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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 29 novembre 1864

(Annales parlementaires de Belgique, Chambre des représentants, session 1864-1865)

(Présidence de M. E. Vandenpeereboom.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 87) M. de Moor, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Thienpont donne lecture du procès-verbal de la séance du 26 novembre.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la Chambre

M. de Moorµ présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Des habitants de Lille Saint-Hubert demandent la diminution des droits d'accise sur la bière indigène. »

- Renvoi à la commission permanente de l'industrie.


« Le sieur Hendrickx demande une augmentation de traitement pour les employés des prisons. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de la justice.


« Le conseil communal d'Eecloo demande le rétablissement du commissariat d'Eccloo. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le budget de l'intérieur.


« Les membres de l'administration communale et des habitants de Minderhout prient la Chambre d'accorder aux sieurs Pavoux et Lambert la concession d'un chemin de fer d'Anvers vers Turnhout avec embranchements sur Herenthals et sur Breda. »

« Même demande des membres de l'administration communale et d'habitants de Meerle, Hoogstraten, Vieux-Turnhout. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants de Beyssem et de Velthem demandent un subside pour faire paver le chemin dit Binnenstraet, sous Beyssem. »

- Même renvoi.


« Des ouvriers à Bruxelles demandent une loi qui abroge toute répression de la coalition comme telle et qui punisse simplement la menace et la violence. »

M. Lelièvre. - Je demande le renvoi de la pétition à la commission, avec prière de faire un prompt rapport, décision qui a déjà été prise à l'égard d'autres pétitions ayant le même objet.

- Cette proposition est adoptée.


« Le sieur Albert demande que les traitements des secrétaires de parquet des tribunaux de première instance soient portés au taux de ceux des commis greffiers attachés aux mêmes tribunaux. »

- Renvoi à la commission chargée d'examiner le projet de loi relatif à l'organisation judiciaire.


« Le sieur J.-J. B. Neuberg, professeur à l'école normale de l'Etat à Nivelles, né à Luxembourg, demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.


« Le conseil de prud'hommes de St-Nicolas adresse 116 exemplaires d'une brochure intitulée : « Examen clitique du projet de loi sur les modèles et dessins de fabrique. »

- Dépôt à la bibliothèque et distribution aux membres de la Chambre.


« Des marchands de charbon à Bruxelles demandent la réduction des péages sur le canal de Charleroi. »

« Même demande de propriétaires de bateaux et de bateliers de ce canal. »

M. Goblet. - Je demande le renvoi de ces pétitions à la commission permanente de l'industrie avec invitation de faire un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.


« M. Warocqué, obligé de s'absenter, demande un congé de quelques jours. »

« M.de Florisone, retenu chez lui par une indisposition, demande un congé. »

- Ces congés sont accordés.


M. Kervyn de Lettenhove. - Messieurs, je n'ai pas entendu bien distinctement la décision qui a été prise au sujet de la pétition du conseil communal d'Ecloo, relative au rétablissement du commissariat de district qui a été supprimé. Je demande un prompt rapport.

MpVµ. - La pétition a été renvoyée à la section centrale du budget de l'intérieur.

M. Kervyn de Lettenhove. - En ce cas, je n'insiste pas pour le prompt rapport.

Projet de loi portant le budget du ministère des affaires étrangères de l’exercice 1865

Discussion du tableau des crédits

Chapitre III. Consulats

Article 21

MpVµ. - La Chambre est arrivée à l'article 21.

« Art. 21. Traitements des agents consulaires, et indemnités à quelques agents non rétribués : fr. 161,250. »

M. d’Hane-Steenhuyseµ. - Messieurs, mon intention n'est pas de rentrer dans le débat relatif aux consulats. Je me bornerai à demander à l'honorable ministre des affaires étrangères s'il s'engage pour l'année 1866 à présenter un projet concernant l'établissement de consuls nouveaux salariés à l'étranger.

II a été question de notre corps diplomatique à ce propos, et on m'a fait observer avec raison qu'en établissant de nouveaux consuls, il faudrait augmenter le chiffre du budget des affaires étrangères.

Pour établir ces nouvelles fonctions consulaires, il y a deux moyens. Le premier, qui a été préconisé dans cette enceinte, serait de supprimer notre corps diplomatique. Je vous avoue, quant à moi, que je ne verrais pas de grands inconvénients à cette suppression ; par ce moyen, nous pourrons trouver les ressources nécessaires pour mener à bien la proposition que j'ai eu l'honneur de soumettre à la Chambre. Mais si l'on ne supprime pas le corps diplomatique, je demanderai, comme M. le ministre des affaires étrangères, que le traitement des différents ministres à l'étranger soit élevé, car je suis parfaitement d'accord avec lui qu'il convient que nos agents diplomatiques soient convenablement rétribués, pour qu'ils puissent convenablement aussi représenter le pays. Le second moyen serait, je le répète, d'élever le chiffre du budget des affaires étrangères.

Je demanderai donc que l'honorable M. Rogier veuille nous présenter pour l'année 1866 un projet de budget dans le sens des observations que j'ai eu l'honneur de soumettre à la Chambre.

M. Lelièvre. - A l'occasion des articles en discussion, je crois devoir appeler l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur la nécessité de régler par des traités internationaux l'exécution des jugements rendus et des actes passés à l'étranger.

Dans les diverses sessions du congrès pour les sciences sociales, cette question a été traitée d'une manière approfondie.

Je ne puis assez engager le gouvernement à combler la lacune que la législation en vigueur laisse en cette importante matière.

Aujourd'hui il n'y a plus aucune règle légale à suivre relativement à l'exécution des jugements et actes dont il s'agit.

Les dispositions du code civil et du code de procédure ont été abrogées sans avoir été remplacées par des prescriptions qu'il importe de décréter.

Je prie donc le gouvernement de vouloir s'occuper de cet objet important.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - On m'a demandé si le gouvernement avait l'intention de proposer l'année prochaine, à l'occasion du budget, un nouveau projet d'organisation des consulats, projet qui serait établi sur des bases plus larges ; et qui allouerait aux consuls existants un traitement plus élevé et qui en augmenterait le nombre.

Il m'est impossible, messieurs, de prendre un engagement à cet égard.

Les postes consulaires, tels qu'ils sont établis aujourd'hui, l'ont été à la suite d'une longue et minutieuse enquête. C'est d'après le résultat de cette enquête que l'on a déterminé les postes aujourd'hui occupés par nos consuls rétribués.

En 1856, le chiffre du budget destiné aux consuls n'était que de 82,000 francs ; il a été presque doublé depuis.

Y a-t-il lieu d'augmenter encore ce chiffre ? Je ne veux pas me prononcer sur cette question. Si l'on me demandait s'il y aurait convenance d'augmenter le traitement des agents consulaires actuellement en fonctions, je n'hésiterais pas à dire que, dans mon opinion, plusieurs de ces traitements sont insuffisants et qu'il y aurait lieu de les augmenter.

Faut-il de plus accroître le nombre des consuls rétribués ? C'est là une autre question, sur laquelle je ne me prononce pas : mais je ne voudrais (page 88) pas apporter à la Chambre une solution de cette question sans avoir la certitude d'obtenir un vote favorable.

Or, pour augmenter le nombre des consuls et pour augmenter les traitements des consuls existants il faudrait nécessairement accroître le crédit dans une assez forte proportion pour que les traitements de ces agents fussent suffisants.

La Chambre, dans ses dispositions actuelles, ne me paraît pas incliner vers une augmentation de dépense.

Je me borne donc, pour le moment, à prendre acte des dispositions que montre l'honorable membre en faveur de l'augmentation des traitements des agents consulaires et de nos agents diplomatiques.

M. Mullerµ. - Il faut prendre acte aussi des paroles prononcées par l'honorable M. Coomans dans la dernière séance.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Quant à celles-là, elles ne me regardent pas.

M. de Theuxµ. - La question des consulats est une question extrêmement grave au point de vue du budget. Pour de grands Etats la rétribution des consuls n'est pas une affaire très importante, eu égard aux revenus considérables de ces pays ; mais, pour des nations comme la nôtre, si elle devait avoir des consuls rétribués dans la proportion des agents diplomatiques, je pense qu'il en résulterait une dépense hors de toute proportion avec nos ressources.

Quant à moi donc, je réserve complètement mon vote sur la question de l'augmentation du nombre de consuls rétribués.

- L'article 21 est mis aux voix et adopté.

Chapitre IV. Frais de voyage

Article 22

« Art. 22. Frais de voyage des agents du service extérieur et de l'administration centrale, frais de courriers, estafettes, courses diverses : fr. 70,500. »

- Adopté.

Chapitre V. Dépenses diverses relatives aux légations et aux consulats

Articles 23 et 24

« Art. 23. Perception des droits de chancellerie et bureau de la librairie à Paris. Personnel : fr. 6,240. »

« Art. 24. ldem. Frais divers. - 360. »

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Dans la dernière séance nous avons eu, M. Coomans ci moi, une légère discussion relativement aux frais de chancellerie.

L'honorable membre se plaignait de ce que le consul d'une ville qu'il n'a pas nommée avait exigé six ou huit francs pour apposer son visa sur son passeport. S'il a exigé six francs pour un visa il a excédé son droit, je pensais qu'il s'agissait de la substitution d'un passe-port nouveau à un passe-port ancien. Pour un visa le consul ne peut exiger que 1 fr. 50 c.

M. Coomans. - Je constate que je suis donc loin d'avoir eu si tort que le croyait M. le ministre des affaires étrangères. Mais ce n'est pas pour cela que je me lève, c'est pour faire remarquer que les frais de chancellerie montent plus haut que le fonds perçu. Je crois avoir entendu dire que la perception des droits de chancellerie coûte 6 mille fr., et qu'ils ne rapportent que 3 ou 4 mille fr., de sorte que pour percevoir une somme de 3 à 4 mille fr., on fait 6 mille fr. de frais. Si cela est sage et libéral, je n'y comprends plus rien.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Je crois que la Chambre aura plus de facilité que M. Coomans à comprendre l'utilité des chancelleries. Beaucoup de services rendus par le gouvernement ne rapportent rien directement, tandis qu'une partie des services rendus par les chancelleries rapporte quelque chose au trésor.

C'est un service qui a l'avantage d'être directement productif. Voilà ce qui le distingue des autres.

- Les chiffres sont mis aux voix et adoptés.

Articles 25 et 26

« Art. 25. Indemnités pour un drogman et autres employés dans des résidences en Orient : fr. 8,030. »

- Adopté.


« Art. 26. Frais de correspondance de l'administration centrale avec les agences, ainsi que des agences entre elles ; secours provisoires à des Belges indigents ; achat et entretien de pavillons, écussons, timbres, cachets ; achat de publications nationales et étrangères ; achat, copie et traduction de documents ; abonnement aux journaux et écrits périodiques étrangers ; frais extraordinaires et accidentels : fr. 83,120. »

- Adopté.

Chapitre VI. Missions extraordinaires, traitements d’inactivité et dépenses imprévues

Article 27

« Art. 27. Missions extraordinaires, traitements d'inactivité et dépenses imprévues non libellées au budget : fr. 47,000. »

- Adopté.

Chapitre VII. Commerce, navigation, pêche

Discussion générale

M. Delaetµ. - Messieurs, comme une partie importante des attributions du ministère des affaires étrangères est le commerce ; que samedi dernier M. le ministre a trouvé convenable de prétendre que nous ne sommes pas les représentants du commerce sérieux et respectable d'Anvers, et comme il suit de là que le commerce, d'après le chef du ministère des affaires étrangères, n'aurait plus dans cette enceinte des représentants dignes de lui, j'ai cru devoir rassurer le gouvernement et sur la communion d'idées dans laquelle nous sommes avec tout ce que le commerce a de sérieux, de loyal, de respectable, même dans le sens du ministre, et le prouver en venant répéter ici tout ce que la Chambre de commerce a dit depuis 1855 contre le maintien des droits de tonnage et des frais élevés de pilotage, à l'abaissement desquels la convention internationale donnait un droit à Anvers, droit qu'on ne nous a pas accordé en pratique pas plus qu'on ne nous a accordé de faire ressortir ses effets au vote émis en 1860, par la commune d'Anvers, sur la réduction des frais de bassin, de port, de quai, etc.

Messieurs, je crois qu'il est bon, - et vous voudrez bien dans ce but m'écouter jusqu'au bout, - de régler une fois pour toutes avec M. le ministre des affaires étrangères et nos honorables prédécesseurs, nos comptes commerciaux dans cette enceinte. Il est bon que la Chambre sache à quoi s'en tenir sur nos idées, comme il est bon que le sache le commerce d'Anvers, bien entendu celui que préfère M. le ministre des affaires étrangères et qui ne nous a pas honorés de ses suffrages.

J'ai dit à M. le ministre des affaires étrangères : « Ne montez pas au Capitole, ne vous décernez pas les honneurs du triomphe, vous avez payé assez tard une dette quo vous deviez à Anvers depuis l'abolition du droit de tonnage en Hollande. »

Il paraît, messieurs, que j'ai commis un crime énorme en disant cela à M. le ministre des affaires étrangères. Malheureusement, ce crime avait été commis avant moi, en 1855, par la chambre de commerce d'Anvers qui, alors comme aujourd'hui, comptait, toujours dans le sens ministériel, beaucoup plus de négociants honorables, respectables et sérieux que d'autres.

La chambre de commerce, après avoir un peu fait l'histoire de la loi sur les droits différentiels, après avoir dit qu’elle avait été la part du passé dans l'œuvre de 1844, continue ainsi :

« Quant à celle de l'avenir, nous pensons que les faits nouveaux survenus depuis dx ans dans le monde commercial, ont démontré, même aux plus ardents partisans du régime différentiel, l'inutilité du maintien de la législation de 1844, en présence du revirement qui s'est opéré dans la politique commerciale des autres nations.

« Le système douanier que nous allons bientôt inaugurer, laisse du reste encore dans les mains du gouvernement des éléments de négociation, dont il se propose de faire usage avec les pays qui conserveraient quelques restrictions à notre égard.

« Nous acceptons volontiers ce nouveau régime, qui prend la liberté pour base, mais on doit faciliter nos moyens de concurrence.

« Nous avons assez de confiance dans la puissance de notre commerce, dans son intelligence et dans sa vitalité, pour ne pas redouter la lutte, si l'on veut nous laisser toute liberté dans nos mouvements.

« Nous énumérons plus loin en détail ce qu'il nous faut aujourd'hui : Ces concessions indispensables sont une seconde ligue ferrée vers l'Allemagne, la réduction de nos prix sur le railway de l'Etat, l'abolition des droits de tonnage, la réduction des frais de pilotage, de port et de ventes publiques.

« Qui dit lutte dit égalité de forces et de moyens d'action. »

(page 89) « Quant à nos forces, nous osons nous y fier ; mais les moyens d'action sont dans les mains du gouvernement, »

Maintenant, messieurs, il y a un travail de détail et je le cite :

La chambre de commerce fait l'historique des mesures libérales prises en Hollande.

Après avoir dit comment nous avions obtenu une réduction de 25 p.c. sur les prix antérieurs pour les transports sur le chemin de fer vers l'Allemagne, comment cette réduction avait augmenté notre commerce de transit et éveillé l’attention du gouvernement hollandais, elle continue :

« Par suite de cette réduction, les prix de transport d'Anvers à Cologne se trouvaient être à peu près les mêmes que ceux de Rotterdam à Cologne, et la Belgique avait en sa faveur la rapidité que lui procurait sa voie ferrée : c'était évidemment un titre péremptoire à la préférence du commerce de transit.

« La Hollande ne tarda pas à s'apercevoir du danger qui la menaçait, et, pour y faire face, le gouvernement néerlandais présenta dès 1850 à la législature un ensemble de mesures ayant toutes pour objet de réduire les charges maritimes, au nombre desquelles se trouvaient comprises, sous les n°7, la suppression des droits de navigation sur le Rhin et sur l'Yssel, ainsi que l'abolition de tous droits de transit. Ces propositions furent converties en loi le 8 août 1850.

« De cette époque date la nouvelle législation commerciale et maritime des Pays-Bas, et les mesures dont on prit alors l'intelligente initiative furent complétées bientôt par des dispositions dont nous parlerons plus loin.

« Voici en tels termes l'exposé des motifs relatif aux suppressions de péages et de transit sur les eaux intérieures, annonçait l'utilité et les conséquences des réductions proposées :

« Le but des deux mesures définies aux paragraphes 6 et 7 est de prévenir que, par suite des frais pour le transport des marchandises, le commerce de transit ne déserte les parages de le Néerlande pour aller se fixer ailleurs. L'extension qui, dans les pays voisins, a été donnée aux chemins de fer et spécialement les efforts faits par la Belgique, pour s'emparer du commerce de transit, imposent au gouvernement néerlandais le devoir de supprimer tous les frais inutiles qui pèsent sur le transport par fleuves et rivières... En général toutes les formalités ou entraves qui existent encore sont supprimées ou rendues moins gênantes... »

« Il n'y a donc pas d'illusion à se faire, c'était bien contre nous que ces mesures étaient prises, c'étaient bien les réductions opérées le 1er juillet 1849 sur les transports de notre chemin de fer, qui effrayaient à juste titre nos voisins du Nord et les engageaient d'urgence à rappeler chez eux le transit, qui désertait leur territoire.

« A peine entré dans cette voie, le gouvernement hollandais sentit la nécessité de s'y engager de plus en plus et de faire de nouvelles concessions à son commerce maritime.

« Aussi le 7 février 1852 parut un arrêté royal qui réduisit les droits de pilotage :

« De 20 p. c. pour les navires à voiles.

« De 25 p. c. pour les navires remorqués.

« De 30 p. c. pour les bateaux à vapeur.

« Cette modification n'est même présentée que comme une mesure provisoire, destinée à être ultérieurement complétée.

« Il en est de même d'une autre disposition, par laquelle les droits sur les canaux de Voorne et de Nord-Hollande ont été réduits des deux tiers.

« Vint ensuite une convention faite avec les pays riverains du Rhin, en vertu de laquelle les droits d'octroi sur ce fleuve furent diminués de moitié.

« Enfin ces dispositions ont été complétées par une loi qui, à partir du 1er janvier 1856, a entièrement aboli le droit de tonnage pour les bâtiments de toute nation.

« Toutes ces mesures portées à la connaissance du commerce étranger par des circulaires, sur lesquelles la chambre de commerce d’Anvers avait eu soin d'attirer l'attention du gouvernement belge, ont eu pour résultat de réduire de moitié les frais de transport de Rotterdam à Cologne et de les porter à environ 8 fr. par tonneau, tandis que les nôtres s'élèvent à 17 fr. 20 c.

« Quelles ont été les conséquences de cet état de choses ? Evidemment d'accroître dans une proportion considérable le chiffre du transit par la Hollande et de réduire de la même manière le mouvement commercial qui s'effectuait par la Belgique. »

Messieurs, cela n’a plus discontinué. En 1856, la chambre de commerce réclame également et attire de nouveau l'attention du gouvernement sur toute l'importance qu'il y a à conserver le commerce de transit à Anvers et je parlerai tout à l'heure du commerce général dont la chambre de commerce n'a pas suffisamment parlé. Cette fois même ce n'est pas la chambre de commerce d'Anvers seule qui réclame, ce sont les industriels de l'intérieur qui lui viennent en aide et qui affirment qu'ils ne peuvent pas exporter par Anvers, attendu que, sans que pour la part la plus considérable Anvers y puisse rien, les frais sont trop élevés.

Il faut vous rappeler, messieurs, que le gouvernement se retranchait toujours derrière la ville, à laquelle il disait : « Si vous voulez des réductions de droits, commencez par nous donner l'exemple. » La ville renvoyait cet argument au gouvernement, mais elle a fini par prendre les devants, elle s'est exécutée.

Et qu'a fait le gouvernement ? Il a mis le vote de la ville dans les cartons et s'est servi plus tard de la diminution des droits locaux comme d'une contre-valeur à offrir aux puissances qui devaient contribuer au rachat du péage de l'Escaut.

Voici, messieurs, ce que nous trouvons dans le rapport général de 1856 :

« Section VIII. - Mesures à adopter dans l'intérêt du commerce et de l'industrie.

« Paragraphe premier. Rappel des mesures précédemment indiquées.

« Nous retrouvons ici en première ligne :

« 1° La diminution des frais de pilotage,

« 2° L'abolition des droits de tonnage,

« 3° La réduction des droits de bassin, de quai, etc.,

« Dont nous nous sommes longuement occupés, dans notre précédent rapport en signalant la position exceptionnellement désavantageuse dans laquelle ces frais nous placent vis-à-vis des ports concurrents.

« L'exactitude des renseignements que nous avions présentés l'an dernier à ce sujet ayant été contestée jusqu'à un certain point, nous avoirs adressé, le 20 octobre 1856, à M. le ministre des finances une note justificative détaillée à laquelle nous nous étions proposés de faire aujourd'hui quelques emprunts.

« Mais depuis lors la question s'est généralisée et discutée dans le pays. Les industriels se sont plaints vivement des droits exorbitants auxquels ils sont soumis en traversant le port d'Anvers, droits qu'ils évaluent en moyenne à 5 francs par chaque tonneau de marchandises expédiées ou reçues par notre ville.

« Nous trouvons dans un récent discours prononcé par le chef d'un des grands établissements métallurgiques du pays une appréciation basée sur un compte détaillé de ces frais, qui confirme tout ce que nous avons avancé dans la note prérappeléé et qu'à ce titre nous préférons citer ici partiellement en nous ralliant complètement aux vœux émis par leur auteur, vœux que nous n'avons du reste cessé de présenter nous-mêmes depuis longtemps aux autorités compétentes.

« Il y a dans ces lignes une discussion sérieuse, et des considérations fort justes, qui nous prouvent que nos plaintes ont rencontré de l'écho et que nos réclamations trouvent dans le pays un sympathique appui.

« Supposons un instant que l'on fasse arriver devant Anvers un navire de médiocre grandeur, par exemple de 200 tonneaux, ce qui n'est pas plus que le chargement d'un fort bateau de Meuse ; que ce navire séjourne deux à trois semaines dans les bassins d'Anvers, puis soit réexpédié en charge.

« Voici le compte exact des dépenses qu'entraîne cette opération :

« 1° A l'Etat vous avez à payer : (détail non repris dans la présente version numérisée) 786 fr. 35 c.

« 2° Voici maintenant la ville d'Anvers : (détail non repris dans la présente version numérisée) : 155 fr. 54 c.

« Droits de bassin avec additionnels..............fr. 98 90

(page 90) « Ce compte mérite quelques explications.

« Le droit de quai est fixé à 7 fr. 50 c. par navire, quelle que soit sa dimension ; il est censé représenter l'usage d'une partie du quai nécessaire au déchargement et au chargement du vaisseau.

« A ce titre, on ne comprend pas comment avec équité il peut être appliqué de la même manière à des trois-mâts de 1,500 tonneaux et à une goélette de 150, mais, ce qui est plus bizarre, c'est qu'il est payé par les navires qui restent au centre du bassin sans toucher le quai, et même par ceux qui, n'entrant pas du tout dans un bassin, déchargent en rade au moyen d'allégés.

« Le droit de bassin se règle d'une façon assez singulière. Au rebours du principe égalitaire qui servait de base au droit précédent, ici l'impôt est progressif et constitue une prime accordée à l'entrée des petits navires au détriment des grands. Dans l'exemple que nous avons cité plus haut, la goélette de 150 tonneaux eût payé 158 fr. 65 c, le trois-mâts de 1,500 tonnes, 1,328 fr. 75 c, ce qui représente non pas le décuple qui est le rapport des tonnages, mais vingt-trois fois le tribut du petit navire.

« Le droit de lestage et délestage s'écarte aussi des principes admis dans les précédents, car il est proportionnel dans son application.

« Tout bâtiment ayant à prendre ou à décharger du lest est obligé de passer par l'entreprise de la ville, mais ce qui est plus étrange encore, c'est que la ville se fasse payer des opérations dans lesquelles elle n'intervient en rien. Ainsi un navire partant à vide ne peut prendre du lest à un navire contigu qui doit en décharger sans que la ville reçoive de ce chef une rémunération.

« Enfin, le droit de cuisine est censé représenter l'usage de quelques bouges où les marins sont obligés de faire cuire leurs aliments.

« Nous comprenons très bien que, dans un but de sécurité, on interdise de faire du feu à bord ou à proximité des navires ; mais ce qui est moins admissible, c'est que tout bâtiment, qu'il fasse ou non usage des soi-disant cuisines des bassins, soit obligé, pendant tout le temps de son séjour à Anvers, de payer une contribution qui varie de 3 à 5 francs, suivant son tonnage.

« 3° vient ensuite le compte du courtier : (détail non repris dans la présente version numérisée) : total 370 fr. 52 c.

« Une partie de ces frais représente des dépenses faites réellement par le courtier, pour les formalités sans nombre qu'il doit accomplir auprès des administrations diverses.

« L'autre est pour lui un bénéfice assuré, probablement fort considérable, si l'on considère combien les charges des courtiers sont recherchées.

« En additionnant ces divers frais nous trouvons :

« A l'Etat, fr. 786 33

« A la ville d'Anvers, fr. 155 54

« Au courtier, fr. 370 52.

Total, fr. 1,312 39.

« N'oublions pas que ces treize cent douze francs s'appliquent exclusivement à l'entrée et a la sortie d'un bâtiment plus faible que maint bateau du Hainaut ; qu'ils ne comprennent ni le fret d'arrivée, ni le fret de sortie, ni l'assurance maritime, ni les droits de douane sur les marchandises reçues ou expédiées, ni les frais d'équipage.

« Nous croyons pouvoir dire à l'Etat et à la ville d'Anvers, qu'il est de leur devoir, envers les intérêts du pays tout entier, d'entrer dans une voie plus libérale, et nous signalerons à Anvers la concurrence des ports voisins, qui grandit incessamment et menace de lui devenir fatale. Déjà le Havre, grâce aux chemins de fer français, partage avec Anvers les transports d'émigrants qui, il y a dix ans à peine, avaient lieu exclusivement par notre métropole commerciale. En ce moment, délivré de droit de tonnage, Rotterdam lutte avec avantage contre Anvers non seulement pour le transit avec l'Allemagne, mais encore pour les expéditions en provenance ou en destination de la province de Liège ; c'est par Rotterdam que nos usines à zinc exportent la majeure partie de leurs produits ; nos verreries et nos clouteries commencent à suivre cet exemple, et nous voyons fréquemment nos papeteries recevoir par cette voie des cargaisons de China-clay ou argile blanche provenant de l'Angleterre. »

Ainsi, ce n'est pas seulement la chambre de commerce d'Anvers, c'est encore un industriel de la province de Liège, qui tient absolument le même langage, en 1856. Ce langage n'est pas écouté. (Interruption.)

Je sais bien que les ministres actuels n'étaient pas aux affaires ; mais ils y sont venus plus tard ; d'année en année, toujours et constamment les mêmes réclamations se sont produites, et toujours et constamment le gouvernement y est resté sourd ; il négociait, mais il ne disait pas à la chambre de commerce d'Anvers qu'il négociait.

Si le secret diplomatique avait été un peu moins bien gardé, il est probable que le commerce eût mis au service des négociateurs et ses relations et ses influences, et que l'idée de M. Vilain XIIII eût pu arriver à maturité quelques années plus tôt.

Maintenant j'ai dit que le transit était perdu pour Anvers. Je l'ai affirmé, mais mon affirmation n'a peut-être pas d'autorité pour la gauche parce que nous ne sommes pas les élus des amis du ministère à Anvers.

L'opinion de ces amis du ministère aura donc plus de poids à ses yeux. Voici ce que je lis dans le rapport de 1857.

M. Bouvierµ. - C'est de l'histoire ancienne !

M. Delaetµ. - Si nous consultions un peu plus souvent et un peu mieux l'histoire ancienne, nous ferons peut-être de l'histoire moderne un peu meilleure que nous n'en faisons.

Au reste, c'est du rapport de 1859 que je vais lire un extrait. A cette époque la politique actuelle était dans toute sa gloire et dans toute sa vigueur.

La chambre de commerce d'Anvers, après avoir dit que le mouvement des exportations et des importations est satisfaisant dans son ensemble, mais que le transit est dans la plus triste des positions, ajoute :

« Lorsque depuis longtemps nous avons signalé cette décroissance de notre transit, quand nous avons indiqué nettement les seuls moyens propres à le retenir par notre port, c'est à peine si notre voix a été écoutée et l'on a même contesté l'exactitude des chiffres que nous avons produits. »

Ainsi, quand M. le ministre des affaires étrangères conteste sans aucun fondement l'exactitude de nos chiffres, nous n'avons pas trop à nous en formaliser ; il paraît que, chez lui, c'est péché d'habitude et qu'il en fait autant à ses amis.

La chambre de commerce continue :

« Aujourd'hui le doute n'est plus possible, les tableaux officiels nous ont malheureusement donné raison et notre transit est à peu près perdu à cause de l'élévation comparative de nos frais de port et de nos tarifs de transport, ainsi que de l'absence de lignes régulières de navigation vers les principaux marchés d'outre-mer.

« Nous revenons plus loin sur cette situation fâcheuse dont le maintien du droit de tonnage, contre lequel nous avons si fréquemment protesté, est une des principales causes. »

Voilà donc vos propres amis, les négociants respectables, sérieux, honorables d'Anvers qui vous disent, à peu près dans les mêmes termes dont je me suis servi samedi, que votre obstination à maintenir les droits de tonnage a perdu le transit à Anvers.

M. Bouvierµ. - Mais les droits de tonnage sont abolis.

M. Delaetµ. - Plus loin, quand la chambre de commerce d'Anvers revient sur l'abolition des droits de tonnage, quand dès cette époque elle vous dit comme la chambre de commerce d'aujourd'hui : « Otez-vous de notre soleil ; ne nous gênez pas ; laissez-nous libres ; nous avons confiance en notre vitalité et en notre énergie ! » plus loin, dis-je, cette chambre de commerce vous prouvait combien était urgente la mesure que vous refusiez de prendre :

« Le droit de tonnage est la source de frais d'autant plus lourds pour Anvers que le port de Rotterdam en est complètement affranchi. Il importe donc que le gouvernement belge suive le gouvernement hollandais dans cette voie, et il le peut d'autant mieux que les recettes toujours croissantes des droits de douanes (lesquels ont donné 3 millions de plus en 1858 qu'en 1857) lui permettent aisément le sacrifice de 500 à 600 mille francs auquel l'abolition du droit de tonnage correspond.

« Le gouvernement eût désiré en attendant l'abolition de ce droit, à laquelle il est favorable en principe, que l'assiette en fût provisoirement modifiée, c'est-à-dire qu'au lieu d'être perçu une fois par année pour chaque navire, il s’appliquait à tout navire entrant et sortant à raison de 60 centimes par tonneau.

(page 91) « Nous n'avons pu nous rallier aux vues que M. le ministre a bien voulu nous soumettre à ce sujet.

« Sans discuter ici la question de savoir si la modification proposée ne causerait pas à certains intérêts et notamment à notre navigation avec l'Angleterre, un tort qui serait faiblement compensé par les minimes avantages qu'en retirerait la navigation de long cours, nous croyons que ce n'est pas une demi-mesure qui peut influer sur le mouvement de notre commerce maritime.

« On connaît depuis longtemps les motifs impérieux qui militent en faveur de la suppression complète d'un droit qui, selon l'expression de M. Moxhet, est un « véritable impôt sur le transit, pesant sur les marchandises à leur débarquement, tandis qu'à l'intérieur nous avons tout fait pour faciliter, pour attirer le transit de ces mêmes marchandises. » (Rapport du … octobre 1857.)

« Tandis que nos frais de port, dans lesquels le droit de tonnage entre pour la plus forte part, s'élèvent à Anvers à fr. 7,01 par tonneau, ils sont, d'après les renseignements les plus certains de : 5-71 à Rotterdam, 3-23 au Havre par navire français. 8-45 par navire américain et 3-86 par navire belge, 2-05 à Brème.

« Ce qui établit, en défaveur du port d'Anvers, une différence de 1-30 par tonneau comparativement à Rotterdam. 3-14 au Havre, et 4-95 au port de Brème.

« Les faits sont là, patents, irrécusables : ils établissent notre infériorité notoire, notre mouvement de recul toujours plus prononcé en ce qui concerne le transit, ainsi que le prouvent les statistiques que nous venons de recueillir pour l'année 1859.

« Nous avons peine à comprendre pourquoi le gouvernement qui est, nous nous plaisons à le reconnaître, animé de si excellentes intentions pour le développement de notre commerce, qui a pris dans ces derniers temps d'utiles mesures dont nous lui sommes reconnaissants et dont le but constant est d'augmenter nos exportations et de créer de nouveaux débouchés, recule devant un des moyens les plus efficaces pour parvenir au but que nous désirons tous. »

Voilà donc la chambre de commerce de 1859, qui accuse la perte du transit et qui attribue cette perte surtout à l'existence du droit de tonnage.

Et non seulement la chambre de commerce avait raison et a eu raison jusqu'en 1862, car elle a persisté à produire d'année en année ses réclamations ; mais il y a plus ! Ce droit de tonnage et ces frais de pilotage produisaient ce résultat, que les capitaines en pays transatlantiques acceptaient plus facilement et à meilleur compte des chargements pour Rotterdam que pour Anvers ; de sorte que nous ne perdons pas seulement les cargaisons en transit, mais encore les affaires directes. Combien d'affaires le commerce belge n'a-t-il pas perdues de cette façon ! C'est là une appréciation qui ne peut se traduire en chiffres ; mais les négociants sérieux, respectables et intelligents dans tous les sens de ces mots, c'est-à-dire dans l'acception académique et l'acception ministérielle, évaluent la perte à des centaines de millions pour la période de perception du droit de tonnage, après l'abolition de ce droit en Hollande, soit de 1856 à 1863.

M. Bouvierµ. - Et la liberté de l'Escaut qu'a-t-elle procuré ?

M. Delaetµ. - Maintenant que se passait-il en attendant que l'idée de l'honorable vicomte Vilain XIIII arrivât à maturité ? Et vous savez que les serres diplomatiques sont assez lentes à mûrir de pareils fruits.

Il s'est fait que Rotterdam s'est emparé non seulement de beaucoup d'affaires directes qui revenaient à Anvers, mais encore d'une grande partie de notre transit et même du service de la province de Liège, comme le démontrait, en 1856 déjà, l'industriel liégeois dont je parlais tout à l'heure.

Anvers, messieurs, ne demande pas de droits différentiels, Dieu l'en garde !

Mais si elle ne demande pas un régime de faveur, elle a certainement bien le droit de demander qu'on n'établisse pas de droits différentiels contre elle.

Or, il paraît que pour être libéral en un certain sens, il faut non seulement ne point vouloir de protection pour soi, mais protéger son adversaire contre soi-même.

C'est, en effet, ce qui a eu lieu à l'égard de Rotterdam, ainsi que je vais le prouver.

Tout navire qui a chargé des produits coloniaux à Java et qui les débarque à Rotterdam, obtient remise des droits de sortie à Java ; mais si, au contraire, ce navire débarque sa cargaison à Anvers, il n'obtient aucune remise. Or, ces droits de sortie sont de 6 à 8 p. c. ; ils sont de 5 à 6 p. c. sur les cafés. Voilà donc Rotterdam qui peut servir Liège à un moindre prix qu'Anvers ne peut le faire.

Maïs cela ne suffisait pas encore. M. le ministre des travaux publics est intervenu. Il a adopté un principe qui est excellent en tant qu'il s'applique à nos propres chemins de fer ; je veux parler du principe de la tarification spéciale par les transports à grande distance.

Or, ce système ayant été étendu à l'étranger, il s'est fait que Rotterdam transporte à Liège et à Verviers, en passant par Anvers, à un centime de moins par cent kilogrammes qu'on ne peut le faire en transportant directement d'Anvers vers ces localités.

La différence n'est pas considérable sans doute ; mais on conviendra que l'anomalie n'en est pas moins singulière.

Ainsi Rotterdam, grâce à la restitution des droits de sortie, jouit d'un droit différentiel de 5 à 6 p. c, et de plus sur le transport, d'un centime par 100 kil. au détriment d'Anvers.

Messieurs, M. le ministre des affaires étrangères a bien voulu nous apprendre, samedi dernier, que la chambre de commerce d'Anvers lui avait donné un certificat de bonne conduite.

J'ai été enchanté d'apprendre cela, et déjà je le savais un peu ; mais un renseignement en vaut un autre, et j'apprendrai à M. le ministre des affaires étrangères, s'il ne le sait déjà, que, sur la proposition de M. Vanderlinden qui, je crois, est un peu son parent...

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Et je m'en honore.

M. Delaetµ... - La chambre de commerce, sur la proposition de M. Vanderlinden (on peut se rendre ces petits services entre parents et amis) s'apprête donc à lui fournir un nouveau certificat de bonne conduite, et probablement cette proposition sera votée jeudi prochain. (Interruption.) Seulement, je désire que la chambre de commerce d'Anvers puisse se voter à elle-même un certificat de bonne conduite.

- Voix à gauche. - Allons donc ! C'est inconvenant.

M. Mullerµ. - Ce sont des attaques inconvenantes cela.

- Voix à droite. - Continuez. Vous êtes dans votre droit.

M. de Moorµ. - Donnez-vous un certificat de bonne conduite à vous-même ; cela vaudra mieux.

M. Delaetµ. - Je désire ardemment, je le répète, que la chambre de commerce d'Anvers puisse se voter à elle-même un certificat de bonne conduite qui pourrait être signé par toutes les personnes pour qui la logique et la fermeté dans les opinions (alors que les circonstances ne changent pas) ne sont pas des choses tout à fait à dédaigner... le corps électoral, par exemple.

Messieurs, on croit avoir déjà beaucoup fait, maintenant qu'on a aboli le droit de tonnage.

Or, je vous ai prouvé que la chambre de commerce ne demande qu'une chose, c'est qu'on lui accorde le plus de liberté possible. Mêlez-vous de nous le moins que vous le pourrez, vous dit-elle.

Vous avez créé les chemins de fer et je vous en loue ; les chemins de fer sont surtout faits pour abréger les distances et pour gagner du temps...

M. Bouvierµ. - C'est du De la Palisse cela !

M. Delaetµ. - M. le président, veuillez, je vous prie, empêcher qu'on m'interrompe ainsi à chaque instant. Si cependant ces messieurs de la gauche veulent continuer à me faire l'honneur de m'interrompre, je les prierai de le faire à voix assez haute pour que je les puisse comprendre. Les interruptions ne me sont point désagréables ; mais ce qui est désagréable, c'est de trouver dans les Annales des interruptions qu'on n'a pas entendues.

MpVµ. - Au lieu d'engager les interrupteurs à élever la voix, je les engagerai, au contraire, à ne plus interrompre du tout. (Interruption.)

M. Delaetµ. - La question est assez sérieuse pour qu'on y consacre quelques instants.

MpVµ. - C'est pour cela que je vous maintiens la parole. Vous avez la parole et je vous prie d'en user. (Interruption.)

M. Delaetµ. - Je dis donc... (Interruption.) Quand vous n'avez pas de bonnes raisons, il vous reste d'ordinaire la ressource des mauvais rires, des rires forcés. Vous ne me troublerez pas par vos interruptions, vous me donnez le temps de me reposer ; Voilà tout ce que vous vaudra cette tactique.

Je disais donc que quand on avait créé les chemins de fer on avait fait une œuvre grandement utile, qui procurait une merveilleuse économie de temps et que, sous ce rapport, c'était là un des plus grandi bienfaits (page 92) dont l’humanité ait été dotée ; dans ce bienfait la Belgique a eu la plus large part.

Mais bien longtemps avant les chemins de fer on avait inventé l’antithèse des chemins de fer, la douane qu’on dirait instituée pour faire perdre du temps. Si le gouvernement était réellement intelligent et libéral et qu'il cherchât à écarter le plus d'obstacles possible, il devrait songer, Je ne dis pas à supprimer immédiatement la douane, - cette question est à l'étude, elle sera résolue dans un sens ou dans l'autre, nous faisons des vœux pour qu'elle le soit promptement dans un sens libéral, - mais à supprimer les lenteurs, les formalités, les vexations inutiles de la douane.

Car ce dont nous voudrions être débarrassés, c'est surtout des lenteurs de la fiscalité. Parfois pour expédier une caisse ou un paquet qu'on pourrait en 2 ou 3 heures faire arriver à sa destination au point le plus éloigné du pays, on subit par le fait de la douane des lenteurs telles, qu'il y parvient à peine en trois jours ; pour d'autres marchandises on n'a pas fini avant un mois, quand il y a contestation, que le contrôleur se déclare incompétent, que le directeur se déclare incompétent, et qu'on renvoie l'affaire au ministre.

Pendant ce temps vos marchandises restent là, elles sont dépréciées, j'ai reçu à ce sujet d'un homme très connu en Belgique, estimé de tout le monde, quoiqu'il ne soit estimable que dans le sens académique du mot, une note des plus intéressantes et qui pour quelques-uns d'entre vous, peut-être pour MM. les ministres eux-mêmes, sera presque une révélation.

Voici, me dit mon honorable ami, M. Alexis Joffroy, l'histoire fiscale de deux barils de jambons. (Interruption.)

Pourquoi ces rires ? Il n'y a pas ici, je pense, une question personnelle. (Interruption.)

Je ne crois pas qu'il y ait là rien dé personnel pour qui que ce soit.

« Voici l'histoire fiscale vraie de deux barils de jambons mis à l'entrepôt d'Anvers et déclarés en transit pour l'Allemagne.

« Je passe d'abord toutes les courses que nécessite la mise en entrepôt de la marchandise. Je parle seulement de sa sortie.

« 1° Demande de nettoyage et de pesage net, au contrôleur ;

« 2° Chercher le garde-magasin pour ouvrir ;

« 3° Faire viser la demande de pesage ci-dessus chez le vérificateur et la remettre au chef de pavillon afin qu'il puisse surveiller l'opération ;

« 4° Faire la déclaration en douane ;

« 5° Faire défalquer cette déclaration ;

« 6° La faire porter au bureau où l'on coupe la souche.

« 7° Faire viser chez le chef de pavillon.

« 8° Faire viser chez le vérificateur et le prier de venir visiter la marque et la marchandise.

« 9° Chercher un waggon, pour le charger en entrepôt. Ce waggon n'étant pas toujours disponible, j'ai dû revenir deux fois avec deux ouvriers et un commis ;

« 10° Demander un employé pour assister à l'enlèvement de la marchandise et à son chargement dans le waggon.

« 11° Attendre au moins un quart d'heure jusqu'à ce que l'employé ait inscrit dans son calepin, à son aise, l'expédition qu'il va faire ;

« 12° Je puis enfin charger la marchandise et attendre tout un temps, que l'employé ait marqué sur le transit que l'expédition s'est faite ;

« 13° Faire défalquer l'acquit au deuxième bureau ;

« 14" Le déposer chez le contrôleur.

« Le droit sur le jambon est bien un droit fiscal, puisqu'il ne s'élève qu'à 1 p. c. de la valeur ; ce droit pour les deux barils en question faisait un total de 2 francs.

« Pour faire entrer ce capital, plusieurs personnes ont perdu leur temps pendant des heures. Dans mon magasin l'opération n'aurait exigé que quelques minutes pour un seul ouvrier.

« Toutes ces courses bien souvent sont accompagnées de tracasseries que suscite la douane ; elle ne vous sert pas de suite, car il y a ordinairement plusieurs personnes qui vous précèdent.Vous faites des erreurs, il ne saurait en être autrement dans ce dédale de formalités ; il faut du temps pour les redresser, quand on vous y autorise et qu'on ne vous dresse pas un procès-verbal.

« La douane aussi fait des erreurs et dans ce cas encore c'est à vous à les redresser. »

Voulez-vous calculer la perte de temps qui correspond à cette recette de 2 francs ? Vous auriez dit au négociant : Donnez-moi 5 francs et je vous laisse la disposition de votre marchandise, qu'il aurait accepté avec reconnaissance ; car il y a le droit du temps que vous prélevé, qui ne s'évalue pas en chiffres, mais qui est énorme, pour rentrer dans un capital minime.

« Voici encore une histoire incroyable, mais vraie cependant, de deux cargaisons de sulfate de soude destinées à la réexportation. Cet article aussi ne paye qu'un droit fiscal et pour de certaines industries il est libre en Belgique.

« Un des navires a fait relâche, a débarqué sa cargaison à Milford-Haven et l'a reprise. Il a mis en rechargeant l'avarie au-dessus dans sa cale.

« 1° Demander au directeur l'autorisation de déposer sur le quai le sulfate avarié ;

« 2° Demander au directeur l'autorisation de mettre en barriques, sur le quai, le sulfate destiné pour l'Espagne. La réponse à cette demande se fait attendre un jour et demi ;

« 3° Ayant reçu l'autorisation, je déclare en douane et je perds par suite de cette formalité de nouveau un demi-jour ;

« 4° Fait coter le navire chez le contrôleur, chose qui ne peut se faire qu'après la défalcation de l'acquit ;

« 5° Fait mettre les cachets sur les écors ;

« 6° Chercher le brigadier et l'employé pour le navire ; ces messieurs ne se trouvent souvent qu'après de longues recherches, les besoins du service les obligeant à de fréquents déplacements ;

« 7° Faire couper les plombs du navire ; chercher le vérificateur qui doit assister à cette opération ;

« 8° Nous avons voulu mettre la marchandise à quai pour là verser dans les barriques qui se trouvaient devant le navire ; nous nous proposions de peser les barriques déjà tarées, après les avoir remplies, puisque nous avions l'autorisation de déposer sur le quai. Opposition des employés qui prétendaient que la marchandise devait être posée en vrac, à bord du navire et non pas sur le quai.

«Nous ne voulons pas nous soumettre à ces exigences qui auraient quadruplé le travail et nous faisons cesser le déchargement. Une dizaine d'hommes sont ainsi pendant tout un temps sans rien faire.

« 9° Demandé au contrôleur de pouvoir peser le sulfate dans les barriques sur le quai.

« Refus du contrôleur à moins que la demande ne fût faite sur un timbre de 45 centimes. »

Ce timbre de 45 centimes joue dans la douane un rôle énorme, je ne sais s'il est constitutionnel de faire timbrer les pétitions ; c'est une affaire à examiner. Je continue de citer :

« Un demi-jour de perte de temps de ce chef aussi bien pour les ouvriers que pour moi-même.

« 10° Demandé au contrôleur l'autorisation de travailler jusqu'à neuf heures du soir afin de pouvoir décharger le navire à temps pour ne pas payer de surtaxe.

« 11° Demandé au Contrôleur (sur timbre de 45 c.) l'autorisation de changer sur l'acquit le nom du navire, le premier, par suite des divers délais, ayant reçu une autre destination.

« 12° L'acheteur de la marchandise n'ayant pu embarquer 27 barriques de sulfate qui durent rester à quai, j'ai demandé sur timbre de 45 centimes au contrôleur l'autorisation de lever 2 acquits de transit au lieu du seul acquit levé quelques jours auparavant.

« 13° Fait viser et signer l'autorisation chez le vérificateur avant de la remettre au contrôle.

« 14° Porté au 1er bureau l'autorisation de lever les deux acquits. Ces démarches spéciales ont pris un jour.

« 15°Un de mes deux navires ayant au fond environ 8,000 kil. De sulfate avarié refusé par mon acheteur, j'ai fait pour cette quantité une déclaration de passavant-à-caution afin de faire arriver ma marchandise à ma succursale d'entrepôt.

« 16° J'ai demandé au contrôleur, sur un timbre de 45 centimes, l'autorisation de lever cet acquit.

« 17° Réponse du contrôleur. Il n'avait pas le droit, me disait-il, de m'accorder cette autorisation.

« 18° Demande au directeur, au même effet, sur un timbre de 45 centimes.

« 19° Refus du directeur, qui prétendait que l'on ne pouvait mettre des marchandises avariées dans les entrepôts, ni dans ma propre succursale.

« 20° J'insiste, j'explique l'esprit du traité anglais.

« 21° Après un mois d'attente, je reçois enfin l'autorisation demandée. Pendant ce temps mes barriques ont dû être réparées plusieurs fois ; une d'entre elles a disparu, et la douane a eu soin de me menacer à diverses (page 93) reprises de mettre ma marchandise dans un magasin spécial où j'aurais eu à payer un fort magasinage.

« Vous aurez remarqué les nombreuses démarches que ces deux cargaisons m'ont occasionnées, le temps que la douane a fait perdre aux ouvriers.

« J'oubliais de vous dire qu'à cause de tous les délais dans le déchargement le navire a eu un jour de planche ; il en aurait eu plusieurs, si deux ou trois jours auparavant, je n'avais mis à bord, à mes frais, quelques hommes pour aider au déchargement.

« Un de mes correspondants a importé, à charge de réexportation, 271 m. c. de bois. Il a fallu près d'un an pour apurer cet acquit et 98 déclarations.

« Voilà pour les grandes affaires ; pour les petites, voici un document, un acquit d'entrée pour la somme de 2 centimes. Peut-on dire encore après cela que la douane n'est pas un obstacle aux affaires ? Elles font perdre un temps précieux et détruisent des richesses incalculables. »

Maintenant, messieurs, si M. le ministre ne connaît pas les acquits pour 2 centimes, je les tiens à sa disposition. Voici comment ils se délivrent, le fait vous dira combien est large, libéral et favorable au commerce l'esprit dont s'inspire la douane.

Vous avez, je suppose, un tonneau de suif, je prends cette marchandise parce qu'elle paye un droit très bas, 2 francs les 100 kil., vous déclarez que ce tonneau pèse 152 kilog., mais il se fait qu'il pleut, que les douves se sont un peu mouillées, qu'il y a un peu de boue.... (rires.)

- Un membre. - Il y a donc de la boue à Anvers ?

M. Delaetµ. - Oui, il y a de la boue à Anvers ; il y en a, hélas ! aussi ailleurs qu'à Anvers. Dans le pesage du baril, la douane trouve un kilog. de plus. Eh bien, vos marchandises ne sont pas expédiées avant que vous ayez payé les deux centimes supplémentaires, et voilà pourquoi j'appelle la douane l'antithèse des chemins de fer. Anvers vous demande d'autres chemins de fer et Anvers a raison.

Mais, si elle vous demandait le libre usage des chemins de fer ou du moins un usage moins entravé qu'aujourd'hui, elle ferait mieux encore.

Si vous vouliez être utile au commerce d'Anvers, vous simplifieriez le plus possible les formalités douanières afin qu'elles fassent perdre le moins de temps possible, afin qu'on ne vous arrête plus pour 2 centimes, ni pour 2 ou 3 francs.

Il est évident que le grand commerce pour gagner un franc ne va pas s'exposer à en perdre 200.

Il y a donc pour ces détails une présomption de bonne foi qu'il faudrait faire entrer en ligne de compte. Or, dans les formalités douanières on ne tient aucun compte des préemptions de bonne foi, tout le monde est censé frauder.

Nous voilà donc d'accord avec la chambre de commerce d'Anvers. Sur tous ces points-là, la chambre de commerce d'aujourd'hui demande exactement ce que nous vous demandons.

Moi j'irais peut-être un peu plus loin que la chambre de commerce. J'oserais proposer au gouvernement et à cette Chambre, de déclarer Anvers port franc et d'abonner à la douane la population d'Anvers, de lui faire payer son tantième des recettes générales de la douane. Mais savez-vous devant quoi je recule ? Ce n'est pas devant la contribution que nous aurions à payer en plus à la décharge de la classe pauvre et de la classe ouvrière ; cette contribution nous la payerions volontiers et nous ne croirions pas même faire acte de générosité en faisant cela, parce que nos affaires augmenteraient dans une telle mesure, que la contribution lourde et nouvelle que nous aurions à payer serait, sans aucun doute, largement compensée par l'augmentation de nos affaires et de nos bénéfices.

Il y a là de quoi décharger dans une grande ville toute la classe populaire de l'impôt de la douane en mettant les droits non pas à la charge du pays, mais à notre charge ; seulement voici devant quel obstacle je recule : Votre douane, mise aux portes d'Anvers à la sortie, rendrait impossible le commerce de détail, le commerce de seconde et de troisième main, fait par les petits commerçants avec l'intérieur de la province d'Anvers et du pays.

Aujourd'hui ce commerce se fait par charrettes à cheval, charrettes à chien, charrettes à bras. Chaque village voisin vient s'approvisionner à Anvers. Les habitudes sont prises et l'on n'en change pas en quelques années.

C'est devant ce fait seul que je recule ; sans cela j'apporterais le projet de transformer Anvers en port franc et d'abonner la ville d'Anvers à la douane en attendant que la douane puisse disparaître.

Nous avons, la semaine dernière, parlé du poisson. J'ai dit quelle importance il y avait pour la pêche nationale à n'avoir pas de formalités douanières. Ici encore la douane frappe non pas la pêche étrangère, mais la pêche belge.

M, le ministre des finances a dit naguère que nous n'avons pas les chiffres que possède le gouvernement

II a raison ; mais nous avons, nous, les faits que le gouvernement ne connaît pas, car entre les faits officiels et les faits tels qu'ils se passent, il y a souvent tout un monde.

Je ne veux pas dire ici tout ce que je sais, je ne veux compromettre personne vis-à-vis de la douane.

Mais comme le poisson est une marchandise qui se détériore et perd notablement de sa valeur d'heure en heure, que la douane se fasse un peu attendre, qu'elle ait à faire le service de plusieurs bateaux et voilà pour l'armateur une perte de deux ou trois heures.

D'autre part, pour l'expédition par la frontière, il faut avoir une permission de sortie. Il faut envoyer à la douane et souvent perdre un temps précieux, manquer un convoi. (Interruption.)

Il y a des frontières, je le sais, pour lesquelles on n'exige pas cette formalité. J'ignore quelles sont les instructions données par vous, M. le ministre, mais je connais les faits.

Mais si nous sommes d'accord sur ces points, les députés de la population intelligente d'Anvers ne marchent pas d'accord avec les négociants respectables et sérieux dans la question des citadelles. Là nous sommes tout à fiat en désaccord avec la partie respectable, honorable, pratique, sérieuse de la population commerciale d'Anvers.

M. le président. - M. Delaet, nous sommes au budget des affaires étrangères, au chapitre du commerce.

M. Delaetµ. - Je reste tout à fait dans la question du commerce. Mais voici mon point de vue. M. le ministre des affaires étrangères, méconnaissant l'esprit de la constitution belge, a dit que nous n'étions pas les représentants d'Anvers et du commerce d'Anvers. Je tiens à démontrer ici que nous représentons le commerce d'Anvers, le commerce intelligent comme le commerce honorable, sérieux, loyal et ministériel.

J'ai donc à prouver que nous sommes d'accord sur tous les points. Et puisque la chambre de commerce d'Anvers s'apprête de nouveau à accorder un certificat de bonne conduite à M. le ministre des affaires étrangères, j'espère bien lui en donner le moyen. Je viens à son aide, en ce moment.

Je rappellerai les rétroactes de l'affaire, et quand j'aurai tout dit, je prierai la chambre de commerce de se donner un certificat de bonne conduite à elle-même, c'est-à-dire de prouver qu'elle n'a pas changé d'avis sans motifs déterminants.

M. Bouvierµ. - Et les meetings vous en donneront un également.

M. Delaetµ. - J'en serai heureux et fier. La séance dont je parle aura lieu jeudi ; il est donc utile que je lui vienne en aide aujourd’hui.

Messieurs, je vous ai dit que la chambre de commerce avait été la première, ou peu s'en faut, à réclamer contre les citadelles ; et je vais vous citer une date à l'appui de mon dire. Cette date est 1861. En 1861, moi qui me suis fait un marchepied du mouvement d'Anvers, au dire de MM. les ministres, je n'avais jamais mis le pied à un meeting, pas même en 1862, parce je réclamais alors ce qu'Anvers ne réclamait pas encore, la démolition des citadelles. Anvers très confiante et, hélas ! trop confiante, croyait qu'il n'y en avait pas.

Vous allez entendre ce que vous dit la chambre de commerce :

« L'opinion publique s'est vivement émue dans ces derniers temps à Anvers du projet annoncé par le département de la guerre d'établir à l'intérieur de la ville un rayon de servitude s militaires... (Interruption.)

- Plusieurs membres. - Cela ne concerne pas le budget des affaires étrangères ; cela concerne le budget de la guerre.

M. Delaetµ. - Je ne vous demanderai pas en ce moment de démolir les citadelles ; je veux seulement prouver que nous marchons d'accord avec la chambre de commerce. (Interruption.)

Il n'y a pas d'attaque plus grave contre un représentant que de lui dire : Vous ne représentez pas vos électeurs. Je veux répondre à cette accusation ; j'ai la parole et j'en userai.

- Un membre. - Voilà deux heures que vous en abusez.

M. Delaetµ. - Je parlerai pendant toute la séance si cela me convient. (Nouvelles interruptions.)

Plus vous m'interromprez, plus vous m’obligerez à vous prendre du temps.

L'opinion s'est vivement émue dans ces derniers temps du projet avoué par le département de la guerre, d'établir à l'intérieur de la ville un rayon de servitudes militaires qui, prenant naissance au pied des glacis de la citadelle du Nord, s'étendrait jusqu'aux nouveaux bassins construits de ce côté par l'administration communale… (Interruption.)

(page 94) Je recommencerai mon discours dans la séance de demain si vous m'empêchez de le finir aujourd'hui. (Interruption.)

MpVµ. - M. Delaet, vous ayez la parole, mais renfermez-vous dans la question du commerce.

M. Delaetµ. - Je me défends contre les attaques de M. le ministre des affaires étrangères. J'ai demandé samedi de surseoir à la clôture de la discussion générale dans laquelle j'avais le droit de tout dire. M. le ministre m'a dit : Nous recommencerons au chapitre commerce. J'ai accepté. Je réclame de la loyauté de M. le ministre des affaires étrangères de dire s'il n'en est pas ainsi. Je reprends la citation :

« La chambre de commerce ne pouvait pas rester indifférente devant un projet qui menace directement les richesses commerciales, maritimes et industrielles accumulées au nord de la cité.

« En effet, outre les inconvénients très graves résultant de la prohibition de construire des magasins et entrepôts, dans plusieurs endroits de ce quartier, tout spécialement destiné au commerce, l'établissement d'un rayon de servitudes militaires a révélé tout un côté de la question que le département de la guerre n'avait pas mis jusqu'ici au jour.

« Le but de ces servitudes est naturellement de faciliter la défense de la citadelle contre la ville elle-même, c'est-à dire de lui permettre de diriger son feu sur la cité pour la protection de laquelle nous avons toujours cru qu'elle était établie.

« Lorsque, en 1858, nous avons protesté contre la petite enceinte dans laquelle on voulait renfermer notre ville, lorsque l'année suivante le commerce s'est rallié au principe de la grande enceinte que l'on construit actuellement, c'était dans le but nettement indiqué par le gouvernement lui-même, d'éloigner le plus possible tout danger de nos centres commerciaux et maritimes. Nous dirons même plus : La construction de la grande enceinte n'avait pas d'autre raison d'être, puisque le gouvernement avait reconnu, l'année précédente, que la petite enceinte présentait toutes les conditions de défense désirables.

« Or, aujourd'hui que voyons-nous ?

« Des dispositions nouvelles, ou du moins nouvellement portées à la connaissance du public, vont placer nos richesses commerciales sous le coup des mêmes dangers que nous redoutions en 1848.

« Aussi avons-nous cru de notre devoir de joindre notre voix à celle de nos magistrats communaux et, conformément aux principes qui nous ont guidés en 1858 et en 1859, de venir attirer la plus sérieuse attention des mandataires du pays et celle du gouvernement sur les conséquences désastreuses qui résulteraient pour le commerce de l'exécution des travaux projetés.

« De récentes publications, émanées d'hommes compétents, laissent entrevoir la possibilité de supprimer complètement les citadelles du Sud et du Nord ainsi que plusieurs ouvrages militaires et de reporter sur la rive gauche la vaste enceinte qui doit servir de dernier refuge à notre armée.

« Des considérations fort sérieuses tendent même à faire considérer cette modification à notre système de défense comme très désirable au point de vue militaire.

« Nous n'avons naturellement pas à entrer dans ces discussions stratégiques, mais en nous plaçant au point de vue civil et commercial, nous devons fortement insister pour obtenir la démolition de ces deux citadelles qui sont une menace constante pour notre cité. »

C'est la chambre de commerce qui le proclame. Et l'on viendra dire que nous sommes de mauvais citoyens parce que nous répétons en 1864 cé que disait en 1861 la chambre de commerce d'Anvers. C'était elle alors qui effrayait l'étranger.

Si nous sommes de mauvais citoyens, M. le ministre des affaires étrangères, nous sommes de mauvais citoyens avec la chambre de commerce d'Anvers qui vous a délivré un certificat de bonne conduite et qui se prépare à vous en donner un nouveau jeudi prochain.

La chambre de commerce allait sur ce terrain peut-être beaucoup plus loin que nous.

Ainsi la chambre de commerce, en 1861, toujours cette chambre de commerce si pratique, si sérieuse, si honnête, demandait de grandes réductions au budget de la guerre.

Il est toujours de mode, en de certaines régions, d'accuser Anvers.

Quand nous n'étions pas ici, c'était les hommes honorables, sérieux, qu'on accusait. Mais aujourd'hui ils sont à l'abri derrière nous, c'est nous qu'on accuse. Or, voici ce qu'ils disaient en 1861 :

« On a souvent parlé des demandes nombreuses et des exigences d'Anvers.

« Nous tenons à déclarer qu'en ce qui regarde le commerce, seul objet dont nous ayons à nous occuper ici, il n'est rien de moins fondé.

« Nous ne demandons qu'une chose, la liberté et le droit commun,

« Nous ne voulons aucun monopole, aucun privilège, aucune faveur d'aucune espèce, nous ne demandons ni subsides, ni droits différentiels, ni protection quelconque. Nous ne désirons que des réductions de droits, des égalisations de frais et d'impôts avec les ports voisins.

« Si nous réclamons le secours du gouvernement, c'est parce qu'il tient en main nos moyens de transport et le maniement des impôts ; si nous demandons son appui, ce n'est pas au point de vue d'une intervention directe, aussi coûteuse qu'inutile, dans les affaires commerciales.

« Nous nous sentons assez forts, pour nous appuyer sur notre seule initiative, et notre plus beau jour sera celui où, dégrevés de nos impôts maritimes, libérés de nos ennemis douaniers et éloignés des dangers militaires qui s'accumulent autour de nous, nous pourrons, sans rien demander à l'Etat, assurer la prospérité commerciale de la ville et du pays sur la triple base de l'économie, de la sécurité et de la liberté. »

Maintenant que fait la chambre de commerce ? En 1862, dans sa séance du 17 février, elle prend, après une longue discussion et à l'unanimité, la résolution d'appuyer, près de M. le ministre des affaires étrangères, la commission des servitudes, qui demande la démolition des citadelles Nord et Sud et des fortifications qui menacent l'intérieur de la ville. De plus, dans son rapport proprement dit, elle déclare regretter que les vœux faits par elle à ce sujet, en 1861, n'aient pas eu le résultat qu'elle désirait atteindre.

Ainsi voilà jusqu'en 1862 la chambre de commerce qui marche parfaitement d'accord avec nous ; il y a parfaite entente et entière communion d'idées. Nous sommes donc honorables. Quelques-uns d'entre nous étaient tes adversaires politiques du ministère, avant la question d'Anvers ; d'autres et en grand nombre étaient les amis politiques du gouvernement, Mais on voit que le mouvement d'Anvers prend de l'importance et on fait intervenir l'intérêt ministériel, lequel est bien autrement important que l'intérêt d'Anvers. Pourquoi ? C'est que l'on sait le ministère menacé, parce que le ministère s'obstine et ne veut céder en rien. Eh bien, les amis du ministère sont restés isolés, et vraiment je ne sais pas si l'on trouverait encore 2,000 justes à Anvers. Du moins les élections n'indiquent pas ce chiffre.

Mais l'idée de M. le vicomte Vilain XIIII était enfin venue à maturité et le ministère croyait pouvoir frapper un grand coup et ramener à lui les esprits et faisant le rachat du péage de l'Escaut. Je me suis laissé dire, et c'est incidentellement que j'en entretiendrai la Chambre, bien que je tienne le fait d'un homme très important de la Hollande, je me suis laissé dire que si nos voisins n'avaient pas cru M. le ministre des affaires étrangères très désireux de conclure le traité avant les élections, on aurait peut-être cédé à un peu moins. Je reconnais que l'existence du ministère vaut bien un million ; s'il ne s'estimait pas à ce prix et au-delà, je ne comprendrais pas ses efforts et ses luttes pour garder le pouvoir.

Je n'insiste donc pas sur cette affaire, c'est un détail que je touche en passant et auquel je n'attache pas d'autre importance.

Nous voilà donc en 1863 ; que trouvons-nous ? Oh ! plus de plaintes, plus l'ombre d'une plainte ; mais au contraire, des fêtes, des félicitations, des chants de triomphe.

La chambre de commerce ordonne les fêtes et y préside. On fait souscrire, on donne une très magnifique fête sur l'Escaut. Je regrette qu'on n'ait illuminé en ville que très exceptionnellement ; mais enfin il y a eu assez de fêtes pour que les journaux ministériels pussent chanter hosannah ! et dire : « La Belgique est sauvée et c'est le ministère qui est son sauveur. » (Interruption.)

Oh ! monsieur Rogier, on vous l'a dit. C'est d'ailleurs un peu votre spécialité.

Maintenant je demanderai à la chambre de commerce de nous dire pourquoi les citadelles qui étaient en 1861 et en 1862 un danger constant pour la ville, ne sont plus du tout dangereuses en 1863 ? Pourquoi elle croit devoir n'en plus faire mention ?

Si elle peut prouver que ces citadelles si redoutables autrefois, qui étaient, je le répète, une menace constante pour notre ville, n'impliquent plus ni une menace ni un danger aujourd’hui, alors nous nous soumettrons humblement devant sa démonstration victorieuse.

Mais si elle ne peut pas fournir cette démonstration, je demanderai à la chambre de commerce pourquoi elle a changé et d'opinion et d'allures. Si elle répond que c'est pour sauver le ministère, je dirai que cette raison n'est pas suffisante, qu'Anvers vaut plus que le ministère et que la loyauté vaut plus qu'Anvers et le ministère ensemble.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Je demande la parole.

- Plusieurs membres. - La clôture !

(page 95) M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Je désire répondre quelques mots.

- La clôture est mise aux voix et adoptée.

Article 28

« Art. 28. Chambres de commerce : fr. 12,500. »

M. Bouvierµ. - Messieurs, sur ce chiffre de 12,500 fr., (erratum, page 109) la chambre de commerce d'Arlon n'obtient qu'un minime subside de 500 fr. Si le chiffre de 12,500 fr. était également réparti entre toutes les provinces nous obtiendrions à peu près 1,400 fr.

La chambre de commerce rédige annuellement un rapport général ; elle le fait imprimer à 200 exemplaires ; si elle disposait d'un subside plus élevé, son rapport serait tiré à un nombre d'exemplaires beaucoup plus considérable, car aujourd'hui elle ne peut pas suffire aux demandes qu'on lui en fait.

Il est vrai que la chambre de commerce d'Anvers est arrivée un peu tard au banquet des faveurs gouvernementales, parce que, si je ne me trompe, elle n'a été instituée qu'en 1860. Tout le monde sait que l'étendue de la province de Luxembourg est fort grande et que partant la chambre de commerce se trouve astreinte à de grandes dépenses.

Dans des circulaires, l'honorable ministre demande aux chambres de commerce de vouloir bien créer une bibliothèque. Or, il est impossible qu'avec le chiffre minime de 500 francs, elle satisfasse aux exigences des circulaires ministérielles.

M. Mullerµ. - Les dépenses des chambres de commerce sont supportées un tiers par la commune, un tiers par la province, un tiers par le gouvernement.

M. Bouvierµ. - Je ne prétends pas que la chambre de commerce d'Arlon ne reçoive rien de la commune et de la province ; mais je tiens à constater qu'elle reçoit seulement du gouvernement un subside annuel de 500 fr., tandis que les autres provinces reçoivent 1,400 francs.

Je demande donc à M. le ministre des affaires étrangères de vouloir bien équilibrer les chiffres et donner au Luxembourg le même chiffre qui est alloué aux autres provinces.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Messieurs, l'allocation destinée aux chambres de commerce est fixée à un maximum de 40,000 fr. par une loi spéciale. Ces 40,000 francs se répartissent par tiers entre le gouvernement, les provinces et les communes.

La somme portée au budget est de 12,500 francs ; cela ne fait pas tout à fait le tiers des 40,000 francs. Pour arriver à ce tiers, il faudrait augmenter le crédit d'une somme de 833 francs.

J'en fais la proposition à la Chambre ; et pour ne pas changer le chiffre total du budget, je demande qu'on transfère une somme de 800 francs de l'article 29 à l'article 28.

Si la Chambre adopte cette proposition, et si nous obtenons des provinces et des communes une augmentation équivalente, nous arriverons au chiffre maximum de 40,000 fr.

Nous ne pourrons pas satisfaire aux diverses demandes des chambres de commerce ; mais enfin il y aura une augmentation de 2,400 francs à répartir entre les chambres de commerce qui en ont le plus besoin.

- La proposition de M. le ministre des affaires étrangères est mise aux voix et adoptée.

En conséquence, une somme de 800 fr. est transférée de l'article 29 à l'article 28 : ce qui porte le chiffre de l'article 28 à 13,300 francs.

L'article 28, avec le chiffre de 13,300 fr., est mis aux voix et adopté.

Article 29

« Art. 29. Frais divers et encouragements au commerce : fr. 48,800. »

Par suite du transfert de la somme de 800 fr. à l'article 28, le chiffre est réduit à 48,000 fr. »

L'article 29, avec le chiffre de 48,000 fr., est mis aux voix et adopté.

Articles 30 à 32

« Art. 30. Encouragements de la navigation à vapeur entre les ports belges et les ports étrangers (pour mémoire. Voir l'article 2 de la loi.) »

- Adopté.


« Art. 31. Services de navigation à vapeur entre Anvers et les ports étrangers : remboursement des droits de pilotage, de phares et fanaux (crédit non limi-tatif) : fr. 8,000. »

- Adopté.


« Art. 32. Pêche maritime. Personnel : fr. 7,895. »

- Adopté.

Article 33

« Art. 33. Pêche maritime. Subsides aux caisses de prévoyance des pêcheurs ; encouragements à la pêche maritime et à l'éducation pratique des marins : fr. 69,550. »

MpVµ. - MM. Goblet et Hymans ont présenté à cet article l'amendement suivant :

« Nous proposons de diminuer le chiffre de 69,550 francs, inscrit à l'article 33 du budget et portant : Pêche maritime ; subsides aux caisses de prévoyance des pêcheurs ; encouragements à la pêche maritime et à l'éducation pratique des marins, de la somme de 5,000 francs. C'est-à-dire de réduire le crédita à*64,550 francs. »

La parole est à M. Goblet.

(page 99) M. Goblet. - Messieurs, je commence par déclarer que M. le rapporteur de la section centrale se rallie à notre amendement ; aussi je ne serai pas long. Seulement, je tiens à constater que si j'eusse écouté mes sympathies, j'aurais été beaucoup plus loin, et si je me montre aujourd'hui aussi modéré, c'est que je tiens à demeurer complètement d'accord avec les paroles que j'ai prononcées lors de la discussion du budget de 1864.

En présence de l'attitude de la Chambre il est même plus prudent, si l’on veut maintenir d'une manière certaine le progrès de l'année dernière, de ne pas introduire de nouvel élément dans le budget.

Le peu de bon vouloir des défenseurs de la prime portée à l'article 33 est manifeste et je tiens à établir que le rapport de la section centrale du budget de 1865 a rappelé les faits législatifs des deux dernières années de manière à nous induire en erreur.

La discussion du budget de 1864 a été complètement méconnue, et en se référant, non pas aux débats qui ont eu lieu à l'occasion de ce budget, mais, aux débats plus anciens du budget de 1865, le rapporteur de Ia section centrale a soutenu que le chiffre a été réduit par la Chambre une somme de 5,000 fr. seulement.

Il résulte cependant des propres expressions du rapport de la section centrale, que nous avons sous les yeux, que c'est là une erreur manifeste. (Interruption.)

Il peut y avoir un oubli, c'est possible, quoique peu croyable, mais il est positif que si je laissais passer les affirmations du rapporteur sans observation, on prétendrait bientôt qu'on ne peut diminuer, d'accord avec tout le monde, la prime que de 5,000 fr. annuellement.

Or, la Chambre a décidé, en 1864, que la diminution annuelle serait de 10,000 fr. jusqu'à extinction entière de l'allocation.

Il suffit de lire le rapport pour être frappé de cette anomalie.

En 1862, la section centrale fait des objections à la prime, se contenant de s'en rapporter à l'administration sans faire de propositions formelles. Pour l'exercice 1863, le chiffre de 1862 est même maintenu au budget. La section centrale se voit forcée de présenter une diminution de 5,000 fr. ; cette diminution est votée par la Chambre. Pour 1864, on propose de nouveau le chiffre voté par la Chambre au budget de 1863, sans l'avoir diminué d'une nouvelle somme de 5,000 fr. ; la section centrale a proposé alors une seconde fois de réduire le chiffre d'une somme de 5,000 francs. Nous sommes allés plus loin, et la diminution de 10,000 fr. a été adoptée ; il est vrai que 7,500 fr. seulement ont été retenus, mais le budget des affaires étrangers de 1864 ayant été discuté pendant le courant de la session, il était impossible de donner un effet rétroactif à la proposition. La dépense étant déjà en partie faite, la Chambre a réduit pour 1864 les primes de la pêche de 7,500 fr. dont 5,000 devaient retomber sur les six mois qui restaient à s'écouler pour terminer cet exercice et 2,500 francs pour les mois écoulés.

Toutefois le principe de la transaction fut, de l'aveu de la majorité, basé sur une diminution annuelle de dix mille francs pour l'avenir.

Ce moyen terme, indiqué par une circonstance accidentelle et admis en 1864, ne pouvait donc, eu quoi que ce soit, affaiblir la volonté exprimée de la Chambre.

La Chambre, je le répète, repoussait la proposition d'enlever aux pêcheurs, d'une manière absolue et tout d'un coup, la prime de 82,000 fr. ; mais elle a décidé d'une manière formelle qu'elle entendait qu'on diminuât ce crédit de 10,000 fr. chaque année, jusqu'à extinction ; sa pensée fut tellement bien indiquée que, pour s'arrêter à une diminution de 10,000 fr., on invoquait la volonté même de l'assemblée et que M. Sabatier s'exprimait dans les termes suivants :

« J'ai donc fait ma proposition par esprit de conciliation et par respect pour le quasi-engagement qui a été pris envers la Chambre de réduire successivement l'allocation. Cet engagement n'ayant pas été tenu, il est permis de penser, que M. le ministre ne le considérait pas comme définitif et nous sommes en droit de le modifier.

Je maintiens donc ma proposition tendante à réduire le chiffre de le prime à 72,000 francs, c'est une réduction de 10,000 francs sur le chiffre du gouvernement et de 5,000 francs sur le chiffre adopté par la section centrale. »

Ainsi, l'honorable M. Sabatier constatait qu'on avait manqué en quelque sorte à la transaction convenue et il se considérait par suite comme délié de son côté et recouvrait le droit de faire à la Chambre une proposition nouvelle.

Je prétends, messieurs, que ce n'est pas dans la discussion du budget de 1863, qu'il a été donné satisfaction aux adversaires de la prime... (Interruption.) J'ai bien le droit, je pense, de m'exprimer ainsi, puisque c'est imprimé dans le rapport de la section centrale qui nous est soumis aujourd'hui.

Voici ce que j'y trouve :

« A l'égard de cette réduction, un membre a fait observer qu il a été pour ainsi dire entendu que la prime serait graduellement diminuée, tous les ans, de 5,000 francs, jusqu'à extinction. » Et M. le rapporteur cite a l'appui de cette opinion le paragraphe suivant du rapport de la section centrale chargée d'examiner le budget des affaires étrangères pour l’exercice 1863 : « En section centrale, un membre a proposé de réduire le chiffre de 87,050 fr. à 62,050 francs, et pour les développements il s’en est référé aux idées émises à plusieurs reprises tant dans les rapports de la section centrale qu'en séance publique, sur la suppression graduelle de la prime. »

Depuis lors la Chambre a donné une autre et nouvelle satisfaction à ceux qui ne veulent plus de primes, quoi qu'en dise le rapporteur du budget de 1865, puisqu'elle a voté une diminution de 10,000 fr,, sinon en fait, du moins en droit, à cause de la discussion tardive du budget en 1864.

Le premier semestre de la prime étant soldé, on ne put augmenter la diminution de la prime qu'en frappant les six derniers mois au taux de 10,000 fr. par an.

J'ai donc le droit de soutenir que la section centrale a méconnu la volonté de la Chambre et mis de côté ses décisions les plus récentes au sujet de la prime, alors que personne ne pouvait ignorer ce qui s'était passé dans cette enceinte l'an dernier.

Pour vous donner une dernière preuve de ce que j'avance et dont nous avons le droit de nous plaindre, permettez-moi de vous lire un dernier passage du rapport sur le budget des affaires étrangères pour 1865.

« Les adversaires de la prime ont obtenu de la Chambre, pour le budget de 1863, pleine satisfaction, et le gouvernement tient compte, dans le budget actuel, de la décision prise à cette époque et qui a été, comme on peut l'appeler, une transaction. »

Il fallait parler de la transaction de 1864 aussi bien que de celle de 1863.

Je crois pouvoir m'en tenir à ces observations pour justifier mon amendement.

- L'amendement est appuyé, il fait partie de la discussion.

(page 95) M. Van Iseghem. - Je commence par déclarer qu'effectivement je ne m'oppose pas à l'amendement.

Les observations que vient de présenter l'honorable M. Goblet m'obligent à rappeler ce qui a eu lieu en section centrale.

La section centrale, messieurs. n'était saisie que d'un seul chiffre, d'une réduction de 5,000 fr. sur le chiffre du budget de 1864 proposée par M. le ministre des affaires étrangères. Aucune autre proposition n'a été faite au sein de la section centrale. Le crédit proposé par le gouvernement a été adopté par les quatre membres présents ; j'ai appuyé ce vote dans mon rapport ; je n'ai donc nullement dénaturé les faits.

En 1861, l'honorable M. Goblet vient de le rappeler, la section centrale avait, par 6 voix contre 1, exprimé le vœu que la prime fût graduellement réduite ; et, en 1862 une première réduction de 5,000 francs a été proposée par la section centrale. A cette époque l'honorable M. Sabatier faisait partie de la section centrale, et voici comment il s'exprimait en séance publique :

« La section centrale qui avait examiné le budget des affaires étrangères de 1861 avait adopté, par six voix contre une, le principe d'une réduction annuelle, mais sans fixer le chiffre. Il s'agissait de diminuer d'année en année la prime sur la pêche, de manière à arriver sans secousse à la suppression totale de cette prime.

« Le gouvernement n'ayant pas cru devoir tenir compte de ce fait, la question a cette fois changé de face, et la section centrale pour le budget de 1862, ne se bornant plus à émettre un vœu, a admis, par 5 voix contre 2, la proposition de réduire la prime de 5,000 francs ; c'est un progrès. »

Cette proportion fut fortement combattue ; l'honorable M. Tack proposa de réduire le crédit de 92,500 francs à 90,000 francs, mais la Chambre, par 39 voix contre 36, accepta le chiffre de la section centrale.

Lorsque la section centrale eut à examiner le budget de 1863, elle proposa une nouvelle réduction de 5,000 francs et aucune autre proposition ne fut faite en séance publique ; cette nouvelle réduction fut adoptée sans discussion.

La même chose a eu lieu pour le budget de 1864 : cette fois encore la section centrale a proposé une troisième réduction de 5,000 francs et si l'honorable M. Desmet n'avait point pris la parole pour demander qu'une réduction n'eût pas lieu sur la prime accordée à la pêche de la morue d'hiver, le chiffre aurait passé sans discussion.

Maintenant, messieurs, je me suis donc trouvé en présence d'une proposition formelle du gouvernement ; aucun membre de la section centrale n'a demandé de plus forte réduction et j'ai invoqué à l'appui du chiffre proposé les considérations développées dans le rapport de 1863.

Pour le budget de 1864, on n'a plus tenu compte de la résolution de 1862 et 1863 ; l'on reconnaît que la chambre de 1864 n'étant plus celle de 1862, elle avait certainement le droit de ne pas se considérer comme liée par des votes précédents, comme en ce moment on ne peut pas dire que la Chambre actuelle est forcément liée par le vote de la dernière session. Mais tout ce que je tiens à établir, c'est que je n'ai pas voulu induire la Chambre en erreur, et que cette fois, comme toujours, j'ai fidèlement signalé dans mon rapport les discussions des sections. Ainsi, vous pouvez lire dans mon rapport que deux sections ont proposé la suppression de la prime, que cette proposition n'a pas été reproduite en section centrale et qu'aucune n'a proposé de réduire le chiffre de 10,000 fr.

Je termine, messieurs, en répétant que je voterai l'amendement de l'honorable M. Goblet : je sais parfaitement que la Chambre est peu disposée pour le maintien de la prime et que son intention est de la diminuer d'année en année qu'il est inutile de discuter cette question. Mais je demanderai à M. le ministre des affaires étrangères, de vouloir bien joindre, à son prochain budget, un rapport sur l'état de notre pêche ; car il importe que la Chambre connaisse exactement la position de cette branche de l'industrie nationale, contre laquelle il y a beaucoup de préventions ; la pêche est la pépinière des matelots comme les ateliers d'apprentissage sont la pépinière de nos tisserands.

Le gouvernement ne soutient-il pas les ateliers d'apprentissage par des subsides. Je ne m'en plains pas, je constate seulement le fait comme celui (page 96) des subsides que le gouvernement alloue aux caisses de prévoyance des ouvriers mineurs. L'article que nous discutons ici contient aussi des subsides pour la caisse de prévoyance des pêcheurs et je ne crois pas que plus tard on supprimera ces subsides.

Ce n'est pas le moment maintenant d'entrer dans de plus grands développements sur la pèche, je ne pourrais que répéter ce que j'ai déjà eu l'honneur de dire souvent dans cette enceinte.

Je désire de nouveau donc que les membres de cette Chambre soient éclairés ; je prierai l'honorable ministre des affaires étrangères, qui a donné tant de preuves de sollicitude pour la pêche nationale, ce dont je le remercie, de faire un rapport sur la pêche lors de la présentation du budget prochain.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Je consens volontiers à fournir le rapport demandé à l'occasion de la présentation du budget de l'année prochaine. Je dois rendre hommage à la bonne foi de l'honorable rapporteur. Je ne pense pas qu'il ait voulu induire la Chambre en erreur. La Chambre, les années antérieures, avait décidé que la prime pour la pêche serait diminuée de cinq mille francs par année ; l'année dernière on a proposé de porter la réduction à dix mille francs. J'ai combattu cette réduction de dix mille francs. J'avoue que c'est avec une certaine peine que j'ai vu introduire cette réduction. Il s'agit d'une classe d'artisans dignes d'un grand intérêt et de petites localités qui ne sont pas ici en force pour sea défendre ; voilà les motifs qui me font incliner pour la réduction la moins forte. Je me suis borné à proposer au budget de 1864 la réduction de 5,000 francs décidée à l'avant-dernier budget, laissant à la Chambre, si elle le jugeait à propos, de la porter à 10,000 fr. M. le rapporteur se ralliant à cette dernière réduction, je n'ai rien à faire qu'à m'y rallier aussi.

M. Hymans. - On est d'accord, me dit M. de Vrière ; on est d'accord pour réduire la prime de 10,000 fr., soit ; mais tout le monde n'est pas d'accord sur l'utilité de la prime. Si elle est utile, il ne faut pas la diminuer ; si elle ne sert à rien, il faut la supprimer. Voilà toute la question. Le chiffre m'importe assez peu. Ce qui me préoccupe c'est la pêche nationale, à laquelle je porte le plus grand intérêt quoique M. Van Iseghem me soupçonne de vouloir l'assassiner.

Je m'y intéresse, d'abord parce que je la considère comme une de nos vieilles gloires nationales, en second lieu parce que j'ai une profonde pitié de ces pauvres pêcheurs que M. Couvreur définissait si bien l'autre jour quand il les appelait des serfs dans notre libre société ; je m'intéresse à la pêche nationale enfin, parce que je suis convaincu que, bien organisée, elle doit exercer une grande et salutaire influence sur l'alimentation publique.

J'ai la conviction profonde que la prime, au lieu de venir en aide à la pêche, l'empêche de se développer.

L'honorable M. Van Iseghem demande une enquête sur la pêche, je me rallie volontiers à son désir, mais à la condition qu'on la fera sérieuse ; que l'on comprenne dans un même examen l'organisation, la réglementation, les droits de douane et la prime ; en un mot, que l'on fasse un rapport général et complet sur la situation de cette utile industrie.

Au reste, l'enquête est à peu près faite, nous avons un moyen de former notre opinion en consultant les documents statistiques que nous a fournis le gouvernement.

Au tableau du commerce de la Belgique pour 1863, je trouve une annexe relative à la pêche nationale.

Il en résulte que certaines branches de la pêche déclinent et que certaines autres progressent. Or, celles qui déclinent sont précisément celles qui touchent la prime la plus élevée et celles qui progressent sont celles qu'on protège le moins.

Voyez la pêche de la morue ; son produit est resté stationnaire depuis qu'elle est protégée par une prime et qu'elle jouit d'une forte protection douanière.

La grande pêche du hareng est la plus protégée. On touche 1,800 fr. de prime par armement ; or, un seul bateau a été armé en 1863, il y en avait eu 5 en 1835.

La petite pêche du hareng n'a pas beaucoup décliné ; elle a produit une valeur de 68,236 fr. en 1851, et n'est descendue qu'à 61,945 fr. en 1863.

La diminution est peu sensible, et la petite pêche est moins protégée que la grande.

Mais la pèche de marée a vu ses produits doubler depuis 1836 ; et celle-ci, la grande pêche de marée au chalut, tout au moins, ne reçoit aucune prime.

J'ai donc raison de dire que ce sont les branches les moins protégées qui ont progressé tandis que les autres ont décliné. Cela dit, voyons le chiffre des chaloupes. Il a augmenté dans l'ensemble depuis 1836.

Aussi M. Van Iseghem dit que la pêche progresse.

M. Van Iseghem. - Selon les localités.

M. Hymans. - Mais M. Van Iseghem ne voit qu'Ostende, et dès lors pour lui, tout est bien. Mais tandis que le nombre des chaloupes a augmenté à Ostende, partout ailleurs il a diminué ; à Blankenberghe il est descendu de 59 à 48, à Nieuport de 14 il est descendu à 8 ; il n'a augmenté que dans un seul endroit, à la Panne, et les pêcheurs de la Panne viennent demander la liberté, les pêcheurs de la Panne sont libre-échangistes. M. Julliot me disait hier que cela n'était pas sérieux, j'affirme au contraire que cela est très sérieux.

Voici pourquoi il s'est trouvé à la Panne un propriétaire intelligent et libéral.

M. Coomans. - Et loyal.

M. Hymans. - Et, comme dit M. Coomans, loyal et progressif, bien que grand partisan de la pêche ; il s'est dit un jour que la pêche ne progresserait jamais tant que les pêcheurs ne seraient pas intéressés à son succès, tant que ce seraient des fils de la glèbe, des serfs qu'on exploite, et qu'a-t-il fait ?

Il a dit à ses ouvriers pêcheurs : A l'avenir, au lieu d'un cinquième vous aurez un quart du produit de votre pêche ; et en me payant des annuités, au bout d'un certain temps, vous deviendrez propriétaires de vos bateaux. Il en est résulté qu'au lieu de trois bateaux qu'il y avait à la Panne, il y a quinze ans, il en existe aujourd'hui dix-huit ; que les pêcheurs de la Panne se trouvent dans un véritable état de prospérité, qu'ils ont des maisons avec des jardins, qu'ils sont propriétaires de leurs bateaux, que ces bateaux durent deux fois aussi longtemps que ceux que l'on abandonne à des étrangers, et qu'en définitive ces pêcheurs rapportent deux fois autant de poisson que ceux de Blankenberghe et de Heyst, qui touchent la prime comme eux.

Du reste, messieurs, qu'y a-t-il de sérieux dans une prime de cette espèce ? L'honorable M. Van Iseghem nous dit que la pêche est la pépinière de nos matelots. Hélas ! nos matelots ne sont pas nombreux, notre marine marchande n'est pas plus prospère que la pêche ; elle l'est moins.

Je comprendrais la prime telle qu'elle existe en France. La France donne 4 millions de primes à ses pêcheurs, ce qui représente 300 fr. par tête de pêcheur et constitue une économie pour le gouvernement français qui aime mieux avoir des matelots sur les bateaux de pêche à raison de 300 fr. par an que de dépenser 1,000 fr. pour leur entretien sur les bâtiments de l'Etat.

En supposant qu'en Belgique le chiffre de la prime fût de 70,000 fr., ce qui n'est pas, puisque avec la réduction d'aujourd'hui nous descendons à 65,000 et en attribuant un tiers de la somme aux armateurs, un tiers aux pêcheurs et un tiers à la caisse de prévoyance, nous arrivons à 4 centimes par jour par tête de pêcheur !

La prime a été définie d'une manière très éloqucnte et très juste, il y 10 ans, par l'honorable M. de Naeyer. Il a dit : C'est une entrave au développement de la pêche nationale, parce que quand il n'y a qu'une certaine somme à distribuer en prime les armateurs ont intérêt à qu'il y ait le moins de convives possible au banquet du budget. Or, moins il y a d'armement, plus la prime est forte ; plus la pêche se développe, plus la prime diminue. Là est la vérité.

Je crois, messieurs, que je viens de démontrer que je ne suis pas guidé par un sentiment hostile aux pêcheurs. J'ai autant de sympathie que M. le ministre des affaires étrangères et autant que qui que ce soit dans cette Chambre pour ces malheureux que j'ai vus dans une situation déplorable, qui souvent en hiver sont obligés de se livrer à la mendicité pour vivre et qui, en été même, se soutiennent plus avec du genièvre qu'avec du pain.

Ce sont des malheureux, les derniers de l'échelle et ce sont pourtant ceux qu'on a la prétention de protéger le plus. Et croyez-vous qu'en agissant comme vous le faites vous fassiez quelque chose pour les armateurs ?

J'ai reçu ce matin, une lettre d'un armateur.

M. Goblet. - Et moi aussi.

M. Hymans. - Il me dit que le capital qu'il a englouti, c'est le mot, dans la pêche nationale ne lui rapporte pas un demi pour cent par an.

Nous avons constaté en outre que le poisson est plus cher en Belgique qu'ailleurs, par conséquent le consommateur ne profite pas plus de la prime que le producteur.

Elle sert tout au plus à l'honorable M. Van Iseghem et elle ne lui servira plus longtemps, puisqu'il consent à la laisser diminuer, jusqu'à extinction.

Il y a dans une situation pareille quelque chose de plus sérieux à faire (page 97) que de réduire la prime d'un chiffre de 10,000 francs, c'est d'ouvrir une enquête sur la pêche, comme l'a demandé l'honorable député d'Ostende, de rechercher ce qu'il y a à faire pour raviver la pêche et la diriger dans une nouvelle voie. A ce propos je dirai qu'un des grands inconvénients de la situation actuelle, un des grands maux contre lesquels nous avons à lutter c'est que la côte se dépeuple de plus en plus.

Il suffit de causer avec un pécheur pour entendre dire que le poisson disparaît de nos côtes, qu'on pêche aujourd'hui moins en 8 jours qu'autrefois en un seul.

A quoi cela tient-il ? Demandez-le aux hommes compétents. Quelques-uns affirment que cela tient à la façon dont se fait la pêche, au système qu'on emploie. Dans une pétition qui nous a été distribuée, je trouve un extrait du rapport de la chambre de commerce de Bruges, où il est dit que la pêche s'exerce dans des conditions déplorables, qu'elle est devenue une véritable destruction.

Cette pétition nous affirme qu'une enquête va se faire en Angleterre, et qu'elle est aussi demandée en Hollande.

Eh bien, faisons aussi cette enquête. Votons la prime cette année puisqu'on nous accuse de vouloir la mort des pêcheurs, si nous leur enlevons leur pension de 4 centimes par jour.

Pour moi le chiffre importe peu, mais je conjure M. le ministre des affaires étrangères, dans l'intérêt même de cette industrie à laquelle la Chambre prend un si grand et si légitime intérêt, de faire quelque chose et d'ouvrir une enquête, qui est le seul remède sérieux à un mal croissant et incontestable.

M. Van Isegnem, rapporteurµ. - Je demande la parole.

- Plusieurs membres. - La clôture ! aux voix ! aux voix !

- Il est procédé au vote par assis et levé sur la demande de clôture.

La clôture est prononcée.

MpVµ. - M. le ministre se rallie-t-il à l'amendement.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Oui, M. le président.

- Le chiffre de 64,550 fr. est mis aux voix et adopté.

Chapitre VIII. Marine.

Article 34. Paquebots à vapeur. Services spéciaux. Constructions et réparations maritimes

« Art. 34. Personnel actif et sédentaire, en disponibilité aux 2/3 de solde, en non-activité et non replacé : fr. 339,006 50. »

- Adopté.

Article 35. Bateaux à vapeur entre Anvers et la Tête-de-Flandre

« Art. 35. Personnel : fr. 26,447. »

- Adopté.

Articles 36 à 38. Pilotage, phares et fanaux, feu flottant et service de remorque

« Art. 36. Personnel. Traitement : fr. 255,519. »

- Adopté.


« Art. 37. Personnel. Remises aux pilotes et aux receveurs du pilotage et des droits de fanal (crédit non limitatif) : fr. 258,000. »

- Adopté.


« Art. 38. Remboursement de droits à l'administration néerlandaise, aux termes de l'article 50 du règlement du 20 mai 1843 ; restitution de droits ; pertes, par suite des fluctuations du change, sur les sommes à payer à Flessingue (crédit non limitatif) : fr. 13,500. »

- Adopté.

Article 39. Sauvetage

« Art. 39. Personnel : fr. 15,420. »

- Adopté.

Articles 40 et 41. Police maritime

« Art. 40. Personnel. Traitement : fr. 34,694. »

- Adopté.


« Art. 41. Personnel. Primes et remises (crédit non limitatif) : fr. 4,000. »

- Adopté.

Article 42. Ecoles de navigation

« Art. 42. Personnel : fr. 19,380. »

- Adopté.

Article 43. Dépenses relatives aux divers services de la marine

« Art. 43. Dépenses diverses.

« Charge ordinaire : fr. 591,211.

« Charge extraordinaire : fr. 221,300. »

- Adopté.

Chapitre IX. Pensions et secours

Articles 44 et 45

« Art. 44. Premier terme des pensions à accorder éventuellement : fr. 2,300. »

- Adopté.


« Art. 45. Secours à des fonctionnaires, employés et marins, à leurs veuves ou enfants, qui, sans avoir droit à la pension, ont des titres à l'obtention d'un secours, à raison de leur position malheureuse : fr. 2,000. »

- Adopté.

Discussion des articles

La Chambre passe à la discussion du projet de loi.

Articles 1 et 2

« Art. 1er. Le budget du ministère des affaires étrangères est fixé, pour l'exercice 1865, à la somme de trois millions cent soixante et dix mille sept cent quatre-vingt-douze francs cinquante centimes (3,170,792 fr. 50 c.), conformément au tableau ci-annexé. »

- Adopté.


La section centrale, d'accord avec M. le ministre, a proposé de rédiger l'article 2 comme suit :

« Les fonds qui, à la clôture de l'exercice 1864, resteront disponibles sur les articles 21, 25 et 26, ainsi que sur les sommes transférées des exercices antérieurs, pour être employées à titre d'encouragement de la navigation entre la Belgique et les ports étrangers, pourront être reportés au budget de 1865. »

Vote sur l’ensemble

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du budget.

En voici le résultat :

72 membres prennent part au vote.

67 répondent oui.

5 répondent non.

En conséquence le budget est adopté.

Il sera transmis au Sénat.

Ont voté l'adoption : MM. Kervyn de Lettenhove, Landeloos, Laubry, Lelièvre, Lesoinne, Lippens, Mascart, Moreau, Mouton, Muller, Orban, Pirmez, Reynaert, Rodenbach, Rogier, Sabatier, Schollaert, Snoy, Tack, Tesch, Thienpont, Thonissen, T'Serstevens, Valckenaere, Alp. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Hoorde, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Nieuwenhuyse, Van Overloop, Van Renynghe, Van Wambeke, Vleminckx, Allard, Bara, Bouvier-Evenepoel, Carlier, Couvreur, de Bast, de Borchgrave, de Conninck, De Fré, de Haerne, de Kerchove, de Moor, de Naeyer, de Ruddere de te Lokeren, de Terbecq, de Theux, de Vrière, Dewandre, Dolez, d'Ursel, Elias, Frère-Orban, Funck, Goblet, Grosfils, Hymans, Jacquemyns, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Julliot et E. Vandenpeereboom.

Ont voté le rejet : MM. Thibaut, Coomans, Delaet, Hayez et Jacobs.

Ordre des travaux de la Chambre

M. Vleminckxµ. - La Chambre a à son ordre du jour de demain le budget de la justice. Nous n'avons pas encore reçu les annexes du rapport.

M. Jamar. - Parmi les renseignements demandés par diverses sections se trouvaient des documents statistiques relatifs à l'application de la peine de mort, promis par M. le ministre de la justice à la discussion de son dernier budget.

Ces documents, qui comprennent divers tableaux, ont dû prendre beaucoup de temps au département de la justice. Ils sont parvenus au rapporteur il y a cinq ou six jours. Je les ai immédiatement transmis à l'imprimeur. C'est une besogne très longue et l'annexe ne pourra être distribuée que demain soir.

Dans tous les cas, je crois que cela ne doit pas empêcher la Chambre de s'occuper du budget de la justice, d'autant plus que je pourrai déposer sur le bureau l'original de la réponse de M. le ministre.

- La Chambre décide qu'elle s'occupera demain du budget de la justice.

La séance est levée à 4 heures trois quarts.