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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 7 décembre 1864

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1864-1865)

(Présidence de M. E. Vandenpeereboom.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 157) M. de Florisone procède à l'appel nominal à 2 1/4 heures ; il lit le procès-verbal de la séance d'hier. La rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la Chambre

Il présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre.

« Des bijoutiers à Bruxelles demandent la liberté complète du travail d'or et d'argent, ou du moins que les orfèvres-bijoutiers puissent travailler à tous les titres lorsqu'il s'agit d'exportation. »

- Renvoi à la commission permanente de l'industrie.


« Le conseil communal de Furnes prie la Chambre d'accorder aux sieurs Popp et François la concession d'un chemin de fer direct de Bruges à Furnes par Nieuport. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des officiers pensionnés prient la Chambre d'améliorer leur position. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal de Hasselt demande un changement à l'interprétation de l'article 23 de la loi du 23 septembre 1842 sur l'enseignement primaire.

- Même renvoi.


« Des membres de l'administration communale et des habitants d'Aubel prient la Chambre d'accorder au sieur Pousset la concession d'un chemin de fer direct de Bruxelles à Aix-la-Chapelle par Neer-Aubel. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Zeelhem demandent que la station du chemin de fer qui doit être établie dans cette commune, ne soit pas déplacée. »

- Même renvoi.


« Le sieur Jean Dekkers, cabaretier à Saint-Léonard, né à Vieux-Turnhout, demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« M. Thienpont, retenu chez lui par une indisposition, demande un congé. »

- Accordé.


« M. d'Ursel, obligé de s'absenter pour affaires urgentes, demande un congé. »

- Accordé.

Rapport sur des demandes en naturalisation

M. Hymans. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer, sur le bureau de la Chambre, des rapports sur plusieurs demandes de naturalisation.

- Impression, distribution et mise à la suite de l'ordre du jour.


M. Bouvierµ. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer, sur le bureau de la Chambre, le rapport de la commission des naturalisations sur la demande faite par le sieur Jean-Frédéric Westhoff, chef de musique du 3ème régiment de ligne.

- Même décision.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l’exercice 1865

Discussion générale

M. Vleminckxµ. - Messieurs, dans la séance d'hier, M. le ministre des travaux publics a donné des explications au sujet du nouveau raccordement de la gare du Nord avec celle du Midi, raccordement dont j'avais eu l’honneur de lui signaler l'urgente nécessité dans la séance de samedi dernier.

Je le remercie de ses explications ; elles ont été aussi complètes que possible ; malheureusement je suis obligé de lui dire qu'elles sont désespérantes pour Bruxelles, et je vais le prouver.

Il faudra, a dit l'honorable ministre, pour faire exécuter le nouveau raccordement, une somme de 5 à 6 millions.

Je suis parfaitement de son avis. Mais, ajoute-t-il, il faudra des travaux analogues à Anvers, à Gand et à Liège ; et Bruxelles ne peut pas même avoir la priorité ; pour exécuter ces divers travaux nous avons besoin de millions nombreux, et pour se les procurer, M. le ministre des travaux publics ne trouve qu'un seul moyen ; c'est la constitution d'un fonds d'extension des chemins de fer.

Ce remède, c'est la seul qu'on nous offre ; or, dans l'état actuel des choses, j'ai le droit de dire qu'il est véritablement désespérant.

J'ouvre le récent rapport de l'honorable M. Sabatier sur le budget des voies et moyens et j'y lis ce qui suit :

« A la fin de l'année 1864, les dépenses, comprenant notamment la construction ou l'amélioration des voies navigables, la construction des chemins de fer, les travaux de défense, le rachat du péage de l'Escaut, ont été faits jusqu'à concurrence de 141 millions, et dans ces 141 millions, les ressources spéciales figurent pour 62,400,000 francs seulement. Les 78,600,000 francs restant ont été couverts ou à peu près au moyen de bonis successifs, formant un ensemble de fr. 77,732,682-70.

« Une ombre apparaît cependant au tableau. Elle est produite par les engagements auxquels il reste à satisfaire, à partir de 1865. Ces engagements se traduisent par une dépense de fr. 36,634,187-70, à laquelle il faudra pourvoir à partir de 1865 et qui le répartira, pour la part afférente aux travaux d'utilité publique, suivant le nombre d'années nécessaires à l'exécution de ces travaux. »

Voici donc, vous le voyez, messieurs, nos fonds engagés pour un grand nombre d'années ; et en présence d'une pareille situation, il faudra songer à créer, d'après l'honorable ministre des travaux publics, ce qu'il appelle le fonds spécial d'extension. Cela est-il possible ?

Que l'honorable ministre veuille donc nous dire de quelle façon il entend constituer ce fonds, et où il en trouvera les éléments ?

Certainement nous avons à la tête de nos finances un des hommes les plus habiles qu'on puisse trouver. Mais, messieurs, il faut que l'argent dont nous avons besoin se trouve quelque part, et il ne peut pas l'obtenir en frappant le sol du pied ; or, nos fonds sont engagés pour un grand nombre de travaux et pour un grand nombre d'années. Où les trouvera-t-il, je le répète ?

Dans une pareille situation à quel moyen recourir ?

Je n'en vois qu'un seul, c'est un emprunt. Un emprunt est indispensable, et s'il n'est pas contracté, je prévois que l'on ne pourra donner satisfaction à nos réclamations avant 15 ou 20 ans.

J'attends une réponse de l'honorable ministre, en ajoutant que je ne demande pas mieux que d'être convaincu que je suis dans l'erreur. Jusqu'à présent, je ne trouve pas rassurantes les paroles qu'il a dites à l'adresse des villes de Bruxelles, de Liège, de Gand et d'Anvers. Des explications me semblent donc indispensables et j'espère qu'elles me satisferont.

M. Laubry. - Je viens, messieurs, appuyer les observations qui ont été présentées dans la séance d'hier par mon honorable collègue M. Bricourt au sujet de la ligne de St-Ghislain à Ath.

La ligne de St-Ghislain à Ath constitue, comme vous le savez, messieurs, un des embranchements dont la concession a été accordée à la société Hainaut et Flandres, qui était tenue d'exécuter cette voie dans les trois ans de la date de son cahier des charges ; et depuis huit ans que cette concession lui a été donnée, elle est demeurée en retard de satisfaire à ses engagements.

Je ne doute pas que le gouvernement ne l'ait invitée itérativement à remplir ses obligations, et si elle n'a pas cru devoir le faire, c'est sans doute pour des motifs sérieux qui sont en la connaissance de M. le ministre.

A-t-elle concentré toutes ses ressources pour le tronc principal de sa concession ? C'est là une question que je pourrais adresser au chef du département des travaux publics qui est mieux renseigné que moi à cet égard.

Quoi qu'il en soit, je constate un fait, c'est que l'embranchement de Saint-Ghislain à Ath est demeuré sans exécution, et que cet état de choses est très préjudiciable aux grands intérêts du Borinage.

En effet, une ligne de St-Ghislain à Ath a une importance très grande pour nos charbonnages, puisqu'elle constitue une jonction rapide et surtout économique entre le couchant de Mons et la vallée de la Dendre, qui est un débouché important vers le centre du pays et vers le littoral.

L'utilité de ce chemin de fer est du reste reconnue, puisqu'il a fait l'objet d'une loi de concession. Il importe donc que M. le ministre cherche autant que possible à réparer le tort qu'a causé principalement à l'industrie charbonnière l'inaction de la société Hainaut et Flandres à remplir ses engagements.

Et comme cette société n'a pas cru devoir construire ce chemin, et qu'on m'assure même qu'elle y a renoncé, j'ai l'espoir que M. le ministre s'empressera de prendre des mesures définitives, et dans un délai prochain, pour accélérer le dénouement de cette situation fâcheuse et qu'il accordera à M. l'ingénieur Dincq la concession qu'il sollicite d'un chemin de fer de Jemmapes-St-Ghislain à Ath.

Tel est le vœu exprimé par trente-deux représentants des charbonnages du couchant de Mons qui, à la date du 30 novembre dernier, ont adressé une pétition à M. le ministre des travaux publics pour lui recommander cette ligne, dont l'utilité et l'importance, je le répète, ne (page 158) peuvent être méconnues ; aussi, les pétitionnaires, confiants dans la sollicitude de l'honorable chef du département des travaux publics pour les grands intérêts du Borinage, osent espérer que leur demande sera accueillie favorablement.

Permettez-moi, avant de terminer, de vous lire quelques passages de cette pétition :

« Organes de l'industrie en considération de laquelle Hainaut et Flandres en 1856, M. Dincq en 1864, ont projeté le chemin de fer de St-Ghislain à Ath, les soussignés, M. le ministre, viennent vous prier de ne pas laisser échapper l'occasion qui se présente de donner satisfaction à un grand intérêt public, et d'ajouter un nouveau titre à tous ceux que vous avez déjà conquis à la gratitude des grandes industries

c Ils se promettent de très heureux résultats de l'exécution du chemin de Saint-Ghislain et de Jemmapes à Ath. Ils ont la confiance qu'elle ajoutera beaucoup encore à l'activité déjà considérable du marché intérieur.

« Ils ont hâte de trouver là une compensation à la décroissance toujours de plus en plus précipitée de leurs affaires avec la France. »

Puisque j'ai la parole, je recommande aussi à toute la bienveillance de M. le ministre la demande en concession d'un chemin de fer de Frameries à Gosselies passant par Binche, Fontaine-l'Evêque et Jumet.

Cette concession est demandée par MM. Thomas Wilkinson, Alexis Mahieu, bourgmestre de la Bouverie et conseiller provincial, et Th. Massart, bourgmestre de Nimy et membre de la chambre de commerce de Mons.

La maison Wilkinson, de Londres, a offert, le 6 juin dernier, de verser le cautionnement et de former la société.

La chambre de commerce de Mons et le conseil provincial ont réclamé l'exécution de cette ligne dont l'avant-projet est déposé.

L'utilité publique de cette nouvelle voie, qui ne peut être contestée, doit procurer de grands avantages aux établissements industriels et aux charbonnages qu'elle rencontre sur son parcours, et donnera la vie à des contrées qui jusqu'à ce jour sont privées de railway : enfin, l'agriculture et le commerce trouveront dans l'établissement de ce chemin de fer un nouvel élément de prospérité. Quoique M. le ministre ait déclaré ne vouloir pas, pour le moment, accorder de nouvelles concessions, je l'engage à tenir en bonne mémoire celle que je lui recommande, et d'y donner le plus promptement possible une suite favorable.

Je me permets encore d'appeler l'attention de M. le ministre sur les diverses demandes de concession qui lui ont été adressées d'un chemin de fer à grande section, de Saint-Ghislain à Frameries.

M. le ministre qui a pu se procurer tous les renseignements et qui a consulté tous les intéressés pourra bientôt prendre une décision, qui, je n'en doute pas, sera favorable à la compagnie qui offrira plus d'avantages publics et j'espère que des conditions meilleures seront faites aux exploitants.

Je passe, messieurs, à un autre objet.

La société Hainaut et Flandres est tenue d'établir sur sa ligne une station à Boussu.

La haute utilité de cette station a été reconnue ; elle répond à un besoin réel et intéresse non seulement la belle et populeuse commune de Boussu, mais encore d'autres et notamment Dour.

Si je suis bien informé, la société persiste à ne tenir aucun compte des invitations qui lui ont été faites et se refuse à s'exécuter.

S'il en est ainsi, j'engagerai l'honorable ministre des travaux publics à user du pouvoir qu'il puise dans le cahier des charges de la concession pour contraindre la compagnie à remplir ses engagements.

Je me proposais aussi, messieurs, de demander à l'honorable ministre pourquoi on tardait aussi longtemps à accueillir la demande de l'administration communale de Quaregnon, qui sollicitait l'établissement d'une station du chemin de fer de l'Etat sur son territoire, mais M. le ministre ayant bien voulu m'informer que cette station était accordée, il ne me reste qu'à lui adresser des remerciements.

Je finis, messieurs, par recommander à l'honorable ministre des travaux publics les observations qui ont été présentées par mon honorable collègue de Mons à raison de la distribution des lettres et journaux dans les communes du Borinage ; je crois aussi que les distributions ne sont pas assez nombreuses et qu'on pourrait faire davantage. M. le ministre a déjà cependant beaucoup amélioré le service des postes, et je l'en remercie, mais il reste encore à faire non seulement pour les communes où des réclamations se sont produites, mais aussi pour d’autres qui, sans avoir un mouvement d’affaires et de population aussi considérable que dans le Borinage, ont néanmoins intérêt à obtenir une distribution de plus.

M. Jamar. - C’est également, messieurs, à propos du raccordement de nos deux stations que je désire présenter quelques considérations à M. le ministre des travaux publics.

Hier, en entendant M. le ministre indiquer la nécessité de ce travail et de travaux analogues, à Anvers et à Liége, en l'entendant déclarer que les dernières réformes si utiles de nos tarifs ne pourraient produire tous leurs effets que lorsque ces travaux seraient exécutés, j'ai compris, à l'opposé de l'honorable M. Vleminckx, que le fonds d'extension nécessaire à l'exécution de ces travaux ne serait pas formé à l'aide des excédants de revenus, mais à l'aide d'une combinaison financière qui serait mise à exécution dans un temps prochain.

Je persiste à croire que c'est là le sens des déclarations de M. le ministre des travaux publics et je m'en rapporte avec confiance à l'intelligente initiative des hommes qui sont à la tête des départements des travaux publics et des finances pour choisir le moment opportun de réaliser cette combinaison.

J'appelle seulement ce moment de tous mes vœux.

Messieurs, il y a une autre question relative à cette voie de raccordement.

M. le ministre a contesté le droit de priorité qu'aurait Bruxelles à ce travail. Je crois que des considérations de diverses natures devraient faire accorder la priorité à Bruxelles.

Ces considérations ont un caractère d'intérêt général. A Bruxelles la plus-value annuelle des propriétés que devra traverser la nouvelle voie est plus considérable que dans d'autres localités du royaume et notamment que dans les villes énumérées hier par M. le ministre.

Cela tient à ce que l'accroissement de la population est plus considérable dans la capitale que dans d'autres villes.

En effet, indépendamment de l'accroissement naturel de la population, il y a les immigrations des chefs d'industrie, qui après avoir gagné une certaine fortune en province viennent en jouir à Bruxelles ; il y a ensuite des considérations d'humanité ; car l'exploitation de la voie actuelle présente un danger permanent pour les localités que le chemin traverse et pour les agents de l'administration.

Chacun des convois qui circulent sur le chemin de ceinture est précédé par un agent de l'administration. Pour que ce service soit fait d'une manière efficace, il faut que cet agent soit à une distance de la locomotive telle, que toute chute serait mortelle. Vous vous rappeler, en outre, l'accident sur lequel un de mes collègues a appelé l'attention de la Chambre l'année dernière et dont il importe d'éviter le renouvellement.

Il est encore une autre considération très sérieuse, c'est que si l'état de choses dont se plaint une notable partie de la population de Bruxelles devait se maintenir, l'administration communale serait mise en demeure de demander l'exécution stricte de toutes les stipulations de la convention passée entre l'administration communale et le gouvernement.

Les clauses de cette convention sont violées tous les jours ; aux termes de cet arrangement, la traction des convois sur le railway de raccordement sera opérée soit par chevaux, soit par locomotives à petite vitesse, avec les précautions nécessaires.

Il suffit de voir la manière dont les choses se passent pour s'assurer que cette prescription est une lettre morte. Et il en doit presque fatalement être ainsi. Si le tram ne marchait pas à grande vitesse, il n'aurait pas la force d'impulsion nécessaire pour franchir la courbe qui se trouve sur son parcours.

En outre d'après la convention, les convois ne peuvent marcher la nuit qu’au pas et suffisamment éclairés. On doit reconnaître que dans ces conditions l'exploitation serait rendue impossible.

Enfin le contrat intervenu entre l'administration communale et le gouvernement stipule que des dispositions réglementaires seront prises de part et d'autre pour conserver à la navigation la traverse la plus commode et la plus fréquente du pont Léopold et à la population de la capitale, l'agrément de promenade de l'Allée verte et d'une circulation facile dans toutes les localités que parcourra le railway de raccordement ; le gouvernement promettait toute sa sollicitude à ce sujet.

Je puis dire cependant, par expérience personnelle, que la circulation est quelquefois interrompue pendant une demi-heure par la manœuvre des troupes allant de la station du Nord à la station du Midi.

Je n'hésite point à dire que cette situation, qui s'empire chaque jour et deviendra bientôt intolérable, mérite toute la sollicitude du gouvernement.

M. Van Wambekeµ. - Les discussions dont vous avez été témoins vous font connaître les réclamations que soulève, sur tous les bancs, le département des travaux publics.

Je dois, de mon côté, adresser à M. le ministre une interpellation à (page 159) propos de deux lignes de chemins de fer concédées qui intéressent les populations qui m'ont envoyé dans cette enceinte ; je veux parler du chemin de fer d'Audenarde à Sottegem et Renaix, et d'un autre chemin partant de Denderleeuw et allant à Audenarde.

D'après les annexes qui nous ont été distribuées, il semble résulter que le chemin de fer d'Anvers à Douai est concédé ou demandé par des concessionnaires sérieux, et d'après ces annexes, M. le ministre des travaux publies a donné un délai jusqu'au 21 janvier 1865, à l'effet de déposer le cautionnement exigé aux termes de la loi.

Je demanderai à M. le ministre des travaux publics si les populations que ce chemin de fer doit traverser peuvent avoir l'espoir fondé de le voir réaliser sous peu.

Quant au chemin de fer de Denderleeuw à Courtrai par Sottegem et Audenarde, je ne sache pas que jusqu'ici on ait mis la main à l'œuvre, et je crois devoir, dans l'intérêt de mon arrondissement, demander à M. le ministre des travaux publics où en est l'exécution de ces chemins de fer.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Messieurs, dans la réponse que l'honorable ministre des travaux publics a faite hier aux demandes de plusieurs de nos collègues, il a émis quelques principes auxquels je ne puis souscrire et contre lesquels je viens protester.

Répondant a ceux de nos collègues qui demandaient où en étaient les diverses demandes de concession qui intéressent leurs arrondissements, M. le ministre des travaux publics vous a dit que, dans ce moment, il en avait ajourné l'examen, qu'il attendait que les conditions financières du pays fussent améliorées pour s'en occuper de nouveau.

Je ne puis admettre que ce soit là le rôle du gouvernement dans ces questions. Quand des arrondissements, des industries, des propriétaires ont besoin d'un nouveau moyen de transport ; quand ils sont parvenus, souvent après de nombreux efforts, à s'entendre avec des capitalistes pour obtenir les moyens de créer les voies de communication dont ils ont besoin, le rôle du gouvernement n'est pas de mettre des entraves à ces projets, sa mission est d’aider de tout son pouvoir à en faciliter les moyens de réalisation. Voilà le seul rôle que le gouvernement ait à jouer dans ces questions. La mesure et la prudence convenables sont du ressort de l’activité particulière ; c’est aux particuliers à voir s’ils ont les ressources nécessaires et s’il y a une nécessité réelle qui réclame la dépense qu’ils veulent faire pour l’exécution d’un travail public.

Le gouvernement n'a donc qu'un seul rôle à jouer : c'est d'examiner si réellement il y a utilité publique. C'est la mission que la loi lui confère et cette loi ne lui confère en aucune façon, que je sache, le droit d'entraver ou d'ajourner les particuliers qui offrent de construire, à leurs risques et périls, des moyens de transport nécessaires ou utiles à l'industrie, à l'agriculture, au commerce et aux populations.

Tel est le principe qui doit guider le gouvernement dans cette matière, toute autre voie serait contraire à sa mission.

Je proteste donc contre le principe qui a été émis hier par M. le ministre des travaux piblics et qui consisterait à faire du gouvernement l'arbitre des questions de savoir si telle voie de communication convient ou ne convient pas, si des particuliers ont ou n'ont pas les moyens de construire les voies de communication dont ils ont besoin.

M. le ministre des travaux publics, répondant à une autre série de questions relatives à l'exploitation des chemins de fer, a accordé au chemin de fer exploité par l'Etat, un brevet d'excellence, auquel je ne puis me rallier. J'admets que ceux qui considèrent l'organisation de la caserne comme le type de la perfection humaine trouveront dans l'organisation des chemins de fer de l'Etat belge à peu près leur idéal ; mais ceux qui s'occupent d'industrie, de commerce ou d'agriculture qui voient dans ces branches de travail de nécessités qui varient à chaque instant, ceux-là ne peuvent pas trouver dans le monopole des chemins de fer, attribué à l’Etat, l’idéal du meilleur système de transport. Le monopole de l'Etat est le plus dangereux de tous les monopoles, parce que non seulement il en a tous les défauts en général, mais s'appuyant sur le prestige et sur l'autorité qui appartiennent à l'Etat pour faire courber sous sa loi tout ce qui pourrait lui faire obstacle, il ne peut trouver de contre-poids.

Je considère donc, pour ma part, l'exploitation des chemins de fer par l'Etat comme dangereuse en principe, et, en particulier, je dois dire que je trouve l'administration des chemins de fer belges très en arrière des exploitations, je ne dis pas de la Belgique, mais de l'Angleterre et même de la France et d'autres pays.

Il ne faut pas comparer l'exploitation de l'Etat à celle de nos sociétés concessionnaires qui se sont livrées pieds et poings liés à leur concurrent monopoliste, mais à l'exploitation des compagnies qui existent dans des pays où il n'y a pas de monopole de l'Etat et où elles trouvent, par conséquent dans l’Etat non seulement un juge impartial, mais souvent un auxiliaire très utile.

Répondant à l'honorable M. Vleminckx, M. le ministre des travaux publics a dit, quant au racordement entre les deux stations de Bruxelles, que les plans étaient prêts, qu'ils étaient définitivement arrêtés, et que l'on n'attendait plus que les ressources nécessaires pour l'exécution. J'avais dit à M. le ministre que je l'engageais fortement à étudier de nouveau la question des raccordements directs.

Je crois devoir signaler aujourd'hui à l'honorable ministre et à la Chambre les raisons pour lesquelles j'ai eu de mon devoir d'appeler l'attention du gouvernement sur ces questions. Qu'est-ce qu'un chemin de fer ? Quelles sont les raisons pour lesquelles les populations l'emploient ? Quelle est la raison pour laquelle environ 60 millions de francs annuellement sont donnés par les habitants du pays aux divers chemins de fer qui font le service des transports ? Cette raison, messieurs, est en grande partie, je pourrais même dire pour la presque totalité, dans l'économie du temps.

C'est parce qu'on trouve dans l’emploi des chemins de fer, soit pour le transport des personnes, soit pour le transport des marchandises, une grande économie de temps, que l'on consent à faire la dépense nécessaire pour profiter de cette économie.

Or, qu'a-t-on fait ? On a reculé d'environ un kilomètre de la ville une station intérieure déjà éloignée du centre.

Qu'en résulte-t-il ? Que les voyageurs, pour aller et revenir, perdront plus de vingt minutes.

Cette perte de temps, évaluée en argent, représente à peu près un franc, puisque l'on paye ce prix pour vingt minutes de parcours de chemin de fer.

Or, il y a 800,000 personnes qui prennent annuellement leurs billets au chemin de fer du Midi. C'est donc une somme de 800,000 fr. qui représente la charge imposée ainsi aux habitants de Bruxelles ou de la province qui viennent à Bruxelles pour se servir de la nouvelle station du Midi.

Et notez bien que si cette somme était un impôt en argent, ce ne serait qu'un changement de bourse ; mais ici c'est la perte pour tout le monde d'une chose qui ne peut plus être récupérée par personne et qui par conséquent est définitivement perdue pour tous. C'est un véritable impôt qui pèse sur les populations et sur le commerce et pour lequel elles ne reçoivent absolument rien en échange. Voilà le résultat pour les habitants de l’éloignement du entre de la station du Midi.

La même déperdition de temps existe pour la station du Nord et dans une proportion beaucoup plus considérable encore.

Mais ce n'est pas tout, quand les habitants d'une partie de la Belgique, ceux d'Anvers par exempte, veulent aller à Mons, ils doivent à Bruxelles, pour aller d'une station à l'autre, dépenser un temps qui suffirait pour faire le voyage entier.

On me dira que l'on va opérer le raccordement des deux stations au moyen d'une ligne circulaire, et que nous allons regagner en partie, au moins, ce temps perdu.

C'est une erreur complète, les trains venant d'Anvers, et arrivant dans la station du Nord, devront faire un circuit de 8 à 10 kilomètres et peut-être davantage pour venir dans la station du Midi.

Ils devront d'abord rebrousser chemin dans la station du Nord et s'arrêter très probablement à de nouvelles stations sur le parcours, entrer dans la station du Midi ; puis rebrousser encore ; de sorte que le passage par Bruxelles, malgré le raccordement circulaire, représentera pour tous les habitans du Nord et du Midi de la Belgique qui auront des relations les uns avec les autres, une perte de temps qu'on ne peut évaluer à moins de trois quarts d'heure.

J'ai fait tantôt l'évaluation de ce que coûterait cette perte de temps. Celle-ci serait infligée à tous ceux qui devront traverser Bruxelles pour se rendre d'une partie dans l'autre du pays.

Je vous demande, messieurs, s'il n'y a pas là une raison de la plus haute importance pour revenir sur ce qui a été fait et pour étudier de nouveau la question de la traversée directe du raccordement par la ville de Bruxelles.

Voilà, messieurs, les motifs pour lesquels j'ai appelé derechef l'attention de M. le ministre des travaux publics sur cette question. Je crois qu'elle n'a pas été résolue, il y a quelques années, dans le sens des intérêts véritables du pays et de la capitale.

On n'avait pas alors tous les éléments d'appréciation nécessaires, toutes les grandes villes d'Angleterre n'étaient pas comme aujourd'hui pourvues de stations intérieures et centrales.

Depuis lois, nous avons dû à Londres et dans des chemins de fer appartenant à des compagnies traverser, au prix des plus grands sacrifices les quartiers les plus populeux et y établir des stations intérieures.

(page 160) Nous savons que ces entreprises donnent les meilleurs résultats ; ce qui en prouve l'utilité. Si ces chemins de fer n'étaient pas utiles, s'ils n'étaient pas nécessaires à la population, il ne payeraient pas l'intérêt des capitaux énormes qu'ils exigent, à cause du prix élevé des terrains, et des travaux d'art immenses qu'il a fallu faire pour traverser la ville de Londres, et les autres grands cités manufacturières et commerçantes de l'Angleterre.

Il en serait de même chez nous. Si le chemin de fer traversait par la voie la plus directe la ville de Bruxelles, non seulement la capitale, mais encore les habitants du Nord et du Midi qu’ils ont des relations les uns avec les autres, en profiteraient, et la multiplication de leurs relations tournerait à l'avantage des recettes du chemin de fer, à celui de la capitale et du pays tout entier.

M. Hymans. - Messieurs, j'ai demandé la parole tout à l'heure après les deux honorables collègues de la députation de Bruxelles qui se sont occupés de la question du raccordement des stations du Nord et du Midi ; je désire autant que ces deux honorables membres, que nos deux stations soient raccordées ; je désire surtout que nous soyons débarrassés à tout jamais des passages à niveau dans l'intérieur de la ville. Mais je fais mes réserves très formelles quant au raccordement extra muros ; et je me hâte de dire que je partage complètement les idées que l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu a développées à cet égard.

L'honorable membre a traité la question au point de vue de l'intérêt général ; mais elle n'est pas moins intéressante au point de vue local, au point de vue de l'intérêt spécial de là capitale. Nous avons aujourd'hui un chemin de fer à niveau du côté du Midi sur le boulevard ; nous avons un second chemin de fer à niveau au Quartier-Léopold. Ces deux chemins de fer donnent lieu à ses inconvénients qui prouvent suffisamment ce qu'on doit attendre de toute autre voie du même genre se trouvant être au milieu de l'agglomération bruxelloise.

Or, il est évident pour tous ceux qui tiennent compte de l'accroissement de la population et des constructions de la capitale, qu'un chemin de fer extra muros, à quelque distance qu'il soit établi aujourd'hui, devra être déplacé dans un avenir plus ou moins éloigné : or, lorsqu'il s'agit d'une dépense de 5 à 6 millions, nous devons faire de la prévoyance pour 15 ou 20 ans : pour tous ceux qui savent prévoir, il va de soi que dans 15 ou 20 ans, nous nous trouverons placés exactement dans la situation où nous sommes aujourd'hui : de nouveaux quartiers s'élèveront autour des stations nouvelles et le long du chemin de fer à proximité de la ville, et le raccordement extra muras redeviendra une voie intérieure.

Ce qui m'encourage à parler à ce point de vue, c'est que le gouvernement a dû être saisi, il n'y a pas bien longtemps (peut-être depuis l'époque où il avait déjà arrêté le projet dont M. le ministre des travaux publics nous a parlé hier), d'un projet de raccordement souterrain à exécuter à travers la ville de Bruxelles, projet évidemment pratique puisqu'il a été exécuté à Londres ; projet appuyé, d'ailleurs, par des autorités aussi compétentes à nos yeux, que les fonctionnaires du département des travaux publics qui le déclarent impraticable.

Ce projet aurait l'avantage non seulement de raccorder les deux stations, mais d'assainir complètement la ville de Bruxelles, de l'embellir, de lui donner ce qui lui manque aujourd'hui et ce qu'elle réclame depuis un temps infini ; enfin, ce projet ne coûterait pas plus cher à l'Etat que le projet de chemin de fer extra muros dont M. le ministre nous a parlé hier.

J'appuie donc de toutes mes forces les observations de l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu, et quoique dans cette circonstance je me trouve d'accord avec un honorable débuté de Nivelles et en désaccord avec deux des membres de la députation de Bruxelles, je crois cependant que ces considérations méritent de fixer l'attention du gouvernement.

M. de Smedt. - Lors de la discussion du précédent budget des travaux publics, j'ai eu l'honneur d'appeler l'attention de l'honorable chef de ce département sur le déplorable état dans lequel se trouve le canal de Furnes à Bergues.

Cet état de choses est devenu d’autant plus fâcheux, que deux faits récents sont venus donner à ce canal une nouvelle importance. La section de ce canal, comprise entre Bergues et la frontière belge a été récemment approfondie, tandis que la section comprise entre cette frontière et Furnes est restée dans le même état ; il en résulte nécessairement que les bateaux venant de France sont obligés de rompre charge à leur entrée en Belgique ; d’où résulte, pour la navigation et les intérêts qu’elle dessert, des préjudices sur l’importance desquels je n’ai pas besoin d’insister.

J'ajouterai que l'établissement d'un marché aux grains à Hondschoote (ville française qui se trouve sur le parcours de ce canal) est venu donner au travail que je réclame un nouveau caractère d'utilité et d'urgence ; car le canal de Bergues à Furnes relie le nord de la France au Furnes-Ambacht, une des parties les plus riches de la Flandre occidentale. J'espère donc que M. le ministre voudra bien examiner cette question.

Peut-être les études ne sont-elles pas encore faites ; s'il en est ainsi, j'exprime le désir que M. le ministre me donne l'assurance que ces études seront faites prochainement et suivies de l'exécution du travail que je réclame.

La population de Nieuport a eu le bonheur de recevoir, pendant les dernières vacances de la Chambre, la visite de M. le ministre des travaux publics. Si je suis bien informé, M. le ministre a donné, à cette occasion, les assurances les plus positives quant à la prompte exécution des travaux d'amélioration du port de Nieuport. J'espère donc que lorsque M. le ministre des travaux publics s'occupera de la rédaction d'un prochain projet de travaux d'utilité publique, il ne négligera pas de demander les crédits nécessaires pour l'exécution des travaux auxquels je fais allusion.

Enfin, messieurs, il est un troisième point sur lequel je crois devoir appeler l'attention de M. le ministre des travaux publics ; je veux parler des travaux qui s'exécutent actuellement en vertu de la loi de 1859 pour améliorer le régime de l'Yser. Ces travaux se poursuivront, je l'espère, avec activité, mais je désirerais qu'on ne négligeât pas les intérêts agricoles dans la direction qu'on y imprimera par la suite.

Je désire que ces travaux soient faits de manière à ménager les intérêts agricoles, tout en satisfaisant aux exigences de la navigation. Pendant la plus grande partie de l'été dernier, les riches pâturages de cette contrée ont été privés d'eau, et il en est résulté des pertes considérables pour les propriétaires intéressés. J'espère donc que M. le ministre aura égard aux graves intérêts qui sont ici en cause.

M. Vleminckxµ. - Je demande à la Chambre la permission de dire encore quelques mots en réponse à l'honorable M. Hymans, qui prétend être en désaccord avec deux représentants de Bruxelles, sur le chemin de fer de raccordement des deux stations Nord et Midi. Ni l'honorable M. Jamar ni moi ne sommes en désaccord avec l'honorable membre quant à ce chemin, pourvu qu'il ait pour effet de faire disparaître le chemin de fer à niveau qui longe une partie du boulevard.

M. Hymans. - Cela ne me suffit pas.

M. Vleminckxµ. - Permettez. Comment et à quelles conditions le nouveau raccordement devra-t-il se faire ? Faut-il qu'il se fasse extra muros ; faut-il au contraire qu'il soit établi d'après le projet Keller ? C'est là, messieurs, une question que nous aurons à examiner et que nous examinerons mûrement lorsque nous aurons à nous prononcer sur les propositions que nous fera le gouvernement. Mais à première vue, je déclare que je suis parfaitement de l'opinion des honorables MM. Le Hardy de Beaulieu et Hymans, et je suis bien convaincu que l'honorable M. Jamar, avec qui l'honorable M. Hymans croit être en désaccord, partage comme moi l'avis qu'il vaut mieux rapprocher les distances que de les éloigner, et que par conséquent si le projet Keller est praticable, c'est à ce projet que nous donnerons la préférence.

Mais l'honorable M. Hymans ne peut pas avoir oublié que M. le ministre des travaux publics a dit que ce projet ne lui souriait pas le moins du monde ... (Interruption.) Permettez, je sais parfaitement que lorsque le gouvernement nous soumettra son projet, nous l'examinerons, mais je constate que le département des travaux publics semble avoir complètement abandonné le projet Keller. C'est pourquoi je me suis borné à demander pour le moment la suppression du chemin de fer à niveau qui raccorde les deux stations du Nord et du Midi, me réservant de me prononcer ultérieurement, lorsque le moment sera venu, sur la question de savoir si je dois donner la préférence à un chemin de fer extra-muros ou au projet Keller. Nous aurons pour cette époque tous les éléments d'appréciation nécessaires.

M. Jamar. - Je tiens à déclarer que je me rallie entièrement à ce que vient de dire l'honorable M. Vleminckx.

MtpVµ. - Quoique les observations qui m'ont été présentées hier et aujourd'hui soient très nombreuses, je tâcherai de les comprendre toutes dans la réponse que je vais y faire, tout en les circonscrivant dans les limites les plus étroites possibles.

L'honorable M. Hymans est revenu hier sur le régime général des péages de nos canaux et de nos rivières, et quelques membres sont revenus sur le régime spécial de quelques rivières au point de vue des péages.

J'ai dit, messieurs, et cette assertion paraît avoir causé à l'honorable député de Bruxelles une assez vive émotion, que je ne croyais pas avec lui que le batelage fût actuellement dans un état de souffrance. Je maintiens cette proposition ; je maintiens que la concurrence qu'on attribue (page 161) au chemin de fer, dans la proportion qu'on indique, n'existe pas et je maintiens qu'à l'heure qu'il est le batelage ne souffre pas.

J'aurais voulu apporter des chiffres à l'appui de cette assertion ; j'aurais voulu apporter devant la Chambre les relevés du mouvement actuel de la navigation et des recettes qu'elle produit. Je n'ai pas pu le faire ; ces relevés n'existent ni à mon département ni au département des finances ; ils ne sont envoyés des provinces que trimestriellement et même annuellement pour quelques canaux.

Ils n'existent donc pas pour le moment ; mais les renseignements statistiques que mon département publie tous les ans permettront à la Chambre de vérifier ultérieurement qui, de l'honorable membre ou de moi, avait raison.

Si j'ai dit, en l'absence de ces documents, que je ne croyais pas que le batelage souffrît à l'heure qu'il est, c'est qu'il est avéré, c'est qu'il n'est pas contesté que le fret est aujourd'hui à un taux extrêmement élevé.

En effet, messieurs, le fret, pour les transports qui se font de certains centres de production vers certains centres de consommation, dépasse de 1 fr., 1 fr. 50 et même 2 fr. le prix de transport par chemin de fer. Je dis que si le fret se maintient à un pareil taux, c'est que le batelage est maître du marché ; c'est que, malgré le chemin de fer et les bas prix du chemin de fer, le batelage dicte en quelque sorte la loi aux expéditeurs.

C'est un fret exorbitant, messieurs, et cependant il se maintient, donc il y a plus de transports que le chemin de fer n'en peut opérer. Ceci me paraît clair comme le jour.

M. Hymans. - C'est une erreur !

MtpVµ. - Comment pouvez-vous dire que ce soit une erreur ? Comment pouvez-vous dire que le batelage n'a pas de transports nombreux quand il maintient son fret à fr. 1-50 et jusqu'à 2 francs au-dessus du prix du chemin de fer ?

M. Hymans. - C'est parce que les bateaux sont obligés d'attendre leur chargement pendant trois semaines aux charbonnages.

MtpVµ. - Mais non ; le fret diminuerait s'il en était ainsi.

Il est évident que vis-à-vis du batelage les offres de matières à transporter doivent être supérieures aux offres des moyens de transport. On dit : Vous avez abaissé les tarifs, vous transportez plus, donc il faut que le batelage transporte moins. Ce raisonnement est erroné. Il serait juste si la matière à transporter était immuable. Mais il n'en est pas ainsi, la quantité des matières à transporter varie ; nous sommes à une époque d'une très grande activité industrielle. Un fait remarquable, c'est que la crise monétaire que nous traversons n'a pas exercé son influence sur l'activité industrielle. Les produits à transporter augmentant, le chemin de fer peut faire de meilleures affaires sans que le batelage transporte moins.

M. Hymans. - J'ai 1,500 signatures qui attestent le contraire.

MtpVµ. - Quelles sont ces signatures ? En attendant que nous ayons des relevés statistiques qui tranchent la question, je maintiens mon affirmation. Quoi qu'il en soit il est évident que si le gouvernement a dans les mains les moyens de porter préjudice au batelage, il n'en use pas, il s'est tenu dans les nouveaux tarifs dans les termes d'une grande circonspection, il a gardé une proportion déterminée vis-à-vis des frets, de manière à ne pas nuire aux voies navigables.

Le gouvernement a dépensé des sommes considérables pour améliorer nos voies navigables. Passez-les toutes en revue et vous verrez qu'il n'en est pas une pour laquelle on n'ait fait ce qui était nécessaire pour rendre la navigation meilleure.

Le gouvernement a fait tout ce qu'il a pu pour améliorer partout les moyens de transport dans l'intérêt de l'industrie et de la prospérité de la navigation.

A propos de la navigation, MM. Lelièvre et Tack ont demandé des réductions de péage sur la Sambre et la Lys. Je ferai remarquer que la commission de révision de péages dans ses propositions comprend la Lys et la Sambre pour des réductions considérables.

L'honorable M. Hymans au sujet de cette commission semble dire que le gouvernement aurait dû déjà présenter un projet de loi définitif sur l'objet soumis à son examen. Je ferai observer que cette commission n'a pas encore remis son rapport au gouvernement. Il voudra bien admettre que le gouvernement n'est pas en retard de soumettre des propositions à la législature. Le gouvernement ne peut pas statuer sur un rapport qui ne lui est pas remis.

J'ajoute que le gouvernement ne compte nullement laisser cette affaire dans les cartons. Quand il a institué la commission, il l'a fait très sérieusement ; il n'a pas le moins du monde l'intention d'escamoter la question.

L'honorable M. Thibaut a demandé où en étaient les travaux de la Meuse supérieure et quand ils pourraient être commencés.

Le gouvernement n'a pas encore arrêté les plans, mais les pièces nécessaires lui sont soumises.

Quant au pont d'Hastières, le gouvernement pense qu'il doit être construit à frais communs par l'Etat, la compagnie du Nord, la province et les communes ; le gouvernement a demandé le concours des diverses parties intéressées, je regrette de devoir constater qu'aucune proposition n'a encore été faite au gouvernement.

L'honorable M. Delcour, comme lors de la discussion du précédent budget, a entretenu la Chambre des inondations de la Dyle. Aussitôt qu'il en eut parlé à la session dernière, j'ai mis l'affaire à l'élude ; les rapports ne me sont pas encore arrivés.

M. Magherman vous a entretenus du redressement de l'Escaut. Je dois dire qu'en ce moment aucune proposition ne m'est faite. Dans une pareille question, il faut agir avec circonspection, sous peine de compromettre les propriétés de l'aval.

Quant aux herbages, c'est une question du ressort du domaine ; cependant à titre de renseignement, voici ce que je puis dire :

Un cahier des charges type portait que « les herbages, roseaux, joncs et autres plantes de l'espèce, croissant dans les rivières, appartiendront aux fermiers qui en disposeront à leur volonté, sans cependant pouvoir en couper ou faucher plus près d'un demi-mètre du pied des berges ou talus desdites rivières. »

Cet article a disparu depuis une dizaine d'années des cahiers des charges, de sorte que l'enlèvement des herbages serait maintenant interdit.

M. Debaets a demandé quand on ferait le pont d'Hansbeke ; l'augmentation proposée pour des travaux au budget de 1865 a été trop considérable pour qu'on pût y porter les 50 mille francs nécessaires pour cet objet. L'augmentation pour tous les services a été de 1,750,000 fr. ; on n'a pas pu aller au-delà.

Je pense que le budget de 1866, qui sera déposé dans quelques semaines, se présentera d'une manière plus favorable et qu'on pourra imputer sur ce budget les dépenses afférentes au pont d'Hansbeke.

L'honorable M. Debaets s'est occupé aussi du service télégraphique, spécialement dans la province de la Flandre orientale et dans l'arrondissement de Gand. Il pense que les droits de quelques chefs-lieux de canton seraient méconnus. C'est une erreur. Les extensions aux lignes télégraphiques ont été faites suivant des règles uniformes.

Les seuls chefs-lieux de canton qui aient été reliés sont ceux qui se trouvaient à plus de 5 kilomètres d'un bureau télégraphique et qui étaient le siège d'un bureau de poste rapportant au minimum 3,000 francs. Les quelques localités que l'honorable membre a citées hier n'étant pas de cette catégorie, n'ont pu être comprises dans ces extensions du réseau télégraphique réalisées.

Je profite de l'occasion, messieurs, pour dire à la Chambre, que très prochainement il vous sera fait une demande de crédit à affecter à des extensions nouvelles du réseau télégraphique. On donnera à cette occasion à la Chambre tous les renseignements désirables en ce qui concerne notre établissement télégraphique.

Dans l'emploi de ce nouveau crédit, on pourra raccorder au réseau actuel une foule de localités qui ont été privées de ces communications jusqu'ici, mais toujours d'après des règles générales.

L'honorable M. Carlier a entretenu la Chambre de la cherté de nos correspondances télégraphiques avec l'étranger. Il a préconisé à cet égard un système que, je tiens à le déclarer, j'ai cherché à mettre en vigueur depuis plus d'un an.

Voici, messieurs, quelle est la situation des divers pays de l'Europe quant aux réformes télégraphiques.

Il a été fait en 1856 et 1857 une convention entre la plupart des Etats européens aux termes de laquelle un pays ne peut modifier les taxes télégraphiques internationales qu'avec les pays limitrophes.

Quand il s'agit de faire une convention avec un pays au-delà, il faut un accord commun.

Chacun, messieurs, est donc libre, mais seulement dans une zone déterminée qui se borne aux pays contigus.

Messieurs, nous avons profité de cette liberté non seulement pour introduire chez nous une réforme très importante, mais pour traiter et avec la France et avec la Hollande et, dans ces derniers temps, avec la Prusse. Nous avons été, messieurs, beaucoup plus loin. Nous avons (page 162) proposé de réviser les conventions de Berne et du Bruxelles, et notre intention était, comme elle l'est encore aujourd'hui, de défendre dans la conférence dont nous provoquons la réunion, ce principe que le prix d'un télégramme, à quelque distance qu'il soit envoyé, doit être au maximum de l'addition des diverses taxes intérieures.

Je dis au maximum, parce que nous venons de faire, par exemple, avec la Prusse, une convention pour les correspondances s'échangeant de pays à pays, qui est plus favorable. La dernière convention avec la Prusse amènera un prix inférieur même à la somme des deux taxes intérieures.

Nous avons donc fait depuis longtemps des ouvertures dans ce sens, comme je le disais tout à l'heure. En effet, une première communication officielle émanée de l'office Belge à ce sujet date du 18 septembre 1863. Voilà donc plus d'un an que nous avons offert aux offices étrangers de réviser les conventions internationales dans le sens que je viens d'indiquer, c'est-à-dire : au maximum l'addition des taxes intérieures.

Nous avons ainsi pris les devants dans cette réforme éminemment libérale et éminemment rationnelle.

En ce qui concerne les postes, messieurs, divers membres ont critiqué le service rural. Je dois protester contre ces critiques.

Certainement je ne prétends pas que partout le service rural est parfaitement organisé. Mais ce que je prétends c'est que dans aucun pays de l'Europe il n'est aussi bien fait qu'en Belgique.

A l'heure qu'il est, la Prusse et l'Angleterre viennent prendre exemple sur nous et se proposent d'organiser chez eux le service comme il l'est chez nous.

Je dis donc que beaucoup a été fait et qu'il est juste de le reconnaître. Messieurs, il n'y a pas en Belgique une seule commune, un seul hameau, mais pas un qui n'ait sa distribution journalière.

Encore une fois, il n'y a pas un pays en Europe où la situation soit aussi satisfaisante.

Il faut encore améliorer, messieurs ; le gouvernement en est aussi convaincu que qui que ce soit et il ne peut mieux le prouver qu'en apportant, comme il l'a fait, la demande d'une augmentation de 300,000 fr., pour le service des postes au seul budget de 1865.

Au sujet des postes, messieurs, il est opportun de dire deux mots d'une critique faite par l'honorable M. Thonissen à l'endroit du système suivi par l'administration pour le transport des dépêches postales.

L'honorable membre prétend que l'administration devrait mettre en adjudication le transport des dépêches.

Messieurs, nous sommes très loin de là. Depuis que je suis arrivé au département aucune adjudication de ce genre n'a été faite, parce que ce système était condamné depuis longtemps. On en a fait un essai à l'origine et il a donné des résultats tellement défavorables qu'on a été unanime à le condamner.

Pourquoi, messieurs ? Mais par la raison très simple et très saisissable qu'il ne suffit pas de payer peu pour avoir un service de ce genre bien fait.

Le but de l'administration ne doit pas être précisément ou principalement de payer le moins possible pour ces transports. Mais dans un pays comme la Belgique où l'on veut cumuler le transport des voyageurs avec le service des dépêches, il importe d'avoir le service le mieux organisé possible, dût-on le payer un peu plus.

Eh bien, messieurs, par le système d'adjudication on avait un service détestable.

Au système d'adjudication a été substitué le système des conventions particulières en dehors de toute adjudication. C'est le système qui existe aujourd'hui.

Je me hâte d'ajouter que ce système est également détestable.

Dans un très grand nombre de cas l'organisation d'un service de transport au point de vue des voyageurs n'est pour l'entrepreneur qu'un prétexte pour toucher un subside.

Quant au service lui-même, quant au véhicule, c'est la chose du monde souvent la plus malpropre et dans presque tous les cas, elle présente des dangers d'accidents sérieux.

Messieurs, il n'est personne d'entre vous qui s'étant trouvé dans la triste nécessité de recourir à ce mode de transport, ne me donne raison quand je répète ce que j'ai dit à la section centrale, que ce système est intolérable et qu'à aucun prix il ne peut être maintenu.

Qu'ai-je donc fait, quel but ai-je voulu atteindre ?

Voici ce que j'ai fait.

Nos chemins de fer se multiplient étonnamment. Une foule de localités qui, il y a quelques années, n'avaient aucun espoir d'être reliées au chemin de fer, se trouvent aujourd'hui desservies par une ligne et quelquefois par plusieurs lignes de chemins de fer.

Mais, quoi qu'on fasse et quelques développements que prennent dans l'avenir les chemins de fer, il restera toujours beaucoup de localités en dehors des chemins de fer.

Eh bien, messieurs, je crois que ce serait réaliser une réforme grande et utile que d’organiser un service de transport des dépêches de telle façon que l'on pût en même temps transporter dans de bonnes conditions les voyageurs du plus grand nombre des localités restées en dehors des chemins de fer, mais je dis dans de bonnes conditions.

Il faut donc des garanties quant au matériel, il faut des garanties quant aux prix ; il faut des garanties quant à la rapidité des transports : c'est ce qui nous cherchons à réaliser dans ce moment. Mais comment pourrait-on réaliser un pareil système ? Pour réaliser un pareil système, il faut s'adresser à des entrepreneurs ayant un capital suffisant, car ce système nécessite une dépense considérable. Ainsi là où, à titre d'essai, je l'ai introduit, il a été adopté un modèle de voiture. Eh bien, la voiture de la plus petite dimension coûte 2,000 francs. Messieurs pouvez-vous exiger de pareils sacrifices du premier venu ? Evidemment vous ne le pouvez pas.

Maintenant, je le dis très carrément à la Chambre, voilà le but que je me suis proposé. Si la Chambre ne veut pas de ce système, c'est à elle de manifester son intention. Je crois qu'il y a à un grand but à atteindre et je crois que, dans quelques années, nous aurions fait plus qu'une réforme dans le mode de transport des dépêches et des voyageurs, nous aurions créé une véritable institution. C’est, je le répète, à la Chambre à voir si elle veut aider l’administration dans cette voie. Mais c'est le moment de se prononcer et devant le silence de la Chambre, je me croirais autorisé à persévérer énergiquement dans les efforts que je tente.

Ainsi qu'on l'a dit, il faut une période transitoire. On ne peut déposséder du jour au lendemain, il ne faut pas même déposséder dans l'avenir les entrepreneurs actuels. S'il faut le service à peu près bien, il faut les maintenir en possession et je suis, pour ma part, très décidé à les maintenir et à n'investir les maîtres de poste, qui sont les entrepreneurs choisis pour le service général, que de la charge de desservir les lignes nouvelles et à ne leur remettre les lignes actuelles que lorsqu'un service est abandonné ou trop mal fait.

A propos de l'ajournement par l'Etat de l'examen des nouvelles demandes de concessions de chemins de fer, l'honorable M. Le Hardy de Baulieu trouve que le gouvernement sort de son rôle, qu'il fait ce qu'il ne peut pas faire, que son rôle est d'aider les capitalistes qui voudraient créer des chemins de fer, et non de les contrarier.

Je regrette de devoir le dire, mais quand l’honorable M. Le Hardy de Beaulieu parle de capitalistes qui voudraient apporter leurs fonds dans des entreprises nouvelles et que l'on aurait tort de repousser, il fait une vaine supposition ; il résout la question par la question. Car la question est de savoir s'il y a des capitaux et je prétends qu'il n'y en a pas et qu'il ne peut pas y en avoir en ce moment.

Messieurs, puisque l'honorable membre a des doutes sur ce point, je vais expliquer en deux mots quelle est la position respective du gouvernement et des capitalistes dont parle l'honorable membre.

Voici comment se fonde une entreprise de chemin de fer dans la plupart des cas. Il est évident qu'il y a des exceptions ; mais je parle de ce qui se présente le plus souvent.

Un demandeur plus ou moins ingénieur trace une ligne sur une carte. D'après les derniers errements suivis par le gouvernement, ce demandeur est cependant obligé de déposer un cautionnement provisoire. Il fait sur ses propres ressources ou sur les ressources de ses amis un cautionnement de 100,000 francs ; cette somme, quoique faible, est une garantie sérieuse et qui appelle, à une certaine période de l'enfantement d'une affaire de ce genre, le cautionnement définitif. Mais le cautionnement définitif se compose souvent de plusieurs centaines de mille francs. Ces plusieurs centaines de mille francs ne s'obtiennent pas sans d’énormes commissions, et dès le début de l'entreprise, celle-ci se trouve grevée d'autant. Mais le cautionnement définitif, ce n'est pas encore le capital. Quand ceux qui ont fourni le cautionnement définitif veulent former le capital, il faut qu'à leur tour ils passent par toute espèce de commissions ; et si vous faites l'addition de toutes ces commissions, vous trouverez que l'on est obligé, comme je le disais hier, d'accorder souvent la formation d'un capital supérieur au capital strictement voulu, et vous reconnaîtrez que dans nombre de cas les entreprises de chemins de fer se trouvent grevées dès le début de charges souvent écrasantes.

Eh bien, je crois qu’il faut prévenir cela, et qu’on peut le prévenir. Maintenant que nous avons un réseau déjà si respectable de chemins de fer en Belgique, je trouve qu’on devrait procéder autrement. Il peut y avoir des exceptions ; je ne m’en occupe pas. Je parle de la règle et je dis (page 193) que dorénavant, avant de présenter une affaire de chemin de fer à la Chambre, il faudrait que non seulement le cautionnement provisoire, mais le cautionnement définitif fût versé, que le gouvernement eût des garanties sérieuses quant à la formation du capital, qu'on fût même d'accord avec les capitalistes sur le montant du capital.

Pourquoi cet accord ? Je vais encore le dire franchement.

Aujourd'hui les banquiers, par exemple, qui ont fourni le cautionnement définitif, viennent demander l'autorisation d'émettre un capital nominal divisé en autant d'actions et autant d'obligations. On résiste. Mais croyez-vous qu'on réussisse toujours dans cette résistance ? Pas du tout, et pourquoi ? Parce qu'on vous dit : Dans cette affaire, vous avez accordé telle chose. Voyez la cote des actions, voyez la cote des obligations ; le papier ne vaut en moyenne que tant, et comme le gouvernement a affaire à des personnes qui ont pu croire que les précédents serviraient de règle, il est souvent obligé de céder.

Je n'ai pas besoin de vous dire que cette situation n'est pas sans de graves inconvénients ; et comme un chemin de fer vaut toujours ce qu'il vaut et non pas ce que semble représenter le capital nominal créé, je crois que si les capitalistes voulaient bien non seulement se convaincre de cette vérité, mais être mis en demeure, avant toute convention, de se contenter d'un capital raisonnable, ils accepteraient l'affaire dans de meilleures conditions pour eux-mêmes et pour le public actionnaire.

C'est dans ce sans que j'ai dit que le gouvernement fera sagement en se montrant plus sévère encore dans l'avenir qu'il ne l'a été dans le passé.

Eh bien, je vous le demande, et c'est ici que je rencontre l'objection de l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu, si une ligne de chemin de fer devant coûter 10 millions, par exemple, était présentée et si le gouvernement disait : Avez-vous ces dix millions, croyez-vous qu'on pourrait les fournir quand l'escompte est à 7, à 8 ou 10 p. c. ? Je dis que dans les conditions où, selon moi, ces affaires devraient dorénavant se suivre, vous ne trouverez pas de capitalistes, et c'est dans ce sens que j'ai dit que l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu résout la question par la question.

Vous me dites que je n'ai pas le droit de repousser les capitalistes. Non, et si vous pouvez me fournir des capitalistes sérieux, je les accueillerai les bras ouverts, mais je crois que je les attendrai vainement tant que durera la crise monétaire.

L'honorable M. Le Hardy de Beaulieu a fini par affirmer, mais non par prouver, que l'exploitation de l'Etat belge est fort inférieure à l'exploitation des sociétés étrangères.

Je crois que c'est une erreur flagrante. La plupart des membres de cette Chambre ont voyagé à l'étranger, et je crois pouvoir affirmer de mon côté, sans être démenti, que, quant à la sécurité, quant à la bonté du service, quant à la célérité, quant aux conditions quelconques d'exploitation, l'Etat belge, je ne dirai pas est supérieur aux compagnies étrangères, mais peut se comparer parfaitement à elles.

Je crois qu'il n'y a pas de meilleure exploitation en Europe que l'exploitation de l'Etat belge ; je crois qu'il y en a d'aussi bonnes.

Les tarifs, messieurs, eh bien, les tarifs, je ne sais si je puis dire publiquement de quelle manière les tarifs du mois de juin ont été qualifiés par les administrateurs de grandes compagnies. Ils ont été taxés de folie.

Nous sommes, messieurs, partisans du progrès et au besoin nous savons le réaliser, non seulement aussi bien que les autres, mais un peu mieux et surtout un peu avant les autres.

L'honorable M. Lelièvre a parlé de la ligne de Gembloux à la Meuse.

Cette ligne est divisée en deux sections ; la section de Gembloux à Jemeppe, qui est concédé depuis quelque temps en vertu d'une ancienne loi, et la section de Jemeppe à la Meuse par Fosses pour laquelle j'ai passé une convention.

L'honorable M. Van Wambeke a parlé de la ligne d'Anvers à Tournai et de la ligne de Courtrai à Denderleeuw. Quant à la première, on est encore dans les délais légaux pour le cautionnement, mais je crois qu'on a peu à s'inquiéter de son sort, attendu que c'est une des meilleures lignes qu'on puisse indiquer Quant à la deuxième, une société puissante l'a reprise, et j'ai la certitude, d'après les renseignements qui m'ont été donnés, que cette compagnie va prochainement mettre la main à l'œuvre. La Chambre sait que le cautionnement définitif est versé depuis longtemps.

Quant à la ligne de Saint-Ghislain à Ath, la compagnie Hainaut-Flandre est évidemment en retard, mais il est facile de se convaincre que ce retard a pu se produire sans que l'exécution des engagements pris par la compagnie doive être considérée comme compromise. C'est ainsi que la compagnie s'est déjà mise en mesure de réaliser la section de Saint-Ghislain à Tournai, pour laquelle elle se trouvait dans les mêmes conditions que pour la section de Saint-Ghislain à Ath ; mais une circonstance particulière qu'il faut noter, c'est qu’il se présente pour cette derrière des tiers qui demandent à être substitués à la compagnie.

Il faut donc mettre la compagnie en demeure, et la circonstance que je viens de signaler sera un puissant aliment pour qu'elle fasse un effort énergique. Le cas échéant, il faudra examiner s'il ne convient pas d’accepter la substitution demandée.

Enfin l'honorable M. Laubry a parlé du chemin de fer de St-Ghislain à Frameries ; c'est une affaire qui a fait l'objet d'un débat entre la société du Flénu et la compagnie Hainaut-Flandre, lequel a été décidé en faveur du Flénu. La Chambre aura à apprécier la ligne de conduite que le gouvernement a cru devoir suivre.

En ce qui concerne, messieurs, la station de Tournai et la station de Bruges, je reconnais avec les honorables membres qui s'en sont occupés que ces stations réclament des agrandissements. Sur les premiers fonds qui seront accordés pour le chemin de fer, il sera indispensable de prélever une somme plus ou moins forte pour ces agrandissements.

L'honorable M. Hymans est revenu encore hier sur la station de Dieghem, et je ne comprends pas l'intérêt qu'il attache à cette affaire de détail. Si je ne lui ai pas fait de réponse à ce sujet, je déclare qu'il n'y a eu en cela aucune intention de ma part ; je n'y ai pas vu matière à malice.

La vérité est qu'il s'agit d'une affaire de pure administration, de questions qu'il est impossible à la Chambre d'apprécier sans une connaissance parfaite de tous les détails de l'affaire. Il y avait ici, comme pour toutes les stations nouvelles, un parti qui voulait placer la station à droite, un parti qui voulait la placer à gauche, et un parti qui voulait la placer au centre ; l'administration a ouvert une enquête très minutieuse, et le résultat a été que la station devait être placée où elle l'est. Je tiens le dossier à la disposition de M Hymans.

Messieurs, pour finir, un mot du raccordement des stations de Bruxelles-Nord et de Bruxelles-Midi. L'honorable M. Vleminckx a dit que je lui avais fait à ce sujet une réponse désespérante. Messieurs, si ma réponse paraît désespérante à l'honorable membre, il est bien certain que l'expression a trahi ma pensée. J’ai dit, en effet, qu'il ne faut pas seulement un chemin de fer de ceinture pour Bruxelles, mais qu'il en faut un à Liège, un à Gand et qu'il y a à Anvers un nouvel établissement à créer ; mais quoiqu'il y ait là une grande accumulation de millions, je déclare que ces millions ne m'effrayent pas ; tous ces travaux ne sont pas seulement nécessaires, mais sont urgents ; je tiens, messieurs, qu'il faut les exécuter dans un délai très prochain.

L'honorable membre croit que ce délai sera nécessairement fort éloigné et il fait remarquer que, dans le compte rendu de la situation du trésor, aucune ressource n'est indiquée pour faire face à ces travaux. En effet, messieurs, il faudra aviser à une combinaison quelconque et l'honorable membre a dit qu'on peut s'en rapporter à la sagacité de mon honorable collègue des finances.

J'ai pleine confiance dans la sagacité de mon honorable collègue, seulement il est des circonstances qui pèsent sur un ministre des finances comme sur le premier venu ; non seulement, comme on l'a dit, un ministre n'est pas infaillible, mais un ministre ne peut pas non plus faire ce qui est impossible.

Quand les circonstances actuelles auront disparu, je compterai avec une entière sécurité sur mon honorable collègue des finances.

Je dirai seulement que si quelqu'un est plus impatient que la Chambre de voir exécuter ces travaux, c’est moi. Je ne parlerai donc pas de la question de savoir si le raccordement de Bruxelles doit avoir la priorité sur le raccordement de Liège ou si le raccordement de Liège doit avoir la priorité sur celui de Bruxelles ; quand on trouvera de l'argent pour faire le raccordement de Bruxelles, on en trouvera en même temps pour faire les travaux de Liège, de Gand et d'Anvers.

Ne faisons donc pas de jaloux ; tenons la balance égale entre tous les intérêts ; ils ont tous la même importance.

Enfin, messieurs, il s'agit de savoir comment on raccordera les deux stations de Bruxelles, si ce sera par un chemin de ceinture ou par une communication intérieure.

L'honorable M. Vleminckx m'a devancé quand il a dit que cette question n'avait pas d'opportunité ; lorsque le gouvernement demandera des fonds pour opérer le raccordement, ce sera le moment d'examiner de quelle manière le raccordement doit se faire.

Seulement, puisque l'honorable M. Le Hardy revient sur cette affaire, je dois faire observer une fois de plus qu'il n'y a aucune espèce de parallèle à établir entre Bruxelles et Londres, et que ce n'est pas un argument que de dire : « Telle chose se fait à Londres, donc elle doit se faire à Bruxelles. » Il serait plus raisonnable de dite : « Telle chose se fait à Londres, donc elle ne doit pas se faire à Bruxelles. »

Quelle comparaison y a-t-il à établir entre une ville comme Bruxelles et une ville qui s'étendrait de Bruxelles jusqu'à Waterloo ?

(page 164) Comment pouvez-vous dire que les besoins sont les mêmes ? A Londres, non seulement, la circulation était d'une extrême difficulté, mais même sur certains points elle était devenue impossible ; il a donc fallu dégager des rues par des voies souterraines.

Voici quel serait mon système pour Bruxelles.

Par des raisons que je développerai ultérieurement, je commencerais par faire le chemin de fer circulaire ; et puis, dans vingt ou trente ans, on verrait ce que ce système a produit, et l'on obvierait aux inconvénients que l'expérience aurait révélés.

Quant à la priorité à accorder, selon moi, au chemin de fer de ceinture, sur le chemin de fer souterrain tel qu'il est projeté, je n'hésite pas à dire que les inconvénients qui ont fait songer à l'établissement d'une semblable voie dans la ville de Londres, n'existent pas à Bruxelles ; l'idée d'une communication souterraine dans notre capitale me paraît reposer sur un faux principe.

Le public, et c'est par là que le principe est faux, le public ne consent à traverser un tunnel que lorsqu'il ne peut s'en passer. Depuis trois séances, vous entendez réclamer dans cette enceinte avec vivacité la suppression du tunnel de Braine-le-Comte. Or, quelle comparaison pourrait-on faire entre ce tunnel et celui qu'on voudrait établir à Bruxelles ? Le chemin de fer de Braine-le-Comte est construit dans un terrain sec et à niveau, et on voudrait immerger le chemin de fer souterrain de Bruxelles dans une nappe d'eau ; comment éviter dès lors les infiltrations ?

M. Bouvierµ. - Et les rhumatismes.

MtpVµ. - Les dimensions sont également différentes, à tel point que l'on comprend difficilement comment il y aurait dans ce tunnel de Bruxelles un air respirable à la suite de la locomotive. A Londres, il y a eu des accidents nombreux : il y a même eu mort d'homme par suffocation.

Tous ces inconvénients n'existent pas dans le projet, dont j'ai eu l'honneur d'entretenir la Chambre. Il ne nécessite pas non plus le déplacement de la station du Nord.

Je borne ici ces dernières observations, que je n'ai présentées que parce que l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu avait entretenu la Chambre de cet objet.

M. de Theuxµ. - Je demanderai à M. le ministre des travaux publics si toutes les compagnies qui ont obtenu des concessions de chemins de fer ont fourni le cautionnement qu'elles étaient tenues de verser ; et, en cas d'affirmative, si les travaux seront commencés et terminés aux époques stipulées dans les actes de concession.

M. le ministre des travaux publics nous a dit qu'il allait organiser les malles-postes, destinées au transport des dépêches, de manière à pouvoir servir au transport des voyageurs. Ce sera un avantage pour les localités éloignées des stations du chemin de fer. Mais l'honorable ministre me paraît condamner d'une manière trop absolue la concurrence en cette matière.

Selon moi, rien ne s'oppose à ce qu'on annonce au public la concession prochaine d'entreprises de cette nature. Je pense qu'avant d'admettre une solution définitive, il serait nécessaire de rechercher les moyens d'exécution que la concurrence présente ; de cette manière on resterait dans le système généralement usité pour toutes les adjudications que fait le gouvernement.

Je n'en dirai pas davantage dans cette discussion.

M. Wasseige. - Messieurs, l’honorable ministre des travaux publics a bien voulu tous apprendre que les études étaient complètement terminées, en ce qui concerne la canalisation de la Meuse supérieure ; que deux systèmes étaient en présence ; que le gouvernement avait fait son choix ; mais il ne nous a pas dit si nous pourrions espérer de voir bientôt commencer les travaux. C'est cependant le point important sur lequel je désire obtenir des explications. La canalisation de la Meuse, entre Namur et, Liège, est à peu près terminée ou du moins, tous les barrages sont mis en adjudication. L'honorable ministre nous avait fait comprendre que lorsque ce moment serait arrivé, la Meuse supérieure aurait sa part aux faveurs du budget.

Je remercie l'honorable ministre de la nouvelle qu'il nous a annoncée, qu'une concession venait d'être signée pour la continuation du chemin de fer de Jemeppe à la Meuse. J'espère que dans tous les cas la ville de Fosse ne sera pas oubliée et que la nouvelle voie ferrée passera par cette localité importante et si digne de l'intérêt du gouvernement et des Chambres.

Il est un autre tronçon de chemin de fer concédé sur lequel je voudrais que M. le ministre des travaux publics me donnât quelques renseignements. Il s'agit de la section de Tamines à Fleurus.

Je sais que l'on travaille activement sur la ligne principale de Tamines à Landen.

Mais si nos renseignements sont exacts, il paraît qu'on ne travaille pas du tout sur le tronçon entre Tamines et Fleurus, qui a une si grande importance pour les charbonnages de la Basse-Sambre. Cette absence complète de travaux jette l'inquiétude parmi les industriels de cette contrée, et je serais très heureux que M. le ministre des travaux publics voulût bien nous tranquilliser, en nous donnant des nouvelles rassurantes sur l'exécution de la partie des travaux que je lui signale.

M. Bouvierµ. - Messieurs, dans le discours que M. le ministre des travaux publics vient de prononcer et que je trouve, pour ma part, excellent, il a fait un aveu très précieux, qui confirme ce que j'ai eu l'honneur d'avancer dans la séance de samedi : c'est que le service des affluents du chemin de fer est détestable : c'est l'expression dont l'honorable ministre s'est servi.

L'honorable M. Thonissen a également émis son opinion, et il a déclaré à la Chambre que ce service était détestable. Moi-même j'ai eu l'honneur de dire que ce service était détestable. Nous sommes donc tous d'accord pour le déclarer. Il faut dès lors qu'on avise à un changement.

M. le ministre des travaux publics nous a dit que l'ancien système qui consistait en une adjudication pubique était mauvais ; que nous n'avions que de mauvaises voitures, de mauvais chevaux et le reste. Le nouveau système, qui est la concession à main ferme, a dit l'honorable ministre, ne vaut rien.

Maintenant, je voudrais bien savoir quel est le système que l'honorable ministre préconise ; car, en vérité, messieurs, nous ne pouvons pas continuer à être desservis de la sorte, alors surtout que, comme j'ai eu l'honneur de le dire déjà, mon arrondissement n'a pas même l'ombre d'un chemin de fer.

Ainsi que je l'ai dit samedi dernier, mes commettants sont obligés de voyager dans les plus détestables pataches, et cependant, d'après ce que je viens d'entendre, ils sont condamnés à rouler longtemps encore de cette façon-là.

Je demande donc que l'honorable ministre des travaux publics, qui dirige son département avec tant d'intelligence, veuille bien s'appliquer à trouver le moyen de remédier à ce déplorable état de choses.

Nous avons, messieurs, dans le Luxembourg, de très mauvaises voitures ; le système de l'adjudication publique qui ne vaut rien ; et la concession à main ferme qui ne vaut rien non plus. Je dois cependant faire remarquer que ce dernier système est pire que le premier, car aujourd'hui nous avons un entrepreneur général qui réside à Namur. C'est un vrai pacha. (Interruption.) Oui, messieurs, et je vais vous le prouver ; je vais établir que cet entrepreneur est un véritable pacha (nouvelle interruption), et que, sans bouger de son pachahk de Namur, il fait des profits considérables.

Ce que le gouvernement ne fait pas, il le fait lui ; il traite, non pas publiquement mais à main ferme, avec des sous-entrepreneurs auxquels il accorde les prix les plus bas possibles ; la différence entre ces prix et ceux que lui donne le gouvernement constitue son bénéfice, et ce bénéfice, qu'il empoche sans aucune peine, est considérable. Ce n'est pas plus difficile que cela. (Interruption.)

L'honorable M. Thonissen confirmera, j'en suis certain, la vérité de mon langage.

M. Thonissenµ. - Certainement.

M. Bouvierµ. - Vous le voyez ! J'en étais sûr. La droite et la gauche sont d'accord. Quel magnifique spectacle ! (Bruyante interruption.)

Je demande donc à M. le ministre qu'il fasse cesser cet état de choses.

Maintenant je m'associe également à la demande faite par les honorables MM. Coomans et de Theux, que dans chaque localité où passe un facteur de la poste, il soit établi une boîte aux lettres. Rien n'est plus facile et cela ne coûterait absolument rien au trésor. Actuellement, messieurs, que se passe-t-il ?

J'habite (s’il m'est permis de citer ma propre localité) à une lieue de Virton ; le facteur arrive le matin chez nous, il continue sa course vers les villages plus éloignés, repasse ensuite par le village que j'habite et remet sa correspondance au bureau de perception de Virton. Qu'en résulte-t-il, messieurs ? C'est que nous sommes forcés tous les jours d'envoyer un exprès à Virton qui est à une lieue de chez nous.

M. Coomans. - C'est vrai !

M. Bouvierµ. - Nous sommes d'accord encore une fois ; bon ! (Interruption.) Pour la seconde fois la droite et la gauche sont d'accord... Pour peu que cela continue nous allons échanger le baiser Lamourette. (Longue interruption.)

Maintenant, messieurs, j'ai une idée que je vais avoir l'honneur de présenter à M. le ministre des travaux publics. Que son honorable collègue de l'intérieur, M. Vandenpeereboom se rassure, je ne lui (page 165) demanderai pas de brevet d'invention. De plus, la réalisation de mon idée ne coûterait absolument rien au trésor, de manière que l'honorable M. de Naeyer sera encore une fois très satisfait. Voici mon idée :

De Virton à Arlon il part tous les matins une malle estafette.

M. Hymans. - Une patache !

M. Bouvierµ. - Non, ce n'est pas une patache, c'est un peu mieux, mais pas beaucoup j'en conviens. (Interruption.)

Je me demande si l'on ne pourrait pas adapter à la caisse de derrière de cette voiture une boîte aux lettres, de telle sorte que, passant par un grand nombre de villages, elle pourrait faire en quelque sorte l'office de facteur ambulant ? (Interruption.)

Il me semble, messieurs, que cette idée en vaut bien une autre. Je suis parfaitement désintéressé puisque je ne demande pas de brevet d'invention à l'honorable M. Vandenpeereboom.

Messieurs, puisque nous sommes à la discussion du budget des travaux publics, il me semble qu'il m'est permis, si cela ne fatigue pas la Chambre...

- Voix nombreuses. - Non ! non ! au contraire.

MpVµ. - Vous avez la parole.

M. Bouvierµ - Et j'en use, M. le président. (Interruption.) Ce n'est par moi qui ai interrompu, cette fois. Par le moyen que j'indique, les habitants de chaque village pourraient déposer leur correspondance dans cette boîte aux lettres roulante et ils y gagneraient au moins un jour.

Or, comme le rappelait tout à l'heure l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu, le temps c'est de l'argent ; il a même fait à ce propos des calculs magnifiques et nous a prouvé qu'un kilomètre de temps gagné représente 800,000 francs. Eh bien, mon idée représente aussi quelque chose, et je demanderai à l'honorable M. Le Hardy de vouloir bien nous faire le calcul de ce que rapporterait mon idée. (Bruyante interruption.)

Je prie donc (vous voyez que je suis poli) l'honorable ministre des travaux publics d'examiner la question des affluents ; elle intéresse d'ailleurs vivement le trésor public, car plus il y aura de facilités, pour arriver au chemin de fer, plus augmenteront le nombre des voyageurs et la quantité des marchandises. C'est donc, je le répète, une question très importante, et je la soumets avec confiance à la bienveillante sollicitude de M. le ministre des travaux publics.

M. Thonissenµ. - L'honorable ministre des travaux publics a daigné répondre à la demande que je lui avais adressée hier.

Je l'ai écouté avec la plus grande attention, et cependant, messieurs, je dois avouer que je ne l'ai pas compris. Je n'entrevois clairement ni les moyens qu'il veut employer, ni le but qu'il veut atteindre.

Voici son argumentation : Le système de l'adjudication publique entraîne une foule d'inconvénients ; j'en ai fait l'expérience, et l'expérience a prouvé que ce système est détestable.

C'est bien là, je pense, l'opinion que M. le ministre a émise.

Arrivant ensuite aux marchés à main ferme, aux arrangements de gré à gré, l'honorable ministre a ajouté que ce système était, lui aussi, détestable.

Voilà donc deux systèmes également détestables, suivant l'argumentation de l'honorable ministre, si j'ai bien saisi ses paroles.

Il a ajouté qu'il voudrait modifier cet état de choses, introduire des améliorations, rendre le service plus rapide, plus économique et plus sûr ; il a en vue, dit-il, la création d'un nouveau service. Mais en quoi consistera ce service ? Serait-ce, par hasard, en faisant du transport par voitures un monopole entre les mains de l'Etat ? S'il en était ainsi, cela présenterait une incontestable gravité au point de vue des principes économiques. Qu'on s'explique donc et qu'on dise ce qu'on a envie de faire à la fin de la période transitoire dont a parlé M. le ministre.

M. le ministre a dit qu'il fallait maintenir les droits des entrepreneurs qui ne s'acquittent pas trop mal de leur service. Mais je ne fais pas de tout ceci une question personnelle.

Je demande seulement qu'on applique au transport des dépêches le système qu'on suit pour des objets d'une importance beaucoup plus considérable. L'article 21 de la loi de comptabilité exige l'adjudication publique ; l'article ajoute, il est vrai, qu'on peut déroger à cette règle pour des transports dont la dépense n'excède pas dix mille francs ; mais la dépense pour les transports par province dépassera incontestablement dix mille francs.

H est vrai que l'article 21 prévoit le cas où une loi formelle établirait une exception. Peut-être existe-t-il une loi dans ce sens pour le service de la poste ; mais, dans ce cas, M. le ministre voudra bien, j'espère, me l'indiquer. Je désire savoir aussi, d'une manière précise, ce que M. le ministre entend par la période transitoire dont il a parlé et quel but il se propose d'atteindre à la fin de cette période.

MtpVµ. - Je croyais m'être suffisamment expliqué. Je donnerai des explications supplémentaires. Je veux parsemer le pays de petits services bien organisés pour rapprocher des chemins de fer de l'Etat ou des lignes concédées les localités qui en sont éloignées, au moyen de voitures confortables et rapides, présentant toute garantie de sécurité. Je trouve que nous n'avons rien de semblable aujourd'hui, que nous manquons de toute espèce de garanti ; de confort, de sécurité et de rapidité.

Voilà donc ce que je veux réaliser. (Interruption.) Quels sont les moyens ? me dit-on, nous sommes d'accord sur le but.

Deux systèmes ont été tentés sans succès, l'adjudication et le contrat à main ferme pour des entreprises isolées ; ni l'un ni l'autre n'a réussi ; j'y veux substituer le contrat à main ferme pour des groupes de services et mettre chaque groupe aux mains d'un ou de plusieurs entrepreneurs associés présentant, au point de vue pécuniaire, la solidité voulue.

- Une voix. - Pas d'adjudication.

MtpVµ. - Je mettrai ces services aux mains d'entrepreneurs avec des contrats imposant de fortes et sérieuses obligations, d'entrepreneurs qui sont des agents investis d'une nomination royale, les maîtres de poste.

Voilà le système, il me paraît simple et intelligible.

Quelle est la période transitoire ? Il y a beaucoup d'entrepreneurs en possession de services, ces entrepreneurs ont fait des dépenses pour organiser leur service ; ce sont des hommes d'une fortune souvent très médiocre. Si on les dépossédait du jour au lendemain, ce serait une ruine pour eux. Ces services seront maintenus jusqu'à ce que les entrepreneurs se retirent où qu'il soit reconnu que le service ne peut être continué sans danger pour la sécurité publique.

Voilà le système. Au bout de trois ou quatre ans, nous aurions une institution nouvelle dans le pays aux applaudissements de tous les habitants.

Je demande qu'on laisse cet essai s'accomplir. Il sera procédé à la réforme sans que les entrepreneurs actuels aient à souffrir dans leurs intérêts.

L'honorable M. de Theux a demandé si tous les cautionnements définitifs pour les chemins concédés étaient versés. Toutes les compagnies ont versé ce cautionnement, sauf trois, si je ne me trompe, celle du chemin de fer d'Anvers vers Douai ; celle dite de la ligne du chemin de fer du plateau de Herve ; celle du Chemin de Frameries à Chimay ; sauf ces trois sociétés je crois que toutes les autres ont versé le cautionnement définitif. Je crois qu'on peut être sans inquiétude pour ces dernières.

M. Wasseige a demandé où en était le chemin de fer de Namur à Geest-Gerompont. Je pense que la compagnie va mettre la main à l'œuvre ; ce qu'elle a fait sur la section de Tamines à Landen est une garantie de l'exécution des lignes accessoires.

J'ai omis tout à l'heure de dire un mot de la deuxième section du chemin de fer de Mariembourg à la Meuse. On va procéder aux acquisitions de terrains, et en mars ou avril les travaux commenceront. Je crois que ces renseignements sont de nature à satisfaire l'honorable M. de Baillet.

M. Thibaut. - Quelle est la direction adoptée ?

MtpVµ. - Le point de raccordement de la ligne de Namur à Givet est à Hermeton, mais la société exploitera jusqu'à Hastières.

M. Thibaut. - Il faut le dire positivement à cause de la ligne de M. Forcade. Le point de raccordement de la ligne de Mariembourg à Dînant, avec celle de Namur à Givet, doit être le point de départ de la nouvelle ligne de M. Forcade. Il est donc important de savoir si le point dont parle M. le ministre des travaux publics est Hermeton ou Hastières, parce qu'il doit fixer le point de départ de l'autre ligne.

MtpVµ. - La ligne aboutit à Hermeton.

C'est, du reste, exactement la même chose, il n'y a sous ce rapport aucune espèce de difficulté.

Enfin l'honorable M. Wasseige m'a demandé quand on pourrait proposer l'allocation des fonds pour la canalisation de la Meuse supérieure. Je dois répondre que je n'en sais rien. Je me suis déjà bien expliqué sur ce point depuis le commencement de la discussion. Cela dépend des circonstances.

M. de Theuxµ. - J'ai écouté avec satisfaction les renseignements donnés par M. le ministre des travaux publics, sur l'état des travaux concédés à des compagnies et sur les cautionnements.

(page 166) Pour ce qui est des entreprises de transport, je ne puis adhérer au système indiqué par l'honorable ministre.

Il pense que ces sortes d'entreprises sont à la portée de peu d'individualités. En ce sens il aurait raison, mais rien n'empêche que pour ces transports par groupes il se fasse des sociétés comme pour toutes sortes d'entreprises bien autrement importantes, et je crois que la concurrence en cette matière doit conduire au progrès comme en toute autre. Il s'agit pour le gouvernement de calculer longtemps d'avance quelles sont les localités qui pourraient composer les groupes et les conditions d'exploitation, et de laisser au public le temps de former des associations en vue de ces entreprises. S'il y a des entrepreneurs, sans doute ils seront acceptés.

Quant aux risques de se voir déposséder, mais cela existe dans toutes les autres entreprises. Il y a toujours en matière de concurrence un danger de se voir déposséder et remplacer par un autre qui fait à meilleur compte, ou peut-être mieux. C'est le résultat nécessaire du système de concurrence et de publicité qui est la base de nos institutions.

M. Wasseige. - Il est un seul point sur lequel M. le ministre n'a pas répondu et cela ne m'étonne pas au milieu des interpellations qui lui sont lancées de tous côtés. J'ai dit que les travaux se poursuivent activement entre Tamines et Landen, mais qu'il ne se faisait rien entre Tamines et Fleurus et que cette inactivité complète sur ce tronçon jetait l'inquiétude parmi les exploitants de charbonnages de la basse Sambre. J'ai ajouté que ces industries méritent toute la sollicitude du gouvernement et j'ai prié M. le ministre de me dire un mot sur ce tronçon en particulier de manière à rassurer des intérêts considérables.

MtpVµ. - Je sais, messieurs, que les intéressés ont pensé que la compagnie tenait à ne pas exécuter la section de Tamines à Fleurus. II n'en est rien, messieurs. La société est obligée d'exécuter ce tronçon. Elle ne pourrait pas et elle ne voudrait pas être dégagée de cette obligation. Mais alors même qu'elle le voudrait, je trouve pour ma part qu'il n'y aurait pas lieu de la dégager. Mais encore une fois elle n'y a pensé en aucune façon.

Les plans relatifs à cette section ont été approuvés assez tardivement, il est vrai, mais je m'étonne d'entendre que l'on pense encore que la compagnie n'est pas disposée à exécuter cette section.

M. Dumortier. - Messieurs, dès l'origine de cette discussion, mon honorable ami M. de Naeyer s'est occupé des travaux de canalisation de la Dendre. Un de mes honorables amis qui siège près de moi a parlé aussi de la canalisation de l'Escaut.

M. le ministre des travaux publics a répondu à ces honorables membres que rien ne serait fait sans que tous les intérêts fussent sauvegardés, sans la plus grande prudence.

Je commerce par remercier l'honorable ministre des travaux publics de cette déclaration à laquelle j'attache un grand prix, car il s'agit, en ce qui concerne l'Escaut, d'intérêts majeurs qui pourraient être facilement froissés par des travaux imprudents qui mettraient en question l'existence des magnifiques prairies des bords du fleuve. La canalisation de l'Escaut est, je le sais, réclamée par le bassin du couchant de Mons, mais à côté des intérêts du bassin du couchant de Mons se trouvent les intérêts de deux autres districts qu'il importe de ne pas perdre de vue. Je veux parler de l'intérêt agricole des bords de l'Escaut, depuis Tournai jusqu'à Audenarde et d'Audenarde à Gand. Cet intérêt est extrêmement considérable.

L'Escaut depuis Tournai jusqu'à Gand a un parcours de 25 lieues kilométriques, ce qui, à un hectare de profondeur, donne une surface de 2,500 hectares de prairies soumises aux inondations du fleuve, pouvant se fertiliser par lui, pouvant d'un autre côté être rendues stériles si le régime du fleuve était modifié d'une manière malheureuse. Les travaux qui ont été exécutés déjà à l'Escaut ont rendu stérile une grande partie de magnifiques prairies qui bordent ce fleuve.

Tous ceux qui habitent les bords de l'Escaut savent que les prairies de Creil qui autrefois rapportaient par la vente des herbes 400, 500 et jusqu'à 800 fr. l'hectare, ne donnent plus aujourd'hui que 20, 30 ou 50 fr. l'hectare.

Or, lorsqu'il s'agit de 2,500 hectares de prairies, il y a là évidemment un intérêt majeur avec lequel il faut compter.

Je remercie donc l'honorable ministre des travaux publics de la réponse qu'il a bien voulu donner que tous les intérêts seront sauvegardés et que la question ne sera pas traitée légèrement, mais je prendrai la confiance de lui rappeler une chose qu'il ignore peut-être, parce qu'elle s'est passée avant son arrivée à la Chambre, et, en second lieu, d'attirer son attention sur un point.

Le projet de canalisation de l'Escaut, présenté à la demande du couchant de Mons, date de M. d'Udekem, il y a environ 25 ans.

Or, lorsque ce projet a été présenté, la ville de Tournai, la ville d'Audenarde et toutes les communes rurales qui longent le fleuve ont adressé à la Chambre des pétitions pour s'opposer à la canalisation de l'Escaut.

Voilà l'opinion des intéressés qui certes mérite quelque considération.

En effet, messieurs, l'Escaut est un fleuve qui traverse une contrée extrêmement riche et féconde, un fleuve dont les eaux sont tellement limoneuses que presque toute l'année elles sont troubles. Or, le jour où vous l'aurez réduit à l'état de canal pour faciliter la navigation, les prairies du voisinage deviendront des marais infects.

Voilà ce qui a toujours frappé et la régence de Tournai et la régence d'Audenarde et les administrations communales de tous les villages depuis Tournai jusqu'à Gand et tous les propriétaires de prairies.

Je signale ce fait à M. le ministre des travaux publics, dont la bonne volonté m'est connue, afin qu'il soit au courant des réclamations qui nous ont été adressées jadis et qui ont fait échouer ce projet que l'intérêt houiller voulait imposer à l'intérêt agricole.

Messieurs, je crois qu'en général, dans les travaux publics, l'intérêt agricole n'est pas assez pris en considération. Le corps des ponts et chaussées ne se compose pas d'agronomes, de représentants des intérêts agricoles. Il en résulte que les ingénieurs étant uniquement occupés à faire un beau chemin de fer, un beau canal, ne s'occupent pas de l'intérêt agricole qui vient se mêler à d'autres intérêts qu'il s'agit de desservir.

Je pense que lorsque de telles questions s'agitent et surtout lorsqu'il sera question des travaux à l'Escaut, M. le ministre des travaux publics qui, en pareil cas, ne veut prendre une résolution qu'avec parfaite maturité fera bien d'appeler près du corps des ponts et chaussées des employés supérieurs de l'agriculture, des hommes qui connaissent parfaitement ce qui est nécessaire pour l'intérêt agricole, afin que tous les intérêts soient représentés dans la discussion et que lui-même, éclairé par l'un et l'autre de ces intérêts, puisse prendre une résolution comme celle qu'il médite, c'est-à-dire une résolution qui satisfasse tous les intérêts.

Je lui soumets ces considérations. Encore une fois je le remercie de ce qu'il nous dit que rien ne sera fait précipitamment dans cette question. Il y a là de très graves intérêts en jeu. Il est évident qu'il faut autant que possible faciliter à l'arrondissement de Mons le parcours de cette ligne, mais il est évident aussi qu'il faut éviter de nuire aux districts à parcourir et à un intérêt aussi considérable que celui que je viens d'indiquer.

- La discussion générale est close.

La séance est levée à quatre heures trois quarts.