(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1863-1864)
(Présidence de M. E. Vandenpeereboom.)
(page 645) M. Thienpont, secrétaire., procède à l'.appel nominal à deux heures et un quart.
M. Van Humbeeck, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.
- La rédaction en est approuvée.
M. Thienpont présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.
« Le sieur Van Hamme-Wielemans prie la Chambre de modifier l'article 19 de la loi électorale et l'article 2 de la loi du 12 mars 1848 et de décréter le vote à la commune. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Des habitants de Bruxelles demandent la révision des articles 47 et 53 de la Constitution. »
- Même renvoi.
« Le sieur Dardenne demande qu'il soit interdit aux éclusiers de vendre à boire. »
- Même renvoi.
« Le sieur Christiaens, ancien sous-officier, demande une pension. »
- Même renvoi.
« Des habitants de Tourneppe demandent la diminution des droits d'accise sur la bière indigène. »
« Même demande d habitants de Molenbeek, de Bruxelles, de Boussu et de Soignies. »
- Renvoi à la commission permanente de l'industrie.
« le sieur J. Cuypers, cabaretier et marchand à Kinroy, né à Weert (partie cédée du Limbourg), demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
« Des habitants de Seny prient la Chambre d'accorder à la compagnie Ordener la concession d'un chemin de fer de Bruxelles à Mayence. »
« Même demande des membres de l'administration communale d'Ocquier. »
- Renvoi à la commission des pétitions,
« Des combattants de septembre demandent la croix de Fer. »
- Même renvoi.
« Des habitants de Buysingen prient la Chambre d'autoriser la concession des chemins de fer secondaires dans la province de Brabant, projetés par l'ingénieur Splingard. »
« Même demande d'habitants de Tourneppe, Saint-Gilles, Leeuw-Saint-Pierre, Vlesenbeek, Wemmel, Goyck, Hal, Huyssinghen, Laeken, Saint-Josse-ten-Noode et Anderlecht. »
- Même renvoi.
« Des habitants de Bruxelles demandent la révision de l'article 47 de la Constitution. »
- Même renvoi.
« Des habitants de Basse-Bodeux prient la Chambre d'accorder aux sieurs de Haulleville et Wergifosse la concession d'un chemin de fer d'Anvers à Saint-Vith. »
« Même demande d’habitants de Sombreffe. »
- Même renvoi.
« Les membres de l'administration communale d'Oost-Eecloo prient la Chambre d’accorder au sieur Hoyois la concession d'un chemin de fer de Roulers à Sclzaete. »
« Même demande des membres de l'administration communale de Lembeke, Oostwickel et d'habitants d'Ardoye. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du rapport sur les pétitions relatives au même objet.
« Des négociants et propriétaires de bateaux à Lokeren, demandent la réduction des péages du canal de Charleroi à Bruxelles. »
- Renvoi à la commission permanente de l'industrie.
« Des bourgmestres de la province de Brabant prient la Chambre d'augmenter le crédit porté au budget pour la voirie vicinale. >
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les administrations communales de Remicourt, Haneffe, Lîncent, Bovosnster, Donceel, Laninne, Hodeige, Pousset, Bergilers, Lens-sur-Geer demandent la réduction du tarif pour les voyageurs de Remicourt vers Liége, l’arrêt à Remicourt des convois partant de Liège vers 6 heures du soir le samedi, l'établissement d'une station de marchandises à Remicourt, l'organisation de convois d'ouvriers pour les lundis et samedis à prix réduits. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics.
« Par dépêche du 24 juin 1864, le ministre de la justice transmet à la Chambre, avec les pièces de l'instruction, la demande en obtention de grande naturalisation, du sieur Trousset, docteur en médecine, à Wavre. »
- Renvoi à la commission des naturalisations.
« Le sieur Lambert, à Bruxelles, fait hommage à la Chambre de 12 exemplaires de son travail relatif à l'assainissement de la Senne. »
- Dépôt à la bibliothèque.
« M. Kervyn de Volkaersbeke demande un congé. »
- Accordé.
« M. Le Bailly de Tilleghem, retenu chez lui par une indisposition, demande un congé. »
- Accordé.
« M. Moncheur, retenu en province, demande un congé de quelques jours. »
- Accordé.
« M. Crombez, obligé de s'absenter pour .affaires urgentes, demanda un congé. »
- Accordé.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Messieurs, j’ai l'honneur de déposer sur le bureau le compte rendu des opérations du chemin de fer pour l'année 1863.
- Impression et distribution aux membres de la Chambre.
M. le Bailly de Tilleghem. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre le rapport de la section centrale qui a examiné la demande d'un crédit de 6 millions faite par le gouvernement pour l'augmentation du matériel du chemin de fer.
- Impression, distribution et mise à la suite de l'ordre du jour.
MpVµ. - La discussion générale est ouverte.
M. Ch. Lebeau. - Messieurs, à l'occasion de la discussion générale du budget du ministère des travaux publics, je crois devoir présenter quelques observations sur certains objets qui ne concernent pas seulement l’arrondissement que j'ai l'honneur de représenter dans cette Chambre, mais encore le public en général.
J'appellerai donc l'attention du gouvernement sur l'état vraiment fâcheux, je dirai même déplorable, dans lequel se trouve encore la station de Charleroi à l’heure qu'il est, c'est-à dire depuis vingt-deux ans que le chemin de fer est établi à Charleroi.
Cependant, messieurs, cette station est une des plus importantes du pays, au point de vue et du mouvement et de la recette. Elle est le point où viennent se joindre trois grandes lignes internationales.
Pour donner une idée de l'accroissement que reçoit chaque jour cette station, je dirai que les recettes qui s'élevaient, en 1851 à 341,000 fr., se sont élevées à 1,343,000 francs en1861, c'est-à-dire qu'elles ont augmenté de plus d'un million.
Mais depuis l'année 1842, où la ligne de l'Etat a été construite, on a créé 3 nouvelles lignes înternationales : la ligne de l'Entre-Sambre-Meuse (Charleroi à Givet), la ligne de Paris à Cologne, et celle de l’Est-belge vers la Hollande.
On peut dire que le mouvement est plus que décuplé depuis 1851.
Et cependant, messieurs, la station est toujours à l'état provisoire ; elle laisse infiniment à désirer, sous le rapport de l'étendue et des locaux ; il n'y a pas non plus de gare couverte.
Quanta l'étendue, elle n'a pas le quart de ce qu'elle devrait être : le gouvernement le reconnaît lui-même. Néanmoins, il y a un mouvement d'environ 1,800 voilures par jour. Ensuite, il y 70 trains qui arrivent et 70 départs par jour.
Enfin, le nombre des voyageurs varie journellement de 1,700 à 1,800, qui arrivent et partent.
Vous comprenez que dans une station aussi fréquentée, on doit faire (page 646 des manœuvres considérables ; manœuvres occasionnant des frais, qui sont pour le trésor un véritable préjudice.
D'un autre côté, les voyageurs sont pendant les manœuvres exposé à un certain danger, et si on n'a pas d'accidents à déplorer fréquemment, c’est grâce à l’habilité du chef de la station.
Quant aux locaux de la station, il n'y a encore, à l'heure qu'il est, que le bâtiment provisoire établi à l'origine, c'est-à-dire une espèce de hangar. Je n'appellerai pas même salles d'attente les deux pièces dans lesquelles les voyageurs doivent se réfugier lorsqu'il fait mauvais temps ; et c'est à peine d'ailleurs si ces deux pièces peuvent contenir les deux tiers des voyageurs qui viennent prendre les trains et de ceux qui, à cause des coïncidences de plusieurs convois, sont obligés de mettre pied à terre pour changer de train.
Du reste, c'est à peu près, je pense, la seule station du pays qui soit encore à l'état provisoire. Je crois donc qu'il est temps quo le gouvernement mette la main à l'œuvre pour l'établissement d'une station définitive.
Je sais que le gouvernement s'en occupe depuis plusieurs années, qu'il se livre à des études à ce sujet, j'espère qu'elles auront pour résultat de faire cesser l'état provisoire dans lequel se trouve encore la station de Charleroi.
Il ne s'agit pas ici, messieurs, d'une affaire purement locale ; il s'agit d'un véritable intérêt public, en général, puisque la station de Charleroi comme toutes les grandes stations du pays, dessert tous les intérêts commerciaux et industriels du pays.
J'appellerai, en second lien, l'attention du gouvernement sur l'augmentation des bureaux télégraphiques, surtout dans les communes industrielles qui possèdent un bureau de poste.
En 1862, la section centrale qui avait examiné lo crédit de 325,000 fr. demandé par le gouvernement pour l'extension de la correspondance télégraphique, émit le vœu de voir établir des bureaux télégraphiques dans tous les chefs-lieux de canton, partout où il y a des bureaux de poste et dans les communes importantes qui sont éloignées de plusieurs kilomètres des stations de chemin de fer.
Eh bien, ce vœu, qui paraissait si rationnel et si légitime, n'est pas encore réalisé, du moins en ce qui concerne plusieurs communes très importantes de notre arrondissement.
Je citerai d'abord la ville de Gosselies, chef-lieu de canton, qui a une population de 7,000 âmes, qui possède plusieurs grands établissements industriels et dont le bureau de poste rapporte 20,000 francs par an. Eh bien, Gosselies, qui est éloigné de 3 à 4 kilomètres de la station, est encore privé d'un bureau télégraphique que l'administration communale acclame en vain depuis 1862.
Je dirai la même chose de Jumet, distante de la station de Roux, comme Gosselies, de 3 à 4 kilomètres. Jumet est une commune de 1,500 âmes ; elle possède plusieurs grands établissements industriels qui sont en relation d'affaires avec le pays et l'étranger, et pour lesquels un bureau télégraphique est le complément indispensable de l'établissement du bureau de poste.
Quant à la dépense que nécessiterait la création de ces bureaux télégraphiques, elle serait très peu importante, puisque l'établissement des poteaux ne coûte guère que 200 à 250 fr. par kilomètre. Il ne faudrait donc dépenser, pour chacune des localités que je viens d'indiquer, qu'une somme d'environ 1,000 à 1,200 francs.
Quant au service, messieurs, il ne nécessiterait pas d'augmentation de personnel puisque le percepteur des postes serait à même de remplir les fonctions de télégraphiste.
Je crois donc qu'il n'y a aucune raison de ne pas donner satisfaction aux réclamations de ces deux communes et l'on réaliserait zinsi les vœux exprimés par la section centrale en 1862 et renouvelés cette année encore.
Je ferai la même réclamation en ce qui concerne les bureaux de poste. Il y a, dans notre arrondissement, plusieurs grandes communes importantes qui en sont encore privées l'heure qu'il est. Je citerai, entre autres celle de Ransart, où se trouve l'une des stations du chemin de fer de l'Est, dont la population est de 4,000 âmes et qui possède plusieurs grands établissements industriels.
Or, messieurs, voyez quelle est la position de cette commune : si l'on met une lettre à la poste à Charleroi à 8 heures du matin, elle n'arrive à Ransart que le lendemain matin à 11 heures.
Il n'y a que sept kilomètres entre Charleroi et Ransart ; de sorte que pour faire un parcours d'une lieue et demie, une lettre met vingt-sept heures. C'est un état de choses qui ne peut pas être maintenu plus longtemps, je le signale à M. le ministre des travaux publics, persuadé qu'il fera droit à la réclamation très légitime de Ransart.
J'appelle également l'attention du gouvernement sur les obligation des sociétés concessionnaires d'exécuter les conditions de leurs cahiers de charges relativement au matériel et à l'exploitation ainsi qu'à l'exécution des travaux.
Sous ce dernier rapport, il y a deux concessionnaires qui laissent beaucoup à désirer. On m'a assuré que pour la section de Tamines à Fleurus faisant partie de la ligne de Tamines à Landen, les plans sont déposés au gouvernement depuis le mois de janvier, et qu'ils ne sont pas encore approuvés.
- Un membre. - C'est une erreur.
M. Ch. Lebeau. - Soit ! Je crois devoir insister au moins pour que le gouvernement demande au concessionnaire de mettre la main à l'œuvre en commençant par Tamines à Fleurus, afin de mettre Tamines en communication avec le chemin de fer de Charleroi à Louvain.
Messieurs, à diverses époques, des pétitions ont été adressées à la Chambre pour demander la construction d'un chemin de fer destiné à relier le bassin de Charleroi à Bruxelles.
La commission des pétitions est saisie d'une pétition de ce genre, elle a conclu au renvoi au ministre des travaux publics. L'utilité, je dirai même la nécessité de cette voie ne peut être contestée ; il est vrai qu'il y a une ligne qui relie Charleroi à Bruxelles, or, tandis que le parcours par la route n'est que de 50 kilomètres, il est de 75 par le chemin de fer.
Ce n'est pas tout ; les établissements industriels qui se trouvent entre Charleroi et Bruxelles doivent rebrousser chemin jusqu'à Charleroi pour prendre le chemin de Charleroi à Bruxelles, de sorte que ces industriels doivent faire 80 kilomètres, tandis que la distance réelle de Charleroi à Bruxelles n'est que de 50.
Une ligne comme celle-là doit être rectifiée dans le plus bref délai.
Je ne crois pas qu'on puisse contester l'utilité d'une voie directe de Bruxelles à Charleroi, puisque le gouvernement a construit une ligne directe de Bruxelles à Louvain, qu'il a concédé une voie directe de Bruxelles à Namur, et qu'il vient d'en concéder une de Bruxelles à Tournai. Si des raisons existent pour relier par une voie directe un grand centre de production à un centre de consommation, c'est bien en faveur du bassin de Charleroi qui produit des matières premières, des madères pondéreuses qui demandent des transports à bon marché.
Les raisons que je viens de faire valoir suffiront, je pense, pour engager le gouvernement à étudier cette affaire et le déterminer à concéder un chemin de fer pour relier directement à Bruxelles le bassin de Charleroi.,
Je n'entrerai pas dans de plus longs développements sur les divers objets que je viens de signaler à l'attention du gouvernement ; les considérations que j'ai énoncées me donnent l'espoir qu'ils recevront un accueil favorable de la part de M. le ministre des travaux publics.
M. de Moorµ. - Messieurs, la discussion du budget des travaux publics fournit à chacun de nous l'occasion de venir réclamer l'extension de travaux nouveaux, de signaler des intérêts lésés ou de reconnaître que le gouvernement n'a pas failli à la haute mission qui lui incombe.
L'augmentation du matériel du chemin de fer de l'Etat, l'abaissement des tarifs, l'impulsion donnée aux travaux publics de l'Etat par la voie des concessions, constitue, selon moi, pour le cabinet et tout particulièrement pour M. le ministre des travaux publics, des titres incontestables à la reconnaissance du pays.
Pour ne parler que de la province à laquelle j'appartiens et du développement croissant de la fortune publique depuis la construction du chemin de fer du Grand Luxembourg, prospérité qui augmentera considérablement encore lorsque les chemins de fer concédés par la dernière loi seront exécutés, je vous dirai, messieurs, que ces travaux en voie d'exécution aujourd'hui sur l’Ourthe et sur la ligne de Spa à la frontière Grand-Ducale occupent déjà plus de 2,000 ouvriers. Grâce à l'intelligent concours des entrepreneurs qui sont sur cette ligne, à leurs capacités réelles, j'espère que ces travaux seront menés à bonne fin et que bientôt nous pourrons profiter de ces voies de communication rapides et économiques.
Quant à l'important réseau concédé l'an dernier à M. Forcade, je désirerais que M. le ministre des travaux publics voulût bien nous dire si aujourd'hui il est en possession des plans dressés par l'état-major d'ingénieurs envoyé avec un louable empressement dans le Luxembourg, dès que le million de cautionnement a été versé à la caisse de l'Etat.
Je crois devoir attirer l'attention du gouvernement sur la disposition de l'article 7 de la convention passée le 10 janvier 1863, ayant force de (page 647) loi aujourd'hui et qui impose aux concessionnaires l'obligation de s'entendre avec la compagnie du Grand-Luxembourg pour la régularisation à leur profit de l'embranchement de Longlier vers Bastogne concédé à cette compagnie. « Le gouvernement, y est-il dit, promet son concours pour la régularisation de cette cession. »
Je pense, messieurs, qu'il importe que cet arrangement à intervenir entre les deux compagnies soit conclu sans plus de retard. Ce qui me donne l'espoir qu'il en sera prochainement ainsi, c'est que j'ai eu l'occasion de voir récemment un des chefs de cette nouvelle et grande société qui m'a déclaré que des ouvertures devaient être faites à la grande compagnie du Luxembourg.
Il est de toute évidence que l'exécution de cet embranchement, qui a été si souvent et avec autant d'énergie que de talent réclamée par notre ancien collègue et ami M. d'Hoffschmidt, doit avoir la priorité sur toutes les autres parties du grand réseau qui fait l'objet de la loi du 31 mai 1863.
Comme je l'ai démontré, il y a quelques années, si les arrondissements de Neufchâteau et de Bastogne ont été privés jusqu'ici de cette voie de communication, ce n'est pas aux ministères libéraux qui se sont succédé que ce retard est dû, mais bien au cabinet de 1855, et aujourd'hui qu'une nouvelle loi est intervenue, il est du devoir du gouvernement de faire tous ses efforts pour que les travaux entre Longlier et Bastogne soient promptement commencés. II y a là une question de justice, d'équité et d'honneur qu'il faut faire résoudre en faveur des populations de ces deux arrondissements qui attendent avec une trop légitime et surtout trop longue impatience, l'exécution d'engagements pris.
La construction et l'exploitation des lignes concédées m'amènent à poser â M. le ministre des travaux publics une question qui ravivera chez nous tous de pénibles souvenirs.
L'administration supérieure a-t-elle fait constater à quelles causes est due la catastrophe de Godinne qui a plongé deux honorables familles belges dans le deuil et le plus profond désespoir et qui aurait pu coûter la vie à un grand nombre de voyageurs qui miraculeusement ont échappé à la mort ?
Je demanderai à M. le ministre des travaux publics si les courbes et contre-courbes de la ligne de Namur à Givet et tout spécialement celles de Godinne, sont bien du rayon exigé par la loi. Le convoi qui venait de Namur n'était-il pas en retard, cl la locomotive, pour rattraper le temps perdu, n'était-elle pas lancée à toute vapeur, et cela précisément sur un des points les plus dangereux de toute la ligne ?
J'ajouterai qu'une voiture-berline à six roues se trouvait dans ce train et que c'est sous les débris de cette voiture que les deux victimes ont trouvé la mort. Je désirerais savoir s'il ne serait pas convenable que de semblables voitures ne circulassent pas sur des lignes où les courbes se succèdent avec autant de rapidité.
Plus que jamais, selon moi, le gouvernement doit tenir la main à ce que ses commissaires surveillent activement ce qui se passe sur les lignes concédées. Si de nouvelles instructions sont nécessaires, M. le ministre des travaux publics fera bien de les donner aux compagnies concessionnaires. L'intérêt des familles, le repos de tous ceux qui voyagent et de ceux qui savent qu'on est en voyage exigent que la plus grande sécurité soit donnée au public. Les sociétés concessionnaires elles-mêmes n'auront qu'à y gagner.
Messieurs, j'ai à vous entretenir d'un autre intérêt qui se relie intimement au chemin de fer.
Je veux parler des affluents aux stations. Déjà le gouvernement a exécuté une partie des promesses qu'il a faites à l'agriculture. Mais il lui reste encore quelque chose à faire.
Pour l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter, je désirerais savoir s'il entre dans les intentions du gouvernement de faire construire cette année la section de route de Maissin à Libin, qui complétera par sa construction la route de Bouillon par Paliseul à la station de Poix.
Messieurs, parmi les pétitions qui sont déposées sur le bureau de la Chambre, il en est une qui émane de l'autorité communale d'Houffalize et qui demande que la route de Libaimont à Herbeumont soit prolongée jusqu'à Houffalize. Loin de moi l'idée de combattre le vœu émis par le conseil communal d'Houffalize. Je suis au contraire tout prêt à lui prêter mon concours, mais à une condition cependant : c'est que M. le ministre n'accorde pas à cette section la préférence sur celle qui reste encore à faire entre Moircy el Herbaimont.
Si d'autres affluents sont encore réclamés dans le Luxembourg, je crois qu'il ne faut pas insister en ce moment pour que le gouvernement les fasse exécuter. Lorsque la direction des voies ferrées nombreuses qui sont décrétées et qui sillonneront le pays sera connue, le gouvernement pourra se prononcer d'une manière définitive, Je n'Indiquerai donc pas en ce moment les voies de communication réclamées par les populations.
Messieurs, en terminant, je constate avec la section centrale que notre situation, au point de vue des travaux publics, est l'une des plus prospères des Etats européens et que notre industrie et notre commerce, grâec à cette situation, pourront lutter avantageusement avec l'industrie et le commerce étrangers.
Cette prospérité croissante, le pays la doit à la politique libérale. Tenez pour certain qu'en ce qui concerne le Luxembourg, il s'en montrera reconnaissait et que, dans l'appel qui sera fait au pays, il donnera une preuve nouvelle et plus décisive encore de son libéralisme.
M. de Renesse. - Messieurs, la discussion du budget des travaux publics donne chaque année l'occasion aux membres des Chambres législatives de présenter quelques considérations en faveur de certains travaux d'utilité publique, intéressant plus particulièrement les localités qu'ils représentent.
Je compte cependant m'occuper, en premier lieu, de quelques observations générales se rapportant plus particulièrement aux travaux de chemins de fer exécutés en Belgique depuis 1834, où l'honorable ministre, M. Rogier, a eu l'honneur et surtout l'avantage de faire adopter par les Chambres le premier et le plus grand railway international de notre continent ; cependant la Belgique sortait alors à peine de la crise politique de 1830 ; presque toutes nos relations commerciales avec nos anciens frères du nord avaient été violemment brisées ; il fallait chercher à tout prix de doter notre pays de moyens de communication plus économiques et plus rapides ; notre grand chemin de fer international fut heureusement décrété ; le patriotisme des Chambres et du gouvernement ne recula pas devant la grande difficulté financière : l'exécution de cette voie commerciale fut décrétée aux frais de l’Etat ; et, dans ce moment, ce grand et beau domaine national concourt déjà à améliorer et à augmenter les recettes du trésor, et sous ce rapport nous pouvons justement espérer que la situation financière prospérera d'année en année ; il n'a pas d'ailleurs dit son dernier mot financier.
Lorsque au mois de mars de cette année la Chambre a eu à voter, avant son ajournement, des crédits extraordinaires pour différents départements ministériels, l'honorable ministre des travaux publics a bien voulu nous communiquer quelques renseignements très intéressants se rapportant à la situation de nos différentes voies ferrées, tant de l'Etat que concédées ; il eu résulte que ces diverses catégories de chemins de fer avec les lignes existantes à la fin de 1858 forment un ensemble de 3,117 kilomètres ; avec les lignes décrétées en 1864 et quelques autres concédées depuis 1859 et qui s'achèvent actuellement, la Belgique aurait en peu d'années un réseau de chemins de fer de plus de 3,680 kilomètres.
C'est donc avec un certain orgueil que l'on peut citer l'administration supérieure de notre pays, pour les grands et utiles travaux publics qu'elle a fait décréter et exécuter depuis notre régénération politique, et notamment depuis 1848, où malgré les nombreuses crises politiques et financières qui se sont succédé, le ministère libéral et en grande partie, sous la haute et intelligente direction de l'honorable ministre Vanderstichelen, a fait doter la Belgique de plus de 2,000 kilomètres de railways, sans compter les autres grands travaux publics, décrétés sous cette administration,
Je souhaite sincèrement, dans l'intérêt de mon pays, que son honorable successeur, quel qu'il soit, si tant est que le ministère actuel doive se retirer, ce que je ne souhaite nullement, puisse, à sa sortie du ministère, présenter un pareil bilan de haute et bonne administration.
Si presque toutes les grandes lignes ferrées internationales sont actuellement achevées ou en voie d'exécution, il reste cependant encore en Belgique, de nombreuses lacunes à combler, dans plusieurs de nos provinces, et certes, toutes les localités d'une certaine importance, sous le rapport de leur population et de leurs produits de toute nature se trouveraient froissées dans leurs intérêts, si elles devaient rester dans leur isolement, si elles ne pouvaient, dans un avenir rapproché être rattachées à notre système général de chemins de fer.
Si l'Etat a fait de grands sacrifices pour l’établissement de sa grande ligne ferrée internationale, il a du moins actuellement un très bel intérêt de l'argent si utilement appliqué, et il est à prévoir que, sous peu d'années, ces ressources ne feront que s'accroître, non seulement par l'amélioration successive du tarif en y attirant le plus de trafic possible, mais aussi par les nombreuses lignes ferrées affluentes décrétées depuis 1851 ; ces excédants de nos ressources pourraient donc être, en partie, appliqués à créer de nouvelles communications ferrée ou autres, et sans être utopiste, l'on peut, avec quelque certitude, affirmer que notre beau railway national, lorsque toutes les nouvelles ligues ferrées seront mises en (page 648) communication avec lui, donnera par an un produit brut de plus de 40,000,000 de francs.
Depuis 1851, l'Etat a aussi accordé une garantie d'intérêt pour certains chemins de fer concédés, et quoique l'on supposât que cette garantie serait maintenue pendant assez longtemps, il est prouvé, par les comptes rendus aux Chambres, que de ce chef le trésor de l'Etat n'a pas été fortement obéré, n'ayant eu à débourser guère plus de 7 millions de francs, et déjà plusieurs de ces railways commencent à rembourser au trésor les subsides avancés.
Encore, sous ce rapport, la Belgique a eu beaucoup moins de charges extraordinaires à supporter que beaucoup d'autres pays de notre continent.
Si donc des parties assez importantes de notre pays n'ont pu, jusqu'ici, obtenir de chemins de fer, pour les tirer de leur isolement, étant néanmoins intervenus, pour leur part, dans les dépenses très notables de l'établissement et de l'exploitation du railway national, il est de toute équité qu'elles obtiennent aussi, à leur tour, de pareils moyens de communication faciles et économiques, et certes pour que ces localités prissent lutter avec un certain avantage, pour leur commerce tant de l'intérieur que de l'extérieur, il faut leur procurer le transport de leurs produits naturels et industriels, aux moindres frais possibles.
Il reste donc au gouvernement à rechercher les moyens de doter ces localités importantes de notre pays de voies ferrées qui puissent les relier, soit directement au chemin de fer de l'Etat, ou aux lignes concédées et sous ce rapport je crois devoir attirer l'attention toute particulière de la Chambre et du gouvernement sur différentes demandes de concession de chemin de fer, dits secondaires et provinciaux ; ces demandes intéressent au plus haut point certaines localités importantes de nos provinces, restées en partie en dehors de nos railways.
Pour la province de Brabant, une demande en concession d'un chemin de fer secondaire a été adressée au département des travaux publics, par M. l’ingénieur Splingard, et pour le Limbourg, M. Pousset, géomètre et commissaire voyer d'arrondissement à Tongres, vient aussi de transmettre à ce ministère une demande en concession d'un réseau de chemins de fer provinciaux limbourgeois.
Par une demande subséquente, ce même demandeur en concession, désirant donner à son premier projet un intérêt plus général et international, propose une ligne ferrée plus directe de Bruxelles à Aix-Ia-Chapelle, par Tervueren, Weert-St-Georges, Tirlemont, Léau, Saint-Trond, Looz, Tongres, Roclenge-sur Geer, Wonck, Eben à Visé et de là à Aix-la-Chapelle.
D'après les renseignements reçus de la part du demandeur en concession, je puis donner l'assurance qu'une société financière s'est formée, pour l'exécution de ce beau projet de voies ferrées ; que des ingénieurs sont chargés de dresser les plans détaillés de tout ce réseau, intéressant surtout les provinces de Brabant, de Liège et de Limbourg ; que le dépôt de toutes les pièces et du cautionnement pourra avoir lieu avant la prochaine session des Chambres législatives ; cette concession est demandée sous les conditions ordinaires ; sous ce rapport, la première demande devra être modifiée.
Pour appeler la bienveillante attention du département des travaux publics sur ce beau réseau de chemins de fer provinciaux limbourgeois, je crois devoir présenter quelques courtes observations, afin de pouvoir démontrer à l’évidence que cette province n'est pas encore suffisamment pourvue de voies ferrées. Si l'on examine la carte da Limbourg et les notes jointes au projet de M. Pousset, l'on remarque en effet qu'il y a encore de grandes lacunes à combler, que cette province est loin d'avoir obtenu une proportion équitable de chemins de fer, comparativement aux autres ; cette proportion serait, pour les autres provinces, de 44 lieues par province ; tandis que le Limbourg, après l'achèvement des trois lignes actuellement concédées et en voie d'exécution, ne serait donc que d'environ 25 lieues de railway. Tout un arrondissement de cette province, celui de Maeseyck, ayant une population de plus de 40,000 âmes, est resté jusqu'ici en dehors des chemins de fer décrétés. Ce district auquel, en 1839, Ion a imposé de très durs sacrifices, a des titres incontestables pour être retiré de son isolement, pour ne plus rester en dehors des lignes ferrées. Un autre canton, très important par sa population, par la richesse de ses produits agricoles, celui de Looz, de l'arrondissement de Tongres, n'est encore relié qu'à son extrémité à un chemin de fer concédé ; entouré à une certaine distance de voies ferrées, il n'a qu'une simple halte à Alken, près de Ilasselt. Par le projet de M. Pousset, ce canton serait pareillement retiré de son isolement et obtiendrait différentes communications ferrées tant vers l'intérieur que vers l'étranger.
Un autre projet d'un grand chemin de fer international d'une grande importance vient aussi d'être adressé, depuis peu, par la Société Vander Elst frères, de Bruxelles, au département des travaux publics ; cette nouvelle ligne ferrée intéresse plus particulièrement les provinces de Hainaut, de Brabant, de Liége et de Limbourg ; elle est patronnée par une puissante société financière.
Ce grand railway international partirait de Mons, se dirigerait par les Ecaussines, Nivelles, Wavre, Archennes, Jodoigne à Landen, avec prolongement vers Looz, Tongres, Visé et Aix la-Chapelle ; pour ce prolongement, il ne devait être que facultatif ; mais, d'après les observations sérieuses présentées à cette société demanderesse en concession, elle consent à l'exécution obligatoire de toute la ligne internationale.
Ce beau projet de chemin de fer comprend, en outre, cinq embranchements industriels, intéressant plus spécialement les provinces de Hainaut et de Brabant ; et quant au prolongement de Landen par Looz, Tongres et Visé à Aix-la-Chapelle, il forme la partie internationale de ce railway vers l'Allemagne ; il pourrait peut-être être combiné avec le projet de M. Pousset, de manière à ne former qu'un ensemble pour la province de Limbourg et surtout pour le riche et populeux canton de Looz, qui serait ainsi tiré de son isolement, si préjudiciable à tous ses intérêts.
L'honorable ministre des travaux publics, ayant déjà contribué, à plusieurs reprises, à faire doter différentes parties de nos provinces de voies ferrées restées en dehors des chemins de fer, surtout la ville et une grande partie de l'arrondissement de Tongres, voudra bien faire examiner, avec sa bienveillante activité ordinaire, les projets de railways sur lesquels j'ai cru devoir attirer l'attention du gouvernement et des Chambres ; j'ose espérer que par sa haute intervention le Limbourg pourra, dans un avenir très rapproché, obtenir de nouvelles voies ferrées vivement réclamées, notamment par les populations comme celles du canton de Looz et de Maeseyck, privées jusqu'ici, en grande partie, de ce moyen de communication facile, économique et rapide.
M. Van Hoordeµ. - Messieurs, dans sa dernière session, le conseil provincial du Luxembourg a adopté à l'unanimité la proposition qui lui était soumise d'émettre un vœu tendant à demander au gouvernement que la route qui part de Libramont et qui doit, personne ne peut s'expliquer cela, s'arrêter à Herbeumont, soit prolongée jusqu'à Houffalize ; attendu, a dit le conseil provincial, que le prolongement demandé est le complément nécessaire et indispensable de la partie de route aujourd'hui en construction, et qu'il est d'une utilité et d'une importance incontestables pour trois cantons, ceux de Sibret, de Bastogne et d'Houffalize. Ce sont, si ma mémoire est fidèle, les termes mêmes dont il s'est servi. Aujourd'hui le rapport de la section centrale nous indique, parmi les pièces qui sont déposées sur le bureau, une pétition signée par tous les membres de l'administration communale du chef-lieu de ce dernier canton. C'est cette pétition que je viens recommander à M. le ministre ou à son successeur, pour le cas où un avenir prochain réserverait au chef actuel du département des travaux publics, le repos que la moitié de la Chambre lui souhaite si ardemment, d'accord en cela, si mes espérances ne me trompent, avec les trois cinquièmes du pays. (Interruption.)
Messieurs, la pétition dont il s'agit mérite, à tous égards, une attention bienveillante, d'abord parce que tout ce qui concerne les voies de de communication tient à l'intérêt général. Leur amélioration profite au pays tout entier, n'importe sur quel point du pays elle se manifeste, car elle augmente sa richesse en perfectionnant, par le progrès qu'elle fait réaliser à l'agriculture, sou principal instrument de production : la terre.
Ce résultat est trop important pour qu'il soit permis de négliger aucun des moyens qui peuvent contribuer à l'atteindre ; aujourd'hui moins que jamais, car cette importance grandit chaque jour par suite de l'accroissement de la population. Si vous voulez éloigner du pays le fléau de l'émigration, il faut absolument songer à procurer aux nouveaux venus des ressources nouvelles.
Or, d'après toutes les autorités compétentes, rien n'agit plus efficacement dans ce sens que l'établissement de bonnes voies de communication. Ces idées sont trop élémentaires pour que je doive insister.
D'autre part, les arguments irréfutables que le conseil communal d'Houffalize a consignés dans sa pétition du 4 avril de l'année dernière et les développements que l'honorable bourgmestre de cette ville, M. Urbin-Choffray, a présentés à plusieurs reprises au sein du conseil provincial à l'appui de sa proposition, me dispensent d'énumérer tous les avantages immédiats que produirait l'accueil de la demande formulée. Qu'il me suffise de vous dire que ce prolongement de route amènerait la fertilisation d'une immense étendue de bruyères dont l'aridité est proverbiale, depuis des siècles et qu'en outre, d'un côté, il ferait du tronçon de route (page 649) aujourd'hui en construction un affluent très considérable vers le chemin de grande communication de Bastogne à Laroche, et de l'autre côté faciliterait le transport vers Stavelot et Malmédy, des bois et des écorces dont abondent les territoires qu'il traverserait.
Enfin il relierait à la voie ferrée des communes importantes comme Flamierge, Bertogne, Mabompré et dix autres qui sont dépourvues de chemins praticables.
Vous pouvez m'en croire, c'est à ce point que l'arrondissement de Bastogne est éloigné de la réalisation des idées que M. le président développait ici, il y a douze ou quinze ans, en posant en principe que chaque commune doit avoir sa route empierrée.
M. le ministre aurait donc mauvaise grâce à me répondre, quant à l'examen que je lui demande, par la phrase stéréotypée à l'usage de tous les ministres des travaux publics dans la discussion de leurs budgets. Ce n'est pas à moi qu'il pourrait dire : « Vous n'avez pas à vous plaindre ! »
L'arrondissement que je représente est dans une situation exceptionnellement déplorable. Dépourvu de canaux et de rivières navigables, il n'a pas, après une attente de 20 années, un seul kilomètre de chemin de fer en exploitation.
De plus, la proportion entre la longueur des routes existantes et l'étendue territoriale y est très notablement au-dessous des la moyenne générale. Par conséquent, vous voyez que j'ai le droit de me plaindre au nom de mes commettants. Je désire que ce droit soit bien établi, parce que je compte en user, et en user avec zèle.
Mes commettants ont été très souvent déçus dans leurs espérances les plus légitimes.
M. Bouvierµ. - Mais votre prédécesseur a très souvent parlé en faveur de son arrondissement.
M. Van Hoordeµ. - Ils n'en ont pas moins été privés de leur part du budget.
Malgré le talent de mon prédécesseur, ils ont été traités comme des bâtards et des parias. (Interruption.)
M. Bouvierµ. - Ce n'est pas dans notre pays qu'il y a des parias.
M. Van Hoordeµ. – Cela n'aurait pas dû être, mais cela est ! C'est précisément, parce qu'ils ont été traités si mal dans le passé, qu'ils ont de sérieuses inquiétudes pour l'avenir.
Le malheur rend défiant, vous le savez tous, et ce sera l'excuse de la question que je vais avoir l’honneur de poser pour eux à M. le ministre des travaux publics.
Personne n'ignore l'étrange fatalité qui a pesé jusqu'à présent sur la réalisation du projet de chemin de fer qui devait relier Bastogne aux autres parties du pays. Ce projet date de la convention conclue en 1846 entre le gouvernement et la compagnie du Luxembourg.
Successivement renouvelée en 1852 et en 1855, cette convention n'avait pas encore reçu son exécution en 1860, bien qu'à cette époque la Compagnie eût fait fructifier son entreprise au delà de toutes les espérances, et fût incontestablement tenue, de l'avis unanime, à l'observation de ses engagements. « Si vous n'exigez pas cette réalisation, disait au ministère actuel mon honorable prédécesseur, c'est que vous n'êtes pas soucieux des intérêts de mon arrondissement ! » Ces paroles, paroles d'un ami cependant, se perdirent dans les couloirs de la Chambre.
Le gouvernement n'exigea rien. La compagnie du Luxembourg était dans l'opulence ; et elle, pour qui tous les ministres avaient eu, avec raison, je m'empresse de le dire, tant de bonté dans les mauvais jours ; elle qui si souvent avait été relevée des déchéances qu'elle avait encourues, elle à qui avaient été restitués des capitaux considérables confisqués, devenus la propriété de l'Etat, elle n'eut pas un centime à débourser pour Bastogne. Le gouvernement n'exigea rien, il laissa Bastogne en quarantaine, et la Compagnie du Luxembourg jouir paisiblement, commodément, des avantages qu’elle recueillait sans se soumettre à ce qu’à tort, d'après les chiffres plusieurs fois produits dans cette enceinte, elle considérait comme une charge. (Interruption.)
Cependant l'arrondissement avait un droit acquis ; mais d'après les propres expressions de son ancien représentant, le ministère actuel ne se souciait pas de ses intérêts. Et dire qu'on s'est étonné de l'humiliant défaite qu'il y a subie. Il avait lui-même battu en brèche, de tous les côtés, et de toutes les manières, ce qu'il appelait sa forteresse des Ardennes. Froissant les sentiments profondément religieux des populations de l'arrondissement, sourd quand même et de parti pris à leurs justes réclamations... (Longue interruption.)
M. Bouvierµ. – Votre forteresse à vous, c'est le séminaire de Bastogne.
MpVµ. - Je prie M. Van Hoorde de ne pas attaquer un ancien membre de la Chambre qui n'est pas présent et ne peut se défendre.
M. Van Hoordeµ. - Je n'attaque aucun membre de la Chambre, ancien ou nouveau, présent ou absent. Je rappelle simplement les paroles que l’ancien député de Bastogne a prononcées ici, mais je ne le mets pas en cause. Je parle du gouvernement, et c’est à lui que je m’adresse. Je lui explique le secret de son échec de l’année dernière. Je lui dis que cet échec provient de ce qu’il a froissé les intérêts matériels, et fait trop bon marché des intérêts moraux de l'arrondissement. Je lui prouve, les avertissements |dc mon prédécesseur à la main, que dans la question du chemin de fer il a sacrifié Bastogne à une compagnie puissante. J'établis qu'il n'était pas besoin de chercher ailleurs la cause de sa défaite, d'accuser les catholiques, d'abord de s'être emparés de la place par surprise, puis par corruption, en achetant la garnison. La place était ouverte. Il l'avait démantelée lui-même, et la garnison était sans armes ç
Depuis 1863, une nouvelle convention a été faite pour l'exécution du chemin de fer. Un nouveau délai a été stipulé. Sera-t-il le dernier ? Je prie instamment M. le ministre de me répondre. Je sais bien qu'il ne peut pas être garant de ce que feront ses successeurs éventuels. Aussi je lui demande simplement si, dans sa pensée, ce nouveau délai est le dernier, et comment il agirait si à l’expiration de ce délai, étant encore ministre, il voyait les déceptions anciennes se renouveler. Sa conduite serait-elle conforme à la conduite qu'il a tenue en 1860 et 1861 ?
Encore une fois, l'expérience faite autorise ma question. L'arrondissement que je représente a été si fréquemment trompé dans son attente, qu'il est certainement fondé à regarder l'avenir avec crainte. Le chemin de fer de Longlier à Bastogne ne se fera jamais ! voila ce qui s'y répète chaque jour. On le dit et on le croit.
Si je ne craignais pas d'abuser des moments de la Chambre, et de manquer au respect que je lui dois, je lui communiquerais, à l'appui de mon assertion, une scène de mœurs électorales.
- A droite. - Parlez ! parlez !
M. Van Hoordeµ. - Du reste, si cela était, je la prie d'avance, au nom de mon inexpérience parlementaire, de vouloir bien m'excuser. Ce qui prouve que la conviction dont je vous parle est enracinée dans l'arrondissement de Bastogne, c'est qu'en ce moment même, la lutte électorale qui y est déjà partiellement engagée, a été portée sur ce terrain. Un troisième candidat a surgi entre l’ancien député et le représentant actuel. Enfourchant cette queue du doctrinarisme dont M. le ministre des affaires étrangères a parlé avec tant de mépris dans la dernière discussion politique... (Interruption.)
M. de Moorµ. - C'est le dada des évoques qu'il aurait dû enfourcher.
M. Van Hoordeµ. - ... il s'est mis en campagne, ce qui, soit dit en passant, prouve que, dans certains endroits au moins, les catholiques sont purs du contact que M, le ministre leur reprochait alors. (Interruption.)
Je dis donc que ses partisans à lui, peu importe que vous les nommiez des avancés ou les hommes de la queue du parti, selon l'expression de l'honorable M. Rogier...
M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Vous vous trompez. L'expression est de M. Dechamps. (Interruption.)
M. Goblet. - C'est donc la queue de M. Dechamps.
M. Bouvierµ. - Assez de queues comme cela, mieux vaudrait les supprimer.
M. Van Hoordeµ. - Je croyais que le mot était de M. Rogier, qui l'a tout au moins employé sans soulever aucun murmure. Quoi qu'il en soit, il est certainement devenu parlementaire, ayant été consacré par une double autorité.
Je reprends. L'argument des amis du nouveau candidat consiste à dire : Il est clair que le chemin de fer de Longlier à Bastogne ne se fera par aucune société concessionnaire, qu'il y a entre la société concessionnaire actuelle et le ministère actuel la même contre-lettre que celle qui existait entre ce ministère et la compagnie du Luxembourg ; niais voici M. un tel, qui est banquier et qui désire être votre représentant. N'en doutez pas, s'il est élu, il construira la ligne à lui seul, en gage de reconnaissance.
Evidemmeut, les électeurs de l'arrondissement sont trop intelligents pour croire un seul mot de tout ce qui, dans ces phrases, constitue la réclame électorale.
Mais je vous signale le fait parce qu'il établit qu'aux yeux de beaucoup de personnes, le chemin de fer de Bastogne rendu obligatoire par la convention de 1846 et un grand nombre de conventions postérieures, toujours ajourné malgré cela, est définitivement relégué dans le pays des (page 650) rêves et des chimères. C'est pour faire cesser ces inquiétudes que j'ai prié M. le ministre de nous déclarer ce que nous avons à craindre ou à espérer à cet égard.
(page 653) M. Debaets. - Je m'autoriserai de l'exemple des honorables collègues qui viennent de parler pour rattacher à des observations qui trouvent leur place dans la discussion générale, quelques autres considérations qui touchent aux détails du budget. Je crois répondre, en agissant ainsi, au vœu de la Chambre qui désire, sans doute, que ses débats ne se prolongent pas outre mesure, et de M. le ministre des travaux publics, qui ne sera pas forcé de se lever plusieurs fois pour répondre à mes observations.
Bien souvent, messieurs, la réflexion a été faite par les administrations communales et par le gouvernement lui-même, et par des sociétés particulières, que la loi sur l'expropriation forcée met une véritable entrave au développement des grandes entreprises industrielles, aux assainissements et aux embellissements des villes, aux travaux d'utilité générale.
La loi sur l'expropriation, qui nous régit, sauvegarde d'une manière complète le principe constitutionnel que : nul ne peut être privé de sa propriété sans une indemnité juste et préalable, abrège les formalités de la procédure, mais elle n'enlève point, au contraire elle crée des obstacles sérieux, réels, à l'esprit d'entreprise, aux aspirations des grandes villes et au désir du gouvernement de développer de plus en plus les travaux d'utilité publique.
Il est évident que la Chambre n'est pas compétente pour statuer hic et nunc sur les modifications qu'il y aurait lieu d'apporter à la législation en cette matière.
Je me permets néanmoins de signaler la question à l'attention spéciale de M. le ministre des travaux publics, parce que, à l'heure qu'il est, cette question fait l'objet d'études sérieuses et la solution en est vivement désirée par quiconque se mêle de travaux publics.
Récemment encore elle a été soulevée au sein du conseil communal de Gand et a déjà donné lieu à de remarquables travaux de la part de plusieurs publicistes distingués de Bruxelles et d'ailleurs.
Pour résumer, sous une forme plus pratique, les observations que je viens de présenter, je pose au gouvernement la question de savoir s'il ne serait pas utile d'étudier ce qu'on appelle le système des expropriations par zones ; mode d'expropriation qui, en sauvegardant, dans une large mesure, les intérêts privés permettrait aux administrations publiques et aux particuliers entreprenants de donner plus d'essor à leurs entreprises.
J'ai maintenant à présenter quelques observations qui touchent aux articles du budget. La Chambre fera probablement cette réflexion : C'est toujours la même chose. Mais enfin, messieurs, je crois que lorsqu'on réclame des choses justes, il faut bien frapper jusqu'à ce qu'on vous ouvre.
Je reviens donc à notre pont d’Hansbeke, dont j'ai eu déjà l'occasion de parler et sur lequel mon honorable ami M. Kervyn de Volkaersbeke, retenu chez lui par un motif impérieux, a plusieurs fois déjà appelé l'attention du gouvernement.
Ce pont, messieurs, présente une utilité réelle, incontestable, et je dois insister de nouveau sur la nécessité de le construire, parce qu'il n'est pas de travail plus utile, dans la catégorie des travaux secondaires ; il n'en est pas qui aurait des conséquences immédiates aussi avantageuses pour l'Etat. Il s'agit, en effet, de relier deux des cantons les plus populeux du district de Gand, celui de Somerghem et celui de Nevele, qui tous deux sont sillonnés par un réseau de chaussées, reliant un ensemble de communes importantes.
Ces deux cantons restent isolés l'un de l'autre à défaut d'un pont sur le canal à Hansbekc.
Vous le voyez, messieurs, la question n'intéresse pas seulement les nombreux et importants villages, mais intéresse encore le trésor public ; car l'exécution du travail que j'indique donnerait un puissant affluent au chemin de fer de l'Etat ainsi qu'au service postal et télégraphique.
Je dois insister d'autant plus que, je le dirai franchement, je crains qu'on n'insinue qu'il y a question de clérical ou de libéral à propos de ce pont ; et je rends avec plaisir cette justice à M. le ministre des travaux publics que personnellement dans les questions de travaux publics, il ne mêle pas des affaires de parti.
- Voix à gauche. - Ce n'est point l'avis de M. Van Hoorde.
M. Debaets. - Je comprends, messieurs, que l'honorable M. Van Hoorde se défende quand il est attaqué ; mais je ne suis pas dans cette position et je puis en toute liberté et surtout sans avoir à craindre qu'on me soupçonne de faire de la réclame électorale, rendre à M. le ministre des travaux publics la justice que je crois lui être due. Je répète donc que je ne désire pas voir insinuer le clérical et le libéral à propos de ce pont que l'on pourrait comparer à celui de Vinderhaute ; je propose que le gouvernement mette une bonne fois la main à l'œuvre.
Messieurs, pendant que je suis sur le pont d'Hansbeke, je me permettrai de signaler à l'attention de la Chambre un fait très regrettable et infiniment préjudiciable pour le commerce de Gand. J'en ai déjà dit un mot à propos d'un incident soulevé par les honorables députés d'Ostende et de Bruges, relativement au rouissage.
Il s'opère sur le canal de Bruges une série de travaux publics auxquels j'applaudis, mais auxquels j'applaudirais davantage si ces travaux étaient complets, surtout s'ils étaient bien conduits. Je dis si ces travaux étaient complets, voici pourquoi ils me semblent ne pas l'être.
On a approfondi le canal pour permettre aux bâtiments de mer d'arriver au port de Gand, en cas de baisse d'eau dans le canal de Terneuzen.
Cet approfondissement a nécessité la reconstruction des ponts sur toute la longueur du canal.
On a de ce chef dépensé une somme très considérable. Bien des hommes de l'art soutiennent que le canal aurait dû en même temps être élargi parce qu'à mesure qu'on opère l'approfondissement et à peine les machines à vapeur déplacées, les berges s'affaissent et le canal retourne à son ancienne profondeur.
Si cet état de choses ne doit pas nécessiter la reprise immédiate des travaux, dans quelque temps il faudra du moins faire des dépenses considérables d'entretien.
Je passe au fait qui me paraît le plus grave.
Il y a entre Vinderhaute et Mariakerke un siphon.
Les eaux du canal doivent être maintenues à un niveau supérieur aux campagnes du côté gauche. Pour évacuer les eaux de ces terres, on a dû faire passer la Lieve sous le plafond du canal ; en approfondissant le canal, il fallait nécessairement baisser le siphon. Le commerce de Gand, de Bruges et d’Ostende a été prévenu qu'un chômage de 70 jours était nécessaire pour exécuter ces travaux.
Les 70 jours s'écoulaient et les travaux n'avançaient pas.
On rencontra un siphon de construction quasi-romaine, où l'on dut employer la poudre.
L'été marchait rapidement, on était dans la persuasion que les travaux ne seraient pas achevés avant l'hiver, les terrains de la rive gauche étaient menacés d'être prochainement inondés, la voie d'évacuation se trouvant coupée.
Le siphon en maçonnerie devait être remplacé par un siphon en bois de chêne.
Je n'ai pas à apprécier l'utilité de cette substitution du bois à la pierre. Je ne suis pas compétent.
Mais il ne faut pas être un homme de l'art pour savoir que, bois ou pierre, le nouveau siphon devait être de la même dimension que l'ancien. Or, le siphon qu'on a fait n'est pas de dimension suffisante ; pressé par les circonstances et les réclamations du commerce, on a fini par substituer à l'ouvrage projeté un ouvrage très mesquin ; on a diminué de moitié la dimension du siphon.
Je crains fort et je souhaiterais bien que ca fût à tort, mais je crains qu'il n'en résulte de grands embarras plus tard.
Mais ce que je critique surtout, c'est le long temps qu'on a mis à exécuter ce travail.
Voulez-vous avoir une idée des conséquences que ce retard a eues pour le batelage ?
Lorsque arriva la fin des 70 jours officiellement annoncés, il y avait en amont du barrage élevé pour protéger les travaux plus de 100 bateaux chargés de charbons ; ils ont dû rebrousser chemin, remonter la Lys, pour descendre dans le canal de Bruges par le canal de Deynze à Schipdonck.
Vous pouvez imaginer quels mécomptes et quelles pertes a occasionnés ce chômage de cinq mois. Vous avez entendu un seul industriel réclamer à la Chambre plus de trente mille francs d'indemnité. Laissons de côté la question s'il a droit, et l'exagération possible de la demande. Mais enfin cette demande et d'autres plaintes réitérées prouvent que cette interruption a été extrêmement préjudiciable au commerce de Gand. de Bruges et du pays en général.
Des faits semblables ne devraient se reproduire que le moins possible dans les cas imprévus, ou de force majeure ; ici il n'y a pas eu de force majeure, produite soit par surabondance d'eau, soit par rupture de digue, ou autrement.
En quittant le canal de Bruges, permettez-moi, messieurs, une courte excursion sur le Moervaert. Je demanderai à mon honorable ami M. Van Overloop l'autorisation de m'engager quelque peu sur son territoire, tout en restant dans mon district.
(page 654) Plusieurs projets de chemins de fer doivent s'exécuter dans un délai rapproché dans le Nord de la Flandre orientale, notamment celui de Terneuzen et celui de Lokeren à Selzaete. Il s'agira de faciliter autant que possible l'accès des stations à toutes les communes voisines du parcours.
Les communes de Mendonck, Desteldonck et une partie d'Oostacker se trouvent reléguées dans un coin, dans une impasse formée par le Moervaert et le canal de Terneuzen, sur lesquels, en cet endroit, il n'existe aucun pont.
Il importerait donc de construire un pont sur le Moervaert pour relier ces communes à celle de Wynkel et à la future station de Wachtebeke, ce pont aurait encore l'avantage d'établir entre ces dernières localités, celles de Cluyzen, Terdonck et Doorezeele une communication facile avec Desteldonk, Saffelaere, Oostacker et Loochristy qui toutes s'efforcent d'établir des routes pavées dans toutes les directions, et qu'il importe de ne point tenir isolées entre elles par des canaux infranchissables.
Permettez-moi, messieurs, de faire maintenant quelques courtes observations sur le service postal. Je n'entamerai pas la question de la taxe uniforme de 10 centimes, je pourrais être accusé de plagiat.
M. le ministre de l’intérieur, avant qu'il fût ministre, a prouvé d'une manière péremptoire que l'introduction de la taxe uniforme de 10 centimes serait une mesure utile, désirable, avantageuse au trésor. Je ne veux pas affaiblir cette démonstration que je trouve dans plusieurs de ses discours, et je me borne à regretter que l'honorable ministre ne soit pas encore parvenu à convaincre ses honorables collègues.
II y a, messieurs, dans le service général des postes des lacunes, des parties qui laissent beaucoup à désirer. II est de fait que les correspondances entre Bruxelles et Paris ou Bruxelles et Londres s'échangent avec beaucoup plus de régularité _et de rapidité qu'entre Bruxelles et les villes de province.
Je pourrais apporter de nombreux exemples et je tiens ici une lettre qui m'a été adressée à Bruxelles. Elle porte le timbre de Gand 8 heures du matin.
Elle a été distribuée à Bruxelles vers le soir. Or, à 8 h. 25, il part de Gand pour Bruxelles un train express ; il y a un autre départ à 11 h. 25, sans compter les trains de marchandises.
Il est certain que c'est là un état de choses auquel on devrait, dans la mesure du possible, remédier.
Mais ce qui existe pour les relations entre les petites villes et les campagnes laisse plus encore à désirer. L'honorable député de Charleroi l'a prouvé à satiété. Je me joindrai à lui pour prier l'honorable ministre des travaux publics de multiplier autant que possible les bureaux de poste dans les communes rurales importantes et de généraliser le service des malles-postes, car, messieurs, le service des malles-postes ne doit pas seulement être considéré comme un moyen de transporter les lettres.
Il faut, comme l’a dit l'honorable M. de Naeyer, augmenter les affluents vers les stations parce que c'est une compensation pour les communes qui sont à tout jamais privées de chemins de fer : on doit encourager ce système le plus que l'on pourra.
Messieurs, dans une autre discussion du budget des travaux publics, j'ai soutenu les réclamations faites par le commerce de Gand et la création de timbres-poste de 5 centimes pour les lettres qui doivent circuler dans une même commune.
On m'a répondu, à cette époque, que cela pourrait présenter des inconvénients, que par exemple pour l'aggloméré de Bruxelles, il eût été illogique d'exiger 10 centimes pour une lettre allant de Bruxelles à Saint-Josse-ten-Noode et de n'en demander que 5 pour une lettre circulant dans Bruxelles ou dans une des communes suburbaines.
L'objection disparaît en décrétant des timbres-poste à 5 centimes pour les lettres circulant dans une seule commune, ou à destination d'une commune voisine, ou dans un certain rayon. Par exemple, toute difficulté disparaîtrait en décrétant que la lettre sera passible d'un droit de 5 centimes lorsqu'elle circulera dans Bruxelles, ou de Bruxelles à une commune suburbaine ou d'une commune suburbaine à une autre. Il en serait de même pour les autres localités.
Je pense que se serait un acheminement vers un système plus radical présenté par l'honorable ministre de l'intérieur quand il était député et que j'appuie de tous mes vœux. Cet acheminement permettrait de constater si les conséquences financières que redoute l'honorable ministre des finances sont réellement à craindre.
Ne vous faites pas illusion, messieurs, le commerce a besoin, - cela devient banal à force d'être redit, mais il est bon que la vérité soit redite, - le commerce a besoin de communications rapides et promptes et de n'être pas embarrassé par des droits et des entraves quelconques.
Ainsi la mesure que vient de prendre l'honorable ministre des finances, la suppression du timbre d'avis, est une excellente mesure dont le commerce lui saura gré.
Pour le commerce, il y a des relations de tous les instants. Au bout d'une semaine les timbres de 10 centimes s'additionnent et voici ce que l'on essaye de faire. On essaye de substituer un autre mode de transport à celui de l'Etat. A l'aide des services de messagistes et de commissionnaires, il se fera bientôt une rude concurrence à l'Etat. Je ne sais pas quel est le tarif d'une institution analogue à Bruxelles, mais nous avons eu chez nous un service organisé qui fait une commission à raison de 15 centimes.
Cette institution pourrait traiter à forfait pour le transport de 15 ou 20, 100 lettres, à raison d'une rétribution bien inférieure au droit perçu par l'Etat et avec une célérité beaucoup plus grande dans l'expédition. Et il serait bien difficile de réprimer cette concurrence au moyen de cette vieille loi, de ces abus d'un autre âge qui frappe encore de 150 francs d'amende l'individu qui aura transporté une lettre. Car en supposant, ce dont je doute beaucoup, que cette loi puisse être maintenue, l'application en sera difficile.
Les commissionnaires deviennent des hommes de confiance et ils pourront faire des commissions verbales, porter des lettres ouvertes, etc. Je signale la chose à l'attention du gouvernement, et je crois qu'il y aurait lieu d'accéder aux vœux du commerce en créant des timbres-poste de 5 centimes.
La section centrale, messieurs, vous a parlé du timbre adhésif, pour petites marchandises.
Elle a donné de trop bonnes raisons pour justifier ces vœux, pour que j'insiste sur ce point.
Il y en a d'autres, messieurs, que j'ai eu l'honneur de signaler dans une autre occasion à M. le ministre des travaux publics et que je me permets de présenter à la Chambre.
L'administration des postes a fait une chose utile, que j'approuve et que je loue, c'est la création de bureaux annexes dans les faubourgs de Bruxelles. Il y a le bureau central rue de la Montagne.
Il y a un bureau annexe à Molenbeek-Saint-Jean, un chaussée d'Ixelles, un derrière l'observatoire. II y a de plus un bureau à la station du Nord.
Je crois, messieurs, que nous avons le droit de demander la même chose à Gand. Je pense même que le gouvernement a intérêt à nous l'accorder. Outre nos trois stations de l'Etat de Gand-Eecloo-Bruges et d'Anvers-Gand, nous avons une station de marchandises, il faut bien l'appeler ainsi, au grand entrepôt du Dock.
Cette partie nord de la ville est le quartier général de notre industrie. Eh bien, il se trouve à une demi-lieue du bureau central et il n'y a pas ni bureau de postes, ni bureau télégraphique.
Les capitaines de navires et les négociants qui ont à correspondre avec Anvers, Terneuzen, Flessingue, doivent aller jusqu'au palais de justice pour charger une lettre ou pour envoyer une dépêche.
Le dock n'a pas seulement son importance commerciale : de magnifiques établissements industriels s'élèvent de tous côtés. A l'ancienne porte du Sas ont surgi de vastes fabriques dont l'honorable M. de Rongé saurait mieux que moi, vous dire l'importance. De la porte du Sas jusqu'à Akkergem, partout des usines considérables. J'ai le droit de réclamer pour les stations des chemins de fer concédés, pour l'entrepôt de l'ancienne porte de Bruges et d'autres endroits, la création de bureaux annexes, qui mettent le service postal à portée de l'industrie et du commerce. Ces diverses succursales pourraient être reliées entre elles et au bureau central par un service de voitures, afin d'accélérer le départ et la distribution des correspondances. Je me constitue ici l'écho de justes réclamations auxquelles le gouvernement ferait bien de faire droit.
Un dernier mot, messieurs, et je finis.
On améliore tous les jours le service international des postes ; je demande qu'on fasse quelque chose dans ce sens pour les relations de la Flandre orientale avec la Zélande qui est notre province limitrophe ; car il y a là bien des choses qui laissent à désirer.
Nous sommes à 7 heures de Terneuzen. Par Terneuzen nous arrivent toutes les correspondances de la Zélande, de Goes, Middelbourg, Flessingue, etc., etc.
Eh bien, savez-vous quelles sont nos relations postales avec ces localités ?
Le matin, à 7 heures, il arrive de Terneuzen une petite voiture qui amène les dépêches de la Zélande, de Middelbourg, Flessingue, déposées à Terneuzen la veille à 4 heures. Par conséquent, plusieurs de ces dépêches sont déjà de l'avant-veille ; car elles doivent d'abord être expédiées à Flessingue. La malle-poste arrive à Gand à onze heures et demie, et la distribution des lettres est faite entre 2 et 3 heures. A 3 heures, la (page 655) malle-poste repart pour Terneuzen; de sorte que pour répondre vous devez attendre le lendemain.
Cette malle-poste, partant de Gand à 3 heures, arrive à Terneuzen à 8 heures du soir ; et ce n'est que le lendemain que les dépêches de Gand pour Middelbourg et Flessîngue passent l'Escaut.
Je vous laisse à apprécier l'intervalle énorme qui doit s'écouler entre la dépêche et la réponse qu'elle provoque.
Il est inutile de vous dire l'importance de nos relations avec la Zélande.
Je crois qu'il suffit d'appeler l'attention de M. le ministre des travaux publics sur ce point pour qu'il soit fait droit aux réclamations qui se produisent. Je lui indiquerai même un moyen d'y faire droit immédiatement.
Le chemin de fer de Gand à Bruges par Eecloo passe par Maldegem, bourg important, voisin de la frontière zélandaise, peu distant du port de Breskens ; que l'on établisse un service direct de malle-poste entre Maldegem et Breskens qui se trouve sur l'Escaut, juste en face de Flessîngue.
Il sera en communication directe avec le service des bateaux à vapeur entre Flessingue et Breskens; l'on pourra voir deux fois par jour des communications entre la Zélande et la ville de Gand.
M. le ministre des travaux publics a fait une chose que je regarde comme bonne ; il a établi des convois de banlieue. Mais je voudrais que nous pussions en profiter un peu plus. Car s'il est agréable de voyager de Bruxelles à Alost, sans s'arrêter aux halles intermédiaires, il serait tout aussi agréable d'aller d'Alost sur Gand sans s'arrêter. Je pense qu'il ne serait pas impossible d'organiser pour les grandes villes comme Anvers, Gand, Bruges, Mons, des convois de banlieue se trouvant en rapport ave ceux organisés à l'entour de Bruxelles. Ce serait un acte de justice administrative que je réclame du gouvernement.
(page 650) M. Beeckman. - A plusieurs reprises j'ai entretenu la Chambre de la construction d'un canal qui devrait relier la ville de Diest au canal de la Campine. Je ne reviendrai pas sur tous les arguments que j'ai fait valoir. Je demanderai seulement à M. le ministre des travaux publics où en sont les études de cette affaire, et si la ville de Diest peut espérer de voir bientôt mettre la main à l'œuvre.
Je demanderai également à l'honorable ministre des travaux publics s'il ne serait pas possible d'établir des bureaux de poste à différentes stations de chemins de fer et notamment du chemin de fer direct d'Anvers vers Hasselt. Je citerai une station qui aura une grande importance : c'est celle qui se rapproche le plus de la commune de Montaigu. Je crois que, vu l'importance de cette station, il sera indispensable d'y établir un bureau de poste et un bureau de télégraphe.
Je crois aussi que la station de... à quelques lieues de là aura son importance, attendu que cette localité a un commerce très étendu.
J’espère que M. le ministre des travaux publics voudra bien donner une réponse à ces différentes questions.
M. de Conninckµ. - Messieurs, dans la note préliminaire du budget du ministère des travaux publics, le paragraphe 3 de l'article relatif au bassin de l'Yser, la reconstruction du pont de Knocke, m'a particulièrement frappé.
Ce paragraphe est ainsi conçu :
« Ce pont est dans un état complet de vétusté. Un crédit, s'élevant également à la somme de 11,000 fr., avait déjà été alloué au budget de 1862 pour le reconstruire ; mais il n'a pas été disposé de ce crédit, la rédaction du projet du travail auquel il aurait dû être affecté, ayant nécessité des études qui n'ont pas permis d'adjuger l'entreprise avant la fin de l'exercice. »
Depuis quatre ans il y avait nécessité urgente de reconstruire ce pont ; nécessité reconnue par l'honorable M. Vanderstichelen même, puisqu'il disait, en 1861, pour justifier la demande d'un crédit de 11,000 fr. pour la reconstruction du pont de Knocke :
« Ce pont se trouve dans un état complet de vétusté. »
Pourquoi n'a-t-il pas été fait usage de ces 11,000 fr. ?
Il n'est pas possible d'admettre avec l'honorable ministre des travaux publics que la rédaction du projet du travail auquel ce crédit aurait dû être affecté, ait nécessité des études, qui n'ont pas permis d'adjuger l'entreprise avant la fin de l'exercice de 1862.
Pour demander un crédit, il faut qu'il existe un plan, un devis, et que par conséquent les études pour la rédaction du projet de travail soient achevées.
Pourquoi l'entreprise n'a-t-elle pas été adjugée pendant l'exercice 1863 ?
La note préliminaire ne le dit pas.
N'est-ce pas plutôt par négligence que par défaut d'étude, que cette reconstruction n'ait pas été faite.
Ce pont est dans un état de vétusté tel, que depuis un an le passage en a été interdit aux voitures.
Il est démoli en grande partie. On n'osait même plus le lever pour le passage des bateaux de crainte qu'il ne s'écroulât.
Dans son budget rectifié, M. le ministre vient nous demander 25,800 fr. au lieu des 11,000 fr. d'abord demandés, sous prétexte qu'il y a nécessité de remplacer le pont le vis actuel par un pont tournant. Là n'était pas la nécessité.
Il était bien plus nécessaire de construire un pont levis il y a quatre ans, que de construire un pont tournant l'année prochaine.
Quel immense préjudice n'a-t-on pas causé aux négociants el aux cultivateurs obligés de faire un détour de plus de vingt kilomètres ! Car remarquez, messieurs, qu'il n'y a d'autre communication entre les rives de l'Yser, et celles du canal d'Ypres à l'Yser sur une distance de plus de quatre lieues que par ce pont, à moins de citer le méchant bac de Peereboom, aussi nuisible à l'écoulement des eaux qu'impraticable aux voitures.
Aussi je demanderai à M. le ministre des travaux publics, de vouloir faite remplacer ce bac par un pont, devenu d'autant plus nécessaire qu'une route destinée à relier quatre importantes communes à la ville de Loo viendra bientôt aboutir aux rives de l'Yser à l'endroit de remplacement du bac actuel.
J'ai vu, dans le Moniteur du 25 juin dernier, que M. le ministre annonçait que l'exécution dus travaux du pont de Knocke aurait lieu prochainement. Mais comme nous attendons vainement cette reconstruction depuis cinq ans, j'espère que la rédaction du projet du travail ne nécessitera plus de nouvelles études, et que M. le ministre prendra des mesures immédiates pour que la reconstruction, reconnue urgente, indispensable, il y a 4 ans, se fasse le plus tôt possible.
Je finis en recommandant à M. le ministre la pétition que l'administration communale de Dixmude vient de lui adresser, demandant l'établissement d'une écluse à l'endroit dit Bertegat à Kaeskerke, écluse si nécessaire au commerce, à l'industrie et à l'agriculture de l'arrondissement de Dixmude, la nouvelle écluse construite près de Nieuport entre le canal de Furnes et le Koolhofvaert étant trop étroite pour permettre les communications par bateaux entre le Furnes Ambacht et le reste du pays. Je ferai remarquer que la construction de cette écluse ne nécessitera pas de nouveau crédit.
Dans l'ensemble des grands travaux à exécuter à l'Yser se trouvent comprises 3 écluses à établir sur le canal de Loo. D'après la pétition de l'aveu même du corps des ponts et chaussées, une seule est nécessaire. Avec les fonds destinés aux deux autres, on pourrait exécuter les travaux que je demande.
J'espère que M. le ministre des travaux publics donnera une réponse favorable aux justes réclamations des populations des arrondissements de Furnes-Dixmude et Ypres, dont la chambre de commerce de cette dernière ville s'est fait encore récemment l'organe.
M. J. Jouret. - Je n'ai que quelques courtes observations à faire. Je désire de nouveau appeler l'attention du gouvernement sur le chemin de fer du Centre à la ligne du Midi, soit des deux Houdeng directement à Jurbise par le Rœulx ; soit du même point à Jurbise par le Rœulx, avec embranchement sur Soignies et sur Neuville, près de Jurbise.
Messieurs, à la fin de la session dernière, j'ai eu l'honneur de présenter à cet égard des observations assez longues à la Chambre. Je ne veux pas lui fournir une seconde édition de ces observations. Je me rappelle qu'alors il n'a pas été fait d'objection sérieuse aux considérations que j'ai présentées.
Une seule cependant m'avait été opposée par M. le ministre des travaux publics et c'est celle-ci : « Il n'y a pas d'intérêt public engagé dans cette question ; le raccourcissement que produira ce chemin de fer sera insignifiant ; ii ne sera que de sept kilomètres. »
J'ai répondu immédiatement à M. le ministre que, comparativement au parcours par Ecaussines, le raccourcissement serait de 15 kilomètres et relativement au parcours par Mons, de 10 kilomètres. J'ai maintenu que le document sur lequel je m'étais appuyé, était de la plus parfaite exactitude.
Maintenant, messieurs, une demande de concession nouvelle a été faite par M. Brasseur, banquier, à Bruxelles, et dans cette demande de concession le travail de comparaison des différentes distances a été fait avec infiniment de soin. Je demande à la Chambre la permission de lui indiquer le rapport de ces longueurs, et cela est d'autant plus à propos que là se trouvait la seule objection qui fût faite aux motifs sur lesquels s'appuyait cette demande en concession.
Il résulte de la comparaison de ces distances que :
(Le tableau comparatif des distances n’est pas repris dans la présente version numérisée)
Vous le voyez, messieurs, j'avais parfaitement raison de dire à M. le ministre des travaux publics, l'année dernière, que j'étais en droit de maintenir le rapport des distances que j'avais signalé, et je crois qu'il est inutile d'insister sur ce que ce raccourcissement de parcours produira (page 651) d'avantages au centre industriel dont je défends en ce moment les intérêts.
Messieurs, en adoptant la plupart des concessions récentes de chemins de fer : la ligne du Plateau-de-Herve, celle de Braine-le Comte à Gand, d'Ath à Hal, d'Anvers à Hasselt, de Saint-Ghislain à Gand, et surtout celles de Piéton à Seneffe, de Courtrai à Denderleeuw et de Grammont à Nieuport, le gouvernement a rendu impossible toute objection sérieuse à la ligne que nous réclamons.
Sans vouloir reproduire les observations que je faisais l'année dernière, je rappellerai à la Chambre que je lui signalais les arguments contenus dans l'exposé des motifs du projet de travaux publics que l'on discutait alors et qui étaient d'une manière saisissante applicables à la ligne de Houdeng à Jurbise et Soignies. En effet, messieurs, il y était dit :
« Ce petit railway, d'une étendue de 9 à 10 kilomètres se rattachant d'une part au chemin de fer de Manage à Wavre et d'autre part à celui du Centre a Marchienne-au-Pont, a pour but de relier quelques charbonnages du Centre au chemin de fer de Manage à Wavre d'une manière plus directe qu'ils ne sont actuellement reliés, de raccourcir les distances et de faciliter ainsi le transport de ses produits vers Louvain »
Et je faisais observer immédiatement, ce que je fais encore aujourd'hui, que le chemin de fer de Houdeng à Jurbise et Soignies a également pour but de relier les autres charbonnages du centre au chemin de fer de l'Etat et au chemin de fer de Tournai à Jurbise, d'une manière plus directe qu'ils n'y sont actuellement reliés, de raccourcir les distances, de faciliter ainsi le transport des produits de nos charbonnages vers Ath, Leuze, Tournai, Lessines, la vallée de la Dendre, AIost, Termonde, etc.
D'un autre côté, messieurs, tarder plus longtemps à rattacher le Rœulx à ses chefs-lieux de province et d'arrondissement ce serait perpétuer, il faut en convenir, une injustice criante. La ville et le canton de Roeulx sont dans une position d'isolement que je ne crains pas de dire unique en Belgique. Bientôt une pareille position ne pourra plus se rencontrer nulle part. Je ferai observer, et j'appelle sur ce point l'attention de nos honorables collègues de Charleroi et de Tournai, que la ligne de Houdeng à Jurbise formera le complément d'une ligne presque directe de Charleroi à Lille.
Je suis donc autorisé à dire à mes honorables collègues de Charleroi, de Tournai, d'Ath, d'Alost et de Termonde, qu'ils sont aussi intéressés que nous à ce que la concession de cette ligne soit promptement accordée.
Messieurs, lors de la discussion du dernier projet de travaux publics, en 1863, lorsque j'eus présenté avec mon honorable collègue M. Ansiau un amendement qui tendait à nous faire obtenir cette ligne, cet amendement allait, nous le pensions du moins, être adopté lorsqu'un sous-amendement de mon honorable ami M. Dolez vient présenter en même temps une demande de concession d'une ligne de Saint-Ghislain vers Jurbise. J'en ferai l'aveu, j'ai cru dans ce moment-là que ce projet de chemin de fer n'était pas sérieux ; à aucune époque nous n'en avions entendu parler, mais depuis lors la demande de concession a été faite et a prouvé que le projet avait été étudié avec grand soin.
Si cette concession peut être accordée, quant à nous, nous adhérerons avec empressement, espérant que nos honorables collègues nous aideront aussi à obtenir la concession du chemin de fer direct de Houdeng à Jurbise.
En résumé, messieurs, la demande de concession du chemin de fer de Houdeng à Jurbise est si parfaitement justifiée à tous les points de vue, qu'il est impossible de la refuser plus longtemps au canton du Rœulx, si l'on ne veut point paralyser à plaisir le développement de son industrie et de sa richesse territoriale.
Toutefois, je comprends parfaitement qu'en l'absence d'un projet d'ensemble de travaux publics, il serait difficile au gouvernement d'accorder isolément la concession demandée ; mais, je le déclare pour ce qui me. concerne, si mes commettants me renvoient dans cette enceinte, et si dans un bref délai il n'est pas fait justice à la ville et au canton de Rœulx, qui comprend le centre industriel, dont la prospérité mérite au plus haut degré la sollicitude du gouvernement, s'il n'est pas satisfait aux promesses catégoriques qui nous ont été faites et que j'ai rappelées l'année dernière dans la discussion du projet de travaux publics, il me sera impossible de voter dorénavant un centime pour tout autre projet semblable et même de donner mon assentiment au budget des travaux publics.
(page 655) M. Guillery. - Messieurs, la voie de raccordement entre les stations du Nord et du Midi à Bruxelles excite des plaintes si unanimes et si légitimes que je croirais manquer à mon devoir si je ne m'en rendais l'interprète dans cette Chambre.
La convention malheureuse en vertu de laquelle cette voie a été établie sur les boulevards de Bruxelles, date de 1840. C'est vous dire que depuis un quart de siècle des réclamations se produisent, et ces réclamations n'ont pas abouti jusqu'ici.
Les accidents cependant sont nombreux, et les inconvénients sont tels, que les propriétés qui longent les boulevards où se trouve la voie de raccordement diminuent de valeur ; loin d'être des promenades, comme ils devraient l'être, ils sont un endroit que tout le monde évite. Les convois n'ont pas seulement occasionné des accidents bien regrettables ; mais ils entravent encore la circulation, notamment à la hauteur des portes de Flandre, d'Anderlecht et de Ninove ; ils sont une menace permanente pour les personnes qui doivent y circuler, et notamment pour les personnes qui y circulent en voiture.
De plus, ils entravent la navigation du canal et la circulation sur le pont Léopold.
Les réclamations n'ont pas été écoutées et ne le sont pas encore dans ce moment-ci; il y a plus : loin de corriger les abus, on les a augmentés.
Ainsi, aux termes de cette convention, il ne pouvait pas y avoir généralement de convois de nuit. Or, depuis le nouveau règlement relatif au service des convois, il circule pendant toute la nuit des convois qui troublent positivement la tranquillité des habitants de Bruxelles, non seulement des boulevards, mais d'une grande partie de la ville ; on entend pendant la nuit le bruit des locomotives et celui du sifflet; il y a là en pleine nuit plus de tapage que dans beaucoup de villes en plein jour.
C'est une contravention formelle à la convention signée en 1840 par MM. les ministres des travaux publics et de l'intérieur, d'une part, et la ville de Bruxelles, de l'autre.
En 1858, à la suite d'une démarche faite auprès de M. le ministre des travaux publics, la ville de Bruxelles avait reçu la promesse formelle qu'on allait mettre un terme à cet abus et qu'une autre voie de raccordement serait établie extra muros ; depuis 1858, cette promesse a toujours été renouvelée ; elle l'a été en 1861 et en 1863; elle l'a été dans des lettres très explicites de M. le ministre des travaux publics ; elle l'a été encore dans le cours de cette session, à la suite d'une interpellation que j'ai eu l'honneur de faire à M. le ministre; maïs jusqu'à présent nous n'avons que des promesses; et je le répète, loin de porter remède aux abus, on les a aggravés.
Je désirerais appeler l'attention du gouvernement sur ce qui concerne l'assainissement de la Senne.
Certes, il ne peut pas y avoir de réclamation plus légitime que celle qui consiste à demander que cette rivière ne soit pas une source d'infection, une cause de danger permanent pour la ville de Bruxelles.
Je sais que M. le ministre des travaux publics a montré, dans cette question, toute la bienveillance possible à l'égard de l'administration communale de Bruxelles, qu'il a nommé une commission chargée de préparer un projet.
Nous pouvons donc compter sur son activité bien connue. Dans mon opinion, le gouvernement doit intervenir dans la dépense qui sera faite à ce sujet.
Cette question n'intéresse pas seulement la ville de Bruxelles, elle intéresse encore un très grand nombre de communes qui pourraient avoir à souffrir de la solution de la question, si elle se faisait uniquement dans l'intérêt de la ville de Bruxelles.
Il est évident qu'il ne suffit pas d'éloigner le danger ; il faut le détruire autant que possible. Je ne veux pas m'expliquer sur les différents projets. Doit-on détourner la Senne ? Doit-on la redresser ? Doit-on la voûter ? Doit-on établir des égouts collecteurs ? Ce sont toutes questions qui sont soumises à des hommes très compétents et nous devons attendre le résultat de leurs études. Mais je crois - et j'insiste sur ce point- que le gouvernement doit intervenir dans cette dépense ,qui est vraiment d'intérêt général.
Il y a à l'appui de mon opinion différents motifs ; j'en citerai notamment un, qui montre que le gouvernement a été autrefois intéressé dans la question : les diverses concessions qui entravent aujourd'hui l'amélioration du cours de la Senne ont été accordées par le gouvernement. Est ce aux communes, est-ce à la province de les racheter aux concessionnaires ?
Je bornerai là mes observations. Il me suffit d'avoir appelé l'attention de M. le ministre des travaux publics sur ce point, et nous devons avoir la plus grande confiance dans sa sollicitude pour d'aussi graves intérêts.
M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Messieurs, en prenant la parole en ce moment, je ne viens pas faire de réclame électorale, venant demander un chemin de fer, ou tout autre travail d'utilité publique. Ce n'est pas que l'arrondissement que j'ai l’honneur de représenter dans cette enceinte n'ait plus rien à réclamer à cet égard, mais je pense que le temps n'est pas opportun; je veux seulement justifier mon vote, qui sera favorable au budget des travaux publics.
J'ai voté les budgets des autres départements sans observations, non qu'il n'y eût pas à en faire ; mais je les ai votés par sentiment de mes devoirs envers le pays. Après une lutte de sept mois pour la possession du pouvoir, lutte très stérile, on en conviendra, il m'a semblé qu'il était temps que la Chambre rentrât dans sa véritable mission, celle de faire les affaires du pays, et j'ai voté les budgets sans les discuter, sans faire d'observations, puisque le temps manquait pour les faire utilement.
J'agirai de même pour le budget des travaux publics ; je voterai ce budget, je ne ferai pas d'observations, je ne proposerai pas d'amendements, non parce qu'il n'y a pas d'observations ou d'amendements à présenter, bien au contraire ; mais, je le répète, le temps nous manque pour nous occuper utilement de cet objet. Cependant je crois devoir indiquer, d'une façon brève et raccourcie, la nature des observations que j'aurais à faire.
Messieurs, il nous arrive souvent d'avoir, directement ou indirectement, des rapports avec le ministère des travaux publics. Par ma profession, je suis souvent consulté, et par là certaines affaires viennent à ma connaissance qui peut-être n'arrivent ni à la connaissance du pays ni même à celle de ses représentants.
Ainsi, il arrive que le ministère des travaux publics a des procès à la suite de travaux exécutés par voie de cahiers de charges ; que des discussions s'élèvent entre les entrepreneurs et le gouvernement ; que le gouvernement, après avoir soutenu ce qu'il croit être son droit, succombe et soit condamné à des dommages-intérêts plus ou moins considérables.
Cela vient très souvent, du moins dans les cas qui m'ont été soumis, de ce que le cahier des charges, qui devrait être la loi du gouvernement, puisqu'il en est l'auteur, n'est pas toujours exécuté à la lettre, de sorte que quelquefois le cahier des charges est une espèce de traquenard dans lequel on veut faire tomber les entrepreneurs.
Ainsi, pour citer un fait venu à ma connaissance, puisque les tribunaux m'ont appelé à la connaître comme expert, je parlerai des écluses de Heyst. Ces écluses ont été adjugées d'après un cahier des charges.
Ce cahier des charges prescrivait certains travaux ; l'entrepreneur, avant de les commencer, a fait observer qu'ils ne pourraient pas s'exécuter dans les termes du cahier des charges. L'administration a persisté ; (page 656) l'entrepreneur a exécuté les travaux prescrits; ils n'ont pas réussi, comme il l'avait prévu ; de là discussion, procès. Le gouvernement a été condamné à des dommages-intérêts: je n'en cornais pas l'importance.
Or, le gouvernement aurait certainement évité cette condamnation s'il avait consenti à apporter aux travaux les modifications que l'entrepreneur avait signalées dès avant le commencement des travaux. Et ce qu'il y a de remarquable, c'est que quand le procès a été engagé, on a changé d'entrepreneur et on a permis à celui-ci de faire précisément les travaux que le premier avait proposés.
Je ne veux pas me servir d'en mot trop dur pour qualifier cette façon de procéder, mais je dirai qu'un gouvernement devrait agir de la même manière envers tout le monde et n'avoir de préférence pour personne.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Quelle préférence a-t-il donc témoignée?
M. Le Hardy de Beaulieuµ . - Le gouvernement doit agir de même envers tout le monde, quels que soient les hommes qu'il a devant lui.
Eh bien, je ne pense pas que cela ait eu lieu dans le cas dont je parle.
Evidemment, ce n'est pas de M. le ministre que je parle, mais des agents subalternes de son administration, car je suis persuadé que bien souvent il n'a pas connaissance de ces discussions qui surgissent entre ses subordonnés et les entrepreneurs.
J'entends, par le discours de l'honorable M. Debaets, que les travaux du canal de Bruges sont à peu près au même point que les travaux des écluses de Heyst, et qu'à propos de ceux-là aussi un procès est entamé ou bien près de s'engager, et cela toujours pour les mêmes raisons : discussion sur le cahier des charges, inexécution de ce cahier des charges par des agents de l'Etat.
On exécute en ce moment un chemin de fer de Bruxelles à Louvain ; pour traverser le canal de Louvain, il fallait y faire des travaux. Or, l'entrepreneur a trouvé très commode et très utile de demander à la ville de Louvain d'abaisser les eaux de son canal afin de pouvoir les faire à sec. Mais la ville de Louvain, se disant que son canal est le principal instrument de son commerce et qu'elle ne peut pas s'en priver, a répondu à l'entrepreneur : Cela ne me concerne pas si vous avez des travaux à faire dans le lit de mon canal ; faites vos travaux comme vous l'entendez pourvu qu'ils n'entravent pas ma navigation.
J'ai été consulté dans cette affaire et j'ai conseillé une transaction, qui a été acceptée. Les travaux s'exécutent par suite d'un abaissement des eaux du canal d'un mètre et quelques centimètres et l'entrepreneur reçoit une indemnité, si je suis bien informé, de 54,000 francs, pour un travail qu'il était obligé de faire, car s'il n'y a pas eu de discussion entre l'entrepreneur et l'administration, cela prouve que l'entrepreneur a été favorisé et que les poids et les mesures ne sont pas toujours exactement les mêmes.
Sous un autre rapport, messieurs, l'intervention de l'administration dans leurs affaires est quelquefois extrêmement onéreuse pour les localités. Je citerai notamment ce qui s'est passé à l'occasion du bois de la Cambre.
L'administration communale de Bruxelles toute seule, sans intervention de personne, avait adopté des plans et contracté pour leur exécution au prix de 775,000 fr. avec des entrepreneurs parfaitement solvables. Or, voici que l'administration supérieure lui impose, sous peine de lui retirer le subside qu'elle avait promis, un changement dans le tracé. Ce changement a coûté beaucoup d'argent ; l'avenue, au lieu de ne coûter que 775,000 francs et d'être exécutée dans le délai de 18 mois, coûtera plus de deux millions, et les travaux ne sont pas encore exécutés ni même près de l'être. Vous reconnaîtrez, messieurs, qu'il y a là aussi matière à de justes observations dans l'intérêt des communes et des contribuables.
M. Guillery. - Cela ne concerne pas la Chambre.
M. Le Hardy de Beaulieuµ. – Je vous demande pardon : cela concerne la Chambre puisque le trésor public a été mis à contribution à cette occasion.
Maintenant, et puisqu'on m'y provoque, je citerai un autre exemple des effets désastreux de cette intervention de l'administration dans les affaires communales. Je veux parler du nouveau palais de justice de Bruxelles.
Il y a vingt ans que toutes les administrations intéressées ont émis leur avis, par des votes formels sur cette affaire, et rien ou presque rien n'a encore été fait par suite de cette intervention de l'autorité supérieure.
Maintenant, malgré les protestations de ces administrations responsables, on est parvenu, de guerre lasse et pour en finir, à imposer un projet qui coûtera 18 à 20 millions et qui mettra la province de Brabant, entre autres, pendant 10 à 15 ans peut-être dans l'impossibilité de rien faire d'important pour les voies de communication de la province.
Voilà, messieurs, où mène ce besoin d'intervention de l'administration supérieure dans les affaires communales.
Dans une autre occasion, messieurs, quand nous aurons mieux le temps, je me propose d'examiner les divers articles du budget des travaux publics d'une manière utile pour l'administration et pour les contribuables et d'indiquer les modifications dont plusieurs articles sont susceptibles.
Avant de me rasseoir, je signalerai une anomalie dans le service de la poste, qui rentre un peu dans les considérations qu'on a déjà fait valoir.
Le port de lettre, vous le savez, est fixé à 10 centimes par lettre de 10 grammes; de 10 à 20 grammes, on paye 20 centimes ; mais à partir de 20 grammes l'échelle change ; au-dessus de 20 grammes une lettre paye 40 centimes; il n'y a pas de taxe intermédiaire de 30 centimes pour 30 grammes, de sorte que pour un gramme en sus des 20 grammes réglementaires, on est obligé de payer 20 centimes en plus. Les maisons de commerce qui ont une grande correspondance et pour lesquelles 10 centimes par lettre font une somme considérable au bout de l'année, sont obligées de diviser leurs lettres et de donner ainsi à leurs employés et aux employés de l'Etat un surcroît de besogne.
Ne vaudrait-il pas mieux laisser la progression de 10 en 10 grammes ?
Il n'y aurait pas de perte pour l'Etat, puisque les particuliers évitent la surtaxe; il y aurait économie de main-d'œuvre pour tout le monde à opérer ce petit changement.
(page 651) M. Orts. - Je veux donner deux mots de 1 épouse aux critiques de M. le Hardy de Beaulieu contre l’intervention de l'Etat dans certains projets qui intéressent la ville de Bruxelles,
Je laisserai à M. le ministre de la justice le soin de justifier son intervention dans des circonstances que je ne connais pas.
M. de Beaulieu se plaint de l'intervention de l'Etat dans la construction de l'avenue du bois de la Cambre, il attribue à cette intervention le retard qu'a éprouvé l'exécution.
L'intervention de l'Etat s'est bornée à très peu de chose, et si la ville de Bruxelles n'a pas marché aussi vite qu'on aurait pu le désirer dans l'exécution des travaux, il y avait de très bonnes raisons pour cela ; elle ne se souciait pas de dépenser son argent aussi longtemps que le projet d'annexion restait en suspens, mais le jour où elle a été sûre de travailler pour elle et chez elle, elle a apporté dans l'exécution des travaux toute la célérité possible.
Pour le palais de justice, dit l'honorable membre, c'est l’intervention de l'Etat qui a obligé de construire dans des conditions qui font reculer la province de Brabant. Le palais de justice, d'après la loi, doit être exécuté avec le concours de trois autorités dont il centralise les services. L'Etat doit intervenir pour assurer le logement convenable de la cour de cassation, dont l'action s'étend sur tout le pays ; l'Etat doit intervenir encore à d'autres point de vue, pour des services qui l'intéressent dans une certaine mesure plus restreinte ; la ville de Bruxelles est intéressée en outre pour son tribunal de première instance. La province doit intervenir aussi parce qu'elle a à sa charge quelques dépenses judiciaires, notamment celles des cours d'assises ; il a fallu mettre d'accord l'Etat, la province et la ville de Bruxelles.
L'Etat et la ville de Bruxelles se sont mis d'accord pour l'emplacement, le concours financier et le caractère plus ou moins monumental à donner à l'édifice.
La Chambre a partagé l'opinion du ministre, quand il lui a été rendu compte de cette affaire, qu'il fallait donner un caractère monumental à l'édifice, avec la garantie toutefois qu'il ne dépasserait pas un maximum qui, en effet, ne sera pas dépassé.
A la province du Brabant on a fait quelques observations, c'est M. le Hardy de Beaulieu, alors membre du conseil, qui les a présentées ; il n'approuvait pas l'emplacement, c'est une opinion que je respecte.
Je dis que, à part cette observation, la grande majorité dans le pays et même dans le conseil provincial, s'est prononcée pour l'emplacement auquel on s'est arrêté.
Maintenant les travaux marchent avec toute la rapidité possible et c'est le gouvernement qui a pris l'initiative des négociations pour les acquisitions des terrains ; les négociations ont été si bien menées que les expropriations sont très restreintes.
Sur soixante immeubles dont l'acquisition était nécessaire, tous, à l'exception de 18, ont été achetés à l'amiable.
Maintenant la construction du palais de justice se poursuit aussi rapidement que le comporte un pareil travail.
M. Declercqµ. - Je désire présenter quelques observations succinctes relatives à quelques articles du budget soumis à nos délibérations. Et tout d'abord, je prierai M. le ministre des travaux publics de vouloir faire hâter les travaux d'agrandissement de la station de Bruges. Cette station depuis son établissement, en 1837, a triplé d'importance : les lignes de Courtrai, d'Eecloo et de Blankenberghe sont venues depuis lors rayonner vers le même centre. Aussi n'est-ce que grâce à l'intelligente activité, à des soins incessants de M. le chef de station que des accidents sont évités et que les retards ne sont pas plus fréquents. La station est encore à son état primitif ; il est vrai que des terrains viennent d'être acquis par le gouvernement, mais on ne presse guère l'exécution des travaux. Je prie M. le ministre d'y tenir la main ; le public, l'Etat et les compagnies concessionnaires intervenant, du reste, pour une part dans les frais d'agrandissement, y ont le plus haut intérêt.
Le chemin de fer de l'Etat est un service public par excellence ; comme tel, il doit rendre tous les services qu'on est en droit d'en attendre. C'est avec les deniers des contribuables qu'on l'a construit et qu'on l'exploite ; ils ont le droit de lui demander un service convenable.
Le gouvernement doit le rendre accessible et commode pour tous autant que possible. Il faut que le service soit organisé de manière que les populations rurales si intéressantes puissent également en profiter, je ne dirai pas commodément, du moment que cela est matériellement impossible, mais du moins la chose raisonnablement entendue : or, voilà ce qui n'existe pas toujours.
Je demande à la Chambre la permission d'entrer à cet égard dans quelques détails,
Si je suis bien informé, des réclamations ont été faites, mais elles n’ont pas abouti. Je crois donc de mon devoir de les reproduire ici.
(page 652) Ainsi le premier train qui part d'Ostende dans la direction de Gand, amène les voyageurs à 5 1/2 heures à Bruges.
Je parle des inconvénients de l'état de choses existant pendant la période hivernale. Ces voyageurs, les jours de marché, le samedi, arrivent nuitamment à Bruges. Ils doivent y attendre avec leurs denrées l'ouverture des marchés, qui n'a lieu qu’à 8 heures. S'ils prennent le second train, l'heure de certains marchés est passée. Il y a là un double intérêt en jeu : l'intérêt de la ville, qui, sous peine de mort, doit être approvisionnée et l'intérêt des campagnards qui doivent pouvoir y arriver pour vendre leurs denrées.
Notons, messieurs, en passant que très souvent les campagnards sont obligés de faire une ou deux lieues avant de se trouver à la station la plus voisine. Eh bien, je le demande, pendant l'hiver, nuitamment ils doivent faire ces corvées par des chemins souvent impraticables. Je dis que cela est inhumain et illogique.
Le même inconvénient se présente pour les trains qui arrivent de Gand ; et notons que ce ne sont pas seulement les campagnards mais tous ceux qui se rendent en ville, pour n'importe quelle affaire, qui sont exposés à l'inconvénient que j'ai signalé.
On dira que ces derniers pourront régler leurs affaires plus tard dans la journée ; ils le font, mais alors ils ne peuvent plus retourner chez eux en temps utile pour se retrouver au centre de leurs affaires, et forcément ils doivent attendre le dernier train qui les ramène chez eux à a nuit close.
Il y aurait moyen, messieurs, d'obvier du moins en partie à cet état de choses. Ce serait de rétablir ce qui a existé depuis 25 ans à la satisfaction de tout le monde.
Si par suite de l'extension de nos lignes et de nos relations internationales, la chose était devenue impraticable, je demanderais des convois supplémentaires, au moins les jours des marchés de Gand et de Bruges.
Nous savons tous, messieurs, que le temps est l'étoffe de la vie ; maintenant que l'établissement des railways a rapproché les distances, tâchons que l'adage reste toujours vrai.
Un troisième point sur lequel je désirerais quelques éclaircissements : il s'agit d'un objet du matériel de construction des chemins de fer, des billes. On a fait des expériences pour rendre les billes plus résistantes.
Ces expériences ont-elles été concluantes, d'abord quant à la durée, et en second lieu, le prix de revient est il resté en rapport avec la durée plus longue qu'éventuellement la préparation leur assure ?
Je commence par confesser mon incompétence en cette matière, mais en principe pourtant, je pense qu'il ne faut pour des travaux de ce genre appeler à son secours la science et ses moyens artificiels, qu'afin de corroborer les forces de la nature et non pour se substituer complètement à elle.
Je crois que la résine du sapin, par exemple, avec laquelle ce bois lutte contre les lois générales de la destruction, est supérieure par ses propriétés à celles qu'artificiellement on y substitue.
On a fait des expériences sur le bois de hêtre ; elles n'ont donné qu'un résultat négatif parce qu'au lieu de laisser au bois sa sève et d'augmenter simplement la force de résistance du bois par des procédés chimiques, on a expulsé cette sève en la remplaçant pour une injection de sulfate de cuivre.
Je pense que dans l'ordre matériel comme dans l'ordre moral on ne peut remplacer complètement avec avantage la nature.
Je ne voudrais donc pas renouveler ces tentatives. Que la science vienne en aide à la nature, non pas pour se substituer à elle, mais pour l'aider.
Ainsi, MM. Melsens et Rodier, à l'Académie de Belgique, ont fait un rapport sur des expériences bien intéressantes, ayant pour but de rendre les bois plus résistants en les traitant à l'huile lourde de goudron ; le gouvernement ne s'est-il pas enquis de la valeur de ces expériences pour en faire l'application aux billes des voies ferrées ?
J'avais encore quelques observations à présenter relativement au canal de Gand, mais l'honorable M. Debaets s'est occupé de cet objet, je puis m'abstenir par conséquent de m'en occuper à mon tour. Je demanderai seulement si l'intention du gouvernement est de combler les parties de ce canal qui sont devenues inutiles par suite du redressement de cette voie navigable et de rendre ainsi un grand nombre d'hectares à l'agriculture ; dans l'affirmative, si cela peut se faire dans un bref délai.
- La séance est levée à 5 heures.