables que celles que nous a coûtées l'entretien de notre armée.

L'honorable M. Le Hardy, pour démontrer que les armées permanentes sont une cause de faiblesse et de ruine, est allé puiser ses exemples au loin. Mais ne voyant les choses que d’un côté, et cherchant une cause unique là où il y a des causes multiples, l'honorable membre nous a cité certains grands Etats se trouvant dans des embarras financiers ; et il en a conclu que c'était l'entretien des armées permanentes qui faisait leur faiblesse.

Mais, messieurs, pourquoi l'honorable membre est-il allé chercher ses exemples si loin de nous ?

N'avait-il pas à nos poires un pays qui présente le type de la situation qu'il déplore ? Pourquoi ne nous a-t-il pas parlé de la France qui, plus qu'aucun autre pays, entretient une armée permanente formidable ? Jamais la France n'a eu des armées plus puissantes que de nos jours, mais malheureusement pour la thèse de l'honorable économiste, jamais aussi la France ne s'est trouvée dans une situation plus riche et plus prospère.

Et nous-mêmes, nous que l'honorable membre signale comme ayant le plus abusé, eu égard à notre population et à nos forces, de l'entretien des armées permanentes, pourquoi ne nous a-t-il pas montrés à l'état de misère et de ruine ?

L'Europe entière nous cite comme un pays modèle ; notre crédit n'a jamais été aussi solidement établi ; notre situation financière n'a jamais été aussi brillante ; jamais l'aisance publique, jamais la prospérité générale n'a jeté autant d'éclat ; et c'est en présence d'une pareille situation qu'on vient dire que depi's 30 ans nous marchons dans une voie de ruine ! Mais, par une contradiction singulière, après avoir cherché à nous démontrer que les armées permanentes menaient les Etats à leur ruine, après avoir fait deux discours pour prouver que ces armées permanents ne sont bonnes à rien, qu'elle n'ont jamais rien empêché, rien sauvé, que fait l'honorable membre ? Il nous dit :

« Si je n'étais pas convaincu qu'on peut faire des réductions considérables sur les dépenses qu'exigent les armements, je n'hésiterais pas à voter le budget. »

Ainsi l’honorable membre condamne les armées permanentes d'une manière absolue ; ces armées, selon lui, causent la faiblesse et la ruine des Etats qui les entretiennent ; et puis il vient nous dire : « Si je n'étais pas sûr que notre armée nous coûte trop cher, je me ferais un cas de conscience de voter contre le budget de la guerre. » On ne peut pas tomber dans une inconséquence plus complète.

Mais l'honorable membre a un autre système de défense, il nous l'annonce ; seulement il refuse de nous en donner connaissance.

Voici ce qu'il nous dit :

« J'ai soutenu, je soutiens encore et je crois que, dans d'autres occasions, je parviendrai à l'établir, que, sans dépenser, une somme aussi considérable que celle qui nous est demandée toutes les années, nous pourrons établir notre système de défense sur une base plus large, plus forte et plus efficace que celle que nous possédons actuellement. Mais ce n’est ni le temps ni l'occasion de développer cette idée.

« Le temps et l'occasion se présenteront lorsque le pays aura plus mûrement étudié cette question. Nous ne pouvons pas la résoudre sans que le pays soit avec nous et derrière nous. Il faut que la conviction s'établisse dans la population, qu'elle peut être parfaitement sûre de son (page 394) existence, de sa prospérité, de son avenir sans une armés permanente considérable.

« Lorsque cette conviction sera établie, le moment sera venu de dire, de développer et de donner les moyens d'organiser cette défense ; ils sortiront en quelque sorte d'eux-mêmes de la discussion.

« Jusque-là toute polémique à cet égard serait prématurée, ne pourrait, pour me servir d'un terme vulgaire, qu'embrouiller la question.3

Ainsi, l'honorable membre a dans sa poche un système plus large, plus sûr, plus efficace de défendre le pays, et il attend, pour nous le communiquer, que l'on soit convaincu davantage encore que le système actuel ne vaut rien.

Messieurs, il me semble que c'est tourner dans un cercle vicieux. Comment voulez-vous que le pays s'éclaire si vous lui refusez la lumière ? Sera-ce en lui prouvant, comme vous avez cherché à le faire, que les armées n'ont jamais rien préservé, que vous apprendrez au pays comment il peut défendre son existence, sa prospérité et son avenir, sans une armée fortement constituée ?

Vous votez contre le budget de la guerre, parce que vous trouvez mauvaise l'organisation militaire du pays, et vous refusez de nous dire ce que vous voulez substituer à cette organisation.

Vous voulez donc entretenir, dans le pays, une agitation stérile, une opposition qui ne peut aboutir à rien, car le pays certainement ne veut pas être privé de tout moyen de défense, et l'opinion publique, en la supposant hostile à notre organisation militaire actuelle, ne se manifestera pas dans cette Chambre, par un rejet du budget la guerre, avant qu'un autre système de défense n'ait été produit, discuté et reconnu comme efficace.

Mais, s'il y a un système meilleur, plus efficace, plus économique que celui qui est en vigueur, nous nous y rallierons tous. Il n'est personne qui n'adopte un pareil système, s'il existe. Nous voulons tous l'économie ; nous désirons tous que la défense nationale soit assurée, si la chose est possible, par des moyens moins coûteux qui ceux que l'on juge nécessaires aujourd'hui.

En effet, messieurs, à quoi s'en prennent les honorables membres qui combattent le budget de la guerre ? Ce n'est pas au budget lui-même, le budget n'est que l'application de la loi d'organisation de l'armée. Le budget que l'on combat est une victime très inoffensive de cette organisation.

Ceux qui votent contre le budget de la guerre font au gouvernement une opposition inutile, car M. le ministre de la guerre ne pourrait pas, le voulût-il, modifier ce budget.

Le ministre de la guerre applique la loi d'organisation de l'armée qui a été faite par la législature. Le budget est la conséquence matérielle de cette loi d'organisation.

Je comprends donc que l'on discute la loi d'organisation ; je comprends que l'on dise : Votre loi d'organisation est mauvaise, vous devriez adopter telle ou telle autre organisation, c'est ce qu'ont fait quelques orateurs.

Je comprends encore que l'on dise : Notre organisation militaire a été faite en vue d'un système de défense qui a été profondément modifié depuis lors ; nous désirons examiner s'il n'est pas possible de changer aujourd'hui cette organisation et de la rendre moins dispendieuse. Ce désir à été exprimé dans la section centrale et M. le ministre de la guerre a promis de nous mettre sous les yeux tous les documents propres à nous faciliter un pareil examen.

Cette question, messieurs, viendra donc à l'ordre du jour, nous discuterons alors en connaissance de cause, mais jusque-là, je le répète, voter contre le budget de la guerre, simplement parce que le chiffre en paraît trop élevé, c’est faire une opposition stérile et injuste.

Que diriez-vous, messieurs, d'un orateur qui viendrait vous dire : Je vote contre le budget de la justice parce que les tribunaux coûtent trop cher ?

M. le ministre de la justice, et vous tous, vous répondriez à ces orateurs : Attendez la discussion sur l'organisation judiciaire, là nous examinerons quel doit être le personnel des tribunaux ; là nous verrons de quelle besogne chaque tribunal est chargé, quel est le nombre des juges qu'il faut lui attribuer, quels sont les émoluments qu'il est juste d'accorder à chaque magistrat.

Mais, en attendant que cette loi soit faite, le ministre ne pourrait retrancher un juge d'un tribunal ou un conseiller d'une cour pour vous présenter un budget moins élevé.

Eh bien, le ministre de la guerre est exactement dans la mène position. A part peut-être quelques petites économies insignifiantes dont il ne lui serait pas tenu compte, le ministre du la guerre ne pourrait pas diminuer son budget sans jeter la perturbation dans l'organisation que les Chambres elles-mêmes ont décrétée.

J'ai quelquefois entendu dire, messieurs, par d'honorables collègues : « Je ne connais pas l'organisation de l'armée, mais je vote contre le budget parce que les dépenses sont trop considérables. »

Messieurs, je leur répondais : Je ne connais pas non plus cette organisation, et je crois que nous sommes à peu près tous dans ce cas, à l'exception de quelques membres qui ont fait partie des comités dont la loi est sortie, et non seulement nous ne connaissons pas la loi d'organisation, mais nous sommes, pour la plupart, incompétents pour la juger. Si donc je vole le budget de la guerre, c'est parce que, préoccupé que je suis de la défense du pays, je ne connais pas d'autre moyen de le préserver. Alors mon interlocuteur me répondait : Moi aussi, je suis, autant que personne, soucieux de la défense du pays, mais je ne puis approuver des dépenses qui, selon moi, sont exagérées .

Un pareil raisonnement, messieurs, n'est ni sage, ni juste, et il me rappelle une apostrophe qu'adressait un jour un de nos anciens et regrettés collègues, à un orateur qui, lui aussi, se déclarait soucieux de la défense du pays, mais qui trouvait le budget trop élevé : Vous voulez la sécurité du pays pour un sou, disait-il ; mais si elle doit coûter deux sous, vous n'en voulez plus.

Tout le monde, messieurs, reconnaît la destinée fatale des sociétés humaines qui leur impose le devoir de pourvoir à leur défense ; l'honorable M. Coomans lui-même, lui qui a si longtemps prédit la venue d'une ère de paix universelle, ne méconnaît pas cette nécessité et, contrairement à l'opinion de l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu, il proclame l'utilité des armées permanentes ; seulement il y met certaines réserves.

L'honorable M. Coomans vous a fait un éloge pompeux du personnel de notre armée, il aime les soldats, il aime les sous-officiers, il aime les officiers, et son éloge est allé jusqu'à dire que si l'on devait désigner par la voie du sort les membres de la législature, les membres de l'Académie et des corps savants, il aimerait mieux que ce choix eût lieu dans le personnel de l'armée que partout ailleurs.

M. Coomans. - Oui.

M. de Vrièreµ. - Mais l'honorable M. Coomans a une singulière manière d'aimer les gens. Pour exprimer à l'armée son amour, son admiration, il la tue : Il lui reconnaît toutes les qualités, tous les talents, il n'y a qu'une petite chose qu'il ne lui reconnaît pas, c'est d'avoir ce qu'il faut pour atteindre le but en vue duquel elle est instituée, c'est-à-dire qu'il déclare qu'au point de vue de la défense nationale elle n'est bonne à rien. Voilà son arrêt.

M. Coomans. - Parce qu'elle est trop faible.

M. de Vrièreµ. - Soit. M. Coomans a cru devoir nous apprendre à cette occasion, je ne sais pourquoi, qu'il avait failli devenir médecin. S'il nous a parlé de cette circonstance, c'est qu'il y attache sans doute quelque importance.

M. Coomans. - Oh non,

M. de Vrièreµ. - Vous voudrez bien permettre que j'en parle ?

M. Coomans. - Si cela en vaut la peine, certainement.

M. de Vrièreµ. - Je dirai donc à l'honorable membre et j'espère qu'il ne m'en voudra pas...

M. Coomans. - Jamais.

M. de Vrièreµ. - Je dirai donc à l'honorable M. Coomans que je ne regrette nullement qu'il ne soit pas entré dans la carrière médicale parce que cela nous aurait peut-être enlevé le plaisir d'entendre ici ses recettes politiques et que celles là seront toujours plus inoffensives, j'espère, que les recettes médicales qu'il aurait pu donner.

Je ne partage pas, messieurs, cet amour et cette admiration sans bornes pour l'armée. Je crois l'armée solide, je la crois instruite, disciplinée ; j'aurais confiance en elle si jamais le territoire du pays était menacé, et c'est pour cette raison que je veux la conserver.

Un autre honorable membre ne méconnaît pas non plus la nécessité pour les nations de se défendre, c'est l'honorable M. Delaet ; seulement l'honorable membre veut opposer à la force armée étrangère la force morale, ce grand élan de l'esprit public, qui est plus fort que toutes les armées, et qui résulte d'un profond attachement à nos institutions.

Mais à côté de sa foi dans la force morale, l'honorable membre a placé un doute ; il nous a fait suffisamment entendre que cette force morale qui doit nous sauver, nous ne pourrions y compter qu'à la condition de donner satisfaction à ses idées. La force morale de l'honorable M. Delaet est donc une question de majorité. Je ne cris pas que nous devions y attacher un grand prix.

Un autre membre, M. d'Hane-Steenhuyse, met le salut des Etats faibles dans la spécificité et la dissemblance de leurs institutions. « Je (page 395) voudrais, dit-il, tellement différencier nos institutions de celles des peuples qui nous entourent qu'il fût impossible, après nous avoir pris par un coup de main, de se maintenir dans notre pays. »

L'honorable orateur oublie que les progrès de la civilisation ont pour conséquence inévitable de différencier de moins en moins les nations ; il oublie que tous les pays suivent de plus en plus les mêmes principes de gouvernement et que tous paraissent chercher à avoir des institutions à peu près semblables. D'ici à quelque temps il n'y aura plus guère que les pays barbares et ceux qui marchent à reculons qui auront des institutions différentes de celles des autres nations.

Mais si c'est la dissemblance des institutions qui doit préserver les Etats, je m'étonne que la Chine, par exemple, la Cochinchine, le Japon, n'aient pas été préservés dans ces derniers temps.

Certainement, il y avait là des dissemblances bien plus fortes qu'il ne peut en exister entre les Etats européens ; et cependant cela n'a pas empêché ces pays d'être envahis et occupés par une poignée de troupes européennes.

Mais, messieurs, il y a un autre pays, que nous connaissons davantage, qui, à la fin du siècle dernier avait, lui aussi, des institutions très dissemblables de celles des pays qui l'avoisinent. C'était un pays qui, lui aussi, avait à un haut degré cette force morale dont parlait l'honorable M. Delaet ; à tel point même qu'il venait de se soulever contre l'Autriche pour conserver ses anciennes institutions. Ce pays, messieurs, c'est la Belgique.

Eh bien, la dissemblance de nos institutions d'avant 1789 n'a pas empêché la Belgique d'être envahie et occupée par la France et malheureusement d'être occupée pendant 20 ans. II est vrai, messieurs, que l'honorable M. d'Hane, à qui je réponds en ce moment, n'a pas non plus une confiance absolue dans cette dissemblance. Il nous a parlé d'un élément auxiliaire de défense et cet élément auxiliaire il se trouve dans la garde civique.

« La garde civique, dit-il, étant organisée de manière à constituer une force véritable, la Belgique pourrait le trouver à même de défendre pendant quelque temps sa nationalité. »

Quelle est, messieurs, cette organisation dont parle l'honorable orateur ? Je n'en sais rien ; il ne le dit pas. Est-ce la landwehr ; est-ce l'organisation] suisse ? Je ne pense pas que personne en Belgique voulût de l'une ou de l'autre de ces organisations. S'il s'agissait d'une garde civique un peu plus forte, un peu mieux organisée, je serais étonné de voir l'honorable membre s'imaginer qu'une milice bourgeoise puisse avoir quelque succès contre de bonnes armées régulières.

Un mot maintenant, messieurs, sur la neutralité.

L'honorable M. De Fré nous a montré l'autre jour quels sont les devoirs de la neutralité et quelles sont les conséquences qu'amène l'oubli de ces devoirs. La neutralité, messieurs, ce n'est pas l'isolement : les Etats perpétuellement neutres ne sont pas plus que les autres placés en dehors des rapports qui constituent le monde politique ; seulement, ils y ont une position privilégiée qui est subordonnée à certaines conditions ; et cette position leur est faite par des traités, non pas à titre de faveur, mais parce que cette position est celle qui concilie le mieux les intérêts rivaux des grandes puissances et parce qu'elle est la plus propre à maintenir l'équilibre entre les grandes nations.

Mais pourquoi les Etats perpétuellement neutres doivent-ils avoir une armée permanente ; pourquoi ces Etats doivent-ils pouvoir se défendre ? Est-ce parce que les traités sont sans valeur ? Dieu nous garde, messieurs d'avoir cette pensée. Ne jetons pas le doute sur ce qu'il y a de plus sacré entre les hommes. Il n'y aurait plus de sécurité parmi les nations comme il n'y aurait plus de relations possibles entre les individus, si le respect des droits d'autrui et la foi dans la parole donnée n'existaient plus.

Mais, messieurs, les événements sont souvent plus puissants que les engagements les plus solennels, et lorsque la guerre en rompant les traités entre les grandes puissances vient subordonner le sort des armées à certains mouvements militaires, les traités faits avec les puissances secondaires et faibles risquent toujours d'être sacrifiés à la loi de la nécessité.

Les auteurs qui ont écrit sur le droit des gens nous enseignent que les lois de la guerre en cas de nécessité absolue doivent faire place au droit réservé par la nature qui prescrit la conservation à chaque peuple comme à chaque individu.

Cette nécessité absolue, disent-ils, peut résulter de la conviction que l'occupation d'une place ou d'un pays est nécessaire, parce qu'on ne peut douter que l'ennemi ne s'en empare et n'acquière ainsi un avantage considérable.

L'honorable M. De Fré vous a cité, messieurs, des cas où la neutralité de plusieurs pays a, été violée par suite de l’application de ces règles.

Ces atteintes aux droits des nations, qui ne sont pas rares dans l'histoire, ont fait naître cette maxime politique que la neutralité peut seulement convenir à un pays qui est en état de se faire respecter par chacune des parties belligérantes.

Il s'ensuit qu'il n'est de bonnes neutralités, soit perpétuelles, soit temporaires, que celles qui sont sérieusement armées ; celles-là seules sont utiles, tant pour l'Etat neutre lui-même, que pour les puissances qui l'avoisinent. Celles qui sont faibles n'inspirent de confiance à personne ; tant qu'elles peuvent être forcées impunément, aucune puissance ne peut compter sur elles. Il en résulte que les nations qui touchent immédiatement aux territoires de l'Etat neutre, sont plus intéressées que les autres à voir cet Etat fortement assuré et qu'elles peuvent légitimement voir un danger pour elles dans cette neutralité même, quand la nation qui en jouit n'est pas en état de faire respecter son territoire par les belligérants.

M. le ministre de la guerre vous posait, messieurs, hier une hypothèse ; il vous faisait voir ce qui arriverait probablement si une conflagration éclatait en Europe et si plusieurs grandes puissances voisines y étaient engagées. A côté de cette hypothèse, je placerai un fait, et en vous le signalant, je ne commettrai pas une indiscrétion, car il a déjà été relaté à cette tribune.

Il y a un certain nombre d'années, dans un moment où un conflit européen menaçait d'éclater, une puissance voisine, préoccupée du défaut de défense naturelle de sa frontière, nous notifia que, dans l'intérêt de sa sécurité, elle devait être certaine que notre établissement militaire était tel qu'il nous permettait d'empêcher une armée étrangères de traverser notre pays.

On ne nous demanda pas alors quelle était notre force morale ; on ne nous demanda pas quelle était la dissemblance de nos institutions d'avec celles d'autres peuples. C'était de la force de nos canons que l'on s'enquérait ; on voulait savoir combien nous avions de bataillons et d'escadrons ; quel était l'état de nos arsenaux et de nos places de guerre.

Messieurs, voilà un épisode de la vie politique réelle, et il est vraiment étonnant qu'après de pareils exemples on se complaise dans un monde de fictions.

Messieurs, toutes ces théories vagues, irréfléchies, qui ne tiennent aucun compte des faits qui crèvent les yeux, on les a entendu se produire à toutes les époques sous des formes diverses et dans tous les pays ; mais on a vu aussi toutes les législatures protester invariablement par leurs votes contre ces conseils d'imprévoyance.

Il y aura toujours des esprits tenaces dont les convictions résisteront à toutes les leçons de l'expérience. Et comme les théories qu'ils professent créent un monde imaginaire dans lequel viennent disparaître les obligations les plus onéreuses de la souveraineté et de l'indépendance, il s'en suit naturellement qu'il y a toujours une partie naïve du public qu'on dispose à les applaudir.

C'est ainsi que si quelqu'un s'avisait d'ériger une chaire pour démontrer que le gouvernement peut fonctionner utilement, sans jamais demander un seul centime aux contribuables, je suis convaincu qu'un pareil professeur aurait non seulement beaucoup d'auditeurs, mais même beaucoup d'adhérents.

Malheureusement, messieurs, lorsqu'il s'agit de questions qui touchent aux plus grands intérêts du pays, lorsqu'il s'agit de sa conservation et de son honneur, il n'est pas sans danger de propager des théories séduisantes, mais condamnées par l'expérience, et ceux qui se hasardent à la tribune nationale encourent la responsabilité des ravages que peuvent causer dans l'opinion publique des idées qui en flattant l'intérêt et l'égoïsme personnel mènent à la ruine du sentiment national.

M. Coomans. - Messieurs, les diverses accusations dont M. le ministre de la guerre a voulu m'accabler me forcent à reprendre la parole.

J'accepterai toujours volontiers la responsabilité de mes doctrines, parce que j'ai voué ma vie à la recherche de la vérité, et parce qu'il est toujours profitable d'être combattu par des hommes instruits, tels que la plupart de mes honorables adversaires. Je porterai volontiers la responsabilité de mes doctrines, même dans l'isolement et l'impopularité, mais de mes doctrines seulement, et non des interprétations inexactes et fantastiques qu'on se plaît à en faire. Le poids de mes propres doctrines est déjà assez lourd, en présence de la majorité actuelle, pour que j'aie le droit de repousser toute aggravation de charges.

Je vais donc rectifier les injustes commentaires de l'honorable baron Chazal.

Je ne m'attendais pas, messieurs, à voir le gouvernement introduire une Académie de fous dans cette assemblée ; mais puisqu'il l'a comblée de cet honneur insigne, faisons-lui bon accueil, et rendons-lui justice selon le droit et la logique.

(page 396) M. le ministre de la guerre a-t-il lu ce livret ? Je le lui demande formellement.

Je désire qu'il me réponde par la négative ; car sinon, je devrai lui reprocher de ne nous avoir pas avertis que les opinions qu'il a citées ne sont pas précisément les miennes.

En effet, ce livre ne se compose que des conversations de fous officiels, de fous légaux, officiellement timbrés... (Interruption) qui parlent à tort et à travers de omni rescibili et de quibusdam aliit, en sens inverse, soutenant le pour et le contre, et abordant en libres penseurs échevelés tous les problèmes sociaux et philosophiques. Les uns attaquent les principes de liberté, les autres les exaltent.

Les uns sont pour le despotisme pur, les autres pour le système représentatif. Les uns pensent, comme l'honorable ministre de la guerre, que le développement de la force brutale est la meilleure sauvegarde de la liberté et le principal promoteur du progrès ; es autres n'admettent que les droits de la raison et les moyens de persuasion, et veulent supprimer non seulement la guerre, mais même l'échafaud.

Dans tout ce tohu bohu de controverses, je ne prends pas une seule fois la parole, ne me croyant pas encore compétent dans ce parlement-là. (Interruption.)

Bref, les débats de ces fous sont anarchiquement contradictoires et M. Chazal a l'étrange prétention de m'endosser la responsabilité de toutes les opinions contraires de tous ces fous.

Cela est-il raisonnable ? Ma cervelle se livrerait à un tour de force jusqu'ici inouï, si l'on pouvait y caser tant de choses opposées. Heureusement il n'en est rien et je me réserve le droit de choisir et de me prononcer en dernier ressort parmi ces fous.

L'honorable ministre, après certains critiques officieux, m'a fait un crime d'avoir établi un parallèle, au nom d'un fou, entre le bourreau et le soldat guerroyant et conquérant.

Cette pruderie est mal séante de la part d'un ministre qui approuve et applique la peine de mort, et dans une assemblée qui vote, maintienne, sanctionne et paye les fonctions du bourreau.

Depuis que j'ai pris, à la suite de méditations longues et approfondies, la résolution de ne plus consentir à l'effusion du sang, même sur l'échafaud, d'affirmer partout et toujours l'inviolabilité de la vie humaine, j'aurais le droit, moi, de blâmer et de mépriser le bourreau. Mais non, soyons justes ; le bourreau est dans cette Chambre, le bourreau est cette Chambre elle-même. Le bourreau, c'est moi qui ai voté la peine de mort et qui m'en repens.

Le bourreau, ce n'est pas ce haut fonctionnaire qui tire la ficelle rouge, c'est le juge qui condamne à mort ; ce sont les ministres qui font exécuter la loi ; c'est le Roi qui s'abstient souvent, et toujours malgré lui, de faire grâce. C'est le législateur qui rédige les lois de mort ; c'est l'électeur qui approuve les votes du législateur ; c'est la masse du public qui va se presser autour de l'échafaud. Voilà le bourreau. Le bourreau, c'est presque tout le monde.

Messieurs, avant de mépriser le bourreau, supprimons-le. D'ici là, respectez le bourreau : c'est votre homme, ce n'est pas le mien.

Donc, et dans une certaine mesure, je suis de l'avis de ce fou qui s'étonne que la société honnisse et proscrive l'un de ses principaux fonctionnaires, le fidèle exécuteur de ses ordres, alors qu'elle honore tout spécialement le soldat conquérant qui, lui, a aussi pour métier de verser le sang, mais qui ne verse que le sang des innocents. Ce fou a même raison de dire que ceux qui poussent à la guerre de conquête et qui multiplient les hécatombes humaines parmi les peuples chrétiens, n'ont pas le droit de critiquer ni de supprimer le bourreau civil.

Ce même fou proteste contre l'exclusive qualification de noble métier des armes donnée à la fonction militaire. Et pourquoi pas ? Est-ce que le métier de laboureur, de houilleur, de pêcheur n'est pas aussi honorable que celui de soldat ? Pourquoi ne me permettez-vous pas de dire : Le noble métier de pêcheur, le noble métier de houilleur !

- Plusieurs membres. - Personne ne vous défend cela.

M. Coomans. - Vous ne le dites jamais dans vos adresses à la Couronne, où vous ne qualifiez de noble que le métier des armes ? Pourquoi le métier du houilleur et du pêcheur ne serait-il pas noble ? Est ce parce que ce serait moins dangereux ? Mais le contraire est la vérité. Ces houilleurs, ces pêcheurs, ces généreux soldats de l'industrie, livrent chaque jour des batailles à la mort, et il ne les perdent que trop souvent, et d'autant plus glorieusement, selon moi, qu'on ne les décore jamais ces hommes utiles et dévoués, ces précieux citoyens, ces créateurs de notre pain quotidien, ces nobles fabricateurs de toutes les richesses nationales.

L'autre jour encore, ces hommes valeureux ont essuyé une terrible mais honorable défaite dans les lieux infernaux de Dour, dans les ténèbres où les meilleurs soldats, même les plus homériques, n'aiment pas à combattre. Ils sont tombés sur leur champ de batailla à eux, de même que de pauvres pêcheurs d'Anvers, au nombre de 13, montant la chaloupe de Hoop, viennent de perdre la vie et une bataille maritime dans la mer du Nord. (Interruption.)

Et je ne pourrais pas dire qu'ils exercent un noble métier, ces bouilleurs intrépides qui, avec nos pêcheurs, avec nos ouvriers des usines insalubres, exercent le plus dangereux des métiers ? Oui, le plus dangereux des métiers, alors que nos soldats, heureusement condamnés à une neutralité perpétuelle, ne courent depuis longtemps et, j'espère, pour longtemps encore, d'autre danger que de s'enrhumer dans les factions nocturnes et hivernales que vous leur imposez à la porte de vos hôtels. (Interruption.)

Eh bien, je suis de l'avis de mon fou, et je le proclame tout haut.

Et suis-je pour cela un ennemi de l'armée, comme vient de l'insinuer encore l'honorable M. de Vrière ? Mais non ; je demande pour nos soldats le bien-être et la liberté ; je condamne la servitude ; je ne veux que des soldats volontaires. Suis-je un ennemi des esclaves, parce que je désire l'abolition de l'esclavage ? Suis-je un ennemi des avoués, parce que je désirerais la suppression des avoueries, afin de simplifier la procédure civile ? Mais j'ai beaucoup d'excellents amis parmi les avoués, parmi les soldats, et même, je l'affirme et je m'en vante, parmi les officiers.

Je me montre l'ami des soldats en demandant leur libération et la formation d'une armée de volontaires. Je me montre l'ami des sous-officiers en souhaitant la suppression de l'école militaire et son remplacement par des écoles régimentaires dont MM. les officiers seront les professeurs théoriques et pratiques. Je me montre l'ami des officiers, enfin, en demandant qu'on ne les enferme pas arbitrairement dans des forteresses et qu'on leur permette de lire mes écrits, ce qui leur est défendu aujourd'hui.

Je me montre encore et surtout l'ami des officiers en faisant d'eux le sincère éloge que j'ai rappelé l'autre jour.

Messieurs, l'honorable baron Chazal m'a fait grand tort en se livrant à ce qu'il a appelé lui-même une interprétation de mon discours. Je n'ai pas dit que je voudrais remplacer par des militaires MM. les avocats, MM. les juges, MM. les médecins et MM. les membres des deux Chambres. L'honorable ministre m'a attribué bien légèrement une aussi monstrueuse absurdité. Je me suis borné à dire, et uniquement pour témoigner de la haute estime où je tenais notre corps d'officiers, je me suis borné à dire que si j'avais à appliquer le système du tirage au sort pour la formation des Chambres et des Académies, je m'adresserais à notre corps d'officiers, de préférence à toutes les autres classes de la population, même à celle des avocats, dont je fais partie. Et c'est pour cela (je n'en dirai pas davantage à l’honorable M. de Vrière) que j'ai cité MM. les médecins et MM. les avocats.

Et puis, messieurs, je n'ai pas demandé pour la Belgique une armée de 400,000 hommes. J'ai dit qu'une pareille armée pourrait seule nous garantir, peut-être, contre l'invasion et l'occupation, ce qu'une armée de 50,000 et même de 100,000 hommes ne saurait faire. Voilà ce que j'ai dit ; mais je n'ai pas demandé une armée de 400,000 hommes et j'en veux beaucoup moins que vous, puisqu'elle serait impossible. C'est seulement au point de vue de la logique que je me suis livré à ce calcul.

Messieurs, l'honorable ministre a eu tort encore de présenter les dépenses de l'armée comme une prime d'assurance contre les ravages de l'occupation. Mais, dans le système de l'honorable ministre, il n'empêchera jamais l'occupation. L'occupation de la patrie par l'étranger est devenue un principe ; on abandonne la patrie ; on va défendre l'armée et le drapeau belge à Anvers. (Interruption.)

Mais je vous demande de m'expliquer comment les 55 millions que nous payons chaque année pour la guerre peuvent être considérés comme une prime d'assurance contre l'occupation du pays, contre les exactions et contre tous les autres ravages dont on vous a fait peur la vingtième fois (une peur singulière et que je ne crois pas très s'rieuse), quand vous déclarez d'avance vous-mêmes que vous n'empêcherez point l'invasion, ni l'occupation, ni les exactions ?

Il m'a paru que l'honorable M. Chazal s'est rétracté hier au sujet des armées permanentes.

Hier l'honorable ministre s'est contenté de dire que les années permanentes avaient contribué à produire la liberté et la civilisation.

Si l'honorable ministre rétracte son discours de l'autre jour, je n'insisterai pas. Mais s'il maintient son discours, je devrai en faire l'objet de quelques commentaires. Son silence m'oblige à revenir sur ce point grave.

Voici ce qu'a dit l'honorable ministre :

« Personne ne devrait plus ignorer aujourd'hui que la civilisation (page 397) n’existe et n'a fait de progrès réels et continus que depuis la création des armées permanentes ; que l'ordre et la sécurité n'ont régné en Europe, que la prospérité générale ne s'est développée et que la liberté n'a pris naissance que sous leur égide protectrice.

« Personne ne devrait mettre en doute aujourd'hui que les armées régulières sont l'élément et la garantie les plus essentiels de l'existence des Etats libres, de la sécurité des citoyens, et du développement constant et progressif de la richesse et de la grandeur nationales.

« Il n'existe pas une puissance ancienne ou moderne, petite ou grande, qui se soit appauvrie, ou qui ait été arrêtée dans sa marche ascendante et ses progrès, quoi qu'on en dise, par le développement, même exagéré, de sa force militaire, tandis qu'il en est beaucoup qui ont été ruinées ou qui sont déchues pour avoir laissé tomber leur état militaire.

« Qu'étaient la Russie et la Prusse avant le développement, exagéré par rapport aux autres puissances, que donnèrent à leur état militaire Pierre Ier et Frédéric II, auxquels l'histoire équitable a décerné le titre de Grands ?

« Quel degré de splendeur n'a pas atteint l'Angleterre par le développement de sa force maritime qui, en ce moment, est à peu près égale à celle de toutes les nations continentales réunies ! Rappelez-vous ce qu'étaient ces trois puissances il y a deux siècles et voyez ce qu'elles sont devenues. De puissances de second ordre, elles sont devenues puissances de premier ordre et puissances prépondérantes. Dans ce court laps de temps, la Russie, qu'on nous représente comme si amoindrie par l'accroissement de sa force militaire, est non seulement sortie de la barbarie et a complètement changé de face ; mais encore elle s'est accrue démesurément ; elle a ajouté à son empire la Pologne, la Courlande, la Finlande, la Sibérie, jusqu'aux frontières de la Chine et jusqu'à l'Amérique septentrionale, au sud elle a conquis la Bessarabie, la Crimée, le Caucase, les antiques royaumes de Géorgie et d'Arménie, et ces provinces bibliques de la Perse et de l'Asie Mineure, où la tradition de tous les peuples a placé le berceau du monde, d'où est sortie la race humaine et où Dieu avait placé le Paradis terrestre.

« La Prusse, de simple duché, s'est faite royaume de premier ordre, en s'allongeant aux dépens de tous ses voisins.

« L'Angleterre, faisant taire ses principes au profit de sa grandeur, a étendu ses conquêtes sur toutes les parties du globe.

« Est-il une meilleure preuve des avantages que procure un état militaire largement développé ? »

« D'un autre côté, quelle était la situation de l'Europe et de la civilisation avant la création des armées permanentes ?

« La guerre, le désordre, l'anarchie et la misère étaient partout. On se battait, non seulement de peuple à peuple, mais de province à province, de commune à commune, de simple château à simple château.

« Chacun était obligé de se fortifier chez soi, et d'être toujours sur la défensive. Les villes, les villages, les simples habitations s'entouraient de remparts. Personne n'osait s'aventurer hors des murs, sans escorte, ou sans être sur ses gardes. Chacun était obligé de consacrer la majeure partie de son temps au métier des armes, le seul en honneur, sans qu'on sût l'utiliser au profit de tous. Partant pas de commerce, pas d'industrie pas de bien-être, une existence passée dans les alarmes, et partout des exactions, des actes de violence et des catastrophes effrayantes.

« Ouvrez, à n'importe quelle page, l'histoire réelle de ces temps lamentables, même celle de notre pays, celui de tous où la civilisation était la plus avancée peut-être, et qu'y voyez-vous ?

« Nos communes, nos villes en guerre les unes avec les autres, nos populations s'entrégorgeant lorsqu'elles n'avaient pas à lutter contre l'étranger, des villes entières mises à sac et passées au fil de l'épée.

« Ce n'est qu'après que Charles VII en France (1445) et Charles le Téméraire dans notre pays (1471) eurent jeté les bases de la formation des armées permanentes, et fait paraître les fameuses ordonnances qui en sont l'origine et dont les principales dispositions sont encore en vigueur, que l'on vit un peu d'ordre et de sécurité renaître en Europe, le droit et la justice prévaloir et la tyrannie féodale disparaître. »

Ainsi s'est exprimé M. Chazal ; voilà la thèse inconcevable qu'a soutenue l'autre jour l'honorable ministre, et puisque l'honorable ministre ne rétracte pas ces énormités, voici ce que j'ai à en dire.

La plus belle période de l'histoire de la Belgique, à tous les points de vue, au point de vue de la nationalité, de la liberté, de la civilisation, et, peut-être exceptionnellement en Europe, au point de vue du bien-être des masses, la plus belle période est celle qui est antérieure à la formation des armées permanentes, et qui s'étend du XIIIème à la fin du XVème siècle.

Quoi ! M. le ministre, involontairement vous venez déshonorer le pays en marquant de la flétrissure de 1a barbarie les deux magnifiques siècles et demi qui ont précédé les débâcles de Charles le Téméraire ? Vous osez dire que nous étions dans la barbarie, dans l'esclavage, que nous nous entrégorgîons parce qu'il n'y avait pas de soldats pour nous apprendre à pratiquer un peu de sagesse ? Mais prenez-y garde, pour les arts, avons-nous aujourd'hui des peintres supérieurs à Memling et aux Van Eyck ? Pour l'architecture, avons-nous des monuments plus beaux que ceux du XIIIème, du XIVème et du XVème siècle ? Ne voyons-nous pas à cette époque, époque véritablement libérale, non seulement catholique, mais laïquement libérale, ne voyons-nous pas des villes de deuxième ordre, Bruxelles, par exemple, qui n'avait pas 35,000 âmes, construire en même temps, sans aucun subside gouvernemental, deux ou trois monuments superbes : son hôtel de ville, qui n'est pas à dédaigner ; je vous défie de faire une tour semblable à celle de Saint-Michel avec votre budget et avec le concours de tous vos officiers du génie, que je prise cependant si haut ; et outre ce magnifique monument, l'église de Sainte-Gudule et l'église du Sablon, et cela sans aucun secours officiel et sans la présence de la moindre compagnie permanente !

Quant à nos richesses, mais elles étaient fabuleuses ; à cette époque nos villes étaient parvenues à un degré de splendeur et de luxe qui était qualifié d'immoral. Je n'ai pas besoin de vous l'apprendre, la seule ville de Bruges renfermait 300 dames qui s'habillaient aussi richement que la reine de France, laquelle en manifestait publiquement et historiquement sa jalousie.

Notre industrie était parvenue à un haut degré de perfection dès le XIVème siècle ; je vais vous en citer un léger exemple. L'honorable M. Chazal se plaignait hier que la Belgique ne pouvait plus fabriquer de cuirasses et il a peut-être renoncé (en partie, je l'ai compris ainsi, cela ne me regarde pas), mais il a peut-être renoncé à ses beaux régiments de cuirassiers faute de cuirasses.

Eh bien, la seule ville de Bruxelles, cent cinquante ans avant la formation des armées permanentes, fournissait des cuirasses non seulement à tous nos beaux aristocrates, qui en usaient beaucoup, mais aux preux chevaliers de l'Europe entière.

Je puis administrer la preuve que la ville de Bruxelles envoyait ses cuirasses, fabriquées rue de la Madeleine et rue de la Montagne, à Tolède même, ville si renommée pour tous ses produits militaires.

Voilà ce que faisait la Belgique, cette sauvage Belgique. (Interruption.) Ce sont des détails que j'affirme ; j'ai lu les pièces dans nos archives.

Pour la littérature, étaient-ce donc de si piètres historiens que Philippe de Comines et Olivier de la Marche ? N'étaient-ce pas là des maîtresses plumes ? Et notre vieux Van Maerlant, le Dante belge, était-ce un sauvage aussi ?

Mais je désire que le gouvernement belge parvienne à créer beaucoup de Van Maerlant avec tous les subsides qu'il distribue ; jusqu'à présent, je n'en ai pas vu poindre beaucoup à l'horizon de notre ciel littéraire.

Puis encore, comment l'honorable M. Chazal peut-il dire qu'avant la formation des armées permanentes, l'Europe entière, la Belgique non exceptée, était plongée dans la barbarie !

C'est de sa part une profonde ingratitude, car ces barbares avaient inventé la poudre et avaient déjà fait beaucoup de bruit avec la poudre, avant la création des armées permanentes. (Interruption.)

Mais l'invention de la poudre est antérieure de près d'un siècle et demi aux armées permanentes qui, après tout, étaient encore des armées permanentes fort peu du goût de l'honorable ministre, puisqu'il ne veut pas de volontaires, ce qui ne l'empêche pas de faire un grand éloge des armées permanentes du XVème siècle, lesquelles n'ont jamais été composées que de volontaires.

La conscription n'a été introduite en Belgique par les Français qu'en 1796 ; elle n'avait existé chez nous que de 1703 à 1706, par le fait d'un despote étranger Louis XIV, agissant au nom de son petit-fils, Philippe V, maître momentané de nos provinces.

Ce n'est pas tout. L'imprimerie et la gravure étaient inventées et nos princes montaient, avant la formation des armées permanentes, sur les trônes de Jérusalem, de Constantinople et de Francfort.

Nos princesses étaient reines de France, d'Angleterre, de Danemark, d'Espagne et tout cela sans la moindre armée permanente ! Eh, messieurs, soyez justes, ne déshonorez pas le pays pour faire voter encore une fois votre budget de la guerre.

Qui donc se montre le plus jaloux de l'honneur national, de la gloire nationale, l'honorable ministre qui traite nos pères de, sauvages, ou moi qui réclame pour eux justice et respect ?

Et puis il n'est pas vrai que je me sois montré inconséquent au sujet des armées permanentes, Oui, je veux une armée permanente, mais une (page 398) petite armée permanente, uniquement pour le maintien de l’ordre public, et jamais je n'adhérerai à la formation d'armées guerroyantes et conquérantes. Je n'aime que l'armée belge qui ne peut jamais se battre.

J'ai dit, et l'honorable ministre a eu tort de contester le fait, j'ai dit que les grandes armées permanentes ont toujours été fatales à la Belgique comme à tous les autres peuples. (Interruption.)

Mais en 1830, messieurs, c'est une armée permanente qui a créé le seul péril que notre nationalité ait jamais couru. Si l'armée permanente du roi Guillaume avait triomphé à Bruxelles, où serait aujourd'hui notre nationalité ?

A ce propos, et je m'explique franchement, je dirai que ma principale raison pour être hostile aux fortes armées permanentes n'est pas une raison financière ni même une raison économique, c'est une question sociale ; je ne veux pas qu'une armée soit jamais assez forte pour empêcher la grande majorité du peuple de manifester sa volonté.

Eh bien, l'histoire m'apprend qu'en général les armées n'ont été instituées et maintenues que pour empêcher les peuples d'exercer leurs droits imprescriptibles. Je ne veux pas qu'une armée soit jamais assez forte pour comprimer la libre expansion de l'esprit public. Je le dis net, les gouvernements sont faits pour les peuples et non les peuples pour les gouvernements, et quand la grande majorité d'un peuple est mécontente de son gouvernement, elle fait bien de s'en débarrasser.

M. Bouvierµ. - Pourquoi y a-t-il une armée à Rome ?

M. Coomans. - Cette armée n'est pas forte, et elle se compose de volontaires. (Interruption.)

Du reste, je l'ai déjà dit, l'armée papale n'est pas un dogme.(Interruption.)

Je veux bien admettre par hypothèse que le pape ait tort de se défendre, mais alors accordez-moi que Victor-Emmanuel a commis une faute bien plus grande, a commis le crime de l'attaquer.

- Plusieurs membres. - Très bien !

M. Coomans. - Les armées permanentes n'ont jamais non plus sauvé une nationalité ; j'ai prié l'honorable ministre de donner un exemple contraire à cette affirmation, il ne l'a pas fait et il ne le fera pas. Mais j'ai cité beaucoup d'exemples d'armées permanentes qui ont confisqué des nationalités, et ce qui est étrange, c'est que l'honorable ministre s'est vanté de ces résultats et en a fait un mérite aux armées permanentes. Il a fait grand bruit des conquêtes et des annexions opérées par la Prusse, par la Russie, par l'Angleterre, par l'Autriche.

Eh bien, je ne vois là que des nationalités absorbées. Par qui ? Par des armées permanentes.

La vérité est que les nationalités ne se sauvent que par les grands mouvements populaires qui, quand ils sont unanimes, ou à peu près, sont parfaitement légitimes, et heureusement ceux-là sont invincibles.

Et puis je vous en convie ; j'en convie surtout la gauche, n'ayez pas une confiance illimitée dans la force des armées dites libérales. Les armées dites libérales n'ont jamais été ni les plus soumises, ni les meilleures, ni les plus honnêtes, ni les plus heureuses, et je doute fort que l'honorable baron Chazal en désire une. Je suis sûr que l'honorable baron Chazal aimerait bien mieux une armée de cléricaux endurcis, qu'une armée de libéraux, de libres penseurs (Interruption) et quand à gauche on vient vanter les armées libérales, je crois qu'on ne laissera dire cela que par l'honorable M. Bouvier.

M. Bouvierµ. - Vous dénaturez ma pensée.

M. Coomans. - Je prie l'honorable membre d'agréer de bonne part ma remarque.

M. Bouvierµ. - Votre appréciation personnelle m'est parfaitement indifférente.

M. Coomans. - Idem, et nous voilà d'accord, ou à peu près.

Les armées qui triomphent, a dit l'honorable membre, ce sont les armées libérales, quelque petites qu'elles soient. Dès qu'elles ont un drapeau libéral, elles sont sûres de la victoire.

Mais cela est historiquement faux. La victoire est une prostituée qui se livre à tous les hercules (interruption), aux plus forts et aux plus audacieux. (Interruption.)

Comment donc ! l'histoire est pleine de preuves de la vérité de ce que je viens de dire, en me servant d'une expression, hasardée peut être, qui m'échappe.

Oui, toutes vos armées soi-disant libérales sont les moins bonnes aux yeux de notre honorable ministre de la guerre et de tous les bons chefs de guerre. Ces armées libres-penseuses ont constamment remué et troublé les empires où elles régnaient.

Que de révolutions, que de séditions elles ont occasionnées dans le Bas-Empire, en Russie, en Espagne, etc. ! Combien de leurs maîtres elles ont massacrés ! Combien de villes elles ont incendiées ! Que de populations elles ont foulées, ces terribles protectrices de la liberté, de l'ordre et de la civilisation ! (Interruption.)

Ne vous y fiez pas, et moi je vous dirai impartialement : Ne vous fiez à aucune armée dès que vous n'êtes pas plus fort qu'elle.

Ceci évidemment n'est pas à l'adresse de l'armée belge, qui est positivement nationale. Je regrette d'être obligé de devoir faire des décorations de ce genre. Nous sommes encore dans la théorie que je tâche d'expliquer, de préciser au moyen de l'histoire.

J'ai demandé à M. le ministre de la guerre quelle est l'armée permanente qui a jamais sauvé une nationalité.

M. le ministre ne m'a pas répondu, je sais bien pourquoi. Au commencement du XVIIIème siècle, nous avions une nationalité belge, la même qu'aujourd'hui, une riche, excellente et unanime nationalité.

Nos souverains étaient très populaires et nous avions de plus une armée permanente, une bonne armée qui se battait bien, qui avait eu l'occasion de prouver qu'elle était brave, occasion qui, Dieu merci, est encore attendue par la nôtre. Elle avait brillé à Nieuport, à Ostende, en Hollande, tout le long du Rhin et de la Meuse.

Eh bien, est-ce que cette armée permanente a conservé notre nationalité ?

Pas le moins du monde !

Nous avons perdu notre nationalité, que nous avions possédée pendant 35 ans. Nous l'avons perdue hélas ! par un accident, parce que l'infante Isabelle n'a pas eu le patriotisme de nous donner un enfant, ne fût-ce qu'une infante.

Vous voyez comment les nationalités tiennent à peu de chose. Si nous avions eu le bonheur de voir devenir mère cette excellente princesse Isabelle, nous aurions conservé notre nationalité bien plus sûrement qu'avec une armée quadruple de celle que nous possédions à cette époque-là.

Dans toutes ces hautes questions sociales il faut s'en rapporter un peu à la volonté de Dieu et à la volonté du peuple, et ces deux volontés sont supérieures à toutes celles des armées permanentes et à tous les calculs des diplomates.

Messieurs, je vais finir.

J'admets donc les armées permanentes pour la sécurité intérieure du pays, et comme appoint pour la défense extérieure. Je ne repousse que les guerroyantes, les conquérantes, celles qui ruinent stérilement les nations.

Depuis le grand acte du 5 novembre 1863, qui m'a fait devenir presque bonapartiste... (Interruption.)

Je parle de ce magnifique appel au désarmement de l'Europe, de cet acte admirable daté du 5 novembre 1863. Toutes les aspirations de l'Europe sont dans le sens de la paix, on a tort de le nier. On a surtout tort de nier cela quand on est chef de nation, chef d'une nation petite et libre. Vous voyez tous les gouvernements aspirer sincèrement, oui, aspirer au désarmement. (Interruption.)

Je dis que je suppose ces aspirations sincères de leur part, d'autant plus sincères qu'elles sont conformes à la force des choses.

Le meilleur signe du temps à cet égard s'est produit en Espagne ; l'Espagne, cette glorieuse patrie du Donquichottisme, du chauvinisme fantaisiste, vient d'avoir la bonne pensée de rappeler dans leurs foyers les nouveaux don Quichottes, suivis de tant de malheureux Sanchos Panzas qu'elle avait expédiés dans l'autre monde pour conquérir Saint-Domingue. Nous la voyons s'arranger à l'amiable avec le Pérou, et elle fait bien, quoi qu'il en coûte à la gloriole nationale.

C'est très beau de la part de l'Espagne, où tout homme est hidalgo quand l'épée doit être tirée du fourreau.

Au lieu d'aller gaspiller tant de millions à Saint-Domingue et d'entretenir tant de bataillons stériles et dangereux, l'Espagne eût mieux fait de payer ses dettes.

A mon sens, c'eût été plus noble que d'aller faire massacrer ses enfants à Saint-Domingue.

Si la Chambre veut bien me permettre de lui faire une de ces plaisanteries inoffensives qu'elle m'a pardonnées quelquefois...

- Plusieurs membres. - Parlez ! parlez !

M. Coomans. - ... j'opposerai une sorte de parabole à celle que l'honorable ministre de la guerre nous a présentée.

L'honorable ministre a cité une belle fable de Lafontaine. Moi, je citerai une belle comédie de Molière, le Bourgeois gentilhomme.

J'aime à croire que nous avons presque tous lu Molière et je pourrai me borner à deux ou trois phrases de ce grand peintre des folies humaines.

Il me paraît, messieurs, c'est ma conviction, que la Belgique joue un peu dans le monde le rôle de M. Jourdain, de ce marchand enrichi qui (page 399) veut vivre à la mode du marquis Dorante, de Mme Drimène et d'autres personnes de la haute volée.

D'après le vieil adage que tout marquis veut avoir des pages et tout petit prince des ambassadeurs, M. Jourdain an lieu de vivre et de prospérer en paix avec les revenus qu'il s’est honnêtement fait en donnant à ses amis des draps pour de l'argent, M. Jourdain devient gentilhomme ou veut le devenir et il s'entoure de maîtres de danse, de musique, de philosophie, d'escrime, etc.

La musique et la danse jouent dans le ménage de M. Jourdain un rôle assez semblable à notre budget de la guerre et à notre budget de la diplomatie.

Il y a bien autour de M. Jourdain un sage professeur de philosophe qui s'appelle Le Hardy de Beaulieu, Delaet ou autrement. Molière ne donne pas son nom, mais le professeur de philosophie ne reçoit pas de M. Jourdain l'accueil mérité.

M. Jourdain aime mieux les dépenses de luxe, il est belliqueux et il veut danser dans le grand monde. Le maître de danse et le maître de musique, pour le faire danser lui et ses écus, caressent adroitement sa manie.

Le maître de musique lui dit : « La philosophie est quelque chose, mais la musique, monsieur, la musique. »

Et le maître à danser, « La musique et la danse, c'est là tout ce qu'il faut. »

Le maître de musique : « Il n'y a rien qui soit si utile dans un Etat que la musique. »

Le maître à danser : « Il n'y a rien qui soit si nécessaire aux hommes que la danse. »

Le maître de musique : « Sans la musique un Etat ne peut subsister. »

Le maître à danser : « Sans la danse un homme ne saurait rien faire. »

Le maître de musique : « Tous les désordres, toutes les guerres qu'on voit dans le monde n'arrivent que pour n'apprendre pas la musique. »

Le maître à danser : « Tous les malheurs des hommes, tous les revers funestes dont les histoires sont remplie, tout cela n'est venu que faute de ne pas savoir danser, s

Le bon M. Jourdain, suffisamment sermonné et convaincu, se déclare satisfait et paye en prince pacifique. Et voilà pourquoi nos budgets militaire et diplomatique sont votés.

M. de Macarµ. - Messieurs, j'ai demandé la parole parce que je désire motiver mon vote dans la question qui nous est soumise.

Je le désire d'autant plus que c'est la première fois, depuis que j'ai l'honneur de faire partie de cette Chambre, que j'assiste à une discussion complète du budget de la guerre et qu'ayant un vote à émettre dans cette question, nouvelle pour moi, je veux préciser dans quelles conditions et sous quelles réserves j'entends l'émettre.

Pour moi, messieurs, malgré les affirmations contenues dans plusieurs discours récemment prononcés dans cette enceinte, je crois qu'il est difficile de se dissimuler que l'opinion publique se soit vivement préoccupée depuis quelque temps de nos dépenses militaires.

Ce n'est pas dans un pays comme le nôtre, où toutes les branches de l'activité humaine tendent de plus en plus à se développer, où les forces sociales se déploient avec tant de vigueur, que de pareilles dépenses, assez improductives par elles-mêmes, il faut en convenir, peuvent passer inaperçues, surtout lorsque leur emploi, utile à d'autres titres, ne se trouve pas démontré de la façon la plus claire, la plus catégorique.

On ne peut se dissimuler que notre organisation militaire impose de lourdes charges au pays ; charges d'autant plus pénibles qu'elles atteignent surtout nos classes nécessiteuses et cela dans ce qu'il y a de plus sacré dans le cœur humain, dans les affections et le repos de lu famille.

Enfin si l'on tient compte du peu de goût qui se manifeste pour la carrière militaire en Belgique où, heureusement, nous n'avons de conquêtes à faire que dans l'ordre matériel et moral, les préoccupations que je signale ne pourront surprendre personne ; à plus d'un titre elles me paraissent justifiées, et je crois qu'il est de notre devoir de chercher à les satisfaire.

Comment ? Voilà ce que nous avons à rechercher. C'est qu'en effet avant de pouvoir satisfaire à ces exigences si légitimes qu'elles soient il faut sauvegarder d'abord et avant tout notre sécurité et notre indépendance nationale. Devant cet intérêt tous les autres doivent s'incliner ; aucun sacrifice ne sera trop dur, s'il est de nature à nous assurer ce but.

A cet égard au reste, qu'il me soit permis de le constater une fois de plus, il n'existe point de divergence d'opinion en Belgique. Si divisés que nous soyons sur bien des questions, quelle que soit l'irritation des partis, adversaires ou partisans du budget de la guerre, un même lien d'amour à notre nationalité nous unit tous et pas plus dans le pays que dans cette enceinte il n'y a d'aspiration vers l'étranger.

Donc assurer notre sécurité nationale le plus complètement possible, par une organisation militaire aussi économique que le permet cette sécurité, tel est le but que nous avons à attendre, telle est la véritable, la seule question que nous ayons à résoudre.

Je pense, messieurs, que nous devons avoir une armée permanente, et, à aucun égard, je ne puis partager l'opinion préconisée par notre honorable collègue, M. Le Hardy de Beaulieu.

L'improvisation d'une armée en cas d'agression, ainsi qu'il le demande, me paraît chose parfaitement impossible ; et certes, ce ne serait pas au moment où la science militaire a fait d'aussi grands progrès que je voudrais voir la Belgique tenter l'essai d'une défense sans organisation préalable, surtout quand je songe que l'enjeu d'une pareille partie pourrait être notre nationalité.

Au surplus, je ne sais si l'on peut douter que dans un petit pays comme le nôtre et tenait compte de la rapidité avec laquelle on peut transporter les armées, l'ennemi nous laisse le temps de faire un essai même d'organisation.

Je ne pense pas, d'ailleurs, que notre petite armée ne puisse jouer aucun rôle, d'honorables orateurs ont démontré le contraire. Mais n'eût-elle que la mission de tenir levé dans Anvers pendant quelque temps notre drapeau national, elle rendrait tout au moins possible que l'étranger vînt à notre secours.

Enfin, je ne puis partager les généreuses illusions de ceux qui pensent que la garantie de notre nationalité doive éloigner tout danger, et que c'est par notre sagesse, le développement progressif de nos institutions et de notre prospérité, par notre désir hautement exprimé de rester ce que nous sommes, que nous devons nous imposer au respect de l'Europe.

Les traités depuis 1815 ont été trop souvent déchirés pour que de plus récents soient un palladium inattaquable, et malgré les racines, profondes déjà, que la nationalité belge a jetées dans le sol de l'Europe, bien que cette nationalité soit devenue une des conditions essentielles du maintien de l'équilibre européen, je crois peu que le jour où des circonstances favorables à une conquête se présenteraient, le respect platonique de notre bon droit, les sympathies mêmes d'une grande partie de l'Europe suffiraient pour faire taire les appétits plus sérieux.

Trop de pages de l'histoire attestent le contraire, et en ce moment même celles où se rencontrent les mots de Schleswig et de Pologne.

Mais si j'admets qu'il nous faut une bonne armée de défense, je crois aussi, ainsi que je l'ai dit plus haut, qu'il importe de réduire les dépenses qu'elle nécessite autant que cela sera rationnellement possible, et je ne vois qu'un seul moyen à employer pour atteindre ce but, un seul, mais je le crois bon, c'est de faire connaître parfaitement au pays tout ce qui concerne nos affaires militaires.

J'insiste sur ce point. J'ai la plus grande confiance dans le patriotisme, dans le jugement et l'esprit de justice des populations belges. Je suis convaincu que l'opposition très réelle, quoi qu'on en dise, qui se produit contre le budget de la guerre, a sa principale source dans l'ignorance où l'on se trouve de tout ce qui concerne le département de la guerre, dans les doutes que l'on éprouve sur l'utilité absolue des sommes dépensées. Je suis persuadé aussi que le jour où la publicité, ce grand moyen de perfectibilité dans les gouvernements constitutionnels, serait faite sur ces matières, il résulterait de la connaissance des choses ces deux conséquences :

Des abus seraient peut-être réformés, et, j'en ai le très grand espoir, des économies seraient faites.

Mais aussi les attaques en ce qu'elles ont de mal fondé cesseraient de se produire,

L'armée gagnerait immédiatement en confiance, en certitude sur son avenir ce qu'elle perdrait probablement en nombre et le pays ne marchanderait pas un instant des dépendes dont il reconnaîtrait alors l’utilité indispensable.

Mais, messieurs, je ne sais si je ne prêche pas en ce moment un converti. L’événement n'a-t-il pas consacré déjà la vérité de ce que j'avance ?

Dans la séance d'hier lorsque l'honorable ministre nous tenait tous sous le charme de sa magnifique parole, quand donc nous a-t il émus le plus profondément si ce n'est au moment où, réfutant certaines accusations tout au moins téméraires, il s'est servi de cette publicité que j'invoque et qui cette fois l'a justifié si complétement ?

Je remercie l'honorable ministre de la guerre du premier pas qu'il a fait dans la voie que j'indique, mais qu'il me permette de le lui dire, je doute, quel que soit son éminent mérite, que le rapport qu'il promet amène seul le résultat que je désire.

(page 400) Je croîs que c'est un examen sérieux par d'autres que par ceux qui par leur position se trouvent plus on moins juges et parties dans la question, que c'est une enquête dans des conditions d'impartiaité officiellement constatée, où partisans et opposants de notre organisation militaire doivent être appelés, qui seule peut avoir des résultats sérieux et durables.

J'espère, je crois que d'une pareille enquête il résulterait une réduction de dépenses ; cependant, s'il est démontré alors que le système de défense qui s'appuie sur Anvers doit entraîner indispensablement une dépense égale à celle que motivait le système qui s'appuyait sur une série de places fortes de moindre importance, toute agitation devrait nécessairement tomber.

Non seulement je voterais quant à moi tout budget qui en serait la conséquence, mais je ferais tous mes efforts pour prouver à mon pays que les charges qu'il supporte sont la condition essentielle de son indépendance et de sa liberté.

Messieurs, je crois que je viens de préciser suffisamment quelles sont mes idées. La conséquence logique des considérations que je viens d'émettre serait peut-être l'abstention, mais je veux tenir compte des efforts que fait l'honorable général pour donner des apaisements à l'opinion publique.

Je sais que le budget que nous avons à voter aujourd'hui n'est que la conséquence de l'organisation de l'armée que vous avez votée en 1853, et j'ai peur, avant d'avoir tous les éléments nécessaires pour la reconstituer, de désorganiser, même momentanément, une force que je juge indispensable. Je crois donc devoir voter aujourd'hui le budget tel qu'il nous est soumis,

MpVµ. - La parole est à M. David.

M. David. - J'y renonce.

- Des voix. - La clôture ! la clôture !

MpVµ. - La clôture est demandée, quelqu'un s'y oppose-t-il ?

M. Debaets. - Je demande la parole contre la clôture.

J'étais inscrit, mais mon intention n'était pas de prononcer un discours, car je crois que la discussion s'est prolongée suffisamment. Mais dans une séance précédente on a donné au discours que j'ai eu l'honneur de prononcer une telle interprétation que je crois devoir rectifier les faits que M. Bouvier a établis à ma charge. Je suis à la disposition de la Chambre, je serai court.

MpVµ. - Je ferai remarquer à M. Debaets que son tour de parole n'est pas venu. La Chambre insiste-t-elle pour la clôture ?

- Voix nombreuses. - Non ! non !

MpVµ. - En ce cas, la parole est à M. Hymans.

M. Hymans. - J'y renonce.

MpVµ. - La parole est à M. Hayez.

M. Hayezµ. - Je regrette d'avoir à revenir sur l'incident que j'ai soulevé dans la séance du 24 décembre, relativement à la promotion qui a eu lieu le 11 de ce mois.

Je ne l'aurais certes pas fait, si les paroles prononcées hier par M. le ministre de la guerre ne m'y obligeaient pour justifier ce que j'ai dit précédemment

Je dois déclarer d'abord qu'en relisant l'épreuve du Moniteur de la séance du 24 décembre, j'ai trouvé mes explications relatives à l'avancement au choix très incomplètes.

Je n'y ai rien changé cependant, ne croyant pas pouvoir le faire, et c'est un tort peut-être, puisque je vois qu'on use d'une grande liberté à cet égard.

Je dois adresser des remerciements à M. le ministre de la guerre, qui a rectifié mes paroles dans la séance d'hier ; seulement je me permettrai de faire remarquer qu'il s'est arrêté justement au nœud de la question. (Interruption.) Il nous a montré parfaitement la filière à suivre pour les nominations au choix ; mais il s'est arrêté aux opérations des comités des inspecteurs généraux qui sont chargé de dresser un état des officiers proposés pour le choix.

Voici, messieurs, l'arrêté royal qui règle l'avancement au choix ; il a été donné à Laeken le 6 avril 1855, sous le ministère du général Greindl :

« Voulant fixer le mode d'application de la loi du 16 juin 1836 relativement à l'avancement au choix, parmi les officiers de l'armée ;

« Sur la proposition etc.

« Art. 1er. Le ministre de la guerre nous présentera les officiers de l'infanterie, de la cavalerie et de l'artillerie, pour l'avancement au choix, dans l'ordre indiqué par le tableau de propositions dressé par les comités des inspecteurs généraux. »

Je ne lis pas l’article 2 qui a été modifié. Il faut donc, messieurs, pour que les propositions soient faîtes conformément au vœu de l'arrêté que je viens de vous lire, que les officiers soient portés sur l'état dressé par les trois inspecteurs généraux, que la présentation au Roi soit faite dans l'ordre où sont inscrits ces officiers sur cet état, c'est-à-dire que s'il y a, par exemple, six officiers portés sur cet état et qu'on ne puisse en avancer qu'un seul, c'est le premier porté sur cet état qui doit être proposé à la signature du Roi. (Interruption.) C'est le premier qui doit être proposé et non pas le sixième.

- Une voix. - C'est absurde.

M. Hayezµ. -Je ne réponds pas aux interruptions. Les inspecteurs généraux de l'artillerie sont aujourd'hui M. le lieutenant général Dupont et les généraux majors Eenens et Soudain de Niederwerth.

M. le ministre de la guerre nous a cité hier M. le général Donny attaché à son département. M. le capitaine Nicaise, puisqu'on l'a cité avant moi, il m'est bien permis de le nommer à mon tour, est placé sinon de fait, du moins hiérarchiquement, sous les ordres de M. le général Donny ; mais celui-ci n'a nullement mission de signer les états de propositions pour l'avancement au choix.

Il peut faire des états de propositions, je veux le croire, et ces états peuvent être examinés et même pris en considération par les inspecteurs généraux, s'ils le jugent convenable.

Je le répète donc, messieurs, s'il n'y a qu'une place vacante, elle doit être donnée au candidat qui figure en tête des états de propositions. (Interruption.) Je ne comprends pas, du reste, pourquoi ou a fait tant de bruit à l'occasion de cette affaire ; il ne s'agissait que de consulter l'état de propositions des inspecteurs généraux, et si M. le capitaine Nicaise y figurait en première ligne M. le ministre de la guerre me mettait dans l'obligation de déclarer qu'il était parfaitement dans son droit, ce que je me serais certainement empressé de faire.

Je ne pouvais rien affirmer sur ce que contenait l'état de propositions ; j'ai dit que je ne croyais pas que M. le capitaine Nicaise fût le premier candidat et que mon doute subsisterait aussi longtemps que je n'aurais pas vu cet état signé par les trois inspecteurs généraux, M. le ministre de la guerre a élevé M, le capitaine Nicaise sur un piédestal magnifique ; je vais vous faire connaître l'état de service de cet officier ; vous jugerez, messieurs, s'il mérite d'y rester.

Entré à l'école militaire en 1846, il a été nommé sous-lieutenant à l'école d'application en 1848 et est sorti de l'école en 1851 avec le n°2. De là, il est allé à l'école d'équitation, où il est resté un an et a commencé en 1851 le service au régiment. Il a été promu au grade de lieutenant en 1855 et a continué à servir à Anvers, où j'étais également en garnison et où je l'ai parfaitement connu.

En 1858, le lieutenant Nicaise, ne jugeant pas que la carrière militaire lui offrait des chances suffisantes d'avancement, voulut en changer. Il sollicita et obtint un congé d'un an avec solde entière, et en profita pour lâcher de se caser dans l'industrie ; mais n'ayant pas réussi selon ses vœux, il rentra dans l'armée à l'expiration de son congé et fut attaché au département de la guerre au mois de mai 1859 ! II fut nommé officier d'ordonnance le 29 août suivant, capitaine en second en 1861 et capitaine commandant en 1864.

D'habitude, messieurs, dans l'artillerie, - à moins, que les choses aient changé depuis que j'ai quitté l'armée, - quand un capitaine en second est promu au grade de capitaine commandant, on le fait passer dans une batterie de siège. Eh bien, messieurs, au lieu d'appliquer cette règle à M. Nicaise, il a été désigné pour une batterie montée, où il a trouvé l'avantage d'un traitement plus élevé. N'est-ce pas là du favoritisme bien caractérisé ? Cette batterie compte aujourd'hui deux capitaines commandants.

Maintenant, messieurs, permettez-moi de vous dire la carrière de l'officier qui était le premier de la promotion de l'école militaire dont M. Nicaise avait le n° 2 ; c'est de M. Pétiau que je veux parler.

Elève à l'école militaire en 1846, avec M. Nicaise ; sous-lieutenant comme lui en 1848 ; entré au régiment en 1851, comme lui ; jusqu'ici ces deux officiers, vous le voyez, marchent parfaitement de pair, Mais M. Pétiau est nommé lieutenant en 1854, tandis que M. Nicaise n'est nommé à ce grade qu'en 1855 et cependant ils deviennent l'un et l'autre capitaines eu second en 1861. Ainsi, M. Nicaise gagne déjà un an sur M. Pétiau et cela n'a pas empêché M. Nicaise d'être nommé capitaine commandant en 1864, tandis que M. Pétiau, le premier de sa promotion, est encore capitaine en second. Je ne connais pas personnellement M.Petiau, mais d'après tout ce qu'on m'en a dit, c'est un officier comme il serait à désirer qu'il y en eût beaucoup dans l'armée. M. le ministre de la guerre a parlé également de M. de Cuyper. (Interruption). Je ne le connais pas même de vue ; je n'en dirai donc rien ; je vois seulement d'après l'annuaire militaire que quand il a été nommé capitaine en second, il était à peu près le vingtième lieutenant. Toutefois, je répète ce que j'ai dit tout à l'heure à t'égard de M. Nicaise, c'est que s'il figurait le premier sur la lise des candidats présentés par les trois inspecteurs généraux, il était parfaitement légal de le nommer.

- Plusieurs voix. - Assez ! assez ! la clôture !

M. Hayezµ. - M. le ministre de la guerre a parlé également de M. le lieutenant-colonel Brialmont. (Interruption.) (page 401) Vous avez donc bien peur de ce que je vais dire ? (Oh ! oh !) Alors laissez-moi parler.

MfFOµ. - Mais vous abusez de votre droit.

M. Hayezµ. - Je ne le croîs pas ; du reste je ne fais que suivre M. le ministre de la guerre sur le terrain où il s'est placé. (Interruption.)

M. Brialmont, lieutenant du génie, a été nommé dans l'état-major, où l'on manquait d'officiers, en même temps qu'un lieutenant d'artillerie ; tous les deux ont été admis, après examen, avec le grade de capitaine en second par arrêté royal du 5 février 1855. M. Brialmont a été décoré en 1856.

En 1859, il a été nommé capitaine commandant, comme son camarade qui avait passé avec lui dans l'arme de l'état-major. Ce camarade, qui a passé deux ans en Afrique, est encore aujourd'hui capitaine commandant ; M. Brialmont qui est arrivé au grade de major, en passant sur le corps à une dizaine de ces camarades, est lieutenant-colonel.

Je terminerai ceci par une observation : On reconnaîtra, je pense, que les officiers qui sont avec la troupe remplissent généralement les fonctions les plus pénibles du métier.

Pour eux, il y a des ennuis non seulement de tous les jours, mais même de toutes les heures, de toutes les minutes. Et cependant ces officiers né me paraissent pas appréciés comme ils devraient l'être. Il semble même que, dans l'esprit de M. le ministre de la guerre, ils sont bien inférieurs à ceux qui ont un service sédentaire, puisque la plus grande partie des faveurs sont accordées à cette dernière catégorie d'officiers qui jouissent en effet de grands avantages : séjour dans la plus agréable garnison du pays ; pas de frais de déplacement, si lourds pour les autres ; indemnités dans beaucoup de cas ; enfin avancement le plus rapide, puisqu'ils parcourent au pas de course et, sans quitter les bureaux du ministère, tous les degrés de la hiérarchie militaire.

Messieurs, il y a quelques jours, M. le ministre de la guerre a traité d'absurdité, je crois, l'opinion qu'on attribuait au général Totleben lors de sa visite aux fortifications d'Anvers. Ce qu'un de mes honorables collègues a dit relativement à cette visite est parfaitement vrai. L'opinion du général Totleben a été tout à fait favorable à l'exécution des travaux de fortification ; il a trouvé et il n'est pas seul de son avis que nos officiers du génie avaient parfaitement exécuté ce qu'on leur avait ordonné de faire. Mais il s'est permis quelques critiques polies sur l'ensemble des travaux, sur leur efficacité pour la défense de la position. Les critiques ont été détaillées par un honorable collègue : je n'y reviendrai pas.

Mais en admettant même que M. le général Totleben eût approuvé complètement tout ce qui s'est fait à Anvers, que pourrions-nous en conclure ? Qu’il est tout à fait d'accord avec nos constructeurs ? Je ne le pense pas.

Supposons un instant que M. le ministre de la guerre se rende à Lille ; qu'il soit reçu par la garnison de cette ville comme le général Totleben l'a été à Anvers ; qu'on lui rende des honneurs presque royaux ; qu'après avoir visité toutes les fortifications on l'invite à un banquet où les officiers se rendent en grande tenue, comme l'ont fait à Anvers les officiers belges au banquet auquel le général Totleben a été invité. Eh bien, messieurs, si en pareilles circonstances on demandait à M. le ministre de la guerre : « Que pensez-vous de nos fortifications de Lille ?» irait-il les blâmer ? Non M. le ministre de la guerre connaît trop bien son monde ; il sait trop bien vivre pour se permettre une pareille inconvenance toute gratuite ; il trouverait moyen d'arranger les choses et ne blesserait aucune susceptibilité.

Et pourtant, d'après l'opinion de M. le ministre de la guerre, ses critiques devraient être très sévères à l'égard des fortifications de Lille, qui ne sont pas exécutées d'après le système polygonal.

Je ferai encore une remarque. M. le général Totleben a fortifié Sébastopol et Kertch ; il fortifiera Riga. Les places de Sébastopol et de Kertch sont fortifiées d'après le système bastionné. Comment fortifiera-t-il Riga ? Nous le saurons plus tard.

Hier, messieurs, l'honorable ministre de la guerre, à propos des fortifications d'Anvers, a dit : « J'ai préféré consulter le comité du génie, qui s'est prononcé à l'unanimité en faveur du système polygonal. »

La loi sur tes fortifications d'Anvers a été votée en 1859 ; cet avis demandé au comité du génie qui aurait adopté à l'unanimité le système polygonal, aurait dû l'être en 1859 ; or, il se trouve, on peut vérifier ce point dans les archives du département de la guerre, il se trouve que le comité du génie n'a été consulté qu'en 1860, c'est-à-dire un an après.

Et encore, dans ce comité, consulté en 1800, le système polygonal n'a pas été soumis aux délibérations.

Du reste, voici, sur le système polygonal et sur le système bastionné, l'opinion d'un officier qui passe pour le principal promoteur des fortifications d'Anvers, opinion qu'il a professée jusqu'en 1858 ; il disait :

« Le système polygonal, emprunté par les ingénieurs allemands au célèbre Montalembert, a le défaut capital de faire dépendre le flanquement du corps de place d'une caponnière double, ou d'un petit ouvrage à flancs adossés, pouvant être ruiné par la mine ou par une habile concentration de feux et n'ayant pas assez d'espace intérieur pour recevoir un cavalier...

< Sauf des cas particuliers où l'emploi du tracé tenaillé est nécessité par le terrain, on donnera la préférence au tracé bastionné. On peut admettre comme règle que : l'enceinte des places à grand développement sera autant que possible construite d'après le système bastionné. »

C'est son opinion, en 1858. Notez bien que les fortifications ont été décrétées en 1859.

Voici l'opinion actuelle du même officier :

« Les systèmes de fortification peuvent être ramenés à trois tracés primitifs, le tracé polygonal, le tracé bastionné et le tracé tenaillé.

« Les ingénieurs, jusque dans les derniers temps, ;se sont prononcés tantôt pour l'un, tantôt pour l'autre. Cependant la majorité a donné la préférence au tracé bastionné qui sert encore de base à la fortification dans la plupart des pays.

« Nous admettons les rasons qui ont été invoquées par les auteurs classiques contre l'emploi du tracé tenaillé, mais nous repoussons celles qu'ils ont fait valoir pour démontrer la supériorité du tracé bastionné sur le tracé polygonal. »

Ainsi donc, le même officier affirme aujourd'hui que le tracé bastionné est le meilleur, et l'année d'ensuite, il soutient que c'est le polygonal.

Remarquez-le, messieurs, la citation a son importance, parce que ces deux opinions contraires appartiennent à l'officier réputé l'auteur du système adopté pour les fortifications d'Anvers. Je vous le demande, si cet officier avait encore dans deux ou trois ans l'influence dont il jouit aujourd'hui et s'il changeait de nouveau de manière de .voir, à quoi serions-nous exposés ?

M. le ministre de la guerre a parlé d'un chef d'état-major. Ce chef d'état-major a existé dans notre armée jusqu'en 1863, je pense.

Tout le monde sait qu'il faut un chef d'état-major à une armée en campagne, ainsi M. le ministre de la guerre trouverait peu d'incrédules lorsqu'il dit qu'il se hâterait d'en nommer un en cas de guerre. Mais je doute fort que les fonctions qu'il attribuerait à cet officier général fussent aussi étendues qu'il le demandait dans le mémoire dont j'ai déjà parlé, s'il conservait à cette époque le portefeuille de la guerre.

M. le ministre nous a parlé aussi d'une commission chargée d'examiner un nouveau système de harnachements ; il nous a dit que les épreuves avaient duré un mois.

Eh bien, je crois que pour une chose aussi importante, un mois n'est peut être pas la dixième, la centième partie du temps qu'il faudrait pour faire des épreuves tout à fait concluantes. (Interruption.)

Il faut des années pour s'assurer de la bonté d'un harnachement de guerre.

Je doute que nos cavaliers, nos cuirassiers entre autres, soient très satisfaits du rôle que M. le ministre de la guêtre leur a fait jouer hier, en les comparant, à peu près, lorsqu'ils devaient monter à cheval, aux anciens chevaliers auxquels il fallait trois ou quatre varlets pour se mettre en selle.

Nous avons tous vu nos cavaliers et je crois que nous affirmerons tous qu'ils sont aussi bons que possible pour le peu de temps qu'ils passent sous les armes.

Les nouveaux harnais ont été approuvés par une commission, a dit M. le ministre de la guerre.

Le même officier dont je vous ai parlé tout à l'heure traite les commissions d'une manière très peu révérencieuse. Il dit, entre autres, ceci ;

« Les commissions particulières auxquelles on soumet, en en ce moment, toutes les questions importantes (c'était sous le ministère du général Anoul) ne peuvent tenir lieu des comités. Elles sont presque toujours nommées en vue du résultat qu'un ministre cherche à obtenir. »

(page 402) M, le ministre s'est trompé en disant hier que c'était lui qui avait institué les comités pour les différentes armes.

Ces comités dont il avait, je le sais, proposé la création, ont été institués le 2 février 1859 par M. le général Bertcn ; quelques mois après, cet officier général a été remplacé par M. le général Chazal qui, le 30 mai 1859, la même année par conséquent, a modifié la composition de ces comités, sans en changer l'organisation ; mais pourquoi donc alors nous parler des comités en général, comme il l'a fait hier ? Pourquoi les représenter comme s'opposant aux progrès.

Du reste, qu'ai-je dit ? C'est que M. le ministre de la guerre prenait sur lui toute la responsabilité de ses faits et gestes en ne consultant pas les comités ; et c'est justement ce que ce haut fonctionnaire a confirmé hier en émettant son opinion sur leur valeur ; par conséquent nous sommes parfaitement d'accord sur ce point.

M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Messieurs, ce n'est pas sans une vive répugnance que je rentre dans ce débat. Je ne le ferais pas, s'il ne s'agissait de rétablir les faits dans l'intérêt de l'officier qui a été nommé.

Vous vous rappellerez que lorsque l'honorable M. Hayez a, pour la première fois, parlé de cette nomination au choix, il a dit : Si l'on me cite un seul inspecteur général qui ait proposé cet officier, je m'incline. Eh bien, je prouve à M. Hayez que cet officier a été proposé par tous les inspecteurs généraux, et M. Hayez ne s'incline pas et il vient vous faire une théorie contre laquelle je dois protester de toutes mes forces. Il vous dit : Les inspecteurs généraux dressent des listes d'avancement, et il faut que le Roi, qui a le droit de choisir, nomme d'après l'ordre dans lequel les officiers sont proposés.

Messieurs, il y a d'autres administrations où l'on fait des nominations sur des présentations.

Or, que deviendraient les droits de ceux qui sont appelés à faire les nominations s'ils étaient obligés de prendre le candidat porté le premier sur la liste de présentation ?

La théorie de M. le colonel Hayez conduirait donc à une absurdité.

J'ajouterai, messieurs, que de tous les officiers d'artillerie proposés au choix, deux seulement ont été proposés au choix hors ligne, et ce sont ceux-là seuls qui ont été nommés. Vous voyez donc que tout se réunit pour légitimer ces nominations si injustement attaquées.

Je suis obligé, messieurs, d'insister sur cette considération que si pour chaque nomination le ministre devait venir dans cette enceinte discuter le mérite de celui qui a été nommé, s'il devait venir dire publiquement pourquoi M. un tel a été nommé, pourquoi MM. tels et tels ne l'ont pas été, l'administration serait radicalement impossible. On mettrait ainsi au ban de la nation des fonctionnaires dont le seul tort est souvent d'avoir un peu moins d'aptitude que ceux qui leur sont préférés.

C'est tout ce que j'avais à répondre à l'honorable membre.

M. Debaets. - Messieurs, comme je l'ai dit tantôt, mon intention n'est pas de rentrer dans le débat. Je n'ai à vous entretenir que d'un fait personnel ou plutôt d'une rectification, car je n'ai pas le droit de parler pour un fait personnel à l'occasion de paroles prononcées dans une autre séance.

Dans les observations que j'avais présentées à la Chambre il y a quelques jours, je croyais avoir observé parfaitement les convenances parlementaires et n'avoir laissé échapper aucune parole de nature à blesser qui que ce fût.

La preuve qu'il était ainsi, c'est que ni notre honorable président si personne n'a cru devoir relever le moindre mot. Cependant deux jours après, l'honorable M. Bouvier a trouvé bon de me répondre, mais au lieu de réfuter les arguments que j'avais fait valoir, il a cherché à vous égayer à mes dépens. Ainsi l'honorable membre a trouvé que j'étais lourd d'esprit et un peu aussi de corps.

M. Bouvierµ. - Je n'ai pas parlé de votre corps,

M. Debaets. - Vous avez parlé de mes lourdes mains.

Sous ce dernier rapport l'honorable membre a parfaitement raison. Au reste toute dénégation serait impossible et j'avoue que, pour moi comme pour lui, la nature n'a pas chicané, qu'elle n'a pas regardé à quelques kilog.

Quant à l'esprit, il a raison encore. En effet, siéger sur les bancs de l'opposition et avoir de l'esprit sont deux idées qui s'excluent.

Du reste, que deviendraient nos discussions si tout le monde avait de l'esprit comme M. Bouvier ? (Interruption.)

L'honorable membre m'a traité de jésuite et de Parthe, je suis très peu sensible à ces qualifications ; il m'aurait appelé Aztec, que cela m'eût été tout à fait indifférent ; mais ce que je ne lui permets pas, que pour me lancer ces épithètes, il s'appuie sur des faits qui sont matériellement inexacts. Voici ce que je trouve aux Annales parlementaires dans le discours de M. Bouvier :

« Ce n'est pas tout ; l'honorable député de Gand a trouvé convenant de lire une page d'un de ces pamphlets, page qui devait mériter la corde à son auteur, jugeant sans doute fort spirituel d'en cacher une autre qui devait le sauver, s'obstinant à ne pas tenir compte de l'invitation de l'honorable M. De Fré d'en vouloir bien donner lecture à l'assemblée.

« L'honorable ministre de la guerre vient de vous dire que M. Debaets n'a pas achevé la lecture d'un de ses discours, discours dont la partie finale caractérisait la fidèle pensée de l'honorable ministre.

« Cette façon, messieurs, de faire de l'esprit n'est pas difficile, j'en laisse toute la responsabilité à l'honorable membre ; cet esprit-là, je le qualifie du nom de jésuitique. »

Eh bien, messieurs, deux mots d'explication. Je vous laisserai le soin d'apprécier l'esprit de l'honorable M. Bouvier.

J'ai cité un discours de M. Delfosse. Je n'ai pas cité de discours de l'honorable baron Chazal ; par conséquent je n'ai pas tronqué le discours de l'honorable ministre. J'ai rappelé la discussion de 1851, et à cette époque l'honorable général n'était pas ministre, mais bien le général Brialmont.

Quant à la correspondance de l'honorable M. De Fré, je vais donner la preuve que je ne l'ai pas tronquée davantage. Je disais qu'en 1856 l'honorable M. De Fré professait les doctrines que je défends et que depuis lors il avait changé d'opinion, je ne lui en fais pas un crime. Eh bien, le passage qu'on me reproche « d'avoir caché n'a aucun rapport avec ce que je citais.

Ce que je citais, c'était une correspondance adressée par l'honorable M. De Fré au Messager de Gand, en mars 1856 et la lettre qu'on me reproche d'avoir cachée et qu'on représente comme appartenant au même travail, est daté ou censée datée du mois de juin 1857 ; il y a donc un intervalle de quinze mois entre les deux écrits ! C'est, au surplus, seulement depuis deux jours que nous savons que le prétendu vieux tripier, signataire de la lettre de 1857, c'est l'honorable M. De Fré lui-même.

Oh donc est le jésuitisme ?

Maintenant pourquoi suis-je un Parthe ? Probablement parce que je réponds en face à ceux qui m'attaquent, alors qu'ils ont jugé convenable de m'attaquer quand je n'y étais pas.

M. Bouvierµ. - Vous deviez être ici et non pas à Gand.

M. Debaets. - L'honorable M. Bouvier a de nouveau la délicate attention de signaler à mes électeurs que je ne suis pas trop souvent à la Chambre ; je le remercie du procédé de cette bonne action, je l'en remercie comme collègue et surtout comme confrère.

Je dirai seulement que si la fortune avait été aussi prodigue envers moi qu'envers l'honorable membre de ce vil métal, pour lequel il montrait l'autre jour un si profond dédain dans son discours, si je pouvais sacrifier tous les devoirs de ma profession, je serais tous les jours à la Chambre parce que depuis que l'honorable M. Bouvier y siège, je ne m'y ennuie jamais.

L'honorable membre m'a fait dire ceci : « L'honorable député de Virton a déclaré, dans cette enceinte que tous ceux qui ne votent pas le budget de la guerre sont les ennemis du pays. » Je n'ai pas dit cela, cela n'est pas dans les Annales, et je ne l'ai pas dit : la sténographie pourrait le démontrer au besoin.

L'honorable membre m'a demandé si dans le cas où 40,000 ouvriers gantois viendraient me demander du travail, je leur offrirais les discours de M. Frère ou de M. Delfosse ou le pamphlet de M. De Fré.

Non, messieurs, je ne leur offrirais pas même les discours de M. Bouvier.

Mais comme je ne sais pas ce que ces 40,000 ouvriers gantois sont venus faire dans cette discussion, je les renverrai à l'honorable M. Bouvier qui, pour apaiser leur faim, pourra leur faire chanter la Brabançonne !

- Plusieurs membres. - La clôture !

M. Bouvierµ (pour un fait personnel). - Messieurs, je suis réellement fâché, dans une discussion aussi grave, de devoir entrer dans de pareilles personnalités.

- Une voix à droite. - C'est vous qui avez commencé.

M. Bouvierµ. - C'est une erreur. J'ai ici le discours de l’honorable M. Debaets. Je vais vous en lire quelques passages.

- Voix nombreuses. - Non ! non !

M. Delaetµ. - Laissez-le aller.

M, Gobletµ. - Il n'y a pas là de fait personnel.

(page 403) M. Bouvierµ. - Lorsque j'ai demandé la parole à l'occasion du budget de la guerre, je n'ai pas attaqué l'honorable membre. J'ai attaqué deux espèces d'opposant à ce budget : MM. les députés d'Anvers et les économistes.

Je n'ai pas dit un seul mot qui fût un trait direct de personnalité contre aucun des membres auxquels je faisais allusion dans mon discours.

J'ai même dit, et je le répète, que nous étions tous des patriotes, mais que nous différions dans l'exercice, dans l'application du patriotisme.

Voila ce que j'ai dit.

Qu'a fait l'honorable membre ? II a parlé de ma vivacité et de mes paroles irritantes ; il a parlé même de la sonorité de ma voix. Ce ne sont pas là des arguments.

Lorsque à mon tour j'ai caractérisé la discussion à laquelle l'honorable membre s'était livrée, je l'ai fait dans la forme acerbe qu'il avait employée lui-même. Il a donc provoqué ma réponse.

J'ai parlé de Parthe c'est vrai. Mais qu'avez-vous fait ? Au lieu de rester ici, alors surtout que j'avais demandé la parole et que je vous avais dit : « Vous ne perdrez rien pour attendre, M. De Baets », vous partez pour Gand.

L'honorable membre trouve cela très spirituel et très généreux de sa part et il trouve peu généreux que je l'aie appelé Parthe.

Votre devoir était d'être ici, à votre poste, alors surtout que vous aviez été assez imprudent pour attaquer un adversaire qui n'avait pas dit un seul mot contre vous.

Voilà ce que j'avais à dire. Je regrette d'avoir dû entrer dans ces discussions personnelles qui sont indignes du grand débat auquel nous nous sommes livrés.

M. Delaetµ (sur la clôture). - Messieurs, parmi les orateurs qui ont pris la parole dans la discussion du budget de la guerre, j'ai été l'un de ceux que les partisans de ce budget ont bien voulu honorer de réponses spéciales.

Toutes ces réponses n'ont pas été également bienveillantes à mon égard. Très souvent ma pensée a été traduite et fort mal traduite.

J'aurais donc à parler assez longtemps. J'ai peut-être manqué de clarté dans mon premier discours, et comme le débat qui nous préoccupe en ce moment est des plus graves à tous les points de vue, il serait peut-être bon qu'il pût se prolonger quelque peu, afin que la lumière se fît dans toutes les intelligences.

M. le ministre de la guerre a invité les partisans de son budget, et surtout les partisans convertis, les néophytes du budget de la guerre qui, s'ils étaient venus à nous, auraient eu un nom moins euphémique peut-être, mais enfin les néophytes du budget de la guerre, à aller dire à leurs commettants combien le pays a intérêt à conserver non pas une forte armée, non pas une faible armée, mais l'armée que préfère M. le ministre de la guerre, la seule bonne.

Il y a, messieurs, un moyen beaucoup plus simple de dire au pays où est la vérité, c'est de le lui dire ici, dans cette enceinte.

MpVµ. - M. Delaet, vous rentrez dans la discussion. Vous avez la parole contre la clôture.

M. Delaetµ. - Pardon, M. le président, je ne dis pas ce que j'ai à dire, je me borne à l'indiquer. Si j'avais à entrer dans des développements, j'aurais de grandes autorités à invoquer contre l'organisation de l'armée, et l'autorité de l'honorable ministre de la guerre lui-même. Je désirerai pouvoir le faire à mon aise et ne pas parler devant une Chambre inattentive.

Si la gauche est fatiguée du débat, messieurs, le pays ne l'est pas. (Interruption.)

Je désire donc que la suite de la discussion générale soit remise à mardi.

- Plusieurs voix. - Non, non.

- Il est procédé au vote par assis et levé sur la demande de clôture.

La clôture est prononcée.

MpVµ. - Messieurs, je viens de recevoir la lettre suivante qui émane de M. le ministre de la guerre,

« Monsieur le président.

« J'ai l'honneur de vous envoyer les procès-verbaux que j'avais proposé à la Chambre de soumettre à son examen. »

M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Votre ! (Interruption.)

MpVµ. - La parole est à M. le ministre de la guerre pour rectifier sa lettre s'il y a lieu. La lettre dit effectivement « votre » examen.

M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Messieurs, j'ai proposé à la Chambre de soumettre les procès-verbaux à l'examen de M. le président, afin que celui-ci pût juger par lui-même et déclarer si ce que j'avais dit était exact ou non.

MpVµ. - Voici la position de la question.

Je dois dire que j'avais reçu une proposition signée par plusieurs membres et demandant la communication à la chambre des procès-verbaux dont il s'agit. Ces documents étant arrivés ici, j'ai compris qu'ils étaient déposés sur le bureau et j'en ai donné connaissance aux auteurs de la proposition, qui dès lors a été retirée.

S'il en était autrement, il faudrait que cette proposition fût reproduite et soumise à la Chambre, car il ne m'appartient pas de me charger de cet examen.

M. Thibaut. - Comme vient de l'annoncer l'honorable président, quelques-uns de mes honorables collègues et moi nous avions adressé au bureau une proportion tendante à obtenir le dépôt des procès-verbaux dont avait parlé l'honorable ministre de la guerre, sur le bureau de la Chambre, ou si l'on croyait plus convenable de ne pas distraire les procès-verbaux des archives du ministère de la guerre, tout au moins la communication de ces documents dans le cabinet de M. le ministre de la guerre à tous les membres qui la demanderaient.

Il me semble que cette proposition ne pouvait soulever la moindre difficulté. Tous mes collègues qui l'ont signée avec moi ont pensé comme moi qu'il y avait lieu de la retirer, lorsque M. le président a fait connaître que ces procès-verbaux se trouvaient déposés sur le bureau de la Chambre.

Je pense que l'honorable ministre de la guerre ne persistera pas à demander que M. le président décide si, oui ou non, ces procès-verbaux seront communiqués aux membres de la Chambre.

C'est là une situation que l'honorable président lui-même ne peut accepter.

M. Vilain XIIII (pour un rappel au règlement). - Messieurs, M. le président ne peut délibérer. Par conséquent il ne peut dire à la Chambre son opinion sur les procès-verbaux qui lui sont soumis.

Il faut que M. le ministre de la guerre relire ses pièces ou bien qu'il permette à tous les membres de la Chambre d'en prendre connaissance.

MpVµ. - Messieurs, je viens de dire que si la lettre de M. le ministre de la guerre doit être entendue en ce sens qu'elle adresse les procès-verbaux au président de la Chambre, la proportion qui m'avait été soumise doit être renouvelée.

M. Goblet. - Je ne comprends pas ni ne puis admettre le système que l'honorable général Chazal nous propose.

Quelque confiance que j'aie dans la parole de M. le président, je ne puis comprendre comment il puisse être chargé de faire connaître exactement à tous les 116 députés ce que contiennent ces procès-verbaux.

Lorsqu'il s'agit de questions aussi intéressantes, aussi graves que celles dont nous nous occupons et qui éveillent l'attention du pays depuis si longtemps, nous ne devons nous en rapporter qu'à nous-mêmes de l'appréciation des documents qui nous sont fournis.

Je ne pense pas que la Chambre ait jamais songé à mettre au-dessus d'elle une notabilité, un fonctionnaire quelque haut placé qu'il soit. Nul, pas même l'honorable ministre de la guerre, ne peut donner à notre président des attributions autres que celles qui lui sont attribuées par la dignité que la majorité de ses collègues a cru juste et convenable de lui accorder.

MpVµ. - Si la Chambre, le désire je lui donnerai lecture de la proposition.

- Voix à gauche. - C'est inutile.

M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Je ne demande pas mieux que de laisser les procès-verbaux à l'inspection des membres de la Chambre ; je m'en rapporte à leur discrétion pour une partie des mémoires qui sont joints à ces documente. Quant aux procès-verbaux proprement dits, je suis charmé que la Chambre en veuille prendre connaissance.

M. Delaetµ. - Nous laissera-t-on le temps moral pour les examiner ?

MfFOµ. - C'est la Chambre qui décidera cela.

MpVµ. - En présence de la déclaration de M. le ministre, la proposition faite devient sans objet.

Les procès-verbaux resteront donc à l'inspection des membres de la Chambre dans mon cabinet et sans déplacement.

M. Van Overloopµ (pour une motion d’ordre). - Je demande la parole.

MpVµ. - Pourquoi, M. Van Overloop ?

M. Van Overloopµ - Pour demander la remise à mardi.

- Un membre. - Commençons la discussion des articles.

M. Van Overloopµ. - On vient de mettre à l'instant même à notre disposition des documents de la plus haute importance.

(page 404) Je demande qu'on nous laisse le temps de les examiner, afin de nous renseigner sur les affaires d'Anvers. Et c'est à ce moment, à l'heure où la Chambre se sépare d'habitude le samedi, qu'on veut commencer la discussion des articles ! Il faut que ceux d'entre nous qui veulent prendre une connaissance spéciale des documents relatifs à Anvers aient le temps moral de le faire ; sinon on pourrait voter les articles au pas de course et la communications qu'on nous a faite serait sans objet.

Je demande donc qu'en présence de cette communication et conformément à ses précédents la Chambre s'ajourne à mardi.

M. Bouvierµ. - Rien n'empêche les membres de la droite ou de la gauche d'examiner les pièces mises à leur disposition par M. le ministre de la guerre pendant la discussion des articles. Je demande donc que la Chambre aborde cette discussion aujourd'hui.

M. Braconier. - Je demande que M. Van Overloop se mette d'accord avec M. Delaet. M. Delaet veut avoir à sa disposition, pour examiner les procès verbaux, un temps très long.

- Une voix. - Il n'a pas demandé un temps très long.

M. Braconier. - Or, s'il en était ainsi, le vote du budget de la guerre serait ajourné au moment que M. Delaet jugerait convenable de choisir. Cela ne peut pas être. D'ailleurs je ferai remarquer que les procès-verbaux dont il s'agit n'ont aucun rapport avec le budget de la guerre.

M. Coomans.µ. - Je ne suis pas dans le secret de mes amis, mais je suis convaincu qu'ils ne veulent pas ajourner le vote du budget de la guerre. (Interruption.)

Je suis fort désintéressé dans ce débat ; je m'engage même à ne pas lire les procès-verbaux. Seulement je crois qu'il est juste de laisser un temps moral à ceux qui veulent en prendre connaissance la remise à mardi ne nous fera pas perdre de temps puisque le dimanche et le lundi sont pour nous des jours fériés. (Interruption.)

Je demande formellement le renvoi de la discussion générale à mardi.

- Une voix. - Elle est close.

M. Coomans. - Du tout.

MpV. - La discussion a été close.

M. Coomans. - Je ne m'en suis pas aperçu et je le regrette. Je propose donc la remise de la discussion des articles à mardi, afin de permettre aux membres qui le désirent d'examiner les documents qui nous sont fournis et de communiquer leurs impressions à la Chambre n'importe à propos de quel article.

Encore un mot, en guise de motion d'ordre.

Il nous est arrivé, il y a peu de jours, une pétition parfaitement raiso-née, selon moi, d'un honorable jurisconsulte de Bruxelles, M. de Kerckhove, au sujet de nos expéditions guerrières au Mexique. Je demande que la commission des pétitions soit instamment priée de nous présenter un prompt rapport sur cette pétition.

M. Bara. - Je regrette, pour ma part, que l'honorable ministre de la guerre ait fait le dépôt de ces pièces au milieu de la discussion du budget, d'autant plus que ces pièces en réalité n'ont pas rapport le moins du monde au budget de la guerre. M. le ministre, je crois, ne soumettait ces pièces à la Chambre que comme un commencement d'exécution de la promesse qu'il avait faite de fournir des renseignements relatifs à l'état militaire de la Belgique, car je ne comprends pas l'influence que ces procès-verbaux peuvent avoir au point de vue du vote du budget de la guerre. (Interruption.) Is ne peuvent en avoir en aucune manière.

En aucune manière, messieurs. Vous vous récriez contre ce que je dis ; c'est cependant la vérité : Allons-nous recommencer, à propos du budget de la guerre, la discussion des fortifications d'Anvers ? Si vous voulez discuter les bases de notre établissement militaire, faites-le quand on présentera la loi sur le contingent de l'armée ; faites le même, si vous le voulez sous forme d'interpellation, mais je dis que vous ne pouvez pas le faire raisonnablement à propos d'un budget qui n'est que l'application de la loi organique de l'armée. Dans l’intérêt de la marche régulière des travaux de la Chambre, nous devons nécessairement nous y opposer.

Je demande donc que l'on veuille bien remettre à un autre temps, à l'époque qu'il plaira à la Chambre de fixer si elle le juge utile' la discussion que pourrait provoquer l'examen des documents déposés sur le bureau, documents qui, je le répète, n'ont absolument rien de commun avec le budget de la guerre. Dans tous les cas, le temps nous manquerait d'ici à mardi pour examiner ces documents ; quelques membres seulement pourront en prendre connaissance ; et il n'est pas admissible que tous ceux qui n'auront pas eu ce privilège soient obligés de croire leurs collègues sur parole. Il est donc bien évident que nous ne pourrons pas nous occuper utilement des procès-verbaux à propos de la discussion du budget.

Je crois, d'ailleurs, que M. le ministre de la guerre en les déposant a entendu qu'ils fussent examinés après le vote du budget ; sans cela je regretterais pour ma part le dépôt de ces documents qui viendraient jeter fort inutilement un nouvel élément dans une discussion avec laquelle ils n'ont rien de commun.

Je crois donc que la Chambre agira sagement et dans l'intérêt de ses travaux en poursuivant le vote du budget et en laissant ces procès-verbaux momentanément à l'écart, sous réserve, bien entendu, du droit de chaque membre d'en provoquer la discussion quand il le croira nécessaire et utile.

MpVµ. - Je dois dire que ces procès-verbaux resteront déposés dans mon cabinet et que personne ne les aura à sa disposition particulière. Il faut que ceci soit bien compris ; c'est pour cela que je crois devoir déclarer que ces documents seront communiqués sans déplacement à tout membre qui désirera en prendre connaissance.

M. de Moorµ. - Je voulais faire remarquer à la Chambre qu'il me paraît impossible de décider dès maintenant, et à propos du dépôt de ces procès-verbaux, que la Chambre reprendrait cette discussion mardi prochain. D'ici à mardi, quelques membres pourront sans doute prendre communication de ces procès-verbaux ; mais ils seront relativement peu nombreux et, d'un autre côté, il en est plusieurs qui, comme moi, par exemple, doivent retourner chez eux en province et qui pourraient ne pas revenir mardi prochain.

Je ne puis donc pas consentir, pour ma part, à ce que le voit des articles du budget soit renvoyé à mardi prochain ; et je demande formellement qu'il y soit procédé aujourd'hui, alors que nous sommes tous ici.

Au surplus, les procès-verbaux que vient de déposer M. le ministre de la guerre n'ont absolument rien de commun avec le budget même et ne doivent pas, par conséquent, retarder le vote de ce budget. Je voterai donc la proposition de l'honorable M. Bara.

M. Goblet. - Je crois que l'honorable M. Bara est dans le vrai. Ces procès-verbaux ne pourront pas être lus par tous les membres de la Chambre en quelques jours. Or, je ne pense pas qu'il puisse entrer dans les intentions de personne de vouloir suspendre le vote du budget jusqu'à ce que chacun de nous ait pu prendre connaissance de ces documents.

J'admets donc que la clôture de la discussion générale soit prononcée aujourd'hui, mais je demande que le vote des articles soit remis à mardi prochain et que la communication des rapports reste une chose indépendante de la discussion actuelle.

M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - On a prétendu qu'il s'était passé, dans la commission de 1859 et dans le comité du génie de 1860, des faits qu'on a spécifiés ; j'ai prétendu, de mon côté, que ces faits ne s'étaient pas passés ; je dépose aujourd'hui les procès-verbaux pour que chacun puisse apprécier de quel côté est la vérité, et si les faits sont comme je les ai rapportés et comme le Moniteur les a rapportés après moi. Voilà dans quel but j'ai déposé ces procès verbaux. On y trouvera la relation pure et simple de ce qui s'est passé à chaque séance, des discussions qui ont eu lieu des votes qui ont été émis. Chacun pourra donc constater la vérité et c'est dans ce seul intérêt que j'ai offert le dépôt des documents dont il s'agit,

M. Van Overloopµ. - Je n'ai pas demandé que la Chambre s'ajournât à mardi pour recommencer à nouveau la discussion du budget de la guerre, puisque j'ai déclaré que je voterai ce budget et que je persiste dans cette résolution. Il m'est donc indifférent de voter aujourd'hui ou mardi. Mais ce que je demande, c'est que la Chambre ne déroge pas à sa constante habitude de se séparer le samedi vers 4 heures, afin de permettre à nos collègues de province de rentrer ce soir dans leurs familles. Maintenant l'adoption de ma proposition aurait cette conséquence utile, selon moi (car je suis d'avis qu'il faut donner à nos collègues d'Anvers toutes les satisfactions légitimes qu'ils réclament), de leur assurer un temps moral suffisant pour constater l'exactitude des faits allégués par M. le ministre de la guerre.

La discussion des articles peut donc parfaitement être remise à mardi, et si quelque membre le désire il pourra fort bien, quoique la discussion générale soit close, présenter, à propos de tel ou tel article, les observations qu'il jugera convenable.

Messieurs, je suis complètement désintéressé dans la question puisque je compte ne m'absenter que demain ; mais je le répète, je désire qu'on respecte les habitudes constantes de la Chambre et qu'on ne mette pas nos collègues de province dans l'impossibilité de rentrer chez eux aujourd’hui. C'est donc uniquement un sentiment de convenance qui me guide en engageant la Chambre à se séparer jusqu'à mardi, puisque ce jour, je serai peut-être forcément absent moi-même.

M. Bara. - Je ne m’oppose pas à la remise de la discussion des (page 05) articles à mardi, mais je voudrais qu'il fût décidé dès aujourd'hui qu'on ne pourra pas, durant la suite de cette discussion, venir parler à la Chambre des procès-verbaux déposés par le M. le ministre. (Interruption.)

M. Coomans. - Et s'il nous plaît de faire une interpellation en vertu du règlement ?

M. Bara. - Eh bien, dans ce cas, je demanderai que ces documents ne soient pas communiqués avant le vote du budget.

M. Coomans. - Le pays jugera.

MpVµ. - Il a été décidé déjà que ces pièces seraient communiquées.

M. Bara. - Permettez-moi d'expliquer ma pensée. Si l'honorable M. Coomans m'avait écouté il serait de mon avis. Le dépôt d'une pièce doit avoir la même valeur que la communication de cette pièce à tous les membres. Quand on établit une discussion sur des documents, il faut que tous les membres aient pu en prendre connaissance. Or, il est matériellement impossible que 116 membres prennent connaissance d'ici à mardi de tous ces procès-verbaux ; il faudrait pour cela au moins un mois. Je ne pense pas que l'honorable M. Coomans doute que le budget de la guerre ne soit voté avant un mois. Il importe donc d'écarter complètement du budget l'examen des procès-verbaux, libre aux membres de la Chambre de faire plus tard, à ce sujet, telles interpellations qu'ils jugeront convenables.

M. de Theuxµ. - Messieurs, je crois que nous nous engageons dans une discussion tout à fait inutile. Attendons jusqu'à mardi puisqu'on est d'accord pour ne commencer que mardi la discussion des articles du budget de la guerre. Il est possible que, mardi, les faits contestés soient suffisamment éclaircis pour que l'affaire n'ait pas d'autre suite, du moins avant le vote du budget. Mais si un débat prolongé devait avoir lieu, et si plusieurs membres de cette Chambre demandaient un délai pour examiner les procès :verbaux, alors on pourrait fixer un jour auquel la Chambre discuterait le pour et le contre ; mais, je le répète, il est possible que cette discussion ne doive pas avoir lieu et que l'affaire n'ait pas d'autre suite.

- La Chambre consultée remet à mardi à 2 heures la discussion des articles du budget de la guerre pour l'exercice 1865.

La séance est levée à 4 1/2 heures.