Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Documentation Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 7 mars 1863

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1862-1863)

(page 519) (Présidence de M. Vervoort.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Moor, secrétaire, procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.

M. de Florisone, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Moor présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Des habitants de Lille-Saint-Hubert prient la Chambre d'autoriser le gouvernement à concéder le chemin de fer d'Herenthals à Gladbach par Ruremonde. »

M. Vilain XIIII. - Je demande que la Chambre veuille bien renvoyer cette pétition à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi relatif à la concession de divers chemins de fer qui a été déposé l'autre jour par M. le ministre des travaux publics.

- Cette proposition est adoptée.


« Le sieur Guillaume Rau, propriétaire à Bruxelles, né à Mayence, demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.


« Par messages du 6 mars, le Sénat informe la Chambre qu'il a adopté :

« 1° Le projet de loi portant création d'un emploi d'inspecteur des corps de musique de l'armée et assimilation des chefs de musique des régiments aux sous-lieutenants et aux lieutenants de l'infanterie après un certain nombre d'années de service.

« 2° Le projet de loi fixant le maximum des traitements des fonctionnaires civils attachés à l'école militaire. »

- Pris pour notification.


« Les bourgmestre, échevins et conseillers communaux de Sichem demandent que la société concessionnaire du chemin de fer d'Aerschot à Diest établisse à Sichem la station intermédiaire entre ces deux villes. »

M. Beeckman. - Je demande le renvoi de cette pétition à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.


« M. Mouton demande un congé. »

- Accordé.

Projet de loi portant le budget du ministère de la justice

Discussion du tableau des crédits

Chapitre VI. Publications officielles

Articles 20 à 22

« Art. 20. Abonnement au Bulletin des arrêts de la Cour de cassation : fr. 3,000. »

- Adopté.


« Art. 21. Publication d'un recueil des anciennes lois des Pays-Bas autrichiens, de la principauté de Liège et d'autres pays, dont le territoire est compris dans le royaume de Belgique ; publication d'un recueil d'instructions-circulaires émanées du département de la justice, depuis la réunion de la Belgique à la France, en 1795 ; impression d'avant-projets de lois et autres documents législatifs ; frais de route et autres des membres des commissions de législation : fr. 15,300. »

- Adopté.


« Art. 22. Traitement d'employés attachés à la commission royale de publication des anciennes lois, nommés par le gouvernement : fr. 2,940. »

- Adopté.

Chapitre VII. Pensions et secours

Articles 23 à 26

« Art. 23. Pensions civiles : fr. 10,000. »

- Adopté.


« Art. 24. Secours à des magistrats et à des employés près des cours et tribunaux, ou à leurs veuves et enfants mineurs qui, sans avoir droit à une pension, ont des titres à un secours, par suite d'une position malheureuse : fr. 11,800. »

- Adopté.


« Art. 25. Secours à des employés ou veuves et enfants mineurs d'employés de l'administration centrale du ministère de la justice, ou des établissements y ressortissant, qui se trouvent dans le même cas que ci-dessus : fr. 1,700. »

- Adopté.


« Art. 26. Secours à des employés ou veuves et enfants mineurs d'employés des prisons, se trouvant dans le même cas que ci-dessus : fr. 3,000. »

- Adopté.

Chapitre VIII. Cultes

Article 27

« Art. 27. Clergé supérieur du culte catholique, personnel enseignant et dirigeant des grands séminaires, à l'exception de celui de Liège : fr. 317,450. »

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, je dois présenter à la Chambre une observation au sujet de l'article 27 qui donne lieu à une difficulté entre la cour des comptes et le département de la justice.

Vous savez, messieurs, que des frais de tournée et de bureau sont attribués à MM. les chefs des diocèses ; par une circulaire en date du 28 février 1846, les chefs diocésains sont autorisés à payer sur ces indemnités, lorsqu'il le jugeront à propos, le traitement d'un secrétaire. Il s'agit de savoir si ce traitement de secrétaire peut donner droit à une pension.

Le département de la justice l'a toujours soutenu. La cour des comptes soulève des difficultés.

Elle prétend qu'une allocation à titre personnel en vertu d'une simple circulaire, ne peut pas donner des droits éventuels à la pension.

Le département de la justice se fonde sur l'article 22 de la loi du 21 juillet 1844 qui porte :

« Sont comptées comme années de service celles pendant lesquelles le titulaire aura été aumônier d'un hôpital ou aura rempli d'autres fonctions ecclésiastiques non rétribuées par le trésor public et que le gouvernement reconnaîtra avoir été nécessaires aux besoins du culte. »

Je prétends, messieurs, que la circulaire de 1846 reconnaît que les fonctions de secrétaire sont nécessaires aux besoins du culte, que par conséquent elles sont comprises dans l'article 22 de la loi du 21 juillet 1844 et que par suite les secrétaires des évêchés peuvent obtenir une pension.

En déclarant à la Chambre la portée que nous attribuons à la circulaire de 1846 et l'interprétation que nous donnons à l'article 22 de la loi du 21 juillet 1844, je pense qu'il ne pourra plus y avoir de difficultés à l'avenir.

M. Muller, rapporteur. - La quatrième section avait demandé à connaître quel pouvait être le montant du casuel de chacun des évêques, en supposant qu'il fût connu.

La section centrale, dans son rapport, a pensé que ce casuel devait être assez important, bien que l'on n’eût pas de renseignements officiels à cet égard.

Je dois déclarer que, depuis lors, j'ai reçu à cet égard une réclamation de la part du secrétaire de l'évêché de Liège. Ce fonctionnaire ecclésiastique s'étonne que la section centrale ait pu parler d'un casuel dont jouiraient les évêques, et il m'écrit que celui de Liège ne touche pas un centime de casuel, ni de la chancellerie ni d'ailleurs. M. le secrétaire ajoute qu'il est attaché à cette chancellerie depuis quinze ans, que depuis plusieurs années il est chargé de la comptabilité et qu'il sait tout ce qui s'y passe. Croyez bien, ajoute-t-il, que la réclamation que je vous adresse n'a pas pour but de faire revenir la section centrale de sa décision, mais d'empêcher qu'il soit nui à la considération de l'administration diocésaine par l'assertion que vous avez émise, etc.

Evidemment, messieurs, il n'a pu entrer dans les intentions de la section centrale ni d'aucun membre de cette Chambre de nuire à la considération d'un chef quelconque de nos diocèses.

Dire qu'un casuel est attribué à une fonction ecclésiastique ou civile, ce n'est, pas à coup sûr, blesser la susceptibilité du titulaire.

Je ne sais, au fond, ce que l'auteur de la lettre qui m'a été adressée entend par casuel et s'il y donne une signification restreinte, mais la section centrale a compris dans cette expression tout ce que les évêques peuvent percevoir de leur charge en dehors du traitement fixe qui leur est alloué par le budget de l'Etat. Je ne crois pas devoir entrer ici dans une discussion qui n'aurait pas d'opportunité ; j'ai seulement (page 520) considéré comme un devoir de communiquer à la Chambre la réclamation qui m'était parvenue.

S'il y avait nécessité d'apprécier actuellement la position qu'occupent MM. les évêques, ce que je ne désire pas, je pourrais alors prendre part à un débat que je considère, jusqu'ici, comme stérile.

M. de Renesse. - Messieurs, depuis notre régénération politique, des crédits très notables ont été portés, chaque année, au budget de la justice pour la construction ou la réparation des édifices des cultes, ainsi que des églises monumentales.

Il fut, en effet, reconnu, dans toutes nos provinces, que d'anciennes églises, bâties depuis plusieurs siècles, se trouvaient dans un grand délabrement, faute d'entretien en temps utile, ou, par suite de la grande augmentation de la population, étaient devenues trop pertes.

D'ailleurs sous la domination française et celle des Pays-Bas, peu de subsides de l'Etat étaient accordés pour de pareils travaux ; toutes les ressources du pays furent employées à d'autres besoins, en grande partie étrangers à la Belgique.

Il était donné au gouvernement belge de 1830 de comprendre mieux les véritables intérêts du pays, et successivement par l'intervention plus active de l'Etat, de nombreux grands travaux publics furent décrétés, et exécutés dans la plupart de nos provinces.

En outre, le gouvernement porta un grand intérêt, et un soin tout particulier pour la restauration de nos anciennes églises, de nos monuments historiques et religieux, et en intervenant par des subsides, il provoqua ainsi le concours des provinces et des communes.

Si un certain nombre de nos monuments religieux sont actuellement en bonne voie de restauration, il reste cependant encore beaucoup à faire et le rapport du budget de la justice, pour 1859, constate, dans l'état y joint, qu'il y avait de nombreuses demandes adressées au département de la justice, afin d'obtenir le concours de l'Etat, pour la restauration de beaucoup de ces monuments : il y avait des engagements pris jusqu'en 1866, et l'état annexé au rapport du budget courant indique de nouveaux et de très pressants besoins de restauration.

Déjà, l'honorable ministre de la justice a cru devoir demander, pour l'année 1862, un crédit extraordinaire de 450.000 fr., à affecter à ces restaurations ; mais, par suite de la forte augmentation de l'allocation postulée pour traitements de la magistrature, des ministres des cultes, et des autres fonctionnaires ressortissant à ce département, plus aucune somme extraordinaire n'est demandée pour la restauration des églises monumentales ; et, cependant, les provinces, les communes, dans la prévision que ces subsides extraordinaires de l'Etat leur seraient continués ultérieurement, pour remettre en bon état leurs monuments religieux, ont porté des crédits à leurs budgets ; ces travaux de restauration ne peuvent guère être interrompus, dans la crainte de les laisser dégrader, s'ils restaient inachevés pendant quelque temps.

D'après l'aperçu général, dressé par la commission royale des monuments, de l'évaluation des dépenses, par province, il y aurait encore des frais très considérables à faire pour la réparation complète des églises monumentales ; il faudrait, pour toutes nos provinces, plus de 19,000,000 de fr., et l'évaluation des travaux urgents y est renseignée, pour plus de 6,000,000 fr.

Plus on retardera ces restaurations urgentes, plus il faudra, par après, augmenter la somme nécessaire à ces travaux. Il serait d'une bonne administration prévoyante, de rechercher les moyens de faire face, au plutôt à ces réparations ; il est de toute impossibilité de laisser ce soin aux seules ressources des provinces et des communes.

Il est même d'un intérêt général pour la bonne conservation de nos si nombreux monuments religieux, que l'Etat continue à intervenir pour une certaine part dans les dépenses de leur restauration, et il est à désirer que l'on porte encore au budget de la justice, pendant un certain nombre d'années, un crédit extraordinaire à cette fin ; c'est la demande que je crois devoir adresser à l'honorable ministre de ce département, dans l'intérêt de la bonne et prompte restauration de nos si beaux et si anciens monuments religieux.

M. Thibaut. - Messieurs, le chapitre auquel nous sommes arrivés me fournit l'occasion d'examiner les motifs étranges et fort peu constitutionnels qui ont été donnés par M. le ministre de la justice à l'appui d'un arrêté royal du 15 septembre 1862.

Les faits sur lesquels il s'agissait de statuer sont résumés dans le préambule.

Quelques personnes avaient offert à une fabrique d'église un don de 500 fr. à charge, entre autres, de faire célébrer tous les dix ans une mission.

On ne dit pas si la délibération du conseil de fabrique a été soumise à l'avis de l'évêque diocésain, conformément au décret du 30 décembre 1809 et au conseil communal en vertu d'une disposition de la loi communale. La députation permanente du Luxembourg refusa à la fabrique l'autorisation d'accepter la donation par un arrêté du 10 juillet 1861. Le 11 août suivant, la fabrique adressa son recours au gouvernement, et le 13 septembre 1862 l'honorable ministre de la justice déclara le recours non fondé, par les considérations suivantes :

« Considérant que si la Constitution proclame la liberté des cultes et celle de leur libre exercice, il n'en résulte cependant pas que les particuliers aient la faculté illimitée de créer des fondations pour toutes les cérémonies religieuses indistinctement.

« Considérant qu'au moment où le décret du 30 décembre 1809 était publié, son auteur venait par un décret du 26 septembre précédent, de défendre expressément les missions à l’intérieur ; que l'on ne peut dès lors admettre, comme le soutiennent les réclamants, que le décret du 30 décembre ait consacré le droit de créer des fondations pour la célébration de ces missions ; et que, si le décret du 26 septembre, d'ailleurs non publié au Bulletin des lois, se trouve virtuellement abrogé par le principe préappelé de la Constitution, il n'en établit pas moins le véritable esprit du décret du 30 décembre 1809, en ce qui concerne l'objet des fondations religieuses qu'il appartient au gouvernement d'autoriser. »

En lisant cet arrêté, messieurs, on est frappé d'abord de l'inexactitude avec laquelle le texte de la Constitution est cité. Ainsi on dit : « Si la Constitution proclame la liberté des cultes et celle de leur libre exercice, » tandis que la Constitution porte : « La liberté des cultes et celle de leur exercice public sont garanties. »

Une autre observation, messieurs, se présente en comparant la date du pourvoi du conseil de fabrique à celle de l'arrêté qui déclare ce pourvoi non fondé.

Il y a entre ces deux actes un intervalle de plus de 13 mois, intervalle très inusité en pareille matière. Peut-être aura-t-on cherché à obtenir des donateurs, de la fabrique de Mont, comme on l'a fait en d'autres occasions, qu'ils modifiassent les conditions de leur libéralité ?

Dans cette hypothèse même, je ne comprends pas pourquoi le gouvernement est resté pendant un temps aussi long, sans statuer sur le pourvoi qui lui avait été adressé.

Je n'attache pas, du reste, une grande importance à ces observations préliminaires ; j'ai voulu seulement les présenter, parce qu'elles dénotent, me semble-t-il, que la question dont je m'occupe a jeté quelque embarras dans l'esprit de M. le ministre de la justice.

C'est, du reste, sur la question des principes qu'une discussion sérieuse doit être établie. Je vais donc essayer de démontrer que l'argumentation de M. le ministre de la justice repose sur deux erreurs capitales.

Au surplus, je n'espère pas, en les combattant, obtenir un résultat immédiat ; je veux seulement, autant qu'il est en moi, empêcher que l'arrêté du 13 septembre 1862 ne devienne un précédent dont on puisse invoquer l'autorité dans l'avenir. Mes paroles seront, si vous voulez, principalement une protestation.

La première considération sur laquelle s'appuie M. le ministre de la justice est celle-ci :

Si la Constitution a proclamé la liberté des cultes et celle de leur exercice public, il n'en résulte pas que les particuliers aient la faculté illimitée de créer des fondations au profit de toutes les cérémonies religieuses indistinctement.

M. le ministre de la justice reconnaît donc qu'une certaine faculté de créer des fondations en faveur des cérémonies d'un culte, résulte de la liberté religieuse. (Interruption.)

Il ne fait même à la règle qu'une exception que nous examinerons tantôt. C'est, du reste, un principe qu'on ne peut pas contester vis-à-vis du culte catholique, culte qui a la personnification civile, sans porter atteinte aux croyances de ceux qui le pratiquent. (Interruption.)

Je crois que nous allons être d'accord. M. le ministre de la justice dit que de la liberté religieuse ne découle pas la faculté illimitée de créer des fondations ; dont il admet qu'une certaine faculté en résulte, ou si vous voulez, il distingue entre les cérémonies religieuses.

Eh bien, je demande pourquoi il distingue ? sur quel texte de loi cette distinction est fondée ?

Pour moi, je m'en tiens à ce principe du jurisconsulte romain : Ubi lex non distingua, nec nos distinguere debemus.

Cette distinction entre les cérémonies religieuses pour lesquelles il serait permis de fonder et les cérémonies religieuses pour lesquelles il ne serait pas permis de fonder, ne repose sur rien : elle n'est pas écrite dans la loi constitutionnelle et elle est repoussée par la raison

Car du moment que vous admettez que la faculté de donner en faveur (page 521) d'un culte qui peut recevoir dérive de la liberté des cultes, qu'elle n'est qu'une de ses formes extérieures, vous devez nécessairement admettre que l'une est aussi vaste, aussi étendu que l'autre ; en d'autres termes, vous ne pouvez restreindre l'usage d'un droit politique, sans restreindre ce droit lui-même.

Ainsi, on ne peut pas dire que si les Belges ont le droit de s'associer, il n'en résulte pas qu'ils ne puissent former une association politique de plus de 20 personnes sans l'autorisation du gouvernement ; en effet, l'association quel que soit son but, quel que soit le nombre de ses membres, est licite.

De même la liberté des cultes et celle de leur exercice public étant garanties par la Constitution, sauf la répression des délits commis à l'occasion de l'usage de ces libertés, la faculté de fonder en faveur d'un culte est également garantie par la Constitution, sauf aussi la répression des délits commis à l'occasion de l'usage de cette faculté.

Sans doute, messieurs, au point de vue religieux, une fondation n'est acceptable que si elle a pour objet un acte, un service, une cérémonie reçus dans le culte désigné par le fondateur et approuvés par l'autorité compétente, c'est-à-dire par l'autorité religieuse ; et voilà la principale raison pour laquelle le décret de 1809 ordonne que tous les acte contenant une libéralité en faveur d'une fabrique d’église seront soumis à l'évêque diocésain afin que celui-ci donne sa délibération s'il y a lieu ou non de l'accepter.

De quelque manière qu'on envisage la question, il est donc évident que le pouvoir civil ne doit établir aucune distinction entre les cérémonies religieuses ; et lorsque M. le ministre revendique pour l'autorité civile un droit de limitation ou de restriction, ou il empiète sur l'autorité religieuse, ou bien il substitue l'arbitraire ministériel à la liberté.

Je passe, messieurs, au second considérant sur lequel repose l'arrêté de septembre 1862, et que je vous ai lu tantôt ; je vous avoue, messieurs, que j'ai peine à démêler dans ce considérant la pensée de M. le ministre de la justice. Veut-il expliquer la Constitution par les décrets de septembre et de décembre 1809 ? Cette thèse n'est vraiment pas soutenable. Car si la Constitution en proclamant la liberté des cultes a garanti aux particuliers la faculté de faire des fondations en faveur des cultes, elle a, par cela même, abrogé toutes les dispositions contraires. La loi nouvelle abroge la loi ancienne. C'est un principe de droit qui est vrai en tout temps ; c'est un principe du reste, qui est écrit dans l'article 138 de la Constitution.

M. le ministre prétend-il, au contraire, que la Constitution est muette sur la faculté de créer des fondations ; que c'est le décret du 30 décembre 1809 qui a réglé ce point ? Je répondrai d'abord que cette allégation est en contradiction avec l'idée qui est énoncée dans le premier considérant de l'arrêté ; là M. le ministre reconnaît que la faculté de créer une fondation en faveur des cultes résulte de la liberté des cultes, sauf bien entendu, dans son système, l'exception pour les missions. Ensuite je maintiens et je crois avoir démontré que non seulement c'est par la Constitution seule que nous devons résoudre la question, mais que le texte clair et général de la Constitution n'autorise aucune exception.

Mais je suppose, pour un instant, avec M. le ministre de la justice, que la Constitution ait déclaré que les fondations continueraient à être régies par la législation antérieure. Voyons quelle est cette législation.

Messieurs, il faut remonter jusqu'à la convention passée entre le pape et le gouvernement français le 26 messidor an IX et promulguée comme loi de la république le 18 germinal an X. Dans cette convention se trouve un article 15 ainsi conçu :

« Le gouvernement prendra également des mesures que pour les catholiques français puissent, s'ils le veulent, faire en faveur des églises des fondations. »

Le droit de créer des fondations était donc reconnu antérieurement au 30 décembre 1809.

L'article 50 des dispositions organiques, promulgué simultanément, prouve en outre spécialement que, à cette époque, les missions n'étaient pas des cérémonies proscrites. Voici comment s'exprime M. Gandry dans son ouvrage sur les fabriques :

« Les curés, les vicaires et les desservants remplissent ordinairement le ministère de prédicateurs ; mais dans les grandes paroisses, ou dans des circonstances extraordinaires, les prieurs appellent souvent des prêtres étrangers dans la chaire chrétienne. Ils y sont autorisés par l'article 50 de la loi organique du 18 germinal an X. »

Les missions étaient donc permises et les fondations en vue des missions étaient également permises en l'an X. Maintenant cet état du droit a-t-il été modifié par le décret du 26 septembre 1809 ?

Si je possède le texte exact de ce décret, je réponds non, l'état du droit n'a pas été modifié. Le décret fait cesser l'existence légale des associations de prédicateurs qui se vouaient exclusivement à l'œuvre des missions. Il interdit seulement les missions données par les membres de ces associations comme tels. Cela est si vrai que M. le ministre de la justice reconnaît lui-même que ce décret a été imprimé, mais non publié dans le bulletin des lois, c'est donc un décret personnel ; je vais plus loin, je dis que si les missions ont été défendues par le décret de septembre, elles ont été permises par celui de décembre, de sorte que du décret de septembre, il ne reste rien, après le décret de décembre, que la disposition qui dissout les associations de missionnaires.

Le décret de décembre statue en effet, article 32 : Les prédicateurs seront nommés par les marguilliers, sur la présentation du curé, et l'article 57 porte ceci :

« Les charges de la fabrique sont :

« 1°...

« 2° De payer l'honoraire des prédicateurs de l'avent du carême et autres solennités. »

Or, qu'est-ce qu'une mission, c'est une suite des prédications ou de sermons donnés par un ou plusieurs prêtres étrangers à la paroisse. Ainsi le décret de 1809, loin de défendre les prédications ou missions, ordonne que les honoraires des prédicateurs soient payés par les fabriques, il veut encore (article 92), qu'en cas d'insuffisance des revenus des fabriques, la commune leur vienne en aide.

Il est donc évident que des fondations peuvent être faites pour subvenir à cette charge.

En résumé l'arrêté du 13 septembre 1862 est basé sur une fausse interprétation de la Constitution, en second lieu sur une fausse interprétation du décret de 1809 il s'appuie erronément sur un décret de 1809 qui n a pas été publié, qui n'a qu'un caractère personnel et qui du reste serait aboli par la Constitution.

Il ne tient aucun compte de la convention de l'an IX et des articles organiques de l'an X.

Messieurs, permettez-moi de considérer l'arrêté du 13 septembre sous un autre point de vue. N'a-t-il pas une signification politique ? Pour moi messieurs, cet arrêté prouve une fois de plus que l'administration des cultes subit l'influence d'hommes peu bienveillants pour le culte catholique, et qui n’éprouvent pas un respect bien profond pour la liberté religieuse.

Cette influence grandit tous les jours. Jetez les yeux, messieurs, sur les actes qui touchent au culte et qui ont innové depuis quelques années.

Vous trouverez des arrêtés nombreux qui torturent et remanient des testaments contenant des fondations charitables avec institution d'administrateurs spéciaux.

L'honorable M. de Haussy est le premier qui ait donné l'exempt de cet arbitraire inouï dans un pays de liberté. Il a inauguré ce système, surtout pour écarter l'intervention du prêtre dans l'administration des fondations charitables.

Lorsque le sens de l'article 84 de la loi communale sur lequel s'étaient longtemps accordées la politique conservatrice et la vieille politique libérale, fut consacré par décision du pouvoir judiciaire, l'honorable M. Tesch déposa un projet de loi interprétatif pour centraliser et séculariser les fondations charitables.

Longtemps aussi les fabriques d'église ont pu distribuer les aumônes qui leur étaient confiées. N'est-il pas en effet prudent et sage de respecter les intentions d'un défunt riche qui veut qu'une partie de sa fortune arrive jusqu'aux pauvres en passant par les mains d'un ministre de la religion ou de personnes recommandables par la notoriété de leur foi et de leurs sentiments religieux ?

La politique nouvelle a jugé que la pensée éminemment sociale de l'âme chrétienne qui associe la religion au soulagement physique des misères humaines était un préjugé étroit.

Les aumônes, quelle que soit la volonté exprimée par le donateur, ne peuvent plus être distribuées aujourd'hui que par le bureau de bienfaisance.

La révision du code pénal a donné à M. le ministre de la justice une nouvelle occasion de marcher sur les traces des législateurs qui ont montré une profonde défiance à l'égard du clergé. Il a suspendu, comme eux, une menace perpétuelle sur la tête des prédicateurs.

Vous vous rappelez, messieurs, l'affaire du cimetière d’Uccle. Là et sur le terrain bénit, les droits des catholiques ont été foulés aux pieds (page 522) et du banc ministériel on a eu le courage d'applaudir a un acte de profanation.

Aujourd'hui, messieurs, c'est la liberté des fondations religieuses que l'on veut restreindre malgré la constitution qui la garantit, demain on enlèvera aux établissements catholiques d'instruction les ressources qu'ils trouvent dans les bourses fondées par des catholiques dans un but religieux et l'on privera les familles de leurs droits.

Plus tard ce sera l'administration tout entière du temporel du culte que l'on voudra réformer ; et pour tous indiquer sommairement l’esprit dans lequel cette réforme est projetée, permettez-moi, messieurs, de vous signaler, sans entrer dans une discussion prématurée, les dispositions qui concernent la composition des conseils de fabrique en nombre pair, avec voix prépondérante pour le président, l'intrusion des non-catholiques dans le conseil lorsque les fonctions de bourgmestre leur sont confiées la nomination de tous les membres par l'autorité civile, même de ceux que l'évêque conservera le droit de proposer, les conditions d'éligibilité qui sont modifiées et restreintes, l'obligation de soumettre dans tous les cas les budgets et les comptes à l'approbation des conseils communaux, enfin cette disposition qui refuse au curé la première place dans le conseil, à droite du président, à moins qu'il ne soit plus âgé que le bourgmestre, réforme infime de l'article 4 du décret de 1809, et dont tout le mérite consiste à abaisser le caractère sacerdotal devant le pouvoir laïque : même sur le terrain religieux.

Je ne parlerais pas, messieurs, du changement qui a été introduit dans le personnel de la direction des cultes, s'il n'avait une signification sur laquelle personne ne peut se méprendre.

Tous les faits, toutes les circonstances que je viens de rappeler, couronnées par la nomination du directeur actuel des cultes, ne démontrent-ils pas qu'un complot est formé contre la liberté religieuse et contre la Constitution qui garantit cette liberté ? que les rôles sont distribués, que les obstacles sont successivement écartés et que l'œuvre va se poursuivre avec une nouvelle activité ?

Messieurs, s'il fallait donner une autre preuve de cette conjuration que je dénoncerais au pays si M. le ministre de la justice ne parvenait à dissiper mes soupçons trop légitimes, je vous dirais : Ouvrez et lisez ce livre. (Interruption.)

C’est l'ouvrage d'un professeur de l'université de l'Etat, de M. Laurent Tesch, professeur à Gand.

Messieurs, un journal de Bruxelles a donné hier quelques extraits de ce livre.

J'ai voulu les revoir dans l'ouvrage lui-même. J'ai passé une partie de la nuit à le lire (Interruption), et je vous déclare que je suis resté stupéfait de l'audace et du cynisme avec lequel un fonctionnaire de l'Etat attaque la religion, le clergé le congrès et la Constitution.

M. le président. - La parole est à M. Magherman.

M. Magherman. - Messieurs, je me propose de parler dans un tout autre ordre d'idées que l'honorable orateur qui vient de se rasseoir

S'il y avait un membre qui eût l'intention de lui répondre il vaudrait peut-être mieux d'épuiser d'abord cette matière.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, l'honorable préopinant attaque un arrêté pris par le département de la justice le 13 septembre dernier et il l’attribue à une conjuration contre la liberté des cultes.

Il considère cet acte comme la continuation des atteintes déjà portées et le présage de nouvelles atteintes à la liberté des cultes.

Si je parviens à convaincre l'honorable orateur que cet arrêté est en tous points conforme aux véritables principes du droit, il voudra bien renoncer, je pense, à la supposition que c'est le résultat d'une conjuration et toutes ces accusations devront bien tomber d'elles-mêmes.

Messieurs, l'arrêté du 13 septembre résout une simple, question de droit. Il me paraît, à ce point de vue, complètement inattaquable.

L'honorable membre n'est parvenu à le trouver contraire à la Constitution qu'en parlant d'une pétition de principe et en prêtant à l'arrêté des considérants qu'il n'a pas.

Quelle est, messieurs, la question ?

Une fondation est faite pour la tenue d'une mission.

Cette fondation est soumise à l'approbation de la députation permanente du Luxembourg qui déclare qu'il ne peut être créé de fondations pour cette cérémonie du culte.

Pourvoi devant le gouvernement. Le gouvernement maintient l'arrêté de la députation permanente.

Le gouvernement a-t-il eu raison. La députation du Luxembourg avait-elle bien jugé ?

Si, comme le prétend l'honorable M. Thibaut, le droit de fondation résulte de la proclamation de la liberté des cultes, je comprends son raisonnement et son appréciation ; mais pour moi le droit de fonder et la liberté des cultes, l'exercice public du culte sont des choses tout à fait distinctes.

Le droit de fonder ne résulte pas de la Constitution. Le droit de fonder ne résulte pas de la proclamation par notre pacte fondamental de la liberté des cultes et de la garantie donnée à son exercice public.

Le droit de fonder ne peut jamais résulter, dans mon opinion, que d'une loi qui autorise à fonder et qui déclare dans quelle circonstance on peut fonder.

La personnification civile, l'étendue des droits qui en résultent ne sont jamais la conséquence de la proclamation d'un principe, de la proclamation d'une liberté.

Cela est tellement vrai qu'aujourd'hui en Belgique, il y a des cultes qui s'exercent librement, et qui n'ont pas encore la personnification civile.

Ainsi je prétends que le culte israélite n'a pas la personnification civile en Belgique et qu'il est complètement impossible de fonder en faveur de ce culte.

Le culte anglican ne jouit pas de la personnification civile en Belgique et il serait impossible de faire une fondation en faveur du culte anglican.

Prétendra-t-on que la liberté des cultes n'existe pas parce que ces cultes ne jouissent pas de la personnification civile ?

Il n'y a en Belgique que deux cultes qui jouissent de lâ personnification civile, le culte catholique et le culte protestant.

Le culte catholique en jouit en vertu du concordat et des articles organiques, et le culte protestant en vertu des mêmes articles qui ont été décrétés en même temps que la loi organique du concordat.

M. Vilain XIIII. - Les juifs ont cependant des synagogues et des cimetières.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Ils ont des synagogues et des cimetières, mais ces synagogues et ces cimetières sont possédés par des particuliers ; la propriété repose sur la tête de personnes naturelles, tout au moins, légalement, cela doit être ainsi.

La personnification civile n'existe pas en faveur du culte israélite. Cela est tellement vrai, que d'après le décret de 1808 relatif au culte juif, les frais sont payés par une cotisation personnelle.

Je sais qu'on a soutenu le contraire, et entre autres M. Tielemans tire de la liberté des cultes proclamée par la Constitution, la conclusion que le culte juif jouit de la personnification civile.

Je ne puis admettre ce système. La personnification civile ne peut résulter que d'un texte clair, précis qui l'accorde et qui l'organise, car l'organisation est nécessaire pour que la déclaration du principe soit opérante.

Il faut savoir par qui la personne que l'on crée sera représentée, de quelle manière, dans quels cas et dans quelles conditions elle manifestera son existence.

Ainsi, par exemple, la Constitution a proclamé la liberté d'association.

La liberté d'association est illimitée. Prétendrez-vous en tirer la conséquence que les associations ont la personnification civile ? Le cas est identique. Si de la liberté des cuites vous pouvez conclure à la personnification civile, vous devez tirer la même conclusion de la liberté d'association et de toutes les autres libertés proclamées par la Constitution. Cela n'est pas admissible.

La personnification civile ne résulte pas, je le répète, d'un article de la Constitution ; la personnification civile résulte pour le culte catholique du concordat et des articles organique et du décret du 30 décembre 1809.

Eh bien, qu'était-il permis de faire sous le concordat ? Qu'était-il permis de faire sous le décret de 1809 ? Quelle est encore aujourd'hui la législation en France ?

Examinons.

L'honorable M. Thibaut a versé sous ce rapport dans les erreurs les plus manifestes, les plus absolues. Il s'est placé tout à fait à côté de la vérité.

Les misions ont été interdites formellement, par un décret du 7 prairial an XII ; cette interdiction fut renouvelée par un décret du mois de septembre 1809 et lorsque parut le décret du 30 décembre de la même année, il était déjà de jurisprudence constante en France, qu'il n'était pas permis de léguer en faveur des missions, et cette jurisprudence existe encore actuellement dans ce pays.

page 523) En 1816, le gouvernement de la restauration avait autorisé les missions, et immédiatement après la révolution de juillet, un décret de 1830 révoquait cette autorisation comme étant illégale.

La preuve manifeste que les missions n'étaient pas tolérées sous l'empire ni à l’époque du concordat, ni lors du décret de 1809, c'est que sous la restauration on a dû porter un décret pour les établir, décret qui, comme je viens de le dire, a été aboli en 1830.

Je vais, messieurs, à l'appui de ce que j'avance, vous donner lecture d'une lettre du 12 novembre 1849, du directeur général de l'administration des cultes, qui confirme mon assertion.

« Paris, 12 novembre 1840.

« Monsieur le préfet,

« Par acte notarié du 28 février 1849, la demoiselle Audraud, religieuse de l'ordre de la Visitation à Riom, a fait donation à la fabrique de l'église succursale de Cellule d'une rente annuelle et perpétuelle de 100 fr., à la charge par cet établissement d'employer, tous les quinze ans, les arrérages cumulés de cette rente à faire donner, dans l'église précitée, une station extraordinaire ou mission.

« Il résulte des termes de la donation que la demoiselle Andraud a entendu affecter la rente dont elle a disposé à l'établissement d'une mission dans la commune de Cellule.

« Aux termes des décrets des 7 prairial an XII (27 mai 1804), articles 7, et 26 septembre 1809, toute mission à l'intérieur est interdite. Suivant la jurisprudence du conseil d'Etat, et notamment deux avis des 9 octobre 1810 et 13 octobre 1830, les libéralités ayant pour objet de faire des missions na peuvent être autorisées.

« Dans cet état de la législation et de la jurisprudence, la donation de la demoiselle Andraud n'est donc point, telle qu'elle est formulée, susceptible d'approbation.

« Toutefois, si cette demoiselle consentait à affecter les arrérages de la rente dont il s'agit, non plus à la fondation d'une mission, mais à des prédications ou stations périodiques faites par des prêtres du diocèse de Clermont, rien ne s'opposerait à ce que la donation pût recevoir son exécution.

« Je vous prie, M. le préfet, de porter ces observations à la connaissance de la demoiselle Andraud. Dans le cas où elle voudrait modifier dans ce sens ses premières dispositions, elle devrait constater ses intentions dans un nouvel acte notarié. »

Telle était la jurisprudence en France. Il y a des avis du conseil d'Etat de 1810 contemporains par conséquent du décret de 1809, dans lesquels les missions étaient déjà déclarées prohibées en France, et cette jurisprudence a toujours été suivie jusqu'à présent.

On a cité Gaudry, mais Gaudry dit la même chose. L'honorable M. Thibaut ne l'a pas lu en entier. Gaudry, après avoir cité le même décret de septembre 1809, ajoute : Ainsi les missions à l'intérieur ne sont pas légalement reconnues, et il rappelle tout l'historique que je viens de faire.

L'abbé André, au mot « Mission », reconnaît également qu'en France les missions sont interdites.

Je n'ai pas trouvé un seul auteur parmi tous ceux qui ont commenté le décret de 1809, qui ait soutenu que les missions aient été permises soit sous l'empire, soit à l'époque actuelle.

M. Thibaut. - Il s'agit de missions faites par des missionnaires.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je viens de vous lire une lettre émanée du directeur des cultes, écrite dans un cas identique à celui-ci ; il s'agissait aussi de missions à donner et l'administration déclara que le legs ne pouvait être accepté, parce que les missions à l'intérieur sont prohibées.

Aucun auteur ne fait de distinction entre les missions données par des missionnaires et celles données par d'autres prêtres ; tous disent sans distinction : les missions à l'intérieur sont prohibées.

Cela étant, messieurs, les missions étant prohibées et les personnes civiles n'ayant de droits que ceux qui leur sont attribués par la loi, peut-on soutenir sérieusement que le législateur de 1809, par son décret du 30 décembre, ait voulu permettre les fondations en faveur des missions qu'il venait d'interdire ?

Or, là est toute la question !

Oh ! je comprendrais parfaitement l'argument de l'honorable M. Thibaut si les missions n'avaient pas été prohibées, mais il est évident que le législateur qui les a prohibées n'a pu vouloir autoriser des fondations en leur faveur.

On ne peut pas autoriser les fondations pour une chose que l'on déclare interdite.

J'ai donc appliqué les véritables principes en n'autorisant pas la fondation dont il s'agit. Dans mon opinion, il n'y a pas de fondation possible pour les missions.

Si la loi déclarait que le décret de 1809 est applicable aux missions, évidemment vous pourriez recevoir pour les missions, mais aussi longtemps que le décret qui organise les fabriques d'église, qui détermine ses droits, n'aura pas été modifié dans ce sens, vous aurez bien, en vertu de la Constitution et au point de vue religieux, le droit de faire des missions, aussi souvent que vous le voudrez, mais vous ne pourrez pas créer des fondations dans ce but.

Il faut distinguer entre l'exercice du culte et les fondations ; les missions sont parfaitement libres, on peut en faire tant que l’on veut ; le pouvoir civil n'a absolument rien à y voir, il n'a nullement la prétention de les empêcher ; mais créer des fondations pour les missions, cela n’est pas admissible.

Je le répète, messieurs, les personnes civiles, à la différence des personnes naturelles, n'ont que les droits que la loi leur donne, tandis que les personnes naturelles ont tous les droits que la loi ne leur enlève pas.

Je soutiens donc que l'arrêté du 23 septembre est conforme aux véritables principes.

Je n'ai, messieurs, examiné dans cette affaire que la question de droit ; j'ai trouvé qua l'arrêté de la députation permanente du Luxembourg était conforme aux principes et qu'il devait être maintenu. Je ne crois pas qu'au point de vue du droit il puisse être attaqué.

J'ignore si j'ai convaincu l'honorable M. Thibaut ; mais il doit voir, par ce que je viens de dire, qu'il n'y a dans la décision que j’ai prise aucune espèce d'hostilité contre le culte ; la meilleure preuve, c'est que ce n'est pas le gouvernement qui a pris la décision première ; si vous prétendez qu'il y a hostilité, vous devez commencer par en accuser la députation permanente du Luxembourg.

Je ne crois pas que vous ayez le droit de lui faire un pareil reproche ; j'ajouterai même que l'honorable président de la députation, aujourd'hui gouverneur du Brabant, m'a dit que dans des cas analogues la députation permanente avait toujours décidé de la même manière et qu'il n'y avait jamais eu de difficultés à ce sujet.

Voilà ce que m'a déclaré l'honorable gouverneur du Brabant qui avait longtemps présidé la députation permanente du Luxembourg.

C'est, je pense, une réponse péremptoire à ce reproche d'hostilité que vous venez de m'adresser.

Ai-je besoin de répondre à un autre grief qui a été articulé contre nous : On nous dit : la politique nouvelle est systématiquement hostile au culte ; mais, messieurs, il y a là une confusion qui se produit toujours à dessein. Cette politique, qui n'est pas si nouvelle, attendu qu'il y a 15 ans qu'elle est pratiquée, ce qui forme à peu près la moitié de notre existence nationale, cette politique nouvelle n'a jamais posé un acte hostile au culte, mais cette politique a toujours cherché à maintenir les personnes civiles dans la sphère de leurs véritables attributions et à ne pas créer des fondations en dehors des dispositions de la loi.

Voilà quelle a été cette politique, et tous vos reproches reposent exclusivement sur une confusion ente la liberté des cultes et le droit de fondation.

Lorsque des donations ou des legs ont été faits pour le culte proprement dit, pour tout ce qui a réellement rapport au culte, les fabriques d'église ont été autorisées à accepter.

Avez-vous vu des donations refusées ? Avez-vous vu beaucoup de donations réduites, alors même qu'il y avait des réclamations de la part des héritiers ?

Cette hostilité n'existe pas, elle n'a pas existé, elle n'existera pas.

Mais lorsque vous réclamez la personnification civile en dehors des attributions que la loi donne aux fabriques d'église, lorsque vous réclamez pour les fabriques le droit de fonder des écoles, de distribuer des aumônes, lorsque vous introduisez la confusion dans toutes les administrations, confusion que nous croyons préjudiciable à l'intérêt social, alors vous nous trouverez en opposition avec vous, mais ce n'est pas le culte que nous attaquons, c'est l'abus de la personnification civile, que nous voulons empêcher.

De l'hostilité pour le culte, nous n'en mettons dans aucun de nos actes, mais nous cherchons à maintenir les différentes administrations dans les attributions qui sont assignées par la loi.

Ce sont des faits que nous regardons comme abusifs qui ont amené le gouvernement à proposer une loi à la Chambre pour repousser les administrateurs spéciaux ; la Chambre a adopté la loi nous, l'exécutons. La Chambre est donc complice, sous ce rapport des actes que nous posons ; (page 524) c'est une politique que nous pratiquons avec l'assentiment des Chambres, et je ne sais pas à quel titre on vient nous en faire un grief.

Je vous disais, messieurs, que jamais aucune hostilité n'avait été manifestée à l'égard des cultes. En effet, quand il s'est agi de subsides soit pour créer de nouvelles succursales soit pour les édifices consacré au culte, est-ce que jamais vous avez trouvé que l'opinion libérale fît moins que ce qui avait été fait auparavant ? A-t-elle jamais cherché à réduire sous aucun rapport les sacrifices que l'Etat s'était imposés ?

Ces subsides ont été bien plutôt augmentés que diminués ; et je défie qui que ce soit de citer un seul cas où un membre de l'administration libérale aurait manifesté l'hostilité qu'on nous reproche.

A l'occasion de cette discussion, on a, messieurs, fait allusion à une nomination qui a été faite dans mon département.

Cette nomination est encore inattaquable. A propos des cultes, on va rechercher les opinions du fonctionnaire qui a été placé à la tête de la direction des cultes.

Je déclare que je ne connais pas ses opinions religieuses ; mais ce fonctionnaire avait tous les droits pour être appelé à cette direction.

C'est un fonctionnaire capable, c'était le plus ancien ; il y avait une réforme à faire dans l'administration ; cette nomination permettait de réaliser une économie.

Le fonctionnaire qui a été remplacé était arrivé à un âge qui certes autorisait le ministre de la justice à le faire mettre à la pension. On ne pourra pas prétendre sans doute qu'on s'est débarrassé de l'ancien titulaire pour faire place à un autre ; car je défie de citer une seule administration où un fonctionnaire ait été conservé dans son emploi jusqu'à un âge aussi avancé que celui qu'avait atteint le fonctionnaire auquel on fait allusion.

Maintenant, messieurs, avons-nous à discuter dans cette enceinte si un homme qui aura un parent appartenant à l'une ou à l'autre opinion devra être déclaré incapable d'exercer des fonctions dans l'Etat ? Car on est allé jusque-là. Il se trouve que le fonctionnaire placé à la tête de ce département est le parent d'un professeur qui a été attaqué, dont les opinions ne sont pas conformes à celles de l'honorable M. Thibaut.

Vous entendez qu'il doit y avoir là solidarité. J'avoue que ce sont de nouvelles doctrines très peu constitutionnelles, - alors qu'on invoque si souvent la Constitution -qui se font jour dans cette enceinte. Je devrais donc quitter le banc ministériel parce que le professeur dont on a cité un ouvrage (que je n'ai pas eu le temps de lire jusqu'à présent) est mon parent !

Est-ce là votre théorie ?

Si cela n'est pas, qu'est-ce ? De quel droit venez-vous me faire un procès de ce chef ? C'est sans doute en vertu des principes de la tolérance ? (Interruption.)

Je ne veux pas m'expliquer ! De quel droit me forceriez-vous à m'expliquer sur les opinions d'autrui, à m'expliquer sur un livre que je n'ai pas méme encore lu, je le répète. (Nouvelle interruption.)

Je l'aurais lu que je ne discuterais pas ici ses opinions. De quel droit venez-vous me demander de m'expliquer sur les opinions de n'importe qui ?

Je comprendrais que vous me demandiez de m'expliquer sur les opinions professées par un membre du cabinet, parce que là il y a une certaine solidarité d'opinion ; mais au point de vue constitutionnel, vous n'avez nullement le droit d'introduire dans le débat un homme des opinions duquel je n'ai pas à répondre. (Interruption.)

Je n'ai jamais attaqué aucun de vous, à raison d'opinions professées par un de vos parents ; pourquoi donc vous croyez-vous ce droit à mon égard ?

Si c'est à titre de fonctionnaire public, il fallait faire vos observations lorsqu'on a discuté le budget de l'intérieur ; ce fonctionnaire ressortit au département de l'intérieur ; il est professeur dans une des universités de l'Etat.

Vous ne l'avez pas fait ; c'est donc à titre de parent que vous venez soulever aujourd'hui cette question, et c'est là un terrain sur lequel je ne vous reconnais pas le droit de placer une discussion.

M. Van Overloop. - Messieurs, j'admets, avec M. le ministre de la justice, que le droit de fondation ne résulte pas de la liberté des cultes et de celle de leur exercice public proclamées par la Constitution ; j'admets avec lui que le droit de fonder, c'est-à-dire de créer une personne civile, ne peut résulter que de la loi.

L'honorable ministre a dit que parmi les cultes reconnus en Belgique, il n'en est que deux qui jouissent de la personnification civile : ce sont le culte catholique et le culte protestant ; M. le ministre de la justice prétend que le culte anglican et le culte Israélite ne jouissent pas de la personnification civile et qu'ils ne possèdent, à titre de communion, ni leurs temples, pour les anglicans, ni leurs synagogues, pour les israélites, ni leurs cimetières, pour les uns et pour les autres.

Eh bien, voici la conclusion que je tire de ce fait, moi qui veux la liberté des cultes pour tout le monde, parce que la Constitution a proclamé la liberté des cultes pour tout le monde ; je crois qu'il est du devoir de M. le ministre delà justice de nous proposer un projet de loi qui ait pour but de mettre le culte israélite et le culte anglican sur la même ligne que le culte catholique et le culte protestant.

Je crois que l'égalité devant la Constitution de tous les cultes professés par des Belges, exige qu'on arrive à cette conséquence.

Je crois que tout culte doit, dans un Etat bien organisé, avoir le moyen de satisfaire à ses besoins permanents ; je crois, par conséquent, que toute communion religieuse doit avoir le droit de posséder, à titre de communion religieuse, je le répète, son temple et son cimetière dans chaque localité où elle existe.

Je crois que ce sont là les véritables principes constitutionnels et j'espère que M. le ministre de la justice osera tirer de la Constitution les conséquences qui en résultent nécessairement, selon moi.

Je le déclare franchement, j'ignorais que les Belges anglicans et israélites ne pussent pas posséder, à titre de communion religieuse, leurs temples et leurs cimetières.

Eh bien, le sachant maintenant, je crois qu'il faut que ces deux cultes soient mis sur la même ligne que le culte catholique et le culte protestant.

Je crois qu'il faut constitutionnellement qu'on accorde à toutes les communions religieuses, à titre de communion religieuse, le droit de posséder leurs temples et leurs cimetières.

Il me reste un mot à dire relativement à la question soulevée par l'honorable M. Thibaut.

Je ne connais pas l'affaire de Mont, je me rappelle en avoir lu quelque chose dans les journaux ; mais je l'avais perdue de vue.

J'ai à présenter une observation que la discussion m'a suggérée.

En vertu du décret qui accorde la personnification civile aux paroisses du culte catholique, je pense que l'autorisation pouvait être accordée à la fabrique de l'église de Mont, d'accepter la libéralité qui lui avait été faite pour la tenue de missions.

Qu'invoque M. le ministre de la justice, pour refuser cette autorisation ? Une disposition exceptionnelle, prise pendant notre réunion à la France et qui existe encore en France, si j'ai bien compris ; une disposition qui interdit les missions, c'est-à-dire une manifestation du culte catholique. Or, cette disposition n'existe évidemment plus sous l'empire de nos principes constitutionnels. Il est d'autant plus inadmissible de l'invoquer, qu'elle n'a pas même été publiée en Belgique, d'après ce que vient de dire, si je ne me trompe, mon honorable ami, M. Thibaut.

Voici le raisonnement que la discussion m'a suggéré à l'instant même.

En vertu de la liberté des cultes et de celle de leur exercice public, les catholiques belges ont le droit de manifester leur foi par des missions. D'un autre côté, en vertu des lois organiques sur la matière, les fabriques d'église sont capables d'accepter, bien entendu moyennant due autorisation, les libéralités destinées à la manifestation de la foi catholique. J'en conclus que le gouvernement a le droit d'autoriser l'acceptation de libéralités destinées à la tenue des missions. La législation exceptionnelle qui interdisait les missions ayant été abrogée par la Constitution, on ne peut pas l'invoquer pour refuser d'autoriser l'acceptation d'une libéralité destinée à la tenue d'une mission. Cela ne serait pas logique.

Je ne m'attendais pas, messieurs, à voir l'honorable M. Thibaut soulever la question relative à la fabrique de l'église de Mont, mais je n'ai pas cru pouvoir me dispenser, dans l'intérêt de la liberté des cultes, de répondre quelques mots aux observations de M. le ministre de la justice.

M. Magherman. - Je ne me suis associé qu'avec une certaine répugnance aux votes qui ont pour objet l'augmentation des traitements. J'ai voté contre les propositions qui me paraissaient exagérées. J'ai constamment adopté les chiffres les plus modérés. Et en effet, messieurs, si d'un côté nous devons faire aux fonctionnaires une position convenable, d'autre part nous devons ménager l'intérêt du trésor, qui est celui des contribuables, et ceux-ci sont de beaucoup les plus nombreux.

Le gouvernement a fait valoir pour motiver ces augmentations l’enchérissement de tous les objets indispensables à la vie, les nécessités sociales auxquelles sont astreints les fonctionnaires d'un certain rang.

C'est pourquoi dans l'ordre judiciaire, depuis le premier président de la cour de cassation jusqu'au plus modeste commis greffier ; dans l'ordre administratif, depuis les gouverneurs de province jusqu'aux plus infimes des commis de bureau ; dans l'armée, depuis le lieutenant général (page 525) jusqu'au simple soldat et en général dans toutes les administrations, tous les fonctionnaires depuis le premier jusqu'au dernier degré de l'échelle hiérarchique recevront une augmentation de traitement ou de solde.

Pourquoi donc est-il fait exception à cette mesure générale en ce qui concerne le clergé catholique seulement ? Car les clergés protestant et israélite reçoivent également ure augmentation générale. Est-ce là de la justice, est-ce de l'impartialité ?

Le traitement des évêques est élevé à la même somme que celui des gouverneurs des provinces. Cela est juste. Mais les vicaires généraux, les chanoines et les professeurs de séminaires ne reçoivent aucune augmentation. Cependant les uns et les autres, qui forment le conseil de l'évêque, doivent habiter le chef-lieu du diocèse. Ces chefs-lieux sont des villes de premier ou de second ordre, où les loyers sont élevés. Et cependant quel est le traitement des chanoines ? Ils reçoivent fr. 2,047-50 Retranchez-en le loyer, que leur reste-t-il pour vivre ? Il est vrai, quelques-uns sont en même temps directeurs spirituels de l'une ou de l'autre institution ; mais ce sont là des faits purement accidentels. Du casuel, ils n'en ont pas.

Quant aux curés primaires et secondaires, on objecte qu'ils ont un casuel élevé. Messieurs, ce casuel est ce qu'il est depuis longtemps, il n'augmente pas. Et cependant si toutes les choses indispensables à la vie augmentent, évidemment vous leur refusez l'amélioration de situation que vous accordez à tous les fonctionnaires de l'Etat.

J'ajouterai que presque tous les curés primaires sont doyens. Cette qualité les astreint à recevoir fréquemment le clergé de leur ressort ; ils leur doivent une hospitalité convenable, et cela les entraîne à des frais qui sont beaucoup plus élevés qu'autrefois. II est vrai qu'on accorde une modique augmentation aux curés de deuxième classe lorsqu'ils ont atteint l'âge de 60 ans. Mais avant qu'ils aient atteint cet âge, les objets les plus indispensables à la vie ne sont-ils pas augmentés de prix comme pour tout le monde ?

Si l'on compare les propositions du gouvernement en faveur du clergé catholique, propositions admises par la section centrale, à ce qui est admis ou proposé pour toutes les branches des administrations de l'Etat, il y a là une inégalité choquante qui doit frapper tous les regards.

J'aborde un autre ordre de faits :

La commission royale des monuments a constaté par ses délégués que pour mettre dans un état convenable les édifices religieux du royaume qui présentent un caractère monumental et à la conservation desquels tout le pays est intéressé, il ne faut rien moins qu'une somme de près de vingt millions (19,157,967 fr.). Les travaux indispensables et urgents s ot évalués à fr. 6,329,668.

Si ces travaux urgents ne s'exécutent pas dans un assez bref délai, les détériorations vont acquérir des proportions considérables, et au lieu de vingt millions, dans quelques années il en faudra trente. Le budget de l'exercice 1862 contenait une allocation extraordinaire de 525,000 francs pour travaux de restauration aux édifices religieux ayant un caractère monumental. Je pense qu'il aurait été très prudent de maintenir cette somme dans le budget actuel, même de la majorer, pour faire face à des besoins si étendus.

M. le président. - J'ai oublié de demander tout à l'heure à M. le ministre de la justice s'il se ralliait à la modification proposée par la section centrale.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Oui, M. le président.

M. Guillery. - J'ai demandé la parole, messieurs, pour proposer un amendement à l'article qui est maintenant en discussion.

Mais avant d'aborder les développements de cet amendement, il m'est impossible de ne pas saisir la première occasion qui se présente pour protester contre la doctrine émise par les honorables MM. Thibaut et Van Overloop.

Dans ce discours, destiné à défendre toutes les libertés, l'honorable M. Thibaut a proclamé le principe que les professeurs des universités de l'Etat sont, par suite de leurs fonctions ou par suite de leur parenté avec des membres du gouvernement, privés du droit le plus sacré que possèdent tous les Belges, du droit de la libre expression de la pensée et de la conviction.

Je n'ai pas à m'expliquer sur l'ouvrage en lui-même dont il a été question, ouvrage dont j'ai parfaitement le droit de dire que je ne l'ai pas lu ; je n'ai pas à examiner quelle peut être la doctrine défendue par l'auteur. Mais ce que je dis et ce que j'ai le droit de dire, c'est que, quelle que soit cette doctrine, l'auteur a le droit de la défendre ; c'est que la liberté des cultes, la liberté de la pensée est entière, complète en Belgique, qu’elle l'est pour les professeurs des universités de l'Etat comme pour les autres citoyens.

La liberté, d'après ces honorables membres, la liberté d'un fonctionnaire, d'un professeur serait enchaînée non seulement dans sa chaire, mais même dans ses écrits.

Il ne lui serait pas possible, sous l'empire de notre Constitution, de venir développer dans un livre où, après tout, le gouvernement n'a rien à voir, de venir développer dans un livre la doctrine qui est le résultat de ses longues, laborieuses et savantes études. C'est-à-dire, messieurs, qu'un livre qui fait à la Belgique un grand honneur, un grand renom, qui, dans d'autres pays, a fait sensation, serait en Belgique, dans les Chambres belges, frappé de censure et qu'on devrait, d'après les honorables membres, engager le gouvernement à en interdire la publication.

M. Van Overloop. - Je n'ai pas dit un seul mot du livre.

M. Guillery. - Alors j'en laisse toute la responsabilité à votre honorable ami ; mais il m'avait paru que l'honorable M. Van Overloop adhérait à cette doctrine. Il nous dit le contraire ; je l'en félicite bien sincèrement.

Jusqu'à présent, messieurs, cette doctrine n'avait pas encore été professée dans cette Chambre. On a soutenu qu'en chaire les professeurs de l'université de l'Etat n'étaient pas entièrement libres ; on a soutenu que l'Etat pouvait et devait intervenir dans certaines circonstances. C'est une doctrine que je combats, mais que je connais.

Mais peut-on soutenir que les professeurs ne pourraient pas, sous peine d'engager la responsabilité ministérielle, publier, non pas un pamphlet, une brochure, mais un livre scientifique, un livre considérable, un livre dont on permettrait la vente dans les pays mêmes où n'existe pas la liberté de la presse ? Conçoit-on qu'on vienne dénoncer un pareil livre à la tribune nationale d'un pays comme le nôtre ?

S'il s'agissait de la liberté du professeur en chaire, je la défendrais comme je défends sa liberté d'écrivain, parce que, selon moi, la science n'admet pas de contrôle : je crois que le professer de l'université de l'Etat comme celui de l'université libre doit être complètement indépendant dans l'exposé des théories qu'il a à développer devant ses élèves ; sans cela le professeur ne serait plus qu'un employé qui viendrait développer en chaire les théories qu'un gouvernement incompétent lui aurait dictées d'avance, c'est-à-dire qu'en réalité il n'y aurait plus de liberté scientifique, il n'y aurait plus de science dans nos universités.

Après avoir fait cette proposition, messieurs, j'aborde le sujet de mon amendement.

L'article 27 du chapitre VIII est ainsi libellé :

« Clergé supérieur du culte catholique : fr. 317,450. »

Le chiffre de 1862 n'était que de 311,700 fr. ; l'augmentation provient de ce que le gouvernement nous propose de porter le traitement des évêques, qui est actuellement de 14,700 francs, à 17,000 francs ; c'est une augmentation de 2,300 francs. (Interruption.) La section centrale propose de ne l'augmenter que de 1,700 francs. Je viens proposer à la Chambre de ne pas l'augmenter du tout.

L'amendement est ainsi conçu, article 27 : « Clergé supérieur du culte catholique : 311,700 fr. au lieu de 317,450 fr. »

Je crois, messieurs, que lorsque cette Chambre et l'opinion publique se sont préoccupées de la nécessité d'augmenter les traitements, ce n'est pas précisément vers les évêques que se portaient la plus grande sollicitude. On n'a pas oublié que très souvent le gouvernement s'est trouvé dans l'impossibilité de faire droit à des réclamations qui n'étaient que trop légitimes.

Je crois que nous pouvons, sans danger pour la liberté des cultes et pour la position des membres du clergé dont il s'agit, maintenir leur traitement tel qu'il existe, c'est-à-dire faire ce qu'on propose de faire pour les curés de première classe. Le gouvernement, avec sagesse, propose l'augmentation des traitements des desservants et des vicaires ; il y avait lieu d'améliorer des positions par trop malheureuses.

Pour les curés de première classe qui ont des émoluments très considérables, on a trouvé qu'il n'y avait pas lieu de les augmenter ; pour les vicaires généraux dont le traitement n'est que de trois mille francs et qui sont surchargés d'affaires plus considérables qu'aucun autre membre du clergé, on ne demande pas d'augmentation.

Pour les évêques, le chiffre de 14,700 francs est suffisant pour leur permettre de subvenir aux dépenses qu'exige leur position, quelque élevée qu'elle soit.

Les considérations qu'on a fait valoir en faveur de l'augmentation des gouverneurs ne peuvent pas être invoquées ici : la nécessité d'une représentation, les dépenses qui résultent de la position des gouverneurs, n'existent pas pour les évêques.

Les évêques, je le dis à leur louange, mènent une vie modeste, une vie (page 526) d'intérieur ; ou ne peut pas réclamer pour eux les mêmes frais de représentation que pour les gouverneurs.

La section centrale nous apprend que les évêques ont un casuel assez considérable. Je sais qu'une lettre a été adressée à M. le rapporteur de la section centrale par le secrétaire de l'évêché de Liège pour protester contre l'existence du casuel.

Je crains qu'on n'ait joué sur les mots. Je commence par dire que je ne pense pas, comme M. le secrétaire de l'évêque de Liège, que l'existence d’un casuel puisse porter atteinte à la dignité épiscopale.

Que le revenu soit considérable, je ne demande pas mieux ; ce que je demande, c'est qu'on ne prélève pas sur les ressources de l'Etat plus qu'il n'est nécessaire.

Les évêques jouissent de la mense épiscopale, vous pouvez vous en assurer par la lecture du décret du 6 novembre 1813.

L'article 29 porte :

« Les archevêques et évêques auront l'administration des biens de leur mense, ainsi qu'il est prescrit par les articles 6 et suivants du présent décret. »

Nous voyons par l'article 6 que les archevêques et évêques exercent les droits d'usufruit, ils en supportent les charges, 1e tout ainsi qu'il est établi par le code civil et conformément aux explications et modifications ci-après :

Ainsi ils ont la jouissance, l'usufruit de tout ce qui constitue la mense épiscopale.

Cela est tellement vrai qu'en cas de décès d'un évêque les scellés sont apposés immédiatement afin que le successeur reçoive intacts les biens qui lui sont transmis.

Il sera nommé un commissaire pour l'administration des biens de la mense épiscopale pendant la vacance. Dans l'intervalle depuis le jour du décès jusqu'à la nomination du successeur, le commissaire régira, les revenus de la mense sont au profit du successeur à partir du jour de la nomination.

Je demande s'il n'est pas démontré par les articles que j'ai cités que les revenus de la mense appartiennent à l'évêque.

Mais je suppose qu'il n'ait aucun casuel et que l'évêque n'ait qu'un traitement de 14,700 fr., je le regarde comme parfaitement suffisant et je propose à la Chambre de s'en tenir à ce chiffre.

M. Thibaut. - Je désir messieurs, répondre quelques mots à M. le ministre de la justice. Je persiste à croire qu'en vertu de la liberté constitutionnelle des cultes, on peut créer des fondations en faveur de toutes les cérémonies des cultes qui jouissent de la personnification civile. Or tel est le culte catholique ; il est représenté par les fabriques. Les missions étant une des formes extérieures, une des cérémonies du culte catholique, je pense qu'on peut fonder une mission, c'est-à-dire donner à une fabrique, à la charge de faire célébrer une mission.

Mais en supposant que telle ne soit pas la portée de la loi constitutionnelle, faut-il admettre que M. le ministre a le droit de refuser à une fabrique l'autorisation d'accepter une donation pour mission, en invoquant un décret du 26 septembre 1809 qui n'existe plus ?

En vertu des lois de l'an IX et du décret de 1809, les fabriques peuvent recevoir des libéralités pour toutes les cérémonies du culte ; les missions ne sont exclues que si, comme on le prétend, elles ne pouvaient être célébrées.

Mais aujourd'hui elles sont permises. Toute exception la liberté de l'exercice du culte a disparu ; toute exception à la faculté de donner en faveur du culte doit disparaître également.

Un mot maintenant à 1'honorabie M. Guillery.

Je ne prétends pas qu'il faille ôter toute liberté aux professeurs des universités de l'Etat dans leur enseignement. Je ne veux pas limiter la science, lui donner un cadre. Loin de moi cette pensée. Mais quand j'ai cité et blâmé un livre de M. Laurent sans provoquer des explications de M. le ministre sur les opinions qui y ont exprimées, je crois que j'étais dans mon droit. Je pouvais même demander s'il les désavouait et les blâmait comme moi.

- Plusieurs voix. - Non ! non ! (Interruption !)

M. Thibaut. - Comment, non ! Si le professeur ne s'était occupé que de science, je n'aurais certainement rien eu à dire ; mais lorsqu'un homme investi de fonctions importantes dans l'Etat fait le procès à la Constitution et au Congrès qui a doté le pays de la Constitution, j'ai le droit de demander au gouvernement s'il approuve la conduite de ce fonctionnaire ou s'il la blâme.

La gauche elle-même, lorsqu'elle était opposition, a souvent demandé au gouvernement s’il désavouait des écrits publiés par des personnes qui n'étaient pas même fonctionnaires de l'Etat et MM. les ministres n'ont-ils pas blâmé des fonctionnaires pour avoir publié des écrits qui leur déplaisaient ?

Messieurs, on aurait pu sans doute interpeller le gouvernement sur l'ouvrage de M. Laurent pendant la discussion du budget de l'intérieur ; mais il est probable que tous le membres de la droite se trouvaient alors dans la même situation que MM. Guillery et Tesch qui, paraît-il, ne connaissent pas l'ouvrage dont il est question.

M. Hymans. - Personne ne l'a lu.

M. Thibaut. - Soit, mais il n'est pas fait pour ne pas être lu. Il est fait même pour être répandu le plus possible dans le pays. Ce qui le prouve, c'est que, si mes renseignements sont exacts, un honorable membre de l'Académie l'a même proposé pour le prix quinquennal.

Messieurs, je n'ai lu aucun passage de ce livre, mais si vous le permettez, je citerai quelques phrases qui le feront apprécier.

M. Guillery. - Nous répondrons par la lecture des mandements des évêques.

M. Thibaut. - Après avoir cité un passage d'un discours de M. Tesch à l'appui de sa doctrine, M. Laurent dit : « Qu'on réfléchisse un instant aux doctrines que cette puissance étrangère (il parle de la puissance de Rome) impose à notre clergé, et qu'on décide si le système de la liberté de l'Eglise consacrée par notre Constitution mérite d'être exalté comme un progrès de la civilisation ou s'il est une abdication imprudente et coupable des droits et des devoirs de l'Etat. »

M. Hymans. - C'est vrai.

M. Guillery. - Il y a quelque chose de vrai.

M. Thibaut. - Je vois que les principes de M. Laurent ont des adhérents dans cette enceinte. Je désire savoir s'il s'en trouve aussi au banc ministériel ?

En parlant du clergé, M. Laurent dit :

« Les évêques sont vos rivaux, disons mieux, ils sont les ennemis-nés de la souveraineté civile. Quand l'Etat est en face d'un ennemi mortel, il se met en garde... La Belgique place dans ses forteresses, que dis-je ? jusque dans le moindre hameau des agents qui jouissent d'une liberté illimitée et qui peuvent miner l'Etat à leur aise ; il y a mieux, l'Etat leur paye un salaire pour les récompenser de la peine qu'ils prennent de le miner. Voilà le progrès réalisé par la Constitution belge en ce qui concerne les rapports de l'Eglise et de l'Etat. Il n'y a pas de quoi se vanter ! »

Quant à la liberté d'association, M. Laurent déclare que cette liberté c'est l'anarchie. Il ne parle, il est vrai, que des associations religieuses ; il prétend que ce sont les seules qui soient nuisibles.

« C'est une liberté, dit-il, inconciliable avec la souveraineté. »

Il ne cache pas, du reste, son désir de voir la Constitution révisée, et dans un passage que je me rappelle avoir lu, il dit que lors de la révision de la Constitution le peuple belge aura le droit d'abolir la liberté d'enseignement et la liberté des cultes.

M. Hymans. - Nous sommes d'accord.

M. Bara. - Cela est parfaitement constitutionnel.

M. Thibaut. - En parlant de la liberté de l'exercice public du culte, M. Laurent dit : « Comment se fait-il que le congrès consacra cette liberté anarchique ? »

Messieurs, je ne multiplierai pas les citations, celles-ci suffisent, et puisque M. le ministre de la justice a déclaré qu'il refuserait de donner des explications et que M. le ministre de l'intérieur est à son banc, c'est lui que je prierai de dire ce qu'il pense de la conduite d'un professeur de l'Etat qui attaque si ouvertement la Constitution.

M. Van Overloop. - Messieurs, l'honorable M. Guillery m'a confondu tout à l'heure, dans ses observations, avec l'honorable M. Thibaut, quand il a prétendu que j'avais blâmé le livre de M. Laurent.

Je n'ai rien dit de l'ouvrage de M. Laurent pour une raison fort simple, c'est que je n'ai pas l'habitude d'apprécier les livres que je n’ai pas lus.

Je n'avais pas lu une seule syllabe de celui-ci. Maintenant, d'après ce que j'en connais par la lecture que vient de faire de quelques passages l'honorable M. Thibaut, je dois déclarer que les doctrines de M. Laurent me semblent parfaitement inconciliables avec le serment qu'il a prêt à la Constitution.

(page 527) Sur ce, je passe à ce que j'avais l'intention de dire relativement au traitement du clergé.

Messieurs, par suite du renchérissement des nécessités de la vie, le gouvernement a trouvé équitable d'augmenter le traitement de tous les fonctionnaires.

Des réclamations sont venues de différents bancs de cette Chambre en faveur des petits, mais on est arrivé à cette conclusion qu'on augmente d'une manière considérable les grands.

Ainsi, d'après la première annexe que je vois au rapport de la section centrale sur le budget de la justice, je trouve que le secrétaire général est augmenté de 14 p. c ; l'administrateur de la sûreté publique et des prisons, de 11 p. c. ; 4 directeurs, de 23 p. c. ; 4 chefs de division et 2 inspecteurs, de 15 p. c ; 7 chefs de bureau et 3 chefs de bureau à titre personnel, de 25 p. c ; 7 commis de première classe, de 27 p. c ; 18 commis de deuxième classe, de 20 p. c. ; 12 commis de troisième classe et 7 expéditionnaires, de 33 p. c.

Vous voyez donc, messieurs, d'après ce tableau, que ce que la Chambre avait voulu d'abord faire en faveur des petits a été étendu d'une manière notable au profit des grands.

Cette marche, messieurs, a été adoptée tant pour les fonctionnaires de l'ordre civil que pour les fonctionnaires de l'ordre militaire.

Tous les budgets que nous avons votés sont là pour l'attester.

Je me demande pourquoi cette marche, qui a été suivie pour l'ordre civil d'abord, et pour l'ordre militaire ensuite, n'a pas été suivie également pour l'ordre religieux, pour les ministres du culte.

Le budget porte le tableau suivant : (Ce tableau n’est pas repris dans la présente version numérisée.)

Je me demande pourquoi l'on fait une exception, je ne dirai pas en faveur mais contre les vicaires généraux ? Je me demande pourquoi l'on fait une exception contre les chanoines, qui sont les coopérateurs des évêques ; contre les directeurs et les professeurs des séminaires ; contre les curés de première classe et contre les curés de deuxième classe âgés de moins de 60 ans ?

Je ne dis pas que l'on a mal fait, mais je désire avoir des explications.

L'article 117 de la Constitution, en mettant le traitement des ministres du culte à la charge de l'Etat, a voulu nécessairement que ce traitement fût en rapport avec le rang et avec les besoins du titulaire.

Je crois que le gouvernement persiste dans ses idées anciennes relativement au traitement du clergé.

Or, un arrêté du 29 mars 1834, contresigné par l'honorable M. Rogier, alors ministre de l'intérieur, aujourd'hui ministre des affaires étrangères, porte :

« Léopold, etc.,

« Voulant faire cesser l'inégalité qui existe entre les traitements des vicaires généraux, des chanoines et des professeurs des séminaires épiscopaux dans les différents diocèses du royaume, et entre les indemnités allouées aux chefs des diocèses, pour frais de tournée et de secrétariat, et fixer ces traitements et indemnités à un taux uniforme et en rapport avec le rang et les besoins des titulaires ;

« Voulant également pourvoir d'une manière plus juste au sort des chapelains ou desservants d'églises annexes ;

« Sur le rapport de notre ministre de l'intérieur,

« Nous avons arrêté et arrêtons :

« Art. 1er. Les traitements des vicaires généraux et des chanoines, et les subsides pour frais de tournée et de secrétariat des chefs des diocèses sont fixés comme il suit :

« A. Le traitement de chacun des vicaires généraux de l'archevêché de Malines, à 3,600 fr., et ceux de chacun des vicaires généraux des évêchés de Bruges, Gand, Liège, Namur et Tournai, à 3,200 fr.

« B. Le traitement de chacun des chanoines de l'archevêché, à 1,400 fr., et celui de chacun des chanoines des évêchés, à 2,000 fr.

« C. Le subside pour frais de tournée et de secrétariat de l'archevêché, à 4,600 fr., et ceux des évêchés, à 4,200 fr.

« Art. 2. Il est alloué au séminaire archiépiscopal et à chacun des séminaires épiscopaux un subside annuel de 8,000 fr., qui sera réparti par le chef respectif du diocèse, à titre de traitement, entre les directeurs, professeurs et autres personnes chargées de l'enseignement dans lesdits séminaires.

« Art. 3. Il est relatif à la date à laquelle les traitements prendront cours.

« Art. 4. Sont portés à 400 fr., à partir du 1er janvier dernier, les traitements inférieurs à cette somme, dont jouissent les chapelains ou desservants d'églises annexes, etc. »

L'arrêté du 22 juin 1834 énumère ces desservants.

Il y en avait : dans la province d'Anvers, 2 ; dans le Brabant, 7 ; dans la Flandre occidentale, 1 ; dans la Flandre orientale, 1 ; dans le Hainaut, 22 ; dans la province de Liège, 5 ; dans le Limbourg, 3 ; dans le Luxembourg, y compris la partie cédée, 45 ; dans la province de Namur, 18.

Il faut donc, aux termes de l'article 117 de la Constitution, tel qu'il a été interprété en 1834 par l'honorable M. Rogier, que les traitements des ministres du culte soient en rapport avec le rang et avec les besoins du titulaire.

J'avais, messieurs, une observation à faire au sujet de ce que la section centrale dit des évêques. Le rapport porte : « Eu égard au casuel dont jouissent ces dignitaires ecclésiastiques, et qui doit être assez important, bien que les renseignements officiels manquent sur ce point, nous avons réduit à 1,300 fr. le supplément demandé. »

Je ne critique pas la réduction faite par la section centrale ; j'avais seulement noté ce passage parce qu'il m'avait frappé. Heureusement l'honorable M. Muller a fait tout à l'heure une rectification, il nous a fait connaître qu'une lettre du secrétaire de Mgr l'évêque de Liège avait modifié cette appréciation de la section centrale.

L'honorable M. Guillery persiste à appuyer ce passage du rapport ; si j'ai bien compris son discours, il invoque entre autres cette circonstance que les évêques jouiraient des revenus de menses épiscopales. Quant â moi, j'avoue que je n'en sais pas le premier mot. Je vous le demande, parce qu'il existe des menses épiscopales en France, peut-on dire qu'il en existe en Belgique ?

M. Guillery. - Le décret est-il abrogé ?

M. Van Overloop. - Que fait ici la question de droit ? S'il existe des menses en France et s'il n'en existe pas en Belgique, cela ne fait absolument rien.

L'argument que l'honorable M. Guillery a mis en avant à l'appui de son raisonnement manque donc de base en fait.

L'honorable M. Guillery a invoqué un second argument en ce qui concerne les évêques : c'est qu'ils ne doivent pas représenter comme MM. les gouverneurs. Il a bien voulu admettre que MM. les gouverneurs eussent un traitement de 16,000 fr., mais il ne veut pas que les évêques occupent le même rang, et cela sous prétexte que les évêques n'ont pas de frais de représentation.

Je crois que si l’honorable M. Guillery voulait faire de temps en temps une visite à l'un de nos évêques et faire de temps en temps une visite à l'un de nos gouverneurs, il trouverait que les évêques font plus de frais de représentation que les gouverneurs.

(page 528) Cet argument donc disparaît encore une fois.

On a aussi argumenté du casuel dont le clergé jouit.

Le casuel, vous le savez, a été réglé par des arrêtés.

Mais cette objection du casuel peut-elle être invoquée contre les vicaires généraux ? Ils n'en ont pas.

Peut-elle être invoquée contre les chanoines ? Ils n'en ont pas davantage.

Peut-elle être invoquée contre les directeurs et les professeurs des séminaires ? Je ne le pense pas, car ils n'en ont pas non plus.

Vous avez augmenté d'une manière considérable les traitements des professeurs des universités ; vous avez augmenté par une mesure spéciale le traitement des professeurs de l'école militaire ; vous avez augmenté également le traitement des professeurs de l'école vétérinaire : la science n'est-elle pas la science ? Les professeurs de théologie ne se trouvent-ils pas sur la même ligne que ceux que je viens d'indiquer ? ne contribuent-ils pas à répandre la lumière ? Pourquoi donc faites-vous une exception lorsqu'il s'agit du clergé ? Quel est le but qui vous détermine à faire cette exception ? Je voudrais qu'on me donnât quelques explications à ce sujet.

Remarquez, messieurs, que les nécessités de la vie, depuis 1834, ont augmenté pour les vicaires généraux, pour les chanoines, pour les directeurs et les professeurs des séminaires, aussi bien que pour les autres. Le loyer des maisons n'a-t-il pas augmenté pour eux ? Ne doivent-ils pas payer leurs contributions comme tous les autres citoyens ?

Je ne demande pas qu'on donne en Belgique au clergé catholique les traitements que l'on donne en Angleterre au clergé anglican. Je ne demande pas que notre clergé jouisse d'un bien-être extraordinaire ; mais je demande qu'on donne au clergé un traitement suffisant, un traitement qui lui permette, selon l'honorable M. Rogier, de vivre selon son rang et sa position dans la société.

Je ne me rends pas compte non plus de l'exception qui a été faite contre les curés primaires et contre les curés secondaires. Est-ce que ces curés n'ont pas plus de dépenses à faire que les simples curés de campagne ? Quiconque connaît les localités où les curés sont primaires ou secondaires, sait parfaitement que les curés primaires et les curés secondaires ont beaucoup plus de frais à faire que les curés de simples communes. Et, en général, remarquez-le, ce fait mérite d'être pris en considération, les curés primaires sont doyens. C'est un titre honorifique, mais qui entraîne de grandes dépenses. Notamment MM. les doyens ont des frais de bureau considérables, bien qu'il ne leur soit rien alloué de ce chef.

Remarquez encore que les curés primaires et les curés secondaires ont aujourd'hui moins qu'ils n'avaient en 1830. Le curé primaire avait alors 2,063 fr. 49 c ; le curé secondaire, 1,375 fr. ; le premier a aujourd'hui, 2,047 fr. 50 c ; le second, 1,305 fr.

Il y a encore une autre considération que je ferai valoir auprès de M. le ministre de la justice, c'est que ont droit, si mes renseignements sont exacts, d'être curés primaires, tous les curés de commune dont la population atteint 5,000 habitants. Je crois que c'est un arrêté du 27 brumaire an XI qui le décide ainsi. Or, si les curés qui devraient être primaires en vertu de cet arrêté ne sont que secondaires, il me semble que M. le ministre devrait combler cette lacune et faire ce que l'arrêté exige.

L'objection que l'on tire du casuel pour ne pas augmenter le traitement du clergé n'est pas fondée, comme je viens de le dire, pour diverses catégories de ministres du culte. Quant aux catégories qui jouissent d'un casuel, je me demande pour quel motif on se base sur le casuel afin de refuser une augmentation de traitement à certains ministres du culte. Pourquoi cette distinction entre ces ministres et les juges de paix et leurs greffiers ? On n'a pas invoqué le casuel pour refuser d'améliorer la position de certains juges de paix.

Mais il y a plus : la section centrale, sans tenir compte du casuel, a, proposé d'augmenter exceptionnellement le traitement de M. Hermans, juge de paix, à Liège.

Pourquoi deux poids et deux mesures ?

Eu ce qui concerne les vicaires, messieurs, je dois avouer très franchement que si l'augmentation proposée par le gouvernement semble suffisante pour certaines localités où il y a un casuel, elle est certainement très insuffisante pour les vicaires du Luxembourg, qui n'ont aucune espèce de casuel.

L'honorable M. d'Hoffschmidt s'est étonné, dans une autre circonstance, de mes connaissances géographiques, à propos du Luxembourg ; s'étonnera-t-il encore aujourd'hui en m'entendant dire que la position des vicaires du Luxembourg est richement déplorable ? Ils n'ont pas de casuel du tout et leur traitement est de 500 fr. ! On propose de leur donner €60 fr. Evidemment ce n'est pas assez.

Il en est probablement de même de certaines parties de la province de Namur, mais comme je ne connais pas aussi bien cette province que celle du Luxembourg, je laisse à d'autres le soin de dire si je me trompe ou si je suis dans le vrai.

Je demande donc, messieurs, à l'honorable chef du département de la justice, pourquoi les membres du clergé catholique ne sont pas traités aussi favorablement que les fonctionnaires de l'ordre civil et militaire.

Je dis, messieurs, les membres du clergé catholique, parce que je ne parle en ce moment que du clergé catholique, n'ayant pas les éléments nécessaires pour apprécier la position des ministres des autres cultes ; mais je m'empresse de déclarer que si l'on ne traite pas mieux les ministres protestants ou les ministres israélites qu'on ne traite les membres du clergé catholique, mes observations s'appliquent aussi bien aux uns qu'aux autres.

En 1831, messieurs, un arrêté du régent réduisit les traitements des ministres du culte parce que les traitements des fonctionnaires civils avaient été réduits ; aujourd'hui, on augmente les traitements des fonctionnaires civils : je demande pourquoi l'on n'augmente pas également, dans une proportion équivalente, les traitements des ministres du culte.

Il me semble qu'il s'agit ici d'un principe de justice ; ubi commodum, ibi incommodum.

Voici, messieurs, ce que porte l'arrêté du régent dont je viens de parler :

« Revu notre arrêté du 15 mars, portant réduction des traitements des fonctionnaires administratifs supérieurs ;

« Considérant que les motifs sur lesquels cette réduction est fondée réclament la même disposition à l'égard des traitements des hauts fonctionnaires ecclésiastiques, etc. »

Eh bien, messieurs, je comprends cette mesure ; on a réduit les traitements des fonctionnaires civils, on réduit également les traitements des membres du clergé, c'est de la justice ; mais aujourd'hui que vous augmentez les traitements des fonctionnaires civils, pourquoi n'appliquez-vous pas le même principe d'égalité qu'on appliquait en 1831 ?

Il ne faut pas perdre de vue, messieurs, que la Constitution met les traitements du clergé à la charge de l'Etat, et puisque l'honorable M. Frère est à son banc, je dirai que je demande l'augmentation en vertu des principes de 1789. Ainsi Talleyrand proposait déjà, lors de la confiscation des biens du clergé, de donner à chaque curé un traitement de 1,200 fr. En vertu donc des principes de 1789, j'espère que l'honorable M. Frère-Orban me prêtera l'appui de son éloquence pour faire rendre justice.

Je lis, messieurs, dans le rapport de Portalis, qu'on ne suspectera pas de trop de cléricalisme :

« En déclarant nationaux les biens du clergé catholique, on avait compris qu'il était juste d'assurer la subsistance des ministres à qui ces biens avaient été originairement donnas : on ne fera donc qu'exécuter ce principe de justice, en assignant aux ministres catholiques des secours supplémentaires jusqu'à la concurrence de la somme réglée pour les traitements de ces ministres. »

Ce rapport est du 14 germinal an X.

On reconnaît donc que la charge des traitements ecclésiastiques n'est que la conséquence d'un principe de justice ; on le reconnaissait en 1789 ; toutes les discussions qui ont précédé le décret du 4 novembre 1789, portant que les biens ecclésiastiques sont à la disposition de la nation, sont là pour le prouver,

Le gouvernement hollandais a pris, le 5 mars 1815, un arrêté augmentant de 30 p. c. les traitements du clergé.

Cette augmentation était applicable au traitement des évêques, des vicaires généraux, des chanoines, des directeurs et professeurs des séminaires, des curés et des desservants des succursales.

Il ne s'arrêta pas là. Le 2 juin 1815, il prit un nouvel arrêté en faveur du clergé inférieur.

Cet arrêté dispose qu'indépendamment de l'augmentation de 30 p. c. accordée à tous les ecclésiastiques salariés par le gouvernement, les desservants des succursales jouiront, à partir du 1er janvier 1815, d'une nouvelle augmentation de 100 fr. à la charge du trésor.

Leur traitement se trouva ainsi porté à 750 fr.

Eh bien, messieurs, nos pauvres vicaires du Luxembourg n'ont encore, à l'heure qu'il est, que 500 fr. !

Or, en fait, ce sont de véritables desservants, car ils desservent des chapelles qui sont souvent à 1 ou 2 lieues de l'église paroissiale. Cette dernière est desservie par le curé.

Et quel est le traitement des vicaires dont je parle ?

Ils ont un misérable traitement de 500 fr., traitement que l'on propose de porter à 600 fr., augmentation dont je livre l'appréciation à nos honorables collègues du Luxembourg.

(page 529) Messieurs, je vous ne propose pas un amendement tendant à augmenter les chiffres du gouvernement. En demandant la parole, je n'ai eu qu'un but : j'ai cru devoir, en acquit de ma conscience, communiquer à la Chambre les observations que le projet de budget m'a suggérées.

Je le répète, je ne tiens pas à ce que le clergé soit riche ; au contraire, une puissante garantie des vertus du clergé est, selon ma manière de voir, qu'il n'ait pas une aisance trop grande.

Si je trouve équitable d'augmenter les traitements du clergé, c'est parce que toutes les choses nécessaires à la vie ont renchéri considérablement. Et puis, messieurs, quiconque d'entre vous s'est trouvé quelquefois en contact avec un curé ou avec un vicaire, soit de la ville, soit de la campagne, sait parfaitement que ceux qui profiteraient le plus de l'augmentation qu'on accorderait aux ministres du culte ,ce sont les pauvres. Une des fortes charges des membres du clergé, c'est l'obligation morale, dont ils s'acquittent avec beaucoup de bienveillance, de venir en aide aux pauvres.

Ainsi, il y a quinze jours, et je le dis à haute voix, pour rendre hommage à la mémoire d'un digne prêtre, j'assistais aux obsèques d'un respectable doyen du pays de Waes, M. Liedts, cousin de l'honorable gouverneur de la Société générale. Or, messieurs, telle avait été la générosité envers les malheureux du regrettable doyen de Lokeren, qu'il avait, pendant sa vie, absorbé en bonnes œuvres la majeure partie de sa fortune personnelle.

Il a rempli son devoir de ministre du culte, en laissant ignorer à sa main gauche ce que sa main droite donnait.

J'ai donc raison de dire que ceux qui profiteraient le plus de l'augmentation qui serait accordée aux membres du clergé, ce sont les malheureux, ce sont les pauvres.

J'ai dit.

M. Rodenbach. - Messieurs, nous avons voté, dans les budgets, une augmentation d'environ 6 millions en faveur de quinze mille employés du gouvernement, et je ne vois pas...

- un membre. - On le sait bien.

M. Rodenbach. - L'interruption n'est pas convenable ; j'en suis même indigné.

M. le président. - M. Rodenbach, soyez convaincu que personne n'a entendu vous froisser.

M. Rodenbach. - Je sais très bien que je suis aveugle, au physique ; mais peut-être y en a-t-il ici qui sont aveugles au moral.

Messieurs, je disais donc qu'on a accordé près de 6 millions d'augmentation à 15,000 employés du gouvernement ; eh bien, puisqu'on a fait jouir de cet avantage presque tous les employés du gouvernement, je demanderai pourquoi on se montrerait plus parcimonieux pour les membres du clergé.

Les gouverneurs ont obtenu une augmentation de 1,500 fr., on les a toujours mis sur la même ligne que les évêques ; pourquoi ne pas suivre le même mode de payement, pour les évêues, comme pour les gouverneurs ?

Je dois donc combattre l'amendement de l'honorable M. Guillery. Si les gouverneurs n'avaient pas obtenu de majoration, j'aurais combattu l'augmentation proposée, en faveur des évêques.

Il eût été peu équitable de donner moins aux gouverneurs qu'aux évêques.

Il faut avant tout la justice pour les uns comme pour les autres.

Messieurs, il m'a semblé qu'on aurait dû examiner plus attentivement la question des chanoines et des vicaires généraux. Ce sont là les membres du clergé le moins rétribués en proportion de leur haute position. Les chanoines reçoivent moins que les curés de première classe. Il y a des curés dans la capitale et dans d'autres grandes villes qui touchent avec le casuel, plus du double du traitement des vicaires généraux et des chanoines.

L'honorable M. Van Overloop a cité tout à l'heure un décret de 1811, portant que dans toute localité dont la population excède 5,000 âmes, on doit nommer des curés de première ou de seconde classe. Or, je connais dans nos Flandres plusieurs communes qui ont une population de 5,000 à 6,000 âmes, et qui n'ont pas de curés de première ou de seconde classe, mais seulement des desservants.

Les desservants doivent faire de nombreuses aumônes en visitant les pauvres.

On a parlé des vicaires du Luxembourg.

J'ignore ce qui en est réellement ; mais dans la Flandre occidentale il est d'usage que les vicaires aient une maison ; ils doivent payer les impôts du gouvernement et les taxes communales.

Eh bien, messieurs, ils ne touchent par année de la caisse de l'Etat que 500 fr. Ajoutez-y le casuel, et leur revenu ne se monte approximativement qu'à 1,600 fr.

Est-ce là un traitement élevé. Il est des huissiers dans les ministères et à la Chambre qui ont presque autant qu'un vicaire, et par position celui-ci doit faire des aumônes ; un chef de bureau, dans une administration centrale, a plus qu'un vicaire général. Un vicaire général a 3,000 fr. (chiffre rond) ; il n'a pas de casuel. Ce dignitaire ecclésiastique doit avoir une maison convenable, en rapport avec sa position.

Un chanoine a 2,000 fr. Est-ce là un traitement exorbitant ?

Je ne veux pas faire d’amendements ; je crois qu'il serait inutile d'en présenter un. Le gouvernement a soumis à la Chambre des propositions qui ne sont pas acceptées par la section centrale ; mais je déclare, la main sur la conscience, que lorsqu'on veut être vraiment libéral, on doit traiter le prêtre aussi favorablement que les fonctionnaires dont vous avez amélioré le sort ; il faut lui assurer une rémunération qui lui permette de vivre d'une manière honorable et de remplir convenablement sa mission sociale. Je termine en disant qu'un bon curé, à la campagne, vaut mieux qu'un brigade de gendarmerie.

M. Pirmez. - Messieurs, un contraste m'a frappé dans le discours de M. Thibaut : il ne s'agit, en fait, que d'une donation portant sur des valeurs peu importantes, et l'honorable membre nous parle, non seulement de cette donation ou de donations semblables, mais du droit de fondation tout entier ; il nous a montré ce droit comme engagé dans cette petite affaire, et allant plus loin encore, il arrive à nous dénoncer une vaste conspiration tramée entre la liberté religieuse !

Messieurs, je comprendrais que si des dispositions de même espèce que celle de Mont s'étaient fréquemment produites, on eût pu voir dans le refus d'autorisation l'inauguration d'un système nouveau apportant un notable changement à ce qui se pratique aujourd'hui.

Mais, chose remarquable, c'est la première fois qu'une semblable donation est faite, et si les choses doivent se passer dans le temps futur comme dans le temps écoulé, il est vraisemblable que pareille donation ne se reproduira que dans une époque reculée.

Comment se fait-il donc que ce fait aussi peu important en apparence par sa rareté que par l'exiguïté des sommes sur lesquelles il porte donne naissance à cette grande discussion, et que l'on pousse des cris de détresse pour la liberté religieuse compromise ? '.

Messieurs, ce contraste entre la valeur réelle de l'affaire de Mont et les développements que l'honorable M. Thibaut y a donnés a fait naturellement naître un soupçon dans les esprits.

On se demande comment cette donation anomale et exiguë engage le principe tout entier des fondations. Et à cette question une réponse se présente, c'est que le mode de disposer employé est une tentative nouvelle pour introduire dans nos lois le droit d'ériger des fondations en faveur d'institutions que la loi ne reconnaît pas, droit qu'on a déjà cherché à acquérir de tant de manières différences.

Je ne comprendrais pas l'importance de cette discussion si nous n'étions appelés à voir dans l'avenir se réitérer la même donation, et le ballon d'essai de Mont suivi d'une longue série de dispositions fondant des missions et ayant pour résultat de créer en fait, cette personnification civile que le parti libéral a toujours repoussée et que le parti catholique n'a jamais osé ouvertement réclamer.

Les principes que l'honorable M. Thibaut a invoqués sont tout nouveaux, même au sein de son parti ; c'est la première fois qu'on vient revendiquer comme un droit constitutionnel la faculté de faire des fondations..

Nous savons tous que la liberté religieuse est proclamée par notre pacte fondamental, cette liberté nous est chère à tous et personne ici ne songe à empêcher un acte quelconque privé ou public, de cette précieuse liberté. Mais comment est-il possible de conclure de la liberté religieuse au droit de faire des fondations ?

Il est une preuve manifeste de l'isolement de M. Thibaut au milieu de nous dans la solution qu'il donne à cette question : c'est qu'il n'est pas un ministre de la justice sorti des rangs du parti catholique qui n'ait pris une série d'arrêtés déclarant que ce droit n'existe pas, et jamais aucun de ces arrêtés n'a soulevé la moindre objection.

En effet, messieurs, si le droit de fonder existe en vertu de la Constitution, il ne peut pas être réglementé ; il ne faut pas d'autorisation pour qu’il produise ses effets. Comment l'honorable M. Thibaut expliquera-t-il, s'il y a là l'exercice d'un droit constitutionnel, que pour chaque donation faite à une fabrique d'église, par exemple, il ait fallu un arrêté royal d’autorisation ? (Interruption.) Le droit d'autorisation implique évidemment le droit de non-autorisation.

Ainsi, l'honorable M. Thibaut, pour soutenir sa thèse, dont le mérite est dans la nouveauté, doit reconnaître que tous les ministres de la justice qui se sont succédé depuis 1830 ne se sont pas aperçus de ce droit constitutionnel qu'il découvre et que l'honorable M. Nothomb lui-même e l'a jamais soupçonné.

(page 530) Je me demande si l'honorable M. Thibaut a bien réfléchi aux conséquences qui découlent de son principe.

Il prétend qu'aujourd'hui le droit de fonder en faveur d'une mission est compris dans la liberté constitutionnelle des cultes ; et la raison qu'il en donne, c'est que la mission est un acte de la vie religieuse.

Mais d'abord, s'il en est ainsi, il faut, pour être conséquent, venir affirmer qu'on peut fonder non seulement en faveur d'une mission donnée dans une paroisse déterminée ; niais qu'on peut fonder aussi en faveur des ordres religieux qui ont pour but spécial de donner des missions.

Il faut aller plus loin encore.

La vie en communauté est certainement un acte de la liberté religieuse, et, notez-le bien, c'est un droit que je tiens à conserver et que je défendrais au besoin énergiquement.

Il faut en conclure que le droit de fondation existe pour tout établissement où la vie religieuse contemplative ou active a lieu en communauté ; en un mot pour tous les couvents !

Telle est la conséquence forcée de la théorie de l'honorable M. Thibaut.

Je me permettrai de demander à la minorité si l'honorable membre a des amis disposés à le suivre dans cette voie ?

M. Van Overloop. - On ne doit répondre que de ses propres opinions.

M. Pirmez. - On a parfaitement le droit, je pense, d'interpeller ses adversaires sur leurs propres opinions. Je vous demande votre opinion sur une question soulevée dans cette Chambre : mais je me garde bien de vous demander de vous prononcer sur ce qu'on écrit hors de cette enceinte, en vous en rendant responsables. C'est votre opinion que je vous demande. Mais il paraît que vous n'êtes pas très disposé à nous la faire connaître. (Interruption.)

Vous vous êtes placé, mon honorable collègue, sur le terrain de la discussion des lois de l'empire ; mais ce que je vous demande maintenant c'est, si, selon vous, la liberté de créer une fondation est un droit constitutionnel ?

M. Van Overloop. - Mais je vous dis que non.

- Voix à gauche. - Ah ! ah !

M. Van Overloop. - Mais je l'ai dit. Vous me demandez mon opinion ; je vous la fais connaître.

M. Pirmez. - Je remercie l'honorable M. Van Overloop de l'opinion qu'il exprime et surtout de l'approbation qu'il donne à ma manière de voir ; je l'engage beaucoup à la communiquer à son honorable ami, M. Thibaut, et à tâcher de le convertir afin qu'il n'émette plus en public une doctrine aussi compromettante pour les siens.

L'honorable M. Thibaut a paru croire que parce qu'une chose n'est pas défendue, on peut réclamer en sa faveur toutes les immunités, tous les privilèges possibles. Il en est sans doute à croire encore que parce que la liberté d'association est garantie par la Constitution, on peut créer toute espèce de société et se soustraire à toutes les dispositions qui dans nos Codes régissent les sociétés, leur donner force et valeur en s'affranchissant des formes tracées par les lois civiles, et instituer des société anonymes sans l'autorisation du gouvernement. Doctrine cependant si unanimement condamnée !

Il ne faut pas oublier, - et c'est là l'erreur de l'honorable membre, - que les fondations sont des établissements publics, qui par leur durée sortent des droits de la volonté privée. La Constitution garantit les particuliers dans l'exercice des libertés personnelles ; mais quand il s'agit de créer un établissement public, l'autorité seule dans l'exercice du pouvoir souverain a en elle un droit suffisant.

C'est là un principe incontestable, et jamais on ne parviendra à le détruire quand même on imaginerait des théories plus nouvelles encore que celles de M. Thibaut.

Mais l'honorable membre a une manière d'envisager les choses réellement étonnante.

La base de son argumentation, nous l'avons vu, c'est que les missions sont des actes de la vie religieuse. Il en tire cette première conséquence que nous avons rencontrée, que le droit de fondation à leur égard dérive de la liberté des cultes. Mais il en voit une seconde, c'est que le gouvernement est incompétent pour l'apprécier.

Ici, je renverrai encore M. Thibaut à M. Nothomb, et je demanderai à ce dernier de vouloir bien expliquer à M. Thibaut comment il a pu, lui ministre, apprécier les actes de donation religieuse et y statuer, et user du droit d'approbation qui implique le droit d'improbation, et comment il n'a pas cru cependant empiéter ainsi sur le domaine de l'autorité religieuse !

Savez-vous, messieurs, ce qui démontre à l'honorable membre cet empiétement nouveau de l'autorité civile sur l'autorité religieuse ?

C'est que, d'après nos lois, pour autoriser une donation en faveur d'une fabrique d'église, on doit prendre l'avis de l'évêque. L'avis de l'évêque devant être pris, il est clair, dit notre collègue de Dinant, que la donation est une chose religieuse.

Ne faut-il pas dire au contraire : Puisque l'évêque ne doit pas décider, mais émettre un simple avis et que c'est le gouvernement qui est appelé à approuver ou à improuver, c'est que la donation est non pas une chose religieuse, mais une chose civile ? Comment l'honorable membre peut-il s'imaginer que le législateur aurait été assez peu clairvoyant pour confier seulement l'avis à celui qui devrait décider et la décision à celui qui ne devrait rien faire du tout ?

On a mêlé à ce débat une autre affaire.

Un professeur de l'université de Gand a publié un livre ; je ne l'ai pas lu se je suis à cet égard, messieurs, dans la même position que vous tous, sauf l'honorable M. Thibaut.

Je n'ai aucune raison pour ne pas donner nettement mon opinion sur les principes que l'on prête à l'auteur. Je ne sais si les doctrines que l'on nous a retracées et qui sont reproduites dans un article du Journal de Bruxelles se trouvent dans le livre ; mais je n'hésite pas à dire que ces doctrines, je les repousse avec la même énergie que je repousse des doctrines aussi contraires à la liberté que je lis dans certains journaux dont je ne rends personne ici solidaire.

Mais de ce que j'exprime mon opinion à cet égard, sous la réserve, bien entendu, en ce qui concerne le livre, que les citations soient exactes et complètes (et il est très souvent prudent de faire cette réserve), je n'en conclus pas que M. le ministre de la justice doive se prononcer ; je l'engage beaucoup à ne pas le faire.

Le gouvernement a parfaitement le droit, d'après moi, de surveiller les cours des professeurs, il a le droit d'arrêter un professeur qui, dans son cours, exprimerait des opinions qui ne lui conviennent pas. (Interruption.)

Permettez, M. Guillery, vous avez émis une opinion, en passant ; j'émets aussi la mienne et puisqu'elle soulève de l'opposition, je l'explique en deux mots.

Le gouvernement est responsable de l'enseignement donné dans les universités de l'Etat ; s'il est responsable de cet enseignement, il a un certain droit de surveillance.

Je ne veux pas, sans doute, qu'il s'occupe de tous les principes émis, de toutes les opinions formulées en droit ou en médecine ; ce que je maintiens, c'est le droit découlant de sa responsabilité d'avoir une direction générale sur l'enseignement donné par lui. Mais je ne crois pas qu'il désire aller plus loin et s'occuper de tous les livres étrangers à l'enseignement qui peuvent être publiés par les professeurs.

Il y a quelques années le ministre de la justice ayant blâmé un fonctionnaire de son département pour un écrit relatif à ses fonctions, une clameur s'est élevée signalant un attentat à la liberté de la presse, et on voudrait aujourd'hui que le ministre critiqué alors ait à s'expliquer sur des opinions émises, dans une matière étrangère à son cours, par un professeur ressortissant à un département qui n'est pas le sien. La contradiction est-elle assez grande ?

Le devoir du gouvernement est de suivre la ligne de conduite des universités.

Quand une thèse est publiée, l'autorité académique y inscrit cette formule : nec approbat nec improbat. (Interruption.)

- Un membre. - Cela ferait supposer que cela a passé par les bureaux du ministère.

M. Pirmez. - Je suis fâché d'avoir parlé au figuré ; je n'ai jamais pensé à faire faire cette inscription matérielle ; je dis donc au propre que le gouvernement ne doit ni approuver, ni désapprouver l'ouvrage, qu'il ne doit pas s'en occuper.

Messieurs, l'honorable M. Thibaut n'a pas encore trouvé le champ de la discussion assez vaste.

Il dénonce une vaste conspiration contre une des plus précieuses de nos libertés, et pour le prouver il agite toutes les questions qui ont pu occuper le parlement depuis quelques années.

Il est dans cette dénonciation une chose vraiment remarquable, c'est la confusion complète de la liberté et du privilège qui partout domine. Ce n'est jamais l'égalité pour tous, fondement de la liberté, qu'on réclame, mais la faveur pour quelques-uns, fondement du privilège.

La liberté de la chaire !

Rendez-vous compte de ce que, sous ce nom, vous réclamez.

Nous entrons dans une église, une foule avide se réunit autour de la chaire pour entendre un discours religieux. Nous voulons la liberté entière de l'orateur pour cette matière. M. Thibaut veut plus ; il veut que le prêtre puisse changer la chaire sacrée en tribune politique.

(page 531) Mais pourquoi refusera-t-il au millier de personnes qui se trouvent dans l’église ce même droit puisque, au point de vue du droit politique, elles sont les égales du prêtre ?

Cette erreur de ne voir qu'une partie des intéressés, elle est toujours au fond de vos doctrines.

Même chose pour la question des inhumations.

Vous ne considérez que ceux qui pratiquent la religion catholique et vous ne tenez aucun compte de ceux qui ne pratiquent pas ; vous réclamez, pour une catégorie de citoyens, non seulement une sépulture convenable, mais la satisfaction de tous les désirs, et pour une autre catégorie vous ne craignez pas une sépulture qui soit une flétrissure.

Je désire sincèrement vous donner toutes les satisfactions possibles, mais je ne pourrai jamais aller - et cela prouve peu pour la liberté religieuse - jusqu'à adopter un système qui conduise à faire écrire par l'autorité civile sur certaines tombes : Celui-ci est maudit.

Le droit de fondation ! mêmes principes encore.

Ce prétendu droit, bien loin d'être la liberté, est au contraire la négation la plus complète de la liberté.

Ici vous voyez, vous, une seule personne, celle qui est appelée à disposer. Quant à la société entière, qui doit être à jamais liée par l'acte de fondation, vous ne vous en occupez même pas.

Un vieillard est sur son lit de mort, il vient d'acquérir une propriété immense, et il veut en disposer ; vous voulez qu'il en fasse ce qu'il veut, et que sa volonté prévale dans la suite des siècles. Ce qu'aura dit cet homme, un pied dans la tombe, liera à jamais les vivants ; les générations succéderont aux générations et elles ne pourront rien contre cette immuable volonté ; du fond du tombeau, il aura le droit de réclamer, à travers les siècles, le maintien perpétuel de ce qu'il a voulu !

Les lois passent ; ce que le pouvoir souverain a ordonné dans la plénitude de l'exercice de ses droits est soumis à la volonté du pouvoir qui lui succède ; mais la disposition d'un individu ne passerait jamais, et contre cette loi privée les législateurs, représentant la souveraineté nationale, ne pourraient rien !

Vous aurez beau décorer du nom de liberté pareil système, il sera toujours impossible.

Mais parlons des fabriques !

L'honorable membre a découvert des choses impies dans ce projet qui n'a pas encore vu le jour.

M. Thibaut. - Infimes.

M. Pirmez. - Soit, j'avais, et mes voisins aussi, entendu impies. Vous avez découvert des choses qui sont les indices de cette vaste conspiration qui doit renverser la liberté religieuse.

Indice manifeste : la place assignée dans les séances du conseil au bourgmestre et au curé.

Le projet dispose, paraît-il, que dans le conseil de fabrique, le plus âgé des deux siégera à droite du président, le moins âgé à gauche.

Vous trouvez cela une disposition infime. Pourquoi l'avez-vous jetée dans la discussion comme intéressant une de nos plus chères libertés ? Vous n'auriez pas dû alors y trouver un symptôme révélateur de cette odieuse conjuration que vous dénoncez à l'indignation du pays !

Voilà donc ce qui est si révoltant !

Il y a une administration mixte dans laquelle le clergé intervient comme l'autorité civile ; dans cette administration mixte on a pensé, paraît-il, c'est l'honorable M. Thibaut qui nous révèle cette circonstance d'un projet inédit, que ni le curé, ni le bourgmestre ne devaient avoir la préséance absolue et qu'il fallait, pour éviter un conflit, la laisser à une circonstance tout à fait accidentelle, celle de l'âge.

On ne peut pas pousser plus loin le respect des droits de chacun, mais l'honorable M. Thibaut veut que le curé soit toujours assis avant le bourgmestre.

M. Thibaut. - Cela existe depuis 1801.

M. Pirmez. - Si l'on fait un nouveau projet qui oblige à voter sur chaque article, pourquoi faut-il maintenir cette disposition qui peut donner lieu à d'interminables discussions ?

Encore une fois, si, d'après vous, elle a si peu d’importance, pourquoi la signaler avec les caractères que vous lui avez donnés ?

Vous êtes forcé de reculer devant ce que vous avez dit.

Vous avez passé la nuit à lire un livre qui vous a profondément irrité. (Interruption.)

Je comprends, dès lors, que vous ayez été porté à parler sous l'empire de cette irritation.

Supposons donc que, bien que dans votre premier discours, vous nous parliez de M. Laurent Tesch, vous n'ayez pas pensé à ce lien de famille qui l'unit à M. le ministre de la justice.

Supposons encore que vous n'ayez pas vu dans la place qu'occuperont le curé et le bourgmestre le signe d'un complot irréligieux.

Et n'en parlons plus.

M. Muller. - Messieurs, la discussion se traîne un peu à bâtons rompus. Je vais me borner à quelques mots que j'ai à répondre à l'honorable M. Van Overloop.

Je ne sais quelle analogie il a pu trouver entre ce que j'ai soutenu hier relativement à un magistrat juge de paix à Liège et qui était autrefois juge au tribunal de Tongres, et le traitement des évêques et des curés.

Hier, j'ai pensé, avec la section centrale, qu'en vertu de l'arrêté royal qui nommait M. Hermans.il avait droit à jouir de l'augmentation attribuée par la nouvelle loi aux magistrats du tribunal de Tongres.

Voilà les idées que j'ai soutenues ; il n'a pas été du tout question d'émoluments ni de casuel.

C'est donc pour avoir le plaisir de se livrer à des plaisanteries sans sel que l'honorable M. Van Overloop a voulu me mettre en contradiction avec moi-même.

Maintenant je demande à l'honorable M. Van Overloop si la section centrale s'est départie des règles de l'impartialité lorsqu'elle a proposé de donner aux évêques le même traitement qu'aux gouverneurs ?

Lorsque la section centrale du budget de la justice a proposé de fixer à 16,000 fr. le traitement des évêques, elle avait connaissance des conclusions de la section centrale du budget de l'intérieur, tendantes à porter à 16,000 fr. au lieu de 17,000 le traitement des gouverneurs.

Cette opinion, qui a été émise au sein de la section centrale, je la maintiendrai devant la Chambre et je voterai pour le chiffre de 16,000 fr.

Il me reste maintenant, messieurs, à présenter une observation qui sera, je crois, concluante.

On est toujours parti de l'idée que l'on avait augmenté tous les traitements sans distinction.

Cela est inexact.

Il y a un grand nombre de fonctionnaires dont le traitement reste le même qu'auparavant, parce que le gouvernement a jugé qu'il n'y avait pas lieu de leur accorder une augmentation. Je citerai entre autres les membres du conseil des mines. Vous n'avez vu nulle part proposer d'augmentation pour ces fonctionnaires ni par le gouvernement, ni au sein de cette Chambre.

Dans l'administration des finances, dans les autres départements il y a aussi des traitements qui restent stationnaires.

Voilà donc pourquoi, messieurs, nous n'avons pas réclamé l'augmentation du traitement attribué aux curés de première et de deuxième classe.

Ces curés occupent des positions dans lesquelles le casuel résultant, soit des émoluments qu'ils touchent, soit des revenus de la cure, est assez considérable ou du moins suffisant pour leur permettre de vivre dans l'aisance.

En effet, messieurs, comment devient-on curé de première et de deuxième classe ? C'est probablement par ordre de mérite. Naturellement on assure les meilleures positions à ceux qui se distinguent dans la hiérarchie ecclésiastique.

Voilà, messieurs, quelques observations que j'avais à vous soumettre.

Je termine en disant que je ne tiens pas à ce que l'on admette comme une rectification complète de ma part l'explication que j'ai donnée par loyauté à la Chambre.

J'ai reçu communication d'une lettre émanant du secrétaire de l'évêché de Liège. Je vous en ai donné connaissance, mais je n'ai pas apprécié le fond de cette lettre.

Je manque de détails à cet égard et je vous dirai pourquoi. C'est qu'il est fort difficile dans ces matières de se procurer des renseignements officiels, attendu que les articles 59 et 80 du décret de 1813 restent complètement sans exécution ; c'est à-dire que pour les revenus des cathédrales et des séminaires M. le ministre de la justice ne reçoit pas communication des documents qui, aux termes du décret, devraient lui être annuellement adressés.

On conçoit que dans ces circonstances je ne puisse pas apprécier au juste le fondement de la déclaration qui m'a été adressée. J'en ai donné communication à la Chambre parce que c'était mon devoir et que je ne voudrais pas laisser supposer que j'aurais sciemment soustrait à la connaissance de la Chambre des renseignements qui me sont parvenus.

- Plusieurs membres. - A mardi !

La séance est levée à 4 1/4 heures.