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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 16 janvier 1864

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1863-1864)

(Présidence de M. E. Vandenpeereboom.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 274) M. Van Humbeeck, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à une heure et un quart.

M. de Florisone, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Van Humbeeck, secrétaireµ, présente l’analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Le sieur Pollet réclame l’intervention de la Chambre pour que le procureur général près de la cour de cassation dénonce à la section criminelle l'arrêt rendu par la cour d'appel de Bruxelles, le 31 octobre 1863, en cause du ministère public contre Jacques Karsman, d'Anvers. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le conseil communal de Wesmael demande une loi dans l'intérêt de la langue flamande. »

- Renvoi à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport.


« Des brasseurs et négociants demandent une diminution des droits d'accises sur la bière indigène. »

- Renvoi à la commission permanente de l’industrie.


« Des habitants d'Heelenbosch demandent une loi qui règle le mode de sépulture. »

« Même demande d'habitants de Dormael. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« M. de Paul, retenu chez lui par une indisposition, demande un congé. »

- Accordé.

Vérification des pouvoirs

Arrondissement de Bruges

M. B. Dumortier (pour une motion d’ordre). - Je demanderai a M. le ministre de l'intérieur si les procès-verbaux de l’élection de Bruges ne sont pas encore arrivés. Voilà deux à trois mois que ce district est sans représentant.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Les procès-verbaux de l'élection ne sont pas encore arrivés.

J'ai envoyé hier vers midi une dépêche à Bruges pour les réclamer et il m'a été répondu : Ils seront expédiés demain matin.

A une heure ces procès-verbaux n'étaient pas encore arrivés au département de l'intérieur. Mais j'ai donné ordre à mon cabinet, du moment qu'ils y seraient remis, de me les envoyer à la Chambre.

M. B. Dumortier. — Je me déclare satisfait.

Ordre des travaux de la chambre

M. Allard (pour une motion d’orde). - Le cabinet a donné sa démission.

Il nous reste à voter le budget de l'intérieur, le budget de la justice et quelques autres budgets.

Parmi ces budgets, il y en a de politiques. Je crois qu'il convient que le ministère qui remplacera le ministère actuel défende ces budgets, que ce soit avec lui que nous ayons affaire, car nous devons et il est de notre devoir, de discuter sa politique.

Le gouvernement a obtenu un crédit provisoire pour trois mois. La marche du gouvernement est donc assurée. Je propose en conséquence à la Chambre de s'ajourner, après le vote de la loi sur la substitution en matière de milice, pendant quinze jours. (Interruption)

MfFOµ. - Jusqu'à convocation par le bureau.

M. de Theuxµ. - Il faut que les pouvoirs des députés de Bruges soient vérifiés.

M. B. Dumortier. - Cette proposition ne peut pas être acceptée. Elle n'a rien de sérieux. C'est au contraire quand le ministère donne sa démission que la Chambre doit rester à son poste.

D'ailleurs, comme vient de le faire remarquer l'honorable M. de Th.ux, il est impossible de nous ajourner sans avoir vérifié les pouvoirs des élus de Bruges. Veut-on laisser ce district pendant trois mois encore sans députés ? Cela n'est pas possible.

M. de Theuxµ. - Je demande que la décision sur la motion de M. l'honorable M. Allard soit postposée jusqu'après la vérification des pouvoirs des élus de Bruges.

MfFOµ. - On peut accepter la proposition de l'honorable M. Allard, sauf la vérification des pouvoirs.

M. de Theuxµ. - On décidera après cette vérification.

Je demanderai aussi à M. le président si la commission d'enquête pour les élections de Bastogne continuerait à fonctionner pendant l'ajournement.

- Plusieurs membres. - Evidemment.

MpVµ. - Il ne dépend pas du bureau d'arrêter une décision de la Chambre. La commission d'enquête a été nommée en vertu d'une décision de l'assemblée. Il faut une décision de la Chambre pour suspendre les opérations. Ce n'est pas au bureau à décider cette question.

M. Coomans. - Je ne puis me rallier à la proposition de l'honorable M. Allard, ni aujourd'hui, ni demain... (Interruption.) ni même après-demain. (page 275) Il ne me semble pas convenable qu’une Chambre s’ajourne elle-même sans des motifs graves. Si la Chambre gêne le gouvernement, celui-ci a dans la Constitution des moyens à sa disposition pour suspendre nos travaux. Que le gouvernement agisse loyalement ; si telle est sa pensée, si sa pensée est conforme à celle de l’honorable M. Allard, et je crois qu’il en est ainsi d’après certaines paroles que je viens d’entendre, il a la faculté constitutionnelle d’ajourner la Chambre. Quant à nous, restons à notre poste, et ne prenons pas l’initiative dans une aussi grave mesure. Je m’y oppose, quant à moi, de toutes mes forces.

M. Allard. - Les Chambres se sont toujours ajournées, lorsqu'elles se trouvaient en présence d'un ministère démissionnaire, et je crois que ce serait la première fois qu'on agirait autrement. Les Chambres se sont quelquefois ajournées pendant un mois ou six semaines à propos de la démission d'un cabinet.

Nous n'attendez pas sans doute que nous discutions, dans les circonstances actuelles, des budgets politiques, et que nous vous remettions tous les budgets votés. Si vous arrivez au pouvoir, nous voulons les discuter avec vous, et c'est pour cela que je propose l'ajournement.

Si maintenant l'on veut s'ajourner après la vérification des pouvoir des élus de Bruges, je ne m'y oppose pas. Mais je demande que la Chambre décide qu’elle s’ajournera après cette vérification.

MpVµ. - La proposition primitive est modifiée en ce sens que la Chambre ne s'ajournerait qu'après la vérification des pouvoirs des élus de Bruges.

M. B. Dumortier. - Je vous avoue, messieurs, que je suis étonné de la proposition de l’honorable M. Allard, je ne la conçois pas. Comment ! voilà trois mois que cette Chambre est réunie et dans le courant de ces trois mois nous n’avons rien fait du tout. (Interruption) Le pays se plaint et avec raison de ce que des incidents qui n’ont pas toujours tourné en faveur de ceux qui les ont provoqués, ont entravé jusqu'à présent nos travaux, et c'est précisément au moment où nous avons à travailler qu'on vient nous dire : Allez-vous-en. (Interruption.) Cela est évidemment déraisonnable.

L'honorable M. Allard nous dit qu'il ne veut pas examiner les budgets, parce que ce sont des lois politiques ; c'est l'opinion de l’honorable membre ; quant à nous, nous verrons plus tard ce que nous avons à faire. Mais pour le moment, je ferai remarquer que, indépendamment du budget, il y a encore à l'ordre du jour une foule d'objets qui n'ont rien de politique et dont nous pourrions utilement nous occuper.

Je ne comprends pas comment après un commencement de session qui est une véritable parenthèse absolument vide, on vienne nous proposer de nous ajournée et d’accroître ainsi le retard que nous avons mis à nous occuper sérieusement des affaires du pays.

M. Allard. - Je ne m'opposerais pas à ce que la Chambre discutât cette foule de choses qui, selon l'honorable préopinant, seraient à l’ordre du jour, si en effet il y avait, à part les budgets non encore votés des objets sur lesquels nous aurions à délibérer ; mais nous n'avons qu'un feuilleton de pétitions, et je ne pense pas que ce soit à cet objet que l'honorable M. B. Dumortier fait allusion. Et quant aux budgets, je tiens à déclarer, avec la conviction d'être l'organe de mes amis, que nous n'entendons nullement qu'un ministère pris dans les rangs de la droite trouve tous les budgets votés à son arrivée au pouvoir.

- Voix à droite. - Nous ne demandons pas cela.

M. Allard. - Eh bien, quand vous arriverez au pouvoir, nous discuterons vos budgets.

En attendant et puisque la Chambre n'a rien autre chose à son ordre du jour que la loi doit nous allons aborder la discussion, nous demandons qu'elle séjourne après le voie de cette loi.

M. Orts. - Il paraît que la convenance de ne pas discuter les budgets politiques des ministres qui ne sont pas chargés de les exécuter est reconnue par tout le monde. Nous pourrions donc parfaitement nous entendre et atteindre le but désiré par l’honorable M. Allard en adoptant la proposition intermédiaire que je viens soumettre à l’assemblée. Nous n’avons qu’un seul budget à l’ordre du jour, c’est le budget de la justice. Que la Chambre fasse disparaître cet objet de son ordre du jour ; qu’il soit convenu qu’on n’ajoutera pas à l’ordre du jour un autre budget en remplacement de celui de la justice ; continuons à siéger aussi longtemps que nous ordre du jour ne sera pas épuisé.

- Une voix. - Il n’y a plus rien.

M. Orts. - Eh bien, puisque la droite consent à ne pas discuter immédiatement les budgets, quand nous aurais épuisé notre ordre du jour, force nous sera bien de nous séparer.

M. B. Dumortier. - J'avoue que je ne comprends pas ce puritanisme. Comment ! hier nous avons voté le budget de la guerre ; avant-hier nous avons voté le budget des finances ; à coup sûr, ce sont des budgets politiques au même titre que les autres.

- Voix à gauche. - Pas du tout !

M. B. Dumortier. - Mais, si nous avions voulu faire, comme l’honorable M. Allard, discuter les budgets article par article, Dieu merci ! nous aurions eu beaucoup à dire sur les deux budgets qui viennent d’être votés.

M. Bara. - Il me semble que vous ne vous êtes point fait faute de discuter le budget de la guerre.

M. B. Dumortier. - Nous aurions pu discuter à propos de ces budgets la politique de MM. les ministres des finances et de la guerre ; mais voyez combien nous avons été conciliants ! Le budget des finances a été voté en moins de deux heures et à l’unanimité !

MfFOµ. - C’est une marque de confiance !

M. B. Dumortier. - Voilà comment nous entendons les affaires publiques ; nous voulions qu’elles se fassent, parce que nous mettons les affaires publiques au-dessus des intérêts de parti, et je crains que la motion qu’on vient de faire ne soit encore dans l’intérêt d’un parti.

M. Bara. - Je crois qu’il n’y a aucune raison sérieuse pour repousser la proposition de l’honorable M. Allard. Il me semble, d’ailleurs, qu’elle est acceptée par plusieurs membres de la droite, entre autres par l’honorable M. de Theux.

Il est évident que si la politique gouvernementale doit être modifiée, il nous est impossible de voter des budgets qui seront dépensés par des adversaires politiques. Nous étions disposés à voter les budgets de la justice et de l’intérieur parce qu’ils ont été présentés par nos amis.

Mais si la marche du gouvernement doit être changée, nous désirons pouvoir, si cela nous convient, discuter les budgets au point de vue de la politique qui prévaudra.

L'honorable M. Dumortier dit qu'on a voté le budget des finances et le budget de la guerre. C'est exact ; mais quand on a voté le budget des finances, le cabinet n'avait pas remis sa démission entre les mains du Roi.

Jusqu'au moment où cette démission a été un fait accompli, on pouvait discuter les budgets.

Quant à la discussion du budget de la guerre, elle était aussi, je pense, commencée avant la remise de la démission du ministère entre les mains de Roi.

Le système de M. Dumortier est facile à comprendre, ce serait de nous faire voter les fonds dont il a besoin et de nous renvoyer ensuite. Vous êtes, messieurs, un grand parti politique, vous voulez revenir au pouvoir ; au congrès de Malines, vous avez fait connaître vos intentions et votre programme, Au pouvoir, si le Roi vous y appelle, vous ferez de la politique, vous serez un ministère politique. Nous vous traiterons comme tel. (Interruption.) Nous entendons vous traiter comme tel.

Vous avez amené une situation difficile, vous ne pouvez pas en décliner la responsabilité et en repoussant la proposition de M. Allard, vous semblez craindre de nous voir revenir sur nos bancs.

M. de Theuxµ. - L'honorable M. Bara nous dit : Vous avez voulu la situation ! C’est à nous de dire : Vous avez voulu la situation, vous avez la situation telle que vous l'avez faite.

M. de Moorµ. - Anvers et l'évêque de Bruges.

M. de Theuxµ. - Maintenant quant à la discussion des budgets politiques, pour mon compte je ne ferai aucune espèce d'opposition à ce qu’elle soit ajournée.

Cependant je dirai que si la loi de comptabilité avait été exécutée, les budgets de l'année courante eussent été votés et l'avantage que la gauche veut trouver dans une discussion politique lui aurait échappé. Si sous ce rapport la situation présente des difficultés, c'est encore vous qui l'avez créée.

MfFOµ. - Messieurs, le moment n’est pas venu d’examiner à qui incombent les difficultés de la situation actuelle. Chacun de nous réserve son opinion à cet égard. C'est là une question que nous discuterons ultérieurement ; je me bornerai à dire que, quant à nous, de ce côté de la Chambre, nous pensons que la responsabilité de cette situation appartient tout entière à l’opposition, et qu'elle doit en subir toutes les conséquences. (Interruption)

Permettez donc ! j'exprime ici mon opinion et celle de mes amis, et je comprends parfaitement que vous affirmiez une opinion contraire. Cela ne me surprend en aucune façon. Au surplus, je le répète, nous discuterons cette question dans un moment plus opportun.

Quant à présent, je ne comprendrais pas que l'on fît la moindre opposition à la proposition qui vient d'être formulée. Que, jusqu'à ce moment, nous n'ayons rien dit dans ce sens, cela se conçoit ; si, malgré notre position de ministres démissionnaires, la Chambre nous votait les budgets, nous n’aurions certes pas à nous en plaindre. Mais ce que je ne concevrais pas, c’est que la chambre consentît, en présence de la situation actuelle, à abdiquer son droit d'examen. Ce serait là une manière d'agir absolument incompréhensible. (Interruption.)

Mais, messieurs, il me semble que l'opinion que j'exprime doit rencontrer l'assentiment de l'un et de l'autre parti,

M. Moncheur. - On est d'accord pour ne pas discuter le budget.

MfFOµ. - Je vous demande pardon ; on n'est pas d'accord ; il c'est pourquoi je soutiens qu'il est impossible de discuter utilement, convenablement et franchement les budgets non encore votés, dans une pareille situation. En agissant ainsi, la Chambre se dessaisirait de son droit de contrôle sur la direction politique des affaires du pays. Elle ne le peut pas. La droite ne peut pas demander pareille chose, et la gauche ne pourrait pas y souscrire.

L'honorable M. de Theux dit que parce qu’il y a eu infraction à la loi sur la comptabilité de l'Etat, que nous nous trouvons dans cette situation, et que les budgets seraient votés si les prescriptions de cette loi avaient été observées.

L'honorable M. de Theux n'a raison qu'a demi. Si les budgets pour l’année courante avaient été votés avant ce moment, la situation actuelle aurait pu être maintenue pendant six semaines encore. Mais, par la même raison tirée de la loi de comptabilité, il aurait fallu également présenter les budgets de 1865 à la fin du mois de février prochain, ce qui eût rétabli les choses dans l’état où elles sont aujourd’hui, toujours au point de vue de l’exécution stricte de la loi de comptabilité.

Quoi qu'il en soit, je persiste à dire qu’il ne peut y avoir de discussion sérieuse des budgets dans la position où se trouve le pays.

MpVµ. - Je vais consulter la Chambre sur la proportion de l'honorable M. Allard.

M. Coomans. - Il me semblait que l’honorable Orts avait fait une autre proposition à laquelle je pourrais adhérer.

M. Orts. - Je ne l'ai pas retirée.

M. Coomans. - Je fais cette remarque parce que M. le président se disposait à mettre aux voix la proposition de l'honorable M. Allard. Il me semble que la priorité appartient à celle de l'honorable M, Orts qui répond à toutes les objections et qui fait disparaître les scrupules de dignité parlementaire.

J'entends que la Chambre ne s'en aille que faute de besogne et alors on verra à qui incombera la responsabilité des faits. (Interruption.)

Pas de budget, soit ; pas de discussions politiques, son ; eh bien, nous discuterons les objets non politiques et quand il n'y en aura plus à l’ordre du jour, force sera de nous séparer.

C'est ainsi que j'entends la proposition de l'honorable M. Orts, et j'y adhère dans ce sens.

MpVµ. - Je consulte d'abord la Chambre sur la proposition de M. Orts.

- Il est procédé au vote par assis et levé.

La proposition est adoptée.

Projet de loi relatif aux substitutions en matière de milice

Discussion générale

MpVµ. - Le premier objet à l'ordre du jour est le projet de loi relatif à la substitution en matière de milice. Le projet de loi te trouve amendé par la section centrale. Le gouvernement est-il d'accord avec elle sur ces modifications ?

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Oui, M. le président.

MpVµ. - C'est sur le projet de loi modifié qua s'ouvre la discussion.

M. Coomans. - Messieurs, la pensée qui a inspiré l'honorable ministre en détachant le projet de loi du projet général de révision des lois de milice, est certainement bonne, et je suis de ceux qui l'en ont remercié. Je pense avec lui que la Chambre n'hésitera pas à le voter.

Ce projet contient une amélioration importante, malheureusement la seule amélioration notable que j'aie trouvé dans le projet général de réforme.

Il s'agit de faciliter la substitution militaire ou plutôt d'égaliser les conditions de la substitution militaire. (Interruption.)

Messieurs, je demande au moins le silence. J'ai droit au silence, sinon à votre attention. II est surprenant qu'un projet de loi aussi vivement, aussi légitimement attendu par nos populations, n'excite pas davantage l’intérêt et les sympathies de la Chambre,

Il s’agit donc de mettre toutes les familles dans une situation d'égalité devant la faveur de la substitution militaire.

Bien que le projet de loi présenté par l’honorable ministre ne soit pas aussi large que je l'eusse désiré, je l'aurais voté sans observation, afin de hâter le moment de sa mise en vigueur. Mais je regrette que l'honorable ministre se soit rallié aux propositions de la section centrale, qui ont diminué considérablement les avantages du projet de loi, en augmentant les difficultés de 1a substitution militaire. J'aurais à cet égard de nombreuses observations à présenter ; j'aurais aussi à vous en soumettre au sujet des extensions à donner au principe admis par le gouvernement, maïs je vois que la Chambre est peu disposée à entrer en ce moment dans une discussion approfondie de ces matières.

D’autre part, je ne veux pas encourir la responsabilité d'un ajournement de ce projet de loi, ajournement qui serait déplorable au point de vue de la justice absolue, trop longtemps méconnue à cet égard, et au point de vue des intérêts de milliers de familles qui attendent impatiemment la promulgation de la loi.

Je me bornerai donc à indiquer très sommairement les articles et les paragraphes sur lesquels je ne suis pas d’accord avec la section centrale.

La section centrale a accru les difficultés de la substitution et cela de différentes manières.

Elle a élevé la taille adoptée par le gouvernement, ce qui, chacun le comprendra, va diminuer le nombre des substituants. Elle a exigé deux certificats au lieu d’un et des conditions de moralité supplémentaires, des conditions plus sévères que celles exigées des miliciens.

J'ai un reproche à faire à des dispositions communes au projet de loi du gouvernement et à celui de la section centrale. Ces objections portent sur l’exigence des autorités en ce qui concerne le versement d'une certaine somme d’argent dans les caisses militaires, sur la taille et sur le consentement obligatoire des parents.

II y a une autre exigence que je ne m'explique pas, dont je ne parviens pas à distinguer une ombre de motif, c'est que le contrat entre le substituant et le substitué se résolve en une question d'argent.

Il m’est impossible de comprendre l'intérêt que peut avoir le gouvernement à exiger que le substituant reçoive du substitué de l'argent plutôt qu'autre chose, plutôt même que rien ; car enfin s'il plaisait à un jeune homme de remplacer gratuitement un ami, je ne vois pas pourquoi le gouvernement s'y opposerait.

Il y a bien des familles qui n'ont pas à leur disposition quelques centaines de francs, mais qui, au moyen d'autres avantages à offrir à un substituant, pourraient jouir du bénéfice de la loi, soit par une rente annuelle, soit par une fourniture de vivres, soit par le don d'une tête de bétail, soit par d'autres sommes à accorder à une pauvre famille.

Je le répète, je n'admets pas de formalités inutiles, surtout en matière de milice et je crois que le gouvernement ne devrait prescrire des formalités que lorsqu'elles sont indispensables. La condition prescrite à l'article 6, je ne la comprends pas

Je ne vois pas non plus pourquoi le consentement des parents, dans certains cas, est exigé pour l'admission d'un substituant ; les volontaires sont libres, un jeune homme mineur peut s'engager sans le consentement de ses parents. (Interruption.)

Evidemment. Cette dérogation au droit commun déjà ancienne, c'est Napoléon Ier qui l'a introduite dans nos Codes. Eh bien, messieurs, s'il st permis à des jeunes gens mineurs de s'engager dans l'armée sans le consentement des parents, je ne vois pas pourquoi il ne serait pas permis à des jeunes gens majeurs de s'y engager sans le consentement de leurs parents.

Vous me direz que la loi a accordé une faveur à certaines familles en exemptant du service un fils ou un frère, pour l'une ou l'autre cause (interruption), comme enfant unique, comme frère soutien, etc. Oui, mais vous ne voulez pas empêcher l'enfant unique, le fils unique, de s'engager comme volontaire à l'âge de dix-huit ans. Vous lui laissez ce droit exorbitant et vous l'enlevez au milicien. Vous voyez que cette raison ne tient pas.

Messieurs, je pourrais en dire long sur cette matière, que j'ai étudiée, sinon avec fruit, du moins avec une attention très soutenue et très pénible pendant de longues années.

Messieurs, les raisons d'argent que j'ai exposées m'empêchent de présenter des amendements, je crains que la solution ne soit pas assez immédiate ; par conséquent je me borne à ces quelques remarques, qui auront au moins la valeur d'une protestation.

Si je vote ce projet de loi, c'est sous la réserve formelle de ne pas adhérer au détestable principe de la servitude militaire.

(page 277) C'est un point que nous examinerons plus en détail et plus sérieusement en temps utile.

(page 281) M. Muller, rapporteurµ. - Messieurs, tout ce qui concerne l'institution de la milice excite et doit exciter l'intérêt de la Chambre. Je crois donc que c'est à tort que l'honorable M. Coomans a reproché à une partie de l'assemblée, en commençant son discours, de ne pas être attentive à ses paroles, de ne pas témoigner une sollicitude assez vive pour le projet de loi en discussion. L'honorable M. Coomans a été évidemment, dans ses expressions, au-delà de sa pensée.

Messieurs, je vais rencontrer brièvement les griefs que le représentant de Turnhout fait valoir tant contre le projet de loi du gouvernement que contre les amendements de la section centrale.

Ces griefs, l'honorable membre les a formulés à un point de vue beaucoup trop absolu, c'est-à-dire qu'il n'a pas tenu compte de la législation actuelle. Il ne s'est pas assez préoccupé des circonstances dans lesquelles ce projet provisoire a été présenté.

Si nous avions à faire une loi définitive, si un projet de reforme générale de la milice n'était pas déposé et soumis à l'examen d'une section centrale, une foule de questions auraient pu être examinées à fond par la commission et par la Chambre. Mais nous avons dû tenir compte d'une considération grave : c'est qu'il fallait que la loi spéciale dont nous sommes saisis fût, autant que possible, en concordance avec la législation existante ; sans quoi, nous aurions pu amener une grande complication et rendre inexécutable, de la part des autorités qui sont chargées de l'appliquer, l'amélioration qu'on nous propose.

Un des reproches que l'honorable M. Coomans a fait aux amendements de la section centrale, atteint également, qu'il me permette de le lui dire, le projet du gouvernement.

Il a parlé de la taille ; mais évidemment, et le gouvernement l'a déclaré, ce n'est que par une erreur, par un lapsus calami qu'on avait, dans le projet, fixé une taille moindre pour le substituant que pour le milicien,

Si nous abordions d'une manière définitive la question de savoir quelle taille il faut admettre comme minima dans notre législation de la milice, les observations de l'honorable M. Coomans pourraient être prises en considération. Mais en ce moment, il ne s'agit que d'une chose, c'est de déclarer, ce qui n'est pas une innovation, que le substituant doit avoir au moins la taille que l'on exige pour le milicien.

L'honorable M. Coomans a cité une autre aggravation de position qui existerait pour le substituant : c'est, d'après le projet du gouvernement, la formalité du certificat de moralité délivré par l'administration communale et visé par le juge de paix ; c'est, d'après le projet de la section centrale, le double certificat de l'administration communale et du juge de paix, l'un indépendant de l'autre.

Au fond, messieurs, ce supplément de formalité ne paralyse pas l'exercice légitime du droit de substitution. Il est de condition essentielle, selon nous, et la commission a été unanime sur ce point, que le substituant ait une bonne moralité, que cette moralité soit constatée par un moyen efficace quelconque. Si le substituant n'a pas de reproches graves à encourir, sa position n'est évidemment pas aggravée, quant aux conditions d'admission.

Mais je conçois qu'au point de vue du caractère pratique de ce double contrôle et de la garantie qu'il peut offrir, on présente des objections ; à cet égard, la commission a tenu à se renseigner auprès du gouvernement pour savoir s'il n'y aurait pas des difficultés d'exécution trop grandes, eu égard au but que l'on peut atteindre ; et c'est sous le bénéfice d'une réponse négative que le double certificat a été admis.

La commission s'est prononcée pour deux pièces différentes, parce qu'il ne lui a pas paru convenable qu'une attestation d'une autorité administrative fût visée par une autorité judiciaire, le juge de paix.

Quant à des conditions de moralité plus sévères que celles que propose le gouvernement, et que nous aurions introduites dans nos amendements, je n'en découvre pas.

M. Coomans. - Vous ne m'avez pas compris sur ce point.

M. Mullerµ. - Dans ce cas, je prie l'honorable interrupteur d'expliquer sa pensée.

M. Coomans. - Je me suis plaint de ceci : c'est qu'on exigeait plus de moralité, plus de vertu du substituant que du milicien.

M. Mullerµ. - L'honorable M. Coomans nous avait dit que la commission était, sous ce rapport, plus exigeante que le gouvernement.

M. Coomans. - Cela est vrai pour le certificat,

M. Mullerµ. - Vous aviez dit que nous exigeons, quant aux conditions de moralité, plus que le gouvernement. C'est une erreur, les conditions sont les mêmes. Mais je répéterai ici une observation capitale qui a été consignée dans mon rapport.

Le cercle de la substitution doit s'élargir, c'est désirable, parce que cela est juste. Nous avons été unanimes à connaître, comme l'honorable M. Coomans, qu'actuellement la substitution constitue, en fait, une sorte de privilège, c'est-à-dire qu'elle est abordable, qu'elle est facile pour les habitants des localités populeuses, mais qu'elle reste à peu près illusoire pour les contrées agricoles. Eh bien, si la substitution doit s'étendre et prendre des proportions plus larges, évidemment il faut, au point de vue de la bonne composition d'une armée, au point de vue de la moralité de cette institution, que le substitué fournisse à l'armée un substituant dont la moralité ne soit pas à bon droit suspecte. Il aurait toujours dû en être ainsi, mais désormais cela deviendra encore plus indispensable.

Je ne crois pas que ce soit là une mesure dont on ait lieu de se plaindre, de mauvais substituants, ceux qui ne méritent pas d'être accueillis, reculeront seuls devant cette épreuve ; je crois, au surplus, avoir justifié dans mon rapport la nécessité de la garantie de bonne moralité.

Il est, messieurs, un autre reproche, qui ne me paraît pas plus fondé, adressé au projet de loi par M. Coomans.

L'honorable membre dit : Je ne comprends pas que vous vouliez empêcher deux personnes, dont l'une désire se faire substituer, dont l'autre consent à être substituant, de contracter ensemble, si ce n'est moyennant une somme d'argent.

Messieurs, noire honorable contradicteur va trop loin : ce qui est simplement exigé ici, dans ma pensée, c'est que le substituant stipule, dans les conditions de son contrat, une évaluation en argent, et qu'il y ait au moins, pour être versée en son nom à la caisse militaire à titre d'avance, une somme de 75 francs, qui lui sera restituée lorsqu'il obtiendra son congé, déduction faite de la dette qu'il pourrait avoir à la masse.

S'il plaît à un substituant d'accepter, dans le prix de la substitution à laquelle il s'engage, une tête de bétail, comme l'a dit l'honorable M. Coomans, nous n'entendons pas le lui interdire.

M. Coomans. - Et votre article 6 ?

M. Moncheur. - Cet article dit le contraire.

M. Muller, rapporteurµ. - Evidemment, messieurs, vous avez mal compris le sens de cette disposition ou du moins autrement que nous. L'article 6 dit bien que le prix de la substitution doit être fixé en argent ; mais il ne s'ensuit pas que ce prix doive être nécessairement tout payé en argent.

On a proposé que le prix de la substitution soit fixé en argent, parce qu'il en a toujours été ainsi, et qu'il faut bien qu'il y ait une valeur attribuée à l'objet du contrat ; parce qu'en second lieu le versement de 75 fr. en mains du gouvernement doit être assuré.

Si vous avez des doutes à cet égard après les explications que je donne au nom de la commission, il vous est loisible de présenter un amendement, que je suis prêt à accueillir, s'il ne fait que mieux préciser une interprétation qui nous soit commune.

Nous sommes parfaitement d'accord avec l'honorable M. Coomans, qu'on peut faire entrer dans le payement une pièce de terre, une tête de bétail, etc., mais il faut, d'abord, que la valeur de cet objet soit énoncée.

M. Coomans. - Pourquoi ?

M. Mullerµ. - Parce que des contestations peuvent surgir ultérieurement entre le substituant et le substitué au sujet de la valeur de la terre et de la tête de bétail, au sujet de l'étendue des engagements qui ont été contractés de part et d'autre, et que, pour régler ces contestations, il est indispensable que le prix de la substitution soit fixé en argent.

Au surplus, cette partie du projet de loi est appliquée au remplacement ; dans les substitutions aussi on stipule toujours un prix réduit en argent, et cela n’a jamais donné lieu à la moindre objection.

M. Coomans. - Si ! si !

M. Mullerµ. - On me répond : si ! si ! Mais je voudrais bien savoir quelles plaintes se sont élevées à cet égard, quels griefs on a formulés, quels reproches on a faits !

Maintenant il me reste à parler du consentement des parents. Eh bien, ici encore nous maintenons ce qui existe quant à la substitution. Si nous faisions un projet de loi définitif, je ne prétends pas qu'il y aurait lieu d'écarter sans discussion les observations de l'honorable M. Coomans. Mais, je le répète, nous avons été surtout préoccupés d'un point important : c'est d'écarter tout long débat, toute contestation sérieuse pouvant mettre en question une prompte application de la loi, et cela afin de donner immédiatement des facilités à la substitution, d'en étendre le cercle sans apporter au régime actuel d'autres changements qui ceux qui nous ont paru devoir rallier à peu près toutes les opinions.

(page 282) Aujourd'hui à quoi se réduit, en fait, la portée des critiques de l'honorable M. Coomans ? Aux deux cas de l'enfant unique et du petit-fils enfant unique.

M. Coomans. - Et au soutien des frères.

M. Mullerµ. - Pas le moins du monde ; c'est une erreur ; car, d'après le projet de loi, tous ceux qui sont exemptés comme pourvoyants ne pourront plus substituer, par la raison puissante qu'ils sont nécessaires à leur famille, et qu'il n'est pas à présumer qu'on puise soutenir, qui sa mère veuve, qui ses frères orphelins, qui son père infirme, en les quittant pour prendre du service militaire. Donc, messieurs, l’objection que l'honorable M. Coomans a faite ne peut s'appliquer qu'à l'enfant unique et au petit-fils enfant unique qui seuls, aux termes du dernier paragraphe de l'article 5, auront besoin, comme aujourd'hui, du consentement de leurs parents pour être admis à substituer.

Je crois, messieurs, avoir rencontré toutes les considérations qu'a fait valoir l'honorable M. Coomans et j'espère lui avoir donné quelques apaisements sur le projet de loi que la commission dont j'ai été l'organe convie la Chambre à adopter.

(page 277) M. Coomans. - J'ai reçu en effet quelques apaisements, mais pas tous ceux que j'aurais désiré obtenir ; et je reprends surtout la parole pour fixer les dissidences qui se manifestent entre l'honorable rapporteur et moi.

D'abord, il n'a pas pu entrer dans ma pensée de reprocher à la section centrale de n'avoir pas convenablement examiné le projet de loi ; je crois au contraire qu'elle l'a trop examiné. Je crois, en outre, que le rapport de l'honorable M. Muller est très savamment et très habilement fait ; mais c'est précisément de tout cela que je me plains ; car, en définitive, pourquoi la section centrale n'a-t-elle pas pratiqué elle-même ce conseil qu'elle nous donne et pourquoi n'a-t-elle pas admis simplement le projet du gouvernement dont nous étions satisfaits ? Vous eussiez ainsi prévenu les débats que nous avons en ce moment.

Messieurs, un mot de réponse aux observations de l'honorable rapporteur, car je m'aperçois que je ne me suis pas suffisamment expliqué.

J'ai fait remarquer que les deux projets, celui du gouvernement et celui de la section centrale, exigeaient des substituants des conditions plus sévères de moralité que des miliciens, et c'est ce que je ne comprends pas ; je ne conçois pas que le gouvernement ait intérêt à imposer aux substituants des conditions plus dures qu'aux miliciens.

Il faut, dit l'honorable rapporteur, que le substituant produise une preuve de moralité parfaite ; pourquoi cela, si cette preuve n'est pas exigée du miliciens ?

M. Mullerµ. - Ce n'est pas la même chose.

M. Coomans. - Mais si, c'est la même chose. Il a toujours été convenu que le substituant prenait tout simplement la place du milicien ; qu'il y a une énorme différence entre le substituant et le remplaçant, ce que j'admets à certains égards.

Mais je ne comprends pas, je le répète, qu'on exige du substituant des vertus mieux établies que de la part du milicien.

J'ai ajouté, il est vrai, que la section centrale s'était montrée plus sévère à cet égard que le gouvernement ; et, en effet, messieurs, la section centrale exige deux certificats de moralité, tandis que le gouvernement se contentait d'un seul ; je dis d'un seul, car le visa du juge de paix était évidemment une formalité plu sérieuse, tranchons le mot.

M. Mullerµ. - Le gouvernement dit précisément le contraire, dans son exposé des motifs.

M. Coomans. - Je sais bien que vous dédoublez le certificat pour prévenir des conflits d'attributions ; voilà le prétexte.

Messieurs, mais je crois qu'en réalité on a voulu renforcer les précautions prises en faveur de l'armée. Je n'admets pas ce principe de la prééminence de la discipline sur celui des familles soumises à la loterie militaire, je pense qu'il faut faciliter la substitution, le remplacement même, nous en parlerons un autre jour. Je ne crois pas qu'il faut écarter des substituants pour des considérations morales qui n'empêchent pas d'admettre les miliciens.

Ainsi on admet dans l'armée des miliciens qui ont subi certaines condamnations, pourquoi ne pas admettre les substituants dans les mêmes circonstances ?

Si la section centrale avait été logique, elle aurait demandé la suppression d'un des deux certificats, elle aurait évité les confits et les chances de contradiction entre deux autorités. Le gouvernement aurait été suffisamment armé contre les substituants. Si la proposition ne devait pas soulever de discussion, je vous prierais de vous contenter d'un seul certificat, je laisserais le choix à M. le ministre de l'intérieur.

S'il préfère le juge de paix au bourgmestre, j'y consens à la rigueur, quoique la déclaration du bourgmestre soit préférable ! Mais ne compliquons pas les choses, ne forçons pas deux fonctionnaires de se contredire ou de se concerter, ce qui détruirait la garantie que veut avoir la section centrale.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Soit.

M. Coomans. - Je vous remercie de ce soit.

J'avais lu et relu l'article 6, je l'avais comparé avec mes souvenirs d'avocat et avec des faits très présents à ma mémoire. Je croyais que le projet exigeait que le prix des substitutions fût toujours fixé en argent. Je me permets de relire le premier paragraphe de l'article 6 :

« Le prix de la substitution ne peut être fixé qu'en argent. Sur ce prix, le substituant est tenu de verser, au moment de son incorporation, à la caisse du corps auquel il sera assigné, la somme de 75 fr., etc. »

Pour quiconque sait le français, cela signifie que la substitution doit être fixée et payée en argent, puisque sur ce prix la somme de 75 fr. doit être versée dans la caisse du régiment. (Interruption.)

Je suis heureux de l'explication que vient de donner M. le rapporteur, il est entendu que les conditions de la substitution seront débattues entre les intéressés. Le gouvernement n'aura rien à y voir, il devra se contenter du versement de 75 fr., ce versement est déjà une chose g ave.

II ne faudrait pas exiger plus du substituant que du milicien ; on n'ordonne pas, on n'ose pas ordonner au milicien de verser 75 francs en entrant au corps. Nous traiterons ce point une autre fois. J'engage l'honorable rapporteur et l'honorable ministre à consentir à une modification de l’article 6. Ces mots : « le prix de la substitution ne peut être fixé qu'en argent », peuvent donner lieu à des difficultés pratiques que je voudrais éviter.

Si une famille offre, avec l'assentiment du substituant, un bœuf pour la substitution, pourquoi forcer cette famille à fixer le prix de ce bœuf, à créer des procès peut-être ? C'est là-dessus qu’il pourra y avoir des difficultés.

Pourquoi les susciter ?

Dites simplement que le substitué devra verser 75 francs dans la caisse du régiment. Je vous en prie, supprimez cette phrase : i »e prix de la substitution ne peut être fixé qu'en argent.3

M. Muller m'a répondu que ce que j'attaquais existait depuis longtemps. C'est précisément parce qu'une longue expérience a démontré les inconvénients de ce qui existe, que beaucoup de parties de la loi actuelle doivent être modifiées, la durée d'une injustice ou d'une sottise ne prouve rien en sa faveur. II y eu a beaucoup dans la loi sur la milice, et je m'applique à en faire disparaître autant que possible. J'engage M. le rapporteur à s'entendre avec le gouvernement pour modifier cet article 6.

Sur le consentement des parents, j'aurais encore des observations à faire ; pour le moment, l'explication du rapporteur me satisfait ; j'ajourne la discussion jusqu'à la réforme générale. J'espère démontrer que la logique, sinon la justice, exige que le substituant puisse engager sa liberté malgré ses parents, puisque la loi existante le permet au volontaire. Je crois déférer au désir de la Chambre, en ne m'étendant pas davantage.

En somme, je prie M. le rapporteur de modifier l'article 6 comme je l'ai indiqué et de supprimer l'un des deux certificats.

(page 282) M. Muller, rapporteurµ. - M'occupant d'abord du dernier point dont a parlé l'honorable préopinant, je répondrai qu'on a cherché à obtenir une garantie plus complète de la bonne moralité du substituant. Le département de la guerre s'est plaint à diverses reprises que les administrations communales délivraient un peu légèrement des certificats à des individus dont elles désirent quelque peu se débarrasser ; voilà pourquoi et exclusivement pourquoi le visa du juge de paix avait été proposé par le gouvernement, et ce visa la commission a cru devoir, par les motifs que j'ai déjà énoncés, le convertir en un certificat distinct.

Si maintenant le gouvernement peut, d'une manière quelconque, en arrêtant la forme et la teneur du certificat que l'article 3 abandonne à sa disposition, renforcer les garanties que doivent offrir sous ce rapport les administrations communales, je ne ferai, pour ma part, aucune opposition, et je prie mes collègues de la commission de n'en pas faire à ce qu'on supprime le certificat du juge de paix.

L'honorable M. Coomans doit voir que nous sommes plus près de nous entendre qu'il ne le supposait. Maintenant, messieurs, je ne puis pas du tout partager son avis lorsqu'il prétend que l'on ne doit pas exiger des substituants des conditions de moralité alors qu'on n'en exige pas de miliciens. Le sort désigne ces derniers, et il n'en est pas de même de premiers. Il est évident, messieurs, que si le système de l'honorable membre pouvait jamais prévaloir, vous auriez une armée composée de gens peu honorables. Et comme la substitution, en définitive, est une faveur, il y aurait un très grand danger à ce qu'on pût, au moyen d'un échange de numéros, envoyer à l'armée un nombre considérable de mauvais sujets.

Je crois que cette simple observation, messieurs, détruit complètement l'argumentation de l'honorable M. Coomans.

Quant à l'article 6, je suis tout disposé à proposer à l'honorable M. Coomans de remplacer le mot « fixé » par le mot « évalué » s'il trouve que cela rende mieux la pensée commune, c'est-à-dire : qu'avec le mot « évalué » il sera bien certain qu'une somme de 75 fr. sera stipulée pour être versée dans la caisse du trésor, et que toutes les conventions pourront être faites comme les parties l'entendent, en leur attribuant une estimation en argent.

Nous avons tous hâte, messieurs, d'apporter des améliorations au régime de la substitution. Nous voulons tous prêter à cette amélioration notre concours efficace, et sous ce rapport je ne doute pas que l'honorable M. Coomans voie actuellement après les explications répétées que j'ai données, le projet de loi d'un œil plus favorable que celui sous lequel il l'avait d'abord envisagé.

(page 277) M. Bara. - Messieurs, comme l'honorable M, Coomans est entré dans la discussion de plusieurs articles, je crois le moment venu de présenter un amendement au 5° de l'article 3.

Cet amendement est ainsi conçu ;

« Produire un certificat de l'administration des communes que le substituant aurait habitées depuis un an. Ce certificat, dont la forme sera déterminée par le gouvernement, constatera que le substituant est de bonnes vie et mœurs et qu'il n'a jamais été condamné soit pour crimes, soit pour vol, escroquerie, abus de confiance, soustraction commise comme dépositaire public ou pour attentat aux mœurs. »

En un mot, messieurs, je supprime dans le projet du gouvernement le visa du juge de paix et dans le projet de la section centrale le certificat émanant du juge de paix.

Vous savez, messieurs, que le gouvernement, s'inspirant d'une idée très respectable, à savoir que l'armée ne peut se composer de gens sans moralité, chose que l'honorable M. Coomans ne contestera pas sans doute, a cherché dans son projet à prendre des garanties à cet égard.

Or, messieurs.il y avait un moyen, celui qui existe dans la loi actuelle : c'est le certificat donné par l'administration communale, mais le ministère de la guerre a jugé que le certificat de l'administration communale ne suffisait pas et qu'il fallait le faire contrôler par le juge de paix.

Or, ce contrôle, comme l'a très bien dit la section centrale, soulevait une difficulté.

Il créait une espèce de supériorité de l'autorité judiciaire sur l'autorité administrative et il pouvait en naître des conflits que la législature doit évidemment empêcher.

La section centrale propose, elle, un double certificat pour obvier à cet inconvénient ; quant à moi, je vous propose de n'admettre qu'un seul certificat, celui de l'autorité communale, et de réserver jusqu'à la loi générale la question de savoir si l'on demandera un certificat au juge de paix, c'est-à-dire de maintenir ce qui existe actuellement, et de ne pas innover soit en réclamant le visa du juge de paix, soit en exigeant un second certificat de la part du juge de paix.

La question du certificat du juge de paix est plus grave qu'on ne le pense, car, dire que le juge de paix devra donner un certificat, c'est d'abord, comme l'a dit l'honorable M. Coomans, mettre le juge de paix et l'administration communale en conflit.

(page 278) L’un dira blanc tandis que l'autre dira noir, et à moins que les autorités ne s'entendent, il pourra y avoir contradiction, et il pourra arriver que l'autorité militaire ne saura à qui s'en référer.

Il faut donc éviter de pareils conflits.

Du reste, les juges de paix ne sont pas à même de connaître la moralité de tous les individus de leur canton. Il en est qui habitent très loin de la résidence du juge de paix, et dans les grandes villes la population est trop nombreuse pour que le juge de paix connaisse tous les habitants.

Ce serait ensuite donner aux juges de paix une besogne très longue, très fastidieuse, peu utile et qui peut-être ne rentre pas dans leurs attributions.

Le juge de paix doit avoir une juridiction contentieuse et gracieuse. Or, je ne sais dans quelle juridiction vous voulez faire entrer la délivrance des certificats.

Je comprends le juge de paix présidant le conseil de famille, mais je ne le comprends pas bien comme venant apprécier la moralité des individus.

Ce sont les administrations communales qui ont sous les yeux les individus qui vivent dans leur commune, qui sont le plus à même de donner de pareils certificats.

Je crois donc que c'est une question à examiner ultérieurement que celle de savoir si l'on peut exiger du juge de paix, un certificat venant confirmer ou combattre l'avis de l'administration communale.

Toutes les opinions peuvent être réservées jusqu'à la loi sur la milice, et je crois qu'on peut admettre, sans inconvénient, un amendement qui supprime le certificat du juge de paix et qui maintient l'état de choses actuel.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Messieurs, si nous nous étions trouvés dans des circonstances normales et s'il n'avait pas été désirable que le projet de loi pût être discuté et voté immédiatement, j'aurais probablement maintenu la plupart des dispositions que le gouvernement avait présentées.

Mais, dans les circonstances actuelles, j'ai cru qu'il fallait, avant tout, chercher à aboutir, qu'il fallait chercher à faire profiter du bénéfice de la législation nouvelle la classe de milice de 1864, et c'est pour ce motif que je me suis montré, comme toujours, je pense, extrêmement conciliant et que j'ai accepté, sans discussion, les amendements de la section centrale.

Messieurs, pour rester dans le même ordre d'idées et atteindre le même but, je me rallie encore à l'amendement que vient de présenter l'honorable M. Bara, qui a été soutenu par anticipation par l'honorable M. Coomans. J'adhère aussi, messieurs, aux observations complémentaires faites par l'honorable rapporteur de la section centrale en ce qui concerne l'article 6. Je crois qu'il serait bon de ne pas modifier cet article. Les explications qui ont été échangées suffiront amplement, je pense, pour en fixer le sens. Je parle de l'évaluation en argent.

Il est toujours dangereux, messieurs, de modifier sans raisons majeures et sans examen approfondi, des projets de lois qui ont été mûrement élaborés. Je crains qu'en y faisant des changements de détails on ne s'expose à porter atteinte aux principes généraux de la législation en vigueur.

L'explication donnée suffira donc, je pense. Du reste, il est entendu que la loi n'est, pour ainsi dire, que provisoire et qu'elle ne lie personne pour le moment où l'on discutera le projet de loi définitif.

En présentant le projet de loi, j'ai voulu introduire immédiatement dans la législation une amélioration au système actuel des lois de milice, rien de plus. J'ajouterai, messieurs, que, afin de pouvoir faire appliquer cette loi à la levée de 1864, j'ai fait préparer au département de l'intérieur, les instructions à envoyer aux gouverneurs et, le cas échéant, les modèles des certificats qui auraient dû être mis en usage.

Je pense donc que si la Chambre veut adopter le projet de loi, et si on peut réunir le Sénat en temps utile, notre but commun sera atteint. J'espère aussi, avec les honorables membres qui ont pris la parole, que le vote de ce projet de loi ne retardera en rien l'examen du projet de loi général qui doit réviser toute la législation sur la milice. En diverses circonstances, on a « insisté pour que ce projet de loi fût promptement discuté. J'espère qu'on persévérera dans cette voie et que le rapport pourra être fait dans un bref délai.

Discussion des articles

Articles 1 et 2

« Art. 1. Les articles 109 et 110 de la lo du 8 janvier 1817, sur la milice, relatifs à la substitution, sont remplacés par les six premières dispositions qui suivent. »

- Adopté.


« Art. 2. Tout individu désigné pour le service peut se faire substituer. »

- Adopté.

Article 3

« Art. 3. Pour être admis comme substituant il faut :

« 1° Appartenir au même arrondissement administratif que le substitué ;

« 2° Appartenir à l'une des quatre classes dars lesquelles le contingent peut se recruter ;

« 3° Etre reconnu apte au service et en être personnellement affranchi, soit par un numéro élevé, soit par une exemption fondée sur la composition de la famille, à l'exception de celles qui sont prévues par les paragraphes dd, ii, kk, ll de l'article 91 de la loi du 8 janvier 1817 et par l'article 15 de la loi du 27 avril 1820 ;

« 4° Avoir au moins la taille exigée pour les miliciens ;

« 5° Produire 1° un certificat de l'administration des communes que le substituant aurait habités depuis un an ; 2° un certificat délivré par le juge de paix du canton du domicile du substituant. Ces certificats, dont la forme sera déterminée par le gouvernement, constateront que le substituant est de bonnes vie et mœurs et qu'il n'a jamais été condamné suit pour crimes, soit pour vol, escroquerie, abus de confiance, soustraction commise comme dépositaire public ou pour attentat aux mœurs. »

MpVµ. - M. Bara a proposé de rédiger ainsi le 5° : « Produire un certificat de l'administration des communes que le substituant aura habitées depuis un an. Ce certificat, dont la forme, etc. »

- Cet amendement est adopté.

L'article, ainsi modifié, est adopté.

Article 4

« Art. 4. L'autorité militaire peut, dans les trente jours qui suivent la remise des miliciens, renvoyer devant la députation permanente du conseil provincial le substituant reconnu apte au service par le conseil de milice, et qu'elle considère comme ne remplissant pas l'une ou l'autre des conditions d'admission requises.

« Lorsque la substitution est devenue définitive, elle attribue au substitué le rang que le substituant occupait dans la liste du tirage de la commune, et réciproquement, sans toutefois que le frère du substituant puisse invoquer l'exemption prévue par l'article 94, paragraphe mm, de la loi du 8 janvier 1817 et par l'article premier de la loi du 15 avril 1852, à moins que le numéro que celui-ci a échangé ne soit appelé au service. »

M. Coomans. - Je demande la parole pour une très légère observation. Je crois que nous ferions bien de supprimer les mots « au service ». Ce ne sont pas les numéros qui sont appelés à servir, ce sont les hommes. Il suffirait de dire « à moins que le numéro que celui-ci a échangé ne soit appelé. » C'est d'ailleurs le terme consacré par la loi.

- L'article ainsi modifié est adopté.

Article 5

« Art. 5. Le substituant transporte au substitué, outre son rang dans la liste du tirage, les droits qu'il peut avoir acquis à une exemption admise par le n°3 de l'article 3. Il renonce à toute autre exemption.

« Ceux qui ont été exemptés comme enfant unique, ou petit-fils enfant unique devront, pour être admis comme substituant, produire au conseil de milice le consentement de leurs parents. »

- Adopté.

Article 6

« Art. 6. Le prix de la substitution ne peut être fixé qu'en argent. Sur ce prix le substituant est tenu de verser, au moment de son incorporation, à la caisse du corps auquel il sera assigné, la somme de soixante-quinze francs. La moitié de cette somme lui sera remise lorsqu'il sera envoyé en congé illimité, et l'autre moitié lorsqu'il recevra son congé définitif, après déduction de la dette qu'il pourrait avoir contractée à la masse d'habillement et de réparation.

« En cas de décès, la remise se fera à ses héritiers.

« Si le substituant n'achève pas régulièrement son terme de service, le reliquat est versé au trésor. Toutefois, lorsque la substitution a eu lieu conformément à l'article 129 de la loi du 8 janvier 1817, en vertu d'une permission spéciale subordonnée à la condition que le substitué devra éventuellement servir en personne ou fournir un autre homme, le reliquat lui appartiendra. »

(page 278) M. Coomans. - Je suis pleinement d’accord sur cet article avec le gouvernement et avec la section centrale. Il est donc bien entendu que le gouvernement ne s'ingère pas dans les conditions du contrat à intervenir entre les personnes intéressées.

L'honorable rapporteur a proposé de remplacer le mot « fixé » par le mot « évalué ». Ce serait un véritable amendement. Mais je crois que nous ferions mieux de supprimer ces mots : « Le prix de la substitution ne peut être fixé qu'en argent, » et de dire : « Le substitué est tenu de verser, au moment de son incorporation, etc. »

Les intentions du gouvernement et de la section centrale seraient remplies et toutes les difficultés que nous avons signalées de commun accord disparaîtraient.

Je viens de rédiger un amendement en ce sens ; mais je ne l'enverrai pas à l'honorable président, s'il y a opposition. Je crois cependant que je (page 279) fais bien en le proposant. Puisque nous somme» pleinement d'accord sur le fond, soyons-le sur la forme, et celle que je propose est la plus simple possible.

- Plusieurs membres. - Déposez l'amendement.

- L'amendement de M. Coomans est appuyé.

MpVµ. - L'amendement est développé. Est-il appuyé ?

- L'amendement est appuyé.

(page 282) M. Muller, rapporteurµ. - Je crois que la suppression que propose l'honorable M, Coomans aurait des inconvénients.

Le contrat de substitution existe. Il faut donc qu'il y ait au moins une somme de 75 francs garantie.

Maintenant, vous supprimez tout à fait le premier paragraphe et vous dites : « Le substituant devra verser, etc. ». Mais si le substituant ne le fait pas !

M. Coomans. - Alors il n'est pas substituant.

M. Muller, rapporteurµ. - Mais vous devez garantir la position du substitué. Il faut donc bien dire que sur le prix de la substitution il sera versé une somme de..., le substitué sera ainsi averti et ne mettra pas directement, si ce n'est à bon escient, cette somme entre les mains du substituant.

(page 279) M. Coomans. - Je regrette de ne pas m’être fait assez comprendre. J'ai entendu l'honorable M. Muller reconnaître que le substituant pourra se contenter des avantages qui lui conviendront, qu'il n'est pas même nécessaire qu'une somme quelconque siit payée par le substitué au substituant... (Interruption.)

Voilà donc le cas bien posé où il n'y a pas de somme d'argent dans le contrat ; eh bien donc, ce sera au substituant, au substitué, à Pierre, à Paul de trouver les 75 fr. ; cela ne nous concerne pas ; pourvu que le substituant verse les 75 francs, il à répondu à toutes les nécessités, en ce qui concerne le gouvernement. Je ne vois pas pourquoi, quand nous sommes bien d'accord sur le fond, nous ne le sommes pas sur la forme.

Il ne faut pas que la substitution se fasse toujours pour une somme d'argent ; elle peut se faire en vue d'un prix quelconque, d'un avantage quelconque, pour un bœuf par exemple .. (Interruption.) Soyez tranquille, on ne versera pas le bœuf dans la caisse du régiment.

On doit y verser 75 francs, C'est convenu ; eh bien, je suppose le cas où il n'y ait pas d'argent stipulé dans le contrat, où le substitué ne paye pas un sou ; cela importe peu, pourvu que le substituant verse les 75 francs.

Ces 75 francs sont une concession énorme que je vous fais ; je n'admets pas que vous puissiez raisonnablement exiger une somme quelconque d'un milicien et le substituant doit être traite exactement comme le milicien dont il tient la place.

Donc, il ne sera pas nécessaire désormais qu'il y ait une somme d'argent stipulée ou livrée ; par conséquent à quoi bon cette évaluation prescrite par M. Muller à l'article 6 ?

Remarquez, messieurs, qu'il est plus honorable pour un substituant de n'entendre pas parler d'argent. S'il plaît au substituant de substituer gratis, ou de le laisser croire, quel intérêt avez-vous à l'empêcher ? Ce sera plus honorable. Il peut substituer par reconnaissance, par amitié, etc. Loin de vous y opposer, vous devriez, au contraire, favoriser tous ces actes de générosité et de dévouement et ne pas faire intervenir l'argent où l'argent n'a que faire. Pourquoi préférez-vous les volontaires aux remplaçants et non sans raison ? Parce que les volontaires ne sont pas attirés par l'argent.

J'aurais voulu que le substituant fût absolument dans les mêmes conditions que le volontaire. Rapprochez le substituant du volontaire et ne forcez pas le substituant honnête, délicat, généreux, à dire publiquement par-devant notaire, qu'il remplace pour 300, ou 400, ou 500 francs ?

Ne mettez pas dans la loi ces conditions presque injurieuses, alors surtout qu'elles sont complètement inutiles, car enfin vous n'avez pas donné de raisons valables pour maintenir dans la loi la nécessité de stipuler une somme d'argent ; tout ce que vous dites, c'est qu'une somme de 75 fr. doit être versée. Eh bien, soit, mais peu importe d'où cette somme vient, s'il me plaît, à moi, de fournir cette somme à des substituants, et je le ferais certainement si j'étais riche ; si cela me plaît, personne n'a rien à y voir.

Je crois, messieurs, devoir maintenir la demande de suppression des mots très inutiles que j'ai indiqués.

M. de Theuxµ. - Puisque nous sommes d'accord sur le fond, il me semble qu'il doit nous être facile de nous mettre d'accord sur la forme.

La difficulté vient de ce que l'article 6 commence par ces mots :

« Le prix de la substitution ne peut être fixé qu'en argent. »

Eh bien, j'effacerais simplement ces premiers mots.

M. Coomans. - C'est mon amendement.

M. de Theuxµ. - Alors nous sommes d'accord. Il vaut mieux s'exprimer clairement dans la loi pour qu'il ne reste aucune espèce de doute.

D'ailleurs ces mots sont complètement inutiles dans la pratique, puisqu'il n'y a pas de minimum fixé, ou pourrait substituer pour 10 francs.

M. Allard. - Il me semble que l'on parerait à tous les inconvénients qui viennent d'être signalés si l'on disait : « Sur ce prix le substitué est tenu de verser, au moment de l'incorporation de son substituant. » Le reste, comme à l'article V.

M. Bara. - Messieurs, je maintiens, moi, l'article du projet de loi du gouvernement et voici mes motifs.

J'apprécie une partie des raisons de l'honorable M. Coomans, mais il en est d'autres que je ne puis admettre. M. Coomans dit : « Il est permis au substituant et au substitué de faire toute espèce de contrats et je veux cela. » Eh bien, je crois que ce système peut être dangereux dans une réforme partielle et provisoire de la loi sur la milice.

Dans un intérêt que tout le monde apprécie, il y a un article dans le Code civil qui dit que, au-delà de 150 fr., la preuve testimoniale n'est pas admissible ; or nous savons avec qui les substituants et les substitués traitent. C'est souvent avec des agents d'affaires, et ils rencontrent des difficultés de toute nature ; il faut donc qu'un contrat intervienne pour fixer les droits et les obligations des parties. Vous dites : « On peut substituer pour une tête de bétail. » mais comme la tête de bétail doit être livrée bien longtemps après le contrat, lorsque le substituant sera admis par l'autorité militaire, il faut bien qu'elle soit évaluée en argent, sinon le substituant risque d'avoir autre chose que ce qui a été stipulé, on pourrait lui donner une tête de bétail d'une valeur inférieure. Je dis qu'il faut un contrat qui soit une arme entre les mains des contractants pour obtenir l'exécution de ce qui a été stipulé. Ce contrat existe dans l'esprit du projet de loi ; dans l'esprit de l'amendement de M. Coomans, il n'existe plus.

L'intérêt du substitué et l'intérêt du substituant réclament qu'il y ait un contrat, c'est le moyen d'éviter une foule de difficultés et de contestation judiciaires.

Le contrat peut être passé sous seing privé, mais il est indispensable pour bien indiquer les conditions de la substitution.

Ce contrat est nécessaire pour l'autorité militaire ; il faut en définitive que l'autorité militaire sache qui est le substitué et qui est le substituant.

Eh bien, en présence de cette organisation de la substitution, je crois qu'il n'est pas possible d'admettre l'amendement de l'honorable M. Coomans. L'honorable membre a du reste eu, par les explications de l'honorable M. Muller, tous ses apaisements. L'honorable M. Muller déclare que l'on peut donner tel ou tel objet pour prix de la substitution, que seulement on exige l'évaluation. Il me semble que cela est tout naturel. Puisque l'objet ne doit être livré qu'ultérieurement, vous devez tenir à ce qu'on soit fixé sur sa valeur, afin qu'il ne puisse y avoir de méprise. Cette évaluation n'est donc pas inutile et elle ne peut contrarier ni empêcher aucune espèce de substitution.

Je crois donc qu'en présence de ces explications, il faut maintenir la disposition du projet de loi, et qu'il serait dangereux d'admettre l'amendement des honorables MM. Coomans et de Theux, qui implique un changement à nos lois sur la milice et la substitution. Je crois que l'honorable M. Coomans ferait bien de retirer son amendement. Lorsque nous discuterons la loi générale sur la milice, nous pourrons approfondir le point qui nous occupe.

M. Moncheur. - Je crois qu'il faudrait au moins mettre le mot « évalué », au lieu du mot « fixé ».

M. Bara. - Cela m'est égal.

M. Mullerµ. - C'est ce que j'ai proposé ; mais cela ne satisfaisait pas.

M. Moncheur. - Je dirais donc : Le prix de la substitution est évalué en argent.

M. Coomans. - Quoique l'honorable M. Bara n'ait pas détruit les raisons principales qui ont dicté mon amendement et que, par conséquent, il ne m'ait pas convaincu, j'aurais mauvaise grâce d'insister après la déclaration que j'ai eu l'honneur de faire avant de déposer mon amendement.

Je dois faire remarquer à l'honorable membre que la seule raison spécieuse qu'il ait donnée contre mon amendement n'est pas d'accord avec son opinion personnelle. Il a parlé de la preuve testimoniale. Maïs si l'honorable membre veut être conséquent avec le principe qu'il pose, il devra exiger un minimum dans tous les contrats.

M. Bara. - Non.

M. Coomans. - Je suppose que le contrat porte 149 fr., l'inconvénient que vous venez de signaler, quant à la preuve testimoniale, existera.

Vous voyez donc bien que vous êtes entraîné par votre logique au-delà du but de votre observation.

M. Bara. - J'évite l'inconvénient autant que possible.

M. Coomans. - Je crois qu'il y a, dans la rédaction proposée par les honorables membres et acceptée par l'honorable M. Moncheur, une complication inutile, une complication qui peut même devenir dangereuse. Mais je retire mon amendement sauf à le représenter plus tard.

MpVµ. - M. Coomans retire son amendement.

M. Allard insiste-t-il sur le sien ?

M. Allard. - Non, M, le président,

(page 280) MpVµ. - On paraît d'accord pour dire : « Le prix de la substitution doit être évalué en argent. »

- Cet amendement est mis au voix et adopté.

M. Coomans. - Je crois qu'il faudrait, dans tous les cas, supprimer les mots « sur ce prix », puisqu'il peut très bien se faire qu'il n'y ait pas d'argent au contrat. Dites donc simplement : « Le substituant est tenu de verser, etc. » Vous aurez atteint votre but.

Vous avez voulu une évaluation, et j'apprécie les motifs qui vous ont fait insister sur ce point. Mais à quoi bon dire « sur ce prix » ? Ce n'est pas toujours sur ce prix, ce sera sur ce prix ou sur autre chose que seront pris les 75 fr. L'important, c'est que la somme soit versée, le reste n'est qu'arbitraire et vexation.

M. Bara. - Je repousse cet amendement de l'honorable M. Coomans par les mêmes motifs que j'ai fait valoir tout à l'heure.

Il y a une difficulté que vous voulez résoudre maintenant et qu'il est bon d'examiner ultérieurement : c'est que je ne sais pas jusqu'à quel point, en vertu de la loi en vigueur, on n'a pas le droit de faire verser sur le prix de la substitution les 75 fr. qui doivent être payés à la masse,

L'honorable M. Muller nous a dit que cet article était emprunté à la loi ancienne. Vous faites une loi provisoire. Vous ne pouvez pas vouloir que cette loi ne soit pas en harmonie avec une autre loi en vigueur. Votre proposition viendrait peut-être jeter la perturbation dans la législation.

Je demande donc que, provisoirement, l'article soit maintenu tel qu'il a été extrait de la loi ancienne. Plus tard, si l'honorable M. Coomans veut présenter un nouveau système, on pourra l'examiner.

M. Coomans. - Je n'insiste pas.

- L'article est adopté.

Articles 7 à 9

« Art. 7. La substitution effectuée au moyen de pièces qui sont reconnues fausses ou qui attestent des faits matériellement faux, est nulle.

« Cette nullité sera prononcée par la députation permanente de la province où le droit de substitution a été exercé. »

- Adopté.


« Art. 8. Le paragraphe premier de l'article 4 et l'article 7 sont applicables au remplacement effectué en vertu de l'article 95 de la loi du 8 janvier 1817. »

- Adopté.


« Art. 9. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa publication. »

- Adopté.

Second vote des articles et vote sur l’ensemble

- La Chambre décide qu'elle passera immédiatement au vote définitif.

Les articles amendés au premier vote sont définitivement adoptés.

Il est procédé à l'appel nominal ; le projet de loi est adopté à l'unanimité des 71 membres dont les noms suivent :

MM. de Bronckart, de Conninck, de Decker, de Florisone, De Fré, de Haerne, Delcourt, De Lexhy, de Liedekerke, de Macar, de Mérode, de Montpellier, de Moor, de Naeyer, de Renesse, de Rongé, de Ruddere de Te Lokeren, de Smedt, de Terbecq, de Theux, d'Hane-Steenhuyse, B. Dumortier, H. Dumortier, Faignart, Frère-Orban, Grandgagnage, Grosfils, Guillery, Hayez, Hymans, Jacquemyns, Jamar, M. Jouret, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Lange, Ch. Lebeau, J. Lebeau, Magherman, Moncheur. Moreau, Mouton, Muller, Nélis, Orban, Nothomb, Pirmez, Pirson, Rodenbach, Rogier, Sabatier, Tack, Tesch, A. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Leempoel de Nieuwmunster, Van Overloop, Wasseige, Allard, Ansiau, Bara, Beeckman, Bouvier, Coomans, Coppens, Crombez, David, de Baillet-Latour et E. Vandenpeereboom.

- Le projet de loi sera transmis au Sénat.

Ordre des travaux de la chambre

MpVµ. - L'ordre du jour appelle en second lieu la communication de prompts rapports sur des pétitions.

- Plusieurs voix. - Non ! non ! A mardi !

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - J'ai fait connaître, il y a quelques jours, à la Chambre que des négociations étaient entamées au sujet de l'incorporation du bois de la Cambre à la ville de Bruxelles et j'ai prié la Chambre de vouloir bien surseoir provisoirement à l'examen du projet de loi dont elle est saisie.

Je dois informer la Chambre aujourd'hui, que ces négociations n'ont pas abouti jusqu'ici. Par conséquent, je prie la Chambre de vouloir bien, si elle le juge opportun, examiner le projet de loi qui a été présenté par le gouvernement pour décréter cette incorporation.

MpVµ. - Le projet de loi sera examiné par les sections, A quel jour la Chambre veut-elle fixer sa prochaine réunion ?

- Voix diverses. - A mardi ! à mardi !

M. Julliot. - Si la Chambre veut avoir un ordre du jour même assez chargé, elle n'a qu'à y porter les neuf projets de loi arriérés dont voici la nomenclature et sur lesquels des rapports sont faits :

1° Police et discipline médicales (rapport de M. Muller) ;

2° Modifications à la loi électorale (proposition de la section centrale) ;

3° Propriété littéraire et artistique (rapport de M. Hymans) ;

4° Composition des cours d'assises (proposition de M. Guillery ; rapport de M. Muller) ;

5° Crédit spécial de 1,500,000 fr. au département des affaires étrangères (rapport de M. Goblet) ;

6° Interprétation de l'article 3 de la loi du 29 floréal an X, relatif au poids des voitures employées au roulage et aux messageries (rapport de M. de Naeyer).

7° Interprétation de l'article 41 de la loi du 21 mars 1859, sur la contrainte par corps (rapport de M. de Boe).

8° Droit des propriétés des modèles et dessins de fabrique (rapport de M. Jamar) ;

Enfin, 9° Projet de loi sur la responsabilité ministérielle ; mais je reconnais que ce dernier est un projet essentiellement politique, dont il ne serait guère opportun d'aborder en ce moment la discussion.

M. Allard. - L'idée de l'honorable M. Julliot ne me paraît guère sérieuse en ce moment ; de sorte que nous allons nous réunir pour discuter un feuilleton de pétitions.

- Un membre. - Et la vérification de pouvoirs des élus de Bruges.

M. Allard. - Elle pourra se faire aussi bien à la rentrée après la formation du nouveau ministère.

MpVµ. - La Chambre entend-elle remettre la séance à mardi ?

- Voix nombreuses. - Oui ! oui !

- La prochaine séance de la Chambre est fixée à mardi.

- La séance est levée à 3 1/2 heures.