(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1862-1863)
(page 983) (Présidence de M. Vervoort.)
M. de Moor, secrétaire, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. de Boe, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.
- La rédaction en est approuvée.
M. de Moor, secrétaire, présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.
« Le conseil communal de Bavichove prie la Chambre de décider que le chemin de fer projeté de Courtrai à Denderleeuw se joindra à la ligne de l'Etat, dans la station d'Harlebeke. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif la concession de chemins de fer.
« Des habitants de Gheel demandent la construction d'un chemin de fer d'Anvers vers Düsseldorf. >
- Même disposition.
« Le sieur Bouquié-Lefebvre prie la Chambre de lui faire obtenir le remboursement des frais que lui ont occasionnés les études et la rédaction des projets adressés par lui au département des travaux publics, pour l'exécution d'un chemin de fer à travers la Campine. »
- Même disposition.
« Les membres du conseil communal de Maeseyck demandent que le chemin de fer projeté d'Anvers à la frontière hollandaise passe par Maeseyck.»
- Même disposition.
« Des membres du conseil provincial du Brabant demandent qu'une station ou une halte soit établie dans la commune d'Hérinnes, sur la ligne entre Enghien et Grammont. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Gérard, ancien militaire, prie la Chambre de lui faire délivrer un certificat de bonne conduite. »
- Même renvoi.
M. le président. - J'ai reçu de M. Van de Woestyne la lettre dont je vais donner lecture ;
« Gand, 17 mai 1863.
« Monsieur le président,
« Des considérations personnelles m'engagent à renoncer au mandat de membre de la Chambre des représentants.
« En déposant ma démission entre vos mains, avant la fin de la session parlementaire, je veux éviter au corps électoral de l'arrondissement que je représente, un déplacement inutile et lui permettre de pourvoir à mon remplacement, en même temps qu'à l'élection de nouveaux sénateurs.
« Agréez, M. le président, l'expression de ma haute considération.
« Van de Woestyne. »
- Pris pour notification.
Il sera donné avis de cette démission à M. le ministre de l'intérieur.
« M. Henri Dumortier, obligé de s'absenter pour affaires d'intérêt public, demande un congé d'un jour. »
- Accordé.
« M. Van Iseghem, obligé de s'absenter, demande un congé. »
- Accordé.
M. le président. - Les sections ont autorisé la lecture de la proposition de loi qui a été déposée dans la séance de samedi dernier et qui leur avait été renvoyée.
Cette loi est ainsi conçue :
« Article 1er. Il est accordé, à charge du trésor public, une pension annuelle de quinze cents francs, insaisissable et incessible, à la dame veuve Jean-Baptiste-Léon Pierre, née Fax.
« Art. 2. Si elle se remarie, elle perdra ses droits à la pension qui sera réversible, comme en cas de décès, sur la tête de ses enfants mineurs sans que les droits résultant de cette réversion puissent, en aucun cas, attribuer à chaque enfant au-delà de cinq cents francs annuellement.
« Art. 3. Cette pension prendra cours à dater du 1er juin 1863.
« Art. 4. Le crédit ouvert à l'article 24 du budget de la dette publique pour l'exercice 1863 est augmenté de huit cent soixante-quinze francs.
« Cette augmentation de crédit sera couverte au moyen des ressources ordinaires de l'exercice de la présente année.
« Bruxelles, le mai 1863.
“(Signé) E. Vandenpeereboom , L. Thienpont, Ed. de Moor, Allard, E.-J.-I. Van Overloop, L. Frison, L. De Fré, E. Coppens-Bove. »
M. E. Vandenpeereboom. - M. le président, je suis prêt à développer la proposition de loi.
M. le président. - Vous avez la parole.
M. E. Vandenpeereboom. - Messieurs, en remplissant la pénible mission que vous nous avez confiée, nous avons été les témoins d'un triste spectacle, nous avons découvert un triste secret. De tout ce que nous avons vu, de tout ce que nous ont dit les autorités publiques, ecclésiastiques et civiles, nous savons d'une manière certaine que nous avons tous à accomplir un devoir sacré et patriotique ; tel est le but de la proposition que nous avons eu l'honneur de déposer.
Après sept élections favorables, après neuf années de mandat provincial, après quinze années de mandat représentatif, c'est-à-dire, après environ un quart de siècle de service public électif non interrompu, notre collègue Pierre a laissé, une veuve et cinq enfants dans une position sur laquelle il faut dire la vérité tout entière.
Notre ancien collègue n'avait pas d'autre moyen d'existence que le traitement et les émoluments de greffier de justice de paix, qu'il dut abandonner, en venant s'asseoir parmi nous.
Si je pouvais décrire, messieurs, tout ce que nous avons vu, si je pouvais répéter tout ce que nous avons entendu, j'en suis sûr, je vous arracherais des larmes. Je me contenterai de dire que cette famille est dans un état au-dessous de la médiocrité. J'ai cru pouvoir vous découvrir tout entière cette triste position ; car c'est une pauvreté sainte, une pauvreté honorable que celle qui est causée par un tel dévouement et par de tels sacrifices. Le pays peut et doit le savoir, avant d'apprécier l'acte de soulagement que nous vous proposons d'accomplir. Et l'acte accompli, la famille sera justement fière de cette marque de gratitude nationale.
C'est d'ailleurs, messieurs, un honneur pour le pays que la pauvreté ne soit pas un empêchement pour rester dans notre Parlement ; comme la richesse n'est pas, à elle seule, un moyen d'y parvenir. C'est l'image, pour ainsi dire, de notre libérale et démocratique Constitution, que la présence simultanée, sur nos bancs, d'hommes portant des noms illustres et possédant d'immenses fortunes et d'hommes d'origine obscure et ne vivant, eux et leur famille, que de notre modeste indemnité. Oui, soyons fiers de compter, parmi nos collègues, des héritiers de notre ancienne et illustre noblesse et des représentants de notre forte, de notre honnête bourgeoisie.
Ce que nous vous proposons, messieurs, n'est, au surplus, pas sans précédents. Souvenez-vous que nous avons accordé une pension viagère à la mère d'un ministre du Roi, ayant passé vingt années dans une administration où il ne serait pas impossible de devenir riche et mourant sans laisser de quoi entretenir celle qui lui survivait.
Ne craignons pas de nous ruiner par de tels actes ; de tels dénuements sont heureusement rares ; mais quand ils se présentent, il faut les secourir, l'humanité, la dignité du pays, les intérêts d'une sage démocratie le commandent.
J'ai promis, sur la tombe de notre regretté collègue, de coopérer au soulagement de son intéressante famille ; sept collègues m'ont aidé avec empressement à accomplir cette promesse. M. Kervyn de Volkaersbeke, absent pour cause de deuil, a adhéré par lettre. Nous espérons avec confiance que vous nous appuierez pour le succès de cet engagement, fruit d’une des plus douloureuses impressions qu'il soit possible de ressentir.
Le gouvernement, consulté par nous, s'est montré sympathique et favorable au projet déposé ; nous le remercions de ce concours.
Nous croyons notre proposition juste et modérée, nous la livrons, je ne dirai pas à vos discussions ; je suis l'interprète des sentiments de mes collègues cosignataires, en vous disant : Nous la livrons à la générosité de vos cœurs.
(page 984) M. le président. - La discussion est ouverte sur la prise en considération de la proposition de loi.
M. Van Overloop. - Messieurs, j'ai fait partie de la dépuration qui a été chargée de rendre les derniers honneurs à notre regretté collègue, M. Pierre. Si vous aviez été, comme les membres de la députation, d'une part, en face de la tombe de cet ancien collègue, d'autre part, en présence de sa veuve et de ses pauvres enfants sans ressource aucune, tous, je n'hésite pas à le dire, tous, vous vous seriez dit, comme nous : Il y va de la dignité du pays de ne pas laisser mourir de misère la veuve et les enfants mineurs d'un homme qui a eu l'honneur de le représenter pendant quinze ans.
- Personne ne demandant plus la parole, la discussion est close.
La Chambre prend la proposition de loi en considération.
Elle décide ensuite que la proposition de loi sera renvoyée à l'examen d'une commission de 5 membres à nommer par le bureau.
Personne ne demandant la parole dans la discussion générale, on passe à l'article unique du projet de loi.
« Article unique. La convention pour la garantie réciproque de la propriété des œuvres d'esprit et d'art, conclue, le 28 mars 1863, entre la Belgique et la Prusse, sortira son plein et entier effet. »
Il est procédé à l'appel nominal ; le projet de loi est adopté à l'unanimité des 63 membres présents. Il sera transmis au Sénat.
Ont voté : MM. Van Humbeeck, Van Overloop, Van Renynghe, Van Volxem, Allard, Ansiau, Bara, Crombez, David, de Baillet-Latour, de Boe, de Bronckart, Dechentinnes, de Decker, de Florisone, De Fré, de Gottal, de Haerne, de Moor, de Naeyer, de Paul, de Renesse, de Rongé, de Ruddere de Te Lokeren, de Terbecq, Devaux, de Vrière, d'Hoffschmidt, Dolez, B. Dumortier, d'Ursel, Frère-Orban, Grosfils, Guillery, Hymans, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Lange, Laubry, J. Lebeau, Lesoinne, Loos, Moncheur, Moreau, Mouton, Muller, Nothomb, Orts, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Royer de Behr, Tack, Tesch, Thienpont, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt et Vervoort.
M. le président. - Voici, messieurs, comment le bureau a composé la commission qui aura à examiner la proposition de MM. Vandenpeereboom et consorts : outre votre président, la commission se composera de MM. d'Hoffschmidt, de Renesse, Nothomb, Guillery, de Naeyer et de Terbecq.
M. le président. - La discussion générale est ouverte.
M. Tack. -Différentes pétitions ont été adressées à la Chambre par des tanneurs et des fabricants de céruse qui s'inquiètent du régime transitoire qui est stipulé dans l'arrangement commercial conclu avec la Prusse ; ce régime transitoire aura pour effet de suspendre momentanément quant à la Belgique, c'est-à-dire quant aux importations de Prusse en Belgique, l'exécution du traité conclu, jusqu'au moment où le traité franco-prussien sera mis en vigueur. Tandis que les importations de marchandises venant de la Prusse en destination de la Belgique seront réglées par le nouveau tarif.
Les fabricants de céruse et les tanneurs demandent que le régime transitoire soit réciproque, ou du moins que le traité qui, actuellement détermine les rapports réciproques, reste applicable jusqu'au moment où le nouveau traité puisse être définitivement mis en vigueur à l'égard des deux parties contractantes.
M. le ministre des affaires étrangères a déclaré à la section centrale qu'il tâcherait d'entamer des négociations avec le gouvernement prussien à l'effet de faire obtenir justice aux pétitionnaires.
Je voudrais savoir si, d'après les déclarations faites à la section centrale par le ministre, des démarches ont été faites, des négociations ont été entamées et si, dès à présent, M. le ministre peut en préjuger le résultat, en un mot si en ce moment il peut compter sur un succès. Ce serait pour ces intérêts très graves qui sont ici en jeu, une grande satisfaction, une grande garantie s'ils pouvaient apprendre que les efforts de M. le ministre des affaires étrangères sont sur le point d'aboutir.
M. David. - La section centrale s'est passablement étendue sur les cuirs tannés, aussi me bornerai-je à dire quelques mots seulement sur le traité de commerce.
J'ai causé avez un certain nombre de tanneurs de notre pays, ils paraissent tous libre-échangistes ; si on stipulait la réciprocité parfaite de part et d'autre, ils seraient satisfaits ; mais il est loin d'en être ainsi. Vous avez lu dans le rapport de la section centrale, que pour entrer en Prusse pendant un temps indéterminé, nos cuirs devront payer 45 francs par 100 kil, tandis que les cuirs du Zollverein seront admis chez nous moyennant 15 francs.
On dit qu'un droit réciproque de 15 fr. sera établi entre les deux pays : lors de l'exécution du traité du Zollverein avec la France.
Mais vous savez que plusieurs des Etats du Zollverein font une opposition acharnée au traité conclu par la Prusse avec la France.
On fait la même opposition à notre traité, ce ne serait donc qu'au 1er janvier 1866, époque de la dissolution du Zollverein, que nos cuirs pourraient entrer en Prusse aux conditions auxquelles les cuirs allemands peuvent dès aujourd'hui entrer chez nous.
Cette différence place notre industrie dans une position tout à fait défavorable, la fabrication du cuir coûte moins cher en Allemagne que dans notre pays.
L'écorce qui entre, dit-on, pour 45 p. c. dans cette fabrication, coûte beaucoup moins cher en Allemagne qu'en Belgique.
S'il en est ainsi, nos tanneurs se trouvent dans des conditions ruineuses vis-à-vis des tanneurs allemands.
J'insisterai avec la section centrale pour que M. le ministre tâche d'obtenir un ajournement de l'exécution de l'article du traité relatif aux cuirs ; nous avons un précédent ;quand nous avons conclu le dernier traité avec l'Angleterre, nous avons obtenu un ajournement de la mise en vigueur de l'article relatif aux cotons.
Je demande que M. le ministre persiste dans les efforts qu'il a promis de faire auprès du cabinet de Berlin.
M. J. Jouret. - Mon collègue, M. Ansiau et moi, nous nous proposions de faire les mêmes observations que M. David. Nos commettants nous avaient tenu le même langage que ceux de M. David. Pour ne pas abuser des moments de la Chambre nous nous rallions à ce que vient de dire notre honorable collègue.
M. de Theux. - Je fais la même déclaration.
M. d'Hoffschmidt. - Messieurs, je ne veux pas non plus abuser des moments de la Chambre, mais la question soulevée par d'honorables préopinants me paraît trop importante pour ne pas s'en occuper.
Il est certain que l'industrie si importante des tanneurs est fort maltraitée par l'arrangement commercial qui a été conclu avec la Prusse.
Nous lui accordons des réductions de tarif sur tous les articles et provisoirement la Prusse ne nous accorde aucune réduction.
En ce qui concerne les tanneurs, le droit qu'ils continueront à payer à l'entrée de leurs produits en Prusse est de 45 fr. par 100 kilogrammes. Le droit à l'entrée des produits prussiens sera de 15 fr. par 100 kilogrammes.
Il en résulte évidemment une position très défavorable pour l’industrie de la tannerie en Belgique, aussi cette industrie a été très vivement émue lorsqu'elle a eu connaissance de l'arrangement commercial conclu avec la Prusse, arrangement pour lequel elle n'avait pas été consultée.
La section centrale et différentes sections de la Chambre ont demandé que M. le ministre des affaires étrangères voulût bien entamer des négociations afin d'obtenir que, jusqu'à la mise à exécution du traité franco-prussien, le droit sur l'introduction des cuirs prussiens reste ce qu'il est aujourd'hui. M. le ministre des affaires étrangères a bien voulu répondre qu'il s'occupait de cette question.
J'espère qu'il obtiendra un bon résultat.
J'avoue que je ne comprendrais pas comment le gouvernement prussien résisterait à une demande aussi légitime lorsque, comme je le disais tout à l'heure, nous accordons par l'arrangement commercial des avantages considérables à la Prusse, et que provisoirement elle ne nous accorde aucune réduction de tarif. Il est tout simple que, dans un arrangement semblable, il y ait une ou deux exceptions.
Je ne comprendrais pas, je le répète, comment le gouvernement prussien au moment où nous lui accordons tout, et où il n'accorde provisoirement rien, ne consentirait pas à cette espèce d'atermoiement qui lui serait demandé.
L'industrie de la tannerie est très importante en Belgique et particulièrement dans la province à laquelle j'ai l'honneur d'appartenir.
Eh bien, les réclamations qui ont été adressées à la Chambre démontrent que cette industrie s'est sentie vivement atteinte par l'arrangement sur lequel nous avons à délibérer. Les considérations qu'elles renferment (page 985) paraissent avoir été admises par l'honorable M. Rogier. J'espère donc que, faisant ce qu'il a fait pour le traité avec l'Angleterre, il obtiendra le même résultat. Je serais, comme mes honorables collègues, charmé d'avoir quelques explications à cet égard.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Messieurs, lors du la discussion des traités avec la France et l'Angleterre, le gouvernement a fait connaître à la Chambre que, dans un temps plus ou moins rapproché, le système douanier de la Belgique, tel qu'il résultait des traités avec ces deux puissances, devait devenir d'application générale ; que ces traités formaient la base du nouveau régime douanier qui serait appliqué à toutes les puissances alors même qu'après des négociations on ne serait pas arrivé à une réciprocité, la Belgique devant trouver son intérêt propre à établir ses relations commerciales sur les bases d'un tarif libéral, laissant à chaque nation le soin de régler ses intérêts industriels comme elle l'entendrait.
Dès cette époque tous les industriels ont été informés que dans un avenir plus ou moins rapproché, nos tarifs, tels qu'ils avaient été établis d'après les traités passés avec la France et l'Angleterre, deviendraient d'application générale.
Messieurs, ce système, produit devant la Chambre il y a déjà deux ou trois ans, a dû être connu de tous les industriels.
Il n'a donné lieu, au sein de la Chambre, à aucune objection ; il n'a provoqué, au sein du pays, aucune réclamation.
C'est en vertu de ce système que la Belgique, ayant à traiter avec la Prusse, a déclaré à cette puissance que le tarif belge tel qu'il résultait des traités avec la France et l'Angleterre, lui serait appliqué, la Prusse consentant de son côté à faire des sacrifices en faveur de la Belgique.
La Prusse en effet a consenti à donner son adhésion tant au principe du rachat du péage de l'Escaut qu'à la quote-part qui lui incombait dans la répartition des charges.
La Prusse ne nous a pas accordé de concessions immédiates en ce qui concerne ses tarifs, parce qu'elle n'est pas seule à décider dans ces sortes de questions. La Prusse est liée vis-à-vis de tous les Etats du Zollverein, et de la même manière qu'après avoir conclu un traité avec la France, elle n'a pu le mettre à exécution jusqu'à ce qu'elle ait obtenu l'adhésion des Etats du Zollverein, elle ne pouvait nous accorder de concessions efficaces aussi longtemps que les États du Zollverein n'y auraient pas consenti. Or, la convention qui lie la Prusse au Zollverein doit finir le 1er janvier 1866, dans deux ans et demi. Jusque-là, la Prusse ne peut rien changer à son tarif. Mais il n'est pas probable qu'on attende jusqu'au 1er janvier 1866 pour prendre un parti au sein des Etats du Zollverein et je dois informer la Chambre que d'après les dernières informations que j'ai reçues, il se manifeste au sein des Etats du Zollverein une tendance plus marquée pour un accord avec la Prusse.
Il est donc probable que l'on ne laissera pas arriver l'échéance du 1er janvier 1866 avant de se mettre d'accord avec la Prusse, et alors la Belgique jouira en Prusse et dans tous les Etats du Zollverein du traitement de la nation la plus favorisée, du même traitement que la France. Le tarif du Zollverein sera réduit alors pour les cuirs au chiffre de 15 francs. Jusque-là il reste fixé à 45 fr.
Mais à ce droit même de 45 fr., nos cuirs entrent aujourd'hui dans le Zollverein. Nous importons des cuirs dans le Zollverein. Ces importations cesseront-elles ? Voilà la question. Quant à moi, je crois que si nous avons pu concourir jusqu'ici au sein du Zollverein et sur le marché prussien avec les cuirs allemands lorsque nous étions frappés d'un droit de 45 fr., nous pourrons concourir encore sur ces marchés alors que nous restons frappés du même droit, et qu'à plus forte raison nous pourrons concourir sur notre propre marché avec les cuirs prussiens, alors que ceux-ci resteront frappés d'un droit de 15 fr.
Du reste, j'ai tenu compte des craintes qui se sont éveillées chez les industriels intéressés dans cette branche de commerce. J'ai eu l'honneur de recevoir un grand nombre de ces messieurs et je me suis offert à faire auprès du gouvernement prussien une démarche tendante à obtenir la suspension du nouveau droit pendant un certain temps.
Jusqu'ici, messieurs, je n'ai pas obtenu de solution auprès du gouvernement prussien. Je ne veux tromper personne ; je n'ai pas promis à ces messieurs le succès ; j'ai promis une démarche ; j'y insisterai.
Je ferai observer ici que, par suite du dernier arrangement conclu avec le gouvernement français, les droits sur nos cuirs en France seront abaissés de 15 à 10 fr., de manière que nos cuirs vont trouver en France un accroissement de débouché.
Messieurs, il est impossible que dans ces arrangements généraux, qui s'étendent à des intérêts si variés, il est impossible que quelques-uns de ces intérêts ne se trouvent pas plus ou moins froissés, plus ou moins alarmés ; mais le devoir de la Chambre est d'envisager ces questions au point de vue de l'ensemble, et du moment qu'elle considère l'arrangement comme répondant à l'intérêt général, elle doit l'approuver.
Quant au rôle du gouvernement, il consiste à tout concilier. J'ai montré un esprit conciliant.
Mais quand on a traité avec un gouvernement, venir le lendemain demander des changements à la convention, c'est une démarche assez grave et qui ne devrait pas même entrer dans nos habitudes ; mais enfin j'ai pris l'engagement et je le tiendrai.
M. Jamar. - Messieurs, lorsque nous eûmes à examiner le traité de commerce avec la France, je ne pus m'empêcher d'exprimer à la Chambre les appréhensions que me faisait éprouver certaines prescriptions de ce traité.
Je critiquai surtout l'obligation de produire à la douane, indépendamment d'une déclaration écrite constatant la valeur de la marchandise, un certificat d'origine et une facture émanant du vendeur ou du fabricant et visé par le consul de la puissance sur le territoire de laquelle l'importation devait avoir lieu.
Ce luxe de formalité, plus propre à entraver qu'à développer les rapports commerciaux entre les deux pays, me semblait devoir amener des réclamations sérieuses de la part du commerce, soumis ainsi à une inquisition d'autant plus regrettable que la production de ces documents ne mettait pas toujours le commerçant à l'abri d'une préemption ou d'une amende.
L'honorable ministre des finances reconnaissait, aussi les inconvénients de ces obligations que la France et l'Angleterre avait admises dans leur traité, et qui étaient inhérentes en quelque sorte au système des droits ad valorem, qui donnent lieu à ces contestations toujours si pénibles avec la douane.
« Mais, disait l'honorable ministre, dans la pratique on fera toutes qui sera commandé par l'intérêt des négociants pour diminuer les inconvénients d'une pareille mesure. »
Il était malheureusement fort difficile d'atténuer ces inconvénients et, comme je le craignais, de vives réclamations se produisirent.
Plusieurs pétitions donnèrent lieu, dans cette enceinte, à des discussions qui ne pouvaient aboutir à la suppression des mesures contre lesquelles on protestait, puisqu'elles nous étaient imposées par des traités ; mais je dois supposer que le moment est venu, sinon de supprimer ces mesures, du moins de les modifier.
Ce qui me le fait croire, ce sont les stipulations du traité de commerce conclu entre la France et la Prusse et notamment le protocole de clôture signé à Berlin, le 2 août 1862, entre les plénipotentiaires français et prussiens.
En effet, l'article 14 du traité de commerce ne reproduit plus que les deux premiers paragraphes de l'article 19 du traité franco-belge, en supprimant le dernier paragraphe qui contenait l'obligation de faire viser la facture du fabricant ou du vendeur par un agent consulaire.
Le protocole de clôture signé à Berlin va beaucoup plus loin encore, puisqu'il supprime à peu près la formalité de la production du certificat d'origine.
En effet, voici ce que porte l'article A de ce protocole :
« Les plénipotentiaires de S. M. l'empereur des Français ont déclaré que leur gouvernement avait l'intention de ne maintenir la formalité générale des certificats d'origine que jusqu'au complet achèvement des négociations encore pendantes avec d'autres Etats ; mais que, pour faciliter les relations commerciales entre la France et le Zollverein, il se proposait, dès la mise en vigueur du traité, de supprimer l'obligation des justifications d'origine pour les produits ci-après énumérés, savoir... »
Suit une nomenclature excessivement étendue des produits prussiens qui peuvent entrer en France sans certificat d'origine.
La Prusse est beaucoup plus large encore. Voici l'engagement qu'elle prend :
« Les plénipotentiaires de Sa Majesté le roi de Prusse ont, de leur côté, déclaré que le Zollverein n'avait point l’intention de faire dépendre de la production de certificats d'origine, l'application aux marchandises venant de France, des droits fixés par le tarif B ; maïs que, provisoirement, il serait nécessaire de subordonner pour les articles suivants :
« Fer et fonte,
« Ouvrages en fonte, fer et acier,
« Horlogerie et fournitures d'horlogerie,
« Peaux préparées,
« Fils et tissus de lin, chanvre, colon et laine,
(page 986) « Tissus de soie,
« Verrerie et cristallerie,
« Faïence, grès fins et porcelaines, l'application des droits convenus à la production d'un certificat émané du bureau de douane français compétent et attestant que lesdits articles ne proviennent pas du transit. »
Je pense, messieurs, que le bénéfice des stipulations de l'article premier du protocole de clôture doit être acquis aux expéditeurs belges. J'appelle sur ce point l'attention de M. le ministre des affaires étrangères, d'autant plus que l'article 2 du protocole conclu le 28 mars dernier, entre la Belgique et la Prusse ne me semble pas indiquer que nos négociants et nos expéditeurs jouiront de cette faveur.
J'appelle surtout l'attention de l'honorable ministre sur la possibilité d'obtenir de la France des modifications analogues aux stipulations du traité que nous avons conclu avec cette puissance le 1er mai 1861, modifications qui seraient accueillies par le commerce avec autant de faveur en France qu'en Belgique.
Le gouvernement ferait disparaître ainsi en partie les réclamations que l'exécution des articles 18 à 25 de ce traité soulève, en attendant qu'il substitue d'une manière générale les droits spécifiques aux droits à la valeur,
M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Messieurs, déjà nous avons entamé avec le gouvernement français une correspondance tendante à simplifier, autant que possible, les formalités auxquelles les marchandiez sont encore soumises aujourd'hui, quant à leur origine.
En ce qui concerne la stipulation du traité franco-prussien dont a parlé l'honorable préopinant, aussi longtemps que le traité français avec la Prusse n'est pas mis à exécution, le bénéfice de cette stipulation ne peut nous être acquis de plein droit.
Les observations présentées par l'honorable membre n'en sont pas moins dignes d'intérêt.
Ce n'est pas seulement dans l'atténuation des tarifs que le commerce et l'industrie doivent trouver leur satisfaction.
Il ne faut pas que des mesures, que j'appellerai de discipline douanière, viennent contrarier, sans nécessité absolue, le libre jeu des opérations de l'industrie et du commerce.
Je crois que l'administration doit être très attentive, et elle l'est, à faire disparaître tout ce qui peut gêner le mouvement, des marchandises d'un pays à l'autre.
Sous ce rapport nous allons obtenir pour le commerce belge un grand résultat.
D'où viennent les formalités auxquelles sont soumises les importations ?
Elles proviennent des tarifs différentiels qui existent à l'égard de divers pays. Ainsi, nous avons un tarif différentiel pour la France et l'Angleterre. Les marchandises d'Angleterre et de France sont reçues en Belgique à des droits plus modérés que les marchandises des Pays-Bas, de l'Allemagne, de l'Espagne, de l'Italie, de la Suisse.
Eh bien, d'après les diverses conventions qui sont soumises en ce moment à la discussion et au vote de la Chambre, voici ce qui va arriver ; c'est que pour les importations des Pays-Bas, les certificats d'origine deviendront complètement inutiles, sauf quelques rares pays avec lesquels la Belgique n'a pas beaucoup de relations commerciales, nous aurons le même tarif applicable aux diverses contrées de l'Europe.
Donc, sous ce rapport, nous allons obtenir une simplification, quant aux formalités à remplir pour les importations en Belgique. Le reste suivra. Aujourd'hui on est heureusement entraîné dans un courant libéral ; toutes les anciennes routines tendent à tomber devant la salutaire impulsion de la liberté commerciale.
M. d'Hoffschmidt. - Messieurs, l'honorable ministre des affaires étrangères nous a déclaré qu'il allait poursuivre les démarches qu'il avait déjà faites pour obtenir du gouvernement prussien qu'il consente au maintien du tarif actuel sur les cuirs jusqu'à ce que le droit de 15 francs par 100 kil. puisse être appliqué de part et d'autre. Nous ne pouvons pas lui demander davantage, mais je le prie d'insister fortement, de ne pas se décourager facilement.
En effet je trouve cette démarche parfaitement légitime, et ce qui doit engager l'honorable ministre à la faire, ce sont d'abord les réclamations d'une puissante industrie du pays ; c'est ensuite le vœu exprimé par les sections et par la section centrale.
Il eût mieux valu sans doute qu'avant la conclusion du traité, on eût demandé ou obtenu cette exception ; mais comme on ne l'a malheureusement pas fait, il faut bien maintenant tâcher de réparer cet oubli. Pour faire bien apprécier à la Chambre la position défavorable faite à l'industrie belge, je citerai un, exemple sur lequel j'appelle toute son attention.
Il y a deux localités importantes au point de vue de la fabrication des cuirs.
C'est, d'une part, Malmédy en Prusse, d'autre part, Stavelot en Belgique, et ces deux localités rivales ne sont distantes que d'une lieue. Eh bien, Malmédy pourra introduire ses cuirs en Belgique à raison de 15 fr., tandis que les cuirs belges devront payer 45 francs pour entrer en Prusse.
Mais ce n'est pas tout. Par suite des tarifs de faveur dont jouissent les transports à grandes distances et le transit sur nos chemins de fer, les cuirs prussiens entrant en Belgique payeront proportionnellement moins de frais de transport que les cuirs belges pour arriver sur le marché belge. C'est là, il faut en convenir, une situation de défaveur évidente pour l'industrie belge. Peut-être que M. le ministre des travaux publics pourrait au moins remédier à cet état de choses au moyen de réduction de tarifs.
Ensuite M. le ministre des affaires étrangères nous a dit que quand on a adopté les traités avec l'Angleterre et la France on a eu soin d'avertir que les tarifs résultant de ces traités devaient devenir, dans la suite, d'application générale ; que toutes les industries étaient averties. Cela est parfaitement vrai ; mais on n'a pas adopté une loi générale ; le système qui a été adopté par le gouvernement, et je ne puis que l'approuver, c'est de tâcher d'obtenir, par suite de ses réductions de tarifs, la réciprocité des gouvernements étrangers.
Or, c'est ce que provisoirement nous n'obtenons pas de la Prusse, et c'est pourquoi il y a réclamation ; certes, je crois qu'aucune industrie n'a le droit d'exiger une protection continuelle de ses produits ; mais elle a le droit cependant de réclamer certains ménagements, certaine réciprocité dans les traités. Or, dans l'application de l'arrangement commercial sur lequel nous délibérons, ces ménagements, cette réciprocité n'existent pas en ce qui concerne l'industrie des cuirs ; et l'impression qui en est résultée s'est manifestée par les réclamations adressées à la Chambre, à M. le ministre des affaires étrangères et à plusieurs d'entre nous, députés de la nation.
Nous devons donc nécessairement en tenir compte, et je crois que le gouvernement fera chose conforme aux vœux du pays s'il parvient à obtenir du gouvernement prussien une seule exception à cet arrangement commercial, par lequel nous accordons des réductions sur tous les articles prussiens et sans que la Prusse nous accorde provisoirement aucune réduction.
La demande que je formule me semble donc de nature à mériter un favorable accueil de la part du gouvernement prussien. C'est dans cet espoir que je voterai le traité, sinon je voterais contre.
- La discussion générale est close.
« Article unique. L'arrangement commercial conclu sous forme de protocole, le 28 mars 1863, entre la Belgique et la Prusse, sortira son plein et entier effet. »
- L'article est adopté.
Il est procédé à l'appel nominal ; le projet de loi est adopté à l'unanimité des 64 membres présents. Il sera transmis au Sénat.
Ont voté : MM. Van Humbeeck, Van Overloop, Van Renynghe, Van Volxem, Vilain XIIII, Allard, Ansiau, Bara, Crombez, David, de Baillet-Latour, de Boe, de Bronckart, de Brouckere, Dechentinnes, de Decker, de Florisone, De Fré, de Gottal, de Haerne, de Moor, de Naeyer, de Paul, de Renesse, de Rongé, de Ruddere de Te Lokeren, de Terbecq, de Vrière d'Hoffschmidt, Dolez, B. Dumortier, d'Ursel, Frère-Orban, Goblet.. Grosfils, Guillery, Hymans, Jamar, J. Jouret,. M. Jouret, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Lange, Laubry, J. Lebeau, Lesoinne, Loos, Moncheur, Moreau. Mouton, Muller, Orts, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Royer de Behr, Tack, Tesch, Thienpont, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt et Vervoort.
La discussion générale est ouverte ; personne ne demande la parole. L'assemblée passe immédiatement à la discussion de l'article unique ainsi conçu :
« Le traité de navigation, conclu le 28 mars 1863 entre la Belgique et la Prusse, sortira son plein et entier effet. »
- L'article est adopté.
Il est procédé à l'appel nominal ; le projet dz loi est adopté à l'unanimité des 64 membres présents, il sera transmis au Sénat.
(page 987) Ont voté : MM. Van Humbeeck, Van Overloop, Van Renynghe, Van Volxem, Vilain XIIII, Allard, Ansiau, Bara, Crombez, David, de Baillet-Latour, de Boe, de Bronckart, de Brouckere, Dechentinnes, de Florisone, De Fré, de Gottal, de Haerne, de Moor, de Naeyer, de Paul, de Renesse, de Rongé, de Ruddere de Te Lokeren, de Terbecq, de Vrière, d'Hoffschmidt, Dolez, B. Dumortier, d'Ursel, Frère-Orban, Goblet, Grosfils, Guillery, Hymans, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Lange, Laubry, J. Lebeau, Lesoinne, Loos, Moncheur, Moreau, Mouton, Muller, Orts, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Royer de Behr, Tack, Tesch, Thienpont, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt et Vervoort.
La discussion générale est ouverte. Personne ne demandant la parole, l’assemblée passe à la discussion des articles.
« Art. 1er. La section de Meix-le-Tige est séparée de la commune de Rachecourt, province de Luxembourg, et érigée en commune distincte sous le nom de Meix-le-Tige.
« La limite séparative est fixée conformément au liséré rouge indiqué par les lettres A, B, C, D, au plan annexé à la présente loi. »
- Adopté.
« Art. 2. Le cens électoral et le nombre de conseillers à élire dans ces communes seront déterminés par l'arrêté royal fixant le chiffre de leur population. »
- Adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal.
Le projet de loi est adopté à l'unanimité des 62 membres qui ont répondu à l'appel. Il sera transmis au Sénat.
Ont répondu à l'appel : MM. Van Humbeeck, Van Overloop, Van Renynghe, Van Volxem, Vilain XIIII, Allard, Ansiau, Bara, Crombez, David, de Baillet-Latour, de Boe, de Bronckart, de Brouckere, Dechentinnes, de Florisone, De Fré, de Gottal, de Haerne, de Moor, de Naeyer, de Paul, de Renesse, de Rongé, de Ruddere de Te Lokeren, de Terbecq, de Vrière, d'Hoffschmidt, B. Dumortier, d'Ursel, Frère-Orban, Goblet, Grosfils, Guillery, Hymans, Jacquemyns, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Lange, Laubry, J. Lebeau, Lesoinne, Loos, Moncheur, Moreau, Mouton, Muller, Orts, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Royer de Behr, Tack, Tesch, Thienpont, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt et Vervoort.
« Article unique. Un crédit de trois cent mille francs (fr. 300,000) est ouvert au département des finances pour pourvoir aux dépenses d'exécution de la révision des évaluations cadastrales ; il formera l'article 44 du budget de ce département pour l'exercice 1863 et sera couvert au moyen des ressources ordinaires. »
Personne ne demandant la parole, il est procédé au vote par appel nominal.
Le projet de loi est adopté à l'unanimité des 60 membres qui ont répondu à l'appel. Il sera transmis au Sénat.
Ont répondu à l'appel : MM. Van Humbeeck, Van Overloop, Van Renynghe, Van Volxem, Vilain XIIII, Allard, Ansiau, Bara, Crombez, David, de Baillet-Latour, de Boe, de Bronckart, de Brouckere, Dechentinnes, de Florisone, De Fré, de Gottal, de Haerne, de Moor, de Naeyer, de Paul, de Renesse, de Rongé, de Ruddere de te Lokeren, de Terbecq, de Vrière, d'Hoffschmidt, Dolez, B. Dumortier, Frère-Orban, Goblet, Grosfils, Guillery, Hymans, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Lange, Laubry, J. Lebeau, Lesoinne, Loos, Moncheur, Moreau, Mouton, Muller, Orts, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach, Royer de Behr, Tack, Tesch, Thienpont, A. Vandenpeereboom, Vander Donckt et E. Vandenpeereboom.
MpV. - Nous avons maintenant a l'ordre du jour les prompts rapports.
M. de Boe. - Je demande qu'on procède au vote sur la prise en considération de demandes eu naturalisation.
M. Allard. - Il y a une demande de crédit de 117 mille francs.
M. le président. - Le rapport sur cette demande de crédit ne sera distribué que ce soir.
M. de Moor. - Je viens appuyer la proposition de M. de Boe. Il y a des demandes en réintégration de la qualité de Belge qui sont faites depuis longtemps par des compatriotes qui, après avoir quitté le pays, y sont rentrés. Il serait bon que la Chambre se prononçai sur ces demandes.
M. Julliot. - Une pétition a été adressée à la Chambre sur une prétendue erreur judiciaire ; je demande, à la Chambre de vouloir bien entendre le rapport ; il n'est pas bon que cette pétition continue à traîner sur le feuilleton. (Adhésion).
M. le président. - La parole est à M. Julliot.
M. Julliot, rapporteur. - Messieurs, par pétition sans date, la dame Reynaert, née de Leersnyder, résidant à Menin, expose que son mari Benoît Reynaert, âgé de 50 ans, a été condamné par la cour d'assises de Bruges, conjointement avec un nommé Dumortier, décédé en prison, à huit années de réclusion dans la maison de force de Gand, par arrêt daté du mois de juillet 1860, pour vol commis chez l'horloger De Kimpe, à Mouscron ;
Que, le 26 février 1861, ont comparu devant la même cour d'assises les nommés Pierre Demeyer et Joseph Vanhaverbeke, de Ledeghem, pour le vol qualifié ci-dessus ; que le premier a été condamné et le second acquitté ;
Que dans cette dernière affaire le sieur Goddeyn, actuellementen prison à Gand, a comparu comme témoin et a déclaré être coupable du vol commis chez De Kimpe, avec son frère détenu à Toulon et avec Pierre Demeyer sus-indiqué ;
Qu'il a déclaré que, pendant que son frère Charles Goddeyn et Demeyer fracturaient la porte de De Kimpe au moyen d'une barre de fer, il faisait le guet près la statue du Christ ;
Que, par conséquent, le mari de l'impétrante Benoît Reynaert est innocent du crime qui lui a été imputé et qu'il plaise à la Chambre d'intervenir pour que Reynaert soit libéré et réhabilité.
Messieurs, il est à remarquer, tout d'abord, que la division des pouvoirs est une des bases essentielles de notre édifice constitutionnel, que par conséquent le pouvoir législatif ni le pouvoir exécutif ne peuvent contrôler, en quoi que ce soit, les verdicts d'un corps judiciaire à quelque degré qu'il appartienne, pas plus que le pouvoir judiciaire ne peut s'occuper des matières dévolues au pouvoir législatif ou exécutif de l'administration.
Ceci posé, la Chambre belge, confiante à bon droit dans la justice de son pays, pourrait décliner toute responsabilité à cet égard.
Mais votre commission reconnaissant que les mots « erreur judiciaire » produisent toujours de l'émotion dans le public, qu'ils soient faussement appliqués ou non, et constatant que cette susceptibilité du peuple lui fait honneur et prouve sa moralité constitutionnelle, le rapporteur de la commission a cru utile de se rendre au ministère de la justice pour y prendre connaissance du dossier de ce procès, que M. le ministre a bien voulu lui communiquer.
Ce dossier lui a démontré :
1° Qu'il est vrai qu'après que Reynaert et Dumortier avaient été condamnés en 1860 pour le vol perpétré chez De Kimpe, Pierre Demeyer a été condamné le 26 février 1861 pour le même fait ; mais il est à remarquer que lors de la première instruction il a été constaté que ce vol avait été perpétré par trois personnes dont on n'a découvert que deux pendant la procédure, tandis que Demeyer, qui était resté à l'ombre pendant le premier procès, a été reconnu postérieurement comme le troisième coupable et condamné en conséquence ;
2° Que Goddeyn, témoin assigné à décharge dans le procès de Demeyer qui est venu se déclarer coupable de ce vol, se trouvait sous le coup d'une condamnation capitale et n'avait rien à perdre en se déclarant coupable de ce nouveau fait ;
Que d'ailleurs il prétendait avoir fait le guet près du Christ à Mouscron, alors que l’instruction du procès a démontré que Goddeyn avait passé la nuit du vol à Menin ;
3° Que Reynaert et Dumortier étaient des gens mal famés ; il s'est passé près d'une année entre le vol et la condamnation et dans le courant de cette année, Reynaert et Dumortier, qui étaient pauvres et misérables, se sont ostensiblement relevés ; l'un a loué un cabaret, s'y est installé avec aisance et affichant un bien-être qui fit circuler dans le public l'idée qu'il devait avoir détroussé quelque voyageur en route. Dumortier, de son côté, dépendait beaucoup et ne travaillait plu- ;
4° Que quand on a interrogé ces hommes qui s'accusaient eux-mêmes, sur la question de savoir quels étaient les objets qu'ils avaient emportés, ils ont divagué et renseigné divers objets qui n'avaient pas été volés du (page 988) tout, notamment ils ont déclaré avoir emporté deux chaînes de montre en or, alors que De Kimpe déclarait que le magasin où ils avaient fait leur exploit ne contenait aucune chaîne quelconque.
Messieurs, on peut donc inférer de toutes ces circonstances, sans crainte de se tromper, que ces hommes qui sont venus se déclarer les auteurs de ce vol alors qu'ils ne l'étaient pas, et qui déjà se trouvaient sous le coup d'autres accusations plus graves, ont cherché à dépister la justice pour des motifs à eux connus.
Le rapporteur pense que le Chambre reconnaîtra dans les éléments qui ont servi dans ce procès, comme la commission le reconnaît elle-même, que les véritables coupables ont été atteints et que la justice n'a pas fait fausse route.
Mais comme, d'une part, il est plus que probable que l'honorable ministre de la justice prendra la parole sur le rapport et que, d'autre part, votre commission des pétitions désire apaiser tous les scrupules lorsqu'il s'agit de la liberté d'un citoyen, c'est dans ces termes qu'elle propose le renvoi à M. le ministre de la justice avec demande d'explications.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je ne pourrais pas donner d'explications autres que celles que vous venez d'entendre. L'honorable M. Julliot a dit en droit et en fait tout ce que je pourrais dire : en droit, il n'appartient ni au pouvoir législatif ni au pouvoir exécutif de contrôler les décisions de l'autorité judiciaire ; des arrêts ont déclaré coupables les individus en faveur de qui on réclame. Je ne puis pas infirmer les arrêts de la justice.
- Un membre. - On pourrait faire grâce.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Pour qu'il y eût lieu de faire grâce, il faudrait que l'autorité judiciaire eût des doutes sur la culpabilité des condamnés. Or, il n'en est pas ainsi.
Les renseignements que vient de vous donner l'honorable M. Juillet doivent prouver à la Chambre qu'il n'y a pas dans cette affaire d'indice qui puisse faire supposer que l'individu qui a été condamné l'ait été injustement.
Il est vrai, comme l'a dit l'honorable M. Julliot, qu'une personne condamnée à mort, qui n'avait par conséquent plus rien à risquer, s'est déclarée l'auteur du vol ; mais il a été reconnu qu'elle ne pouvait l'avoir commis.
Dans ces circonstances, je demande que la Chambre passe à l'ordre du jour.
M. Julliot, rapporteur. - J'ai à faire connaître à la Chambre comment il se fait que la commission des pétitions ait demandé des explications à M. le ministre de la justice ; c'est que quand elle a décidé ce point elle n'avait pas les renseignements détaillés qui ont été fournis depuis. Je n'ai pas cru pouvoir prendre sur moi de venir ici modifier les conclusions de la commission qui sont distribuées depuis plusieurs jours, les égards qu'on se doit les uns les autres m'en faisaient le devoir.
Pour ma part, donc, j'adhère à la proposition de m. le ministre de la justice.
- L'ordre du jour est mis aux voix et adopté.
La séance est levée à 4 heures 1/4.