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Chambres des représentants de Belgique
Séance du lundi 21 décembre 1863

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1863-1864)

(Présidence de M. E. Vandenpeereboom.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 123) M. Thienpont, secrétaire., procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

La rédaction en est approuvée.

M. de Moor, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

Pièces adressées à la chambre

M. Thienpont présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Des habitants de Bruges demandent une loi dans l’intérêt de la langue flamande. »

- Renvoi à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.


« Des officiers pensionnés prient la Chambre d'améliorer leur position. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Couttenier demande que le greffier de la justice de paix de Furnes cesse de cumuler ses fonctions avec celles de secrétaire communal. »

- Même renvoi.


« Le sieur Iwens demande qu'à l'occasion du projet de loi sur l'organisation judiciaire, la Chambre s'occupe de la position des commissaires de police qui remplissent gratuitement les fonctions d'officiers du ministère public près les tribunaux de simple police. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.


« Les membres du conseil communal, du bureau de bienfaisance, du conseil de fabrique et d'autres habitants de Waenrode demandent une loi qui règle le mode de sépulture. »

M. Rodenbach. - Messieurs, on vient de lire une pétition des membres du bureau de bienfaisance, du conseil communal, du conseil de fabrique et d'autres habitants de Waenrode (canton de Diest), demandant une loi qui règle le mode de sépulture.

Dans tous les temps et chez tous les peuples, l'ensevelissement a été soumis à des règles religieuses, et l'on a vu les fidèles de chaque culte posséder des cimetières particuliers. Je demande sur cette requête un prompt rapport.

- Adopté.


« Des fabricants et négociants, à Ninove, réclament contre les anomalies résultant du tarif spécial applicable aux transports de charbons sur la ligne de Dendre-et-Waes. »

M. de Naeyer. - Je prie la Chambre d'ordonner le renvoi de cette pièce à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport.

- Adopté.


« Des habitants d'Oostroosebeke demandent que les fonctionnaires de l'ordre administratif et de l'ordre judiciaire soient tenus de faire preuve de connaissance de la langue parlée par les populations de leur ressort. »

- Renvoi à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.


« M. Tesch, ministre de la justice transmet, avec les pièces de l'instruction, la demande du sieur Antoine Lux, domicilié à Autelbas (Luxembourg), tendante à obtenir la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.

« Le sieur Marcel Briol fait hommage à la Chambre d'un opuscule intitulé : Le 16 décembre ou l'anniversaire royal, musique de Pierre Benoit. »

- Dépôt à la bibliothèque.

Projet d’adresse en réponse au discours du trône

Discussion générale

MpVµ. – Il entre, je suppose, dans les intentions de la Chambre d'entendre alternativement un orateur pour, sur et contre, conformément aux précédents.

- Cette proposition est adoptée.

M. d'Hane-Steenhuyseµ. - Messieurs, en prenant pour la première fois la parole dans cette enceinte, vous comprendrez aisément que je ressente une émotion bien vive et bien légitime ; aussi ai-je besoin de toute votre bienveillance, de toute votre indulgence.

Quelles que soient les paroles que je prononce, quelque influence que puisse avoir cette émotion sur mes idées et sur mes paroles, veuillez croire que, idées et paroles se revêtiront toujours des formes les plus parlementaires et qu'elles seront toujours l'expression vraie d'une conviction sincère et du patriotisme le plus ardent.

Pour la seconde fois donc je réclame, messieurs, votre indigence et votre bienveillante attention.

Il est de tradition, je pense, que lorsqu'on discute l'adresse, on discute aussi tous les grands intérêts généraux du pays. J'ai annoncé, en me faisant inscrire que j'avais l'intention de demander au ministère des explications au sujet de la question anversoise.

L'honorable baron Osy, sénateur de l'arrondissement d'Anvers, étant au Sénat le 13 novembre dernier, a demandé à M. le ministre des finances si, à propos de l'adresse, il ne serait pas convenable d'y insérer un paragraphe concernant la question anversoise. C'est au sujet de cet incident que je désire dire quelques mots, et demander une explication à M. le ministre des finances. Depuis plusieurs jours j'avais envie de demander cette explication.

Mais étant encore peu au courant des usages parlementaires, j'ai dû m'en référer à mes honorables collègues qui m'ont déclaré qu'il n'était pas conforme aux traditions de la Chambre d'adresser des interpellations aux ministres avant la constitution du bureau définitif, j'ai donc dû ajourner jusqu'aujourd'hui ma demande d'explications.

Voici les paroles que l'honorable ministre des finances prononçait en répondant à M. le baron Osy.

« Il est inutile d'ailleurs que je m'explique sur les propositions nouvelles du conseil communal d'Anvers. Avant de parler d'un concours pécuniaire, il ferait bien d'exécuter des engagements formels qui ont été contractés et qu'il refuse d'accomplir. Mais quant aux plans nouveaux, auxquels a fait allusion l'honorable membre, et qui sont relatifs à l'exécution de travaux militaires sur la rive gauche de l'Escaut, plans dont on fait grand bruit depuis quelques mois, je déclare péremptoirement qu'ils sont étrangers au gouvernement. Je déclare que, pour ma part, je n'ai pas vu un seul des plans dont on parle, sur lesquels on prétend que le Cabinet a délibéré, sur lesquels on dit qu'il y a une opinion formée, à l'égard desquels on affirme même qu'il y a divergence de vues parmi les membres du cabinet. Toutes ces allégations sont parfaitement inexactes, et, je le répète, le système nouveau dont on prétend que le gouvernement s'est occupé, lui est absolument étranger. »

Messieurs, à un double titre je suis tenu non seulement de protester contre ces paroles, mais encore de demander au ministre des finances de vouloir bien reconnaître ce qu'il y a eu de trop absolu dans ses déclarations.

Je dois le faire, dis-je, à un double titre, d'abord comme représentant de l'arrondissement et de la ville d'Anvers et en second lieu comme conseiller communal faisant fonction d'échevin, en ce moment, à Anvers.

Beaucoup de membres de cette Chambre ont assisté aux discussions qui ont précédé, accompagné et suivi le projet de loi qui a décrété l'établissement du système national à Anvers. Cependant ces membres ne se rappellent peut-être pas tout à fait le libellé de l'article 2 de la loi. Aussi vais-je me permettre de le citer. L'article 2 de la loi de 1859, porte :

« La ville d'Anvers interviendra dans les dépenses d'exécution des travaux prévus au paragraphe 1 de l'article premier jusqu'à concurrence d'une somme de 10,000,000 de francs, en compensation de laquelle l'Etat lui abandonnera les terrains de l'enceinte actuelle.

« La démolition des fortifications se fera par la ville et à ses frais.

« Cette démolition commencera aussitôt que la nouvelle enceinte sera construite et au plus tard, cinq années après la publication de la présente loi.

« La somme de 10,000,000 fr. sera versée au trésor, savoir :

« Cinq millions le jour de la mise en possession des terrains, constructions et fortifications et cinq millions dans le terme de trois années, à partir de ce jour.

« Si la vente de terrains à opérer par la ville produisait une somme supérieure à 10,000,000 de francs, le surplus du prix de vente serait dévolu moitié à l'Etat, moitié à la ville.

« Le gouvernement est autorisé à conclure avec la ville d'Anvers une convention sur les bases qui précèdent.

« Toutefois, si des tiers faisaient des offres plus avantageuses dans le délai d'un an, à partir de la publication de la présente loi, l'Etat est autorisa à traiter avec eux et à dégager la ville d'Anvers de l'obligation qui lui est imposée. »

Messieurs, d'après le contenu de cet article 2 de la loi de 1859, vous aurez remarqué ce passage qui dit qu'une convention sera signée sur ces bases entre la ville d'Anvers et le gouvernement ; or, cette convention (page 124) n’a pas été signée. Il n'y a eu jusqu'aujourd’hui que des négociations ; le gouvernement pouvait négocier d’après la loi, à partir de 10 septembre 1860 ; et ce n'est que le 5 mai 1863 que l'honorable ministre des finances a fait parvenir sa première dépêche à l'administration d'Anvers. Or, messieurs, remarquez, cela a son importance, que l'administration d'Anvers, à cette époque, était une administration provisoire et qui n'a pris la direction des affaires qu'à partir du mois d'avril.

Voici, messieurs, l'ordre de la correspondance échangée entre l'honorable ministre des finances et le collège échevinal de la ville d'Anvers. J'appuie sur les mots, collège échevinal, pour faire remarquer que dans toutes les négociations qui ont eu lieu jusqu'aujourd'hui entre l'honorable ministre des finances et la ville d'Anvers, jamais le conseil communal n'est intervenu. Il n'y a eu de négociations, je le répète, qu'entre le collège échevinal et le département des finances.

La première lettre de l'honorable ministre est du 5 mai 1863.

Le 13 mai 1865, le ministre a reçu un accusé de réception de la part du collège échevinal d'Anvers.

Cette réponse parvint à l'honorable ministre le 7 août et l'honorable M. Frère répondit à cette dernière missive le 24 septembre.

Dans la réponse que fit le collège échevinal à la lettre ministérielle, il traitait plusieurs points.

Il traitait la question des octrois ; il traitait la question de savoir si les 154 hectares promis pour le prix de 10 millions pouvaient être mis à la disposition de la ville d'Anvers.

II traitait des lois qui ont été promulguées au sujet des villes démantelées ; il traitait enfin un point très important, celui de la revendication en propriété, au profit de la ville, de fortifications ayant été construites par la ville et ayant été - je dirai presque le mot - confisquées et données à l'Etat par destination.

La ville ayant reçu la demande de l'honorable ministre des finances étudia toutes ces questions, et il lui fallait certainement un certain temps pour arriver à ce résultat puisque déjà du temps de l'ancienne administration l'on s'était occupé de cette question qui d'après l'honorable M. Loos lui-même, l'ancien bourgmestre, demandait une sérieuse attention.

J'ajouterai que c'est sur l'avis de cet honorable magistrat, que le collège échevinal a suivi la voie que nous a vus suivre l'honorable ministre des finances.

Dans la lettre que le collège échevinal a envoyée à l'honorable ministre des finances en réponse à l'offre que faisait M. Frère-Orban de signer la convention, le collège avait tenu à traiter les points que j'ai indiqués et cette lettre se terminait par ces mots :

« Nous soumettons avec confiance ces considérations à votre bienveillante appréciation, M. le ministre, et nous sommes persuadés que vous reconnaîtrez avec nous qu'en demandant la rétrocession gratuite des terrains militaires, nous ne faisons que réclamer la restitution d'un bien dont, en fait, la ville n'a pas cessé d'être le légitime propriétaire quant au fond, dont elle n'a été momentanément dépouillée qu'en vue d'un usage déterminé et qui vient à cesser ; qu'en tous cas cette rétrocession ne sera qu'une équitable et juste compensation en retour du dommage que nous a causé l'abolition des octrois, d'une part, et d'autre part des immenses sacrifices que la ville va devoir s'imposer pour faire face aux exigences impérieuses de la situation qui lui est créée dans l'intérêt de la défense du pays. »

Voilà, messieurs, la fin de la lettre que le collège échevinal a envoyée au ministre des finances et c'est après une lettre pareille que l’honorable M. Frère-Orban a cru devoir déclarer du haut de la tribune nationale, au Sénat, que la ville d'Anvers, manquant à tous les engagements, ne voulait pas payer ses dettes et refusait d'acquitter les 10 millions.

Je ne vous dirai pas, messieurs, l'impression que ces paroles ont produite à Anvers. Cette impression a été regrettable ; elle a été des plus pénibles, et je crois qu'en me servant de ces qualificatifs, je reste encore en dessous de l'impression qu'en ont ressentie nos concitoyens.

La ville d'Anvers, ville commerciale par excellence, dont le crédit doit s'asseoir sur la confiance la plus illimitée, dont le commerce a souffert depuis longtemps, et qui voudrait le voir prospérer, elle qui plus que d'autres villes a besoin de confiance, a vu un ministre constitutionnel dire du haut de la tribune nationale que cette ville ne voulait pas tenir ses engagements, qu'elle se refusait à payer ses dettes.

C'est là un fait, messieurs, qui a produit, je le répète, une impression des plus pénibles à Anvers, et je suis persuadé que cette impression aura été partagée par tout le pays.

Maintenant, messieurs, je ne vous dirai pas que, dans les observations présentées à l'honorable ministre des finances par le collège échevinal d'Anvers, il n'y ait pas des points qui aient été réfutés, et je dirai même quelques-uns victorieusement par l'honorable ministre.

Mais je veux en arriver à ce point, que la réponse du collège échevinal ne mettait pas, je pense, le ministre à même de faire, au Sénat, la déclaration qu'il y a faite.

Ainsi, messieurs, des bases été fixées par la loi, et le gouvernement est autorisé à traiter sur ces bases avec la ville d'Anvers. Une convention doit être conclue, et jusqu'à présent elle ne l'a pas été. Il n'y a eu qu'une simple correspondance échangée entre l'honorable ministre des finances et la ville d'Anvers, et la première lettre ministérielle, celle qui a ouvert ces négociations, n'avait d'autre but que de recommander la société Bischoffsheim à la ville d'Anvers pour lui faciliter la reprise des terrains.

Messieurs, j'ai dit tout à l'heure que la voie qu'a suivie le collège échevinal de la ville d'Anvers est une voie que lui a tracée l'honorable et ancien bourgmestre d'Anvers, M. Loos.

J'aurais à ce sujet des documents à vous lire. J'y reviendrai plus tard, si cela est nécessaire.

Je ne veux pas fatiguer la Chambre et abuser de moments dont elle aura certainement besoin pour la discussion de l'adresse. Je me permets seulement de vous dire qu'au moment oh l'administration provisoire entrait en fonctions, elle a eu avec M. Loos une conversation dans laquelle ce magistrat disait que cette question n'était pas du tout claire, qu'elle devait être approfondie ; qu'il fallait être excessivement soucieux des intérêts de la ville d'Anvers, que nous devions continuer la marche qui avait été suivie, c'est-à-dire agir avec la plus grande prudence.

Ces paroles, messieurs, je ne veux pas les lire, je le répète, pour ne pas abuser de vos moments ; mais je les ai ici, consignées dans un procès-verbal du collège échevinal.

Messieurs, la portée de l'explication que j'avais à demander à l'honorable ministre des finances, est celle-ci.

Je crois avoir, par les quelques explications que je viens de vous donner, prouvé que la dette de la ville d'Anvers n'est pas liquide aujourd'hui.

Je crois avoir prouvé de plus que les simples négociations qui ont eu lieu entre l'honorable ministre des finances et la ville d'Anvers ne pouvaient pas mettre le premier en mesure de déclarer du haut de la tribune nationale que la ville d'Anvers manquait à ses engagements.

Je crois avoir prouvé en outre qu'il est nécessaire, qu'il est indispensable même que l'honorable M. le ministre des finances veuille bien donner quelques explications à ce sujet, qui ne laissent pas croire non seulement au pays, mais au monde commercial tout entier, que la ville d'Anvers a perdu le sentiment de l'honneur et qu'elle ne veut pas remplir les engagements qu'elle a contractés.

Messieurs, je disais tantôt que l'impression produite par ces paroles avait été excessivement pénible à Anvers. Depuis longtemps le conseil communal et le collège échevinal s'occupaient de la question d'Anvers ; ils apprirent très positivement, bien que M. le ministre des finances ait déclaré au Sénat qu'il n'en sait rien, qu'un plan existe, modifiant celui qui s'exécute aujourd'hui et qui, quelque bon que puisse être ce dernier, pouvait donner plus amplement satisfaction à deux grands intérêts : l'intérêt général et commercial et l'intérêt de la défense.

Le conseil communal veut faciliter la solution de la question, car, messieurs, croyez-le bien, la ville d'Anvers n'est pas du tout d'avis de prolonger le débat qui existe entre le gouvernement et la métropole commerciale, et c'est nécessairement pour arriver à une solution que le conseil communal fit une offre de concours financier, c'est-à-dire que la ville d'Anvers, malgré tous les sacrifices qui lui étaient déjà imposés, dit : Je veux être en sécurité, je veux que tout danger soit éloigné de mes établissements maritimes. Eh bien, le projet qu'on exécute aujourd'hui peut être déjà très bon au point de vue de la défense, mais nous croyons, nous sommes même certains qu'un autre projeta été élaboré en 1861, que ce plan a été parfaitement étudié, et que ce projet pourrait, par conséquent, concilier beaucoup mieux les intérêts de la défense avec ceux du commerce.

C'est pour faciliter une solution, je le répète, que la ville d'Anvers vota un concours financier éventuel dans le cas où le gouvernement traiterait sur ces nouvelles bases.

- Un membre. - Elle n'a pas voté cela.

M. d’Hane-Steenhuyseµ. - Je demande qu'on ne m'interrompe pas. Et, au risque de passer pour plagiaire je dois répéter ce que disait dernièrement l'honorable M. de Brouckere : « Je sais parfaitement que vous n'êtes pas de mon avis ; si nous étions tous d'accord, je n'aurais pas besoin de parler. »

A propos de ce plan, veuillez me permettre, messieurs, de vous lire ce (page 125) que disait l'honorable ministre de la guerre dans la séance du 16 août 1859, en rendant compte des travaux de la commission militaire. Il s'exprimait ainsi :

« Après avoir adopté le principe d'une grande enceinte enveloppant les faubourgs de Berchem et de Borgerhout, la commission s'est occupée de la détermination du périmètre et de la profondeur du camp retranché. Elle a été d'avis que le camp doit se composer d'une seule ligne de forts, enveloppant les fronts accessibles d'enceinte et que la plus grande distance des forts à la place doit être réglée sur la double portée efficace de l'artillerie.

« L'adoption de ce principe, combiné avec celui de la grande enceinte, donnera à la population d'Anvers la garantie que ces propriétés seront complètement soustraites aux éventualités d'un bombardement, quels que soient les progrès que réalisent les armes à feu. »

Or, depuis cette époque, les progrès extraordinaires réalisés dans l'artillerie de siège ont été tels, que l'on peut aujourd'hui détruire et incendier une ville à la distance de 8,000 mètres.

Chacun sait que la place d'Anvers est ouverte le long de l'Escaut et que pour la protéger de ce côté, le projet en cours d'exécution compte sur une zone d'inondations dans le polder de Borgerweert. Le Blokkendyck qui sert de limite à cette inondation se trouve à 4,000 mètres environ de la maison hanséatique, centre des établissements maritimes d'Anvers. D'un autre côté l'inondation de la rive droite destinée à couvrir les fronts au nord de la place laisse à découvert les terrains environnants de Merxem, de telle sorte que sur ce point, l'ennemi pourrait établir des batteries incendiaires à la distance de 2,000 mètres des nouveaux bassins et de 2,400 mètres de la maison hanséatique.

Il est donc évident que la ville d'Anvers n'est pas à l'abri d'un bombardement et que pour donner, sous ce rapport, toutes les garanties nécessaires à la population, il faudrait établir des travaux de défense éloignés sur la rive gauche de l'Escaut et en avant de Merxem.

Nous savons que le génie militaire, peu de temps après le vote de la loi de 1859, s'est préoccupé de cet état de choses et qu'une commission nommée au département de la guerre en 1861 a préparé un travail, à la suite duquel le génie a fait lever les terrains pour plusieurs forts nouveaux à établir sur la rive gauche et pour le fort à construire eu avant de Merxem. Nous savons aussi qu'il est résulté de ces études la conception d'un projet d'ensemble dont il a été fait mention dans la presse et au conseil communal d'Anvers.

L'existence de ce projet prouve que la question de la défense d'Anvers n'est pas complètement résolue, et qu'elle est bien loin d'être terminée, comme l'a affirmé M. le ministre des finances.

Nous croyons que ce projet élaboré en 1861 ouvre la voie à la solution de toutes les difficultés qui divisaient le gouvernement et la ville d'Anvers.

En effet, les forts nouveaux que comporte ce projet mettraient la ville d'Anvers à l'abri d'un bombardement, et en continuant l'enceinte sur la rive gauche, on constituerait un réduit défensif qui rendrait sans objet les citadelles créées dans le but d'assurer un point d'appui et un refuge à la garnison de l'enceinte votée en 1859. Ces citadelles, objet de tant et de si légitimes craintes, pourraient donc disparaître.

Il y a plus, dans le système actuel, le commandant de la place d'Anvers doit tendre les inondations, tant sur la rive droite que sur la rive gauche du fleuve, aussitôt que le pays est envahi par l'ennemi.

Ces inondations, désastreuses au point de vue civil, ne sont pas sans avoir de grands inconvénients au point de vue militaire. Le projet nouveau obvierait à cet inconvénient en permettant de ne tendre l'inondation sur la rive droite qu'après la prise du fort de Merxem, sur la rive gauche, qu'après la reddition des défenses du camp retranché.

Nous sommes convaincus que cette solution si désirable pour la sécurité de notre métropole commerciale serait accueillie avec une plus grande satisfaction encore par ceux qui se placent exclusivement sur le terrain plus spécial de la défense nationale.

Tous les militaires affirment que, loin d'affaiblir la place, ces travaux forment le complément indispensable des moyens de défense déjà en voie d'exécution.

Nous demandons à M. le ministre de la guerre s'il n'approuverait point l'exécution d*un pareil projet ?

Nous lui adressons cette question non pas seulement du point de vue des intérêts d'Anvers, mais aussi, et bien plus encore, de celui de la défense du pays.

Quelles que soient les passions de parti qui s'agitent autour de la question d'Anvers, nous comptons sur la loyauté militaire de M. le ministre de la guerre, et sur son dévouement au pays et à la dynastie, et nous sommes persuadés que lui, du moins, comprendra que les grands intérêts nationaux et permanents doivent prévaloir sur les intérêts et les préoccupations de parti.

Je crois pouvoir m'arrêter ici pour le moment, et j'attendrai que les honorables ministres des finances et de la guerre aient répondu, pour produire de nouveaux arguments.

MpVµ. - La parole est à M. De Fré.

M. B. Dumortier (pour une motion d'ordre). - Messieurs, il s'agit en ce moment d'un inciden d'une grande importance. Il est nécessaire de vider d'abord cet incident, avant d'arriver à la politique générale.

II est évident que si l'on va faire successivement un discours sur la politique générale, un discours sur la question d'Anvers, un discours sur telle ou telle autre chose, il y aura une confusion inexprimable dans le débat. Il me paraît dès lors indispensable de vider d'abord l'incident relatif à la question d'Anvers ; puis nous aborderons les questions de politique générale intérieure.

MpVµ. - Nous sommes dans la discussion générale de l'adresse ; je ne suis saisi d'aucun amendement. M. De Fré a la parole pour.

MfFOµ. - Je demande la parole. Je vais répondre à l'honorable M. d'Hane-Steenhuyse.

Messieurs, il me semble que les honorables membres qui représentent actuellement la ville d'Anvers dans le Parlement nous préparent, pour chacune de nos séances, quelque nouvelle surprise, et, je dois le dire, quelque déception. Après tout le bruit qui s'est fait à l'extérieur autour de ce que l'on appelle la question d'Anvers, je pensais qu'on allait encore une fois soumettre toute cette question aux délibérations de la Chambre. Tout, d'ailleurs, semblait faire présager un débat suprême, complet ; on avait distribué des plans ; à ces plans contenant probablement des lacunes, des inexactitudes, ou ne mettait pas suffisamment en lumière les points sur lesquels on voulait surtout appeler l'attention de la Chambre, on leur a substitué des plans avec des papillotes, suivant le terme technique, pour indiquer les dangers que faisait prétendument courir à la ville d'Anvers l'existence de la citadelle du Nord. On avait, en outre, établi en dehors de cette enceinte les prétentions qu'on voulait faire prévaloir ; on les avait précisées ; on les avait caractérisées. Je lis dans un document rendu public, et qui est une adresse de remerciements aux électeurs d'Anvers :

« Votre choix dit au pays, de même que l'abstention de tout l'arrondissement d'Anvers l'avait dit le 20 mai à l'occasion des élections pour le Sénat, que notre union est subordonnée à deux conditions :

« 1° A la compensation du dommage que commande, au nom de la Constitution et de la justice, l'établissement des servitudes militaires ;

« 2° A la démolition des deux citadelles ;

« De la citadelle du Sud : parce qu'elle est l'œuvre maudite de la domination étrangère et que, comme telle, elle a été condamnée en 1830 par notre propre gouvernement à la destruction, en ce qui concerne, du moins, les fronts intérieurs.

« De la citadelle du Nord : parce qu'elle est le produit de la plus indigne déloyauté et qu'elle n'est destinée à agir que de manière à entraîner l'anéantissement de notre ville.

« L'injustice et la trahison ne peuvent prendre racine dans le sol belge.

« Votre nouvelle protestation signifie donc qu'il faut qu'il soit fait droit à vos justes réclamations.

« Honneur et merci, à vous, électeurs, de votre attitude digne et patriotique.

« (Signé) comte Dubois d'Aische, président d'honneur et d’Hane-Steenhuyse, président de la commission des servitudes militaires. »

M. Coomans. - Ce programme me paraît très raisonnable.

M. Dubois d'Aischeµ. - Je demande la parole.

M. Delaetµ. - Nous ne le rétractons nullement.

MfFOµ. - C'est précisément ce que j'avais l'intention d'établir.

Je sais comment, en cette matière, on' a coutume de procéder. C'est de peu de chose qu'il s'agit d'abord ; c'est insignifiant ; voici la concession qui devrait être faite ; cette concession faite, tout sera dit. C'est encore, messieurs, ce que vous pouvez induire du langage que vient de faire entendre l'honorable préopinant.

Mais au lieu de porter ces questions devant la Chambre, au lieu de les grouper en faisceau pour montrer quelles sont les exigences, pour bien caractériser tout ce qu'on veut, ce qu'on doit obtenir, ce qu'on obtiendra, a-t-on dit ; au lieu d'agir ainsi ouvertement, on veut pressentir votre opinion sur la question des 10 millions et, pour avoir exprimé la mienne, on me traduit à votre barre aujourd'hui comme ayant manqué de respect, à ce qu'il semble, à l'administration communale d'Anvers.

(page 126) Voix à gauche. – Au collège échevinal !

MfFOµ. - Je le dis tout d'abord, je n’ai pas un seul mot à rétracter de ce que j'ai eu l’honneur de dire au Sénat dans la séance du 13 novembre. (Interruption.)

- Voix à gauche. - Très bien !

MfFOµ. - Et vous allez comprendre, messieurs, que je n'aurais pu, sans manquer à mes devoirs, tenir un autre langage.

Vous vous souvenez de ces longues péripéties qui ont précédé l’adoption de la loi du 8 septembre 1859 : Vous vous souvenez que le cabinet précédent, ayant proposé en 1855 certains travaux qui étaient de nature à satisfaire aux besoins de la défense de la position d’Anvers, en complétant le plan retranché établi sous cette ville, on prétendait que ces travaux étaient de nature à porter préjudice à la ville et qu’on devait les modifier.

Le gouvernement consentit en effet à introduire quelques modifications dans le plan primitif. O, à peine ces modifications avaient-elles été consenties, qu'on réclama l'agrandissement au nord de la place. Le cabinet déclara que la dépense d'un pareil travail serait trop considérable, et qu’il devait s'en tenir aux propositions qu'il avait soumises à la Chambre. Mais bientôt, sur les instances qui lui furent faites et moyennant l'engagement que prit la ville d Anvers de verser au trésor la somme d'un million, le cabinet se décida à proposer l'agrandissement de la place au nord.

Ce projet était à peine déposé, qu'on réclama l'agrandissement général de l'enceinte. Vainement on objecta l'énormité de la dépense ; on prétendit, au nom de la ville, que ce travail pourrait s'exécuter sans bourse délier pour l'Etat ; que les terrains dont on pouvait disposer compenseraient largement le sacrifice qu'il faudrait s'imposer pour exécuter les travaux de l'agrandissement général.

Le cabinet précédent, cédant encore une fois aux instances pressantes de la ville d'Anvers, fit étudier le projet de grande enceinte.

Il le soumit à une commission militaire, et il fit connaître l'avis de cette commission, qui déclarait qu'on pouvait placer le plan de l'agrandissement partiel au nord et celui de l'agrandissement général de la place d'Anvers, sur la même ligne, au point de vue défensif.

Le projet de grande enceinte devait d'ailleurs donner lieu à une dépense très considérable, devant laquelle on reculait.

Les choses étaient dans cette situation, si mes souvenirs ne me trompent pas, car il y a peut-être quelques légères inexactitudes qui pourront être rectifiées ultérieurement, mais les choses, dans leur ensemble, étaient dans cet état, lorsque le cabinet actuel fut appelé au pouvoir.

Il fallait une solution de la question relative à la ville d'Anvers ; il fallait se déterminer pour l'un ou pour l'autre système. Nous avons pensé que l'agrandissement au nord de la place était celui qui, dans les circonstances où nous nous trouvions alors, pouvait le mieux concilier les nécessités de la défense nationale avec les exigences de notre situation financière. C'est dans cette pensée et eu égard à ces deux grandes considérations, que nous avons soumis à la Chambre le plan de l'agrandissement au nord. Nous n'avons pas pu le faire prévaloir.

Vous n'avez pas oublié, messieurs, que, pendant la discussion de ce projet, on déclara que la ville d'Anvers était déterminée à pousser ses sacrifices à la plus extrême limite, pour obtenir l'exécution de la grande enceinte. Et, sans doute, la majorité de la Chambre et du pays fut émue des propositions que l'on annonçait au nom de cette ville, car on peut dire que cette considération a exercé une influence décisive sur la résolution prise alors par la Chambre.

Mis dans la nécessité de soumettre à la législature un travail qui était commandé par les nécessités de la défense nationale, nous avons enfin dû nous résigner à proposer le système de la grande enceinte.

Quelles conditions fîmes-nous alors à la ville d'Anvers ? Des conditions de la plus extrême modération : nous demandâmes uniquement à la ville d'Anvers de faire l'avance, car ce n'est en réalité qu’une avance, messieurs, remarquez-le bien, d'une somme de dix millions en échange de laquelle elle devait recevoir les terrains des anciennes fortifications.

Ce n'était donc pas un sacrifice réel : c'était l'achat d'une propriété nationale au prix de dix millions. L'avantage consistait, et c'est précisément le but que nous poursuivions, en ce que l'Etat était assuré de recevoir une somme de dix millions pour aider à l'exécution des travaux. Le sacrifice éventuel par la ville d Anvers aurait consisté uniquement dans la différence qui pourrait exister entre le prix qu'elle aurait donné des terrains, soit dix millions, et 1a somme qu'aurait produite la réalisation de ces mêmes propriétés dans un temps donné.

Le sacrifice, du reste, était incertain, éventuel ; il pouvait même ne pas se produire et se transformer, au contraire, en un bénéfice ; et cette dernière hypothèse était tellement vraisemblable, qu’on stipulait le partage éventuel de ce bénéfice entre la ville d’Anvers et

Au moment de déposer le plan, l'honorable bourgmestre d'Anvers d'alors, M. Loos, vint faire au gouvernement la proposition de payer une somme de neuf millions pour prix de ces terrains.

Voici la lettre qui contient cette proposition, car enfin il faut décidément que toutes les pièces encore inconnues soient connues :

« Nous avons l'honneur de vous confirmer par la présente, disait le collège des bourgmestre et échevins, le 5 juillet 1859, les propositions qui vous ont été soumises par notre président et que nous nous ferons un devoir de présenter à la sanction du conseil communal dès que vous nous y aurez autorisés.

« La ville s'engagerait à payer à l'Etat pour la cession des terrains militaires de la place, d'une superficie de 154 hectares, salvo justo, la somme de neuf millions de francs. Ce payement se ferait 4 1/2 millions le jour de la mise en possession des terrains, le restant, soit 4 1/2 millions, trois ans après la mise en possession.

« La démolition des ouvrages militaires se ferait par la ville et à ses frais.

« Veuillez considérer, messieurs, si ces propositions sont agréées et si nous pouvons les soumettre à la sanction du conseil. »

Le gouvernement répondit le 8 juillet 1859.

Je demande pardon à la Chambre de l'ennui que peut lui causer la lecture de ces pièces.

-Voix nombreuses. - Non ! non ! lisez ! lisez !

MfFOµ. - ... Mais je pense que cette lecture ne sera pas sans intérêt pour elle. Voici donc la réponse du gouvernement :

« Les propositions que vous avez soumises au gouvernement par votre lettre du 5 de ce mois, sont de nature à servir de base à une négociation ayant pour objet de déterminer la part de concours de la ville d'Anvers, pour l'exécution d'une nouvelle enceinte autour de cette ville.

« Mais, avant que le gouvernement prenne une décision à cet égard, je crois devoir vois présenter quelques considérations qui engageront votre collège et le conseil communal à porter le prix des terrains militaires de la place à une somme supérieure à neuf millions, en maintenant les termes de payement que vous avez indiqués.

« Ces terrains ont été évalués par le département de la guerre à 15 fr. le mètre carré, ce qui donnerait à l'ensemble une valeur de 21,600,000 francs.

« En déduisant la d'pense à faire pour la démolition des ouvrages existants, avec appropriation des localités à leur nouvelle destination, etc., estimée à 2,000,000 de fr., il resterait un produit net de 19,600,000 francs.

« Cette évaluation supposait une réalisation successive de terrain et dans un temps assez éloigné.

« Une commission, composée de fonctionnaires de l'administration des finances, chargée de fixer la valeur de ce domaine, prenant, d'une part, en considération « les frais de travaux à faire pour la démolition des fortifications, » en supposant, d'autre part, une mise en vente dans un délai peu éloigné, a pensé que l'on ne devait en porter le prix qu'à raison de 80,000 fr. l'hectare, ce qui donnerait pour la quantité d’hectares susceptibles d'être vendus une somme di 11,520,000 francs.

« Votre offre, messieurs, s'éloigne trop de cette évaluation.

« Veuillez ne pas oublier, d'un autre côté, que l'an passé vous avez spontanément offert, pour cette propriété une somme de 10,000,000 de francs, payable, il est vrai, à des termes plus longs ; et, bientôt après, vous avez même offert de garantir que l'Etat en obtiendrait 12,000,000 de fr. en les mettant successivement en vente publique.

« Je dois aussi faire remarquer, messieurs, que les travaux qu'il s'agirait d'exécuter à Anvers et qui contribueraient si largement à la grandeur et à la prospérité de votre ville, exigeront des sommes beaucoup plus considérables que celles qui étaient indiquées au moment où vous formuliez vos offres, l'an passé.

« L'examen nouveau et approfondi auquel a été soumise la question de la grande enceinte et des autres travaux militaires à exécuter autour de la place, a démontré que la dépense s'élèverait, en somme ronde, à 49 millions de francs. Vous comprendrez, je n'en doute pas, que l'intérêt bien entendu de la ville commande que vous aidiez le gouvernement, au moyen d'une intervention efficace, à réaliser le plan projeté. Il me paraît indispensable d’augmenter le prox que vous offrez pour les terrains.

« Il faudrait également stipuler que si la vente des terrains produisait un prix supérieur à celui qui serait payé par la ville, l'excédant serait partagé entre celle-ci et l'Etat.

« Cette affaire ayant un caractère d'urgence, je vous prie, messieurs, de la soumettre sans retard aux délibérations du conseil. »

(page 127) Le 12 juillet 1859 le collège des bourgmestre et échevins répondit en ces termes :

« Par la lettre que, sous la date du 8 de ce mois, vous nous faites l'honneur de nous adresser, vous considérez comme insuffisante la somme de neuf millions que nous avons offerte pour les terrains militaires composant les travaux de défense de la place.

« Nous croyons qu'il serait inutile d'entrer dans de nouveaux débats pour justifier notre offre, et chercher à vous prouver, monsieur le ministre, qu'elle dépasse notablement la valeur de ces terrains en tenant compte de la perte d'intérêts qu'il y aura lieu de subir pour en obtenir la réalisation. Nous sommes avant tout animés du vif désir de venir efficacement en aide au gouvernement pour l'aider à atteindre le but qu'il se propose par rapport à notre ville, et nom sommes disposés à faire dans cette intention tous les sacrifices possibles.

« A la réception de votre dépêche susdite, nous nous sommes donc immédiatement réunis et nous avons résolu de saisir le jour même le conseil communal de la proposition de payer au gouvernement une somme de dix millions dars les délais fixés par notre lettre du 1er du courant.

« Le conseil ayant été réuni samedi soir, nous lui avons soumis cette proposition, en l'appuyant de tout notre pouvoir, sans lui dissimuler cependant toute l'importance du sacrifice auquel nous l'invitions à souscrire.

« Le conseil, appréciant, comme nous, toute la gravité des circonstances et ne voulant à aucun prix que l'insuffisance de son concours puisse servir de prétexte à la non exécution du plan conçu par le gouvernement, le conseil, disons-nous, n'a pas hésité à souscrire à la proposition du collège et nous a autorisés à traiter avec le gouvernement pour la cession de toutes les fortifications, terrains et constructions militaires de la place au prix de dix millions, payables dans les délais déjà convenus, c'est-à-dire, 5 millions le jour de la mise en possession et les 5 millions restant, trois années après. La démolition des fortifications se fera par la ville et à ses frais. Le conseil admet aussi, M. le ministre, la condition mentionnée dans votre dépêche prérappelée, que si les ventes de terrains à opérer par la ville produisaient une somme supérieure à celles qu'elle aurait déboursées, les excédants seraient à partager par moitié avec l'Etat.

« Les conditions ci-dessus peuvent donc être formulées dans une convention que nous sommes prêts à signer et dont les Chambres auront probablement à connaître.

« En dehors de cette convention le conseil nous a chargés de stipuler avec le gouvernement :

« 1° Que dans la construction de la nouvelle enceinte le gouvernement établisse aux portes de la ville en même temps que les corps de garde, ces bâtiments pour la perception des taxes communales.

« 2° Qu'immédiatement après le vote des Chambres, le gouvernement autorisera la ville à établir une communication convenable au travers des fortifications vers ses établissements maritimes du Kattendyck.

« 3° Qu'en attendant la démolition complète des fortifications, le gouvernement facilitera autant que possible l'établissement de communications nouvelles entre la ville actuelle et ses faubourgs.

« 4° Que les quais à l'usage du commerce et de la navigation pourront se prolonger jusque devant la citadelle du Nord.... »

- Voix nombreuses. - Ah ! ah !

MfFOµ. - « 5° Que la ville pourra percevoir les taxes d'octroi (aussi longtemps qu'elles existeront ) sur toute l’étendue des terrains enclavés dans la nouvelle enceinte et qu'afin de la mettre à même de pouvoir faire face à ses engagements, la ville sera au besoin autorisée à établir de nouveaux impôts communaux.

« 6° Que dans toute l'étendue de la ville agrandie, le gouvernement s'abstiendra de percevoir la taxe de barrière.

« Nous avons la conscience d'avoir apporté dans cette importante négociation tout le bon vouloir dont nous étions animés pour en assurer le succès.

« Nous osons en conséquence espérer, M. le ministre, que les diverses conditions secondaires ci-dessus seront acceptées par vous et par les autres membres du gouvernement auxquels elles ressortissent et dans cette attente nous avons l'honneur de vous présenter l'assurance notre haute considération. »

Ce n'est qu'après avoir ainsi stipulé formellement avec la ville d'Anvers toutes les conditions de son concours, et après avoir débattu et fixé de commun accord, avec elle le chiffre de 10 millions qu'elle aurait à verser au trésor en échange des terrains militaires, que le projet de loi de la grande enceinte fut soumis à la législature.

On vous a lu, messieurs, les dispositions de l'article 2 de la loi de 1859 ; je vais me permettre de vous les lire à mon tour.

Vous venez de voir, par les détails dans lesquels je suis entré, que l'accord était complet entre le gouvernement et la ville d'Anvers Tout était prévu et réglé. Mais comme on pouvait craindre qu'il ne se présentât quelque difficulté nouvelle, et pour éviter toute contestation ultérieure, comment, dans quel esprit le législateur a-t-il rédigé les dispositions de l'article 2 de la loi du 8 septembre 1859, qui règlent le concours de la ville d'Anvers ? Ces dispositions sont impératives, absolues :

« La ville d'Anvers interviendra dans les dépenses d'exécution des travaux prévus au paragraphe premier de l'article premier jusqu'à concurrence d’une somme de dix millions de francs, en compensation de laquelle l’Etat lui abandonnera les terrains, les constructions et les fortifications de l'enceinte actuelle.

« La démolition des fortifications se fera par la ville et à ses frais.

« Cette démolition commencera aussitôt que la nouvelle enceinte sera construite, et, au plus tard, cinq années après la publication de la présente loi.

« La somme de dix millions sera versée au trésor, savoir : cinq millions le jour de la mise en possession des terrains, constructions et fortifications, et cinq millions dans le termes de trois années, à partir de ce jour.

« Si la vente de terrains à opérer par la ville produisait une somme supérieure à dix millions de francs, le surplus du prix de vente serait dévolu moitié à l'Etat, moitié à la ville. »

On comprend parfaitement la pensée qui a présidé à la rédaction de cet article. Il imposait à la ville d'Anvers l'obligation d'intervenir à concurrence d'une somme de 10 millions : il lui imposait formellement cette obligation. Mais nous avions l'acquiescement préalable, l'assentiment librement donné de la ville d'Anvers au payement de cette somme et aux conditions stipulées dans la loi, qui reproduit mot à mot chacune des obligations souscrites par la ville, dans les termes mêmes qui avaient été employés par l'administration communale pour les formuler.

L'article 2 dit ensuite :

« Le gouvernement est autorisé à conclure avec la ville d'Anvers une convention sur les bases qui précèdent »

C'est-à-dire la convention pour opérer la remise des terrains à l'époque où il serait possible d'opérer cette remise, pour faire courir les délais de payements stipulés dans la loi.

Je relève, messieurs, cette circonstance parce que je viens d'entendre pour la première fois qu'on se prévaut de ce qu'il n'y a pas eu de convention passée, pour prétendre que la dette n'est pas liquide et que par conséquent, pour le moment, on ne doit rien, en quoi j'ai eu tort de dire que l'on devait quelque chose.

M. Bouvierµ. - Ce n'est que trop liquide !

MfFOµ. - Je rappelle encore, messieurs, et il faut bien remarquer cette circonstance, à quel point de vue l'Etat s'était placé en réclamant l'intervention de la ville d'Anvers. Le gouvernement proposait d'imposer au trésor public des sacrifices très considérables, qui n'étaient certainement pas accueillis avec un bien grand enthousiasme dans le pays ! Mais il voulait avoir en même temps la certitude qu'une somme de 10 millions serait versée, à une certaine époque, dans les caisses du trésor, pour l'aider à exécuter les travaux qu'il s'agissait d'entreprendre.

Lorsque cette convention fut faite, bien qu'elle fût réclamée par la ville d'Anvers, je ne me dissimulai pas les difficultés que sa réalisation pouvait présenter pour cette ville ; et qui fis-je en vue de lui éviter ces difficultés ? Pendant que j'étais l'objet des accusations les plus injurieuses et les plus malveillantes, je cherchai, dans l’intérêt de la ville, une combinaison à l’aide de laquelle cette somme de dix millions pourrait être acquittée par elle, sans lui imposer en réalité aucuns frais, sans l’obliger à contracter un emprunt ni à imposer des contributions à ses habitants, en attendant la réalisation des terrains qui allaient être mise à sa disposition.

J'avais étudié pendant longtemps cette question, et ce n'est qu'avec beaucoup de peine que j'étais arrivé à réaliser une combinaison qui me paraissait devoir aboutir à un résultat si désirable. Lorsque j'eus réussi, quand le moment fut venu de mettre à la disposition de la ville d Anvers les terrains des fortifications actuelles, et de conclure la convention prévue par la loi de 1859, j'écrivis la lettre qui suit à l'administration communale sous la date du 5 mai dernier

« L'article 2 de la loi du 8 septembre 1859 détermine les bases d'après lesquelles l'Etat doit abandonner à la ville les terrains, les constructions et les fortifications de l'ancienne enceinte d'Anvers.

« Les travaux d'agrandissement et de défense exécutés, en vertu de cette loi, sont arrivés à un degré d'avancement, tel que l'on peut dès à présent fixer le jour où l'on pourra commencer la démolition des anciens remparts, Le moment est donc venu de conclure la convention prévue (page 128) au sixième alinéa de l'article 2 de la loi, pour déterminer l'époque de la mise en possession qui rend exigible le prix des terrains, constructions et fortifications cédés à la ville d'Anvers.

« Vous savez, messieurs, que la loi sanctionnant les offres faites par le conseil communal dans sa lettre du 12 juillet 1859, 1er bureau, n°3382, G., a fixé le prix de cette cession à dix millions, payables : moitié à la date de la prise de possession ; moitié dans les trois ans à partir de cette date.

« Les habitants d'Anvers ayant un intérêt évident à ce que l'ancienne enceinte soit démolie le plus tôt possible, vous vous êtes préoccupés, j'en suis convaincu, des moyens de réaliser vos engagements.

« Cependant, ayant toujours pensé que les vastes opérations qu'il s'agissait d'entreprendre pourraient présenter des difficultés sérieuses pour une administration publique, j'ai cherché depuis longtemps une combinaison à la faveur de laquelle, sans obérer ses finances, sans avoir à faire des avances de fonds considérables, la ville d'Anvers se trouverait en mesure, non seulement de s'acquitter, mais encore de mettre promptement en valeur les terrains devenus disponibles.

« Je crois avoir atteint le but que je me suis proposé. Les fondateurs d'une société immobilière, qui est en instance pour obtenir l'anonymat, m'ont, en effet, autorisé à vous faire les offres suivantes.

« 1° La société réaliserait, en participation avec la ville, la vente des terrains mentionnés à l'article 2 de la loi du 8 septembre 1859, et verserait au trésor de l'État la somme de dix millions de francs aux époques fixées par le quatrième alinéa du même article.

« 2° Le compte de participation serait débité de la somme de dix millions de francs et de l'intérêt, à convenir, des avances que la société pourrait avoir à faire. Il serait crédité de la vente des terrains.

« 3° A l'expiration d'un terme à convenir, dix années, par exemple, ou plus tôt si la réalisation des terrains était achevée, le compte de la participation serait liquidé entre les deux parties contractantes.

« 4° Si le produit de la vente des terrains ne couvrait pas les déboursés de la société, en principal et intérêts, la ville d'Anvers bonifierait la différence.

« 5° Si le produit de la vente excédait le total des sommes dépensées et leurs intérêts, l'excédant serait partagé par moitié, dont l'une reviendrait à la société ; la ville aurait à s'entendre avec le gouvernement pour le règlement des droits de celui-ci dans l'autre moitié, conformément au pénultième alinéa de l'article 2 de la loi du 8 septembre 1859.

« 6° Enfin, la société se chargerait également d'exécuter, pour compte de la ville d'Anvers, les travaux d'utilité publique et d'embellissement auxquels la démolition des anciennes fortifications donnera lieu et de lui avancer les fonds nécessaires à cette fin.

« Les fondateurs justifient ainsi leurs propositions :

« Il n'est pas besoin de démontrer qu'une société particulière saura tirer un meilleur parti des terrains de l'ancienne enceinte, y exécuter les travaux plus rapidement et à meilleur marché, et exploiter l'entrepôt plus avantageusement pour le commerce et pour elle-même, qu'une administration publique.

« « La ville d'Anvers ne pourrait guère mettre en valeur les terrains de l'ancienne enceinte et se livrer aux vastes entreprises que cette opération rend nécessaires, sans créer une administration spéciale et un nombreux personnel, sans s'imposer, en un mot, des dépenses considérables qu'elle serait incertaine de récupérer dans l'avenir.

« On ne méconnaîtra donc pas qu'il serait plus avantageux en toute circonstance et, en ce moment, infiniment mieux dans les convenances de la ville d'Anvers, de n'avoir aucun débours à faire pour l'achat des terrains et pour l'exécution des travaux, de ne payer pour les avances que lui ferait la société immobilière que les intérêts strictement nécessaires et à un taux modéré, et de solder, pour ainsi dire, l'opération par l'opération même, que de devoir contracter un emprunt préalable dont la négociation ne serait probablement pas très facile dans les circonstances actuelles, qui nécessiterait l'établissement de nouveaux impôts, et dont l’import ne pourrait être fixé à priori sans s'exposer, soit à une insuffisance de ressources, soit à une perte considérable d'intérêts.

« Après ce qui précède, il sera facile de justifier la proposition de l'abandon de la moitié des bénéfices à la société immobilière.

« Pour les actionnaires futurs de cette société, l'attrait de cette part de bénéfices très éventuels et en tout cas très éloignés, est à peine suffisant pour les déterminer à immobiliser leurs capitaux dans une entreprise de ce genre ; et quant à la vile d'Anvers, je n'hésite pas à vous exprimer, M. le ministre, ma profonde conviction que l'intervention de la société ne lui coûterait rien, et que la moitié du bénéfice qu'elle réaliserait en commun avec la société dépasserait même l'intérêt du bénéfice qu'elle réaliserait sans ce concours, sans compter qu'en cas de déficit final, tous les frais généraux d'administration, toute l'activité et toute l'intelligence que la société apporterait dans sa gestion, serviraient en entier à atténuer la perte de la ville sans aucune rémunération pour la société.

« Si vous jugiez devoir prendre ces offres en sérieuse considération, comme elles me paraissent le mériter, les fondateurs seraient à même de discuter avec vous, dès à présent, les clauses de l'arrangement à intervenir, la société étant sur le point de se constituer.

« Quelle que soit votre détermination, obligé comme je le suis de concourir à l'exécution de la loi du 8 septembre 1859, en rendant disponibles les ressources que nécessitent les travaux de la nouvelle enceinte, il me sera agréable de connaître, dans un délai rapproché, à quel moment vous serez en mesure de conclure la convention qui aura pour effet de vous mettre en possession des terrains, conformément à l'article 2 de la loi du 8 septembre 1859. »

Je fais remarquer à la Chambre que dans le but de faciliter encore la réalisation de cette combinaison, j'ai eu l'honneur de soumettre à son approbation une loi qui m'autorise à renoncer éventuellement à la part de bénéfice qui aurait pu revenir à l'Etat sur le produit de la vente des terrains.

A cette lettre du 5 mai, je reçus, le 13 mai, un accusé de réception ainsi conçu :

« Nous allons, écrivait l'autorité communale d'Anvers, nous occuper activement de cette affaire et nous vous prions, en attendant, M. le ministre, d'agréer l'assurance de notre haute considération. »

J'ai attendu. Le mois de mai s'est écoulé, le mois de juin s'est écoulé, le mois de juillet s'est écoulé, et enfin, le 7 août 1863, l'administration communale d'Anvers, au lieu de répondre aux propositions que je lui avais faites de souscrire la convention, m'adressa une longue lettre pour me démontrer qu'elle ne devait rien, que les terrains qu'il s'agissait de lui céder étaient sa propriété, et que c'était à moi d'en sortir. Voici, messieurs, cette lettre, au moins singulière :

« Ainsi que nous avons eu l'honneur de vous infirmer par notre lettre du 13 mai dernier, émargée comme ci-contre, nous avons instruit, avec toute la diligence que comporte la grande importance de l'affaire, la question de la reprise des terrains militaires dont traite votre lettre du 5 mai dernier, cabinet.

« Vous voudrez bien reconnaître avec nous, M. le ministre, que les bases des préliminaires de 1859 ont subi depuis lors d'importantes modifications, non pas par le fait de la ville, mais par le fait de l'Etat.

« Ainsi, M. le ministre, lorsque la ville offrit, à certaines conditions, de reprendre les 154 hectares de terrains militaires pour la somme de 10 millions, elle stipulait expressément, entre autres, qu'elle serait mise à même de percevoir les droits d'octroi dans tout le périmètre de la nouvelle enceinte, c'est-à-dire non seulement dans la cinquième section extra-muros, mais aussi dans les communes de Borgerhout et de Berchem.

« Il y avait, dans cette condition, une prévision certaine d'augmentation de revenus, qui, alors même qu'on ne l'aurait appliquée qu'à la section extra-muros, devait couvrir la presque totalité des intérêts et de l'amortissement du capital que la seule reprise des terrains militaires devait nous obliger à emprunter.

« La population de la cinquième section était, au 1er janvier 1862, de 23,970 habitants, qui, à raison de 17 fr. par tête que rapportaient les octrois, intra-muros, aurait produit une somme de 407,490 fr. L'impôt de capitation de la cinquième section ne rapportait que 52,000. Soit une augmentation de 335,490 fr.

« Les communes de Borgerhout et de Berchem ont ensemble une population d'environ 14,000 habitants qui, à 17 fr. par tête, auraient rapporté fr. 238,000. Mais l'annexion complète des communes pouvant être différée, il y aurait eu lieu à décompter et à leur fournir le montant du produit de leurs taxes d'octrois respectives, soit en chiffres ronds environ 20,000 fr. La part de la ville aurait donc été de 218,000 fr.

« Total de l'augmentation du revenu 573,490 fr.

« De plus, à cette première perte, il faut ajouter celle résultant de la non-admission dans la répartition du fonds communal, d'une augmentation de 45,000 fr. votée en 1860 par le conseil communal sur la taxe du genièvre, soit, au total 618,490 fr. (page 129) de revenus, sur lesquels la ville comptait et devait compter pour faciliter l'opération, et que l'abolition de l'octroi a fait disparaître sans retour et sans qu'aucun équivalent nous ait été accordé de ce chef. Cette perte, quels que soient les voies et moyens auxquels nous pourrions recourir, ne saurai être compensée, pas plus que celle de la progression normale que suivait annuellement le produit de nos octrois, par suite de l'accroissement régulier et rapide de notre population et qui, pour la partie intra-muros, s'élevait à 27,000 fr. par an.

« Voici quel est sous ce rapport le déficit subi par nos finances depuis l'abolition de l'octroi :

« 1° La répartition du fonds communal étant faite sur le produit de l'octroi en 1859, il y a perte, de ce chef, de l'augmentation normale, en 1860, pour 5 1/2 mois, soit 12,000 fr.

« 2° Pour 1861, augmentation de deux années, soit 54,000 ;

« 3° Pour 1862, augmentation de trois années, soit 81,000 ;

« 4° Pour 1863, augmentation de quatre années, soit 108,000 ;

« 5° Perte de trois années de perception de l'augmentation décrétée, en 1860, sur la taxe du genièvre, 135,000 ;

« Total du déficit : 390,000 fr.

« que nous avons éprouvé dans nos revenus depuis l'abolition des octrois et par le seul fait de cette abolition.

« Cette perturbation dans notre situation financière est survenue à un moment ou non seulement elle détruisait les bases sur lesquelles repose la combinaison de 1859, mais où elle créât de véritables et sérieuses entraves à la poursuite de nos gigantesques travaux maritimes, travaux exécutés avec les seules ressources de la ville et sans intervention aucune de l'Etat, autrement que par l'élargissement de l'écluse maritime.

« Ces travaux cependant, M. le ministre, vous le reconnaîtrez sans peine, ont un caractère indiscutable d'intérêt général. En offrant au commerce maritime une installation complète et économique surtout, des facilités de toute nature, la ville favorise dans une large mesure l'accroissement du mouvement maritime, dont, en définitive, la ville d'Anvers n'est pas seule à profiter. L'Etat d'abord y trouve une augmentation notable de ses revenus, tant sur le produit des douanes et accises que sur celui du chemin de fer.

« L'industrie, de son côté, en outre des occasions plus régulières et plus fréquentes d'exportation, en recueille ce grand avantage que le prix de revient de la matière première se trouve diminué de toute l'économie de frais que nous procurons au commerce maritime. Lorsque, par la construction de magasins le long des quais de débarquement, nous aurons exonéré le commerce d'un double transport par charriage, cet avantage deviendra bien plus sensible encore.

« Nous avons donc raison de soutenir que le développement et le complément de nos établissements maritimes sont essentiellement et avant tout d'intérêt général. Et si l'Etat n'est point intervenu jusqu'ici dans ces immenses travaux, dont la dépense s'élève déjà à au-delà de 7 millions, n'est-il pas permis de soutenir qu'il doit d'autant plus en être tenu compte dans la question qui nous occupe, qu'une partie importante des terrains à céder, 29 hectares environ, doivent être affectés au complément des établissements maritimes.

« Sur ces 29 hectares la ville aura encore à dépenser de sept à dix millions en travaux dont le résultat sera entre autres, comme nous l'avons démontré déjà, de réduire les fiais de port et de manipulation de la marchandise, au grand avantage de l'industrie du pays entier.

« A cette première emprise pour travaux d'utilité publique, soit 29 hectares, nous devons joindre :

« les terrains réservés par le génie militaire, soit environ 18 hectares

« par le département des travaux publics, savoir le chemin de fer reliant les établissement maritimes à la station principale, 4 hectares

« le terrain nécessaire à la nouvelle, station projetée pour les marchandises, derrière l’entrepôt, 15 hectares

« enfin les diverses emprises pour le raccordement des routes, la création de rues traversant cette immense lisière, d'une longueur de plus de 3,000 mètres, sur seulement 200 mètres de profondeur en moyenne, les promenades et places publiques si indispensables dans l'intérêt de l'hygiène d'une aussi grande agglomération, tous ces travaux d'installation et de rattache de l'ancienne à la nouvelle ville, occuperont encore une superficie totale d'au moins 50 hectares.

« Total des emprises pour travaux d'utilité publique : 116 hectares.

« Voilà donc déjà la partie réalisable et productive des 154 hectares de terrains militaires réduite à 58 hectares au maximum.

« Et Si l'on y ajoute ce qu'il faudra en réserver pour un hôpital, des écoles, des églises, etc., on arrive à ce résultat de réduire à 20 ou 25 hectares la partie réalisable.

« Mais pour la rendre réalisable, la ville aura à supporter :

« 1° Les frais de démolition des anciens remparts, minimum 1,000,000 fr. »

« 2° Les travaux de pavage, de construction d'égouts, de voûtement de canaux, tous les travaux de voirie, en un mot, que les auteurs de tous les plans que nous possédons évaluent à 5,000,000 fr. »

« 3° Construction d'un hôpital, d’églises et d'écoles, etc., ensemble environ 3, 000,000 fr.

« Total : 9,000,000 fr.

« à ajouter aux 7 à 10 millions à affecter au complément de ses établissements maritimes, et l'on trouve que la ville aura, dans un bref délai, à faire face à 15 à 18 millions de dépenses, toutes d'utilité publique, et plus de la moitié d'utilité générale pour le pays entier.

« En présence de cet état de choses, d'une part, de la perte de revenus considérables résultant de l'abolition des octrois, d'autre part, des énormes dépenses auxquelles nous allons à avoir à faire face obligatoirement, il est équitable et juste que l’Etat nous vienne en aide par la cession gratuite des terrains militaires.

« Nous nous croyons d'autant plus en droit de l'invoquer, en présence du traitement si avantageux fait aux autres villes démantelées, par la loi du 14 juillet 1860. Nous ferons remarquer en outre qu'il s'agit en réalité de terrains acquis en majeure partie par la ville et que l'Etat lui a pris arbitrairement, de par un simple décret de la république, sans compensation ni indemnité, et qu'on offre de lui restituer après 67 ans de jouissance, mais à la condition qu'elle les paye une seconde fois.

« En effet, depuis 1542, date de l'édit de l'empereur Charles-Quint, qui impose à la ville l'obligation d'ériger ses fortifications, et jusqu'en 1797, toutes les dépenses relatives à la défense de la ville, achat de terrains, travaux et même l'entretien des fortifications, ont été à la charge exclusive de la ville. Pour ne citer qu'un exemple de ce qu'il en a coûté à la ville d'Anvers de ce chef, nous dirons que les comptes des travaux des fortifications, de 1544 à 1547, s'élèvent à la somme de 550,687 livres arthois, ou en valeur de l'époque à 8,800,000 francs. Ce qui représente de nos jours, en tenant compte de la dépréciation monétaire, 132 millions de francs. On sait qu'il est admis que cette dépréciation est de 15 fois la valeur.

« De 1548 à 1701, la ville a contracté, exclusivement pour les travaux des fortifications, six emprunts, l'un de 500,000 livres arthois et les cinq autres ensemble de 1,200,000 florins. En outre des impôts spéciaux, jusqu'à concurrence de 200,000 florins, étaient prélevés sur les habitants pour l'entretien des fortifications de la ville.

« Cet état de choses s'est maintenu jusqu'en 1797 lorsque, par arrêté du directoire exécutif du 7 pluviôse an V, fut publiée la loi du 10 juillet 1791 qui déclare propriétés nationales tous les terrains des fortifications des places de guerre.

« Nous étions régis alors par la constitution de l'an III, aux termes de laquelle ces terrains ne pouvaient être confisqués que moyennant une juste indemnité. Mais cette indemnité, quoique due en équité et endroit, n'a jamais été allouée à la ville et dès lors il semble que nous sommes autorisés à réclamer la restitution pure et simple de ce qui nous a été pris. Nous le croyons d'autant plus, que le caractère général de cette confiscation, que son but, la défense du pays, frappe exclusivement sur l'usage des terrains, sur les travaux qui s'y trouvent et n'atteint pas, en réalité, le fond même. Dès lors, il nous semble que le jour où l'usage, la destination vient à cesser, le propriétaire naturel et primordial du fonds peut revendiquer de plein droit la propriété et la jouissance de ce fonds.

« Une preuve encore que nous nous permettrons d'invoquer à l'appui des charges que la ville a eu à supporter du chef de ses travaux de défense, c'est que le plan de liquidation de sa dette de 1819 comprend la plupart des emprunts contractés du XVIème au XVIIIème siècle pour les travaux de défense. Il en résulte qu'aujourd'hui encore nous en payons les intérêts et l’amortissement. Serait-il dès lors juste et équitable de nous imposer aujourd'hui un nouvel emprunt pour le rachat d'une propriété qui nous a été violemment enlevée, sans indemnité aucune ?

« Nous soumettons avec confiance ces considérations à votre bienveillante appréciation, M. le ministre, et nous sommes persuadés que vous reconnaîtrez avec nous qu'en demandant la rétrocession gratuite des terrains militaires, nous ne faisons que réclamer la restitution d'un bien (page 130) dont, en fait, la ville n'a pas cessé d'être la légitime propriétaire quant au fond, dont elle n'a été momentanément dépouillée qu'en vue d'un usage déterminé et qui vient à cesser ; qu'en tous cas cette rétrocession ne sera qu'une équitable et juste compensation en retour du dommage que nous a causé l’abolition des octrois, d'une part, et, d'autre part, des immenses sacrifices que la ville va devoir s'imposer pour faire face aux exigences impérieuses de la situation qui lui est créée dans l'intérêt de la défense du pays.

« Permettez-nous, M. le ministre, de vous faire remarquer, en terminant, que la lettre du 12 juillet 1859 invoquée dans votre dépêche du 5 mai dernier, n'est pas l'œuvre du conseil, mais émane uniquement du collège échevinal.

« Persuadés, M. le ministre, que vous apprécierez et reconnaitrez l'équité et le fondement de notre demande, nous vous prions d'agréer l'assurance de notre haute considération. »

M. de Theuxµ. - De quelle date est cette lettre ?

MfFOµ. - Elle est du 7 août 1863.

Le 24 septembre, quoique en temps de vacances, je |m'empressai de répondre à la ville d'Anvers :

« Le 5 mai dernier, j'ai eu l'honneur de vous informer que les travaux d'agrandissement et de défense exécutés à Anvers, en vertu de la loi du 8 septembre 1859, étaient arrivés à un degré d'avancement tel que l'on pouvait dès lors fixer le jour, où l'on commencerait la démolition des anciens remparts ; que le moment était donc venu de conclure la convention prévue par l'article 2 de cette loi ; enfin, qu'en vue de vous faciliter l'accomplissement des diverses obligations que vous auriez à remplir de ce chef, j'étais parvenu à vous assurer, au besoin, le concours d'une puissante société de capitaines, dont je vous communiquais les propositions.

« Vous avez ben voulu m'annoncer, par votre lettre du 15 mai dernier, que vous alliez vous occuper activement de l'affaire.

« Au lieu de la réponse que j'attendais sur les différents points traités dans ma lettre du 5 mai, j'ai reçu, le 7 août dernier, votre lettre, 1er bureau n° 1026kk, par laquelle, en laissant tous ces points à l'écart, vous demandez la cession gratuite des anciens terrains militaires pour lesquels vous vous êtes engagés précédemment à payer à l'Etat la somme de dix millions.

« Pour expliquer une demande aussi imprévue, vous invoquez plusieurs faits et de nombreuses considérations. J'ai vérifié les uns et pesé les autres avec la plus scrupuleuse attention, et je viens vous communiquer le résultat de ce consciencieux examen.

« Je m'attacherai à suivre l'ordre adopté par vous.

« Le premier argument dont vous vous prévalez, c'est que les bases de l'arrangement de 1859 ont subi, dites-vous, d'importantes modifications par le fait du gouvernement.

« L'assertion est grave ; malheureusement pour les intérêts que vous avez mission de défendre, je puis y répondre d'un seul mot : elle est dénuée de toute espèce de fondement. C'est ce que j'établirai au surplus en discutant une à une les allégations dont votre lettre tente de l’étayer. Mais pour prévenir tout malentendu et écarter toute équivoque, je dois d'abord reproduire de votre lettre du 12 juillet 1859, 1er bureau, n°3782, et les parties où vous avez formulé l'offre et les conditions de votre concours pécuniaire aux travaux de la grande enceinte ; j'en omettrai seulement les passages étrangers au débat.

« Le conseil, disiez-vous, appréciant comme nous la gravité des circonstances, et re voulant à aucun prix que l'insuffisance de son concours puisse servir de prétexte à la non exécution du plan conçu par le gouvernement, le conseil, disons-nous, n'a pas hésité à souscrire à la proposition du collège et nous a autorisés à la proposition du collège et nous a autorisés à traiter avec le gouvernement pour la cession de toutes fortifications, terrains et constructions militaires de la place au prix de dix millions, payables dans les délais déjà convenus, c'est-à-dire 5 millions le jour de la mise en possession, et les 5 millions restants, trois années après. La démolition se fera par la ville et à ses frais. Le conseil admet aussi, M. le ministre, la condition mentionnée dans votre dépêche prérappelée, qui si les ventes de terrains à opérer par la ville produisent une somme supérieure à celles qu'elle aurait déboursées, les excédants seraient à partager par moitié avec l'Etat.

« Les conditions ci-dessus peuvent donc être formulées dans une convention que nous sommes prêts à signer et dont les Chambres auront probablement à connaître.

« En dehors de cette convention, le conseil nous a chargés de stipuler avec le gouvernement :

« 1° Que dans la construction de la nouvelle enceinte, le gouvernement établisse aux portes de la ville, en même temps que les corps de garde, des bâtiments pour la perception des taxes communales ;

« 2° ...

« 3°...

« 4° ...

« 5° Que la ville pourra percevoir les taxes d'octroi (aussi longtemps qu'elles existeront) sur toute l'étendue des terrains enclavés dans la nouvelle enceinte et qu’afin de la mettre, à même de pouvoir faire face à ses engagements, la ville sera, au besoin, autorisée à établir de nouveaux impôts communaux.

« Nous avons la conscience d'avoir apporté dans cette importante négociation tout le bon vouloir dont nous étions animés pour en poursuivre le succès. Nous osons, en conséquence, espérer, M. le ministre, que les diverses conditions secondaires ci-dessus seront acceptées par vous et par les autres membres du gouvernement auxquels elles ressortissent. »

« Ainsi, les stipulations, proposées par votre lettre du 12 juillet 1859, se divisent en deux catégories : les unes constituent les conditions sine qua non ou les bases de l'arrangement sanctionné par la loi du 8 septembre suivant ; les autres sont, au contraire, des conditions facultatives et pour vous et pour le gouvernement, à ce point que votre lettre du 12 juillet 1859 se borne à exprimer l'espoir qu'elles seront acceptées, et réserve ainsi expressément la liberté de décision des diverses autorités appelées éventuellement à leur donner effet. Ces stipulations secondaires, comme vous les avez nommées, sont, vous l'avez déclaré en termes exprès, en dehors de l'arrangement approuvé par la législature et dès lors le gouvernement aurait pu ne pas les respecter que vous n'auriez pas le droit de vous en prévaloir.

« Voyons maintenant sur quoi repose votre assertion que les bases de l'arrangement de 1859 ont subi d'importantes modifications par le fait du gouvernement.

« Lorsque la ville offrit, dit votre lettre du 7 août, de reprendre les 154 hectares de terrains militaires pour la somme de dix millions, elle stipulait expressément, entre autres, qu'elle serait mise à même de percevoir le» droits d'octroi dans tout le périmètre de la nouvelle enceinte, c'est-à-dire non seulement dans la cinquième section extra-muros, mais aussi dans les communes de Borgerhout et de Berchem.

« Pour faire justice de ce grief, il me suffit de faire remarquer de nouveau, messieurs, que l'enclavement de ces communes n'était pas une des conditions de l'arrangement de 1859 ; l'enclavement était demandé par vous en dehors de ces conditions, et vous vous borniez à exprimer l'espoir qu'il serait autorisé.

« L'abolition des droits d'octroi était d'ailleurs prévue par la ville d'Anvers, ainsi que le prouve le 5° des conditions particulières de sa lettre du 12 juillet 1859, reproduit plus haut. Enfin, le vœu que vous avez exprimé quant aux droits d'octroi, supposait seulement l'union de la ville et des communes pour la perception d'un octroi commun et non, assurément, le pouvoir inconstitutionnel à conférer à la ville, de percevoir des taxes à son profit sur les habitants des communes voisines. La loi du 18 juillet 1860 n'a pu, dès lors, porter préjudice à la ville ; car les communes suburbaines ayant leur autonomie, auraient nécessairement dû été admises, proportionnellement à leur population, au partage du produit net des droits d'octroi perçus pour compte de l'association formée entre elles et la ville, et, par conséquent, l'enclavement n'aurait procuré aucun bénéfice à celle- ci.

« De ce premier chef il y a donc à réduire d'une somme de 218,000 fr. celle de 618,490, à laquelle vous évaluez les revenus que, d'après vous, l'abolition des octrois aurait enlevés à la caisse communale d'Anvers. .

« J'arrive à votre deuxième grief.

« Vous dites que la perception de l'octroi alors même qu'on ne l’aurait étendue qu'à la cinquième section extra-muros, aurait procuré à la ville une augmentation annuelle de recette de 355,490 francs.

« Je puis, quant à ce point, me borner à faire remarquer que le maintien des droits d'octroi ne figure même pas parmi les vœux secondaires que vous avez formulés et qui sont d'ailleurs en dehors de l'arrangement de 1859 ; qu'au contraire l'autorité communale, en prévision de l'abolition de l'impôt, a demandé, par une lettre du 12 juillet 1859, à pouvoir, au besoin, établir d'autres taxes pour satisfaire à ses engagements. Elle a encore été plus explicite dans une lettre qu'elle m'a écrite, le 17 avril 1860 au sujet de la suppression des octrois ; elle y disait que si la loi future ne tenait pas compte à la caisse communale, entre autres, de la perte que lui ferait subir l'impossibilité de percevoir ces taxes dans la cinquième section, la ville se trouverait dans la nécessité de remplacer par des impôts directs les ressources qui viendraient à lui manquer. La législation sur la matière ne s'oppose pas, vous le savez, messieurs, à ce que les administrations des villes pourvoient de cette manière à leurs besoins financiers.

« C'est donc une seconde somme de 355,490 fr. à déduire de votre prétendue perte de 618,490 fr. ; mais avant de passer outre, je crois utile (page 131) de signaler aussi à votre attention le mécompte auquel vous exposait, en tous cas, l'évaluation faite par vous du revenu que l'octroi de la cinquième section aurait pu vous procurer.

« En 1859, l'octroi de la ville a produit 1,294,182 fr. 51 c., et les frais de perception se sont élevés à 157,710 fr. 10 c., soit 1,451,892 fr. 61 c. La population, telle qu'elle est renseignée dans l'état officiel des recettes de l'octroi pour 1859, était intra muros de 89,460 âmes et extra muros (5ème section) de 19,021. Total : 108,481 âmes.

« Le produit brut de l'octroi a donc été, par tête d'habitant de la ville, de 16 fr. 23 c.

« Et le produit net, après déduction des frais de perception, de 14 fr. 47 c.

« Et cependant vous portez à 17 fr. par tête d'habitant ce que vous aurait procuré la perception de l'octroi dans la cinquième section !

« Pour évaluer les bénéfices que cette perception pouvait laisser à la caisse communale, il faut évidemment déduire du produit brut l'augmentation inévitable des frais de recouvrement, dans l'hypothèse de l'extension de l'octroi à la cinquième section seulement.

« Il eût fallu, en effet, adjoindre à l'enceinte actuelle de la ville des localités où la population est beaucoup moins dense qu'à Anvers et accroître ainsi, dans une très forte proportion, le périmètre et le personnel de surveillance, et partant les dépenses afférentes au service. Pour rester dans la réalité des faits, le revenu net pour la cinquième section ne peut pas même être évalué d'après la moyenne générale de la commune ; on est plus près de la vérité, ce semble, en le fixant à 13 francs par habitant. A ce compte, la population extra-muros, qui, en 1859, était de 19,000 âmes seulement, aurait donné un revenu de 247,000 fr. En déduisant de cette somme le montant de la cotisation personnelle, qui n'eût pu coexister avec l'octroi et qui est de 56,000 fr., le bénéfice net pour la caisse communale se fût réduit à 191,000 fr. au lieu de 355,490 fr., comme vous le dites.

« Vous parlez ensuite, messieurs, d'une somme de 45,000 fr. que devait profuire une augmentation du droit d'octroi sur le genièvre, augmentation décrétée en 1860 par le conseil communal et que la loi du 18 juillet 1860 ne lui a pas permis de percevoir. Vous faites état de cette somme, parce qu'elle n'a pas été admise en compte pour fixer le minimum de la quote-part d'Anvers dans le fonds communal.

« Vous perdez de vue, bien que l'observation vous en ait été faite souvent, qu'aux termes du paragraphe 2 de l'article 13 de la loi du 18 juillet 1860, cette somme ne pouvait entrer en ligne de compte, attendu qu'elle ne faisait pas partie des recettes opérées par vous en 1859. Il est d'ailleurs assez difficile de s'expliquer comment une augmentation de taxe votée, dites-vous, en 1860, ait pu entrer dans vos prévisions dès le 12 juillet 1859, date de votre offre de concours pécuniaire à l'exécution de la grande enceinte, pour remplir vos engagements financiers.

«Quoi qu'il en soit, ce grief encore est étranger à l'arrangement de 1859 qui, je le répète, ne vous a point garanti et ne pouvait point vous garantir le maintien des taxes d'octroi. Tout compte fait, il ne reste donc rien de votre prétendue perte de 618,000 francs.

«Vous parlez enfin, messieurs, de la progression normale que suivait annuellement le produit de vos droits d'octroi, par suite de l'accroissement rapide de la population, et vous évaluez à 390,000 francs la nouvelle perte infligée, de ce chef, à la caisse communale, par l'abolition des droits dont il s'agit, pour les années 1860, 1861, 1862 et les premiers mois de 1863.

«Permettez-moi de vous le faire remarquer, ce dernier grief est basé sur une pure pétition de principe. La loi du 18 juillet 1860, en supprimant les droits d'octroi, n'a pas statué pour la ville d'Anvers seule ; elle a aboli ces droits dans les 78 communes qui les percevaient. La question de savoir s'il y avait lieu d'al'luer aux communes dépossédées de l'impôt un préciput proportionnel à la progression croissante de leur population a été consciencieusement examinée, avant le vote de la loi, et il a été reconnu qu'il y aurait iniquité à l'égard des communes rurales à la résoudre affirmativement. Si le principe est inique à l'égard des tiers, en quoi votre grief peut-il être fondé ? D'ailleurs, par cela même que la loi du 18 juillet 1860 est d'application générale, ses dispositions n'ont pu créer au profil d'Anvers un droit particulier à une faveur dont les autres villes seraient privées. Ajouterai-je encore que ce grief est, au surplus, étranger aux bases de l'arrangement de 1859 ?

« Pour me résumer sur cette partie de votre lettre, je puis donc affirmer en toute vérité que le fait imputé par vous au gouvernement d'avoir apporté d'importantes modifications aux bases de votre proposition du 12 juillet 1859, est entièrement controuvé. Et quant à vos plaintes au sujet des conséquences qu'a eues l'abolition des taxes d'octroi, je vous demanderai si, en admettant que la caisse communale d'Anvers ait été privée d'une petite partie du revenu sur lequel on comptait, les habitants de la ville n'ont pas trouvé dans la réforme économique décrétée par la loi du 18 juillet 1860, une très large compensation de ce faible préjudice ! Vous ne pouvez avoir oublié, messieurs, que l'accise sur la b ire et le vin a été réduite et que, sauf une légère augmentation de l'accise sur les eaux-de-vie indigènes, aucune charge nouvelle n'a été imposée à vos administrés, qui ont été ainsi presque gratuitement dégrevés de l'octroi, alors que la ville continue cependant de jouir d'un revenu de 1,350,000 fr. pour sa quote-part dans le fonds communal !

« Je crois avoir suffisamment répondu aux arguments que vous avez cru pouvoir tirer de la réforme opérée par la loi du 18 juillet 1860, et je passe à la discussion des faits qui se rapportent à vos établissements maritimes. »

« II. Nous avons éprouvé, dites-vous, un déficit de fr. 390,000 dans nos revenus depuis l'abolition des octrois, et par le seul fait de cette abolition.

« Je viens de réduire cette allégation à sa juste valeur ; mas vous ajoutez : « Cette perturbation dans notre situation financière est survenue à un moment ou elle créait de notables et sérieuses entraves à la poursuite de nos gigantesques travaux maritimes. »

« La perturbation financière dont vous parlez existe sans doute, puisque vous l'affirmez ; mais elle peut étonner lorsqu'on voit dans le tableau officiel des recettes et des dépenses de la ville d'Anvers, pour l'exercice clos de 1861, qu'à cette date la situation se soldait par un boni de 1,676,007. Quoi qu'il en soit, il ne peut y avoir là un titre en faveur de votre demande. Si vos revenus sont insuffisants, vous pouvez vous procurer de nouvelles ressources, soit par l'impôt, soit par l'emprunt, et une pareille mesure serait facile à justifier puisqu'il s'agirait de faire des travaux propres à contribuer à la prospérité du commerce d'Anvers, des travaux productifs de revenu pour la caisse communale à ce point qu'ils seraient très probablement entrepris par l'industrie privée si l'administration locale elle-même ne trouvait un bénéfice à les exécuter.

« Si l'on contestait que la ville tire un bénéfice notable de l'exploitation de ses établissements maritimes, je fournirais aisément des preuves irrécusables de ce fait. Le 4i novembre 1854, le collège des bourgmestre et échevins avait communiqué au conseil communal une note des recettes et des dépenses afférentes au port et aux bassins pour les années 1815 à 1857. Les chiffres du collège échevinal ayant été critiqués, il a fait insérer à la suite du rapport présenté au conseil communal, dans la séance du 31 octobre 1859, par les commissions réunies du commerce et des finances, un nouveau décompte pour les années 1815 à 1859 inclus, dont j'extrais ce qui suit :

« Recettes.

« Droits de mouvement dans le port depuis 1815 jusqu'en 1857, lorsque la ville les supprima : 70,617 fr. 73.

« Produit de la vente des terrains, cédés en même temps que les bassins : 114,365 fr. 01.

« Bailliage maritime jusqu'en 1846 : 77,580 fr. 50.

« Droits de port et de bassins jusqu'en 1859 inclus : 4,513,851 fr. 60.

« Droits de quai dans les bassins : 394,041 fr. 09.

« Droits de quai le long du fleuve et dans les canaux. : 376,618 fr. 43.

« Droits de passage, aux ponts mobiles des canaux : 75,262 fr. 49.

« Droits de cuisines : 597,381 fr. 89.

« Droits de carénage : 226,502 fr. 34.

« Dépôts de marbres : 16,294 fr. 55.

« Quoique le service du lestage ne soit pas directement inhérent à la possession des bassins, nous mentionnerons encore le produit net des droits de lestage et de délestage : 713,630 fr. 98.

« 15 centimes additionnels aux droits de quais, de bassins, etc. : 237,820 7fr. 78.

« Location des terrains servant de dépôt de poudres et dont la ville a laissé jouir gratuitement le commerce durant 40 ans : 55,284 fr. 22

« Total des recettes opérées de 1815 à 1859 inclus : 7,469,251 fr. 67.

(page 132) « Dépenses

« Travaux d'achèvement des quais, des bassins, musoirs, pieux d'amarrage, draguage, etc. (non compris le pavage ni les égouts) : 2,703,786 fr. 83

« Travaux de reconstruction et d'achèvement des quais de l'Escaut et des canaux, ponts mobiles, embarcadères, pieux de garde, d'amarrage, etc. : 1,406,589 fr. 18.

« Achat de propriétés démolies pour l'établissement et l'alignement des quais (dépense imposée à la ville par le décret d'abandon des quais) : 520,971 fr. 92.

« Bailliage maritime jusqu'en 1846, lorsqu'il passa sous la direction du gouvernement : 222,222 fr. 55.

« Bureau du capitaine da port, non compris la police, qui reste confondue dans la police générale : 135,403 fr. 58.

« Total des dépenses opérées de 1815 à 1859 inclus : 4,988,974 fr. 06.

« Les recettes étant de 7,469,251 fr. 67, la ville a bénéficié sur les droits de port, etc., pendant la période de 1815 à 1859 de 2,480,277 fr. 61.

« Au lieu d'un excédant de recettes, le décompte du collège échevinal présente, il est vrai, un excédant de dépenses, résultant de ce qu'on a fait figurer parmi celles-ci une somme de 3,590,014 fr. 12 c. sous le titre : « Nouveaux bassins », c'est-à-dire pour la construction des bassins du Kattendyk ; mais cet article ne concerne pas l'ancien port, auquel se rapporte le décompte ; la dépense a été faite pour un nouvel établissement devenu productif de revenu à partir du 22 octobre 1860, c'est-à-dire postérieurement à l'année 1859. Il est donc constant que la caisse communale a réalisé un bénéfice considérable par l'exploitation de l'ancien port,

« Le fait est du reste avoué. Les commissions réunies du commerce et des finances, dans le rapport déjà cité, disaient : « Nous ne pourrions admettre le principe que tous les travaux maritimes que la ville fait construire dussent nécessairement devenir une source de revenus directs pour le trésor communal. »

« Le collège échevinal répondit à cette déclaration : « Ce sont cependant ces revenus directs qu'on fait ordinairement miroiter aux yeux de l'administration chaque fois qu'on désire vivement l'exécution de l'un ou l'autre ouvrage. »

« Je pourrais encore invoquer une autre preuve. D'après un tableau annexé au mémoire présenté en octobre 1859 au conseil communal par un comité de négociants anversois et qui, suivant ses auteurs, a été dressé sur des documents officiels, l'excédant des recettes sur les dépenses relatives aux anciens établissements de la ville a été en 1848 de 28,124 fr. 60, en 1849 de 152,903 fr. 35, en 1850 de 117,742 fr. 34, en 1851 de 105,815 fr. 10, en 1852 de 201,337 fr. 29, en 1853 de 216,263 fr. 94, en 1854 de 182,657 fr. 53, en 1855 de 186,875 fr. 09, en 1856 de 260,570 fr. 06 et en 1857 de 210,971 fr. 23.

« Il résulte de l'ensemble de ces faits, qu'après déduction des frais d'achèvement, d'entretien, d'amélioration et d'administration de son ancien port et des bassins qui en dépendent, il reste un bénéfice considérable à la caisse communale, et qu'ainsi la ville impose à son profit des taxes au commerce d'importation et d'exportation, à la navigation et même à la généralité des habitants des autres communes du royaume.

« Une autre considération sur laquelle vous insistez beaucoup, messieurs, c'est que le développement et le complément de vos travaux maritimes ont un caractère d'intérêt général.

« Cet argument aurait quelque valeur si vos établissements étaient à l'usage gratuit du commerce et de la navigation, s'ils étaient une charge pour la ville ; mais, je le répète, ils donnent lieu à la perception de taxes et procurent de grands bénéfices à la caisse communale.

« D'ailleurs, je ne conteste assurément pas leur utilité, loin de là : bien que, dans le 4ème paragraphe de sa lettre du 12 juillet 1859, 1er bureau, numéro 3,382a, le collège des bourgmestre et échevins ait annoncé le projet de prolonger « jusque devant la citadelle du Nord » les quais à l'usage du commerce et de la navigation, et que vous-mêmes ayez l'intention de construire des magasins le long des quais du débarquement, je suis disposé à croire que la ville ne fait pas assez, pas assez vite surtout, Aussi là n'est pas la question : tous les travaux publics utiles sont nécessairement d'intérêt général à un degré plus ou moins élevé, et je reconnais volontiers que vos établissements rendent des services non seulement aux habitants d'Anvers, mais encore à ceux du pays et des pays étrangers ; mais vous voudrez bien reconnaître aussi que si ces établissements ne servaient que pour le seul mouvement d'affaires résultant des besoins de la population d'Anvers, ils seraient une charge pour la caisse communale tandis qu'ils lui procurent, je le répète, un revenu important. Loin donc de pouvoir invoquer le caractère d'in'térêt général de vos travaux maritimes comme légitimant de nouveaux sacrifices de l'Etat en faveur de la ville, vous devez vous applaudir de ce que l'utilité générale de vos établissements vous permette de les exploiter aussi fructueusement pour les finances communales et pour vos administrés.

« Vous faites encore remarquer que la ville exécute ces gigantesques travaux avec ses seules ressources et sans aucune intervention de l'Etat, autrement que par l'élargissement de l'écluse maritime. Vous oubliez, messieurs, que la ville doit, à peu de choses près, à la munificence de l'Etat, le magnifique port dont, avec raison, elle est si fière. Les anciens quais du fleuve, les six canaux, les deux anciens bassins et leurs dépendances étaient la propriété de l'Etat, qui pour la construire a dépensé, de 1803 à 1813, une somme de onze millions de francs environ. Ces coûteux établissements vous ont été cédés gratuitement par trois arrêtés royaux en date du 11 mai 1815, du 12 décembre suivant et du 30 décembre 1820, à la seule condition de les achever, de les entretenir et d'en améliorer les abords. L'Etat vous a abandonné en même temps des terrains adjacents, dont les uns ont été vendus par la ville pour la somme de 114,365 fr. 1 c. et dont les autres sont donnés par elle en location à son profit. L'Etat lui a accordé, en outre, par les arrêtés royaux du 20 avril 1819 et du 30 décembre de la même année, des subsides pour l'achèvement et l'entretien de certains ouvrages du port. C'est au moyen des taxes que l'Etat lui a permis de percevoir que la ville a pourvu à toutes les charges que ces arrêtés lui ont imposées et à tous les travaux, même des travaux de voirie communale, qu'elle a faits depuis lors au port et dans ses environs. Après avoir couvert les diverses dépenses dont il s'agit, les taxes ont laissé à la ville, de 1815 à 1859, un excédant de recettes de plus de 2,400,000 francs, qu'elle a pu affecter au creusement des nouveaux bassins du Kattendyk, lesquels lui rapportent dès à présent un notable revenu.

« Enfin, indépendamment de l'élargissement de l'écluse dont vous parlez et pour lequel une dépense considérable a été faite par le trésor public, de nouveaux crédits ont été votés par les Chambres pour le prolongement du quai du Rhin, bien qu'aux termes de l'article 6 de l'arrêté royal de cession du 12 décembre 1815, la ville soit tenue de pourvoir à l'administration, à la conservation, à l'entretien et au perfectionnement des bassins, de leurs quais, écluses, ouvrages, abords et dépendances.

« Je le demande à vous-mêmes, messieurs, en présence de ces faits, quel fondement ont vos doléances et quelle valeur ont les considérations que vous en déduisez ?

« Examinons maintenant si des considérations tirées d'un autre ordre de faits justifient mieux votre demande de cession gratuite des terrains militaires devenus disponibles.

« III.

« Dans le passage de votre lettre dont je m'occupe ici, vous cherchez à établir que la partie réalisable des terrains à céder ne sera que de 20 à 25 hectares, et, pour le démontrer, vous déduisez des 154 hectares disponibles :

« 1° 29 hectares que vous avez l'intention d'affecter au complément des établissements maritimes ;

« 2° 18 hectares que vous dites être réservés par le génie militaire ;

« 3° 4 hectares dont le département des travaux publics aurait besoin pour relier les établissements maritimes à la station principale du chemin de fer ;

« 4° 15 hectares nécessaires pour l'établissement d'une nouvelle station derrière l'entrepôt ;

« 5° 50 hectares qui seront absorbés par les raccordements de routes et par la création de rues, de promenades et de places publiques ;

« 6° 13 ou 16 hectares à réserver pour un hôpital, des écoles et des églises.

« Il n'a jamais été question, messieurs, de réserver les 37 hectares mentionnés sous les n° 2, 3 et 4 pour les affecter gratuitement aux services des départements de la guerre et des travaux publics. Une corespondance échangée à ce sujet, au commencement de l'année, entre ces départements et celui des finances, constate, au contraire, que le gouvernement, fidèle observateur des engagements contractés, considère (page 133) la ville d'Anvers comme propriétaire de l'ensemble des 154 hectares. S'il est reconnu que certaines parties de ces terrains sont nécessaires soit pour le service militaire, soit pour l'administration du chemin de fer, les départements ministériels intéressés ne pourront les obtenir, comme de tout autre propriétaire, qu'en en payant la valeur.

« Au reste, à la suite de la demande que vous avez faite par vos lettres des 1er et 29 juillet 1862, n°3053J, à l'effet d'obtenir que l'Etat cédât par voie d'échange, au sieur Colfs-Heyne une parcelle des terrains des fortifications, le département de la guerre a dû vous faire connaître, conformément à l'opinion émise dans une dépêche du 9 août suivant, que cette cession ne pouvait être consentie par le gouvernement auquel il n'était plus permis de disposer du terrain en question, autrement que pour en faire la remise à la ville d'Anvers, en exécution de la loi du 8 septembre 1859.

« Il n'a donc été, et il ne sera rien distrait par le gouvernement de l'ensemble des terrains à remettre à la ville, en vertu de ladite loi. Il dépendra de l'administration communale d'en disposer comme elle le jugera bon ; dès lors, elle ne peut évidemment prendre texte, pour en atténuer la valeur réalisable, de ce qu'il lui conviendra d'affecter une plus ou moins grande partie de ces terrains à des travaux et à des établissements d'utilité publique. Au surplus, le conseil communal avait certainement en vue ces travaux, en souscrivant l'engagement qui a valu à la ville l'abandon des terrains dont il s'agit.

« Il n'est pas moins certain que personne n'avait imaginé que l'on vendrait un bloc de 154 hectares, sans faire des rues, des promenades et des places publiques. Aussi, dans l'estimation de la valeur de cette propriété, il a été tenu compte de l'emplacement nécessaire pour ces ouvrages. C'est là un point évident, qui, d'ailleurs, serait mis complètement en lumière par les discussions qui ont précédé l'acceptation des propositions de la ville d'Anvers, et par les actes mêmes de votre administration.

« En effet, dans la séance de la Chambre des représentants du 17 août 1859, M. de Gottal, pour établir que la somme de dix millions offerte par la ville d'Anvers était suffisante, faisait remarquer qu'il fallait déduire de la contenance de 154 hectares, tous les terrains à affecter à la voirie et aux places publiques. « Cette grande quantité de terrains, a-t-il ajouté, ne saurait être utilement exploitée, n'importe qui s'en rendra acquéreur, qu'en en abandonnant une partie dans ce but. C'est le seul et meilleur moyen d'en tirer profit. Plus vous ferez vos rues, vos places belles et grandes, plus vous augmenterez la valeur de vos terrains ; ceci est élémentaire et ne saurait être contesté par personne. Ce n'est pas trop, mais plutôt trop peu en distraire, que de compter 110 hectares comme terrains à réaliser. A ce compte, l'hectare revient à la ville à 100,000 fr., on 10 fr. le mètre. »

« L'administration communale avait été toute aussi explicite sur ce point, en disant dans une lettre adressée au département, de la guerre le 13 juillet 1858 : que l'on ne pouvait supposer que, disposant de 154 hectares de terrains à bâtir, il ne faudrait pas, pour en tirer parti, en céder au moins un cinquième à la voie publique.

« Cette observation est d'autant plus significative, que la même lettre contenait la proposition de garantir au gouvernement un minimum de 12 millions comme produit de la vente des terrains, non compris ceux qui, de commun accord entre le gouvernement et la ville, recevraient une destination d'utilité publique.

Il y a lieu de remarquer encore, que si, outrelah superficie indispensable pour la création des rues et des places publiques nécessaires pour mettre en valeur les terrains à aliéner, l'administration communale dispose de certaines parties de ces terrains, dans l'intérêt de l'embellissement de la ville et du développement de ses établissements maritales, la mesure ne sera pas moins onéreuse pour le trésor public que pour la caisse communale, puisqu'elle annulera ou réduira éventuellement la part attribuée à l'Etat dans la partie du produit des terrains à vendre qui excéderait 10 millions.

« Ces explications suffiront sans doute pour vous convaincre, messieurs, que, en ce qui touche ce point encore, votre demande n'est pas fondée.

« Quant aux dépenses pour pavage, égouts, écoles et églises, que vous faites également valoir, elles étaient prévues lors des offres formelles, faites par vous, le 12 juillet 1859. Cela est si vrai que le collège des bourgmestre et échevins avait proposé, par sa lettre précitée du 13 juillet 1858, non seulement de garantir au gouvernement le minimum de 12 millions comme produit de la vente des terrains, mais encore :

« 1° De se charger, à ses frais, de la démolition des fortifications et 4u nivellement des terrains ;

« 2° De paver, à ses frais, les rues et les places publiques qui seraient ouvertes conformément à un plan à arrêter entre le gouvernement et la ville, et de les pourvoir d'égouts et d'un éclairage convenable ;

« 3° De faciliter la vente des terrains au profit de l'Etat, et de leur donner une plus grande valeur en construisant, sur une partie à céder à cet effet, une nouvelle église et deux écoles primaires.

« Il est vrai que l'on demandait en même temps, pour le cas où le montant de la vente dépasserait le minimum garanti de 12 millions, que la ville participât aux produits supérieurs à cette somme, à raison de 50 p. c, et à concurrence de ses déboursés pour les travaux de démolition et de voirie ; mais aujourd'hui la position de la ville est bien plus avantageuse, puisqu'il lui suffira que la vente produise au-delà de 10 millions, pour arriver à couvrir les mêmes déboursés.

« En résumé, il s'agit ici de travaux qui étaient parfaitement prévus lors de l'engagement pris par vous, en 1859, de travaux qui sont la conséquence de cet engagement, et dont la ville avait consenti à se charger, en 1858, à des conditions moins favorables que celles qui lui ont été faites depuis. Aussi, je ne m'explique pas comment vous croyez pouvoir tirer argument des dépenses à faire de ce chef.

« C'est donc en vain qu'on chercherait, dans toute cette partie de votre lettre, une raison qui pût servir à légitimer, d'une manière plausible et à un degré quelconque, votre demande de cession gratuite des terrains militaires. Vous l'avez probablement senti, car vous réclamez subsidiairement la rétrocession de ces terrains, en vous fondant sur des titres qui m'ont paru tout d'abord fort contestables.

« Ce sont ces titres que je vais examiner.

« IV.

« En premier lieu, vous invoquez, messieurs, le traitement si avantageux, dites-vous, qui a été fait aux autres villes démantelées par la loi du 14 juillet 1860. »

Ce point est assez important, parce qu'il est l'objet des doléances que l'on colporte. On se plaint de ce que le gouvernement exigerait de la ville d'Anvers dix millions en échange des terrains sur lesquels sont établies les fortifications actuelles, tandis que les autres villes ont obtenu gratuitement, pour y ouvrir des rues et établir des boulevards, les terrains laissés disponibles par la démolition des ouvrages militaires.

« Cette loi, veuillez-le remarquer, n'a fait qu'appliquer à la ville d'Audenarde les dispositions de la loi du 14 mars 1854, qui a autorisé, au profit des villes d'Ypres, de Menin, d'Ath, de Philippeville, de Mariembourg et de Bouillon, la concession, précaire et révocable dans certaines éventualités :

« 1° Des terrains militaires de ces places, qui leur étaient nécessaires, notamment, pour faciliter la perception des droits d'octroi, ou pour maintenir et améliorer les communications existantes ;

«2 ° Des écluses des fossés et des réservoirs d'alimentation, dont l'intérêt public réclamait la conservation ;

« 3° Des bâtiments militaires disponibles, ainsi que des terrains dépendant de ces bâtiments, dont il serait justifié pouvoir être fait usage dans un but d'intérêt public.

« Ainsi que cela résulte de son exposé des motifs, et du rapport de la section centrale de la Chambre des représentants auquel elle a donné lieu, cette loi a eu pour objet d'accorder aux villes démantelées une compensation pour les frais et les pertes à résulter pour elles de leur démantèlement et de la privation ou de la diminution de garnison qui devait en être la conséquence.

« Pour la ville d'Anvers, au contraire, qui, sous ce rapport, n'est pas dans les mêmes conditions, il s'agit de travaux considérables dont elle a réclamé l'exécution avec les plus vives instances, comme étant indispensables pour qu'elle pût vivre et prospérer. Aussi l'administration communale, qui n'ignorait certainement par les dispositions prises en 1854 en faveur des villes démantelées, n'a-t-elle pas demandé qu'il lui en fût fait application.

« Mais si elle ne l'a point fait, messieurs, c'est que d'ailleurs la ville d'Anvers, en vertu des offres faites en son nom, était appelée, en réalité, à jouir d'avantages analogues à ceux qui avaient été accordés aux villes d'Ypres, de Menin,, d'Ath, de Philippeville, de Marienbourg et de Bouillon, par application de la loi du 14 mars 1854. Comme ces villes, en effet, elle disposera gratuitement des terrains nécessaires à la création des rues, des promenades et des places publiques, puisque, ainsi que je viens de le faire ressortir, la somme, de dix millions qu'elle est (page 134) obligée à payer, ne représente que la valeur des terrains réalisables par voie d'aliénation.

« D'ailleurs, dans toutes les villes que je viens dénommer, les terrains des fortications qui n'étaient pas nécessaires pour maintenir et améliorer les communications existantes, ont été vendus au profit de l'Etat, qui en était propriétaire et en avait la libre disposition. Ces ventes ont eu lieu en vertu de l'article 13 de la loi du 10 juillet 1791, qui a déclaré propriétés nationales tous les terrains des fortifications des places de guerre, et de l'article 3 de la même loi, qui a disposé que si, dans le nombre de ces places et des postes militaires, un examen ultérieur prouvait que quelques forts, citadelles, tours ou châteaux étaient absolument inutiles, ils pourraient être supprimés en tout ou en partie, et leurs matériaux et emplacements vendus au profit du trésor public.

« Je pense donc, messieurs, qu'il n'est ni opportun, ni juste, ni favorable à la cause que vous cherchez à défendre, d'invoquer le traitement fait aux villes démantelées.

« Le second argument sur lequel vous basez votre demande de rétrocession, consiste à prétendre que la ville est légitime propriétaire des terrains militaires que vous réclamez.

« Aucune des administrations communales des villes démantelées ne s'est crue autorisée à crier à la confiscation. Vous, au contraire, messieurs, après que le droit de propriété de l'Etat a été formellement reconnu par les diverses offres faites au nom de la ville d'Anvers en 1856, en 1858 et en 1859, vous rappelez maintenant les dépenses que vous ont occasionné dans les siècles passés l'érection et l'entretien de vos fortifications, et vous niez la force obligatoire de la loi du 10 juillet 1791, sous prétexte que cette loi n'a été publiée en Belgique que par l'arrêté du directoire exécutif du 7 pluviôse an V, sous l'empire de la constitution de l'an III, aux termes de laquelle, dites-vous, les terrains dont il s'agit ne pouvaient être confisqués que moyennant une juste indemnité.

« Sans entrer sur ce point dans une discussion qui me paraît oiseuse, je vous ferai remarquer que la loi à laquelle vous faites le procès, a reçu en Belgique comme en France sa pleine et entière exécution, aux applaudissements des villes ainsi exonérées des charges que l'entretien de leurs fortifications leur imposait.

« L'administration communale d'Anvers, pour qui ces charges étaient si lourdes, d'après ce que vous m'apprenez, n'a sans doute pas été la dernière à se féliciter d'en être libérée.

c Quoi qu'il en soit, il y a d'autant moins lieu de contester maintenant la constitutionnalité et la valeur de cette loi, quant au principe de la nationalisation des terrains des fortifications, que ce principe a été consacré en ces termes par l'article 540 du Code civil :

« Les portes, murs, fossés, remparts des places de guerre et des forteresses font aussi partie du domaine public. »

« Vous ne pouvez donc prétendre qu'il s'agit d'un bien dont en fait la ville n'a pas cessé d'être la légitime propriétaire ; et, d'un autre côté, si la destination et l'usage qui ont fait comprendre ce bien dans le domaine public sont venus à cesser, c'est grâce à ce qu'au prix de sacrifices considérables imposés au trésor, cette destination et cet usage ont été reportés sur les terrains qui, maintenant, ont été acquis, non pas par la ville, mais par l'Etat, pour l'exécution des travaux de la grande enceinte.

« Sous quelque point de vue qu'on les envisage, vos titres à la rétrocession réclamée par vous ne sont donc fondés ni en justice ni en équité.

« Après avoir démontré de point en point l'inanité de toutes les prétentions et de toutes les considérations que vous faites valoir pour obtenir, soit l'abandon gratuit des terrains dont il s'agit, soit leur rétrocession, je crois ne pas devoir omettre de rappeler succinctement comment la législature a été amenée à décréter la grande enceinte.

« Lorsque l'on voulut donner une force plus considérable au plan du camp retranché arrêté par le comité militaire institué en 1847, l'on proposa, en 1855, d'y ajouter des ouvrages dont la dépense était évaluée à 5,440,000 francs, et qui étaient reconnus suffisants pour les besoins de la défense.

« Cette proposition souleva une vive opposition au sein de la ville d'Anvers, et les Chambres, qui étaient déjà saisies du projet, l'ajournèrent, d'accord avec le gouvernement, afin qu'il pût être soumis à un nouvel examen. Il parut que l'on ferait droit aux réclamations qui s'étaient produites en supprimant le fort n° 4 et en construisant une autre ceinture de forts à 5,000 mètres de la place. Le gouvernement donna son assentiment à la mesure, mais, bientôt après, la ville d'Anvers demanda l'agrandissement de l'enceinte vers le nord.

« Le gouvernement objecta cette fois l'énorme accroissement de dépense que l'exécution d'un pareil projet devait occasionner à l'Etat, et il refusa de satisfaire à la demande. Pour vaincre sa résistance on affirma au nom de la ville que, moyennant la cession des terrains militaires devenus sans emploi, l'industrie privée était prête à exécuter les travaux « sans bourse délier » pour l'Etat.

« La compagnie qui devait entreprendre ces travaux « sans bourse délier » pour l'Etat ne se présenta point, et la ville, afin de déterminer le gouvernement à proposer aux Chambres l'exécution de l'agrandissement au nord, s'engagea à verser la somme d'un million dans la caisse de l'Etat. Il restait à pourvoir à une dépense de 8,029,000 fr., et une demande de crédit fut faite à cette fin à la Chambre des représentants le 4 avril 1856.

« Mais le projet d'agrandissement au nord, comme ceux qui l'avaient précédé, n'était pas destiné à recevoir son exécution ; car la ville d'Anvers revenant sur l'engagement pris par elle, demanda alors l'agrandissement général de l'enceinte. Cette démarche eut pour résultat que la discussion du projet d'agrandissement partiel au nord aboutit, dans la séance de la Chambre des représentants du 22 mai 1856, à un vote d'ajournement.

« On n'avait pas cessé de faire entendre que, pour l'agrandissement général, le concours financier de la ville était assuré. Le rapport présenté par M. le général Goblet le 17 mai 1856, faisant allusion à cette intervention, s'exprimait en ces termes : « Il est permis de croire que notre métropole commerciale, qui a le sentiment de ses magnifiques destinées, ne reculera pas devant des sacrifices pour faciliter l'accomplissement d'une œuvre nationale qui intéresse au plus haut degré le développement de sa prospérité. »

M. le ministre de la guerre écrivit en conséquence, le 21 avril 1857, à l'administration communale, afin de connaître le concours financier qu'elle était disposée à donner au gouvernement, dans l'hypothèse posée par elle de l'agrandissement général.

« Cette ouverture étant restée sans réponse, la demande d'un crédit pour l'agrandissement partiel fut reproduite dans un projet de loi présenté le 26 mai 1858. Mise ainsi en demeure, l'administration communale offrit alors, par lettre du 8 juin, de se charger à forfait de la réalisation des terrains militaires qui seraient rendus disponibles par le déplacement général de l'ancienne enceinte, à la condition de payer pour ces terrains une somme de dix millions en dix termes égaux, dont le premier écherait lors de la mise en possession.

« Cette offre ne put être accueillie parce que l'échéance des termes de payement étant fort éloignée, l'Etat eût dû supporter seul, pendant un long espace de temps, tout le poids de la dépense ; en effet, les travaux devaient durer sept années, de sorte que le dernier terme n'eut été payé à l'Etat que la 17ème année.

« L'administration communale fit ensuite une autre proposition : elle demanda à ne disposer que des terrains militaires qui, de commun accord entre la ville, et le gouvernement, recevraient une destination d'utilité publique, et elle offrit de garantir à l'Etat, pour le surplus, un minimum de produit de douze millions, en gardant pour la ville la charge de démolir les fortifications, de paver les rues et les places publiques, d'établir des égouts, de construire deux écoles et une église.

« Cette offre laissant encore à l'Etat l'obligation de faire toutes les avances de fonds, fut également considérée comme insuffisante, et c'est alors que, par lettre du 29 juillet 1858, l'administration communale en vînt à déclarer qu'elle était disposée à faire les plus grands sacrifices, « dussent-ils atteindre la dernière limite des ressources de la ville ».

« A cette date, le projet relatif à l'agrandissement partiel de la ville vers le nord faisait, depuis plusieurs jours, à la Chambre des représentants, l'objet d'une discussion dans le cours de laquelle M. le ministre de la guerre déclara : « que le gouvernement se fondant sur l'intérêt du trésor et ne reconnaissant pas la nécessité de l'agrandissement général pour la défense de la position, était d'avis que l'Etat ne pouvait entreprendre la grande enceinte à ses frais exclusifs. »

« En présence de cette déclaration, M. Loos donna connaissance à la Chambre, dans la séance du 29 juillet, de la lettre de l'administration communale mentionnée plus haut, et M. Veydt prit texte de cette nouvelle démarche pour proposer l'ajournement de la proposition relative aux travaux d'Anvers, afin que, dans l'intervalle, il pût intervenir un arrangement entre le gouvernement et la ville, qui permît à la Chambre de voter la grande enceinte. La proposition d'ajournement fut adoptée.

(page 135) « Telle était la situation, messieurs, lorsque le conseil communa souscrivit l'engagement énoncé dans la lettre du collège échevinal du 12 juillet 4859, de payer au gouvernement une somme de dix millions, moyennant la cession de toutes les fortifications, terrains et constructions militaires de la place.

« Et maintenant, non seulement vous décliner l'engagement pris dans de telles circonstances, mais vous demandez même que l'on vous fasse l'abandon gratuit des terrains que vous devez recevoir en échange d'une somme de dix millions, ce qui constituerait une différence de dix millions au détriment du trésor public !

« Quelle valeur auraient désormais les offres d'une grande ville, ses promesses et ses engagements les plus solennels, si vous persistiez à méconnaître le contrat que vous avez proposé et que la loi a sanctionné ? Aussi, je me persuade qu'il aura suffi de rappeler les faits qui ont précédé l'arrangement conclu avec le gouvernement, pour que vous renonciez au système regrettable exposé dans votre lettre du 7 août.

« Vous reconnaîtrez, je me plais à le croire, que le développement de la prospérité de la ville d'Anvers commande, non de retarder, mais de hâter la démolition des anciens remparts et que, dans l'intérêt bien entendu de vos administrés, vous devez contribuer de tout votre pouvoir à la réalisation d'un événement si ardemment espéré naguère, et qu'il dépend de vous d'accomplir aujourd’hui, en concluant sans délai la convention dont j'ai eu l'honneur de vous entretenir par ma dépêche du 5 mai dernier.

« Vous aurez, au surplus, à juger s'il vous convient de prendre en considération les offres que je vous ai soumises en même temps au nom de la Société immobilière, et qui lèvent, du moins, l'une de vos objections en rendant inutiles, pour un temps fort éloigné et peut-être d'une manière définitive, la création de ressources communales nouvelles, en tant qu'elles seraient nécessaires pour accomplir les engagements que vous avez contractés.

« Il me reste un dernier mot à dire : en terminant votre lettre du 7 août 1863, vous me faites remarquer que celle du 12 juillet 1859, citée dans ma dépêche du 5 mai 1865, n'est pas l'œuvre du conseil et émane uniquement du collège échevinal. Sans chercher à m'expliquer le but de cette observation, je dois y répondre que la lettre du 12 juillet 1859, après avoir énoncé la résolution prise par le collège des bourgmestre et échevins de saisir le conseil communal de la proposition de payer au gouvernement une somme de dix millions dans les délais fixés par sa lettre du 1er du même mois, dit textuellement que : < Ce conseil n'a pas hésité à souscrire à la proposition du collège et l'a autorisé à traiter avec le gouvernement pour la cession de toutes les fortifications, terrains et constructions militaires de la place, au prix de dix millions, payables dans les délais déjà convenus. »

Messieurs, cette lettre est restée sans réponse, je n'ai plus reçu aucune communication de la part de l'administration communale d'Anvers.

Mais à la veille de l'ouverture des Chambres, le conseil communal d'Anvers, renouvelant un procédé que nous avons vu souvent employer dans cette affaire, s'assembla et déclara qu'il faisait l'offre d'un concours financier ... éventuel, pour exécuter des fortifications nouvelles sur la rive gauche de l'Escaut, et démolir en partie celles qui ont été construites sur la rive droite du fleuve !

Messieurs, j'avais eu le malheur de prévoir cette petite manœuvre et de dire dans ma lettre du 24 septembre : « Quelle valeur auraient désormais les offres d'une grande ville, ses promesses et engagements les plus solennels, si vous persistez à méconnaître le contrat que vous avez proposé et que la loi a sanctionné ? »

Et lorsque, dans le sein du Sénat, un honorable sénateur d'Anvers invoqua comme un titre en faveur de l'administration communale cette offre de concours qu'elle avait faite (et je ne veux pas vous lire la discussion qui a précédé cette résolution, sinon vous verriez quelle est la valeur de cette offre) ; lors donc qu'un honorable sénateur se prévalut de cette offre, j'eus l'audace incroyable, après la correspondance qui avait été échangée entre le gouvernement et l'administration communale d'Anvers, de dire : « II est inutile que je m'explique sur les propositions nouvelles du conseil communal d'Anvers. Avant de parler d'un concours pécuniaire, il ferait bien d'exécuter les engagements formels qui ont été contractés et qu'il refuse d'accomplir. » Puis, sur une seconde observation de l'honorable M. Osy, j'ajoutais : « J'attends encore les 10 millions que la ville d'Anvers s'est engagée à payer. Cet engagement a été sanctionné par une loi. La ville d'Anvers refuse aujourd'hui d'acquitter ces 10 millions que j'ai vainement réclamés. »

Et voilà cette injure, presque cette calomnie, que je me suis permis d'adresser au conseil communal d'Anvers ! Voilà ces paroles qui ont produit une impression si déplorable dans la ville d'Anvers, dans cette vile de négociants, dans cette ville de l'honneur, dans cette ville dont l'on ne peut pas déclarer qu'elle refuse d'exécuter ses engagements !

Eh bien, je dis, moi, que je ne saurais qualifier autrement l'attitude prise par l'administration communale de la ville d'Anvers, et qui résulte à toute évidence de la lettre écrite le 7 août au gouvernement, et du silence qui a suivi ma réponse du 24 septembre, réponse complète, je crois, sur tous les points traités par cette administration.

Il y a donc refus formel et absolu d'exécuter les engagements qui ont été contractés et qui, d'après la loi, ne peuvent plus être discutés. Heureusement, en prévision d'objections de ce genre, j'avais proposé ce texte de loi formel, précis : la ville d'Anvers « interviendra ».

Le législateur a ainsi statué, il a fixé le montant de la contribution qu'elle aurait à payer...

M. B. Dumortier. - Il ne s'agissait pas de contribution.

MfFOµ. - De sa part contributive dans l'exécution des travaux ; ne faisons pas de jeu de mots, ce débat doit rester sérieux... part contributive en échange de laquelle certains terrains lui seraient cédés par l'Etat.

Il n'y a donc plus à discuter ; il n'y a plus rien à débattre. Tout a été irrévocablement fixé. La loi dit qu'il interviendra une convention sur ces bases ; mais cette convention devait se conclure au moment de la remise des terrains, et elle ne pouvait être conclue à une heure plus prompte que celle que nous avons choisie, c'est-à-dire au moment où l'on pouvait mettre la main à l'œuvre pour la démolition des anciennes fortifications. Cette convention était nécessaire pour fixer les termes de payement, qui ne pouvaient être déterminés par la loi.

Je ne crois donc pas avoir eu le moindre tort, et je crois au contraire avoir rempli franchement, sincèrement, scrupuleusement mon devoir, lorsque, sans me préoccuper des attaques dont j'étais l'objet, j'ai cherché une combinaison dont on ne dit mot, qu'on a eu soin de passer sous silence dans cette lettre du collège échevinal d'Anvers, combinaison à l'aide de laquelle les 10 millions peuvent être versés dans les caisses de l'Etat aux époques convenues, sans imposer aucune charge à la ville d'Anvers, en lui permettant de réaliser cette grande amélioration, la démolition des anciens remparts, l'agrandissement de la ville, la création d'une ville nouvelle destinée à devenir l'une des plus splendides du continent. (Interruption.)

Oui, messieurs, la ville d'Anvers peut facilement, à l'aide de la combinaison que je lui ai proposés, sans qu'elle ait à contracter un emprunt, ni a imposer de nouvelles charges à ses habitants, remplir les engagements qu'elle a contractés envers l'Etat. Elle le peut... Elle ne le veut pas !

M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Messieurs, on a dit sur tous les tons à Anvers, et l'on vient de répéter ici, qu'il existe au département de la guerre un plan de nature à concilier les intérêts de la ville et ceux de la défense nationale. On a publié à Anvers que des communications avaient été faites et qu'on s'était mis d'accord sur cette question, et malgré un démenti du Moniteur, on a continué de maintenir cette assertion. Je déclare qu'aucune communication de nouveaux plans n'a été faite par le département de la guerre à la ville d'Anvers et que je ne reconnais comme plan du gouvernement, comme plan du département de la guerre que celui qui a été présenté en 1859.

Ce plan est celui que vous avez voté après le plus mûr examen, après les plus longues discussions ; il émanait d'une grande commission, composée de toutes les sommités militaires de l'armée, commission dans laquelle figuraient tous les officiers qui s'étaient occupés de la question de la défense du pays, de tous les officiers qui honorent l'armée par leurs lumières, leurs travaux et leurs écrits ; ce plan, messieurs, qui a été accueilli à Anvers à cette époque par d'unanimes acclamations est en voie d'exécution depuis 1859 et est heureusement sur le point d'être réalisé.

Ce plan est le seul que je reconnaisse.

Est-ce à dire après cela, qu'il n'existe pas d'autres plans au département de la guerre ; je répondrai à cet égard ce que vous savez tous, ce que personne n'ignore, c'est qu'il existe au département de la guerre une multitude de plans, datant de toutes les époques, et qu'il s'en produit tous les jours de nouveaux, en vue de combinaisons et d'éventualités qui peuvent ne pas se réaliser, mais qu'il nous appartient d'étudier et de prévoir.

On a voulu faire sans doute allusion à une commission que j'ai nommée (page 136) en 1861 pour l'examen d'une question spéciale. Eh bien, messieurs, je vais m'expliquer bien franchement sur ce point.

La rive gauche de l'Escaut sa défend par des inondations ; l'idée m'était venue que peut-être on pourrait éviter de tendre ces inondations, la commission chargée d'examiner cette question a émis l'avis qu'on pourrait en effet se soustraire à cette nécessité, en construisant trois forts nouveaux, sur la rive gauche. Je demanderai à mon interlocuteur si c'est pour la construction de ces trois forts que la ville d'Anvers veut nous prêter son concours pécuniaire ? Quant à la démolition des deux citadelles qui existent sur la rive droite, il n'en a jamais été question dans le travail de cette commission, ni dans les conseils du gouvernement.

Des commissions spéciales ont reconnu que la grande enceinte doit être appuyée à des citadelles, et l'on n'aurait jamais cédé les anciennes fortifications à la ville d'Anvers, si l'on n'avait remplacé ce réduit naturel de la position, par la nouvelle citadelle du nord.

Telle est, messieurs, 1a déclaration que j'avais à faire ; je pense qu'elle suffit pour le moment, mais si l'on insistait je donnerais d'autres explications.

M. Delaetµ. - Messieurs, la réponse que j'ai à faire tant à M. le ministre des finances qu'à M. le ministre de la guerre, prendra nécessairement quelque temps, et l'heure est trop avancée pour que je l'aborde aujourd'hui ; je demanderai que la suite de la discussion soit renvoyée à demain.

- La Chambre décide qu'elle se réunira demain à une heure.

La séance est levée à 4 heures trois quarts.