(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1863-1864)
(Présidence de M. E. Vandenpeereboom.)
(page 429) M. Thienpont, secrétaire., procède à l'appel nominal à deux heures et un quart.
M. Van Humbeeck, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.
- La rédaction est approuvée.
M. Wasseige. - Messieurs, l'inattention et le bruit au milieu desquels se fait ordinairement l'analyse des pétitions ne m'a pas permis de saisir celle présentée dans la séance d'avant-hier sur des pétitions provenant de plusieurs communes des cantons de Gembloux, de Fasses et de Namur, nord.
Ces pétitions ont pour objet de demander à la Chambre d'autoriser la concession d'un chemin de fer de Gembloux à Fosses avec prolongement à la Meuse vers Dinant.
Ces pétitions ont été renvoyées à la commission des pétitions.
Je crois savoir qu’une partie de ce chemin de fer est déjà concédée, qu'il ne s'agit plus que de son prolongement jusqu'à la Meuse.
Je crois savoir également que le cautionnement est déposé, et que l'affaire est excessivement urgente. Quant à l'importance de la ligne, elle est évidente. Cette ligne doit d'ailleurs donner satisfaction à des intérêts nombreux et qui ont droit à toutes nos sympathies.
Je prierai donc la Chambre de revenir sur la résolution prise avant-hier et d'ordonner un prompt rapport sur ces pétitions.
- La proposition de M. Wasseige est adoptée.
M. Thienpont présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.
« Des habitants de Bruxelles et de Saint-Josse-ten-Noode se plaignent d'abus dans le mode de sépulture et prient la Chambre d'aviser aux mesures nécessaires pour les faire cesser. »
« Même demande d'habitants de Lanaeken, Leuth, Meeswyck, Machelen, Boorsheim, Reckheim, Opgrimby. Vucht, Uyckhoven, Eysden, Neerhaeren, Stockheim, Lanklaer, Baugnies, Peruwelz, Ben, Rausa, Vyle et Tharoul, Amay, Vinalmont, Huy, Marchin, Neuville sous Huy, Strée en Condroz, Tihange, Fumal, Braine-l'Alleud, Marie-Terheyde, Anvers, Pulderbosch, Antheit, Ben-Ahin, Pulle, Koekelberg, Courcelles, Hemixem, Hoevenen, Saint-Job in t'Goor, Calmpthout, Brasschaet, Wommelghem, Deurne, Beirendrecht, Merxem, Oostmalle, Putte, Berchem, Wilmarsdonck, Oorderen, Austruweel, Borgerhout, Stabroek, Emblehem, Santvliet, Wyneghem. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le conseil communal de Malempré prie la Chambre d'accorder aux sieurs de Haulleville et Wergifosse la concession d'un chemin de fer d'Anvers à Saint-Vith. »
« Même demande de l'administration communale de Schepdael. »
- Même renvoi.
« Les membres de l'administration communale et des habitants de Meir présentent des observations relatives au tracé du canal de jonction entre Breda et le canal de Turnhout. »
- Même renvoi.
« Les membres de l'administration communale et des habitants de Loenhout demandent qu'avant de fixer définitivement le tracé d'un canal de jonction entre Breda et le canal de Turnhout, des études soient ordonnées pour examiner si la canalisation de l'Aa n'offrirait pas le moyen le plus avantageux d'exécuter cet ouvrage avec point de raccordement des deux canaux à Saint-Léonard. »
- Même renvoi.
MpVµ. - Je viens de recevoir de M. le ministre de l'intérieur, la dépêche suivante :
« M. le président,
« Comme suite à ma dépêche d'hier, j'ai l’honneur de vous faire savoir que le Te Deum, annoncé pour dimanche, à 2 heures, ne pourra être célébré que le lendemain lundi, 6 juin à midi.
« Agréez, M. le président, l’assurance de ma haute considération.
« Le ministre de l'intérieur,
« (Signé) A. Vandenpeereboom. »
- La Chambre décide, sur la proposition de M. le président, qu'elle se rendra en corps à cette cérémonie.
M. le président procède au tirage des sections du mois de juin.
MfFOµ dépose :
1° Un projet de loi qui autorise un échange d'immeubles.
2° Un projet de loi ayant pour objet d'allouer un crédit de 210,000 fr. au ministère des travaux publics.
3° Un projet de loi qui accorde au département de l'intérieur un crédit d'un million pour construction et ameublement d'écoles.
- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ces projets de lois et les renvoie à l'examen des sections.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Messieurs, je demanderai la permission à la Chambre d'adresser à la section centrale qui a examiné le budget de l'intérieur un amendement à l'article 101 de ce budget. Cet amendement a pour objet d'augmenter de 415,000 fr. le crédit destiné au service ordinaire annuel de l'instruction primaire.
M. Van Iseghem dépose le rapport de la section centrale qui a examiné le budget des affaires étrangères pour 1864.
- Impression, distribution et mise à la suite de l'ordre du jour.
M. Hymans. - Messieurs, l'étrange discours qui a clos la séance d'hier me semble être la confirmation éclatante de la thèse affirmée dans cette enceinte par l'honorable M. Bara. L'honorable député de Tournai, abordant courageusement et franchement le débat, s'est tourné vers la droite et lui a dit : Votre programme est un piège. Ce programme, présenté au nom du parti catholique, du grand parti conservateur, qui tous les jours prétend la religion outragée, ce programme n'accorde aucune des satisfactions que, depuis des années, ce parti réclame. Il est muet sur toutes les questions vitales qui depuis vingt ans servent de texte à vos débats politiques. Il ne dit rien de la question de la charité, ni de la question de l'enseignement, ni de la question des cimetières ; il ne dit mot de ces huit cent mille pétitionnaires qui sont venus déposer sur le bureau de la Chambre la formule de leurs supplications.
Un pareil programme, ajoutait l'honorable membre, ne peut être pris au sérieux, qu’à la condition que le parti catholique belge ait abdiqué ses prétentions et renoncé à ses griefs.
Ce programme n'est pas sincère ; il doit être démenti sur les bancs mêmes de la droite, à moins qu'il ne soit l'indice d'une métamorphose complète dans l'attitude réciproque des deux grands partis qui depuis 1830 et même depuis 1790 se font la guerre dans notre pays.
L'honorable M. Bara ,se tournant vers la droite et lui parlant avec une entière franchise et avec le respect qu'on doit à une grande opinion, a dit à nos adversaires :
« On vous trompe, on vous joue ; toutes les grandes questions sont mises à l'écart. On vous donne, en satisfaction de vos griefs, de mesquines compensations que vous ne réclamez pas. »
Or, comme l’honorable M. Bara terminait son discours, un orateur de la droite s'est levé, un orateur jeune, ardent, fougueux, chez qui débordait une sainte indignation, et cet orateur quel était-il ? Ai-je besoin de vous le dire ? C'est le jeune espoir de la vieille Eglise romaine ; c'est l'homme distingué qui se trouve investi de la confiance des plus hauts dignitaires de l'Eglise ; celui qu'on a chargé de porter à Rome une partie du denier de Saint-Pierre et qui en a rapporté des témoignages de la confiance personnelle du saint-père.
M. Soenensµ. - Cela n'est pas vrai.
MpVµ. - Ce mot n'est pas parlementaire.
M. Soenensµ. - Je répète que cela n'est pas vrai.
MpVµ. - Je répète que ce mot n'est pas parlementaire ; vous n'avez pas la parole ; n'interrompez pas ; vous répondrez ; demandez-vous à être inscrit ?
M. Soenensµ. - Oui, M. le président.
(page 430) MpVµ. – La parole est continuée à M. Hymans.
M. Hymans. – Je ne comprends pas l'indignation qui transporte M. Soenens ; il nie un fait que je croyais vrai, que la presse a rapporté et qui, en définitive, aux yeux de l'honorable membre, ne peut être qu'un très grand honneur.
M. Soenensµ. - Sans doute, mais ce n'est pas vrai.
M. Hymans. - Eh bien, soit, je dirai que l'honorable membre n’a pas eu l'honneur de porter à Rome une partie du denier de Saint-Pierre, qu’il n'en a pas rapporté des marques de la confiance personnelle du Saint-Père ; cela n'empêche pas que l'honorable membre dont je faisais valoir le mérite a été choisi par un prélat éminent, par le défunt évêque de Bruges, pour remplacer l'honorable M. Devaux dans cette enceinte. (Interruption.)
M. B. Dumortier. - Ce ne sont pas les évêques qui choisissent les représentants.
M. Hymans. - Est-ce encore inexact ?
M. B. Dumortier. - Il n'est pas permis d'injurier toute une partie de cette assemblée. (Interruption.)
- Voix à gauche. - Où est l'injure ?
M. Hymans. - J'avoue no rien comprendre à ces clameurs. Avez-vous oublié le mandement fameux de l'évêque de Bruges ?
MpVµ. - Un instant, M. Hymans. J'ai toléré hier, de la part de M. Soenens, des mots très durs dont il s'est servi, si mal à propos à l'égard de M. Bara, parce que je veux que, dans une discussion comme celle-ci, une grande latitude soit laissée aux orateurs des deux côtés de cette Chambre. J'entends n'y mettre d'autres limites que celles qui me sont prescrites par le règlement. La parole est continuée à M. Hymans.
M. Hymans. - Je n'ai pas cru nécessaire de me munir de ce document, ne supposant pas qu'une affirmation de ce genre pût être un seul instant contestée.
L'honorable membre a été désigné, je le répète, par M. l'évêque de Bruges comme le successeur nécessaire de l'honorable M. Devaux, de l'une des gloires parlementaires du pays. Et l'on a dit aux électeurs qu'ils compromettraient le salut de leurs âmes s'ils ne votaient pas pour le candidat de l'évêque.
- Voix à droite. - Non ! non !
M. Hymans. - Mais, c'est de l'histoire ; cela a été écrit, imprimé ! Et les protestations de l’honorable membre n'empêchent pas non plus qu'à propos de son élection, le congrès de Malines ne lui ait décerné une ovation publique. Il ne répudiera pas, je pense, cet honneur ; la presse cléricale l'a proclamé assez haut dans le pays et à l'étranger. (Interruption.)
Je n'ai pas compris l'interruption.
M. Coomans. - Je vous demande si c'est pour cela que les ministres ont retiré leur démission ? (Interruption.)
M. Hymans. - L'honorable M. Coomans me demande si c'est pour cela que les ministres ont retiré leur démission. Je n'en sais rien ; mais ce qu'il y a de certain c'est que c'est pour cela qu'ils l'ont donnée ; ce qu'il y a de certain, c'est que l'élection de Bruges, le mandement de l'évêque et la candidature et le triomphe de M. Soenens, acclamés par l'opinion cléricale, par toute l'aristocratie catholique et son nombreux cortège, ont été la cause de la crise ministérielle qui depuis trois mois préoccupe le pays.
Encore une fois, cela ne peut être contesté par personne ; et je me demande si c'est pour donner au pays le cours d'éloquence auquel nous avons assisté hier que nous sommes en présence de cette situation ? (Interruption.)
MpVµ. - M. Hymans... (Interruption.)
M. Goblet. - Quel mal y a-t-il à cela ?
Voix a gauche : M. Hymans est parfaitement dans son droit.
M. Goblet. - Hier M. Soenens a b-.en qualifié de bouffonnerie ce qu'a dit M. Bara.
M. de Theuxµ (pour un rappel au règlement). - Je suis, messieurs, un ancien membre de cette assemblée et je dois dire qu'à aucune époque la décence de nos discussions ne s'est abaissée au degré où elle est descendue depuis quelques jours. (Interruption.)
- Voix à droite. - C'est très vrai.
M. de Theuxµ. - Oui, messieurs, ces interruptions incessantes, ces personnalités continuelles sont insolites, et je dis que si vous êtes des amis sincères du régime parlementaire, comme vous devez l'être, vous devez, vous les premiers, insister avec moi pour que de pareils faits ne se reproduisent plus.
M. Goblet. – Il fallait dire cela hier quand M. Soenens a traité de bouffonnerie ce que disait M. Bara,
- Voix à gauche. - Très bien !
M. Van Overloopµ. - Voilà comment on discute au corps législatif de France. (Interruption.)
MpVµ - Est-ce à moi que s'adresse M, Van Overloop ?
M. Van Overloopµ. - C'est à l'assemblée.
M. Hymans. - Quoi que vous fassiez, je ne retrancherai pas un mot de ce que j'ai à dire. J'ai la prétention de n'être pas sorti un seul instant des limites des convenances parlementaires.
M. de Theuxµ. - Si ! si !
M. Goblet, M. de Moorµ et autres. - Non ! non !
M. Hymans. - Ce n'est pas M. de Theux qui a la police de la Chambre.
M. de Theuxµ. - J'ai mon opinion.
M. Hymans. - J'aurais désiré que 1'honorable membre l'eût exprimée tout à l'heure, quand M. Soenens m'a interrompu d'une manière plus qu'inconvenante.
Vos interruptions n'atteindront pas votre but, je ne me laisserai pas détourner de l'expression de ma pensée, je dirai tout ce que j'ai à dire.
Je n'ai rien affirmé dont l’honorable M. Soenens, se prenant au sérieux, n'eût le droit de se glorifier. Je dis qu'il a été le candidat instrument désigné par l'évêque de Bruges dans son mandement. M. Soenens, dans cette enceinte, est à mes yeux plus qu'un député ordinaire, il représenta ici un principe ; il représente d'une manière spéciale, exceptionnelle, le principe théocratique clérical contre lequel nous luttons de toute la force de nos convictions.
M. Coomans. – Ce principe est faux, il n'existe pas.
M. Hymans. - Je ne veux pas m'étendre d'une manière démesurée sur la personnalité de l'honorable membre. Sa candidature a été le programme de la droite bien plus que celui qui a été soumis ai pays par l'honorable M. Dechamps.
L'honorable membre ne contestera pas tout au moins que c'est lui qui a été choisi pour présenter le rapport sur les pétitions relatives à la question des cimetières.
C'est là un fait parlementaire qu'on peut citer, j'espère, sans s'exposer à un rappel au règlement de la part de l'honorable comte de Theux.
Or, quand l’honorable membre s'est levé hier dans un transport d'indignation qui excuse la violence de son langage, je pensais que, fidèle à son mandat, il allait protester non pas contre le discours de M. Bara, mais contre les doctrines nouvelles de ses honorables amis ; j'ai cru qu'il allait protester contre la conduite des chefs de son parti, qui, au lieu de déployer fièrement leur drapeau, le cachent, renient tout leur passé politique et placent les grandes questions religieuses après de misérables questions administratives.
Pas du tout, l'honorable membre comme tout son parti a subi une profonde métamorphose, il a trouvé une entière satisfaction dans le programme de M. Dechamps. Il n'a pas demandé ce qu'on allait faire des griefs des catholiques, sur la charité, les cimetières et l'enseignement, il n'a rien demandé, il n'avait peut-être pas besoin de s'en enquérir, il le sait, eh bien soit ; de deux choses l'une ; ou bien il a failli au mandat qu'il a reçu de l'épiscopat belge ou son discours n'est autre chose que ce qu'il disait hier du discours de M. Bara ; je ne répète pas le mot, car il n'est point parlementaire.
Donc, messieurs, l'honorable membre est satisfait ; l'honorable membre reste fidèle à son parti ; l'honorable membre sait ce qu'il y a sous les réticences de ses amis. Dès lors, le programme n'est plus ce qu'il paraissait être ; le masque tombe et le programme est jugé.
Pour nous, dans cette Chambre, je n'hésite pas à le dire, le programme était jugé depuis longtemps. Mais j'ajoute que le pays ne comprenait pas, le pays ne se faisait pas une idée exacte de ce qu'il y avait derrière ce programme et à côté de ce programme, et je remercie l'honorable M. Bara d'avoir éclairé l'opinion.
En effet, dans quelle situation étions-nous avant ce discours ? Vis-à-vis d'une partie de nos commettants, nos adversaires se faisaient la partie belle.
Ils nous représentaient à l'aise comme des ennemis ardents, irréconciliables de la liberté. Ils nous disaient : « Vous vous appelez libéraux, vous vous prétendez les amis de la liberté, et vous êtes en réalité les ennemis de l'abaissement du cens. Vous ne voulez pas de la liberté communale, vous ne voulez pas de la liberté de la presse, vous ne voulez pas de la liberté de l'enseignement. »
Voilà comment on nous représentait, le programme à la main.
Allons donc ! L'abaissement du cens, mais l'honorable M. Bara l’a rappelé hier, le parti libéral l'a proposé en 1848 dans les limites de la (page 431) Constitution, et l'honorable M. Dechamps s'écriait alors qu'on ne pouvait aller au-delà sans renverser, sans violer la Constitution.
La liberté communale, c'est vous qui l'avez restreinte et nous qui l'avons rétablie. C'est vous qui l'avez restreinte en 1842 et nous qui l'avons rétablie en 1848.
Vous proclamez aujourd'hui la liberté communale, mais vous voudriez bien vous réserver le droit de révoquer les bourgmestres qui ne se rangeraient pas à votre système, dans l'application du décret de l'an XII sur les cimetières.
Vous voudriez bien user de quelque rigueur vis-à-vis des bourgmestres qui, en matière d'instruction publique, pensent que la commune a des obligations plus grandes et plus étendues que ne le comportent vos intérêts.
Vous exaltez ici la liberté de la presse. L'honorable M. Royer de Behr s'est posé hier dans cette enceinte comme un ami exclusif de la liberté de la presse, à laquelle il voulait rendre la liberté qu'on lui avait enlevée depuis le Congrès, et il oublie une chose, c'est que ses pasteurs, effrayés de cette liberté qu'il exalte, excommunient sans pitié ceux qui lisent les journaux libéraux. (Interruption.)
Vous vous prétendez les amis exclusifs de la liberté d'enseignement et vous oubliez que vos évêques excommunient les écoles de l'Etat, bien plus les écoles qui sont le fruit de la liberté.
Il est à ma connaissance que dans une ville importante de la Flandre occidentale, on a été jusqu'à refuser l'extrême-onction à des parents catholiques dont le fils fréquentait l'université de Bruxelles.
Voilà comment on respecte la liberté de l'enseignement. Voilà comment vous aimez la liberté.
Et l'honorable M. Royer de Behr, qui se prétend quelquefois libéral, ose affirmer dans cette enceinte que ce n'est que par la liberté que la vérité triomphe dans ce monde.
Oh, M. Royer de Behr, y avez-vous pensé ? Comment pouvez-vous un seul instant, vous catholique, hasarder une pareille affirmation ?
Prenez-y garde ! comme dit un vieux proverbe flamand ; ou pourrait l'aller dire à Rome. Quoi ! la vérité triomphe par la liberté.' Quelle vérité, s'il vous plaît ?
Est-ce la vérité scientifique ? Allez-le demander aux mânes de Galilée. Ne remontons pas aussi haut, demandez-le à M. Laurent.
Est-ce la vérité religieuse qui triomphe par la liberté ? Demandez-le encore à l'histoire ; demandez-le à ceux qui ont ordonné la Saint-Barthélemy. Demandez-le à ceux qui ont étouffé dans le sang la glorieuse révolution des Pays-Bas au XVIème siècle.
La vérité politique triomphe par la liberté ! Eh bien, allez dire cela aux Romains qui, courbés sous le joug clérical, demandent la liberté constitutionnelle. (Interruption.)
En un mot, ne parlez pas de liberté, parce qu'on pourrait vous répondre en reproduisant la définition d'un grand moraliste, d'après lequel l'hypocrisie est l'hommage que le vice rend à la vertu ; on pourrait vous répondre que votre programme n'est autre chose que l'hommage de la théocratie mourante, ou, comme le disait l'honorable M. Bara, de la théocratie aux abois au libéralisme dont vous avez besoin et dont vous avez peur.
En effet, qu'y a-t-il dans votre programme ?
Il y a d'abord la réforme de la loi communale. Il est incontestable que tout le passé de la droite et surtout le passé de ses chefs, de ceux qui ont rédigé le programme, proteste contre une pareille réforme.
Je la conçois cependant à merveille. L'honorable M. Bara vous l'a dit hier, votre réforme communale n'a pas d'autre but que d'affaiblir le pouvoir central, et notez que dans la situation politique où nous vivons, affaiblir le pouvoir central, affaiblir l'influence légitime de l'administration dans les luttes politiques, mais c'est placer toutes les opinions vis-à-vis de vous dans une situation d’infériorité qui n'est pas juste. Comment ! les évêques font de mandements politiques ; vous avez toute une armée politique organisée, depuis l'évêque jusqu'au sacristain, une armée qui est payée par l'autorité civile, et qui est irresponsable vis-à-vis d'elle. Et vous voulez supprimer les droits légitimes du pouvoir central, alors que tous les jours vous renforcez l'autorité du pouvoir occulte dont vous défendez les droits et les privilèges dans cette enceinte ! Avouez que cela n'est pas juste.
Vous voulez affaiblir le prestige des bourgmestres ; vous voulez faire des bourgmestres, et des échevins surtout, les très humbles serviteurs de toute agitation qu'il vous plaira de provoquer ; vous voulez en faire les très humbles valets de la première coterie qui voudra régenter la commune !
Et remarquez quelle singulière contradiction ; vous voulez affaiblir le pouvoir central d'une part, en faisant du bourgmestre, ou tout au moins des échevins, les élus du peuple et, d'un autre côté, dans votre programme, vous sollicitez le droit de renforcer l'autorité du pouvoir central par les destitutions. Ainsi, vous voulez destituer les membres des collèges échevinaux, et avec votre propre programme vous ne le pouvez plus.
Dès l'instant où les membres des collèges échevinaux sont les élus des communes, votre droit ne s'applique plus à eux. De sorte que si dans votre système vous croyez avoir besoin d'agir contre un bourgmestre ou l'échevin qui le remplace, vous vous trouvez désarmé par votre propre fait. Singulière contradiction !
Votre programme n'a pas même été étudié. Votre programme ne soutient pas la discussion.
Je pourrais rappeler ici les discours prononcés par l'honorable M. Dechamps en 1836 et en 1842, aux deux époques où la Chambre s'est occupée d'une manière solennelle de la loi communale.
L'honorable M. Dechamps, en 1836, ne voulait pas de bourgmestres ou d'échevins élus par le peuple exclusivement ; il voulait que la nomination royale vînt donner aux magistrats communaux une influence plus légitime et plus réelle dans la commune. Aujourd'hui, tout cela est oublié. En 1842, l'honorable M. Dechamps, et cela a déjà été dit dans la discussion de l'adresse ; en 1842, l'honorable M. Dechamps et ses amis ont réformé la loi communale contre nous ; aujourd'hui, on veut la réformer dans un autre sens, mais encore une fois contre nous, dans un but électoral, à la veille de la dissolution.
Vous voulez aussi réduire le cens électoral, mais comment se fait-il que, trouvant le cens trop élevé pour les élections communales et provinciales, vous le trouviez trop bas pour les élections législatives ? (Interruption.)
Est-il vrai, oui ou non, qu'à différentes reprises, dans cette enceinte, on est venu demander que la patente des cabaretiers ne comptât plus dans le sens électoral, parce que l'on trouvait que c'était pousser trop loin le libéralisme et l'esprit démagogique, que d'avoir des électeurs à 15 francs ?
Cela est imprimé dans les Annales parlementaires ; cela a été dit par des membres influents de cette Chambre, dans les sections, dans les sections centrales et en séance publique ; vous ne pouvez pas nier l'histoire, vous inscrire en faux contre les Annales parlementaires.
Prétendrez-vous aussi que vous n'avez pas soutenu dans cette enceinte, je ne dirai plus il y a dix-huit ans, mais il y a trois mois, que la dissolution est une mesure révolutionnaire, que la dissolution et les destitutions sont des moyens despotiques et qu'un pouvoir arbitraire est seul capable d'affirmer une pareille doctrine ?
Du reste, messieurs, reportons-nous à dix-huit ans en arrière et voyons quelle opinion vous exprimiez vous-mêmes sur votre programme d'aujourd'hui.
L'honorable M. Rogier en a dit un mot l'autre jour, je voudrais insister sur ce point parce qu'il me paraît de nature à édifier le pays sur votre attitude actuelle.
C'était en 1846, après la retraite de l'honorable M. Vande Weyer. Le Roi voulait former un cabinet libéral homogène, comme la situation des partis le permettait.
L'honorable M. Rogier fut appelé au palais ; il présenta au Roi un programme, comme l'a fait l'honorable M. Dechamps. Ce programme ne fut pas agréé et le ministère des six Malou se forma.
Le 20 avril 1846, l'honorable M. Dolez invita l'honorable M. Rogier à donner des explications sur la crise à laquelle il avait été mêlé. L'honorable M. Rogier fit connaître son programme et je ferai remarquer à ce propos que l'honorable M. Dechamps n'a pas fait connaître le sien ; c'est pendant que j'étais absent du pays que le programme de la droite est né, et revenu en Belgique, j'ai demandé où l'on vendait ce programme ; je ne l'ai trouvé nulle part ; j'ai trouvé des à peu près, des assertions plus ou moins fondées dans les journaux catholiques, que je m'abstiens généralement de lire.
Je ne suis pas tenu de discuter dans cette enceinte des on dit, je pourrais déclarer qu'il ne me convient pas de discuter un programme politique qui n'est pas officiel et je puis affirmer à l'honorable M. Dechamps que pareille discussion sur des pièces aussi vagues, ne serait pas autorisée dans d'autres parlements, spécialement en Angleterre.
L'honorable M. Rogier fit donc connaître à la Chambre son programme. Vous le connaissez ; les libéraux demandaient le retrait de la loi du fractionnement et l'avis conforme de la députation permanente pour la nomination du bourgmestre en dehors du conseil. C'était assurément bien timide comparativement à ce qu'a demandé l'honorable M. Dechamps. Voilà le 4° du programme.
Le 3° portait : Moyens défensifs contre l'hostilité éventuelle des (page 432) fonctionnaires publics ; hostilité « éventuelle », entendez-vous ? et M. Rogier ajoutait, dans ses explications, qu'il fallait, pour amener la destitution, que l'hostilité fût flagrante et incontestable.
Le sixième article du programme demandait la dissolution éventuelle des Chambres.
Que se passa-t-il à ce propos dans cette enceinte ?
Le ministère d'alors, comme le ministère actuel, prit la responsabilité tout entière du refus du programme et de la formation du nouveau cabinet.
M. de Theux, qui en était le chef, jugea de la façon suivante le programme de ses adversaires :
« Ce programme, dit-il, me semble d'abord peu convenable dans la forme. Il renfermait deux menaces, l'une adressée aux fonctionnaires publics, l'autre adressée à la représentation nationale. »
Identiquement comme celui de M. Dechamps.
« Il nous semble, continua M. de Theux, qu'il suffit qu'un ministère soit appelé par la Couronne pour que ce ministère soit persuadé qu'il jouit de la confiance de la Couronne. Elle a le premier intérêt à la stabilité, à la conservation de ce ministère.
« Mais, d'autre part, la Couronne a un intérêt, je dirai plus, elle a un devoir, c'est de maintenir intactes toutes ses prérogatives. »
En parlant du maintien des prérogatives de la Couronne, l'honorable comte de Theux faisait allusion d'abord à la demande d'avis conformes de la députation permanente, pour la nomination des bourgmestres en dehors du conseil. (Interruption.)
M. de Theuxµ. - Je disais cela relativement à la dissolution.
M. Hymans. - La protestation de l'honorable M. de Theux s'appliquait tout aussi bien à l'article 4 qu'à l'article 6 du programme de l'honorable M. Rogier. En effet, dans la séance du 21 avril, l'honorable M. Dechamps, son collègue, prononça les paroles que voici : « Je comprends encore que M. Rogier eût demandé le droit de dissoudre sur une modification de la loi communale... Le fait cependant est étrange ; il faut reconnaître qu'il y a quelque chose d'étrange à poser le cas de dissolution éventuelle sur le retrait d'une prérogative de la Royauté. »
Or, en quoi consistait alors le retrait de la prérogative royale ? Il s'agissait uniquement d'obtenir, pour la nomination des bourgmestres choisis en dehors du conseil, l'avis conforme de la députation permanente, tandis qu'aujourd'hui il s'agit de supprimer la prérogative royale, d'une manière complète pour la nomination des échevins, et de la supprimer à peu près complètement pour la nomination des bourgmestres.
Dans la même discussion, l'honorable M. Dechamps prit de nouveau la parole et défendit en même temps énergiquement l'opinion catholique contre le soupçon d'être imbue, dans une mesure quelconque, d'idées révolutionnaires ou trop progressives :
« Depuis le congrès, disait-il, est-ce nous qui avons voulu la réforme électorale, la réforme d'une loi que M. Castiau a appelée éminemment constitutionnelle, et qui l'avons voulue en violant ouvertement et le texte et l'esprit de la Constitution ? »
Enfin, et ce qui est plus significatif, l'honorable M. Dechamps déclara (page 1110 des Annales parlementaires) que la nomination des bourgmestres et échevins ne pouvait être en aucun cas une question politique, que c'était une question purement administrative ; et que pour des questions de ce genre, un ministère vraiment constitutionnel, représentant les prérogatives de la royauté, ne pouvait décréter la dissolution.
Voulez-vous enfin lire une philippique éloquente contre le système des destitutions, lisez le discours prononcé par l'honorable M. Dubus dans la même séance, et vous serez édifiés sur l'attitude actuelle des membres de la majorité d'alors.
Mais il y a de cela 18 ans, dira l'honorable M. Royer de Behr. Il n'est pas nécessaire de remonter si haut ; il n'y a pas trois mois que l'honorable M. de Theux tenait dans cette Chambre à peu près le même langage. Dans la discussion de l'adresse, l'honorable membre a déclaré que la dissolution n'était pas dans l'esprit, dans les idées du congrès ; j'ai parcouru les débats du congrès, je n'ai trouvé nulle part que le congrès ait protesté contre l'idée de donner au Roi la faculté de dissoudre les Chambres.
Au contraire, le Congrès a considéré cette faculté donnée à la Couronne comme un moyen de sortir constitutionnellement des situations difficiles dans lesquelles le pays pouvait se trouver ; personne n'a protesté contre cet article de la Constitution qui n'a pas même donné lieu à une discussion sérieuse.
S'agit-il de la question de la destitution des fonctionnaires ? L'honorable M. Vanden Branden de Reeth et après lui l'honorable M. Dechamps, dans la discussion du budget de l'intérieur pour 1863, ont soutenu, contre moi personnellement et contre d’autres collègues, que le gouvernement ne pouvait, sans sortir des bornes d'un pouvoir modérateur, destituer des fonctionnaires publics. D'après ces deux honorables membres, il ne faut pas que les fonctionnaires politiques soient d'accord avec le gouvernement dont ils doivent exécuter le programme.
Nous faisions remarquer, en nous plaignant de la trop grande modération du gouvernement, que dans cette Belgique où prévalait, disait-on, le système destitutionnel, que j'appelais moi le système constitutionnel, un grand nombre de fonctionnaires publics, dans les rangs les plus élevés comme dans les rangs inférieurs, sont en dissentiment et quelquefois en lutte ouverte avec le gouvernement.
Je n'attache pas à ces citations d'un autre temps plus d'importance qu'elles n'en méritent ; je reconnais parfaitement avec l'honorable M. Royer de Behr, qu'on peut changer d'avis, que quelquefois même on doit changer d'avis ; je crois qu'un homme politique qui dans sa carrière professerait toujours les mêmes opinions sur les mêmes questions, sans tenir compte des circonstances, sans tenir compte des nécessités sociales et des événements qui se passent autour de lui, serait tout simplement une borne. Je reconnais parfaitement avec l'honorable M. Royer de Behr, que la raison, la réflexion et la conscience sont des motifs suffisants pour justifier dans certaines circonstances un changement d'opinion.
II y a même, dans l'histoire parlementaire contemporaine, des exemples de glorieuses palinodie s L'honorable M. Royer de Behr aurait pu citer à ce propos Canning et Robert Peel, Robert Peel surtout, deux fois renégat, la première fois quand il proposa l'émancipation des catholiques, la seconde fois quand il proposa la libre entrée des céréales, qui fut le prélude de la proclamation et du triomphe du libre échange.
Mais dans cette double circonstance, sir Robert Peel avait pour lui la force majeure ; la première fois l'Irlande en rébellion ouverte, 1'élection d'O'Connell ; dans la seconde, la crise alimentaire, de grands intérêts matériels, de grands intérêts sociaux. Puis, enfin, sir Robert Peel sacrifia deux fois le pouvoir pour accomplir de grandes réformes, tandis que vous autres, catholiques aujourd'hui, vous vous mettez de faux nez pour vous emparer des portefeuilles...
M. Coomans. Nous n'avons pas de faux nez, mais nous avons un pied de nez.
M. Hymans. - Et à ce propos, qu'il me soit permis de faire une petite digression pour répondre à l'honorable M. Soenens, qui nous reprochait hier presque une palinodie dans la question des cimetières.
A entendre l'honorable député de Bruges, cette question des cimetières est d'invention toute nouvelle.
Le décret de prairial an XII existe, a-t-il dit, depuis 62 ans ; il ne faut pas être très fort en arithmétique pour en être convaincu.
Ce n'est, dit-il, qu'à propos de l'inhumation du colonel de Moor dans le cimetière d'Uccle que cette question s'est produite dans nos débats.
C'est là une grande erreur : la question des cimetières est très ancienne ; elle comprend une question de police et une question de propriété. La question de propriété est ouverte depuis toujours ; elle a été soulevée publiquement en Belgique dès 1836 ; quant à la question de police, elle a été soulevée le jour où l'on a voulu interpréter le décret de prairial dans un sens contraire à la liberté de conscience. D'autres faits d'ailleurs s'étaient produits avant l'affaire d'Uccle.
M. de Moorµ. - L'affaire de Saint-Pierre-Cappelle et bien d'autres encore...
M. Hymans. - L'affaire de St-Pierre-Cappelle et bien d'autres ; je ne veux pas les rappeler, parce que mon intention n'est pas aujourd'hui de refaire un discours sur la question des cimetières. Je me borne à constater qu'hier l'honorable M. Soenens cherchant, dans son indignation profonde, à nous mettre en contradiction, à prouver que le ministère reniait ses antécédents, l'honorable M. Soenens a prétendu qu'en 1849 les mêmes hommes, les principaux du moins, étant au pouvoir, M. de Haussy, alors ministre de la justice, avait, dans une circulaire, énoncé une doctrine hostile à notre opinion.
Je m'étonne vraiment qu'ayant fait une étude spéciale de la question des cimetières, ayant été chargé par une commission de la Chambre de présenter le rapport sur les demandes de 800,000 pétitionnaires, l'honorable membre soit peu au courant des rétroactes d'une question aussi grave.
La circulaire dont l'honorable M. Soenens nous a donné connaissance nous était connue : elle a été publiée, il y a deux ans, par la presse cléricale et il a été constaté en plein Sénat, par M. le ministre des finances, que cette pièce n'existait point ; que cette prétendue circulaire était un document tronqué ; que c'était une simple annotation reproduite d'une manière inexacte d'après un dossier dans lequel se trouvait une note officielle d'un tout autre caractère.
(page 433) M. Nothomb. - Qui a vu cette annotation ?
M. Hymans. J'ai sous les yeux le discours prononcé par M. le ministre des finances dans la séance du 19 août 1862 et voici ce qu'il disait a propos de cette pièce ; il se posait lui-même la question que me pose l'honorable M. Nothomb et il disait :
« Qui donc a vu cette annotation, qui, de sa nature, était tout à fait intime et confidentielle ? Qui en a pris copie ? Qui l'a livrée à la presse, dénaturée quant au fond, quant à la forme et quant au titre ? Qui en a fait un acte du gouvernement, dont la responsabilité incombe à tous les membres d'un même cabinet ? Je l'ignore ; mais je n'hésite pas à dire que ce n'est pas là le fait d'un honnête homme. »
Cela se trouve dans un discours officiel, cela a été dit en plein Sénat et cela n'a pas été démenti.
M. Nothomb. - Demandez donc à ces messieurs à qui ils font allusion.
M. Hymans. - Cela ne me regarde pas. (Interruption). M. le ministre des finances a prouvé que cette prétendue circulaire n'a jamais existé. (Nouvelle interruption.)
M. Nothomb. - Il n'y a pas de circulaire.
- Voix à gauche. - Ah ! ah !
MfFOµ. - Tous les journaux de l'opposition ont cité une circulaire qu'ils prétendaient porter le nom de M. de Haussy.
M. Nothomb. - Il ne s'agit pas de journaux, je demande qu'on précise maintenant à qui l'on applique l'épithète de peu honnête homme.
MfFOµ. - A ceux qui ont fait de cela une circulaire.
M. Bara. - Pourquoi vous en alarmez-vous tant personnellement ? (Interruption.)
M. Hymans. - Je me borne, moi, à répondre à l’honorable M. Soenens.
L'honorable membre a produit hier, dans cette enceinte, un fait inexact ; il a donné le nom de circulaire à une simple note recueillie dans un dossier, et il est prouvé que cette circulaire n'a jamais existé. L'honorable M. Nothomb vient de le déclarer lui-même ; eh bien, c'est tout ce que je tenais à constater.
La prétendue circulaire citée par l'honorable M. Soenens était une pièce tronquée ; cela, je le répète, a été dit publiquement au Sénat par M. le ministre des finances qui certes ne déclinera pas la responsabilité de ses paroles ; il n'en a pas l’habitude.
MfFOµ. - Assurément non !
M. Hymans. - Quoi qu'il en soit, l'honorable M. Soenens a donc cité ce document à la Chambre pour nous mettre en contradiction avec nous-mêmes, pour nous reprocher une palinodie au sujet de la question des cimetières.
Eh bien, je répète que l'honorable M. Soenens, chargé de faire un travail spécial sur la question des cimetières, devrait au moins se donner la peine de lire les Annales parlementaires d’il y a deux ans.
M. Soenensµ. - Je les ai lues.
M. Hymans. - Pourquoi alors affirmez-vous que la circulaire existe quand l'honorable M. Nothomb vient déclarer lui-même qu'elle n'existe pas ?
M. Soenensµ. - Je répondrai. (Interruption.)
M. Hymans. - Je pourrais comprendre, jusqu'à un certain point, que l'honorable M. Soenens, ignorant que la pièce était fausse, fût venu la communiquer à la Chambre, en donner lecture ; mais dès l'instant qu'il est reconnu que la pièce est fausse...
M. Soenensµ. - Elle ne l'est pas.
- Voix à gauche. - C'est un peu fort !
M. Hymans. - La Chambre et le pays apprécieront la conduite de l'honorable M. Soenens dans cette circonstance.
Du reste, l'honorable membre, dans l'accès d'indignation qui le transportait hier, a dit des énormités telles qu'il n'est plus guère possible de s'étonner de son manque de mémoire à ce moment.
L'honorable membre ne nous a-t il pas dit que la captation était légitime (interruption) à cause de la façon dont on applique la législation sur les établissements de charité ? (Nouvelle interruption.)
- Voix à droite. - Il n'a pas dit cela !
M. Hymans. - Messieurs, le discours de l'honorable membre n'a point encore paru dans les Annales parlementaires, mais je crois avoir, ainsi que mes amis, parfaitement entendu qu'il s'est exprimé ainsi à propos de la captation Nédonchel. (Interruption.)
M. B. Dumortier. - Il n'y a jamais eu de captation ; je proteste contre une pareille expression.
M. Goblet. - Nous demandons les Annales parlementaires.
M. B. Dumortier. - Vous n'avez pas le droit de qualifier de captation ce qui s'est passé en cette occasion. C'est une indignité !
MpVµ. - M. Dumortier, vous n'avez pas la parole...
M. B. Dumortier. - On n'a pas le droit d insulter un absent.
MpVµ. - Vous n'avez pas la parole ; si vous continuez à parler, je serai forcé de vous rappeler à l'ordre.
M. Hymans. - Je me trouve ici exactement dans le même cas que tout à l'heure à propos de la prétendue circulaire de M. de Haussy. Ce n'est pas moi qui ai apporté dans cette enceinte l'affaire Nédonchel ; c'est l'honorable M. Bara et je ne doute pas qu'il n'en accepte toute la responsabilité.
M. Bara. - Parfaitement.
M. Hymans. - Peut-être me suis-je servi d'une expression inexacte ; j'ai entendu dire qu’il y avait eu interposition de personne et l'honorable M. Soenens a dit hier que cela est parfaitement légitime.
M. B. Dumortier. – Il n'y a jamais eu de captation ni d'interposition de personne.
M. Hymans. - Je prie l'honorable M. Dumortier de s'en expliquer avec M. Bara.
M. B. Dumortier. - N'attaquez donc pas un absent.
MpVµ. - Encore une fois, M. Dumortier, vous n'avez pas la parole. Je vais, si vous continuez, devoir vous rappeler à l'ordre.
M. B. Dumortier. - Vous pouvez le faire, M. le président, mais je ne tolérerai pas qu'on accuse un absent d'un crime.
MpVµ. - M. Dumortier, je vous rappelle à l'ordre. (Interruption.)
M. B. Dumortier. - Je demande la parole contre le rappel à l'ordre.
MpVµ. - Vous n'avez pas la parole...
M. B. Dumortier. - Je l'aurai.
- Voix à gauche. - Non ! non !
M. B. Dumortier. - J'ai le droit de la prendre, aux termes du règlement. (Interruption.)
- Voix à gauche. - Non ! non !
M. B. Dumortier. - Je maintiens mon droit ; vous ne pouvez pas m'empêcher de parler.
M. Goblet. - Vous n avez pas le droit d'interrompre le président.
MpVµ. - Je vous ai rappelé à l'ordre ; réclamez-vous contre ce rappel ?
M. B. Dumortier. - Certainement ; je l'ai dit dès le premier abord.
MpVµ. - Je vais consulter la Chambre sur le rappel à l'ordre.
M. B. Dumortier. - Permettez ; je demande à m'expliquer.
MpVµ. - Expliquez-vous.
M. B. Dumortier. - Je le ferai d'une manière claire, je lirai d'abord l'article du règlement.
M. Orts. - Je demande la parole pour un rappel au règlement.
MpVµ. - M. Dumortier a la parole pour s'expliquer.
M. Orts. - M. Dumortier approuvera lui-même, je pense, l'observation que je vais présenter.
Messieurs, nous allons nous engager dans une discussion irritante et inutile. L'article 31 de notre règlement n'accorde pas directement au membre rappelé à l'ordre le droit de plaider lui-même sa cause, mais je dois dire que dans les traditions ce droit a toujours été concédé ; je demande, qu'on le maintienne.
MpVµ. - C'est pour cela que la parole a été donnée à M. Dumortier.
M. B. Dumortier. – J’ai interrompu M. Hymans quand il a dit : La captation faite par M. de Nédonchel.
- Plusieurs voix à gauche. - Il n'a pas dit cela !
M. B. Dumortier. - J'ai interrompu avec indignation quand j'ai entendu sortir de la bouche de l'honorable membre le mot : captation de M. de Nédonchel de Tournai, dont j'ai l'honneur d'être l'ami.
M. Goblet. - Il a dit interposition.
M. B. Dumortier. - Vous reculez déjà.
M. Goblet. - M. Hymans l'a dit tout d'abord.
(page 434) M. B. Dumortier. - C'est sur cette accusation de captation que vous voulez faire reposer les élections après la dissolution.
M. Goblet. - Mais ce n'est pas la question.
M. B. Dumortier. - Il était de mon devoir de protester contre une accusation injuste qui infligeait une flétrissure à un des hommes les plus honorables de la Belgique qui n'est pas plus capable de se prêter à une substitution de personne qu'à une captation.
M. Bara. - Lisez son interrogatoire sur faits et articles.
MpVµ. – M. Dumortier, cela n'explique pas pourquoi vous avez voulu prendre la parole sans l'avoir obtenue.
M. B. Dumortier. - M. le président, vous n'avez pas le droit de m'interrompre. Vous m'avez rappelé à l'ordre et vous ne voulez pas me laisser m'expliquer, c'est de la dernière iniquité. (Interruption.)
MpVµ. - Est-ce à moi que s'adresse le reproche d'iniquité ?
M. B. Dumortier. - Il s'adresse à votre manière de faire. (Interruption).
Quand j'ai entendu accuser un de mes amis du plus lâche de tous les crimes, je n'ai pas pu me taire. Comment ! je verrai un homme honorable, étranger à cette assemblée, et qui n'est pas responsable devant vous, qui n'est pas fonctionnaire, traîné à votre barre comme un criminel et je ne pourrai le défendre quand il n'a aucun moyen de le faire lui-même !
On a traîné devant les tribunaux des innocents qui n'eussent pas été condamnés s'ils avaient pu être défendus, et vous voudriez, pouvoir accuser ici un absent sans qu'il se trouve quelqu'un qui vienne le défendre ! (Interruption.)
Je connais les faits, ils sont à ma connaissance personnelle ! Tout ce qu'on a dit est de la dernière inexactitude, pour ne pas dire fausseté.
MpVµ. - Vous pouviez dire tout cela en vous faisant inscrire comme je vous invitais à le faire.
M. B. Dumortier. - Je ne voulais pas attendre à demain pour protester quand un citoyen est accusé d'un crime.
M. Goblet. - Je ne veux pas entrer dans la discussion du reproche que M. Dumortier adresse à M. Hymans. (Interruption.)
Ce n'est pas pour l'interruption qu'il a faite que M. Dumortier a été rappelé à l'ordre, mais c'est parce qu'il a persisté à vouloir prendre la parole, malgré l'observation trois fois répétée par M. le président, qu'il ne la lui donnait pas.
Voilà la raison pour laquelle M. Dumortier a été rappelé à l'ordre.
Je m'étonne que, déplaçant le débat, M. Dumortier, qui ne se fait pas faute d'attaquer des hommes honorables étrangers à cette assemblée, vienne prétendre sur une fausse interprétation de mots, qu'on a imputé à un de ses amis les choses les plus flétrissantes, les plus criminelles. (Interruption.) Je ne veux pas entrer dans une discussion personnelle.
Je dis que l'honorable M. Dumortier a été rappelé à l'ordre pour avoir résisté au président et avoir voulu prendre la parole alors qu'elle lui était refusée.
MpVµ. - M. Dumortier a voulu prendre la parole sans l'avoir obtenue ; trois fois je lui ai offert de l'inscrire, il n'a pas voulu le faire, ii a troublé l'ordre.
Je maintiens le rappel à l'ordre.
M. B. Dumortier. — Je ne pouvais pas laisser passer une parole comme celle que venait de prononcer M. Hymans.
MpVµ. - Voulez-vous être inscrit ?
M. B. Dumortier. - Non, je ne veux pas être inscrit, je veux vous répondre. (Interruption.)
Je ne pouvais pas laisser accuser un de mes amis d'un crime et remettre la réponse à la fin du débat.
Hier on a dit : C’est faux ! en s'adressant à un de mes amis de la droite. Vous n'avez pas eu de rappel à l'ordre, M. le président. Mais moi j'appartiens à la droite, et pour avoir pris la défense d'un absent, je suis rappelé à l'ordre !
Le pays jugera.
MpVµ. - Vous avez manqué à l'ordre, vous pouviez dire tout cela en vous faisant inscrire et en attendant votre tour. Malgré ma prière, trois fois répétée, vous avez persisté à vouloir prendre la parole, vous avez manqué à l'ordre. Je vais consulter la Chambre.
M. de Theuxµ. - Je regrette ces discussions passionnées. Depuis la reprise de nos débats jusqu'à présent, la discussion a été pleine d'interruptions plus ou moins vives.
MpVµ. – Il n'y en pas eu d'aussi violentes que celle-ci. J'ai averti trois fois M. Dumortier que s'il voulait répondre il devait se faire inscrire.
M. de Theuxµ. - Je dois dire que l'indignation de M. Dumortier était légitime parce qu'on s'est servi du mot « captation » en parlant d'un de ses amis.
Nous avons eu beaucoup d'interruptions de part et d'autre, je désire, dans l'intérêt de nos débats, qu'on ne donne pas d'autre suite à cet incident, et qu'à l'avenir on s'abstienne de toute interruption et de marques d'approbation ou de désapprobation, qu'en un mot, la discussion continue avec le calme qui convient aux représentants de la nation.
M. Guillery. - Messieurs, je désire aussi que nos débats conservent ou reprennent le calme et la dignité qui leur appartiennent ; mais nous ne pouvons pas permettre à la droite de prétendre que c'est de notre côté que vient le trouble.
Nous avons entendu, dans cette séance, assez de protestations bruyantes, assez d'interruptions pour être édifiés sur ce point.
Je tiens à préciser les faits dont il s'agit.
L'honorable M. Hymans a employé un terme impropre, en se servant du mot « captation ». Il n'est pas familiarisé avec les expressions judiciaires et c'est très excusable de sa part ; si l'honorable M. Bara avait commis la même erreur, on pourrait lui en faire un reproche.
M. B. Dumortier. - On a nommé un de mes amis.
M. Guillery. - Ce n'est pas par l'honorable M. Hymans que la personne a été indiquée. Elle l'a été, hier, clairement par un membre de la droite. L'expression a parfaitement pu blesser l'honorable M. Dumortier, je comprends son interruption, mais l'honorable M. Hymans a immédiatement rectifié les termes et il a clairement indiqué sa pensée en disant qu'il s'agissait de substitution de personne.
L'accusation, telle qu'elle avait été formulée par l'honorable M. Bara, n'avait rien de déshonorant ; l'honorable membre avait exposé les faits avec modération, il les avait livrés à l'appréciation de la Chambre et du pays. Or, c'est à ces faits, à ces faits seuls que l'honorable M. Hymans a fait allusion.
Après la rectification, l'honorable M. Dumortier a de nouveau interrompu, et c'est alors que le président lui a interdit formellement la parole.
Le rappel à l'ordre n'est donc pas venu pour empêcher l'honorable membre de protester contre une accusation injuste, contre une expression impropre ; il a eu pour but de réprimer un manque de respect au président qui avait itérativement invité l'honorable M. Dumortier à garder le silence.
Puisque l'on fait appel à l'ordre, à la conciliation, à la dignité parlementaire, je viens vous demander à vous, membres de la droite, comme aux membres de la gauche de maintenir l'autorité du président, sans laquelle il n'y a ni dignité parlementaire, ni liberté parlementaire possibles.
MpVµ. - La parole est à M. Barthélémy Dumortier pour la troisième fois.
M. B. Dumortier. - Et je puis l'avoir pour la quatrième et pour la cinquième fois.
- Une voix à gauche. - C'est une impertinence.
MpVµ. - D'après ce que j'entends dire à gauche, vous auriez employé un terme inconvenant.
M. B. Dumortier. – J’ai dit qu'étant en cause, j'ai le droit de parler plusieurs fois.
MfFOµ. - Vous n'avez pas ce droit-là.
MpVµ. - M. Dumortier, vous avez la parole pour la troisième fois.
M. B. Dumortier. - L'honorable M. Guillery vient de poser la question dans des termes exacts, mais il en a tiré une conséquence qui, à mon avis, n’est pas exacte.
L'honorable membre fait remarquer que l'honorable M. Hymans lorsqu'il accusait M. le comte de Nédonchel qu'il a nommé...
M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - C'est M. Soenens qui l'a nommé.
M. B. Dumortier. - ...lorsqu'il l'accusait de captation, ne connaissait pas les expressions légales et que, s'il les eût connues, il ne se fût pas servi de cette expression ; l'honorable membre a dit qu'il concevait par là l'indignation que moi, l'ami de M. le comte de Nédonchel, j'ai éprouvée ; mais, a-t-il ajouté, cette expression a été retiré et l'on a parlé ensuite d'interposition de personnel.
Eh bien, messieurs, je devais m'élever contre l'expression : interposition de personnes comme je m'étais élevé contre le mot : captation, car les mots interposition de personnes couvrent très souvent le mot captation.
(page 435) C'était donc au fond le même reproche, et moi qui sais de la manière la plus positive qu'il n'y a pas eu davantage interposition de personne, que captation, je ne pouvais pas laisser passer une pareille imputation sans protester immédiatement.
Il y a, à Bruxelles, un homme du parti libéral que vous connaissez et que vous respectez, tous, qui a été insulté et qui a décidé qu'il n'y avait ni interposition de personnes ni captation.
M. Goblet. - Ce n'est pas là la question.
M. B. Dumortier. - M. Goblet, ayez la complaisance de m'écouter.
M. Goblet. - Mais non je n'ai pas cette complaisance.
M. B. Dumortier. - Comment ! J'entends accuser nominativement un de mes amis, d abord de captation, et en second lieu de substitution de personnes, ce qui, selon moi, signifie la même chose, et je ne devrais pas protester contre cette inculpation qui porte atteinte à l'honneur de l'absent ?
M. le président en ne me laissant pas parler et en me rappelant à l'ordre, n'a point fait ce qu'il devait faire.
Comment ! Nous depuis trois jours nous sommes agonisés, nous n'entendons que des expressions mal sonnantes à notre adresse, et parce que moi je prends la défense d'un absent accusé d'un crime, on me rappelle à l'ordre !
Eh bien, je dis que le pays jugera.
M. Pirmez. – Messieurs, l'honorable M. Guillery a parfaitement établi les termes du débat ; aussi l'honorable M. Dumortier n'a-t-il pas répondu à ce qui constitue le point essentiel qui a motivé son rappel à l’ordre.
Je dois signaler une circonstance qui, à mon sens, le justifia parfaitement à elle seule : c'est que l'honorable M. Dumortier a l'habitude de mépriser cette unique sanction protectrice de la convenance de nos débats.
Le rappel à l'ordre n'est plus pour l’honorable membre une pénalité, il ne cherche pas à l'éviter ; il s'en fait un titre de gloire et le provoque.
Sans doute, si M. Dumortier s'était borné à se laisser aller à un mouvement d'indignation, en entendant ce qu'il a considéré comme une attaque violente contre un de ses amis, s'il n'avait fait qu'interrompre l'orateur, il ne mériterait pas la censure. M. Dumortier, non seulement a continué à parler malgré l'invitation de M. le président, mais sur son avertissement, il lui a dit qu'il pouvait le rappeler à l’ordre, qu'il parlerait néanmoins.
M. Dumortier aurait eu toute latitude pour répondre ; personne n'a usé ave plus d'étendue de la complète liberté de la tribune ; mais il est impossible qu'il soit permis à un membre de parler malgré le règlement, malgré le président.
Messieurs, je le demande, si M. Dumortier n'était pas seul à suivre le système destructif de l'ordre de l'assemblée, si seulement dix membres voulaient l'imiter, que deviendrait l'autorité du président, quelle possibilité y aurait-il de continuer nos débats ?
C'est pour prévenir un pareil système que nous devons voter le rappel à l'ordre.
M. Hymans. - Je ne veux pas que l'on me fasse dire ce que je n'ai pas dit.
L'honorable M. Dumortier a protesté contre une parole que j'ai prononcée et à laquelle il a attaché un sens qu'elle n'avait pas et qu'elle ne pouvait pas avoir. J’ai dit que l'honorable M. Soenens, élans son discours d'hier, avait reconnu la légalité de la captation.
- Une voix. - C'est vrai.
M. Hymans. - M. Soenens a déclaré qu'il était permis de léguer par personne interposée à cause du régime existant en Belgique.
MpVµ. - M. Hymans, nous nous occupons en ce moment du rappel à l'ordre. Le rappel à l'ordre a été prononcé sur la persistance de M. Dumortier à interrompre malgré les avertissements réitérés du président.
M. Hymans. - Je demande à pouvoir continuer tout à l'heure la discussion au fond.
.M. Dechamps. - Messieurs, un rappel à l'ordre est toujours une chose fâcheuse. Tous vous êtes d'accord, l’honorable M. Guillery vient de vous le démontrer, pour approuver l'indignation légitime qui a fait protester l'honorable M. Dumortier contre les expressions de M. Hymans.
- Plusieurs voix. - Non ! Non !
.M. Dechamps. - Je dis que vous avez approuvé le sentiment légitime.
Plusieurs voix : Non ! Non !
.M. Dechamps. - M. Guillery l'a dit.
Je dis, messieurs, que ce sentiment vous deviez l'approuver. Je suppose que, dans ce sentiment d'indignation légitime, mon honorable ami M. Dumortier ait pu, sans le vouloir, manquer plus ou moins de forme envers M. le président. Est-ce une question de forme ici ? Vous voulez faite du rappel à l'ordre une espèce de flétrissure et cela parce qu'un honorable membre de cette Chambre se lève pour venger un ami absent. Vous ne pouvez faire cela. Ce rappel à l'ordre aurait un caractère odieux que vous ne pouvez accepter.
MpVµ. - Je constate une dernière fois que j'ai proposé à l'honorable M. Dumortier de l'inscrire.
La Chambre décidera.
Je mets aux voix le maintien du rappel à l'ordre.
- Plusieurs membres. - L'appel nominal !
- Le maintien du rappel à l'ordre est mis aux voix par appel nominal :
104 membres répondent à l'appel nominal.
53 répondent oui.
49 répondent non.
2 s'abstiennent.
MpVµ. - En conséquence le rappel à l'ordre est maintenu, il sera inscrit, conformément au règlement, au procès-verbal de la séance de ce jour.
Ont répondu oui : MM. Ansiau, Bara, Bouvier, Braconier, Crombez, Cumont, David, de Baillet-Latour, de Bronckart, de Brouckere, de Florisone, De Fré, de Kerchove, De Lexhy, de Macar, de Moor, de Paul, de Renesse, de Rongé, Frère-Orban, Frison, Goblet, Grandgagnage, Grosfils, Guillery, Hymans, Jacquemyns, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Lange, Laubry, Ch. Lebeau, J. Lebeau, Le Hardy de Beaulieu, Lesoinne, Mascart, Moreau, Mouton, Muller, Orban, Orts, Pirmez, Pirson, Rogier, Sabatier, Alp. Vandenpeereboom, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Leempoel de Nieuwmunster, Van Volxem et Allard.
Ont répondu non :
MM. Coomans, Coppens, Dechamps, Declercq, de Conninck, de Haerne, Delaet, Delcour, de Liedekerke, de Mérode, de Montpellier, de Muelenaerc, de Naeyer, de Ruddere de te Lokeren, de Terbecq, de Theux, d'Hane-Steenhuyse, du Bois d'Aische, Faignart, Hayez, Jacobs, Janssens, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Kervyn de Volkaersbeke, Landeloos, Le Bailly de Tilleghem, Magherman, Moncheur, Notelteirs, Nothomb, Rodenbach, Royer de Behr, Schollaert, Snoy, Soenens, Tack, Thibaut, Thienpont, Thonissen, Vanden Branden de Reeth, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Overloop, Van Renynghe, Vermeire, Verwilghen, Visart, Wasseige.
Se sont abstenus :
MM. B. Dumortier et Ernest Vandenpeerebom, président.
MpVµ. - Les membres qui se sont abstenus sont invités à faire connaître les motifs de leur abstention.
M. B. Dumortier. - Je me suis abstenu parce que j'étais en cause.
MpVµ. - Je me suis abstenu par le même motif.
La parole est continuée à M. Hymans.
M. Hymans. - J'ai été la cause bien involontaire de l'incident qui vient d'avoir lieu et qui a interrompu le cours de la discussion.
J'ai le droit de dire pour ma défense, quoique je ne me considère pas comme accusé, que l'excès d'indignation de l'honorable M. Dumortier aurait été beaucoup mieux à sa place hier qu'aujourd'hui ; et si les Annales parlementaires avaient paru, je pourrais lui en fournir la preuve authentique et officielle, Je n'ai fait que rappeler textuellement ce qui avait été dit hier et par l'honorable M. Soenens et par l'honorable M. Bara en laissant à chacun la responsabilité de ses paroles.
J’ai dit : La captation Nédonchel. Eh bien, pour moi, il résulte à l’évidence du discours de l'honorable M. Bara, que dans cette circonstance, d'après lui, il y avait eu captation. (Interruption.)
M. Bara. - Non. Je ne veux pas qu'on me prête une opinion que je n'ai pas.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Laissez donc de côté cette histoire.
(page 436) M. Hymans. - Qu'il y avait eu captation, mais non de la part de M. de Nédonchel.
M. Bara. - Il n'y a eu captation de personne. Il y a eu donation faite à un ordre religieux et M. de Nédonchel, selon moi, a servi de personne interposée.
M. Wasseige. - M. le président, est-ce que M. Bara avait reçu l’autorisation d'interrompre ?
MpVµ. - Je répondrai à M. Wasseige qu'autre chose est donner une explication, ce qui se fait tous les jours, et autre chose est continuer à interrompre, quand on a été invité à ne plus le faire. Mais je prie tout le monde de ne pas interrompre.
M. Hymans. - Pour en finir en deux mots avec cet incident, il y a eu interposition de personnes, d'après l'honorable Bara, et l'honorable M. Soenens a déclaré que cela était légitime sous la législation actuelle. (Interruption.)
C'est contre cette affirmation de M. Soenens que j'ai protesté et que je continue à protester.
L'honorable député a cru pouvoir mettre l'opinion libérale en contradiction avec elle-même au sujet de la question des cimetières.
Je tiens à lui répondre qu'il s'est trompé, que tous les libéraux sont d'accord, que tous les libéraux sont unanimes pour faire maintenir dans toute sa plénitude l'indépendance du pouvoir civil.
Maintenant je demanderai aux honorables membres de la droite s'ils sont aussi bien d'accord entre eux sur les principes de leur programme.
Je serais assez curieux d'avoir quelques éclaircissements sur ce point, et il me semble impossible que ces éclaircissements ne soient pas donnés avant la fin de la discussion.
L'honorable M. Royer de Behr qui, dans la nouvelle combinaison ministérielle, devait, je crois, diriger le département des travaux publics...
- Un membre. - Le département des affaires étrangères.
M. Hymans. - Peu importe. L'honorable membre s'est lancé hier à toute vapeur dans le domaine de l'utopie et du paradoxe. Ainsi l'honorable député nous a dit que le suffrage universel était dans les idées du congrès.
Je voudrais bien que l'honorable membre nous dît où il a trouvé cela dans les discussions du Congrès.
Personne au Congrès, personne, dans aucune circonstance, n'a proposé le suffrage universel.
Le maximum et le minimum du cens électoral fixés par la Constitution ont été adoptés à l'unanimité.
Le Congrès a voulu que le cens fût déterminé par la Constitution, afin que le législateur futur ne pût modifier la loi électorale et supprimer le cens.
C'est ainsi qu'un vote unanime du Congrès a constitué cette oligarchie de censitaires comme M. Royer de Behr appelle le corps électoral, cette oligarchie dont nous sommes ici les mandataires et dont les membres du Congrès étaient les mandataires eux-mêmes.
J'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer dans la discussion de l'adresse, quand l'honorable M. Dechamps nous a donné un premier renseignement sur son programme éventuel, j'ai déjà eu l'occasion de m’exprimer, comme beaucoup d'autres membres de cette Chambre, sur le suffrage universel.
L'honorable M. Bara s'en est également expliqué hier ; nous sommes tous d'accord sur cette question ; nous sommes tous partisans de l'abaissement successif et progressif du cens électoral, mais nous voulons d'abord éclairer les populations afin qu'elles puissent faire un usage utile de leurs droits civiques.
L'honorable M. Royer de Behr, continuant toujours son voyage dans le royaume du paradoxe, a protesté contre l'adjonction des capacités qu'il a appelée un privilège ; il a dit qu'il préférait la démocratie ignorante à l'aristocratie lettrée. (Interruption.)
Le discours de l'honorable membre n'a pas encore paru dans les Annales ; mais dans les notes que j'ai prises hier, je trouve que M. Royer de Behr a déclaré qu'il ne voulait pas d'une aristocratie lettrée. (Interruption.) Il a protesté contre l'aristocratie lettrée.
M. Coomans. - Privilégiée.
M. Hymans. - Lettrée.
- Un membre. - Il a parlé même de brevet de capacité.
M. Hymans. - Et il s'est déclaré en même temps pour le suffrage universel. J'ai donc bien le droit de dire qu’il préfère la démocratie ignorante à l'aristocratie lettrée.
L'honorable membre, à coup sûr, a protesté contre l'adjonction des capacités, il l'a même déclarée inconstitutionnelle, et à ce point de vue je demanderai comment il se fait que le programme ne propose pas la révision de la loi sur le jury. Si l'adjonction des capacités constitue un privilège, la loi sur le jury qui admet le privilège des lettrés, comme l'appelle l'honorable M. Royer de Behr, cette loi est évidemment inconstitutionnelle.
L'honorable membre ne paraît pas, du reste, avoir mesuré ses paroles beaucoup plus que l'honorable M. Soenens, car il est allé jusqu'à faire l'apologie du communisme en disant : « Nous nous emparons de la propriété d'autrui pour mieux la faire fructifier. » C'est sur ce principe que reposent toutes les annexions passées, présentes et futures et toutes les captations, car les captations n'ont d'autre but que de s'emparer des biens des fidèles pour les faire fructifier dans l'intérêt du salut de leur âme.
Je n'abuserai pas plus longtemps de l'attention de la Chambre, trop fatiguée par un incident dont j'ai été involontairement cause et un peu la victime, je me bornerai à dire deux mots sur la raison d'être du programme qui nous est soumis.
L'honorable M. Dechamps nous a dit que nous, libéraux, nous déclarions nos adversaires impossibles pour nous faire considérer nous-mêmes comme indispensables. Je pourrais rétorquer l'argument, je pourrais dire à l'honorable M. Dechamps que nous pourrions bien être indispensables parce que son propre parti est impossible.
Je ne le ferai pas ; personne ici ne se déclare indispensable, mais les honorables chefs de la droite se sont chargés eux-mêmes de se déclarer impossibles, je vais en donner la preuve.
Rappelez-vous, messieurs, les divers incidents de la crise ; quand le ministère s'est retiré que vous conseillions-nous de faire ? De prendre le pouvoir. Vous n'avez pas osé. Vous disiez alors : « Nous n'avons pas la majorité. » Nous vous avons répondu : « Faites la dissolution puisque vous êtes sûrs d'avoir la majorité dans le pays. » Vous n'avez pas osé non plus.
L'honorable M. Royer de Behr nous a déclaré hier que la droite a pu entrer aux affaires sans programme ; pourquoi ne l'a-t-elle pas fait ? Encore une fois parce qu'elle n'a pas osé.
Et pourquoi, messieurs, n'avez-vous pas osé ? Parce que vous aviez un programme qui n'était point formulé, un programme qui n'était point consigné dans un document plus ou moins officiel, mais qui était parfaitement connu du pays et dont vous saviez à merveille que le pays ne voulait pas. A cette époque vous vouliez un ministère de trêve ; pourquoi n'avez-vous pas formé ce ministère ?
Vous dites aujourd'hui que les questions religieuses sont des questions qui ne devraient jouer aucun rôle dans nos débats, mais pourquoi n'y avez-vous point renoncé ? Pourquoi vous, opposition, n'avez-vous pas offert cette trêve que vous invoquiez avec tant d'insistance ? Pourquoi fallait-il absolument que le ministère de trêve fût un ministère libéral ? Pourquoi ne pouvait-il pas être pris dans vos rangs ? Pourquoi ? Encore une fois, parce que vous vous sentiez impossibles même comme ministère de trêve.
Ce que vous vouliez, c'était un ministère libéral, mais un ministère libéral incolore, qui n'eût été libéral que de nom, qui eût laissé le pays s'endormir, et l'opinion libérale se diviser et se décourager pour arriver insensiblement aux élections de 1865.
On aurait fait la trêve dans le parlement, mais on aurait continué la guerre dans le pays ; on aurait poursuivi le travail occulte au point de vue des élections de 1865 ; puis vous seriez arrivés au pouvoir, grâce au découragement des libéraux, et alors vous auriez déployé votre vrai drapeau, proclamé votre vrai programme.
Aujourd’hui vous avez été mis au pied du mur, vous avez dû vous exécuter, vous avez fait un programme tel quel, dont vous avez écarté toutes vos prétentions réelles, et forcés d'admettre la dissolution dont vous ne vouliez pas il y a trois mois, vous la demandez immédiatement, hic et nunc sur-le-champ. Cette dissolution dont vous ne vouliez pas, il vous la faut aujourd'hui sur l'heure. Et pourquoi ? Je vais vous le dire ; tant que vous avez cru pouvoir y échapper, vous l'avez repoussée, mais aujourd'hui que la dissolution est devenue inévitable, aujourd'hui que vous ne pouvez plus y échapper, vous voulez l'avoir tout de suite, parce que vous sentez parfaitement que plus la crise se prolongera dans cette Chambre et dans le pays, plus le pays s'éloignera de vous.
Ce que vous voulez surtout éviter, c'est la discussion ; et sans être, Dieu merci, dans les secrets de vos conseils, je devine parfaitement ce que vous auriez fait si votre programme avait été accepté par la Couronne ; vous n'auriez pas convoqué les Chambres ; vous auriez fait la dissolution sans discussion aucune, en lassant à ce programme, qui n'était qu'un mirage, qu'une fantasmagorie, comme on vous l'a suffisamment (page 437) démontré ; en laissant à ce programme son air libéral, tandis qu'il n'était qu'un paravent derrière lequel vous auriez abrité vos prétentions théocratiques.
Vous demandez aujourd'hui la dissolution sur votre programme ; mais nous ne voulons pas qu'elle se fasse sur cette profession de foi qui ne vous appartient pas ; nous voulons que l'on fasse la dissolution à la fois sur ce programme et sur votre attitude dans cette Chambre ; nous voulons que vous vous présentiez devant le pays après avoir refusé le budget, après avoir entravé la marche des services publics, après être devenus, vous le grand parti conservateur, une opposition révolutionnaire pour cette pièce de 5 francs dont l'honorable M. Coomans parlait hier.
Oui, pour qu'un appel soit fait au pays sur votre programme, il faut qu'on sache ce que ce programme renferme et ce qu'il cache ; il faut qu'on sache que ce programme n'est qu'un faux pavillon qui couvre une marchandise de contrebande, le cheval de Troie qu'on veut introduire dans la place et qui renferme les foudres de l'Eglise. Votre programme n'est au fond que le mandement de l'évêque de Bruges, dont l'honorable M. Soenens est le glorieux produit.
Que la dissolution vienne ; mais elle viendra après que nous aurons pu dire au pays que nous aussi nous voulons la liberté communale, et l'opinion libérale en a donné des preuves, en défendant énergiquement en toute occasion l'indépendance du pouvoir civil. Nous voulons dire aussi au pays, que nous voulons l'abaissement du cens ; nous l'avons prouvé en 1848 ; mais nous lui dirons en même temps que nous ne voulons pas amener cet abaissement seulement par une réduction de chiffres, mais encore en cherchant à élever le niveau intellectuel de la nation, en mettant un plus grand nombre de citoyens à même de payer le cens actuel et d'user d'une manière intelligente et utile de leurs droits électoraux.
Nous aussi nous voulons la réduction des impôts ; nous l'avons suffisamment prouvé !
Nous l'avons prouvé en votant l'abolition des octrois ; nous l'avons prouvé, en détruisant, partout où on l'a pu, les barrières fiscales. Un de nos honorables amis, M. le ministre des travaux publics, l'a prouvé encore récemment en réduisant dans des proportions considérables le tarif du transport des marchandises sur le chemin de fer. Ces dégrèvements de charges et d'autres encore ne consistent pas dans des promesses vagues, comme celles que fait l'honorable M. Dechamps dans son programme ; elles consistent d'abord dans des faits accomplis ; elles consistent encore et surtout dans le développement de la richesse nationale qui rend plus facile le payement de l'impôt et qui est bien plus efficace qu'une simple promesse de réduction faite sur le papier et qui très probablement ne se réalisera jamais.
Voilà ce que nous voulons que le pays sache.
Et je me permettrai de demander en même temps aux partisans du programme de l'honorable M. Dechamps, s'ils ont renoncé à faire excommunier nos écoles et nos journaux, s'ils ont renoncé à leurs prétentions en matière de charité, de fondations et de cimetières ; en un mot, si, en nous prenant une partie de nos idées, ils ont cessé de professer les leurs.
Nous vous demandons enfin si en devenant, par une sorte d'intercession divine, que pour ma part je ne comprends pas, les courtisans de la démocratie, vous avez cessé d'être les fils soumis de l'Eglise ; si en devenant les libéraux belges, vous avez en poche l'autorisation de la cour de Rome. A cette question, vous ne répondrez pas ; mais alors vous serez jugés : votre silence sera votre condamnation.
MpVµ. - Messieurs, on a fait parvenir au bureau une proposition de loi signée de six de vos collègues. Elle sera renvoyée aux sections pour voir si elles en autorisent la lecture.
MpVµ. - Nous reprenons la discussion ; la parole est à M. Soenens pour un fait personnel.
M. Soenensµ (pour un fait personnel). - Messieurs, je pourrais répondre longuement au discours de M. Hymans, si je voulais le suivre dans tous les détails de ce discours où il s'est occupé de moi ; il s'est aventuré, en effet, à répondre à mon discours d'hier, et à parler de cimetières, de captation, au lieu de discuter la crise ministérielle ; il est vrai qu'il m'a fait, à propos de la crise ministérielle, l'honneur d'en rendre responsable mes commettants de Bruges, et notre élection : cet honneur-là, nous ne le déclinons pas.
Mais je n'ai pas la parole pour tout cela ; nous en reparlerons ; car votre manière de discuter à côté du programme fait désormais, avec le programme, le fond du débat, et j'aurai particulièrement à vous dire ce que c'est que cette prétendue pièce fausse que j'ai apportée hier à cette tribune, et en face de laquelle plus aucune discussion n'est possible à l'ancien cabinet de 1847.
Pour le moment je veux, comme je le dois, me renfermer dans le fait personnel.
Au début de son discours, l'honorable membre auquel je réponds, personnifiant en moi ce qu'il appelle le cléricalisme et la théocratie, vous disait : Oui, le programme cache vos prétentions cléricales, car l'honorable M. Soenens lui-même ne le répudie pas. Et reprenant une misérable interruption d'hier, il m'a nommé encore le représentant des évêques ; je suis un représentant de la théocratie romaine ; et j'ai reçu du pape une distinction honorifique, quand j'eus porté à Sa Sainteté Pie IX le denier de Saint-Pierre.
Ici, j'ai donné un démenti net, afin d'avoir l'occasion de répondre pour un fait personnel.
Je voudrais avoir eu l'honneur et le bonheur d'avoir porté aux pieds du souverain pontife l'humble denier de Saint-Pierre ; cet honneur, je ne l'ai pas eu. Si je réponds à M. Hymans, ce n'est pas qu'il me vaille la peine de m'expliquer, sur certaines choses, vis-à-vis de certaines personnes. Mais lorsqu'on reproduit ces choses-là à la Chambre, il y a, outre le fait, l'intention blessante de me faire considérer comme n'apportant pas à cette tribune et sur ce banc cette entière indépendance qui convient au citoyen belge, appelé à faire les lois de son pays, constitutionnel et libre ; j'ai le droit de m'offenser de cette intention, et d'en demander raison à mes adversaires.
La raison que j'ai obtenue, vous la connaissez, elle est misérable : M. Hymans, un journaliste, a lu cela dans les journaux ! Voilà où ils descendent dans le parlement belge, les amis du gouvernement représentatif !
Eh bien, oui : il y a des journaux qui ont dit cela, M. Hymans ne sait-il pas qu'il y a des journaux qu'on méprise ? J'ajouterai donc un mot : présenté au pape par un illustre cardinal que vous connaissez tous, Mgr Wiseman, je reçus du souverain pontife des remerciements pour quelques légers services que j'avais eu l'honneur de rendre, en Belgique et en Angleterre, à Mgr Wiseman et à l’épiscopat anglais. Ces remerciements étaient une récompense que j'étais loin de mériter. Quelques semaines après mon retour en Belgique, je reçus du souverain pontife une distinction qui restera dans ma famille comme le plus précieux souvenir que je veux laisser à mes enfants.
Cela veut dire que s'il est des souverains qui accordent des distinctions qu'on leur demande, il en est qui en donnent qu'on ne demande pas.
MpVµ. - La parole est à M. Thonissen.
M. Thonissenµ. - L'heure étant avancée, je demande la remise de la discussion à demain. (Oui ! oui !)
- La séance est levée à 4 heures 3/4.