(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1862-1863
(page 619) (Présidence de M. Vervoort.)
M. Thienpont procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.
M. de Boe donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.
- La rédaction en est approuvée.
M. Thienpont présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.
« Les membres du conseil communal de Synghem demandent que le chemin de fer de Denderleeuw à Courtrai passe par Sotteghen, Nederzwalm-Hermelgem, Cruyshautcm pour se joindre, à Waereghem, à la ligne de l'Etat, de Gand à Courtrai.
M. Nélis. - Je demande le renvoi de cette pétition a la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la concession de chemins de fer.
- Adopté.
« Le conseil communal d'Hoves prie la Chambre d'autoriser la concession du chemin de fer de Hal à Ath et demande que cette ligne soit construite le long de la Senne pour aboutir au côté méridional d'Enghien, en passant par Hoves. »
- Même renvoi, sur la proposition de M. Nélis et M. Ansiau.
« Les administrations communales et des habitants de Rebecq Rognon et Quenast demandent la construction du chemin de fer de liai à Ath et son tracé par Quenast, en se rapprochait le plus possible de Rebecq. »
- Même renvoi, sur la proposition de M. Nélis et M. Ansiau.
« Des habitants de Wisbecq présentent des observations en faveur du chemin de fer de Hal à Ath. »
« Mêmes observations des conseils communaux d'Ittre et de Virginal. »
- Mêmes renvois, sur la proposition de M. Nélis et M. Ansiau.
« Le sieur Vandenbranden, président de la société littéraire : Taelzucht, à Malines, demande un subside pour établir un festival dramatique à l'occasion du 25ème jubilé qui doit être célébré dans cette ville au mois d'août prochain. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
M. de Theux. - Les Annales parlementaires contiennent une inexactitude en ce qui me concerne ; On a mis mon nom parmi les votants du budget de la justice, tandis que j'ai voté contre.
M. le président. - M. de Theux, votre observation qui sera insérée, dans les Annales parlementaires servira de rectification.
M. de Renesse. - Messieurs, j'ai l’honneur de déposer sur le bureau de la Chambre le rapport de la section centrale qui a été chargé d'examiner le projet de loi autorisant la vente de certains biens domaniaux.
- Impression, distribution et mise à la suite de l’ordre du jour.
M. Goblet. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale du budget des travaux publics sur les pétitions des riverains de la Senne.
M. Van Humbeeck. - Messieurs, le rapport que vient de déposer l'honorable M. Goblet a été fait par la section centrale du budget des travaux publies, afin que la discussion, pût avoir lieu en même temps que celle de ce budget. Je crois donc qu'au lieu de faire imprimer et distribuer le rapport, il conviendrait d'agir comme on agit pour les rapports ordinaires de pétitions, c'est-à-dire de donner lecture du rapport afin que la discussion puisse être jointe à celle du budget dont nous nous occupons en ce moment.
- La proposition de M. Van Humbeeck est adoptée.
En conséquence, la Chambre décide que M. Goblet donnera lecture du rapport, et que la discussion en sera jointe à celle du budget des travaux publics.
M. Goblet donne lecture du rapport.
M. Magherman. - Messieurs, si mes renseignements sont exacts, la société du chemin de fer d'Eecloo à Gand sollicite depuis longtemps un raccordement entre la station à Gand et la section du chemin de fer de l'Etat qui relie l'entrepôt de la ville de Gand à la station de l'Etat en cette ville.
L'établissement de ce raccordement serait d'une très grande utilité, en ce sens qu'il relierait le chemin de fer de l'arrondissement d'Eecloo de son isolement.
Il serait utile, non seulement à ce district, mais encore à toutes les localités qui sont desservies par les diverses lignes qui convergent à la station de Gand. C'est ainsi que les charbons du couchant de Mons pourraient arriver par chemin de fer sans transbordement jusqu'au cœur du district d'Eecloo ; et que tous les produits pondéreux du Hainaut, tels que chaux, pierres, etc., pourraient arriver également sur le même marché.
Il me paraît inutile d'insister sur les avantages qui résulteraient de ce raccordement. Je ne sais pour quels motifs l'exécution de ce travail a été entravée jusqu'à présent. On a parlé d'obstacles qu'avait opposés le département de la guerre ; je désirerais savoir si ces obstacles, s'ils existent, pourront être bientôt levés.
Puisque j'ai la parole, je demanderai aussi à M. le ministre des travaux publics s'il y a espoir de voir bientôt exécuter la ligne nouvelle de Gand à Terneuzen. Cette ligne serait d'une grande utilité non seulement pour Gand, mais pour toute la Flandre et pour une grande partie du Hainaut.
M. Beeckman. - La Chambre se rappelle sans doute qu'elle a voté, dans la session de 1860-1861, un projet de travaux d'utilité publique. Dans ce projet, le gouvernement avait compris un embranchement de chemin de fer à construire aux frais de l'Etat entre Aerschot et Diest. Le gouvernement s'engageait envers la société de l'Est, à laquelle a été concédé le chemin de fer de Louvain à Herenthals, à construire cet embranchement endéans les trois ans.
Immédiatement après la promulgation de la loi, les ingénieurs des ponts et chaussées se mirent à l'œuvre pour faire le tracé définitif ; et je suis obligé d'avouer que l'ingénieur en chef du Brabant et les ingénieurs qui sont sous ses ordres y mirent toute l'activité désirable.
Au commencement de 1862, le gouvernement avait commencé à acquérir quelques terrains et il avait passé des conventions provisoires avec quelques propriétaires. On était donc en droit d'espérer que les travaux allaient être bientôt entamés, lorsqu'on a appris que le gouvernement avait donné l'ordre de suspendre l'achat des terrains.
II est vrai que peu de temps après, le gouvernement présenta un nouveau projet de loi tendant à accorder à la société Bischoffsheim la concession d'un chemin de fer d'Anvers à Hasselt, ligne dans laquelle était compris l'embranchement entre Aerschot et Diest, et la société prenait l'engagement envers le gouvernement d'achever la ligne dans le délai de 3 ans qui avait été stipulé par le premier acte de concession de 1860. Voici, messieurs, ce que portait l'article 3 de l'acte de concession de 1862, en ce qui concerne la ligne d'Anvers à Hasselt.
« Art. 3. La section d'Aerschot à Diest que le gouvernement s'était engagé à construire par conventions intervenues le 7 août 1860, avec la société anonyme des chemins de fer de l'Est belge et M. J. Bischoffsheim, faisant partie de la ligne concédée par l'article premier, la Compagnie du Nord de la Belgique est substituée à tous les droits et à toutes les obligations résultant pour l'Etat desdites conventions, en ce qui concerne la construction de cette section, son exploitation et son entretien par ladite société de l'Est belge.
« Les travaux de cette section seront poursuivis avec la plus grande activité, et elle devra en tous cas être achevée au plus tard dans les délais fixés par la convention précitée du 7 août 1860. »
Vous voyez, messieurs, que la ligne d'Aerschot à Diest devait être poursuivie avec la plus grande activité. Le gouvernement tenait à ce que la société commençât à travailler immédiatement entre Aerschot et Diest. Cette convention date depuis plus d'un an ; et à l'heure qu'il est on n'a pas encore mis la main à l'œuvre, Vous comprenez combien grandes sont les inquiétudes du canton de Diest. Ces inquiétudes sont encore augmentées par la présentation du projet de loi que nous discutons en sections.
Dans ce projet nous voyons figurer un chemin de fer d'Anvers à Dusseldorf. Personne de nous n'ignore que cette ligne fera concurrence à celle d'Anvers à Hasselt ; je demanderai si la ligne projetée entre Anvers et Düsseldorf n'entraînera pas l'exécution de la ligne d'Anvers à Hasselt. (page 620) Je suis disposé à donner un vote approbatif à la ligne d'Anvers à Düsseldorf pour autant qu'elle n'entrave pas l'exécution de la ligne de Hasselt à Anvers.
Je demanderai à l'honorable ministre des travaux publics de vouloir bien me donner quelques explications à cet égard, et en même temps s'il ne serait pas possible de forcer la société concessionnaire pour qu'elle commence immédiatement les travaux entre Aerschot et Diest.
M. Kervyn de Volkaersbeke. - Depuis le commencement de cette session et à propos de la discussion des divers budgets, la Chambre s'est vivement préoccupée du sort des fonctionnaires de l'Etat.
Les traitements des employés de tous les départements ont été augmentés dans des proportions raisonnables ; quelques-uns même ont encore été majorés par la Chambre.
A son tour, l'honorable ministre des travaux publics vient proposer d'améliorer le sort des fonctionnaires sous ses ordres, et, dans la note préliminaire de son budget, il dit que : « son attention spéciale s'est portée sur les employés inférieurs. »
J'ai examiné si l'honorable ministre a fait pour les employés inférieurs tout ce qu'il avait le désir de faire, en un mot, si l'augmentation de traitements qu'il propose est aussi complète, aussi efficace, qu'il l’a espéré.
(erratum, page 641) Je constate d'abord que si j'ai un reproche à adresser à l'honorable ministre, ce reproche lui est également adressé par la section centrale, en ce qui concerne ces fonctionnaires qui, toute modeste que soit leur position, sont les chevilles ouvrières de l'administration, comme le dit le ministre dans sa note préliminaire, je veux parler des conducteurs des ponts et chaussées.
Leur traitement proposé par le gouvernement serait pour le conducteur principal de 5,200 francs, pour le conducteur de première classe de 2,600 à 2,800 francs, pour le conducteur de deuxième classe de 2,200 à 2,400 francs et pour le conducteur de troisième classe de 1,800 à 2,000 fr.
La section centrale a reconnu que cette majoration était insuffisante. Et il lui a paru équitable de demander à la législature de rendre moins pénible la position de ces fonctionnaires utiles et pratiques dont les appointements sont peu élevés et dont les chances d'avancement sont, d'un autre côté, tout à fait bornées ou plutôt à peu près nulles.
Telles sont les expressions de l'honorable rapporteur.
La section centrale, messieurs, propose de majorer le chiffre du gouvernement comme suit :
Les conducteurs principaux, 3,600 fr.
Les conducteurs de première classe, 3,000 à 2,800 fr.
Les conducteurs de deuxième classe, 2,600 à 2,400 fr.
Les conducteurs de troisième classe, 2,200 à 2,000 fr.
Cette augmentation proposée par la section centrale n'est nullement exagérée ; elle répond aux exigences du moment, et je suis convaincu que l'honorable ministre se ralliera à une proposition qui répond si bien aux sentiments bienveillants qu'ils a exprimés. Quant à moi, je déclare que je la voterai.
Puisque j'ai la parole, messieurs, j'en profiterai pour signaler à l'honorable ministre, dans un autre ordre d'idées, un fait qui concerne le barrage établi en ce moment sur la Lys à la hauteur de Deynze.
La section centrale a demandé à l'honorable chef du département des travaux publics s'il s'occupe des travaux d'amélioration de cette rivière pour lesquels des fonds ont été votés, et l'honorable ministre a répondu qu'en prenant des mesures pour la transformation du barrage de Deynze en une écluse de navigation, le gouvernement posait un acte qui ne peut manquer d'exercer une influence avantageuse sur l'activité de la navigation de la Lys.
Messieurs, je suis parfaitement de cet avis, mais je demanderai à l'honorable ministre s'il a pris aussi des mesures pour empêcher les eaux corrompues par le rouissage du lin d'arriver jusqu'à Gand, inconvénient qui me semble inévitable par suite du barrage établi dans la Lys pour la construction de l'écluse à sas près de Deynze. (Interruption.)
Cette écluse à sas est destinée à rendre une partie du canal de Schipdonck navigable ; mais pendant l'exécution de ce travail, il faudra nécessairement que les eaux de la Lys venant de Courtrai arrivent comme précédemment jusqu'à Gand.
Je demande à l'honorable ministre s'il a pris des précautions indispensables pour éviter à la ville de Gand un désagrément contre lequel on a si vivement réclamé à d'autres époques.
Un dernier mot encore, messieurs, et je termine. Lors de la discussion du budget des travaux publics de l'année dernière, j'ai eu l'honneur de rappeler à l'honorable chef du département des travaux publics que, depuis plusieurs années, des habitants d'Hansbeke et d'autres communes avaient demandé la construction d'un pont sur le canal. M. le ministre des travaux publics m'a répondu alors que ce pont, d'une utilité incontestable, serait construit, mais que les fonds nécessaires à l'exécution de ce travail ne pourraient être portés à ce budget (le budget de l'année dernière), parce qu'ils avaient reçu une autre destination, d'un caractère plus urgent.
Je m'étais flatté de voir figurer cette dépense au budget de 1863. Non seulement elle n'y figure pas, mais je remarque que l'honorable ministre semble douter si ce pont doit être construit, et voici sur quoi je me base.
La section centrale a demandé pourquoi le pont sur le canal de Gand à Bruges, à Hansbeke, ne se trouvait pas proposé par M. le ministre, et voici la réponse que la section centrale a reçue ; je fixe l'attention de la Chambre sur le dernier paragraphe :
« La nécessité de se préoccuper de la situation du trésor, a dit le ministre, explique, d'ailleurs, que le département des travaux publics a remis à une époque ultérieure l'examen de la question de savoir s'il y aura lieu de déférer au désir exprimé, quant à l'établissement d'un pont nouveau à Hansbeke, sur le canal de Gand à Bruges qui, il y a lieu de le remarquer, est une voie navigable de création très ancienne. »
D'après ce paragraphe, il paraîtrait que l'honorable ministre a changé d'avis et que si, l'année dernière, il a promis de porter la dépense nécessaire à la construction d'un pont à Hansbeke à l'un des budgets suivants, il n'a plus la même opinion aujourd'hui, et ne trouve plus que ce pont soit d'une utilité incontestable, comme il l'avait reconnu précédemment.
Je demanderai à l'honorable ministre s'il a l'intention de porter cette dépense à un prochain budget. Je dirai que dans l'intérêt même du trésor public il serait préférable de construire ce pont en même temps que d'autres travaux qui sont en voie d'exécution.
La construction du pont de Vinderhoute est adjugée, et certes l'utilité de ce pont n'est pas plus grande que celle d'un pont à établir à Hansbeke.
Pour ces travaux, il faut baisser les eaux du canal de 1 m 50 au moins. Il en résultera une interruption forcée dans la navigation et une dépense qu'il faudra renouveler.
Si le pont d'Hansbeke pouvait être construit en même temps que celui de Vinderhoute, on réaliserait ainsi une économie réelle, et la navigation ne serait pas entravée à deux reprises.
J'espère que l'honorable ministre voudra bien me donner une réponse aux diverses interpellations que j'ai eu l'honneur de lui adresser.
M. Vermeire. - En prenant part à la discussion générale du budget des travaux publics, je ne viens pas déverser un blâme immérité, selon moi, sur cette administration ni, d'autre part, lui donner des éloges sans réserve.
Ainsi que l'ont fait observer, dans la séance d'hier, plusieurs orateurs et surtout l'honorable M. Sabatier, l'industrie en général est, aujourd'hui, constituée de telle sorte que la concurrence ne porte plus sur les moyens de production, mais sur les frais de transport. S'il en est ainsi, messieurs, et je crois que tel est le cas, il importe de faciliter les transports sons le triple rapport de la rapidité, de la régularité et de l'économie.
Au gouvernement qui, dans un intérêt général, construit des travaux publics, qui exploite des chemins de fer et des voies navigables, au gouvernement incombe donc l'impérieux devoir de porter sur tout le territoire ces agents de la prospérité commune et de permettre à l'industrie et au commerce de se servir des voies de transport dans les conditions de l'égalité et de l'économie les plus parfaites.
Nul ne peut méconnaître que la prospérité des canaux comme des chemins de fer ne réside dans l'application de cette formule simple et vraie : que les péages doivent être calculés de telle sorte qu'ils attirent le plus grand trafic possible ; trafic dont le résultat financier doit être calculé, non sur le prix de cette unité qui est presque imperceptible, comparativement à la quantité, mais sur la totalité des transports.
Et, de même que le bon marché augmente la consommation, de même la modicité du prix de transport doit augmenter le trafic, et ainsi produire au trésor des résultats d'autant plus favorables que les transports se seront effectués dans de meilleures conditions.
Certes, il ne faut pas que les chemins de fer, comme les voies navigables, soient exploités au détriment du trésor. Mais il est nécessaire que, indépendamment de cet intérêt majeur une fois sauvegardé, le trafic s'y fasse de façon que l'agriculture, le commerce et l'industrie y trouvent un avantage réel.
Il faut encore que, si par des traités internationaux, nous avons accepté la lutte avec l'étranger, nous ne venions point, par notre propre fait, par les péages excessifs à l’intérieur, rendre notre position tellement mauvaise, que cette lutte deviendrait impossible. Or, cette possibilité n'existera que du jour auquel les péages auront (page 621) été réduits au taux qui couvrira le loyer des capitaux qui y ont été affectés ; au jour auquel vous aurez considérablement réduit et les péages et les transports, au jour auquel vous aurez facilité et rendu plus simples, plus rationnels, vos prix et vos conditions de transport.
Et une preuve manifeste que les tarifs élevés n'améliorent pas la situation financière des chemins de fer et des canaux, c'est que, avec des péages excessifs, les résultats financiers étaient moins favorables.
Ainsi, pour le chemin de fer, les comptes annuels depuis le 1er mai 1834 jusqu'au 31 décembre 1851, se sont soldés par des déficits dont l'accumulation avait conduit à un découvert total de 31,600,000 francs, sans compter une dette de 58,400,000 francs qui avait été contractée envers le trésor public.
A partir de 1852, les deux chiffres ont été réduits d'année en année.
En 1861, la dette contractée envers le trésor n'était plus que de 41,400,000 francs. Diminution, 17,000,000 de francs.
Et quant au chiffre de 31,600,000 francs, il avait été réduit, au 31 décembre 1860, à 2,309,000 francs. Diminution, 29,291,000 francs.
En d'autres termes, que la dette totale du chemin de fer qui était, en 1852, de 90,000,000 fr. n'était plus, au 31 décembre 1860, que de 43,709,000 fr. Différence en moins : 46,291,000 fr.
Si cette amélioration continue dans l'avenir, cette dette sera éteinte, complètement, dans 6 à 7 ans. En effet, le compte de 1861 au lieu de balancer par un solde débiteur de fr. 2,309,000, présente, déjà, un excédant de recette de fr. 5,891,000.
Maintenant, si on compare la recette à la dépense, on constate que les dépenses en 1861 n'ont absorbé que 45 1/2 p. c. de la recette, tandis que, il y a à peine quelques années, c'était l'inverse qui s'était produit, c'est-à-dire que la dépense était de 55 à 60 p. c. de la recette.
Double avantage qui n'est dû, selon moi, qu'à la perfection de l'outillage et à la régularité du service qui, on doit le reconnaître, a fait des progrès sensibles.
Cet avantage est encore le résultat d'une première réduction des prix de transport ; car, dans le principe, les prix du transport étaient bien plus élevés, presque doubles même, de ce qu'ils sont aujourd'hui et les résultats définitifs, au lieu de présenter des bonis, ne faisaient qu'aggraver la situation et creuser des déficits que l'on disait être compromettants pour le trésor.
Si, donc, une première réduction a donné des résultats aussi avantageux, nul doute qu'une simplification des tarifs et une réduction nouvelle n'amènent des résultats semblables, puisque l'on peut, en perfectionnant l'outillage d'exploitation, en augmentant le trafic, faire rapporter des sommes plus considérables et rendre moins coûteux les capitaux de premier établissement.
Ainsi, en ce qui concerne le tarif du transport des marchandises, on pourrait mettre une partie des frais accessoires à charge de la marchandise et abandonner l'autre. On pourrait réduire les frais de transport des matières pondéreuses, dans des conditions déterminées, égales et pour tous et pour toutes les directions et non favoriser une localité au détriment d'autres localités, comme cela a déjà eu lieu.
Enfin, il me semble que, dans cette vaste administration, l'expérience doit avoir déjà indiqué des moyens qui en assureraient l'amélioration sous le double point de vue du trésor et du service à rendre au public.
Parmi ces améliorations, il en est une que l'expérience indique comme étant indispensable, c'est le retour au tarif de 1848 pour le transport des marchandises dont le poids est inférieur à 500 kilos.
Il en résulterait que, pour le transport à une certaine distance, on paye autant pour 300 kil. que pour 500 kil.
De pareils tarifs favorisent le groupement des marchandises et font passer dans les mains de tiers, des bénéfices que le gouvernement pourrait recueillir.
Messieurs, ce que je viens de dire par rapport au chemin de fer devient d'une application immédiate aux canaux.
Ainsi pour que les charbons du Centre et de Charleroi pussent arriver, à bon marché, sur les marchés des Flandres, il est indispensable, selon moi, que le péage soit diminué et que ce canal soit élargi ; que les écluses soient construites sur des dimensions suffisantes à pouvoir livrer passage à des bateaux de 200 à 250 tonnes. Les temps ne sont plus, messieurs, ou l'on doive s'abstenir de faire des améliorations aux voies de transport dans la crainte de nuire à un bassin houiller au profit de l'autre.
La pondération ou l'équilibre que l'on a voulu maintenir autrefois est un obstacle au progrès et nuit autant au producteur qu'au consommateur. D'autre part la justice, l'équité ne commandent-elles point que chacun puisse jouir de sa position naturelle ; et ne serait-il pas bien coupable, celui qui, par des moyens artificiels, viendrait empêcher le propriétaire de tirer de sa propriété tout le profit que celle-ci peut rapporter ?
Maintenant, messieurs, le canal de Charleroi, ne doit-il pas être considéré comme devant servir à unir l'Escaut à la Sambre, par le canal de Willebroeck ? Et, si on le considère sous ce rapport, le canal de Charleroi ne doit-il pas avoir les mêmes dimensions que son corollaire, dont il ne doit être que le prolongement ?
Ce que je dis, messieurs, par rapport au canal de Charleroi s'applique également à d'autres voies navigables. Ainsi, je serais heureux de voir construire, dans le plus bref délai, le canal de Jemmapes à Alost. Et, si ce travail qui, certes, revêt des proportions assez gigantesques, ne peut s'exécuter assez promptement, je voudrais que l'on mît en exécution la dérivation de l'Escaut, de Zwynaerde à Melle, dérivation qui, on ne peut le contester, améliorerait dans une forte mesure les usines du bas Escaut pour leurs approvisionnements de charbon.
Les inconvénients qu'on avait signalés autrefois, concernant les écoulements des eaux, n'existent plus aujourd'hui ; d'autres voies d'écoulements, comme le canal de Schipdonck, parent, d'une manière suffisante, aux désastres qu'on avait redoutés.
Dans la séance d'hier, l'honorable M. Hymans a réclamé du gouvernement la création d'une station à Sempst ; parce que, disait-il, les communes avoisinantes très importantes sont éloignées du chemin de fer et que, par l'établissement de cette station, on pourrait également obtenir quelques produits. Ce que l'honorable M. Hymans a réclamé pour la station de Sempst, je viens le réclamer pour une station à établir à Grimberghen. Entre Termonde et Saint-Nicolas se trouvent des communes très importantes, très industrielles ; ces communes sont forcées de conduire leurs marchandises à la station de Termonde ou à la station de Zèle, distantes l'une et l'autre de 2 lieues du point de départ. En établissant une station à Grimberghen, on améliorerait considérablement les transports qui doivent être faits de Hamme, de Waesmunster, de Moerzeke, de Grembergen et d'autres endroits ; et cette station ne paraît pas être de nature à pouvoir entraver le transport des marchandises, ni rendre plus mauvaise la situation d'autres stations. En appelant l'attention particulière de M. le ministre des travaux publics sur cet objet spécial, je termine par les considérations générales suivantes :
D'après moi, messieurs, ce serait une erreur de croire que les dépenses faites pour l'exécution de travaux publics appauvrissent le pays ; c'est le contraire qui arrive et l'exemple du chemin de fer de l'Etat, que je viens de citer, prouve, une fois de plus, que si, dans le principe, ces travaux ne rapportent pas ce qu'on aurait pu désirer, un bel avenir leur est réservé.
Ainsi, le chemin de fer qui, comme je l'ai dit tantôt, était considéré comme la ruine des finances de l'Etat, devient aujourd'hui une de ses principales ressources ; et cette ressource augmentera encore à mesure qu'il approchera du chiffre qui amène au chemin de fer le plus de transports et qu'en même temps les dépenses d'exploitation seront réduites dans la mesure du possible.
J'engagerai donc le gouvernement à faire tout ce que ses finances lui permettront de faire pour que les grands travaux publics, tels que creusements de canaux et construction de chemins de fer, puissent se développer dans le plus bref délai et sur la plus large échelle possible,
M. Van Humbeeck. - Messieurs, comme on vient de le rappeler, un de mes honorables collègues de la députation de Bruxelles a, dans la séance d'hier, recommandé à M. le ministre des travaux publics d'examiner s'il ne conviendrait pas de rétablir à Sempst l'arrêt qui y existait autrefois. Comme cet honorable collègue, je viens signaler ce point à l’attention de M. le ministre des travaux publics.
Hier, on a dit avec raison, en faveur du rétablissement de cet arrêt, que la ligne de Malines à Bruxelles est la seule où, sur un parcours de près de 5 lieues, il ne se trouve qu'une seule station intermédiaire.
On a cité comme point de comparaison la ligne de Malines à Termonde, la ligne de Malines à Anvers, la ligne de Malines à Louvain.
L'argument est juste ; il devient plus fort si l'on étend la comparaison à d'autres lignes partant de Bruxelles. C'est ainsi que de Bruxelles à Hal, sur un parcours de 14 kilom,, nous trouvons trois stations intermédiaires. C'est ainsi encore que sur la ligne de Luxembourg, de Bruxelles à Ottignies, pour un parcours de 21 kilom., nous trouvons quatre stations intermédiaires.
L'argument de mon honorable collègue de la députation de Bruxelles est donc incontestablement fondé. J'ajoute que le rétablissement de l'arrêt de Sempst, dans les conditions nouvelles et avantageuses où il pourrait avoir lieu aujourd’hui, desservirait les intérêts d'une population (page 622) d'environ 10,000 âmes et que par conséquent le point signalé par nous est digne de toute l’attention de M. le ministre des travaux publics.
Messieurs, la situation que je signale comme existante sur les lignes du Midi et du Luxembourg, ne se présente pas plus sur la ligne directe de Bruxelles à Gand que sur la ligne de Bruxelles à Malines. Sur une distance de 17 kilomètres, nous ne trouvons de Bruxelles à Ternath qu'un seul arrêt. Cet arrêt est établi à Jette, c'est-à-dire aux portes de Bruxelles et pour ainsi dire un faubourg de la capitale.
On a quelquefois demandé la création, sur cette partie de la ligne directe de Bruxelles à Gand, d'un nouvel arrêt qui serait établi à la hauteur de Grand-Bigard. Cette commune forme le centre d'une population agricole exerçant un trafic assez étendu, puisque c'est le pays de la production du houblon.
Autour de la commune de Grand-Bigard, on trouve les communes de Bodeghem, de Bekkerzeel, de Zellick et de Cappelle-Saint-Ulric ; les intérêts de la population de ces diverses communes auraient beaucoup à gagner à l'établissement d'une pareille station. Je prie encore M le ministre des travaux publics de vouloir bien faire de ce point l'objet d'une étude.
Messieurs, on a parlé hier de la nécessité de racheter la concession de péage établi sur la route qui conduit de la place de la Reine au pont de Laeken. Quand cette réclamation s'est produite, un honorable membre a interrompu l'orateur, pour dire que si on accueillait la réclamation il faudrait racheter toutes les concessions semblables établies dans le royaume.
L'objection avait déjà été présentée l'année dernière, lorsque le rachat de cette concession de péage a été discuté une première fois dans cette enceinte.
Mais alors l'intention de la Chambre paraissait être d'engager M. le ministre des travaux publics à provoquer une entente entre l'Etat et les communes intéressées ; ce sont les communes de Laeken, Schaerbeek, Saint-Josse-ten-Noode et enfin la ville de Bruxelles. Au moyen d'une entente avec les communes intéressées, qui auraient à contribuer au rachat, le concours pécuniaire du gouvernement serait sensiblement diminué. Que ce concours doive ici s'exercer dans une certaine mesure, dans une mesure même assez importante, c'est ce que personne ne peut contester. Tout ce qu'on doit éviter, c'est que le gouvernement ait seul la charge de cette opération. Il faut le concours de l'Etat ; il faut aussi celui des communes intéressées.
Pour faire intervenir l'Etat dans le rachat de cette concession de péages, il y a des raisons spéciales.
La route dont il s'agit relie deux résidences royales ; elle forme la principale voie donnant accès vers un monument national, que nous élevons à grands frais, dont nous voulons faire presque le but d'une sorte de pèlerinage patriotique ; et dont nous devons dès lors vouloir que l'accès soit facilité le plus possible. Je veux parler de la nouvelle église de Laeken.
Si M. le ministre des travaux publics croyait pouvoir arriver à une entente avec les communes intéressées pour le rachat de cette concession de péages, peut-être comme condition de cet arrangement pourrait-il demander à la ville de Bruxelles de faire paver le chemin de halage, parallèle à l'Allée-Verte et d'en faire une voie de circulation accessible et praticable par tous les temps. Si ce chemin était constamment praticable, ce serait un nouvel accès vers la commune de Laeken et vers le monument dont j'ai déjà parlé.
Dans ma pensée le pavage de ce chemin de fer serait une obligation à imposer à la commune de Bruxelles comme condition du concours du gouvernement dans le rachat de la concession des péages de la rue des Palais. Il ne s'agirait pas d'une intervention pécuniaire de l'Etat dans ce travail.
Messieurs, je ne me permettrai pas d'ajouter de nouvelles observations en faveur d'une réduction de péages sur le canal de Charleroi aux considérations si justes et si complètes que l'honorable M, Sabatier a fait valoir dans la séance d'hier.
Je me borne à exprimer l'espoir que M. le ministre des travaux publics pourra donner une réponse favorable aux réclamations émises par cet honorable collègue.
Mais, en parlant du canal de Charleroi, je ne puis m'empêcher de signaler à l'attention de M. le ministre des travaux publics un autre projet qui se rapporte à cette voie navigable. Ce projet doit lui avoir été soumis déjà ou lui sera soumis bientôt.
J'ignore quelle est la situation exacte de cette affaire. Le projet, dont je parle, consiste à établir une bifurcation du canal de Charleroi, à peu près à la hauteur du pont existant à Anderlecht sur la route de Mons.
Cette bifurcation se dirigerait vers la nouvelle station du Midi, à côté de laquelle on créerait un bassin et des entrepôts.
Si mes renseignements sont exacts, on proposerait au gouvernement d'exécuter lui-même ce travail ; mais à défaut par lui de s'en charger, une société se présenterait pour l'entreprendre.
Si le projet se produit dans des conditions acceptables, il me paraît devoir mériter d'attirer toute l'attention de M. le ministre des travaux publics.
Messieurs, j'appuie les considérations qui ont été émises par mon honorable ami, M. Goblet, dans l'excellent rapport qu'il nous a lu au commencement de cette séance, relativement à l'amélioration du régime des eaux de la Senne.
Je crois que l'intervention du gouvernement en cette matière est d'autant plus nécessaire, si l'on veut arriver à une solution, que des administrations publiques diverses sont intéressées à la question, qu'elles doivent donner leur concours simultané et que les obstacles résultant de divergences de vues entre ces administrations ne pourront être aplanis que par l'influence de l'administration centrale.
La ville de Bruxelles, la province de Brabant et dans une certaine proportion la province d'Anvers sont intéressées â ce qu'on améliore le lit de la Senne. Cette entreprise ne peut être menée à bonne fin qu'en faisant disparaître certains dissentiments qui existent sur les mesures à prendre dans ce but. De plus, comme l'a démontré l'honorable M. Goblet, la question a un caractère d'intérêt général, qui explique l'intervention du gouvernement sollicitée par les 4 pétitionnaires.
Je terminerai en demandant à M. le ministre des travaux publics une explication sur le tracé qui paraît avoir été adopté pour le chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain.
En effet, toutes les espérances qu'on avait fondées sur la construction de cette route directe ne paraissent pas devoir se réaliser. La nouvelle voie se confondra avec le chemin de fer actuel de l'État jusqu'à une certaine distance de Bruxelles et reviendra se confondre avec lui à une certaine distance en deçà de Louvain. Il en résulte un détour considérable. Est-il justifié ? J'aime à le croire. Mais il y a quelques plaintes à cet égard, il ne sera donc pas inutile que M. le ministre des travaux publics donne sur l'adoption de ce tracé un mot d'explication.
M. de Theux. - J'ai souvent signalé à la Chambre et au gouvernement la grande utilité qu'il y aurait à compléter la ligne d'Aix-la-Chapelle à Hasselt par la ligne de Hasselt à Anvers. Pendant assez longtemps on m'a opposé des objections au point de vue du trésor. Heureusement, on est parvenu à lever toutes ces difficultés, la ligne d'Anvers à Hasselt est maintenant décrétée et concédée.
Il est une chose cependant sur laquelle je dois appeler l'attention de M. le ministre des travaux publics ; je désirerais un peu plus de promptitude dans la marche des travaux. Les travaux de la ligne de Louvain à Aerschot sont terminés ; mais il n'en est pas de même des travaux d'Aerschot à Anvers, ni de ceux d'Aerschot à Diest et à Hasselt ; sur ces lignes rien n'est commencé. Je recommande donc cette affaire à la sollicitude du gouvernement.
M. de Boe. - D'ici à peu de temps la vieille enceinte d'Anvers tombera. Les fossés qui se trouvent autour de cette enceinte seront ou comblés ou affectés partiellement à l'usage du commerce.
Je crois savoir que la ville d’Anvers se propose de faire un bassin des fossés qui se trouvent en avant de la partie de l'enceinte qui regarde le Nord, Pour relier ces fossés ou plutôt ce nouveau bassin à l'Escaut, il faudrait construire une écluse nouvelle. Je prierai le gouvernement d'examiner cette affaire avec bienveillance. J'ajouterai, du reste, que la construction de cette écluse ne coûterait pas une somme bien considérable.
Je viens aussi appuyer les réclamations qu'à présentées hier l'honorable M. de Gottal, et qui ont été à diverses reprises soulevées dans cette enceinte et signaler notamment la nécessité de mettre promptement la main à la construction du canal de Saint-Job in 't Goor. Il y a bien longtemps déjà qu'il a été question ici de cette affaire. C'est en 1858 que j'eus l'honneur de la signaler pour la première fois à l'attention du gouvernement. On me fit alors de nombreuses objectons : on m'opposa notamment les difficultés diplomatiques que la Hollande ne manquerait pas, disait-on de soulever au sujet des prises d'eau à la Meuse.
Ces difficultés ont été aplanies et la législature a voté, il y a deux ans, un crédit d'un million pour la construction du canal de Saint-Job. Cependant, jusqu'à ce jour, on n'a pas encore mis la main à l'œuvre, bien qu'il y ait urgence à commencer les travaux. Je prie donc M. le ministre des travaux publics de vouloir bien agir en conséquence.
M. Dolez. - La prospérité toujours croissante du chemin de fer (page 623) de l'Etat me semble rendre le moment très opportun pour rappeler à M. le ministre des travaux publics une amélioration qui avait été indiquée il y a quinze ans déjà, et qui n'a pas été réalisée jusqu'à présent. Je veux parler de la suppression du tunnel de Braine-le-Comte.
Il y a quinze ans, messieurs, des doutes, des inquiétudes très graves, s'étaient manifestés sur la solidité de ce tunnel.
Je dois reconnaître que, jusqu'à présent, le tunnel a fait bonne contenance et n'a pas justifié les inquiétudes que les hommes de l'art eux-mêmes avaient exprimées sous ce rapport.
Je ne sais si sa bonne conduite passée est une garantie suffisante de sa bonne conduite dans l'avenir ; je laisse à de plus experts que moi le soin de répondre à cette question.
Mais un inconvénient très grave résulte de l'existence de ce tunnel, c'est qu'il ne se trouve qu'une seule voie sur un pont important de la ligne du Midi ; et que, dès lors, le moindre accident y arrivant, le service de toutes nos communications entre la capitale et l'intérieur du pays et la France, se trouve radicalement interrompu.
Et ce que je vous dis en ce moment, messieurs, n'est pas une hypothèse arbitraire. J'ai été moi-même une des victimes d'une pareille situation. Il y a un an et demi, la veille de la Toussaint, je me trouvais dans un tram de Bruxelles pour Mons et Charleroi ; un déraillement avait eu lieu à l’autre extrémité du tunnel ; durant une couple d'heures nous dûmes rester en place et pendant tout ce temps le service de toutes les lignes du Midi vers Bruxelles s'est trouvé interrompu.
Je crois inutile, messieurs, d'insister sur les graves inconvénients qui peuvent résulter d'une pareille situation et sur la nécessité d'y parer par des mesures efficaces. Je pense donc que M. le ministre des travaux publics, à la sollicitude de qui je me plais à rendre hommage, reconnaîtra qu'il y a là un objet digne de toute son attention.
Les dépenses que la suppression du tunnel occasionnerait ne seraient certainement pas énormes ; et, d’ailleurs, les avantages qui en résulteraient pour la sécurité des voyageurs, pour la rapidité des communications compenseraient largement les sacrifices que l'Etat aurait à supporter. J'espère donc que M. le ministre des travaux publics fera droit au vœu dès longtemps manifesté pour la suppression de ce tunnel qui était inutile déjà lors de sa construction et qui n'a plus aucune raison d'être en présence des progrès accomplis sous le rapport de la puissance des locomotives.
Que la Chambre me permette maintenant de lui dire un mot d'un autre intérêt dont nos honorables collègues de Charleroi l'ont entretenue hier.
Je n'entends pas, messieurs, traiter aujourd'hui les questions qui se rattachent à cet intérêt. Nos honorables collègues de Charleroi sont dans leur rôle, dans leur mission quand ils viennent périodiquement vous demander la réduction des péages du canal de Charleroi.
J'avoue qu'en principe je suis partisan aussi des péages peu élevés, et, partant, je ne puis pas trouver mauvais que nos honorables collègues de Charleroi montrent, sous ce rapport, une si grande sollicitude. Mais, tout en me bornant à des réserves, puisque, quant à présent, aucune proposition n'est formulée, je dois rappeler à la Chambre, au gouvernement et à nos honorables collègues de Charleroi eux-mêmes que, quand ceux-ci établissent une comparaison entre les péages du canal de Charleroi et les péages que supporte l'industrie du Borinage, ils oublient des faits dont il importe de tenir compte.
Les péages de nos canaux, à nous Montois, messieurs, sont dans une situation toute particulière : ils ont été réduits à ce qu'ils sont aujourd'hui par la législature à titre de compensation de travaux que nous demandions et qu'on n'a pas exécutés.
Si vous voulez relire la discussion de la loi de 1851, vous trouverez que c'est parce que l'industrie montoise était complétement oubliée dans cette grande loi de travaux publics qu'on a fixé nos péages tels qu'ils existent encore aujourd'hui. Vous comprenez dès lors, messieurs, que ce serait nous reprendre d'une main ce qu'on nous a accordé de l'autre que de dire que ces péages que nous avons obtenus au titre que je viens de rappeler, doivent servir de type pour régler ceux de voies navigables intéressant d'autres localités qui obtenaient, par la loi de 1851, l'avantage de travaux qu'elles avaient réclamés.
M. Sabatier. - Je demande la parole.
M. Dolez. - Je répète, messieurs, que je ne fais cette observation qu'à titre de réserve. Mais je la compléterai par une autre remarque sur laquelle j'appelle l'attention de M. le ministre des travaux publics en même temps que celle de mes honorables collègues de Charleroi.
La Chambre a le droit d'être fatiguée de toutes ces questions de concurrence entre les bassins charbonniers de la province de Hainaut.
Eh bien, je voudrais qu'une bonne fois on arrivât aux moyens de faire disparaître toutes ces questions de rivalité, et: je voudrais qu'on y parvînt par la réailsation d'une grande idée ; celle de l'unité de notre navigation intérieure.
Le gouvernement a concédé, il y a quelque temps, à une compagnie le canal de Blaton à Ath. Ce canal, messieurs, n'était pas tout à fait ce que l'industrie montoise désirait ; cette industrie préférait le canal de Jemmapes à Ath ; il n'est pas moins vrai cependant que le canal de Blaton à Ath sera une chose éminemment utile, éminemment profitable à l'industrie montoise qui, elle-même, l'avait longtemps demandé ; et, pour mon compte, je n'hésite pas à remercier M. le ministre des travaux publics d'en avoir décidé l'exécution. Mais je le prie de tenir énergiquement la main à la prompte réalisation de ce travail. Il reconnaîtra, j'en suis convaincu, que si ce canal n'était pas exécuté dans les conditions où il a été concédé, l'industrie du Borinage aurait le droit d'élever de légitimes réclamations pour obtenir la construction du canal de Jemmapes à Alost.
Si donc ce canal était fait, nous aurions une navigation directe et non interrompue entre le Borinage et le bas Escaut.
Celte première amélioration étant accomplie, que resterait-il à faire pour établir l'unité de notre navigation intérieure ?
Réunir le canal de Charleroi à la navigation montoise. Les embranchements du canal de Charleroi sont une sorte de bras tendu vers la réalisation de cette idée ; qu'on les relie par un embranchement nouveau au bassin de Mons, et l'on aura une navigation libre et non interrompue de Charleroi à Mons et de Mons à Charleroi en même temps que vers Bruxelles.
La concurrence la plus large sera ouverte aux productions de nos divers bassins charbonniers et les consommateurs profiteront de cette concurrence.
Je me permettrai de soumettre à M. le ministre cette idée que je me borne à énoncer. Je sais que les idées utiles germent facilement dans son esprit, j'espère que celle-là aura le sort de beaucoup d'autres.
M. Sabatier. - Je n'ai que quelques mots à répondre à mon honorable ami M. Dolez.
Je désire ne pas donner au gouvernement la satisfaction de voir deux députés représentant des intérêts concurrents se reprocher mutuellement les avantages dont jouissent leurs arrondissements. (Interruption.)
Permettez ! Le gouvernement ne verrait peut-être pas avec déplaisir, qu'à côté de membres de cette Chambre qui parlent en faveur d'une thèse qu'il n'est pas disposé à admettre, il y ait des collègues qui y sont opposés d'une manière formelle.
L'honorable M. Dolez dit que les députés de Charleroi, sont dans leur rôle quand ils demandent l’abaissement du péage du canal de Charleroi ; je lui renverrai le compliment en disant qu'il est dans son rôle de député de Mons quand il fait les observations qu'il vient de présenter.
Mon honorable collègue se déclare partisan de la liberté de concurrence ; il ne conteste pas le mérite de ce principe économique, c'est à ce point de vue qu'il soumet l'idée de prolonger les embranchements du canal de Charleroi jusqu'à Mons. Quant à moi je désirerais vivement que ce travail pût être fait, mais ce n'est pas de sitôt qu'on pourrait l'exécuter.
En ce qui concerne la position faite actuellement au bassin de Mons relativement à celui de Charleroi vis-à-vis des différents marchés à desservir, je n'ai qu'une question à poser à l’honorable M. Dolez : je lui demanderai dans quelle direction, soit en Belgique, soit à l'étranger, le bassin de Mons ne jouit pas de faveurs exceptionnelles ? Cette question regarde un peu les honorables députés de Gand.
Ainsi, le fret de Mons à Gand est de 2 fr. à 2,25 moins cher que de Charleroi à Gand. Cependant, la différence de distance de Charleroi à Gand et de Mons à Gand n'est pas grande. (Interruption.)
Elle est de 9 lieues. Je constate le fait, je ne parle pas des péages, je ne fais pas de comparaison sous ce rapport, mais je constate que le prix de transport de Mons vers Gand est beaucoup moins élevé que celui de Charleroi vers Gand.
Il en résulte pour le bassin de Mons une position dont je le félicite, mais qu'on trouve au moins rationnel que le bassin de Charleroi fasse, à cet égard des observations qui n'ont d'autre but que de permettre une plus grande liberté de concurrence. Nous ne demandons pas de privilège, nous demandons simplement un principe d'égalité. Quant au marché français, il a été constaté que pour la situation de Paris, par exemple, le rachat des canaux partant de Mons a amené entre les péages de Mons et de Charleroi une différence de 2 fr. 54 c. par tonne, ce qui est énorme.
Je suis d'accord sur ce chiffre avec l'honorable ministre des travaux publics ; quoi qu'il en soit, des réclamations très vives ont été adressées (page 624) à notre gouvernement pour que des négociations soient sérieusement ouvertes en vue d'arriver au rachat, par le gouvernement français, des canaux partant de Charleroi. Ces réclamations doivent être d'autant mieux accueillies, que depuis quelques années l'écart des péages dont il parle n'a fait que grandir. Ainsi, en 1840, il était de fr. 1 06, par des circonstances ou des faits inutiles à développer en ce moment, cet écart a été porté successivement à fr. 1.21 en 1849, et à fr. 1.46 en 1860. Aujourd'hui, je le répète, il est de fr. 2.54 par tonne.
Je ne puis m'empêcher de trouver tout cela fort heureux pour nous, mais l'honorable membre me permettra de faire remarquer que quand il prend la parole pour faire certaines réserves à l'endroit de nos observations, ce n'est pas dans son droit, car tout ce que nous demandons, c'est d'entrer en partage des avantages dont jouit l'arrondissement qu'il représente.
M. Bara. - J'ai une question à adresser à M. le ministre des travaux publics relativement à la station de Tournai. Le déplacement de cette station est décidé, je pense, en principe. Je prierai M. le ministre de vouloir bien nous dire si le nouvel emplacement a été choisi. S'il ne l'est pas encore, je demanderai qu'on ne l'éloigné pas trop de l'endroit où se trouve la station actuelle.
Je prierai en même temps M. le ministre de vouloir bien faire examiner s'il n'y aurait pas moyen de rectifier la ligne entra Ath et Tournai, à partir de la station de Barry. Pour arriver à Tournai le chemin de fer fait un circuit qui constitue un détour assez considérable ; le déplacement de la station permettrait peut-être d'apporter un remède à cet inconvénient. Je prie M. le ministre des travaux publics de vouloir bien examiner ce point.
M. Dolez. - Je viens répondre en deux mots à mon honorable ami, le député de Charleroi. Il a rappelé que le fret est moins élevé de Mons à Gand que de Charleroi à Gand ; c'est tout naturel ; Mons est plus près de Gand que Charleroi, il est naturel que les transports coûtent moins d'un côté que de l'autre.
L'honorable membre disait hier que ce qu'il voulait, c'était que chacun pût jouir des avantages que sa position lui donne.
Puisque Mons est dans une position plus avantageuse pour arriver à Gand que Charleroi, il est naturel que Mons en profite.
Une seconde raison explique l'existence d'un fret moins élevé de Mons à Gand, c'est que les transports se font sur l'Escaut en descendant le cours du fleuve, ce qui tout naturellement est moins coûteux que les transports par une navigation artificielle comme celle du canal de Charleroi. Enfin les péages de Mons à Gand ont été réduits en compensation de travaux publics qu'on accordait à d'autres.
Je crois avoir victorieusement expliqué, comme étant une situation toute naturelle, ce qui paraissait un privilège à l'honorable M. Sabatier. J'ajouterai que les conditions de Charleroi sont tellement bonnes vis-à-vis de Gand, que ses transports dans cette direction sont très importants.
Autrefois Charleroi ne transportait pas de houilles à Gand ; aujourd'hui ce bassin en transporte une très grande quantité, et cela parce que les voies de navigation qui lui sont ouvertes lui permettent d'y arriver dans des conditions favorables.
M. Ch. Lebeau. - Les charbons de Charleroi se vendent moins cher que ceux de Mons.
M. Dolez. - Si vous prétendez que vous arrivez à des conditions meilleures comme producteurs ) et je vous en félicite - ne demandez donc pas que le gouvernement vienne encore, aux dépens du trésor, augmenter ces conditions meilleures pour vous faire une position privilégiée sur un marché que les réductions successives des péages du canal de Charleroi vous ont permis de conquérir, bien que vous en soyez de neuf lieues plus éloignés que nous.
On vous signalait hier, messieurs, l'activité toujours croissante du canal de Charleroi. Mais cette activité est une preuve des conquêtes que fait l'industrie de cette ville sur nos marchés intérieurs, car le bassin de Charleroi et celui du Centre fournissent seuls des transports à ce canal.
Deux mots maintenant pour ce qui concerne la direction de Paris. Notre honorable collègue M. Sabatier vous signale la différence entre le fret de Mons à Paris et le fret de Charleroi à Paris.
Il sait très bien que cette différence est le fait d'un gouvernement étranger.
Il sait très bien que ce n'est pas au gouvernement belge qu'il doit en demander compte.
M. Sabatier. - Cela n'en est pas moins exact.
M. Dolez. - Je ne discute pas les chiffres que vous venez de donner. Je ne puis les accepter ni les contredire, mais en les acceptant comme exacts par hypothèse, je dis que le gouvernement n'a rien à y voir.
Que le gouvernement belge négocie avec la France pour l'engager à réduire les péages, le rachat des eaux qui vous intéressent, j'y applaudirai si le gouvernement trouve convenable de le faire, mais je ne crois pas qu'il soit possible de rendre le gouvernement responsable de ce qui se fait par des gouvernements étrangers. Je ne crois donc pas que votre comparaison de la situation de Charleroi et de Mons, à l'égard du marché de Paris, intéresse la Chambre belge. Cela nous est étranger et le gouvernement belge doit y rester étranger.
Toutes les fois que nos collègues de Charleroi auront la prétention d'amener le gouvernement à combler cette différence par des mesures d'exception, je les combattrai énergiquement en leur disant qu'ils demandent des privilèges et je n'en veux pas plus que la Chambre elle-même n'en voudra.
M. Tack. - Il y a un instant, l'honorable M. Kervyn de Volkaersbeke interpellait M. le ministre des travaux publics et lui demandait s'il avait pris des mesures pour épargner à la ville de Gand les inconvénients provenant de l'infection des eaux de la Lys par suite du rouissage du lin qui se pratique chaque année dans cette rivière.
Je n'hésite pas à l'affirmer, les alarmes de l'honorable membre ne sont point justifiées et sont à coup sûr prématurées.
On a mis sur le compte du rouissage des méfaits dont il n'est pas coupable. Il y a deux ans les plaintes éclataient dans cette enceinte et au dehors avec une grande vivacité et une intensité sans cesse croissante. Nous étions alors sous l'influence de circonstances exceptionnelles ; une sécheresse dont on n'avait eu depuis longtemps l'exemple, avait épuisé grand nombre de cours d'eau et tari toutes les sources. A cette époque les eaux de beaucoup de rivières étaient altérées ; des fleuves mêmes étaient infectés.
Il est donc injuste de mettre la cause de tout le mal sur le compte du rouissage. D'autant plus qu'il est hors de doute que l'altération des eaux de la Lys, sauf la période d'été, provient, en grande partie, du mélange des eaux de la Deule avec celles de la Lys. On sait que la Deule qui passe par Lille et qui est le principal affluent de la Lys, est le réceptacle des immondices de cette ville, des détritus et des résidus de ses fabriques et usines.
Ce fait a été officiellement constaté par les chimistes et les hommes de l'art les plus compétents que le gouvernement a chargés de la mission spéciale d'étudier l'état et le régime des eaux-de la Lys.
Malgré le résultat de cette minutieuse investigation, à laquelle se livrèrent des hommes entièrement désintéressés dans la question, on persista à signaler le rouissage comme le seul coupable.
L'honorable M. Kervyn de Volkaersbeke semble vouloir reproduire aujourd'hui l'accusation avec toute son exagération.
Comment l'honorable membre perd-il de vue que les cours d'eau où l'on ne rouit point comme ceux où cette opération a lieu, sont corrompus partout où ils traversent des centres industrieux ; pourquoi la Lys, qui, dans toute son étendue, serpente à travers la ville de Gand, échapperait-elle à cette calamité ?
Vous avez entendu tout à l'heure, comme le fait observer mon honorable collègue, M. H. Dumortier, le rapport de l'honorable M. Goblet sur l'état d'altération et de corruption dans lequel se trouve la Senne, même en plein hiver ; or, je ne sache pas qu'on rouisse dans ce cloaque infect.
Je me résume en engageant l'honorable ministre des travaux publics à ne pas mettre trop de précipitation dans les mesures que des circonstances exceptionnelles pourraient éventuellement le déterminer à prendre dans l'intérêt de la ville de Gand.
Et, en tous cas, s'il se trouvait en face de nécessités, qui lui feraient croire qu'il convient d'interdire momentanément le rouissage, je le prie de bien choisir son époque, et avant de rien décider, de consulter tous les intéressés, les chambres de commerce et les comices agricoles.
Ce qui inspire en ce moment des craintes à l'honorable député de Gand, c'est la construction prochaine d'une écluse à sas au barrage du canal de Schipdonck à Deynze. Je fais observer que les travaux à faire pour établir cet ouvrage d’art ne mettront pas obstacle à la dérivation des eaux de la Lys par cette voie d'évacuation. L'écluse ne sera pas, je pense, construite dans le lit même du canal, mais latéralement à la voie actuelle d'écoulement. Par conséquent, le service de la dérivation ne sera pas contrarié, et il sera toujours possible d'évacuer les eaux de la Lys directement vers la mer sans les faire passer par Gand.
Ces considérations suffisent pour faire comprendre combien il serait regrettable que par des mesures intempestives on s'exposât à causer un (page 635) préjudice irréparable aux intérêts de l'une des industries les plus importantes de nos Flandres.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Messieurs, il s'est agi dans cette discussion, qui a duré à peu près deux séances déjà, de tant de questions de détail, que la Chambre comprendra que je puisse en oublier quelques-unes. Aussi je fais d'avance mes excuses aux honorables préopinants pour l'une ou l'autre des questions que je pourrais omettre dans ma réponse.
Je commence par fournir à la Chambre les renseignements demandés dans la séance d'hier par l'honorable M. d'Hoffschmidt. Sur le sort qu'ont eu les diverses lois de concession de chemins de fer qui ont été votées par la législature dans ces dernières années.
Ces renseignements présentent d'autant plus d'opportunité, que la Chambre est saisie en ce moment même d'un nouveau projet d'ensemble de concessions.
Je suis heureux, messieurs, de pouvoir établir à cet égard devant vous un bilan que vous serez sans doute d'accord avec moi, pour considérer comme extrêmement favorable.
Voici ce qui a été fait en matière de concessions de chemins de fer depuis l'avènement du cabinet.
Il y a eu quelques lois spéciales de concessions. Il y a eu deux lois d'ensemble.
Une première loi spéciale date du mois de mai 1859 ; elle était relative au chemin de fer de Namur à Givet ; il s'agissait de certaines modifications à apporter à l'ancien cahier des charges de la société de Namur à Liège.
Le chemin de fer de Namur à Givet est aujourd'hui en exploitation sur tout son parcours.
Cette loi était relative, en second lieu, au chemin de fer de Beaume à Marchienne. La Chambre se rappelle que la construction de ce chemin a été entravée pendant quelque temps. Aujourd'hui il est en bonne voie d'exécution, et l'on peut affirmer que dans le courant de cette année ou de l'année prochaine, il pourra être livré à l'exploitation.
Une seconde loi spéciale, du 12 juillet 1860, se rapportait au chemin de fer de Morialmé à Givet.
Ce chemin est depuis quelque temps en exploitation sur toute sa longueur.
Quant aux lois d'ensemble, la première est du 2 juin 1861.
Voici les lignes auxquelles cette loi se rapporte :
1° Un chemin de fer de Louvain à Herenthals. Ce chemin est en exploitation depuis quelques temps.
2° Un chemin de fer de Tongres à la rencontre de la ligne de Hasselt à Maestricht.
Cette ligne est également à peu près établie ;
3° Un chemin de fer de Braine-le-Comte à Gand.
La société est constituée, le cautionnement définitif versé. Le capital est fait, du moins il est fait dans une proportion suffisante pour que la main puisse être mise à l'œuvre avec la certitude d'aller jusqu'au bout. Le tracé est en ce moment soumis au département des travaux publics. Il pourra, j'espère, être approuvé dans peu de temps, et l'exécution de ce chemin est désormais certaine.
4° Un chemin de fer d'Eecloo à Bruges.
Ce chemin est en construction. Son achèvement est prochain.
5° Un chemin de fer de Mariembourg vers Dinant.
Le capital est fait. On a mis la main à l'œuvre.
Enfin 6° le chemin de fer de Tournai à la frontière de France vers Lille, qui fait l'objet d'une nouvelle convention soumise en ce moment à la Chambre.
La loi de 1861 est donc exécutée en grande partie, l'exécution du reste n'est pas douteuse.
Pour ce qui regarde la loi de 1862, votée seulement il y a quelques mois, la Chambre comprendra que les affaires ne peuvent pas être aussi avancées. Toutefois je pense que les indications que je vais avoir l'honneur de fournir sont également des plus satisfaisantes. Les cautionnements définitifs ont été versés, les sociétés sont constituées, et je pense constituées de façon à assurer l'exécution intégrale des lignes dont il s'agit, pour les chemins de fer suivants :
1° Anvers à Hasselt.
Je dirai en passant, pour répondre à quelques observations qui m'ont été adressées par l'honorable comte de Theux et par l'honorable M. Beeckman, que le tracé entre Aerschot et Diest a été approuvé par moi dans le courant de cette semaine et que la main va être mise à l'œuvre. Les capitaux sont intégralement faits et je crois même qu'une partie des terrains a été achetée par les concessionnaires dès avant l'approbation du tracé.
Dans le courant de la semaine prochaine, les tracés seront approuvés entre Anvers et Aerschot, et entre Diest et Hasselt, c'est-à-dire que dans peu de jours les tracés seront approuvés sur l'ensemble du parcours.
Je sais de science certaine que les concessionnaires ne demandent pas mieux que de pouvoir travailler. Ils vont pouvoir le faire immédiatement.
2° Tongres à Ans avec embranchement sur Vivegnies.
On travaille à ce chemin de fer.
3° Tamines à Landen, avec embranchement sur Tirlemont.
On achève les études. On travaillera d'ici à peu de semaines, je pense.
4° Hal à Ath.
L'exécution est également assurée et se fera promptement. Une partie du tracé est approuvée.
5° Le chemin de fer de la vallée de l'Ourthe et l'embranchement de Bastogne à Longlier.
C'est une affaire qui vient d'être régularisée dans ces derniers jours. Les capitaux sont faits et le tracé pour le chemin de fer de la vallée de l'Ourthe est déjà envoyé au département.
6° Spa au Grand-Duché.
Cette affaire se trouve dans la même situation ; on complète les études. Les capitaux sont faits. La construction est parfaitement assurée.
Enfin 7° Fumes à la frontière française.
Cette ligne vient d'être concédée récemment dans de bonnes conditions.
Je regarde donc l'exécution de toutes ces lignes comme acquise. Il y en a pour 382 kilomètres.
La loi de 1862 comprenait 625 kilomètres. Que deviennent les 243 autres ?
Il y a, messieurs, deux concessions qui sont en suspens, celle du chemin de fer de Gand à Terneuzen et celle du chemin de fer de Hasselt vers Eyndhoven, parce qu'elles sont subordonnées à l'adhésion du gouvernement des Pays-Bas. J'ai la conviction que si l'on obtenait une solution du gouvernement des Pays-Bas, la construction de ces lignes serait prochaine.
Quant au chemin de fer de Malines à Saint-Nicolas, je puis assurer, d'après des renseignements positifs que j'ai encore reçus ce matin, que le cautionnement sera déposé la semaine prochaine, que la concession définitive pourra ainsi être accordée, que le capital est fait par un établissement financier des plus solides.
Pour la ligne de Frameries à Chimay avec embranchement sur Thuin, le concessionnaire provisoire a fait un contrat avec une société puissante pour l'exploitation de ce chemin de fer. La société qui exploiterait, assure au concessionnaire un certain revenu par kilomètre. Une maison importante de Bruxelles vérifie en ce moment si, moyennant le capital que cette garantie représente, on peut construire le chemin, suivant les prescriptions du cahier des charges. Si, comme j'ai lieu de le penser, cette vérification démontre que le capital garanti est suffisant, la construction est assurée.
Reste la concession du chemin de fer dit des plateaux de Herve et celle de l'embranchement de Namur à la ligne de Tamines à Landen. L'une et l'autre affaire sont encore en négociation.
D'après les indications que je viens de fournir à la Chambre, on peut donc être certain, dès aujourd'hui, que la loi de 1862 sera exécutée au moins pour les cinq sixièmes. C'est dans ce sens que je disais à la Chambre que le bilan que j'avais à lui présenter lui semblerait sans doute, comme il me semble à moi, des plus satisfaisants.
J'arrive au débat soulevé par l'honorable M. Sabatier. Je ne m'étonne pas que l'honorable membre ait cru devoir, dans cette discussion, renouveler sa thèse favorite, que le moyen le plus simple, le plus efficace de venir en aide aux producteurs belges, c'est de leur donner les transports à bas prix.
Je ne m'étonne pas non plus qu'il ait spécialement étayé sa thèse dans cette circonstance de ce qu'il y a lieu de venir d'autant plus énergiquement au secours des travailleurs belges, que le gouvernement est entré plus avant dans la politique commerciale de la liberté des échanges.
Voilà, messieurs, la théorie.
Cette théorie, je l'admets pour mon compte pleine et entière. Le gouvernement l'admet. L'honorable membre a bien voulu reconnaître que le gouvernement avait toujours professé la même doctrine.
M. Sabatier. - En théorie.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - En théorie, dit l'honorable membre, C'est ce qu'il avait dit (page 626) également hier, et c'est là que je trouve l'injustice. C'est là qu'au lieu d'une accusation vague, il faut apporter des faits, et ce sont ces faits que je convie l'honorable membre à discuter avec le gouvernement.
Je lui demanderai où et quand le gouvernement a agi en opposition avec ces doctrines.
Faites, dit l'honorable membre, comme on a fait en France. Est-ce que la France, à la suite de son traité avec l'Angleterre, n'a pas abaissé ses péages sur les canaux ? N'a-t-elle pas commencé par racheter ces canaux, afin d'avoir le moyen de réduire les péages.
Messieurs, je trouve cet argument singulier dans la bouche de l'honorable membre ; je le trouve peu marqué au coin de la sagacité et de l'habileté dont l'honorable membre fait ordinairement preuve.
Est-ce que, en rachetant l'une seulement des deux voies de navigation qui conduisent le charbon belge au marché français, en ne rachetant pas la ligne de la Sambre, est-ce qu'en agissant ainsi, le gouvernement français n'a pas prouvé à la dernière évidence, qu'il s'occupait beaucoup moins dans l'occurrence des consommateurs que des producteurs ?
Il n'a racheté que la seule ligne navigable dans la direction de Mons, pourquoi ? Parce que cette ligne dessert le bassin d'Anzin et le bassin bouiller du Pas-de-Calais, et que le gouvernement français voulait faire cesser les inquiétudes que le traité anglais avait fait naître dans ces deux bassins parmi les propriétaires de mines.
Le gouvernement français n'a donc pas été aussi libéral que l'honorable membre veut bien le dire et il n'y a point là, pour nous, d'exemple à suivre.
Messieurs, le gouvernement belge est-il resté en demeure de fournir aux producteurs les moyens de transport les plus perfectionnés, les plus économiques, les plus nombreux ?
Mais je viens de passer en revue devant la Chambre les diverses concessions de chemins de fer que le gouvernement a proposées à la législature et que la législature, je me hâte de le proclamer, a votées par acclamation. Est-ce que, depuis quelques années, il n'a pas provoqué le vote de 1,500 kilomètres de chemins de fer ? Et ne l'a-t-il pas fait dans l'intérêt de ceux qui ont demandé des voies de transport rapides et économiques ?
Quant aux canaux, le gouvernement no vous a-t-il pas demandé de voter soit actuellement, soit en principe, pour l'amélioration de toutes les voies navigables, des crédits qui vont de 40 à 50 millions de francs.
N'est-ce pas dans cet intérêt que le gouvernement s'est engagé dans la voie ouverte devant lui ? Je dis, messieurs, que c'est une véritable injustice que de prétendre que le gouvernement est resté, sous ce rapport, en demeure de remplir les obligations qui lui incombent.
Ce qu'a avancé l'honorable membre n'était donc, évidemment, qu'un préambule pour arriver à ce qui le préoccupe à juste titre d'une manière toute spéciale, le canal de Charleroi.
Pour l'honorable membre, ainsi que pour son honorable collègue M. Lebeau, si tout ne se résume pas dans la réduction des péages sur le canal de Charleroi, ils reconnaîtront tout au moins que, pour eux, cette question domine toute la situation, et qu’ils sont disposés à reprocher au gouvernement de n'avoir rien fait, tant que pour le canal de Charleroi il restera quelque chose à faire.
Eh bien, messieurs, je l'avoue, quoique je connaisse l'affection particulière et légitime que les honorables membres professent pour le canal de Charleroi, je ne m'attendais pas à les voir provoquer de nouveau ce débat, d'abord à raison d'antécédents très rapprochés de nous et en second lieu à raison d'une autre question qui est restée en suspens jusqu'ici.
Je parle, messieurs, précisément des antécédents de la question de la réduction des péages sur le canal de Charleroi. Ces antécédents, sont trop près de nous pour que la Chambre puisse, en avoir perdu le souvenir.
Une commission fut instituée en 1859 pour s'occuper et de la réduction des péages sur le canal de Charleroi et, d'une manière générale, du régime, en matière de péages, de l'ensemble de nos voies navigables.
Après quelques mois, cette commission dont faisaient partie l'honorable M. Sabatier et d'autres honorables membres très compétents de cette Chambre et certainement très indépendants du gouvernement, cette commission conclut pour le canal de Charleroi à une réduction de 40 p. c. du droit existant. Le droit était de 2 fr. par tonne.
La commission proposa, de plus, en ce qui concerne le centre, une réduction spéciale du chef de la distance. A la suite, messieurs, du dépôt des conclusions de cette commission, le gouvernement les adopta avec la réserve qu'au lieu d'une réduction de 40 p. c. sur le droit existant, il soumit une réduction de 25 p. c. La Chambre vota 40 p. c.
Ainsi, messieurs, cette commission qui avait pour mission d'examiner la situation de toutes nos voies navigables, fit pour le canal de Charleroi une proposition qui, contrairement à l'avis du gouvernement, fut adoptée par la Chambre.
Je le demande, est-ce après une réduction si notable, de 40 p. c., votée à une époque si récente qu'il fallait s'attendre à voir surgir une nouvelle proposition de réduction ? Non, messieurs, il y avait deux raisons pour qu'il ne fût pas question actuellement d'une semblable proposition. Ces deux raisons étaient la réduction récente des péages et le projet mis à l'étude de l'élargissement du canal de Charleroi.
L'honorable membre se serait évidemment trouvé embarrassé de produire devant la Chambre cette double prétention d'obtenir une nouvelle réduction du péage du canal de Charleroi, et d’autre part de mettre à la charge du gouvernement un travail qui, d'après les renseignements que j'ai eu l'honneur de fourni, ne doit pas coûter moins de quinze à vingt millions de francs.
Il est impossible, messieurs, au gouvernement, quelque largement qu'il entre dans les vues de l'honorable membre, quelque complètement qu'il partage ses doctrines économiques, il est impossible qu'il assume des obligations si onéreuses et qu'il se prive en même temps des moyens d'y satisfaire.
Je prévois une objection : la réduction, dira-t-on, si elle était décrétée, serait un fait actuel, tandis que l'élargissement n'est qu'une promesse pour l'avenir.
Eh bien, c'est une promesse catégorique que le gouvernement fait ou plutôt qu'il a faite. Il a pris, l'année dernière, l'engagement précis de proposer l'élargissement du canal de Charleroi. Il a été entendu que pet élargissement figurerait dans le premier projet de travaux publics nouveaux.
Quand ce projet fera-t-il son apparition ? Je n'en sais rien ; mais l'honorable membre conviendra que ce n'est pas peu que d'avoir pour soi un engagement aussi formel que celui que nous avons pris publiquement,,
Le projet viendra aussitôt que possible ! Il est vraisemblable qu'il sera présenté en 1864, si la situation financière reste bonne et que des circonstances imprévues et impérieuses n'entraînent pas le trésor dans des dépenses nouvelles et considérables.
Vous voyez donc qu'il s'agit de quelque chose de très sérieux. Nous ne pouvons pas prendre un engagement formel quant à la date de la présentation du projet de loi ; mais c'est, en tout cas, une chose qui se trouve dans les contingents futurs prochains.
Messieurs, l'honorable membre a donc eu soin de ne pas parler des antécédents de la question concernant la réduction des péages sur le canal de Charleroi et il a glissé diplomatiquement sur celle de l'élargissement du canal ; il s'est étendu avec complaisance, ne pouvant faire autrement, sur les principes de la justice distributive qui commanderait une nouvelle réduction. (Interruption.) Vous n'avez pas prononcé le mot, mais au fond vous avez exprimé cette idée.
Pourquoi, dit l'honorable membre, les péages ne sont-ils pas uniformes ? Pourquoi paye-t-on un centime par lieue à droite, un centime à gauche, un demi-centime dans une troisième direction ? Pourquoi toutes nos voies navigables ne sont-elles pas placées sous le même régime ?
Mais à mon tour, je demanderai à l'honorable membre, comment il entendrait l'application de ce principe ; s'est-il bien demandé ou cette application le conduirait ?
Il y a en Belgique des voies navigables sur lesquelles on ne paye rien, d'autres sur lesquelles on paye très peu de chose.
Ainsi, par exemple, sur la Meuse il existe un droit très modéré que le gouvernement ne pourrait élever sans l'assentiment des pays limitrophes.
Il y a d'autres voies navigables sur lesquelles on a établi des péages peu élevés, par nécessité de position. Ces péages ne pourraient être augmentés, sans compromettre le sort même de la navigation : par conséquent, il y a là obligation absolue de maintenir des péages bas.
Le canal de jonction de la Meuse à l'Escaut est plus long que le canal de Charleroi ; le péage est moins élevé que sur le canal de Charleroi ; que produit ce péage ? iI ne rapporte pas 100,000 francs par an.
Messieurs, j'ai parlé tout à l'heure de la commission qui a été instituée en 1859 pour examiner la question de la réducrion des péages sur toutes nos voies navigables. Dans cette commission, dont il faisait partie, l'honorable M. Sabatier a soulevé la question de l'uniformité des péages.
M. Sabatier. - Je vous garantis que non.
M. des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Voici une proposition qui a été formulée par un honorable membre de la commission :
« Classer les voies navigables en deux catégories, comprenant : l'une les rivières, l'autre les canaux ; soumettre chacune des catégories à un (page 627) droit uniforme à raison des distances à parcourir ; imposer en outre un droit fixe payable en une seule fois au point d'embarquement. »
C'est bien là, je pense, le système de l'honorable membre.
Voici les objections que cette proposition a soulevées au sein de la commission ; elles sont fort curieuses, je lis :
« La troisième proposition (c'est celle dont je viens de donner lecture) a soulevé des objections dont la commission a rendu compte dans les termes suivants :
« Le système proposé aurait pour effet d'augmenter les droits sur la plupart des voies navigables, et notamment d'une manière considérable sur celles qui ne sont maintenant soumises qu'à des droits insignifiants. Il remettrait en question tout ce qui existe en fait de canaux, sans aucun espoir d'aboutir à une résolution satisfaisante. Il pourrait être examiné utilement s'il s'agissait d'établir à nouveau les droits de navigation pour des canaux à créer, mais on doit tenir compte d'un état de choses existant de temps immémorial, et l'on ne peut maintenant établir des péages élevés sur des canaux qui en sont pour ainsi dire affranchis, sans soulever des réclamations vives et violentes. Enfin le système proposé devait faire naître des discussions historiques sur l'origine de plusieurs canaux, et se heurterait contre l'invincible objection des faits existants et des droits acquis. »
L'auteur de la proposition est resté seul de son avis dans la commission. Or, comme l'honorable M. Sabatier partage cette opinion et qu'il a fait partie de la commission, je pouvais croire que la proposition était émanée de l'honorable membre.
M. Muller. - Elle émanait d'un fonctionnaire de votre département.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - C'a donc été un fonctionnaire de mon département qui a été l'auteur de la proposition ; mais dans ce cas il faut supposer que l'honorable M. Sabatier ne partageait pas alors cette opinion. (Interruption.)
Eh bien, je me permettrai d'être aujourd'hui sur cette question de l'avis que l'honorable M. Sabatier professait hier.
Après ce premier argument, on en invoque un second, et on dit que toute réduction de péages conduit à une augmentation de recette.
C’est là l’opinion qu'a exprimée l'honorable M. Sabatier (Interruption.)
Je ne tiens pas aux mots : mais bien certainement c'est, au fond, ce que vous avez avancé.
Or, c'est une erreur de croire que toute réduction de péages conduit à une augmentation de recette. Ce qui le prouve, c'est précisément le résultat qu'a produit pour le trésor la réduction des péages sur le canal de Charleroi. Vous aviez annoncé que la recette serait plus productive pour le trésor ; mais la vérité est que le trésor a subi et subira par la suite une perte considérable, par suite de cette réduction.
Je vais vous donner des chiffres ; les chiffres ne se discutent pas ; il faut les accepter.
La moyenne des recettes opérées sur le canal de Charleroi pendant les trois années antérieures à la réduction a été de 1,400,000 fr. ; la recette pour 1860 a été de 896,000 fr. La différence est donc de plus d'un demi-million. Si l'on prend la moyenne des recettes depuis la réduction, cette moyenne a été de 946,914 pour une période de 3 années, la différence est donc encore de 453,000 francs sur les 1,400,000 francs, moyenne de la période antérieure. D'un autre côté, veuillez remarquer, messieurs, qu'il y avait une progression normale sur les recettes du canal de Charleroi. Or, n'est-il pas évident, en présence d'un pareil résultat, que la différence ne peut pas être récupérée ? (Interruption.) Vous ne la récupérerez pas, et trois fois déjà pour le canal de Charleroi la réduction a atteint un taux où le trésor est entraîné à des sacrifices.
Maintenant, qu'est-ce donc que le trésor ? Mais, messieurs, le trésor n'est pas autre chose que l'accumulation des ressources des contribuables avec toute leur puissance d'action ; c'est le trésor qui doit pourvoir à l'exécution de ces immenses travaux publics que vous avez décrétés ; de sorte que, si vous épuisez le trésor, c'est aux dépens du contribuable, aux dépens de l'industrie. Voilà des conséquences qu'il faut méditer, et voilà pourquoi, au point de vue où vous vous êtes placés, point de vue très élevé, très important, le trésor public est une chose respectable, et pourquoi il faut la respecter.
Enfin, vous avez dit que le canal de Charleroi avait remboursé deux ou trois fois déjà ce qu'il a coûté.
M. Sabatier. - Ce n'est pas moi qui ai dit cela.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - En effet, c'est l’honorable M. Lebeau.
M. H. de Brouckere. - Si ce n'est toi, c'est donc ton frère.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Eh bien, c'est une erreur. Si l'on établit un compte courant entre les recettes du canal et la dépense d'établissement, y compris les intérêts, il se trouve, messieurs, que loin d'être créancier de l'Etat d'une somme égale à deux ou trois fois sa valeur, le canal est encore débiteur de l'Etat d'une somme de 3 à 4 millions de francs. (Interruption.)
Messieurs, ce sont des chiffres, et je ne connais rien de plus éloquent en pareille matière.
M. Hymans. - Est-ce un argument cela ?
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Il vaut juste celui qui consiste à prétendre qu'il faut réduire le péage sur le canal de Charleroi, parce que celui-ci a remboursé deux ou trois fois ce qu'il a coûté.
Je ne le produis que pour répondre à cette allégation.
M. Muller. - Elle est encore reproduite dans la brochure qu'on nous a envoyée.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Enfin, il se trouve que c'es| une erreur.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Messieurs, la situation est donc celle-ci : en présence de l'amélioration projetée, en présence de l'élargissement prochain du canal de Charleroi, travail qui coûtera 15 à 20 millions de francs,, au sujet duquel il y a engagement pris par l'Etat et que nous désirons voir s'exécuter le plus tôt possible, désir sérieux, sincère à ce point qu'après les études générales auxquelles j'ai fait procéder et dont le résultat a été communiqué à la Chambre par l'intermédiaire de la section centrale, je fais en ce moment procéder à la rédaction des plans de détail, tellement je suis convaincu que, dans un avenir rapproché on pourra mettre la main à l'œuvre ; faut-il réduire prématurément les ressources du trésor ; faut-il surtout que, ce soit précisément le canal sur lequel ce grand travail d'élargissement sera exécuté, qui doive, être la cause de cette diminution des ressources du trésor ? Je ne le crois pas, et j'ai la conviction que la Chambre partage tout à fait mon opinion sur ce point.
Je passe au second ordre d'idées qu'a abordé l'honorable M. Sabatier. Il s'agit des transports sur les chemins de fer.
L'honorable membre a formulé ainsi la question qu'il a adressée au gouvernement : Englobera-t-on les traités spéciaux dans des tarifs spéciaux ? Je pense que c'est bien ainsi que l'honorable membre s'est exprimé.
Eh bien, messieurs, je n'hésite pas à répondre oui et à déclarer que la tendance de l’administration et ma conviction sont qu'il faut englober les traités particuliers dans des tarifs spéciaux.
Je vais plus loin et je dis qu'il faut ultérieurement englober les tarifs spéciaux dans le tarif général.
Voilà, messieurs, le programme du gouvernement ; voilà, du moins, mon programme à moi.
M. Sabatier. - C'est parfait.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Ce programme, messieurs, a reçu un commencement d'exécution : j'ai supprimé déjà un assez grand nombre de traités particuliers en les absorbant dans des tarifs spéciaux, et j'ai préparé la voie à l'absorption des tarifs spéciaux eux-mêmes par des modifications importantes dans le tarif général.
L'honorable membre sait parfaitement quelles sont les réductions que j'ai introduites : il s'agit d'actes publics, il sait quelles sont les mesures que j'ai prises, du moins d'une manière générale, et j'ai la conviction qu'il ne me contredira pas quand j'affirme que j'ai déjà fait quelques pas dans la voie qu'il a conseillé lui-même au gouvernement de suivre.
M. H. Dumortier. - Je demande la parole.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Evidemment, messieurs, l'absorption dont je parle ne peut se faire que par des réductions nouvelles sur le tarif général. Eh bien, c'est là, pour moi, une simple question d'opportunité.
Quand et dans quelle mesure pourra-t-on réduire le tarif général ? Là est la seule difficulté. Je crois que le moyen le plus sûr d'y arriver, c'est de développer le système des réductions à la distance. La réduction à la distance est une combinaison qui a été essayée, et je pense qu'on peut se féliciter des résultats qu'elle a produits. Il est certain, pour moi, qu'il faut élargir la zone dans laque le la réduction est acquise.
Ainsi, actuellement, Bruxelles, à l'égard de Charleroi, par exemple, paye le prix plein ; eh bien, je crois que Bruxelles doit être compris, et pour une assez forte part, dans la réduction. En d'autres termes, il faut commencer la réduction à 5 ou 6 lieues et non pas à 15 lieues seulement.
Je crois, de plus, qu'il ne faut pas limiter, comme on l'a fait, le taux auquel la réduction s'arrête. Aujourd'hui, même pour les distances les plus éloignées, on ne transporte pas à moins de 20 cent. ; selon moi, c'est un (page 628) tort, car, dans l'application ce système donne des prix souvent inabordables pour les points éloignés. Mais ici encore, la question d'opportunité domine tout, et je pense que l'opportunité d'un changement plus ou moins radicale n'existe pas. Il est évident qu'il faudrait une progression de mouvement proportionnelle à la réduction de prix qui serait opérée, pour que la recette ne subît point d'échec ; or, ce n'est pas dans un moment de crise ou tout au moins de somnolence industrielle, que l'on pourrait espérer ce résultat.
Cela est tellement vrai que, malgré les notables réductions que j'ai introduites, il y a un an, sur certains articles du tarif, le résultat général a été défavorable ; il y a même des catégories d'articles pour lesquelles, malgré ces réductions notables, le mouvement est inférieur à celui de l'année antérieure à la réforme.
M. H. de Brouckere. - Cela tient aux circonstances.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Evidemment, et c'est précisément ce qui me fait dire que le moment n'est pas opportun pour opérer de nouvelles réductions, et que ce serait exposer le principe que de les introduire actuellement. Quant à moi, j'attache trop de prix au succès de pareilles mesures, pour risquer de les compromettre par des essais intempestifs.
Par un seul exemple, je veux montrer à la Chambre combien une réduction inopportune serait dangereuse. Combien elle pourrait compromettre de grands intérêts. Nous transportons par chemin de fer environ deux millions de tonnes de charbons à fr. 2.80, prix moyen ; si vous réduisez le prix de transport seulement de 50 centimes, vous aurez fait une chose insignifiante ; eh bien, si vous réduisez de 50 centimes, vous aurez ouvert la porte à un déficit d'un million sur ce seul article, si vous n'êtes pas en droit d'espérer un accroissement proportionnel de mouvement.
Or, l'industrie n'est pas aujourd'hui dans la position de donner un semblable accroissement.
J'abandonne ces questions, pour m'occuper des objets dont vous ont entretenus d'autres honorables membres.
L'honorable M. Moncheur a demandé endéans quel temps la canalisation de la Meuse pourrait être achevée. C'est une question d'argent et chaque fois qu'une question de cette nature est soulevée, il est impossible de répondre catégoriquement. Dites-moi la situation où se trouvera le trésor, et je vous répondrai avec précision.
Si vous voulez des hypothèses, je vous en ferai, mais je ne pourrai rien vous assurer en dehors de ces hypothèses. Si la situation du trésor est bonne, si elle reste telle qu'elle est aujourd'hui, je pense que l'achèvement total du canal de la Meuse pourra avoir lieu dans les trois ans ; il faudrait pour cela demander un crédit dans cette session et un autre crédit l'hiver prochain. Voilà ce que je puis dire dans une situation donnée.
L'honorable membre m'a demandé encore si l'on ne pourrait pas obtenir de la compagnie du Luxembourg, la construction d'une seconde voie complète de Bruxelles à Namur.
Le gouvernement n'a pas le droit de demander à la compagnie l'établissement de cette seconde voie.
L'honorable membre a cité un article de convention, d'où résulterait pour la compagnie, l'obligation de construire la double voie ; mais une convention postérieure, qui date du 13 janvier 1852, porte (article 5) : que la compagnie aura la faculté de n'exécuter la route, les embranchements et les extensions que pour une simple voie.
Il faut donc s'en remettre à la compagnie elle-même, qui se guidera d'après son propre intérêt.
Je pense d'ailleurs que pour la compagnie il vaudrait mieux doubler la voie sur certaines sections entre Namur et Arlon où le profil est plus accidenté et par conséquent l'exploitation plus difficile qu'entre Namur et Bruxelles.
Messieurs, au milieu des observations diverses qui ont été présentées, je suis obligé de prendre d'abord les plus importantes, sauf à revenir ensuite sur les autres. Parmi celles que l'honorable M. de Gottal a formulées, j'en trouve une concernant l'envasement de l'Escaut.
Je dirai que la situation de l'Escaut ne s'est pas sensiblement modifiée depuis les derniers sondages ; ils ont donné des résultats à peu près conformes à ceux des sondages antérieurs. Il existe toujours une amélioration réelle sur la situation qui avait causé des inquiétudes en 1859. L'honorable membre a demandé si on ne pourrait pas joindre chaque année comme annexe au budget le tableau des sondages.
La Chambre a raison de se préoccuper ou plutôt de s'occuper du régime de l'Escaut ; je m'engage volontiers à donner à l'avenir, comme pièce annexe au budget, les résultats des sondages que l'administration fait faire périodiquement.
Messieurs, l'honorable membre et après lui l'honorable M. de Boe ont demandé où en est l'exécution du canal de Saint-Job.
A deux reprises la Chambre a voté une allocation d'un million pour la section de Turnhout à Saint-Job, j'ai ordonné la 1evée des plans du canal entier afin d'avoir une évaluation de la dépense d'ensemble. Les plans sont soumis au conseil des ponts et chaussées, leur approbation ne pourra rencontrer de longs délais, par conséquent dans les premières semaines qui vont suivre, la section de Turnhout à Saint-Job sera mise en adjudication.
L'honorable M. de Gottal a dit que des compagnies avaient reçu des avances de l'Etat, que parmi ces compagnies il y en avait qui obtenaient aujourd'hui une recette nette de 7 p. c. de leur capital, qu'elles devraient donc opérer des remboursements sur les avances qu'elles avaient reçues et que cependant ces remboursements ne se faisaient pas. L'honorable membre est dans l'erreur.
Une seule compagnie est dans cette situation prospère, c'est la compagnie de Louvain à la Sambre ; elle restitue les sommes qui lui ont été avancées à titre de garantie par le trésor.
L'honorable M. Cumont s'est occupé de la canalisation de la Dendre ; je répondrai, comme pour la Meuse : c'est une question d'argent.
Seulement la canalisation de la Dendre doit être terminée avant le 1er janvier 1867, par suite du contrat fait avec le concessionnaire du canal de Blaton à Ath. Ici donc il y a une obligation impérieuse quant au délai d'achèvement, et il faut que le gouvernement demande des subsides à temps ; la législature a voté les crédits nécessaires pour les travaux à exécuter, à concurrence de deux millions et demi ; il faut qu'elle vote encore quatre millions et demi, car la dépense totale sera de sept millions. Pour remplir ses obligations conventuelles, le gouvernement sera par conséquent obligé de demander sans trop de retard un crédit plus ou moins important pour la suite à donner à ce travail.
M. de Naeyer. - Il est plus que temps !
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Je ne sais pas si l'attention de la Chambre n'est pas fatiguée. J'aurais encore à l'entretenir pendant un certain temps.
- Plusieurs voix : A mardi ! à mardi !
- La discussion est continuée à mardi.
La séance est levée à 4 heures.