(Annales parlementaires de Belgique, Chambre des représentants, session 1864-1865)
(Présidence de M. E. Vandenpeereboom.)
(page 37) M. de Moorµ procède à l'appel nominal à deux heures et un quart,
M. de Florisone donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.
La rédaction en est approuvée.
M. de Moorµ présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.
« Le sieur Herman-Joseph Borjans, maître menuisier, né à Eygelshoven (Limbourg hollandais), demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi au ministre de la justice.
« Des habitants de Peer demandent la diminution des droits d'accise sur la bière indigène. »
- Renvoi à la commission permanente d'industrie.
« Les sieurs Dartevelde, Triest, Sève et autres réclament une réforme dans le système de tarification des marchandises transportées par chemin de fer. »
- Même renvoi.
M. de Naeyer. - Je demanderai un prompt rapport sur cette pétition. »
- Adopté.
« Le sieur Goegebeur appelle l'attention de la Chambre sur un fait dont sa famille vient d'être la victime de la part d'une administration publique. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le collège des bourgmestre et échevins de la ville de Maeseyck demande le rétablissement du commissariat de l'arrondissement de Maeseyck. »
« Même demande des conseils communaux de Beersel, Kinroy, Ophoven et Kessenich. »
M. Vilain XIIII. - Je demande le renvoi de cette pétition à la section centrale chargée d'examiner le budget de l'intérieur.
- Adopté.
« Des meuniers et huiliers dans l'arrondissement de Courtrai demandent la diminution des droits de patente qui pèsent sur les moulins à vent. »
- Même renvoi.
« Le sieur Martin Vannespenne demande que les barrières qui se trouvent sur les différentes lignes de chemin de fer ne puissent rester fermées la nuit, qu'à la condition de les éclairer. »
- Même renvoi.
« Les président et membres du conseil communal d'Heyst demandent que les miliciens de cette commune, qui s'adonnent à la pêche, puissent être incorporés dans l'un ou l'autre régiment en déduction du contingent avec la faculté de ne pas entrer au corps qui leur est assigné, pourvu qu'ils continuent leur voyage en mer pour l'exercice de la pêche. »
- Même renvoi.
« Le sieur Emmanuel Louis Debreuck, ex-instituteur communal, prie la Chambre de lui faire obtenir une pension. »
- Même renvoi.
« Les président et membres du conseil communal d'Heyst réclament l'intervention de la Chambre pour obtenir, à l'instar des villes d'Ostende, Blankenberghe et Chaudfontaine, une part dans les bénéfices des jeux de Spa. »
M. de Vrièreµ. - Cette pétition se rattache au budget des voies et moyens et à une question qui a été examinée par la Chambre. Je demande le dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des voies et moyens,
- Adopté.
« Le conseil communal de Gand réclame l'exécution de la loi du 23 septembre 1842, en ce qui concerne l'intervention financière de l'Etat dans les dépenses de l'instruction primaire. »
M. de Kerchoveµ. - Je demande le renvoi de cette pétition à la section centrale chargée d'examiner le budget de l'intérieur.
- Adopté.
« Les secrétaires de parquet des cours d'appel prient la Chambre d'augmenter le chiffre porté au budget de la justice pour le personnel de ces cours, afin que leur traitement puisse être élevé au même taux que celui des commis greffiers des cours d'appel. »
- Renvoi à la section centrale chargée de l'examen du budget de la justice.
« Des habitants de Bruxelles demandent que la Chambre fasse de la réforme des articles 414, 415 et 416 du Code pénal l'objet d'une loi spéciale qui serait mise immédiatement en vigueur, qui abrogerait toute répression de la coalition comme telle et qui punirait simplement la menace et la violence, lorsqu'elles viennent des ouvriers comme lorsqu'elles viennent des autres citoyens. »
M. Lelièvre. — Déjà plusieurs pétitions sur le même objet sont parvenues à la Chambre ; il serait nécessaire qu'on statuât à cet égard le plus tôt possible. Je demande le renvoi de la pétition à la commission qui sera invitée à faire un prompt rapport.
- Adopté.
« Le conseil communal de Waterland prie la Chambre d'accorder au sieur De Perre-Montigny la concession d'un chemin de fer d'Eecke à Breskens. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Van Auderoy, ancien volontaire de 1830, prie la Chambre d'examiner s'il n'a pas mérité la croix de Fer et une pension. »
- Même renvoi.
« Il est fait hommage à la Chambre par M. le recteur de l'université de Liège de 118 exemplaires du discours inaugural qui a été prononcé à la séance de réouverture solennelle des cours de l'université de Liège, le 17 octobre. »
- Distribution aux membres de l'assemblée et dépôt à la bibliothèque.
« M. le ministre de l'intérieur communique à la Chambre le dossier complet de l'enquête électorale ouverte en 1860 par son prédécesseur. »
- Renvoi à la section centrale qui est chargée de l'examen du projet de loi relatif aux fraudes électorales.
« M. de Borchgrave, retenu par des affaires importantes, demande un congé. »
- Accordé.
MfFOµ. - D'après les ordres du Roi, j'ai l'honneur de déposer un projet de loi qui approuve la convention internationale relative au régime des sucres.
- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ce projet de loi ; la Chambre en ordonne l'impression et la distribution et le renvoi à l'examen des sections.
« Principal ; fr. 15,944,527. »
M. de Naeyer. - Messieurs, je voudrais attirer un moment l'attention de la Chambre et du gouvernement sur le système qui nous régit en ce qui concerne la répartition de l'impôt foncier.
Ce système a été consacré en dernier lieu par la loi de péréquation cadastrale du 9 mars 1848, et voici en quoi il consiste : la loi fixe d'avance, d'une manière invariable, la somme que l'impôt foncier doit produire, sans qu'elle puisse être affectée par les diminutions ou les augmentations survenues dans la matière imposable.
L'impôt est ainsi un impôt de contingent et non de quotité ! Je n'entends aucunement critiquer cette partie de notre législation ; mais après avoir fixé le contingent pour tout le royaume, la loi assigne à chaque province un contingent également invariable.
Voici quelles sont, à cet égard, les dispositions de la loi du 9 mars 1848.
L'article 2 est ainsi conçu :
« Le chiffre du revenu cadastral représentant la matière imposable au 31 décembre 1843 dans chaque province, pris pour base de cette nouvelle péréquation, continuera désormais à servir de base à la répartition du contingent annuel de la contribution foncière entre les provinces jusqu'à ce qu'une révision générale des opérations cadastrales ait été ordonnée par la législature et soit effectuée.
« Les augmentations et les diminutions qui surviendront entre-temps dans la matière imposable de chaque province ne donneront lieu à aucune modification du contingent provincial ; elles n'auront d'effet que sur la répartition entre les communes qui composent la province. »
(page 38) Ces dispositions devaient nécessairement amener et ont amené en réalité des inégalités assez choquantes entre les contribuables des diverses provinces. Le marc au franc diffère aujourd'hui d'une province à une autre. J'ai ici deux billets de contributions dont l'un appartient à la province de Brabant, l'autre à la province de Flandre orientale. Il en résulte que, daus le Brabant, la proportion de l'impôt avec le revenu imposable est de 11 fr. 6 centimes par 100 fr., tandis que dans la Flandre orientale la proportion est 11 fr. et demi. Il y a donc une différence de 44 c. par 100 fr. Cela n'est pas sans importance, quant au résultat.
Le revenu imposable du Brabant est de 32 millions. Si vous appliquez à ces 32 millions la différence de 44 centimes par 100 francs, vous arrivez à une somme de 140,800 fr. par an, que le trésor aurait perçue en plus, si la proportion entre le revenu imposable et l'impôt eût été la même dans le Brabant que dans la Flandre orientale.
D'un autre côté, le revenu imposable de la Flandre orientale étant de 27 millions et demi, si vous y appliquez la différence de 44 centimes par 400 fr. vous arrivez à une somme de 121,000 fr., que la Flandre orientale aurait payée en moins, si le marc au franc n'était pas plus élevé dans cette province que dans le Brabant.
Cette somme de 121,000 fr. n'est pas à dédaigner ; elle serait venue très à propos dans la Flandre orientale, ne fût-ce que pour l'amélioration de ses chemins vicinaux.
On y a projeté des travaux d'amélioration de la voirie vicinale considérables qui comportent une dépense de 300 à 400 mille francs ; or ces travaux restent en souffrance, précisément parce que M. le ministre de l'intérieur ne peut fournir un subside égal au tiers de la dépense, ainsi que cela a eu lieu généralement jusqu’ici.
Je dis donc que ce résultat n'est pas sans importance, il prouve à la dernière évidence que le système, tel qu'il fonctionne aujourd'hui, est en opposition formelle avec un grand principe de notre régime politique, savoir l'égalité proportionnelle de l'impôt. Cette égalité aujourd'hui n'existe pas.
La quotité de l'impôt diffère d'une province à l'autre. Les contribuables de la Flandre orientale supportent l'impôt dans une plus forte proportion que ceux du Brabant.
J'appelle sur ce point l'attention de M. le ministre des finances. Je crois qu'il sera facile de remédier à l'anomalie que je viens de signaler, en décrétant la nouvelle loi sur la péréquation cadastrale.
Il suffirait de fixer un contingent général pour tout le pays ; et quant au contingent assigné aux provinces, de le laisser soumis aux variations, aux changements, aux modifications qui peuvent survenir dans la matière imposable.
Il me semble que cela ne peut pas donner lieu à des difficultés sérieuses, parce que les changements qui doivent être apportés au revenu imposable sont généralement connus assez longtemps d'avance, et voici pourquoi : c'est qu'ils résultent en grande partie principalement des nouvelles constructions de maisons ou autres bâtiments. Or, ces nouvelles constructions, comme vous le savez, sont expertisées en général dès qu'elles sont faites, et dès lors aussi le revenu imposable qui leur est attribué est fixé. Cependant ce n'est que trois ans, cinq ans et même huit ans plus tard qu'elles sont soumises à l'impôt et que réellement elles viennent affecter le revenu imposable de la province. On les connaît donc d'avance. Ainsi je crois qu'aujourd'hui on est déjà parfaitement renseigné sur les changements qui, au 1er janvier prochain, seront apportés au revenu imposable de chaque province.
D'ailleurs, il est à remarquer que, dans les provinces mêmes, on doit connaître ces changements pour pouvoir faire le rôle des contributions. Eh bien, s'ils sont connus dans les provinces, à l'instant même, en vingt-quatre heures, ils peuvent être connus à Bruxelles, et dès lors il me semble qu'il est très facile de centraliser tous ces résultats au ministère des finances, de manière à pouvoir fixer un marc le franc uniforme pour tout le pays et à faire disparaître les inégalités que j'ai signalées, qui nécessairement iront encore en augmentant, si l'on n'y porte pas remède et qui, je le répète, sont contraires aux vrais principes de notre Constitution qui veut l'égalité devant l'impôt. Je termine en appelant sur cette question toute l'attention de l'honorable ministre.
M. Lelièvre. - J'appelle l'attention du gouvernement relativement à la nécessité de présenter un projet de loi concernant la contribution personnelle ; il est généralement reconnu que la loi de 1822 doit être révisée.
En 1848, il avait été déposé un projet établissant une répartition plus équitable de l'impôt dont il s'agit, mais la discussion fut ajournée par des motifs qu'il est inutile de rappeler.
Quant à moi, je pense que le gouvernement devrait reproduire le projet qui contient des dispositions d'une évidente équité et répondant parfaitement aux principes en matière d'impôt. En un mot, il frappait le luxe et l'aisance.
Je ne pense pas qu'il faille attendre la révision du cadastre, mesure qui peut encore éprouver de longs retards.
J'engage M. le ministre des finances à nous proposer sur la mesure dont il s'agit un projet de loi qui réalisera un véritable progrès.
MfFOµ. - La section centrale m'avait adressé déjà la question que vient de me faire l'honorable membre, et j'ai fait connaître que, la Chambre devant être saisie prochainement du résultat de la révision cadastrale qui s'opère en ce moment, on pourrait alors examiner utilement la question soulevée.
- Le chiffre est adopté.
« 3 centimes additionnels ordinaires : fr. 478,335. »
- Adopté.
« 2 centimes additionnels pour non-valeurs : fr. 318,890. »
- Adopté.
« 10 centimes additionnels extraordinaires : fr. 1,594,452. »
- Adopté.
« 5 centimes additionnels supplémentaires sur le tout : fr. 550,086. »
- Adopté.
« Principal : fr. 9,825,000. »
- Adopté.
« 10 centimes additionnels extraordinaires : fr. 982,500. »
- Adopté.
« Frais d'expertise : 37,500. »
- Adopté.
« Principal : fr. 3,750,000. »
- Adopté.
« 10 centimes additionnels extraordinaires : fr. 375,000. »
- Adopté.
« Droit de débit des boissons alcooliques : fr. 1,320,000. »
M. Dumortier. - Messieurs, en lisant récemment le discours du chancelier d'Angleterre sur le budget, j'ai été frappé d'une chose, c'est que ce savant ministre avait admis comme principe que les excédants des recettes sur les dépenses devaient être employés à dégrever les contributions qui pèsent sur le peuple.
Les améliorations dans notre situation financière allant chaque année en s'augmentant, n'y aurait-il pas lieu d'appliquer ici les mêmes principes ? Chaque année, indépendamment de l'augmentation que présentent les autres sources de nos revenus, l'exploitation du chemin de fer donne une augmentation de deux millions sur l'année précédente ; je me suis donc demandé quel était dans le budget l'impôt de nature à devoir être supprimé de préférence.
Après un examen attentif, ma pensée s'est portée sur l'impôt maintenant en discussion, le droit d'abonnement sur les boissons distillées.
Ce droit s'élève à 1,300 mille fr. ; il a été établi à une époque où les finances de l'Etat exigeaient qu'on créât des impôts nouveaux. Cet impôt est un impôt d'exception, ce n'est pas un impôt général frappant tous les individus, mais un impôt d'exception ne frappant qu'une catégorie d'individus, catégorie qui, Dieu merci ! n'est pas riche et a besoin de toutes ses ressources pour élever sa famille.
Il n'est pas d'impôt qui pourrait être plus utilement supprimé que le droit d'abonnement sur les boissons distillées. Quand cet impôt a été établi, nous avions abaissé le droit de fabrication sur les genièvres, le trésor éprouvant un préjudice considérable, on croyait, de crainte de la fraude, ne pas pouvoir porter l'impôt sur la cuve-matière au taux où on l'a élevé depuis ; on s'est dit : Il faut faire payer les droits d'une autre manière, et on a établi cet impôt d'abonnement.
Depuis, l'expérience a démontré que le droit de fabrication pouvait être élevé ; on l'a doublé, triplé, et cependant on a maintenu le droit d'abonnement, mesure d'exception contraire aux principes de 1830, aux principes de la Constitution.
Je crois que le premier devoir du gouvernement devrait être d'employer les augmentations, les excédants de recettes à réduire l'impôt dont je parle, car cet impôt porte sur des gens peu fortunés, frappe lourdement les petits boutiquiers ; et c'est un impôt d'exception qui, (page 39) comme toute mesure d'exception, porte en elle-même son cachet d'iniquité.
J'ai voulu saisir cette occasion pour parler de cet objet. Je n'en ferai pas l'objet d'une motion pour le présent, mais je désire que l'on comprenne qu'un pareil impôt doit disparaître de notre législation ; je désire que l'on comprenne que tout impôt d'exception est par lui-même un impôt inique, qu'il l'est doublement lorsqu'il frappe sur les classes les plus infimes de la société. Je veux que l'on sache que lorsque nos budgets vont en augmentant de plusieurs millions chaque année, il y a possibilité de supprimer un impôt qui a été créé lorsque la Belgique se trouvait dans une situation critique et en présence de sa séparation d'avec la Hollande, et je pense que nous ne tarderons pas d'arriver à la suppression de cet impôt.
MfFOµ. - Messieurs, l'honorable membre a rappelé une opinion émise par le chancelier de l'échiquier en Angleterre, à savoir) qu'il convient d'appliquer les excédants de ressources à la réduction des charges qui pèsent sur les contribuables ; l'honorable M. Dumortier nous conseille de pratiquer ce système en Belgique.
Je ferai remarquer que l'honorable membre, qui a fixé son attention sur le budget de l'Angleterre, n'a probablement pas examiné le rapport de l'honorable M. Sabatier sur le budget des voies et moyens que nous discutons en ce moment. Il y aurait vu que le système qu'il préconise a été précisément appliqué chez nous depuis longtemps ; il aurait vu que ce rapport constate des réductions notables réalisées depuis plusieurs années sur un grand nombre d'impôts.
Il est vrai que nous ne nous sommes pas bornés à ces réductions d'impôts, mais que nous avons encore appliqué nos excédants à l'exécution de grands travaux d'utilité publique, et nous pensons, comme nous l'avons déjà dit, que c'est là une autre manière, non moins utile, non moins efficace, de diminuer les impôts.
En exécutant des canaux, des chemins de fer et d'autres travaux de cette nature, il est évident que l'on accroît dans une proportion très considérable les forces productrices du pays. On a augmenté sa richesse et par conséquent on a diminué l'impôt.
C'est ainsi, par exemple, que le contingent de la contribution foncière étant demeuré invariable, tandis que la valeur des propriétés s'est considérablement accrue, la quotité proportionnelle de cet impôt par rapport au revenu réel s'est, en fait, notablement amoindrie.
L'impôt représentait, il y a 25 on 30 ans, 10 p. c. environ du revenu cadastral. Maintenue au même chiffre depuis cette époque, la taxe est évidemment bien moins lourde pour des propriétés qui ont incontestablement doublé de valeur pendant cette période.
Mais, à part ces considérations générales, sur lesquelles je ne crois pas devoir insister, s'il y avait un impôt à diminuer, un impôt à supprimer, serait-ce, messieurs, l'impôt qui grève le débit des boissons alcooliques ? Cet impôt a été établi bien moins en vue de créer un revenu pour le trésor, que d'arrêter le développement, malheureusement trop considérable, de l'usage des boissons alcooliques.
M. de Naeyer. - Le but n'a pas été atteint.
MfFOµ. - C'est une question. Vous ne sauriez dire jusqu'à quel point le but a été atteint, pas plus que vous ne pourriez démontrer que la mesure est demeurée absolument sans résultat.
M. de Naeyer. - Ni vous.
MfFOµ. - Sans doute : la consommation des boissons distillées est encore très considérable, et cela est profondément regrettable.
Mais qui de vous oserait dire que, si le débit des boissons pouvait se faire sans aucune espèce de charge, que si chacun était absolument libre d'ouvrir un débit sans avoir à payer aucune espèce de redevance, cet accroissement de la consommation ne serait pas beaucoup plus considérable ?
D'ailleurs, messieurs, en se faisant ici les défenseurs si zélés des cabaretiers, sont-ce bien leurs seuls intérêts que l'on a en vue ? Pour ma part, je crois pouvoir dire franchement que l'on poursuit un tout autre but. C'est ce qui nous a été révélé dans une discussion précédente ; ce que l'on veut en réalité, disons-le très nettement, c'est la suppression d'une catégorie d'électeurs.
On s'est imaginé que cet impôt sur le débit des boissons distillées avait eu pour résultat de créer un très grand nombre d'électeurs dans le royaume, et, à tort ou à raison, on croit avoir intérêt à les faire disparaître des listes électorales. Mais, messieurs, je crois qu'on se trompe. Il y a déjà quelques années, je me suis livré à des investigations à ce sujet, et je pourrais au besoin donner l'ordre de refaire le même travail. J'ai voulu me rendre compte des effets de l'impôt dont il s'agit au point de vue électoral, et j'ai recherché quels étaient les individus qui, de ce chef, figuraient sur les listes comme électeurs ; en d'autres termes ceux qui disparaîtraient dos listes électorales, si l'impôt était supprimé.
J'ai trouvé, si ma mémoire ne me trompe, qu'il y en avait environ deux par commune. (Interruption.)
Je sais que l'on s'est imaginé qu'il y avait dans le royaume 15, 20 et jusqu'à 30 mille électeurs de cette catégorie.
M. Thonissenµ. - Il y en a six mille.
M. Guillery. - Cela fait à peu près deux électeurs par commune.
MfFOµ. - Certainement ; c'est un fait facile à constater au moyen des registres de contributions. Je puis faire dresser cette statistique et la soumettre à la Chambre ; elle pourra ainsi se convaincre que l'on s'est fait sous ce rapport de singulières illusions, et l'on verra que les citoyens qui sont électeurs exclusivement au moyen de la patente sur le débit des boissons distillées, sont en nombre restreint ; il n'y en a que 5,000 à 6,000 pour tout le pays, soit 2 ou 3 électeurs par commune. Le but réel que l'on poursuit en demandant l'abolition de cette patente ne serait donc pas atteint.
Au surplus, je crois que si l'on pouvait apporter d'autres restrictions au débit des boissons alcooliques, et qu'il y eût des moyens plus efficaces que ceux qui résultent d'un impôt sur le débit de ces boissons, il faudrait les employer, bien loin d'en favoriser l'usage et l'abus en les débarrassant des entraves qui les compriment aujourd'hui.
L'honorable membre trouve que c'est un droit tout à fait exceptionnel, et c'est la raison principale qu'il invoque pour en demander la suppression.
Et bien, messieurs, cette raison n'est nullement fondée ; la taxe dont il s'agit n'a rien d'exceptionnel. Tous les individus de la même catégorie, exerçant la même profession, sont soumis à un droit déterminé, établi sur les mêmes bases, de même que tous les individus exerçant un autre commerce, une autre industrie, sont soumis également à des droits uniformément répartis. Cela est donc parfaitement conforme aux principes admis en matière d'imposition.
A la vérité, cette patente spéciale est plus élevée que les autres patentes. Mais, comme je l'ai dit déjà, ce ne sont pas des considérations fiscales, mais bien des considérations de moralité qui ont déterminé la Chambre à imposer un droit aussi élevé sur le débit des boissons distillées, et je ne pense pas qu'elle soit disposée à méconnaître aujourd'hui les principes qui l'ont inspirée, pour adopter les idées de l'honorable M. Dumortier.
M. de Theuxµ. - M. le ministre des finances a dit avec raison qu'il y avait deux moyens de diminuer la charge des impôts : le premier, c'est de diminuer l'impôt lui-même ; le second, c'est d'enrichir le pays. Il dit que la propriété foncière a été favorisée par le 2ème moyen, que bien que la valeur de la propriété se soit accrue, l'impôt est resté stationnaire ; mais, messieurs, la propriété foncière a été notablement grevée par l'impôt sur les successions en ligne directe sous le nom de droit de mutation. Elle a été aussi singulièrement grevée par le droit de transcription qui a été rétabli. Ce sont là des choses qu'il ne faut pas perdre de vue quand on veut établir une situation financière vraie et complète.
Quant aux observations faites par mon honorable ami, il est vrai que quand l'impôt sur le débit des boissons distillées a été établi, outre le motif de subvenir aux besoins du trésor, on a allégué que l'on atteindrait par-là un but moral, qui était de diminuer la consommation des boissons distillées. Je ne crois pas que ce but ait été atteint, le nombre des cabarets n'a pas diminué et la consommation des boissons distillées n'a pas diminué non plus.
Il faut cependant remarquer, messieurs, que le législateur, outre la nécessité de subvenir aux besoins du trésor, a dû, à bon droit, invoquer des considérations de moralité.
En vue de favoriser l'industrie des distillateurs, on avait beaucoup simplifié les formalités et on pensait qu'il était impossible de maintenir le droit à la hauteur primitive en présence de cette simplification des formalités. On a donc prévu une diminution de l'impôt de plusieurs millions de florins des Pays-Bas. On avait abaissé considérablement la valeur des boissons distillées et on en avait par conséquent favorisé l'usage. Alors on a imaginé ce contre-poids de l'impôt sur le débit des boissons distillées. Mais aujourd'hui, comme l'a fort bien fait observer mon honorable ami, on a rétabli à peu près la recette primitive sur les boissons alcooliques.
Il n'existe donc plus de motif pour maintenir l'impôt de patente sur le débit des boissons distillées. Il est vrai qu'en poursuivant cette (page 40) suppression, on désire atteindre en même temps un autre but Eh bien, messieurs, il est certain que la patente du débit des boissons distillées remplaçant le droit d'accise, le législateur a pu croire qu'il pouvait déclarer que cette patente ne compterait pas pour la formation du cens électoral, c'est ce que portait la loi primitive. Plus tard on a rapporté cette disposition et il en est résulté que l'on a créé, par cet impôt patente, une catégorie d'électeurs exceptionnelle et que le législateur n'a pas voulu créer lorsqu'il a établi l'impôt.
L'honorable ministre des finances a dit que les conséquences de cette loi sont très peu importantes en ce qui concerne le nombre des nouveaux électeurs ; eh bien, j'engage instamment M. le ministre des finances à nous faire part des recherches qu'il a faites à cet égard et à présenter un rapport à la Chambre. Nous saurons alors quelles sont, au juste, les conséquences de la loi sous le rapport de la composition du corps électoral.
M. Dumortier. - Messieurs, j'ai quelques mots à répondre à l'honorable ministre des finances. Il nous a dit qu'il y a deux moyens de diminuer l'impôt : diminuer l'impôt directement ou bien accroître la richesse publique, et il a cité à cet égard le rapport, très bien fait, de l'honorable M. Sabatier, rapport que j'ai lu avec beaucoup d'attention et dans lequel cette thèse est développée. Eh bien, messieurs, je ne partage pas entièrement l'avis de l'honorable rapporteur. Il y a dans cette manière d'opérer deux choses qu'il ne faut pas perdre de vue : quand vous réduisez, par exemple, le prix de transport sur les canaux, quand vous réduisez le prix des services que l'État rend aux particuliers, qui est-ce que vous favorisez ? Mais vous favorisez toujours les riches, et vous ne faites jamais rien pour les petits ; eh bien, messieurs, moi je porte avant tout intérêt aux petits ; les grands savent parfaitement se défendre, mais les petits ont besoin de défenseurs.
J'ai repoussé à toutes les époques l’impôt dont il s'agit, et maintenant que le trésor public est devenu prospère, maintenant que les chemins de fer rapportent chaque année deux millions de plus que l'année précédente, je crois que le moment est venu de faire quelque chose aussi pour les petits.
Il n'y a pas d'impôt plus injustifiable que l'impôt sur le débit des boissons distillées. Vous l'appelez patente, mais les cabaretiers payent déjà une patente et vous leur imposez une taxe spéciale, une taxe exceptionnelle. Eh bien, je repousse les impôts d'exception comme je repousse toute mesure d'exception. Vous invoquez toujours les grands principes de 1789 ; mais qu'est-ce qui domine dans les principes de 1789 ? C'est que la loi est égale pour tous.
Eh bien, voilà ce que vous violez ouvertement quand vous établissez des impôts d'exception, quand vous préférez une catégorie de citoyens, quand vous prenez des mesures contre telle ou telle classe de la société.
Mais, dit l'honorable ministre de finances, il y a derrière cela une autre pensée.
Je n'autorise pas M. le ministre des finances à lire dans ma pensée. Si j'avais à examiner la question qu'il a soulevée, à savoir si l'impôt, tel qu'il est constitué aujourd'hui, est un impôt électoral, j'aurais beaucoup à dire. Je commencerais par déclarer que jamais ni la Chambre des représentants, ni le Sénat, ni le Roi n'ont écrit dans une loi que cela constitue le cens électoral ; je commencerais par déclarer que c'est par une circulaire que l'impôt dont il s'agit a été considéré comme cens électoral.
J'ajouterai qu'un amendement avait été présenté dans ce sens à la Chambre et qu'il a été retiré sur la proposition de M. le ministre des finances, qui se doutait bien qu'il n'aurait pas passé.
Si j'avais à traiter cette question, voilà le terrain sur lequel je me placerais ; mais je ne me suis pas placé sur ce terrain, et, encore une fois, je ne reconnais pas à M. le ministre des finances le droit d'entrer dans le domaine de ma conscience ; mais le droit que je lui reconnais, c'est celui de justifier un impôt d'exception.
Maintenant, croyez-vous que l'impôt sur les boissons distillées ait réduit la consommation des liqueurs alcooliques en Belgique ? Nullement ; il y a deux choses que je désirerais vivement voir extirper du pays ; c'est l'habitude des liqueurs alcooliques, ce sont ensuite les jeux de hasard qui occasionnent la ruine de beaucoup de familles. Mais la loi n'a pas diminué la consommation des boissons alcooliques ; cette consommation, au contraire, va toujours croissant.
D'un autre côté, cet impôt est inique, en ce sens qu'il va frapper un cabaretier qui ne débite peut-être pas un verre de liqueur alcoolique par jour. J’ai entendu beaucoup de cabaretiers me dire : « Je paye plus d’impôt que je ne retire de mon débit de boissons distillées pendant un an. » Allez chez tous les hôteliers, chez tous les restaurateurs, ils vous diront que l’impôt est plus considérable que le débit total d’une année.
Il y a beaucoup de petites gens qui pour vivre et faire vivre leurs familles, tiennent un débit de boissons distillées. L'impôt vient les frapper. Cet impôt est odieux, inique ; il doit disparaître de notre législation. C'est un impôt d'exception.
Messieurs, nous sommes riches ; nos recettes s'accroissent d'année en année. Sans doute il ne faut pas perdre de vue un seul instant les grands intérêts dont le développement contribue tant à la prospérité publique en Belgique. Mais il y a d'autres citoyens dont nous ne devons pas méconnaître la situation malheureuse ; ce sont les pauvres, les petits qui doivent trouver en nous des défenseurs ; je demande que la part soit faite aux petits, et que par la disparition d'un impôt d'exception la législature leur accorde un premier soulagement.
M. Vermeireµ. - Messieurs, j'ai demandé la parole lorsque mon honorable ami, M. Dumortier, a fait son premier discours. L'honorable membre voudrait que le droit de patente qu'on paye aujourd'hui pour le débit des boissons distillées fût supprimé ; il dit que le droit frappe exceptionnellement une certaine catégorie de citoyens, alors que d'autres catégories en sont affranchies.
M. le ministre des finances a déjà répondu à cet argument. Je suis d'accord avec l'honorable ministre, que cet impôt n'est pas plus exceptionnel que tous les autres impôts, attendu que personne n'est forcé de débiter des boissons distillées.
Quelle injustice peut-il y avoir à imposer une taxe à celui qui trouve bon d'ouvrir un débit de boissons distillées, et qui peut s'en affranchir en renonçant à ce débit ? En d'autres termes, il n'y a pas de différence d'impositions pour ceux qui exercent la même profession, donc il n'y a ni inégalité ni injustice.
Reste la question de moralité.
Je ne méconnais pas que cette loi ne fût motivée par la morale, mais, je dois, à mon grand regret, constater que ce but louable n'a pas été atteint.
Aux cabarets où l'on débitait des boissons alcooliques, on a substitué des boutiques où l'on en vend à prix réduit, sur le comptoir et où l'abus de la consommation du genièvre est d'autant plus scandaleux qu'il se pratique plus clandestinement.
La consommation des boissons distillées n'a pas diminué ; bien au contraire. Et, malheureusement on voit encore aujourd'hui les débits de boissons distillées fréquentés par de nombreux ouvriers dès la première heure du jour ; ces malheureux en sortent après y avoir fait de nombreuses libations ; souvent ils tombent ivres morts dans les rues, où l'on doit les ramasser. Il n'est donc que trop vrai que le but moral de la loi n'a pas été atteint, que si les ressources du trésor n'en étaient trop sensiblement atténuées, on pourrait renoncer à cet impôt.
Mon honorable ami, M. Dumortier, croit que nos lois fiscales sont faites au rebours du bon sens : que les petits payent pour les grands, et que les premiers sont, comparativement aux autres, exceptionnellement imposés.
Je pense que ce raisonnement est singulièrement exagéré. Nous avons deux espèces d'impôts : des impôts directs et des impôts indirects. Si on voulait aller au fond de la question, on pourrait très bien soutenir que tous les impôts sont, en définitive, payés par les consommateurs. Il n'y a, d'après moi, aucun impôt qui frappe exceptionnellement l'une ou l'autre classe de la société : de semblables lois seraient, surtout, nuisibles à la classe ouvrière, en ce qu'elles stériliseraient le travail et que, partant elles porteraient de prime abord un préjudice considérable aux travailleurs.
Messieurs, en 1848, on a fait une révolution sociale dans un grand pays voisin ; on y disait aussi, à cette époque, que ceux qui possédaient n'étaient là que pour insulter en quelque sorte à la misère du peuple.
Eh bien, lorsque le travailleur avait pris la place de celui qui gouvernait, et que le principe socialiste a été appliqué, qu'en est-il résulté ?
Ce grand empire est tombé pour ainsi dire dans une profonde décadence, et il a fallu bien du temps pour restaurer les ruines qui semblaient s'accumuler les unes sur les autres avec une effroyable impétuosité. L'impôt doit frapper également tous ceux qui se trouvent dans les mêmes conditions.
On ne doit pas rechercher quels sont ceux qui possèdent et ceux qui ne possèdent pas ; l'on doit voir la matière imposable. La base doit être appliquée également à tous ceux qui la possèdent.
Je demande à pouvoir faire encore une observation à propos du droit sur la distillation des boissons distillées.
Je crois et je suis convaincu que la loi sur la distillation des boissons distillées ne produit pas au trésor tout ce qu'elle devrait rendre.
En effet, qu'est-ce qu'une loi d'accise ? Ce n'est, d'après moi, autre chose qu'une taxe sur un objet de consommation. Or, si la loi n'atteint pas la matière consommée, le trésor ne perçoit pas tout ce à quoi il a droit.
(page 41) Ainsi, par exemple :
Aujourd'hui, la loi sur les boissons distillées est basée sur la matière mise en travail. Elle n'atteint pas directement le produit obtenu, et si une certaine quantité des matières mises en macération, est évaluée à un produit déterminé, maïs que le produit réel soit plus élevé il en résulte que tout ce que l'on obtient en dehors de la quantité imposée entre dans la consommation en franchise d'accise. Mais, si pour l'exportation des genièvres et des esprits le gouvernement rembourse le droit imposé, mais qu'il n'a pas perçu, le déficit pour les recettes de l'Etat devient d'autant plus considérable que les exportations ont été plus nombreuses.
On dit : Mais nous devons régler notre législation sur la législation d'autres pays voisins qui sont nos concurrents. C'est là une erreur profonde. - Faisons nos lois pour nous-mêmes. Et, si d'autres pays veulent continuer à payer, soit directement soit indirectement, des primes considérables aux exportateurs, soyez convaincus que ce régime ne saurait guère durer longtemps.
Je ne sais quelle est la quantité de boissons distillées qui sont consommées dans le pays ; mais je suis persuadé que si le droit actuel pouvait être perçu intégralement sur les quantités réellement consommées, le trésor y trouverait des ressources considérables.
Un mot maintenant sur la contribution foncière.
M. le ministre des finances nous a dit que l'impôt foncier est un contingent, que ce contingent doit être réparti entre les diverses provinces pour une somme déterminée ; que l'on ne pourra avoir une égalité parfaite que lorsque la péréquation cadastrale sera terminée, en d'autres termes, lorsque le revenu cadastral aura été redressé.
Messieurs, je crois que lorsque le revenu cadastral actuel a été établi, il a été calculé à peu près sur la valeur vénale des propriétés. Il y a peut-être une certaine réduction à faire.
MfFOµ. - Il a été calculé sur le retenu.
M. Vermeireµ. - Je me demande s'il est bien nécessaire d'attendre que la péréquation cadastrale soit achevée pour changer les bases de l'impôt. A coup sûr, je ne voudrais pas demander une somme plus forte à l'agriculture qui, comme on l'a dit et démontré, est à peine rémunérée de son travail. Mais ne pourrait-on prendre pour base, par exemple, une somme, telle que le produit actuel, réparti entre les diverses provinces sur la valeur réelle des terres, valeur qui doit être connue par les mutations successives qui ont lieu ?
MfFOµ. - C'est l'objet de la révision même.
M. Vermeireµ. - C'est l'objet de la révision, mais si vous révisez aujourd'hui, vous devrez réviser encore dans trois ou quatre ans. Car la valeur des terres et des maisons est mobile de sa nature et augmente ou diminue en raison du bien-être ou de la détresse publique. Il ne peut en être autrement.
Ainsi, par exemple, pour le droit de succession en ligne collatérale, les receveurs de l'enregistrement connaissent si bien la valeur des immeubles, que quand les déclarations sont faites, ils jugent immédiatement de la possibilité ou de l’impossibilité de les accepter.
La contribution, en définitive, n'est que l'abandon d'une partie du revenu en retour de la sécurité que l'Etat donne au possesseur pour jouir paisiblement de sa propriété et la faire produire.
L'honorable M. Dumortier préférerait que les droits sur les canaux, qui ne sont qu'une rémunération de service, furent plutôt augmentés ou maintenus que diminués. Je ne puis partager la manière de voir de l'honorable membre. Je crois que les péages sur les canaux, aussi bien que sur les chemins de fer, devraient être diminués dans la limite du possible. Je suis encore d'avis que l'équilibre entre les voies navigables et les chemins de fer, appartenant tous les deux à l'Etat, doit être maintenu, surtout dans l'intérêt du trésor.
Messieurs, je m'abstiendrai, pour le moment, de traiter la question des péages, je me bornerai à répéter que, dans mon opinion, ceux-ci doivent être réduits à la dernière limite afin que, produisant le plus nombreux trafic possible, l'industrie et le commerce puissent en tirer le plus grand profit. Une diminution de péages ne produit pas toujours une diminution dans les recettes. Le contraire arrive souvent ; car, de même que dans l'industrie le bénéfice devient important à mesure que le travail augmente, de même au chemin de fer et aux canaux, les produits deviennent considérables à mesure que le trafic augmente. La question est donc de savoir où l'on doit s'arrêter pour obtenir ce résultat.
Je crois pouvoir borner ici mes observations.
MfFOµ. - L'honorable M. de Theux a bien voulu reconnaître la justesse de l'observation que j'avais faite quant à l'impôt foncier. Cet impôt étant resté le même et la valeur de la propriété foncière ayant augmenté, le résultat est le même que si l'impôt avait été réellement réduit. En d'autres termes, l'impôt contingent étant de 18 millions aujourd'hui comme il y a vingt-cinq ou trente ans, et la valeur des terres ayant augmenté de cent pour cent, les mêmes terres pourraient supporter un impôt de 36 millions, sans que la position des propriétaires s'en trouvât aggravée. (Interruption.)
La réduction est donc très notable, ainsi qu'on le verra par le résultat des opérations cadastrales auxquelles on se livre en ce moment. Mais, dit-on, on n'a présenté qu'un côté de la question ; ce n'est qu'une demi-vérité ; il faut dire quelles sont les autres charges qui ont été imposées à la propriété foncière. - L'impôt de mutation en ligne directe est une charge nouvelle, soit : mais quelle est l'importance de cette charge ? Le droit de mutation ne s'élève qu'à 1,600,000 fr. par an. Donc, même en tenant compte de cet impôt, les charges supportées par la propriété foncière sont manifestement réduites dans une proportion très notable.
Malgré mes observations, l'honorable M. Dumortier persiste dans l'opinion qu'il a émise concernant l'impôt des boissons distillées. Il s'est montré fort indigné de ce que je m'étais permis de rechercher le mobile qui le fait agir. Je crois cependant, messieurs, n'avoir pas excédé mon droit ; il m'appartient certainement de rechercher la pensée qui inspire l'honorable membre, et je ne crois d'ailleurs avoir rien dit d'offensant pour lui, en révélant son intention de supprimer une certaine catégorie d'électeurs.
J'ai pu faire remarquer qu'il était en contradiction avec la tendance, manifestée par ses honorables amis, d'augmenter le corps électoral ; je pouvais le dire d'une façon si peu désobligeante pour lui, que je suis moi-même d'avis que ce n'est pas une bonne catégorie d'électeurs. Je dis que, pour nous, qui reconnaissons principalement dans l'aptitude du citoyen la vraie capacité électorale, nous ne pouvons pas espérer la rencontrer dans les catégories infimes de la population, oh il y a parfois moins de moralité et toujours moins d'instruction qu'ailleurs.
Donc, si nous maintenons les personnes de cette catégorie au rang des électeurs, c'est que la Constitution le veut ainsi. (Interruption.)
Vous contestez, je le veux bien ; notre opinion diffère de la vôtre, en ce que nous trouvons que l'impôt dont il s'agit est un impôt direct, et qu'aux termes de la Constitution l'impôt direct, patentes comprises, est la base du cens électoral. (Interruption.)
Vous avez un autre sentiment sur cette question, je le sais parfaitement, mais il m'est impossible de m'y rallier ; ma raison se refuse à concevoir qu'un impôt perçu de cette façon puisse être considéré comme un impôt indirect. En présence de l'évidence contraire, ma raison ne saurait admettre une pareille thèse.
Mais, dit M. Dumortier, cette computation du droit de débit dans le cens électoral n'a jamais été admise par la Chambre ; elle n'est que le résultat de la volonté ministérielle ; c'est par une simple circulaire que cela a été établi.
Je m'étonne vraiment, messieurs, de voir que l'honorable M. Dumortier, après les discussions toutes récentes auxquelles il a assisté, vienne encore soutenir ici de pareilles assertions.
M Dumortierµ. - C'est l'exacte vérité !
MfFOµ. - C'est incroyable ! (Interruption.)
Il est inimaginable que l'honorable M. Dumortier puisse nier des faits qui sont constatés de la manière la plus positive dans les Annales parlementaires ! Je vais donc rappeler ces faits à l'honorable M. Dumortier. Au mois de juin dernier, dans la discussion qui s'est élevée à propos de la crise parlementaire, j'ai été amené à parler de l'impôt sur le débit des boissons alcooliques. J'ai été interrompu par l'honorable M. Delaet, qui prétendait que c'était en vertu d'une simple circulaire ministérielle que cet impôt avait été compris dans le cens électoral. Je lui ai prouvé le contraire ; j'ai fourni des preuves établissant à toute évidence qu'en 1849, quand la loi a été révisée, ou a soulevé la question de savoir si le droit perçu à charge des débitants de boissons distillées serait compris dans les bases du cens électoral. La section centrale, ayant pour organe, je crois, l'honorable M. Moreau, a émis l'avis dans son rapport qu'aux termes de la Constitution, la question devait être résolue affirmativement.
M. Dumortier. - La section centrale est-elle le pouvoir législatif ?
MfFOµ. - Mais la Chambre a admis son interprétation ! La Chambre, ayant voté la loi, a sanctionné par cela même l'opinion émise par le gouvernement et par la section centrale. (Interruption.) Comment l'honorable M. Dumortier, le constant défenseur de la (page 42) Constitution et des lois, peut-il admettre qu'il soit au pouvoir des ministres de créer des électeurs par circulaire ?
M. Dumortier. - Je ne l'admets pas, mais le fait n'en est pas moins vrai.
MfFOµ. - De pareilles inscriptions ne seraient pas légales ! Si vous prétendez qu'elles n'ont eu lieu qu'en vertu d'une circulaire ministérielle, pourquoi ne les a-t-on pas déférées aux tribunaux ? Parce l'on savait fort bien que l'on se serait brisé contre un texte formel de la loi et de la Constitution.
Messieurs, l'honorable M. Vermeire a traité une autre question qui se rattache à l'impôt foncier. L'honorable membre, si je l'ai bien compris, voudrait que cet impôt fût assis, non pas sur le revenu, mais sur la valeur vénale des propriétés.
Cette opinion est très soutenable.
L'honorable membre a fait remarquer que le gouvernement possède dans les bureaux d'enregistrement tous les éléments nécessaires à l'appréciation de la valeur vénale des propriétés, et que l'on pourrait arriver ainsi à une répartition équitable de l'impôt foncier plus facilement qu'on ne peut le faire dans le système actuellement suivi.
J'ai été frappé depuis longtemps, comme l'honorable membre, de la difficulté qui résulte de la situation actuelle. Aujourd'hui, pour arriver à répartir équitablement l'impôt foncier, on est obligé d'évaluer périodiquement, et même à des époques assez rapprochées, le revenu de toutes les propriétés foncières du pays.
Pour refaire complétement toutes les opérations cadastrales, pour les refaire parcellairement, il faut dépenser de cinq à six millions au moins, et les opérations sont à peine terminées que bientôt il faut les recommencer, parce que de nouvelles inégalités se manifestent dans la valeur relative des propriétés.
Incontestablement, messieurs, un impôt produisant 18 millions en principal et donnant lieu à des dépenses aussi considérables pour en assurer la bonne répartition, se trouve dans une fâcheuse condition économique.
S'il y avait un autre système que celui-là, je serais fort enclin à l'adopter. Il y a quelques années, j'ai signalé moi-même dans cette Chambre le moyen, ou quelque chose d'équivalent au moyen indiqué par l'honorable membre ; mais les hommes pratiques qui ont en à s'occuper de la question ont trouvé de très grandes difficultés dans l'exécution.
Cependant, je ne considère pas cette idée comme abandonnée, et c'est pourquoi, je n'ai pas proposé la révision complète, la révision parcellaire des opérations cadastrales ; je me suis borné à demander une révision infiniment plus économique, une révision des évaluations par masses, afin de ne pas exposer le pays à dépenser des millions, pour ainsi dire en pure perte, pour aboutir en définitive à des résultats peu considérables.
On se fait en effet illusion sur les différences qui existent entre la valeur vénale des propriétés dans les diverses provinces. Je crois que le résultat définitif de l'opération à laquelle on se livre en ce moment fera reconnaître qu'il n'y a guère plus d'un million à déplacer pour mettre les choses dans leur état normal. Ce ne sera pas en somme un très grand dégrèvement, et il aura fallu dépenser quelque chose comme 1,500,000 francs pour l'opérer.
Je pense donc qu'il y a lieu de s'occuper de la recherche d'un moyen plus pratique et plus économique que celui qui a été employé jusqu'à présent pour obtenir une bonne répartition de l'impôt foncier.
M. de Naeyer. - Messieurs, malgré ce que vient de dire l'honorable ministre des finances, je reste intiment convaincu qu'il est impossible, sans méconnaître complètement l'esprit de notre Constitution, de considérer le droit de débit de boissons alcooliques comme un impôt direct pouvant servir de base à la formation du cens électoral.
L'erreur de l'honorable ministre provient de ce que, pour caractériser cet impôt, il s'attache exclusivement au mode de perception, qui n'est qu'une circonstance accessoire, ne pouvant altérer en rien l'essence, la véritable nature d'une imposition.
Le droit de débit est perçu directement, c'est vrai, mais cela ne lui donne pas le caractère de l'impôt direct dans le sens de notre Constitution. Il est direct pour la forme, mais pas pour le fond, attendu qu'il a pour but direct et dominant de frapper et même de restreindre la consommation.
En France, messieurs, le droit de débit de boissons existe et souvent il se perçoit aussi directement au moyen de l'abonnement, mais jamais il n'est venu à l'esprit de personne de le considérer pour cela comme un impôt direct parce que, encore une fois, le mode de perception ne saurait changer la nature même des choses ; or, en réalité, qu'avons-nous fait en adoptant ici pour le recouvrement et pour la perception les formes usitées pour l'impôt direct en général ? Nous n'avons fait autre chose qu'établir un abonnement obligatoire sans qu'il ait été même possible de modifier le caractère essentiel, la nature intime de l'impôt. On reconnaît formellement que le droit de débit de boissons alcooliques a été établi principalement et même uniquement dans un but de moralité, dans le but de frapper et de restreindre la consommation et l'on soutient sérieusement qu'un impôt destiné directement à grever la consommation et n'ayant même pas d'autre raison d'être, n'est pas cependant un impôt de consommation. En vérité, il serait difficile d'imaginer une contradiction plus flagrante dans les termes.
Examinons maintenant de plus près ce que notre Constitution a entendu par l'impôt direct formant les bases du droit électoral et voyons si dans l'esprit du congrès national, c'était là une question de forme qui doit se décider d'après le mode de perception et de recouvrement.
Qu'on lise les discussions qui ont eu lieu au Congrès et l'on demeurera intimement convaincu que par impôt direct on n'a entendu autre chose que l'impôt qui frappe directement la fortune des citoyens et qui représente ainsi une position sociale.
Voilà la définition donnée par les auteurs mêmes de cette disposition de l'article 47 de notre Constitution.
Cet article a été proposé par l'honorable M. Defacqz ; il a été défendu par les honorables MM. Forgeur et Le Hon, ce sont évidemment les considérations présentées par ces honorables membres qui ont déterminé l'adoption de la disposition constitutionnelle dont il s'agit, car elles n'ont rencontré aucune contradiction quelconque.
Or, voici ce que disait l'honorable M. Forgeur :
« La meilleure des garanties à demander aux électeurs, c'est le payement d'un cens qui représente une fortune, une position sociale, afin qu'ils soient intéressés au bien-être et à la prospérité de la Société. »
Je n'examine pas ici la valeur de ces considérations, je n'examine pas si l'honorable M. Forgeur a eu raison de dire que c'est le payement d'un cens représentant une fortune qui est la véritable mesure la bonne mesure de l'intérêt que les citoyens portent au bien-être et à la prospérité de la société ; mais enfin ce sont ces considérations qui ont présidé au vote de l'article 47 et qui en déterminent ainsi le véritable caractère et la véritable portée ; or, aussi longtemps que la Constitution n'est pas révisée, cet article 47 a pour nous la valeur d'un fait indiscutable.
L'honorable M. Le Hon s'exprimait absolument dans le même sens que l'honorable M. Forgeur.
« La source de tous les pouvoirs, disait-il, réside dans les élections. Or à qui appartient-il de les constituer ? A ceux qui sont intéressés à leur maintien, au bon ordre, à la prospérité et à |a tranquillité de l'Etat personne n'est aussi intéressé à tout cela que celui qui possède une fortune quelconque et un cens qui la représente. »
Et plus loin : « C'est la propriété qui est le fondement du cens et qui intéresse à la prospérité du pays. »
Ainsi donc, je vous le demande, messieurs, en présence de ces considérations exprimées en termes si clairs et si formels est-il possible de définir l'impôt direct autrement qu'en ces termes : C'est celui qui représente une fortune, une position sociale ?
Or, comment soutenir sérieusement que le droit de débit de boissons représente une fortune de la même manièie que l'impôt foncier, la contribution personnelle ou la patente proprement dite ? Mais il serait peut-être plus vrai de dire que dans des cas assez fréquents l'imposition dont il s'agit représente une absence de fortune. Quoi qu'il en soit, si le législateur avait pu avoir l'intention de frapper de cette manière la fortune des cabaretiers, il aurait commis la plus monstrueuse de toutes les iniquités.
En voici la preuve. Cet impôt vous produira, suivant les évaluations du budget, 1,300,000 fr., c'est-à-dire beaucoup plus que le quart de ce que rapportent toutes les patentes. Voilà donc ces malheureux débitants de boissons alcooliques qui seraient censés réaliser des bénéfices dépassant le quart des bénéfices réalisés dans toutes les autres professions soumises à la patente !!! Ce n'est pas tout. Si j'ai bonne mémoire, le droit de patente qui est imposé aux sociétés anonymes ne rapporte que 600,000 à 700,000 fr. par an, et je crois qu'en 1857, ce droit a été basé sur un bénéfice présumé de 34 à 35 millions. Si vous admettez une proportionnalité quelconque, vous arrivez donc à dire que les cabaretiers gagnent le double de ce que gagnent toutes les sociétés anonymes, puisque vous leur faites payer le double à titre d’mpôt direct, c'est à raison de leur fortune, vous leur attribuez donc un bénéfice de 65 à 70 millions, qui excède considérablement la valeur de tous les genièvres fabriqués en Belgique.
Vous voyez qu'il est impossible de raisonner dans cet ordre d'idées. Il faut abandonner cette thèse de l'impôt direct ; il faut admettre la (page 43) réalité des choses et reconnaître que le droit de débit de boissons serait injustifiable s'il était autre chose qu'un impôt de consommation ; dès lors cet impôt, qui ne représente pas la fortune, ne peut être admis pour la formation du cens électoral sans violer l'esprit de notre Constitution ; encore une fois, je n'examine pas si la disposition de l'article 47 est bonne ou mauvaise, mais tant qu'elle existe, il faut la respecter et la pratiquer loyalement ; et on ne la pratique pas loyalement, quand on fait compter pour la formation du cens un impôt de consommation, qui n'est direct que pour la forme.
Messieurs, on a trouvé une espèce de contradiction entre cette opinion de mes amis politiques et l'intention qu'ils annonçaient naguère d'abaisser le cens électoral, afin d'augmenter le nombre des électeurs pour la province et pour la commune.
Il n'y a pas là de contradiction. Quant à moi, je chercherai à étendre le nombre des électeurs pour nos chambres législatives autant que le permet la Constitution. Mais je n'admets pas qu'il y ait des électeurs privilégiés.
Quand la Constitution dit formellement : Pas d'électeurs sans impôt direct représentant une fortune, je ne veux pas qu'il y ait une catégorie d'individus portés sur les listes électorales du chef d'un impôt de consommation caché sous le faux masque d'un impôt direct. L'honorable ministre a dû d'ailleurs reconnaître que sous le rapport de la moralité et de l'instruction, cette catégorie d'individus est loin d'avoir des titres à un privilège.
Il y a, je crois, moyen d'augmenter le nombre des électeurs sans violer en aucune façon la Constitution, et je crois même que ce serait là une exécution franche et loyale de la loi votée en 1848, celle qui a abaissé le cens électoral au minimum fixé par la Constitution.
Cette loi n'est pas exécutée comme elle devrait l'être. Le Sénat a admis que les centimes additionnels ordinaires au profit des provinces et des communes pouvaient être comptés pour la formation du cens d'éligibilité. Eh bien, s'ils peuvent être comptés pour la formation du cens d'éligibilité, ils peuvent l'être également pour le cens électoral, et ils doivent l'être pour exécuter la loi votée en 1848 ; car, tant que nous ne comptons pas ces centimes additionnels ordinaires, nous ne descendrons pas jusqu'au minimum fixé par la Constitution.
Vous voyez donc que ce n'est pas par une sorte d'esprit d'oligarchie, pour restreindre le nombre des électeurs, que nous voulons que cette loi sur le débit des boissons distillées n'ait pas d'influence sur notre législation électorale. C'est par des considérations de justice et de loyauté politique.
M. Dumortier. - Messieurs, j'ai peu de choses à ajouter à ce que vient de dire mon honorable ami. Mais je veux faire observer que les réflexions si justes qu'il vient de présenter sont encore beaucoup plus saillantes quand on les applique à la loi de 1848 que quand on les applique à la loi de 1838.
La loi de 1838 se bornait, à établir un abonnement pour le débit des boissons distillées en catégorisant par ville, c'est à-dire que l'impôt frappait de la même manière tous les débitants d'une ville quel que fût le chiffre de leur débit. Dans un tel système, on aurait pu admettre qu'il y avait là un impôt direct, mais en 1848 on à opéré d'une manière différente, on a dit : Dans chaque ville l'impôt sera en raison du débit ; évidemment ce n'est plus là un impôt direct.
L'honorable ministre en me répondant tout à l'heure a invoqué un incident qui s'est passé, il y a quelques mois, entre lui et mon honorable ami M. Delaet. J'étais absent lorsque mon honorable ami a pris la parole et je ne suis arrivé que pendant la réponse de l'honorable ministre des finances.
Si j'avais été présent à cette discussion, j'aurais énergiquement soutenu ce qu'a dit mon honorable ami. Jamais la Chambre des représentants, jamais le Sénat, jamais le pouvoir législatf n'a décidé que l'impôt sur les boissons distillées compterait pour la formation du cens électoral. Il est vrai que dans le rapport de la section centrale cette idée était émise, mais, comme je le disais tout à l'heure, est-ce que, par hasard, une section centrale constitue le pouvoir législatif ?
L'opinion d'une section centrale, l'opinion d'un ministre, tout cela n'est pas une loi, et la loi seule peut créer des électeurs.
M. le ministre a dit qu'il y a un article de la loi, un article formel, un texte précis ; eh bien, sa mémoire l'a fort mal servi : il n'existe ni texte formel, ni texte précis, ni rien de semblable. En 1848, la section centrale, par l'organe de l'honorable M. Moreau, avait proposé un article portant : « Cet impôt fera partie du cens électoral. » Si cet article aurait été mis aux voix, il y aurait eu un vote de la Chambre et peut-être un vote du Sénat qui, s'il ayait été approbatif, aurait été suivi d'une résolution du pouvoir royal ; mais l'article a été retiré parce que M. Frère a dit : « C'est ainsi que je l'entends, » comme si nous étions sous le régime des entendus au lieu d'être sous le régime des lois.
II est vrai qu'on a supprimé l'article de la loi de 1838 qui disait : « Cet impôt ne sera pas compté pour former le cens électoral. » Mais puisqu'on n'a pas adopté l'article proposé par la section centrale qui disait le contraire, il en résulte que la question est restée entière. Eh bien, c'est dans cet état de choses qu'une circulaire a créé des électeurs par catégories.
Quant à moi, messieurs, j'ai toujours regretté que le pouvoir législatif n'ait point été appelé à émettre un vote, et je demeure convaincu que, dans cette Chambre, un grand nombre de membres, sinon la majorité, auraient rejeté la proposition de la section centrale ; dans tous les cas, il est bien certain que le Sénat ne l'aurait pas laissée passer. J'aime à croire que ce n'est point pour enlever au Sénat la possibilité de se prononcer, qu'on est venu dire ici que c'était entendu, qu'il n'était pas nécessaire de voter.
M. de Theuxµ. - Je ne veux pas prolonger cette discussion, mais je dois faire une simple observation relativement au droit électoral des débitants de boissons distillées. C'est que c'est une source d'où peuvent découler une masse d'abus. En effet il n'existe peut-être pas d'impôt au moyen duquel on puisse plus facilement créer de faux électeurs.
J'ajouterai un mot quant aux charges qui grèvent la propriété foncière Je n'ai ni à contester ni à admettre la supposition de M. le ministre des finances que le produit de la propriété foncière aurait doublé depuis l'époque où l'impôt foncier a été établi.
C'est une question de fait à examiner ; mais il est certain que si l'impôt foncier n'a pas été augmenté, d'autre part, cependant, les charges de la propriété foncière soti très considérables et rapportent beaucoup au trésor. Ainsi, par exemple, outre le droit de mutation en ligne directe et l'impôt de transcription qui à été rétabli, il est certain que l'impôt suf les mutations ordinaires s'élève à une somme d'autant plus forte que les capitaux sont plus abondants et que la propriété foncière a atteint une valeur vénale plus considérable. »
Il est à remarquer en outre que cet impôt pèse précisément sur les personnes qui sont obligées de vendre souvent pour satisfaire à des obligations ou pour amener un partage équitable. Il y a bien d'autres causes comme, par exemple, les besoins du commerce et de l'industrie qui exigent des mutations importantes, surtout en ce qui concerne les propriétés bâties. Je me suis demandé très souvent si ces droits de mutation ne sont pas exagérés et si en les diminuant dans une certaine proportion le trésor ne pourrait pas récupérer ce que cette diminution lui ferait perdre, dans tous les cas, l'impôt me semble excessif. Quand vous réunissez les frais de notaires et l'impôt payé à l'Etat, vous arrivez, pour les propriétés qui n'ont pas une grande valeur, à un chiffre de 13 p. c. ; c'est énorme. Le minimum est de 10 p. c Je le répète, il serait intéressant d'examiner si l'on ne pourrait pas réduire ces droits sans imposer au trésor un sacrifice trop considérable.
M. Van Overloopµ. - La discussion soulevée par l'honorable M. Dumortier ne peut pas aboutir dans cette Chambre. La question est cependant très intéressante. Je crois qu'il y aurait un moyen très simple de le faire décider : ce serait de suivre l'idée exprimée tout à l'heure par M. le ministre des finances ; si l'on a inscrit comme électeur une personne qui ne paye le cens électoral qu'au moyen de l'impôt sur le débit des boissons distillées, qu'on réclame contre cette inscription, et qu'on poursuive l'affaire jusqu'en cassation. La cour suprême décidera qui a raison ou l'honorable M. Dumortier ou l'honorable ministre des finances sur le point de savoir si l'impôt sur le débit des boissons distillées constitue, oui ou non un impôt direct et peut être compté pour la formation du cens électoral. Dès qu'il y a doute, il me semble qu'il est utile de la faire trancher par le pouvoir compétent.
MfFOµ. - Messieurs, je laisse de côté l'observation que vient de présenter l'honorable M. de Theux ; il ne s'agit pas d'augmenter l’impôt foncier ; nous avons uniquement constaté un fait qui est de toute évidence, c'est que l'impôt étant resté le même et la valeur de la propriété ayant augmenté, il y a eu en réalité diminution de l'impôt.
Maintenant, qu'il y ait quelques compensations, je ne le nie pas ; mais cela importe peu, car l'importance relative de ces compensations est si peu considérable, qu'elle ne saurait atténuer le fait de la diminution de l'impôt. Cela est irrécusable.
Quant à l'honorable M. Dumortier, il a vraiment, messieurs, un privilège tout particulier : c'est de croire, avec une bonne foi complète, j'en (page 44) suis persuadé, à la réalité de toutes les fictions qu'il conçoit ; il apporte à la Chambre, comme vérités incontestables, des choses qui ne sont que des enfantements de sa féconde imagination.
Ainsi, il est persuadé qu'il n'a pas été présent lorsque nous avons discuté cette question relative à la computation du droit de débit dans le cens électoral. Parce que j'ai nommé l'honorable M. Delaet comme l'auteur des assertions que j'ai combattues, il croit n'avoir point assisté au débat, et il déclare que, s’il avait été présent, il aurait contesté ce que j'ai dit. Mais, messieurs, l'honorable M. Dumortier était présent (interruption), et voici ce qui s'est passé le 15 juin 1864.
Répondant à l'honorable M. Delaet, qui nous accusait d'avoir créé des électeurs par circulaire ministérielle, je disais :
« La question de savoir si l'impôt direct qui était perçu et qui continue à être perçu pour le débit des boissons distillés, devait être compté pour le cens électoral, a été résolue par une loi du 19 mai 1849, et par conséquent non point par circulaire, non point par le vote du budget, non point d'une manière subreplice, mais de la manière la plus claire, la plus ostensible, et, ce que vous ignorez peut-être, à peu près à l'unanimité des membres de cette Chambre qui ont eu à se prononcer sur cette loi. »
Sur quoi l'honorable M. Dumortier m'interrompt pour dire : « Sans loi ; cette loi n'a jamais été votée. » (Interruption.)
Vous voyez donc bien, messieurs, que l'honorable M. Dumortier assistait à cette séance. Sur son interruption, je repris en ces termes :
« Je ne sais pas ce que l'honorable M. Dumortier veut dire lorsqu'il vous dit : « Sans loi ! » Voici ce qui s'est passé : il existait une loi de 1838 qui avait décidé que l'impôt dont il s'agit ne compterait pas pour la formation du cens. Lorsque nous avons modifié cette loi en 1849, nous n'avons pas reproduit cette disposition restrictive de la loi de 1838, et nous en avons dit les motifs dans l'exposé... »
L'honorable M. Dumortier m'a représenté tout à l'heure comme ayant décidé, de ma propre autorité, que la patente sur le débit des boissons distillées serait comprise pour le cens électoral. Il n'en est rien. Cette déclaration a été faite dans l'exposé des motifs de la loi de 1849...
M. Dumortier. - Cela ne signifie rien.
MfFOµ. - Comment ! il existe une loi ; on propose de la remplacer ; on fait la déclaration suivante dans l'exposé des motifs :
« Le projet ne reproduit pas la disposition qui fait l'objet du deuxième paragraphe de l'article premier de la loi de 1838. L'impôt qu'il s'agit d'établir est un impôt direct et conséquemment, aux termes de l'article 47 de la Constitution, il doit être compté pour établir le cens électoral. »
Voilà ce qu'on propose à la Chambre : c'est l'exposé des motifs qui le déclare.
M. Dumortier. - Etes-vous le pouvoir législatif ?
MfFOµ. - Je faisais cette proposition à la Chambre en lui présentant un projet modifiant la loi de 1838. Si l'opinion contraire était professée, si on voulait la faire admettre, il fallait nécessairement proposer à la Chambre de reproduire la disposition de la loi de 1838 qu'on déclarait abrogée. Qui a fait cette proposition ? Personne. Qui a voté la loi ? Toute la Chambre, sauf cinq membres. C'est ce que je disais dans la même séance du 14 juin dernier ; je vais répéter les noms des votants, pour montrer combien de complices se sont associés à la proposition faite par le gouvernement de considérer comme cens électoral la patente sur le débit des boissons distillées. Ont voté la loi : MM. de Mérode, Jacques, Jullitl, Rodenbach, Vilain XIIII, de Man d'Attenrode, Demeester, enfin presque toute la Chambre.
Les opposants étaient au nombre de cinq seulement : MM. Faignart, Vermeire, Allard, Ansiau et de Brouckere.
Au Sénat, la loi se présente dans les mêmes conditions et elle y fut votée à l'unanimité.
Ainsi, l'honorable M. Dumortier se trompe complètement lorsqu'il parle d'uie circulaire, d'une déclaration autocratique émanée du ministre des finances, et en vertu de laquelle on aurait fait des électeurs. Peut-être l’honorable M. Van Overloop reconnaîtra-t-il maintenant que la question ne devra pas être soumise à la cour de cassation, et que, dans ces conditions, elle se trouvera suffisamment élucidée pour tous les jurisconsultes.
Maintenant, l'honorable M. de Naeyer prétend que c'est par une fausse application des principes de la Constitution qu'on a considéré, dans la loi de 1849, l'impôt perçu sur le débit des boissons distillées comme un impôt direct. « C'est un impôt de consommation, dit l'honorable membre comme l'impôt sur les boissons en France, quoiqu'il soit perçu quelquefois directement sous la forme d'abonnement. »
Messieurs, les raisons qui ont été développées par l'honorable membre ne m'ont pas du tout convaincu. Si ces raisons sont bonnes et admissibles pour l'impôt patente sur le débit des boissons distillées, elles sont bonnes et admissibles pour tous les impôts patentes.
- Un membre. - C'est clair.
MfFOµ. - L'erreur de l'honorable M. de Naeyer provient de ce qu'il assimile cet impôt belge à l'impôt sur les boissons en France, qui est réellement un impôt de consommation ; on le perçoit, dans certains cas, sous forme d'abonnement sur la consommation présumée. Mais rien de semblable n'existe en Belgique.
Si ce que l'honorable M. de Naeyer dit est vrai quant au débit des boissons distillées, il paraît bien évident que cela est vrai en ce qui concerne le débit des bières, le débit du sel, le débit du sucre, puisque tous ces objets, quoique frappés de droits d'accise, ne peuvent être vendus en détail sans que le débitant soit soumis à une patente ; l'honorable membre doit donc déclarer également que, pour toutes ces catégories, l'impôt n'est pas direct. Manifestement, cela n'est pas soutenable.
L'honorable M. de Naeyer a invoqué l'opinion de certains membres du Congrès qui ont dit dans cette assemblée que ce qu'on doit vouloir comme base du cens électoral, c'est un impôt qui représente une fortune. J'admets qu'une pareille opinion, d'ailleurs toute individuelle, ait été exprimée au Congrès. Mais cela n'a rien de commun avec la question qui nous occupe, avec la question de savoir si un impôt est ou n'est pas direct.
Ce qui caractérise plus particulièrement encore l'impôt dont nous nous occupons en ce moment, c'est qu'il ne s'applique pas aux consommations présumées, c'est qu'il existe certaines classes à raison de l'importance des villes.
Du reste, je le répète, si on devait admettre les raisons que l'honorable M. de Naeyer a développées pour l'impôt relatif aux boissons distillées, il faudrait les appliquer à tous les impôts patentes, qui sont exactement dans les mêmes conditions. Cela seul démontre que les observations de l'honorable membre ne peuvent pas être accueillies. Le texte formel de la loi électorale a répondu anticipativement à ses observations, en déclarant que pour être électeur, il faut verser au trésor de l'Etat une quotité déterminée de contributions directes, patentes comprises.
- La clôture est demandée par plus de dix membres.
M. Dumortier (contre la clôture). - Messieurs, je ne vois pas que la chose presse si fort ; il s'agit d'une discussion extrêmement importante. Je demande que le débat continue. Je démontrerai à M. le ministre des finances que je ne juge pas les lois d'après des illusions, mais d'après les faits ; j'ai besoin de lui démontrer que tout ce que j'ai dit est l'exacte vérité ; qu'il importe fort peu que dans un exposé de motifs on déclare telle ou telle chose ; qu'une loi doit être faite par les trois branches du pouvoir législatif.
M. de Naeyer (contre la clôture). - Messieurs, dans le discours que M. le ministre des finances vient de prononcer, il a, contrairement à ses intentions, dénaturé les arguments que j'ai fait valoir tout à l'heure je désire pouvoir parler pendant quelques minutes. (Oui ! oui !)
MpVµ. - Insiste-t-on sur la clôture ?
- De toutes parts. - Non !
MpVµ. - Le débat continue ; la parole est à M. Dumortier.
M. Dumortier. - Messieurs, je n'ai que deux mots à dire, je veux seulement répéter à la Chambre que tout ce qu'a dit M. le ministre des finances est précisément ce que j'avais dit auparavant.
J'ai conclu des faits que le pouvoir législatif n'avait pas fait une loi. Car ce n'est pas par son silence qu'il fait des lois, c'est par ses votes.
II faut, la Constitution est formelle, que les lois soient votées par appel nominal, et ce n'est pas par le silence du pouvoir législatif qu'on peut prétendre qu'une loi a été faite.
M. de Naeyer. - L'honorable ministre des finances continue à se tromper, suivant moi, parce qu'il s'attache toujours à la forme de perception de l'impôt. ll prétend que si les observations que je fais valoir étaient fondées, elles s'appliqueraient à toutes les patentes en général. C'est une profonde erreur. D'abord je ferai remarquer que nulle part, dans aucune de nos lois, le droit sur le débit des boissons n'est qualifié de patente.
M. Dumortier. - (page 45) Pas même dans le budget des voles et moyens.
M. de Naeyer. - Et, en effet, ce n’est pas une patente dans le véritable sens du mot. Je défie formellement l'honorable ministre de citer une patente quelconque ayant pour but principal, avoué et direct, de restreindre la consommation, et tel est le caractère dominaut, la véritable raison d'être du droit de débit des boissons alcooliques.
L'impôt patente remonte à la législation de 1822 ; or, le législateur de cette époque a eu uniquement en vue de prélever une part des bénéfices réalisés dans les professions soumises à la patente, et sous ce rapport, il s'agit évidemment d'un impôt représentatif de la fortune des citoyens, cela résulte des termes mêmes des lois faites sous le gouvernement néerlandais. On a, par différents moyens, en s'attachant aux signes représentatifs de l'importance d'une industrie ou d'un commerce ou d'une autre profession, cherché à constater les bénéfices réalisés par les patentables en prenant pour principe de les imposer dans des proportions de justice et d'équité.
Voilà tout le système de notre impôt patente. En est-il de même pour le débit des boissons distillées ? Quand on a créé cet impôt, s'est-on demandé s'il était établi en proportion des bénéfices en les mettant en regard des autres professions soumises réellement à la patente ? Si c'eût été une véritable patente, on l'eût fait. Mais ici on a laissé de côté tout s ces considérations d'équité dans la répartition ou d'égalité proportion elle de l'impôt. Pourquoi ? Parce qu'on voulait atteindre la consommation et pas autre chose.
Comment, dit M. le ministre des finances, comment se fait-il alors qu'il y ait différentes classes de contribuables suivant les localités ? Mais justement par le motif que je viens d'indiquer ; parce que le bon sens nous dit que dans une localité populeuse, dans une localité importante, le débit est beaucoup plus considérable que dans une petite localité, que dans un petit village. C'est parce qu'on voulait atteindre la consommation et proportionner l'impôt à l'importance de la consommation qu'on a fait la distinction entre les localités.
MfFOµ. - Donc par le bénéfice présumé.
M. de Naeyer. - Mais si vous aviez voulu atteindre le bénéfice, je le répète, vous auriez commis la plus monstrueuse de toutes les injustices, en frappant ces patentables dans des proportions deux fois plus fortes que les autres. Ainsi, je répète mon argument, auquel vous n'avez pas répondu, c'est que les sociétés anonymes, pour toute la Belgique, ne payent que 600,000 à 700,000 fr., et que vous frappez les cabaretiers d'un impôt de 1,300,000 fr.
Votre droit de patente sur les sociétés anonymes est basé sur un revenu présumé de 34 à 35 millions. Irez-vous jusqu'à dire que les cabaretiers réalisent 64 millions, et même plus, 68 à 70 millions, c'est-à-dire plus que la valeur de tout le genièvre fabriqué en Belgique ?
Maintenant pouvez-vous raisonnablement prétendre que ce que j'ai dit quant à l'esprit de la Constitution, résultant des discussions du Congrès, n'est pas ici de saison ? Mais de quoi nous occupons-nous ? N'est-ce pas de déterminer le véritable sens d'une disposition constitutionnelle ? Ainsi, quand il s'agit de l'esprit de notre Constitution, les discussions du Congrès n'ont plus aucune force probante ? Permettez-moi de le dire, un argument de cette nature, échappé à un homme de votre valeur, prouve que la thèse que vous soutenez est détestable.
MfFOµ. - Je n'ai certes pas prétendu que, pour examiner l'esprit de la Constitution, il fallait se dégager des discussions qui ont eu lieu au Congrès. Je me serais bien gardé d'exprimer une pareille idée. Mais j'ai dit que les citations que faisait l'honorable M. de Naeyer de l'opinion de certains membres du Congrès, ne prouvaient rien quant à la question qui nous occupe, et qui est simplement de savoir si tel impôt est un impôt direct, oui ou non. Cela n'a évidemment aucun rapport avec l'esprit dans lequel certains orateurs ont manifesté leurs opinions sur quelques dispositions de notre Constitution.
L'honorable membre a fait remarquer, en outre, que l'impôt perçu sur les débitants de boissons distillées est de beaucoup supérieur à celui qui frappe les sociétés anonymes, et il en induit que ce n 'est évidemment pas un impôt patente qu'on a voulu établir. Car, sans cela, ajoute-t-il, toute proportion serait méconnue et il y aurait une véritable inégalité entre ces deux catégories de contribuables.
Messieurs, ce que l'honorable membre ne voit pas, c'est que si, d'une part, le droit de débit constitue réellement une patente, d'autre part, le législateur a voulu en élever le taux dans le but si désirable de réduire l'abus des boissons fortes. Voilà pourquoi la quotité de la taxe est relativement si considérable.
Mais parce qu'il y a plusieurs éléments qui agissent simultanément, Celui de la patente d'abord, puis d'autres éléments puisés dans des idées de moralisation, de bon ordre et de police, peut-on conclure contre le caractère direct d'un pareil impôt ?
Quel que soit le titre auquel l'impôt est perçu, quel qu'ait été le mobile du législateur, du moment qu'il est direct, il doit entrer en ligne de compte pour la formation du cens électoral.
Voilà ce que vous ne détruirez pas ; vos arguments sont à côté de la question, et, je le répète, pour être conséquent, pour être logique, vous devriez les appliquer à tous les patentables. Ceux-ci sont dans les mêmes conditions en ce qui touche l'un des éléments qui servent de base à l'impôt.
- La discussion est close.
Le chiffre est adopté.
« Droit de débit des tabacs : fr. 215,000. »
M. Dumortier. - Dans la discussion qui vient d'avoir lieu, il a été question de l'influence des deux impôts dont il s'agit sur la formation du corps électoral, et M. le ministre des finances a estimé que cette influence, quant au premier chef, était à peu près de 2 électeurs par commune. L'honorable M. Thonissen a indiqué un chiffre de 6,000 électeurs.
Ici nous pouvons rentrer dans le même cercle d'idées. Cependant je ne reprendrai pas la discussion. Mais puisque M. le ministre de l'intérieur est à son banc, je prendrai la confiance de lui faire une interpellation, à laquelle, s'il ne peut pas me répondre maintenant, il pourra me répondre plus tard.
Dans les derniers jours de la session précédente, nous avons reçu deux énormes volumes de statistique de l'intérieur du pays. Tous les dix ans, cette statistique est reproduite de la même manière.
Dans toutes les statistiques antérieures, il y a un chapitre destiné à donner la liste des électeurs de la Belgique par profession. Dans les deux gros volumes qui nous ont été distribués jusqu'aujourd'hui, j'ai cherché, j'ai feuilleté, je n'ai pas trouvé ce document, peut-être le plus important de tous.
On nous donne des volumes entiers pour savoir comment on meurt, de quelle maladie on meurt, toutes choses qui peuvent présenter de l'intérêt au point de vue médical, mais qui sont fort peu utiles pour les débats parlementaires, et l'on ne nous donne pas cette année un document beaucoup plus important, la classification des électeurs du pays par profession.
Il m'a même paru que ce tableau doit avoir été supprimé pendant l'impression ; car j'ai cru reconnaître la place où il devait se trouver, et j'ai vu que là il n'y avait pas coïncidence entre une feuille et une autre.
Dans toute hypothèse, il est à désirer que 1a Chambre possède ce tableau. Je demanderai donc à M. le ministre de l'intérieur s'il pourrait nous le fournir. Le bureau de statistique qui, dans tous les comptes rendus précédents a inséré ce tableau, doit l'avoir.
On nous annonce un projet de loi de révision de la liste électorale, il importe que nous ayons ce tableau. Je prie M. le ministre de le demander dans ses bureaux et de le faire déposer sur le bureau.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Je ne puis dire pour quel motif le renseignement statistique dont vient de parler l'honorable M. Dumortier n'aurait pas été compris dans les deux volumes qui ont été publiés. Je demanderai des renseignements dans mon département et je rendrai compte du résultat à la Chambre.
Je puis dire dès à présent que ce tableau n'a pas été retiré ; les travaux de ce genre donnent trop de peine pour que les faiseurs de statistique négligent de publier leur travail quand ils sont parvenus à un résultat. Le tableau en question peut se trouver dans le volume qui n'a pas encore été publié, je ferai voir ; au surplus je ne me refuse pas à faire publier l'ensemble des renseignements dont vient de parler l'honorable membre.
- L'article est adopté.
« Redevances sur les mines.
« Principal : fr. 337,000. »
- Adopté.
(page 46) « 10 centimes additionnels ordinaires pour non-valeurs : fr. 33,700. »
- Adopté.
« 5 centimes extraordinaires sur la redevance proportionnelle pour les frais de confection d'une carte générale des mines : fr. 10,000. »
- Adopté.
« 5 centimes sur les trois sommes précédentes pour frais de perception : fr. 19,300. »
- Adopté.
MpVµ. - C'est sur cet article que porte l'amendement que vous avez entre les mains ; l'auteur, comptant donner des développements assez étendus à sa proposition, désire être entendu demain.
- Plusieurs voix. - A demain ! à demain !
- La séance est levée à 4 heures trois quarts.