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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 5 mars 1863

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1862-1863)

(page 495) (Présidence de M. E. Vandenpeereboom.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Moor, secrétaire, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. de Boe, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Moor, secrétaire, présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Des directeurs de charbonnages demandent une réduction des péages du canal de Charleroi, en attendant l'élargissement ultérieur de ce canal et de ses embranchements. »

M. J. Jouret. - Messieurs, cette pétition offre un grand intérêt. Elle émane des directeurs de tous les charbonnages du Centre, qui, rappellent à la Chambre une quasi-promesse relative à l'élargissement du canal de Charleroi. Les pétitionnaires pensent que le moment est favorable pour présenter cette réclamation, parce qu'ils s'attendent, disent-ils, à voir présenter un projet de loi de travaux publics. Ce projet a été présenté dans la séance d'hier. Je demanderai donc le renvoi à la commission des pétitions avec invitation de faire un prompt rapport.

M. Jamar. - Messieurs, cette question, dont personne ne saurait méconnaître l'importance, sera inévitablement examinée pendant la discussion du budget des travaux publics. Je pense donc qu'il serait préférable d'ordonner le dépôt de cette pétition sur le bureau pendant la discussion du budget, à moins qu'il ne soit possible d'avoir en temps utile le rapport de la commission des pétitions.

M. J. Jouret. - Je dois maintenir ma proposition ; la commission peut parfaitement présenter son rapport avant la discussion du budget des travaux publics.

M. Jamar. - Si le rapport peut être présenté avant la discussion, je n'insiste pas.

- La proposition de M. Jouret est mise aux voix et adoptée.


« Le sieur Lucq réclame contre l'incorporation d'office dans l'armée de son neveu Hippolyte Alexandre. »

- Même renvoi.


« Le sieur Huet demande que les traitements des secrétaires de parquet soient égaux à ceux des commis greffiers. »

« Même demande du sieur Naveau. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de la justice.


« Les membres du conseil communal d'Enghien prient la Chambre de rejeter toute demande tendante à modifier le tracé primitif du chemin de fer de Hal à Ath par Enghien. »

M. J. Jouret. - J'aurai l'honneur de faire observer à la Chambre que, dans une séance précédente, des pétitions relatives au même objet, mais dans un sens inverse, ont été adressées à la Chambre. Je prie la Chambre d'ordonner qu'autant que possible le rapporteur à la commission des pétitions veuille bien faire de toutes ces requêtes un groupe sur lequel la discussion puisse s'ouvrir.

- Cette proposition est adoptée.


« Les membres du conseil communal de Wielebeke présentent des observations sur les projets de canalisation de la Mandel, et demandent qu'on adopte le projet suivant lequel le canal passe à l'ouest de la commune de Hulste pour se diriger en droite ligne sur Ingelmunster et suivre ensuite le cours de la Mandel jusqu'à Roulers. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du rapport sur les pétitions relatives à la canalisation de la Mandel.


« Le sieur Dufour, ancien percepteur des postes et volontaire de 1830, demande le bénéfice de la loi accordant dix années de service aux officiers qui, en qualité de volontaires, ont pris part aux combats de la révolution dans les quatre derniers mois de 1830. »

- Renvoi à la commission des pétitions.

Rapports de pétitions

M. de Rongé dépose le rapport de la commission d'industrie sur les pétitions des chambres de commerce de Courtrai et de Roulers relatives à l'importation des toiles.


M. Jacquemyns dépose le rapport de la même commission sur les pétitions relatives à l'entrée en Belgique des cuirs découpés.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ces rapports et les met à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi portant le budget du ministère de la justice de l’exercice 1863

Discussion générale

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, différentes observations ont été faites hier, différentes interpellations m'ont été adressées ; je me propose d'y répondre, mais je réclamerai de la Chambre beaucoup d'indulgence ; il m'est impossible de parler très haut et de parler longtemps.

Un député de Mons, l'honorable M. Carlier, a cité hier une erreur que j'aurais commise dans un discours prononcé lorsque nous avons discuté la loi qui fixe les traitements des membres de la justice militaire.

Effectivement, messieurs, les Annales parlementaires ne reproduisent pas mes paroles d'une manière exacte. Ainsi que je l'ai déclaré hier, ce n'était pas de la période de 1850 à 1860 que je m'occupais, c'était de la période de 1845 à 1856 inclus, et les renseignements étaient fournis par les auditeurs militaires eux-mêmes dans une pétition qu'ils ont adressée en 1857 au Sénat.

Il en résulterait que l'auditoriat de Mons avait eu moins d'affaires que les auditoriats militaires de première classe, sauf celui de Liége, qui avait eu une affaire de moins ; l'auditoriat de Mons avait eu pendant cette période 191 affaires en moyenne, tandis que l'auditoriat de Liège en avait eu 190.

Je pense que cette rectification est de nature à donner satisfaction à l'honorable M. Carlier.

Messieurs, l'honorable M. J. Jouret a demandé que le gouvernement s'occupe d'une statistique des condamnations à mort qui ont eu lieu en Belgique. Je m'engage à faire dresser tous les tableaux pour lesquels il existe les éléments nécessaires dans les bureaux.

Sans vouloir entrer aujourd’hui dans l'examen de la question de savoir si la peine de mort doit être ou non abolie, je crois pouvoir dire que 'es statistiques ne doivent être consultées qu'avec beaucoup de circonspection (page 496) et qu'on ne peut pas conclure d'un chiffre à une cause ou à un effet quelconque. Ainsi, de ce que la peine de mort n'aurait pas été exécutée dans l’une ou l'autre de nos provinces, et de ce que les crimes n'y auraient pas augmenté dans une grande proportion, il n'en résulterait pas nécessairement qu'il faille abolir la peine de mort.

De ce que la condamnation à la peine de mort n'est pas suivie d'exécution, il ne s'ensuit pas que son maintien dans la législation ne puisse produire un effet préventif salutaire.

Je ne veux pas en dire davantage sur ce point, et je me borne à déclarer à l'honorable M. J. Jouret que je lui donnerai tous les renseignements dont les éléments se trouvent dans les bureaux de mon département.

Messieurs, dans la discussion d'hier, on s'est occupé de différentes classes de fonctionnaires. On s'est occupé, entre autres, des notaires, des huissiers et des commis de parquet. J'aurai quelques mots à répondre aux observations qui ont été présentées, à des points de vue différents, sur ces diverses catégories de fonctionnaires.

L'honorable M. Debaets, député de Gand, nous a parlé d'un arrêt de la cour de cassation qui a produit une certaine émotion dans le corps notarial et qui est de nature à exercer une assez grande influence sur la position des notaires.

Je reconnais, avec l'honorable M. Debaets, que cet arrêt décide en principe une question extrêmement importante. Je n'ai pas encore d'opinion formée sur ce qu'il y aurait à faire si cette jurisprudence était définitivement admise.

L'honorable M. Debaets sait que l'affaire est renvoyée devant la cour d'appel de Bruxelles. Nous ignorons tous quelle sera sa décision. Si cette cour n'adoptait pas la manière de voir de la cour de cassation, il y aurait lieu pour cette cour de rendre un nouvel arrêt toutes chambres réunies ; et la Chambre elle-même pourrait être appelée à se prononcer sur la question. Nous n'avons donc pas à nous explique, quant à présent, sur ce sujet.

Quant à la position du notariat en général, la Chambre sait qu'elle a eu, il y a 12 ou 13 ans, à s'occuper de cette question et qu'à l'occasion d'un projet dont elle a été saisie à cette époque, tous les systèmes ont été successivement examinés et rejetés.

Vous savez que, d'après les uns, il faut faire de tous les notaires de canton des notaires d'arrondissement ; les autres au contraire voudraient que tous les notaires, même les notaires d'arrondissement, les notaires du ressort des cours d'appel, fussent circonscrits dans le canton.

Suivant d'autres encore, il faudrait permettre à certains notaires de canton d'instrumenter dans les cantons avoisinants.

La Chambre n'a adopté aucun de ces systèmes. Je crois que si le gouvernement avait, lui, des idées arrêtées, il lui serait difficile de les faire accepter en ce moment, attendu que les opinions sont encore trop divergentes pour qu'il soit possible d'arriver à une réforme de la loi de ventôse. Du reste, il re faut pas perdre de vue que dans cette affaire l'intérêt du notariat est seul engagé ; et je dois dire que le public, dont l'intérêt doit en définitive nous préoccuper avant tout, est resté jusqu'à présent assez indifférent à toutes les discussions qui ont surgi entre les notaires du pays sur l'étendue du ressort dans lequel ils devaient instrumenter.

Je dois dire que chacun des systèmes qui ont été préconisés offre des inconvénients ; les notaires eux-mêmes ne sont pas d'accord et il est des notaires de campagne, ceux précisément en faveur desquels on réclame généralement l’extension du ressort et que l'on veut assimiler aux notaires d'arrondissement ; il est, dis-je, des notaires de campagne qui ne voudraient pas que ce système fût introduit. De sorte que, sous ce rapport encore, il n'est pas démontré qu’il y ait lieu de réformer la loi sur le notariat.

Je reconnais, du reste, qu'il ne faut pas trop multiplier le nombre des notaires. Je ne pense pas que j'aie créé une seule place de notaire depuis que je suis au ministère. J'en ai au contraire supprimé plusieurs et je crois qu(il y a lieu de persévérer dans cette voie.

Il y a des études qui ne sont, pour ainsi dire, que des antichambres du notariat, on ne fait qu'y passer, on n'y reste pas. Mais d'un autre côté, il y a aussi des intérêts dont il faut tenir compte ; c'est, comme je l'ai dit tout à l'heure, l'intérêt des populations.

Il y a des communes qui réclament un notaire à raison de leur éloignement.

Quand il s'agit de supprimer un notaire ou de transférer une résidence, ces communes font valoir qu'elles seront exposées, à raison de la distance, à ne pouvoir recourir en temps utile au ministère d'un notaire pour les actes urgents tels que les testaments.

Sans vouloir comparer la concurrence entre les notaires à la concurrence industrielle et commerciale, je pense qu'il est utile que les notaires soient en nombre suffisant pour que le notariat ne constitue pas un monopole. Cependant loin de penser qu'on doive en nommer de nouveaux, je suis d'avis qu'il faut en supprimer quand c'est possible. C'est dans cet ordre d'idées que je procède.

M. Debaets a également appelé l'attention du gouvernement sur la position des huissiers.

J'avoue qu'aujourd'hui, par suite des mesures qui ont été prises en 1848 et des lois qui datent de cette époque, le travail des huissiers a éprouvé une certaine diminution ; mais je ne crois pas que le gouvernement doive subvenir au déficit qui s'est produit dans leurs revenus.

Je puis dire dès maintenant que pour autant que ce ne soit pas contraire à l'intérêt général, je suis disposé à réduire plutôt qu'à augmenter le nombre de ces officiers ministériels.

Ce sont les tribunaux qui indiquent le nombre des huissiers nécessaires au service et qui détermine le lieu de leur résidence, le gouvernement n'intervient en quelque sorte que pour donner l'investiture.

A mon avis, ce n'est pas en augmentant les frais qu'il faut chercher à améliorer la position des huissiers, mais bien en réduisant leur nombre.

Les frais de justice étaient, si je ne me trompe, de sept ou huit cent mille francs avant 1848 ; par suite des mesures qui ont été prises depuis cette époque, on a opéré une certaine économie qui tourne au profit des délinquants eux-mêmes.

Quand les délinquants sont solvables, les frais de justice ne sont qu'une avance faite par l'Etat, ils doivent être remboursés par les condamnés.

On ne peut donc pas augmenter les frais de justice à cette fin de faire aux huissiers une position meilleure et d'accroître leurs revenus.

Le gouvernement donne aux huissiers leur position, il les nomme sur leur demande, c'est à eux à voir s'ils trouvent dans leur profession des moyens suffisants d'existence, l'Etat ne doit leur donner ni directement ni indirectement des suppléments de ressources. Si leur nombre est trop grand et que les tribunaux trouvent qu'il y a lieu de le réduire, je suis disposé à le faire.

Messieurs, plusieurs honorables membres vous ont entretenus de la position des employés des parquets et vous ont dit que l'augmentation de traitement proposée n'était pas suffisante. Voici quelle est leur position actuelle et quelle majoration nous proposons en leur faveur.

Le commis du parquet de la cour de cassation a 3,000 fr. d'appointement, nous proposons de porter cette somme à 3,300 fr. Les commis des parquets des cours d'appel ont 2,750 fr. nous proposons de leur donner 3,300 fr. comme au secrétaire du parquet de la cour de cassation.

D'après les renseignements que j'ai reçus, les commis des parquets de cours d'appel sont au moins aussi occupés que les commis du parquet de la cour de cassation, ils sont même en général beaucoup plus occupés. Il est donc assez juste que les traitements soient les mêmes.

Quant aux tribunaux de première classe, les commis du parquet jouissent d'un traitement de 1,900 fr. Ce traitement est porté à 2,400 fr.

Ceux des tribunaux de deuxième classe ont 1,400 fr. Ils auront 1,800 fr.

Ceux des tribunaux de troisième classe ont 1,300 fr. Ils auront 1,700 fr.

Ceux de quatrième classe ont 1,100 fr. Ils auront 1,700 fr.

La Chambre voit que cette augmentation, pour les commis des parquets des tribunaux, est de 25 p. c. au moins, et elle s'élève même pour quelques-uns, non pas, comme l'a dit l'honorable M. Tack, à 3p. c. au maximum, mais au-delà de 30 p. c.

L'honorable M. Tack disait hier que certains commis greffiers recevaient une augmentation de 50 p. c.

Ce sont, en général, les greffiers qui appartiennent à la quatrième classe, et cette augmentation plus forte provient de leur passage de la quatrième classe dans la troisième.

Il en est de même des commis des parquets.

Les commis des parquets de quatrième classe ont aujourd'hui 1,100 francs ; en passant de la quatrième classe à la troisième, ils seront payés comme tous les commis de parquets de troisième classe. Ils recevront 1,700 francs ce qui augmente leur traitement de plus de 50 p. c.

Ces donc une erreur de la part de l'honorable M. Tack.

M. Tack. - Pour cette seule catégorie.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Les commis greffiers qui ont une augmentation extrêmement forte, appartiennent aussi à cette catégorie, car ils profitent aussi de l'augmentation qui résulte de la suppression d'une classe.

Maintenant on vous dit que les commis de parquet doivent être assimilés aux commis greffiers des tribunaux.

Cette assimilation ne me paraît pas exacte. Les commis greffiers des tribunaux font partie du corps de la magistrature.

Ils ont une responsabilité vis-à-vis du greffe ; ils ont une responsabilité vis-à-vis du public.

Ils ne sont pas dans la position d'un simple commis de parquet qui est à la disposition du procureur du Roi.

Il y a là une différence dont il faut tenir compte. D'un autre côté, le traitement des commis de parquet est fixé tous les ans par le budget. Si dans la suite on trouvait que leur position est insuffisante, on pourrait toujours l'améliorer.

Il n'en est pas de même des commis greffiers, dont le traitement doit être fixé par la loi.

Je ne prétends pas dire qu'il n'y a pas autant de besogne d'un côté que de l'autre, mais il est évident que la position est différente.

Je ne pense donc pas que l'on puisse assimiler ces deux catégories de fonctionnaires.

Jusqu'à présent ils ne l'ont pas été : le traitement du commis greffier de quatrième classe était de 1,600 fr. et le traitement du commis de parquet de quatrième classe de 1,100 fr. Les commis greffiers des tribunaux de troisième classe avaient 1,600 fr. ; les commis des parquets de troisième classe 1,300 fr. Il y a donc toujours eu une différence.

L'augmentation qui est aujourd'hui proposée est calculée à peu près sur les bases qui ont été admises pour les autres fonctionnaires.

Ceux qui étaient le moins payés, ceux de quatrième classe ont une augmentation de plus de 50 p. c.

L'honorable M. Tack nous a parlé hier de l'indemnité qui est accordée aux membres du jury. Cette indemnité, qui se compose de frais de voyage et de frais de séjour n'est en effet pas très-élevée, mais elle est la même, je crois, que celle des experts et des médecins qui sont appelés également dans les affaires criminelles.

Si la Chambre trouve qu'il y a lieu d'apporter de ce chef des changements dans la législation, elle pourra le faire dans la loi d'organisation judiciaire. Mais augmenter cette indemnité, ce serait peut-être augmenter considérablement les frais de justice en matière criminelle, parce que cette révision pourrait entraîner l'augmentation des indemnités des autres agents qui concourent à l'administration de la justice.

L'honorable M. Debaets m'a interpellé hier, au sujet d'une illégalité que j'aurais commise en empêchant l'exécution de la loi en ce qui concerne les courtiers. Je vais avoir l'honneur de dire à la Chambre dans quel état se trouve cette question.

Messieurs dès 1848 ou 1849, des discussions ont surgi entre les courtiers, les courtiers de navires, les courtiers de commerce, les courtiers marrons et d'autres agents et expéditionnaires qui interviennent dans les affaires.

Ces débats ont été portés d'abord devant le tribunal de Gand qui a déclaré qu'en vertu de la loi de 1822, certains agents avaient le droit d'intervenir dans toutes les déclarations en douane.

L'affaire a été portée à la cour d'appel, qui a confirmé le jugement.

Puis l'on s'est adressé à la cour de cassation qui a rejeté le pourvoi.

Les courtiers de Gand ont à cette époque adressé un très long mémoire dans lequel ils protestaient contre la jurisprudence de la cour de cassation, dans lequel ils disaient que l'état de choses que créait l'arrêt de cette cour, renversait de fond en comble l'institution des courtiers et la législation qui lui sert de base.

Ainsi, la cour de cassation condamnait elle-même la plus grande partie des prétentions des courtiers, celles qui font l'objet de leurs réclamations principales.

A la même époque surgirent à Anvers des difficultés à peu près de même nature. Les courtiers réclamaient le monopole des affaires, tandis que d'autres intermédiaires avaient eu jusque-là l'habitude d'intervenir.

M. Faider, alors ministre de la justice, écrivait à M. le procureur général près la cour de Bruxelles, la lettre suivante :

« Bruxelles, le 20 avril 1853.

« Monsieur le procureur général,

« Comme suite à votre dépêche du 8 courant, n°1935, sur laquelle vous me communiquez les instructions que vous avez adressées à M. le procureur du roi d'Anvers, à la suite de l’ordonnance de la chambre du conseil du tribunal de cette ville, en date du 20 février, j'ai l’honneur de vous faire connaître certains faits qui semblent de nature à rendre moins rigoureuses les mesures de surveillance que vous avez présentes et que, au point de vue de la stricte légalité, je ne puis qu'approuver.

« Le gouverneur a reçu des principaux organes du commerce d'Anvers, un exposé d'où il résulte que, à moins de causer une perturbation dans les affaires de cette place, on ne pourrait en ce moment et sans transition, poursuivre à toutes fins la répression de certains faits qui reposent sur une pratique peu légale, il est vrai, mais déjà unanime. Dans cette position, le gouvernement a pris la résolution de confier à une commission composé d'hommes expérimentés le soin de lui signaler, sans délai, les mesures propres à concilier ce qu'exigent à la fois la légalité et les affaires de la place : tout donne lieu d'espérer que l'on arrivera, sans fâcheux retours, à un résultat favorable.

« Vous jugerez, M. le gouverneur général, de l'opportunité d'apporter aux instructions que vous avez données, les tempéraments qu'autorisent les faits que je viens de mentionner.

« Le ministre de la justice, Ch. Faider. »

A dater de cette époque aucune poursuite ne fut plus exercée dans le ressort de la cour d'appel de Bruxelles, au sujet d'immixtion dans ce qu'on appelle les affaires de courtage.

Les choses en restèrent là jusqu'en 1858.

A cette époque des habitants de Gand adressèrent une pétition à la Chambre ; voici le rapport qui fut fait sur cette pétition par l'honorable M. De Fré.

« Par pétition datée de Gand, le 15 juillet 1858, des négociants à Gand demandent la révision des lois sur le courtage, et prient la Chambre, si elle ne peut s'en occuper avant la clôture de la session, d'inviter le gouvernement à appliquer à la ville de Gand la mesure transitoire qui a été prise, entre autres, pour Anvers et pour Bruxelles.

« Les réclamants se fondent sur ce que le gouvernement a lui-même reconnu, en 1853, le caractère vicieux des lois existantes, en donnant ordre de suspendre toute poursuite jusqu'à leur révision.

« Les lois sur le courtage sont tombées en désuétude, et cependant, depuis quelque temps, on entame des poursuites à Gand.

« Conclusions : Renvoi à M. le ministre des affaires étrangères. »

Comme vous le voyez, messieurs, c'est en 1858. par une pétition en date du 17 juillet, que les habitants de Gand demandèrent qu'on appliquât à cette ville la mesure qui avait été prise à l'égard des villes d'Anvers et de Bruxelles, c'est-à dire qu'on ne donnât plus suite à Gand aux démêlés qui pourraient survenir entre les courtiers et d'autres personnes, relativement à l'exercice de cette profession.

Dans la séance du 2 décembre 1858, où ce rapport fut présenté, M. Manilius s'exprima de la manière suivante :

« J'appuie le renvoi de cette pétition au ministre des affaires étrangères. S'il était présent, je lui demanderais s'il compte nous présenter bientôt une nouvelle législation. Depuis 1853, on a reconnu qu'on devait laisser tomber en désuétude l'ancienne législation sur les courtiers de commerce. Mais l’avis n'en a été donné par M. le ministre de la justice qu'à la seule cour de Bruxelles, c'est-à-dire, que le parquet de la cour de Bruxelles seul arrête toute poursuite du chef de manquement aux règlements sur le courtage par le tribunal d'Anvers, tandis que, dans le ressort des autres cours d'appel, on continue à poursuivre les infractions aux règlements sur le courtage.

« Dans ce moment, à Gand, on exerce des poursuites contre les courtiers qu'on appelle marrons. Les pétitionnaires demandent que cela cesse, qu'on ne poursuive pas plus dans le ressort de Gand que dans celui de Bruxelles et que l'on présente une nouvelle loi, des mesures pour que la jurisprudence adoptée en 1853 pour le ressort de la cour de Bruxelles, soit étendus aux ressorts des autres cours d'appel. »

Voici quelle fût ma réponse :

« La Chambre comprend que je ne puisse pas m'expliquer sur la mesure que les pétitionnaires prétend avoir été prise en 1853 par un de mes prédécesseurs ; mais j'admets que si des instructions ont été données pour le ressort de la cour d'appel de Bruxelles, elles doivent s'étendre aux cours de Gand et de Liège.

« Je ne comprendrais pas que des poursuites fussent suspendues dans un ressort et qu’elles ne le fussent pas dans l'autre, Ce qui est délit dans une partie du pays doit l'être dans tout le pays.

(page 498) « J'examinerai le fait et je ferai, s'il y a lieu, droit à la demande de l'honorable préopinant. »

En effet, messieurs, j'ignorais complètement la mesure qui avait été prise.

Voilà, messieurs, ce qui se passait au mois d'octobre 1858. Je promettais à la Chambre d'examiner si réellement en 1853 des instructions avaient été données prescrivant de suspendre les poursuites, et je disais que je prendrais des mesures pour que la règle adoptée dans le ressort de la cour d'appel de Bruxelles fût étendue au ressort de la cour d'appel de Gand.

C'est en exécution de cette déclaration faite à la Chambre que j'ai écrit aux procureurs généraux de ne plus intervenir dans les affaires de courtage jusqu'à ce que cette partie de notre législature puisse être modifiée.

A cette époque, messieurs, une commission s'occupait de la question. C'est la commission chargée de la révision du Code de commerce qui, je l'espère, terminera son travail incessamment.

Je reconnais, messieurs, qu'il y a quelque chose d'assez irrégulier dans cette affaire. Cependant, pour la ville de Gand la cour de cassation elle-même a condamné les prétentions des courtiers qui consistent à vouloir empêcher certains agents d'intervenir dans les déclarations en douane.

Mais, messieurs, je ne pense pas qu'en ce moment il y ait à revenir sur ce qui a été fait en 1853 et je crois que la Chambre est bien plus disposée à affranchir le commerce et l'industrie de la nécessité de certains intermédiaires ; ce qu'il y a de mieux à faire, c'est de hâter le moment où l'on pourra, par des dispositions législatives, régulariser ce qui existe actuellement en fait. Du reste, messieurs, s'il y a un coupable, ce n'est pas moi ; j'ai étendu à un ressort ce qui avait été fait par un de mes prédécesseurs en 1853. Je l'ai fait en le déclarant à la Chambre.

C'est en suite d'un engagement pris envers la Chambre que j'ai écrit de cesser les poursuites.

L'honorable M. Van Overloop m'a interpellé hier au sujet d'une question de tarif. Il a signalé que dans le tarif, article 25, je pense, on faisait figurer les frais d'interprète comme devant être mis à la charge des condamnés. Je crois, messieurs, que cette mesure est extrêmement juste en soi, abstraction faite de toute espèce de préoccupation quant aux individus ; elle ne peut pas souffrir de contradiction sérieuse.

En effet, les frais d'interprète sont des frais de justice ; ils sont occasionnés par l'individu qui est mis en jugement. De deux choses l'une : où cet individu a commis le fait délictueux pour lequel il est poursuivi, ou il ne l'a pas commis. Dans le dernier cas, il ne sera pas condamné, et il n'aura rien à payer ; mais s'il est condamné, s'il est reconnu coupable du fait pour lequel on l'a traduit devant la justice, l'Etat a été, à cause de lui, dans la nécessité de faire des dépenses, et il est évident que l'individu condamné, qui a donné lieu à ces dépenses, doit les lui rembourser.

Cela ne peut pas souffrir de difficultés.

Qu'un témoin anglais, par exemple, dépose dans une affaire et que le prévenu soit déclaré coupable du fait qui lui est imputé, pourquoi l'Etat devrait-il payer l'interprète dont l'intervention aura été nécessaire ?

M. Coomans. - Le gouvernement n'est pas forcé de payer le témoin anglais ; mais il est forcé de payer le témoin flamand.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Le gouvernement a, comme tous les citoyens belges, le droit de parler les deux langues ; du reste, il n'est pour rien là-dedans. Il peut y avoir des frais d'interprètes qui sont à la charge de tout le monde...

M. Coomans. - Pas pour le flamand.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il y a en Belgique un arrondissement tout allemand, c'est celui que j'ai l'honneur de représenter. Tout individu traduit devant la justice dans cet arrondissement ne peut être jugé sans qu'il y ait un interprète ; si un Wallon est traduit devant un tribunal d'une des provinces flamandes, il faudra recourir à un interprète ; si dans une affaire, plaidée devant un tribunal d'une des provinces wallonnes, il y a un seul témoin flamand, il faudra également un interprète.

Sous ce rapport, toutes les populations sont placées dans une position d'égalité parfaite.

Lorsqu'un témoin ne connaîtra ni le français, ni l'allemand, ni le flamand, lorsqu'il ne parlera que l'anglais, l'italien, etc., le ministère d'un interprète sera nécessaire.

Qui doit payer l'interprète ? C'est évidemment l'individu qui est reconnu coupable du fait délictueux qui a occasionné ces frais de justice.

M. Van Overloop. - On recourt à des interprètes pour les Flamands dans les provinces flamandes.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Oui, si les tribunaux le jugent indispensable ; vous savez que le gouvernement n'intervient pas en cette matière.

Du reste, il ne faut pas se préoccuper de la question de savoir si ce sont des Wallons ou des Flamands ; mais si l'on veut être juste et vrai, il faut voir ce qui a donné lieu aux frais d'interprète. Si ces frais sont occasionnés par un fait délictueux, c'est évidemment l'auteur du mal qui doit les payer.

L'honorable M. Van Overloop m'a aussi interpellé hier au sujet d'un homme Important qui aurait été condamné à 7 années de réclusion et qui subirait sa peine à Bruxelles.

L'assemblée a pu croire que c'est à raison de l'importance de la personne qu'on aurait porté une espèce d'atteinte au principe de l'égalité de tous devant la loi. Je dirai d'abord que quand il s'agit de remise ou de commutation de peine, je me préoccupe très peu des hommes importants ; les hommes importants trouvent toujours des personnes pour les appuyer ; je m'occupe davantage des gens qui ont peu d'appui ; et si un jour j'ai des comptes à rendre sous ce rapport, je n'aurai pas de peine à établir que ceux dont, en général, on s'occupe le moins sont précisément ceux dont je me suis le plus occupé.

La personne à laquelle on a fait allusion a été condamnée effectivement à 7 années de réclusion. Cette personne a demandé à subir sa peine dans la prison de Bruxelles , il y a, je pense, 4 ou 5 mois ; mon opinion était que cette demande ne pouvait être accueillie et qu'il fallait transférer le condamné à la prison de Louvain. Cette décision se trouve actée au dossier.

Il a alors demandé à rester à Bruxelles, à raison de son état de maladie. Cette nouvelle supplique a été instruite, et les médecins ont déclaré que cette personne était malade, que sa maladie lui occasionnait des souffrances, mais qu'elle n'était ni mortelle, ni même dangereuse.

Telle était la déclaration des médecins, mais ils ne s'étaient pas expliqués sur la question de savoir si le condamné pouvait ou ne pouvait pas être transféré. On a demandé des éclaircissements à ce sujet ; les pièces sont revenues, et il a été résolu qu'il serait donné suite à la décision première.

Il n'y a donc pas eu la moindre atteinte portée au principe de l'égalité devant la loi ; mais il est vrai que l'on a usé de toute l'humanité qu'on doit employer même à l'égard de personnes importantes.

La position sociale du condamné n'a donc influé en rien sur la décision de l'administration. Je déclare, qu'à l'heure qu'il est, je ne connais pas encore la position de cette personne.

Du reste, si on lui avait permis de rester à Bruxelles, ce n'aurait pas été une atteinte à l'égalité devant la loi. Cela se fait très souvent.

Quand on permet à un individu condamné à subir sa peine dans telle ou telle prison, c'est une espèce d'exercice de |a prérogative royale qui, ayant le droit de remettre la peine, peut aussi en changer l'exécution ; il y a en ce moment, dans la prison de Bruxelles même, des personnes qui ont été autorisées à y subir leur peine ; et tous ceux qui ont été à la tête du département de la justice savent très bien que les commissions administratives demandent quelquefois que telle personne soit laissée dans la prison à raison des services qu'elle peut rendre, ou à raison de toute autre circonstance. Il n'y a donc, quant à cette affaire, aucun reproche à adresser à qui que ce soit.

L'honorable M. Vander Donckt vous a entretenus hier, messieurs, de la question des dépôts de mendicité et de celle du domicile de secours. Si ces questions ne reçoivent pas une prompte solution, ce n'est pas qu'on ne les étudie point ; mais c'est qu'elles présentent une extrême difficulté. Il y a au fond une charge, celle de payer, celle de donner des secours, et toutes les administrations cherchent à s'en débarrasser le plus possible.

D'un autre côté, ces affaires ne sont pas du ressort exclusif du gouvernement ; la surveillance lui appartient, mais ce sont principalement des affaires communales en ce qui concerne le domicile de secours, et des affaires provinciales en ce qui concerne le dépôt de mendicité.

L'honorable M. Vander Donckt, rappelant ce que j'avais dit dans une séance précédente, signalait hier une contradiction entre mes paroles et ce qu'aurait dit l'année dernière au conseil provincial l'honorable M. Fizenne.

Aussitôt après la séance, j'ai voulu éclaircir les faits, et voici les explications que je puis donner à l'honorable M. Vander Donckt.

En 1856. en effet, une communication a été faite par M. Liedts, alors gouverneur du Brabant, à mon prédécesseur l'honorable M. Nothomb, au (page 499) sujet du dépôt de la Cambre. L'honorable M. Nothomb, ou son prédécesseur M. Faider, avait nommé une commission pour s'occuper de la question des dépôts de mendicité et, d'après une note que j'ai trouvée au dossier, l'honorable M. Nothomb n'a pu donner suite à la demande de l'honorable M. Liedts, parce qu'il n'était pas encore décidé alors à qui incomberaient ultérieurement les frais de répression de la mendicité.

La commission était d'avis, parait-il, de faire retomber sur l'Etat les frais de répression de la mendicité. C'est un système qui ne semble pas avoir été admis par l'honorable M. Nothomb ; mais la question, du reste, n'était pas décidée. Voilà comment, en 1856, mon prédécesseur n'a pas pu donner suite à la proposition de M. Liedts. Mais, depuis 1856, la députation permanente du conseil provincial du Brabant n'a plus fait, à ce sujet, aucune ouverture au gouvernement, et elle semble même avoir perdu de vue ce qu'elle avait proposé à cette époque ; car voici ce que j'écrivais le 6 avril 1862 à M. le gouverneur du Brabant, en réponse à une lettre qu'il m'avait adressée :

« Il résulte de votre lettre du 21 mars dernier, n°15,365/8,900 A, que la députation permanente de votre province est d'avis qu'il y aurait lieu de substituer au dépôt de la Cambre un dépôt de mendicité agricole.

« La mise en vente des anciennes colonies agricoles de Merxplas appartenant au prince Frédéric des Pays-Bas, paraît être une occasion favorable pour réaliser ses intentions.

« Vous trouverez ci-joint trois plans des lieux et un rapport détaillé que j'ai reçu, de M. le major De Lobel, directeur du dépôt de Hoogstraeten.

« Si d'autres renseignements vous étaient nécessaires, M. De Lob s'empresserait de vous les fournir. »

Et voici la réponse que j'ai reçue, à la date du 31 avril 1862 :

« M. le ministre,

« J'ai soumis à la députation permanente votre dépêché du 16 de ce mois, 1ère division, 2ème bureau, n°21,431, et les pièces y annexées, concernant l'acquisition à faire, par la province, pour y établir un dépôt de mendicité agricole, des anciennes colonies de Merxplas.

« Ce collège s'est prononcé contre une combinaison qui aurait pour résultat de placer le dépôt de mendicité du Brabant à l'extrémité de la province d'Anvers, aux confins de la Hollande. La députation estime, M. le ministre, que l'intérêt de la province exige que l'administration, l'inspection et la surveillance du dépôt se fassent d'une manière continue et sérieuse et restent confiées à des personnes qui sont, en quelque sorte, directement intéressées à ce que l'établissement soit administré avec économie, et ne vienne pas aggraver les charges, déjà trop lourdes, des communes. La députation pense que s'il s'agissait sérieusement du déplacement du dépôt, on pourrait trouver dans le Brabant même des terrains convenables pour y créer un dépôt agricole.

« Je vous renvoie, M. le ministre, le rapport et les plans que vous avez bien voulu me communiquer.

« Pour le gouverneur,

« Le député délégué, « (Signé) Annemans. »

La Chambre voit qu'on ne fait pas du tout allusion, dans cette lettre, à la proposition de déplacer le dépôt de la Cambre.

Quoi qu'il en soit, je déclare ici, de la manière la plus formelle, que si la province de Brabant voulait déplacer le dépôt de la Cambre, et si elle voulait créer ailleurs un autre établissement, je la seconderais de tout mon pouvoir ; ce n'est pas de ma part qu'elle rencontrerait la moindre objection ; bien loin de là.

J'avais indiqué les terres et la colonie de Merxplas, parce que là il y avait de grands bâtiments et qu'avec peu de frais on aurait pu les approprier.

Je crois que c'était une occasion qu'on eût dû saisir avec empressement, car il importe peu, selon moi, que le dépôt soit placé à l'extrémité de la province d'Anvers ou ailleurs : si on le déplace, il faudra toujours se résoudre à l'établir à une assez grande distance de Bruxelles, afin de trouver assez de terres pour en faire un dépôt agricole. Et je crains que l'on ne soit obligé à de grandes dépenses, si l'on doit faire de nouvelles constructions. Mais, encore une fois et pour qu'il n'y ait plus l'ombre d'un doute sur mes intentions à cet égard, je prends devant la Chambre l'engagement de seconder administrativement la province de Brabant dans ce qu'elle fera pour déplacer le dépôt de la Cambre et pour le transformer en un dépôt agricole.

Je n'ai pas davantage perdu de vue la question du domicile de secours qui se lie d'une manière intime à la précédente et qui est tout aussi difficile.

J'ai eu l'occasion déjà de le dire à la Chambre, cette question du domicile de secours a été soumise aux députations permanentes et vous savez qu'une des principales difficultés qu'elle soulève est celle de savoir quelle sera la commune à laquelle incombera la charge du secours.

Vous connaissez tous messieurs, la législation française ; vous savez que d'après cette législation, c'est le lieu de la naissance qui détermine le domicile de secours, mais un nouveau domicile s'acquérait par un secours d'une année dans une autre commune.

Celte législation a été abandonnée chez nous dès 1818 : on a admis en principe que le domicile de secours devait être le lieu de la naissance, mais qu'il pouvait être remplacé par un autre domicile qui s'acquerrait par 4 ans de résidence.

Cette législation nous a régis depuis 1818 jusqu'en 1845. A cette époque, de telles réclamations ont surgi, que le législateur a cru devoir modifier ce délai pour fortifier le principe que c'est au domicile de naissance qu'incombe la charge de l'entretien des indigents.

On a fortifié ce principe en portant à 8 ans le délai nécessaire pour changer le domicile de naissance. Je regrette de ne pouvoir vous donner lecture des discours prononcés à cette époque, mais le gouvernement représenté par M. d'Anethan et la plupart des orateurs qui ont été entendus ont tous soutenu que les abus nés de la législation de 1818 étaient tels, qu'il était indispensable de porter à huit ans le délai nécessaire pour qu'un nouveau domicile pût remplacer le domicile de naissance.

Dans l'enquête sur la bienfaisance, ces différentes questions ont été posées aux députations. La première était celle de savoir s'il fallait maintenir l'obligation du secours à la charge des communes. Toutes les députations ont répondu presque unanimement qu'il fallait maintenir l'obligation du secours si on ne voulait voir les malheureux périr de misère.

C'est la seule question sur laquelle il y ait eu une certaine unanimité ; il y a, au contraire, la plus grande divergence d'opinion relativement au délai après lequel le domicile de naissance peut être remplacé par un nouveau domicile. J'ai reçu des rapports de toutes les provinces, à l'exception du Limbourg : je me suis hâté d'en prendre connaissance et voici, messieurs, un aperçu des diverses opinions qui sont consignées dans ces rapports.

La députation du Brabant, les commissaires d'arrondissement d'Ath, Roulers, Thielt, Alost, Malines, sont d'avis qu'il y a lieu de revenir au délai de 4 ans, au délai fixé par la loi de 1818.

La députation de la province de Namur et celle du Luxembourg se prononcent pour le délai de 6 ans à titre d'essai, ainsi que les commissaires d'arrondissement de Dinant, d'Arlon, de Louvain.

Se prononcent pour le maintien du délai de 8 ans, la députation de la Flandre occidentale, la députation de Liège et les commissaires d'arrondissement de Courtrai, de Bruges, de Furnes, de Dixmude, d'Ypres, de Termonde, d'Audenarde, de Bastogne, de Neufchâteau, de Nivelles, de Soignies, ainsi que l'administration communale de Turnhout.

Comme vous le voyez, le plus grand nombre se prononcent pour le maintien du délai tel qu'il est fixé actuellement.

La députation du Hainaut et les commissaires d'arrondissement de Mons et d'Anvers voudraient que le domicile de naissance restât toujours le domicile de secours ; la députation de la Flandre occidentale est divisée entre le délai de 4 ans et le délai de 8 ans.

La province d'Anvers a un système nouveau ; elle voudrait que le domicile de secours fût le domicile réel, mais que le domicile de naissance concourût à la dépense pour un tiers et le domicile réel pour les deux tiers.

Relativement aux autres modifications qu'il y aurait à apporter à la loi, il y a lieu, par exemple, d'examiner s'il faut maintenir le même délai pour les domestiques qui sont dans les grandes villes et pour les ouvriers qui vont travailler dans des communes voisines où se trouvent de grands établissements industriels et qui retombent ensuite à la charge de leurs communes quand leurs forces sont épuisées.

II y a quelque chose à faire à cet égard.

Il est assez injuste que des individus qui sont allés user leurs forces dans une commune retombent ensuite à la charge de la commune où ils sont nés.

Je continuerai à examiner cette question. Je désirerais vivement saisir la Chambre le plus tôt possible d'un projet de loi. Mais vous voyez par la divergence d'opinion qui se manifeste, combien on est embarrassé quand il s'agit de formuler une proposition.

Je crois, messieurs, avoir répondu à toutes les observations qui ont été faites ; si l'on en produit d'autres, je reprendrai la parole pour donner les explications nécessaires.

(page 500) M. Notelteirs. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour appuyer quelques observations présentées hier par divers honorables membres.

J'appuie d'abord celles présentées par l'honorable M. Debaets au sujet du traitement des secrétaires du parquet. Tout le monde reconnaît depuis longtemps l'insuffisance des traitements des membres de l'ordre judiciaire, et ce qui est vrai pour les traitements plus élevés, l'est à plus forte raison pour les traitements les moins élevés.

Ces derniers, en effet, subissent le plus immédiatement les atteintes de l'augmentation constante du prix des objets de première nécessité. C'est ce qui a motivé l'augmentation assurée aux commis greffiers.

Je pense, messieurs, que les mêmes motifs militent pour les secrétaires du parquet, et je ne me rends pas raison de l'écart considérable entre leurs traitements qui nous a été signalé.

Je ne pense pas qu'au point de vue de la dignité la position des secrétaires de parquet soit au-dessous de celle des commis greffiers.

Dans ses renseignements, consignés dans le rapport du 22 novembre 1856, l'honorable ministre de la justice de l'époque disait :

« Que si l'on considère que les secrétaires de parquet doivent avoir au moins autant de capacité et d'intelligence, que les commis greffiers, on reconnaîtra qu'il serait équitable d'allouer aux secrétaires de parquet un traitement égal à celui des commis greffiers. »

Je partage cette opinion, messieurs, et je le répète, je ne vois pas les motifs pour lesquels, au lieu de restreindre l'écart existant alors, on l'élargirait aujourd’hui.

Je me borne à ces observations, les discours prononcés hier par MM. Debaets, Van Overloop et Tack me dispensent d'en dire davantage.

J'appuie également les observations de l'honorable M. Debaets au sujet de l'arrêt de la cour de cassation du 25 novembre 1862, qui décide que les agents d'affaires qui, par état et en vertu de procurations spéciales procèdent, comme partie et comme représentant le vendeur, à des ventes publiques, avec réserve de passer devant notaire acte authentique des aliénations faites par acte privé, ne contreviennent pas à l'article 258 du Code pénal.

Je n'entends en aucune manière combattre la légalité de l'arrêt de la cour de cassation, mais je crois avec l'honorable M. Debaets que si cette jurisprudence se maintient définitivement, il y aura lieu pour la législature et pour le gouvernement, à aviser sur ce qu'il convient de faire.

Ce que nos honorables collègues, MM. Van Overloop et Debaets on dit d'un grand nombre de notariats de canton est évident ; et leur situation va encore s'aggraver par la concurrence illimitée des agents d'affaires pratiquant sans garantie spéciale, librement et sans discipline.

Je n'entends pas traiter aujourd'hui à fond la question dont il s'agit. Je ne puis cependant m'empêcher de présenter quelques remarques.

Et d'abord la loi interdit la vente publique de meubles sans l'intervention d'un officier public. Convient-il de ne pas exiger ce ministère pour les ventes publiques d'immeubles dont les clauses, les conditions, les stipulations et les suites sont bien plus importantes et plus permanentes que celles des meubles ?

Le notaire présidant à une vente publique d'immeubles, dresse procès-verbal des opérations, pour le maintien des droits du vendeur comme de l'acheteur.

Il en conserve le dépôt et il le soumet, dans les 10 ou 15 jours, à la formalité de l'enregistrement pour la conservation des droits du fisc, devant lequel il est responsable des droits de mutation.

Convient-il de laisser aux ventes par agents d'affaires les bénéfices de la publicité, tout en privant le public et le fisc, des garanties que présentent la responsabilité spéciale des notaires et les formalités qu'il sont obligés de remplir ? Je ne le pense pas.

Je me borne en ce moment à ces observations et je signale à l'attention de la Chambre et du gouvernement le passage suivant des conclusions de l'honorable premier avocat général Faider :

« Ils peuvent (les faits qualifiés par la prévention, c'est-à-dire les ventes publiques par agents d'affaires comme mandataires des vendeurs), ils peuvent constituer un abus, une concurrence dangereuse pour le public, une immixtion préjudiciable pour les notaires ; ils peuvent entraîner certains notaires à accepter une position peu convenable vis-à-vis de certains agents d'affaires ; ils peuvent être dignes de désapprobation et éveiller la sollicitude du législateur. »

Il me reste à dire quelques mots de la question soulevée hier par l'honorable M. Vander Donckt relative au domicile de secours. Il me paraît évident, messieurs, que la loi sur cette matière est peu juste envers les communes rurales, et doit ruiner complètement les finances des plus pauvres. La partie jeune et robuste de ces communes se porte fréquemment vers les grandes villes. Celles-ci profitent du travail de ces bras vigoureux tant qu'ils sont valides, et la commune rurale ne profite plus en aucune manière du travail de cette partie de sa population, et cependant au moment qu'une cause quelconque, soit une maladie, soit une stagnation des affaires rend les bras impuissants ou inutiles, leur entretien retombe à charge de la commune rurale.

Cela me paraît peu juste, messieurs, et contraire au principe qui veut que celui qui jouit d'un avantage doit à son tour supporter la charge qui y est attachée. Je me joins à l'honorable M. Vander Donckt pour recommander à l'attention du gouvernement cette grave matière signalée depuis tant d'années à sa sollicitude. Je que pense le délai de huit ans pour l'acquisition du domicile de secours est trop long et trop facilement suspendu, et je remercie M. le ministre des paroles qu'il a prononcées dans ce sens.

Enfin puisque j'ai la parole, je ne saurais y renoncer sans appuyer les réclamations de M. Debaets pour les populations flamandes. Un pays bien organisé doit, paraît-il, rendre la justice à ses justiciables en leur langue maternelle lorsque celle-ci est celle de l'endroit où siège le tribunal. Ne remplir cette obligation que par traduction paraît déjà peu équitable ; mais mettre les frais de cette traduction à charge du justiciable me paraît manifestement injuste.

M. Debaets. - Je désire répondre deux mots au discours que vient de prononcer M. le ministre de la justice.

D'abord je le remercierai de la façon bienveillante dont il a apprécié les observations eue j'ai eu l'honneur de présenter à la Chambre dans la séance d'hier.

Je vois avec plaisir que sur bien des points je suis d'accord avec l'honorable chef du département de la justice. Il en est d'autres sur lesquels nous différons.

D'abord quant à la position des secrétaires du parquet, je voudrais la voir assimiler à celle des commis greffiers des cours d'appel et des tribunaux de première instance.

Je ne vois pourquoi on maintiendrait une différence, alors qu'il y avait auparavant égalité absolue de position entre ces fonctionnaires.

C'est surtout relativement à la dernière partie de mes observations que je désirais répondre quelques mots à M. le ministre de la justice.

Je disais que, si mes renseignements étaient exacts, l'exécution de la loi avait été suspendue, et, pour répéter encore l'expression de M. le ministre des finances, qu'il y avait une belle et bonne violation de la Constitution.

Les explications que vient de fournir M. le ministre prouvent que les faits signalés sont exacts. M. le ministre s'est borné à plaider les circonstances atténuantes.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Pas du tout.

M. Debaets. - Je suis disposé à lui accorder le bénéfice de ces circonstances ; mais le fait n'en existe pas moins avec toutes les circonstances que nous sommes en droit de lui attribuer.

Je comprends que le parquet et le département de la justice tiennent compte des réclamations unanimes, dit-on, du commerce d'Anvers pour empêcher des poursuites ultérieures contre les courtiers marrons qui, s'ingèrent dans les attributions réservées aux courtiers institués par la loi. Je comprends que l'on institue une marche uniforme et une égalité complète pour les poursuites dans tous les ressorts de cours d'appel.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je n'ai pas fait autre chose.

M. Debaets. - Je vous demande pardon et je tâcherai de vous le prouver.

A Anvers les poursuites, je pense, ont pu commencer, mais n'ont pas été continuées.

Il s'agissait d'appliquer le même régime à la cour d'appel de Gand, c'est-à-dire de ne pas poursuivre une personne signalée comme s'ingérant dans des fonctions qui ne lui appartiennent pas.

Mais le fait que j'ai indiqué est tout autre. Voici ce qui a eu lieu.

La justice a été mise en mouvement. Le pouvoir judiciaire était régulièrement saisi d'une question sur laquelle il avait à se prononcer. Le tribunal de Gand prononce et condamne.

Appel est interjeté par le prévenu. Il est certain que dans un pays constitutionnel personne n'a le droit ni le pouvoir d'arrêter à cet instant la marche du pouvoir judiciaire.

Le pouvoir judiciaire est un pouvoir indépendant coexistant à côté des autres pouvoirs qui sont 1'émanatbn de la nation comme le pouvoir judiciaire en est l'émanation, et le pouvoir exécutif n'a pas le droit d'arrêter, quand il lui plaît, la marche du pouvoir judiciaire lorsqu'il est en mouvement.

(page 501) Je dis que la cour était ici en vertu de l'appel interjeté par le prévenu et saisie de l'affaire, et qu'il n'appartenait pas à M. le ministre de la justice d'arrêter le cours de la justice.

Il y a eu jugement, et le délai de prescription est acquis sans qu'il ait été statué en deuxième ressort.

Voilà donc un jugement de première instance frappé d'appel et prescrit, c'est-à-dire une condamnation qui ne peut être subie et dont on ne peut se décharger.

Si M. le ministre de la justice croyait qu'il y avait lieu de céder aux désirs du commerce d'Anvers et de Gand, il y avait non pas à suspendre la loi, mais à en proposer l'abrogation.

Quand j'ai dit que je veux accorder à M. le ministre de la justice le bénéfice des circonstances atténuantes, c'est parce que la chose en elle-même n'est pas grave, mais le principe est grave.

Si le département de la justice s’avisait d'appliquer cette doctrine en d'autres matières, où irions-nous ? Je demanderai seulement à M. le ministre de la justice, comme conclusion à mes observations, de faire cesser cet état de chose anomal, car outre les inconvénients que j'ai signalés à la Chambre, il y en a d'autres.

En effet, malgré la loi, on demande la liberté de courtage pour tout le monde, c'est à-dire que des individus non soumis aux prescriptions de la loi, non institués par le gouvernement, puissent exercer toutes les attributions des courtiers légalement nommés et exercer en même temps des attributions qui sont interdites aux courtiers eux-mêmes.

Nous avons vu des courtiers condamnés pour avoir posé des actes qui leur sont interdits en cette qualité, d'autres frappés de peines plus fortes à raison de la même circonstance.

Il est évident que si vous enlevez aux courtiers le privilège du monopole, vous devez d'un autre côté, par compensation, leur en enlever les charges.

J'ai dit à la Chambre que moi aussi je demande la liberté du commerce. Je désire que le négociant puisse s'adresser à l'intermédiaire qu'il juge le plus convenable, je demande aussi que l'on supprime les articles du Code de commerce qui sont d'un autre âge et qui n'ont plus aucune espèce d'utilité ; mais que la position soit réglée par la loi et non par l'arbitraire du ministre.

Il y a d'autres observations qui ont été présentées, entre autres par mon honorable ami M. Van Overloop, relativement aux frais de justice. La question flamande s'est introduite dans ce débat. Je ne désire pas provoquer une discussion sur ce sujet, mais je dois cependant faire remarquer à M. le ministre qu'il y a quelque chose d'anomal, une position très souvent injustifiable.

Lorsque en Angleterre un Français est traduit devant le jury, on tâche de composer le jury mi-partie de Français mi-partie d'Anglais.

Ici dans une province essentiellement flamande, vous traduisez un Flamand devant un jury flamand ; ce sont des témoins flamands. On se sert d'un interprète. Pourquoi ? Sans doute parce que le président du tribunal ne sait pas le flamand.

Il me semble qu'il faudrait un magistrat sachant le flamand dans les provinces flamandes.

Je ne veux pas pousser plus loin cette discussion pour le moment, parce que je mettrai dans la question flamande beaucoup de modération, mais aussi j'y mettrai beaucoup de persistance. J'espère ainsi arriver le plus sûrement à mon but.

M. Tack. - Messieurs, je regrette que M. le ministre de la justice n'ait laissé aux secrétaires des parquets qu'une bien faible lueur d'espoir en les renvoyant aux budgets prochains.

Je persiste s croire que mieux eût valu trancher définitivement, à l'occasion de l'augmentation des traitements de la magistrature, cette question depuis si longtemps pendante devant la Chambre.

Pourquoi, nous dit M. le ministre de la justice, comparer les secrétaires des parquets aux commis greffiers ? Ils leur sont hiérarchiquement inférieurs. Ils n'appartiennent pas à l'ordre judiciaire ; ils n'ont pas la même responsabilité.

Messieurs, ces classifications ont souvent quelque chose d'arbitraire ; plus d'un employé du tribunal, qui est hiérarchiquement inférieur à un juge, par exemple, reçoit cependant un traitement plus considérable.

Ainsi le commis greffier de la cour de cassation a un traitement supérieur à celui d'un juge du tribunal de première instance de troisième classe et cependant hiérarchiquement parlant il est inférieur à ce juge.

Je me demande : Pourquoi les sociétaires des parquets ne sont-ils pas membres de l'ordre judiciaire ? Ce serait peut-être une justice à leur rendre que de les y comprendre.

Et les commis greffiers ont-ils toujours été considérés comme des membres de l'ordre judiciaire ? Mais point du tout. Pendant longtemps on leur a même dénié leur qualité de fonctionnaire.

Il existe des arrêts dans ce sens, entre autres un arrêt de la cour de Poitiers.

Beaucoup de jurisconsultes, beaucoup d'auteurs sont du même avis, et entre autres, Le Graverend, Carré, Dalloz : ils considèrent les commis greffiers comme de simples auxiliaires des greffiers, comme des instruments passifs du tribunal.

On dit qu'ils ont une responsabilité que n'ont pas les secrétaires des parquets.

J'ignore en quoi elle consiste. Au greffe la responsabilité incombe, je crois, aux greffiers et non pas aux commis greffiers.

Nous comparons les commis greffiers aux secrétaires des parquets ; pourquoi ? Parce que la besogne des secrétaires est analogue à celle des commis greffiers, parce qu'ils rendent des services non moins signalés, parce que leur travail est aussi étendu si pas plus étendu que celui des commis greffiers, et parce que leurs fonctions supposent tout autant de capacité, d'intelligence et d'assiduité.

Les hommes pratiques n'ont qu'une même opinion sur ce point et elle est toute en faveur des secrétaires des parquets.

A ce sujet, je vous citais hier les opinions émises dans cette Chambre par tous les chefs de parquets qui siégeaient dans cette enceinte avant la loi sur les incompatibilités, et j'ajoutais que les diverses sections centrales qui se sont occupées des secrétaires des parquets leur ont toujours été sympathiques.

L'honorable M. Notelteirs vous a signalé tout à l'heure un passage très significatif du rapport de 1856, dans lequel il est dit que les secrétaires du parquet « doivent avoir au moins autant d'intelligence et de capacité que les commis greffiers et qu'ils doivent, par conséquent, jouir du même traitement. »

Cette conclusion, qui est la nôtre, a-t-elle été sérieusement contredite ? Non, elle ne la jamais été. L'honorable ministre de la justice lui-même ne conteste pas l'importance des fonctions de secrétaire de parquet. Il ne nie pas que leur besogne soit tout au moins aussi considérable que celle des commis greffiers.

La seule objection qu'il fasse est tirée de cette responsabilité qui semble peser sur les commis greffiers et que, pour mon compte, je n'admets pas, ou qui, du moins, est fort exagérée.

Les calculs que j'ai présentés à la Chambre et d'après lesquels je disais que les secrétaires des parquets reçoivent respectivement une augmentation de 10 p. c, 20 p. c., 26 p. c., 28 p. c, 32 p. c. au maximum, tandis que les commis greffiers obtiennent des augmentations de 30 p. c., 33 p. c., 55 p. c. et 62 p. c, étaient parfaitement exacts, quoi qu'en ait dit l'honorable ministre de la justice.

J'avais omis un cas exceptionnel : l'augmentation en faveur de certains secrétaires du parquet qui passent d'une classe à une autre. Mais la même exception se présente pour les commis greffiers. En effet, supposez que par suite des modifications introduites dans la classification des tribunaux, un commis greffier ait passé de la troisième classe à la seconde. La conséquence en aura été que l'augmentation qu'il obtiendra ne sera plus de 62 p. c, mais de 78 p. c.

L'argument puisé dans l'exception dont s'est prévalu M. le ministre de la justice ne prouve donc rien.

Pourquoi admettre des règles différentes ? Ainsi, sans égard pour la hiérarchie, on augmente indistinctement tous les commis greffiers de 1,000 fr.

Au contraire, quand il s'agit des secrétaires du parquet, on ne leur dit plus : Vous aurez tous indistinctement mille francs d'augmentation de traitement, ce qui les aurait encore maintenus dans une position d'infériorité vis-à-vis des commis greffiers ; non, aux uns on donne 550 fr. ; aux autres on donne 500 fr., 400 fr., 300 fr. Cette divergence, on ne la justifie pas.

On se borne à dire : Ils n'ont pas à se plaindre, ils ont été augmentés comme tout le monde ; mais dans quelle proportion ? Il y avait un écart entre le traitement de cette double catégorie de fonctionnaires ; il a été maintenu. La question, ce me semble, doit être posée d'une autre façon : les uns et les autres avaient un traitement égal, avant 1845, comment se fait-il que se trouvant alors sur la même ligne ils obtiennent en 1863 les uns, pour ne citer qu'un exemple, un traitement de 4,000 fr., ce sont les commis greffiers 'les cours d'appel, tandis que les autres, ce sont les secrétaires des parquets des cours d'appel, ne reçoivent qu'un traitement de 3,300 fr.

Messieurs, la cause des secrétaires des parquets me paraît si juste, que j'ai bon espoir qu'elle me tardera pas à triompher, si pas aujourd'hui, du moins dans un avenir peu éloigné.

(page 502) Je ne ferai pas de proposition, parce que je n'aime pas les propositions émanées de la Chambre, lorsqu'elles ont pour objet d'augmenter les traitements des fonctionnaires. Je préfère que ces sortes de propositions nous viennent du gouvernement.

Mais j'espère que la question se représentera à un prochain budget ou qu'elle pourra être discutée utilement lorsque nous aurons à nous occuper de la loi sur l'organisation judiciaire.

Je prie, en terminant, l'honorable ministre de la justice de vouloir demander, dans l’intervalle, l'avis des chefs de parquet sur la question. Ces avis pourront nous servir de guide dans la décision que nous aurons à prendre.

M. Van Overloop. - Messieurs, je regrette que l'honorable ministre de la justice n'ait pas cru pouvoir répondre d'une manière plus favorable au fait que je lui ai signalé dans la séance d'hier.

J'admets qu'il est équitable qu'un condamné supporte les frais de justice et d'instruction auxquels l'affaire dans laquelle il est impliqué a donné lieu.

Je puis admettre également que si un témoin anglais est nécessaire dans une affaire, les frais d'interprète de ce témoin soient mis à la charge du condamné.

Je pourrais même admettre qu'un Flamand, poursuivi dans une province wallonne, et l'affaire nécessitant un interprète, ce Flamand soit tenu, étant condamné, de supporter les frais de cet interprète.

Tout cela, je pourrais, jusqu'à un certain point, l'admettre.

Mais ce que je ne puis pas admettre, c'est qu'un Flamand, poursuivi dans une province flamande, devant des magistrats qui tous devraient comprendre le flamand, soit tenu des frais d'un interprète qui n'est nécessaire que parce que les magistrats appelés à juger ne connaissent pas le flamand.

Voilà ce que je ne puis admettre. C'est en cela qu'existe l'inégalité. Un Flamand traduit devant des magistrats qui ne comprennent pas sa langue, est tenu, s'il est condamné, à payer les frais d'un interprète. Un Wallon n'est jamais tenu de ces frais, par la raison fort simple que tous les magistrats flamands comprennent le français et que, par conséquent, l'intervention d'un interprète est inutile. Le Flamand ne supporte donc les frais d'un interprète que par suite de l'ignorance de sa langue de la part des magistrats appelés à le juger. (Interruption.)

Cela est évident. Ici, à Bruxelles, chef-lieu d'une province mixte, on aperçoit tous les jours, devant la cour d'appel comme au tribunal correctionnel, un interprète appelé uniquement à traduire aux magistrats les dépositions des témoins flamands.

De deux choses l'une, ou il faut ne pas réclamer des condamnés les frais d'interprète qui ne tombent qu'à charge des Flamands, ou, ce qui vaudrait mieux, il faut prendre pour règle de ne nommer, dans les provinces flamandes ou mixtes, que des magistrats comprenant le flamand comme le français, et faire disparaître ainsi la nécessité de l'intervention d'interprètes.

Et sous ce rapport, je fais un appel à mes anciens souvenirs ; l'arbitraire des langues nous était imposé, lorsque nous étions annexés à la France.

Cet arbitraire a disparu en 1815. Mais après 1815, en 1825 et 1826, on a voulu nous l'imposer au profit des Hollandais. Nous avons prêté la main, nous autres Flamands, aux provinces wallonnes qui réclamaient contre ce qui était un véritable grief. Mais aujourd'hui nous sommes précisément dans le cas inverse pour le flamand. Pourquoi ne pas appliquer nos anciens principes ? Pourquoi ne pas exiger qu'un magistrat dans une province flamande ou dans une province mixte, connaisse et le flamand et le français ? Pourquoi ne pas faire ce que nos pères faisaient ? Ainsi au conseil souverain de Brabant, dont la juridiction s'étendait à des territoires français, flamands et allemands, il fallait que les magistrats, indépendamment du latin et du grec, connussent le français, le flamand et l'allemand.

Pourquoi ne pas appliquer ce principe si sage de nos pères ? Ce n'est pas là un abus d'un autre âge, ce serait, au contraire, un énorme progrès qu'on réaliserait.

J'espère donc, messieurs, que l'honorable ministre de la justice, après avoir mieux examiné la question que j'ai soulevée hier, rendra justice à nos populations flamandes.

Qu'on y fasse attention, messieurs. Le mouvement flamand se développe : le cri de « Vlaemsch in Vlaenderen » retentira de plus en plus fort, et si l'on ne rend pas justice, il pourra donner lieu, peut-être, à des exagérations auxquelles, pas plus que mon honorable ami M. Debaets, je ne suis prêt à donner les mains.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, je regretterais beaucoup de voir ce débat se passionner, mais les reproches qu'on nous adresse (interruption)... mais vos paroles, ainsi que celles de l'honorable M. Debaets tendraient à faire croire que le gouvernement se plaît, en quelque sorte, à envoyer dans les Flandres des magistrats qui ne connaissent pas le flamand.

Ainsi l'honorable M. Debaets vient de dire : Pourquoi y a-t-il des interprètes devant les tribunaux des Flandres ? Parce que vous avez des présidents qui ne savent pas le flamand. Voilà les propres paroles de M. Debaets. Mais, messieurs, le reproche ne tombe évidemment ni sur le gouvernement actuel, ni sur le gouvernement qui l'a précédé : quels sont donc les présidents nommés par moi dans les Flandres qui ne connaissent pas le flamand ? Ou ne m'en citera pas un seul.

M. Debaets. - Permettez-moi une explication.

Je n'ai pas eu l'intention de vous adresser un reproche. Comment le débat a-t-il été introduit ? C'est à propos d'une affaire jugée à Tongres. Pourquoi a-t-il fallu un interprète devant la cour d'assises de Tongres ? C'est parce qu'elle était présidée par un conseiller de la cour d'appel de Liège, que je suppose ne pas savoir le flamand.

M. Muller. - Le président connaît toujours le flamand.

M. Debaets. - Dans tous les cas, ce n'est pas un reproche que j'ai voulu faire à M. le ministre de la justice. Surtout mon observation n'avait aucun caractère général. Je disais que lorsque l'accusé est Flamand, que les témoins sont Flamands, les jurés Flamands et que le président seul ne sait pas le flamand, il est injuste d'en faire retomber les conséquences sur le condamné.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - L'honorable M. Debaets a parlé d'une manière tellement générale, que ses observations paraissaient s'appliquer aux Flandres.

Quelques honorables membres ont fait observer qu'à Tongres même on envoie toujours des présidents qui connaissent la langue flamande, il y a à la cour de Liège 5 ou 6 conseillers qui savent le flamand et c'est parmi ceux-là qu'on choisit le président de la cour d'assises de Tongres.

M. Debaets. -Alors mon observation disparaît complétement.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Sous ce rapport donc, je ne sais pas quel reproche l'honorable M. Van Overloop peut nous adresser. Si dans les Flandres on ne plaide pas en flamand, c'est aux tribunaux qu'il faut s'en prendre, ce n'est pas au gouvernement ; le gouvernement n'est jamais intervenu pour que l'on fasse dans les plaidoiries usage de la langue française plutôt que de la langue flamande.

En ce qui concerne la cour de Bruxelles, il faut rester dans de justes limites.

Exiger qu'il n'y ait à Bruxelles que des conseillers qui sachent le flamand, ce serait exclure de la cour les magistrats qui appartiennent au Hainaut et à l'arrondissement de Nivelles.

Tout ce que l'on peut demander, c'est qu'on désigne pour présider les assises un conseiller qui sache le flamand, et c'est, je pense, ce qui se fait toujours.

Ainsi, messieurs, tous les griefs que l'on articule, les craintes que l'on manifeste de voir surgir la division dans le pays, sont dénués de fondement, et en ce qui me concerne je ne crois pas avoir nommé dans les Flandres un seul juge, un seul procureur du roi, ni un seul substitut qui ne sût pas le flamand.

Un mot encore, relativement à l'affaire des courtiers, sur laquelle l'honorable M. Debaets est revenu.

J'ai exposé à la Chambre les faits qui s'étaient passés. J'en ai dit l'origine. J'ai dit comment j'avais été appelé à étendre au ressort de la cour d'appel de Gand ce qui avait été fait dans le ressort de la cour d'appel de Bruxelles. Je ne l'ai fait qu'à la demande même des représentants et après l'avoir déclaré à la Chambre.

L'honorable M. Debaets a demandé si j'étais d'avis de faire cesser cet état de choses. J'ai répondu que je ne demandais pas mieux, j'ai dit que sous certains rapports il y a dans cette situation quelque chose d'irrégulier. Cela est vrai, surtout quand il s'agit de faits sur lesquels la cour de cassation n'a pas statué, car évidemment il n'y a aucune irrégularité à ne pas poursuivre des faits que la cour de cassation a déclaré ne pas tomber sous l'application de la loi.

Or, c'est le cas pour le fait principal dont il s'agit à Gand. C'est pour ce fait que le mémoire a été publié. La cour de cassation a déclaré que, sous ce rapport, l'article 80 du Code de commerce se trouvait modifié par l'article 118 de la loi du 26 août 1822.

J'ai fait, messieurs, tout ce qui dépendait de moi pour obtenir que la commission chargée de la révision du Code de commerce achevât son travail afin que le gouvernement pût en saisir la Chambre. Nous aurons ainsi l'occasion de régulariser la situation.

M. Allard. - Messieurs, j'ai demandé la parole quand l'honorable Van Overloop a dit qu'il était temps de faire droit aux réclamations des (page 503) Flamands. Il semble réellement qu'on ne donne toutes les fonctions et notamment les fonctions de l'ordre judiciaire dans les Flandres qu'à des Wallons ; car c'est tout le contraire, on nomme beaucoup de Flamands dans nos provinces à toutes les fonctions en ce qui concerne l'ordre judiciaire. Ainsi, depuis 1830, sur 14 ou 15 substituts et procureurs du roi, nous avons eu 12 ou 13 Flamands, et quand on les envoie de Tournai dans les Flandres les journaux ne manquent pas de dire : « Encore des Wallons ! » par exemple, chaque fois que des substituts près le tribunal de Tournai sont envoyés dans les Flandres, par cela seul qu'ils viennent de Tournai, et qu'ils portent des noms wallons, parfois on dit : « Voilà encore des Wallons », et cependant ce sont tous des Flamands, de vrais Flamands.

Quant à nous, Wallons, jamais nous ne nous sommes plaints que notre procureur du roi actuel fût Flamand, que la plupart des substituts nommés depuis 1830 fussent Flamands, que les conservateurs des hypothèques avant et depuis 1830 fussent Flamands ; ce sont des Belges, des compatriotes et en cette qualité nous les avons toujours très bien reçus et jamais nous n'avons récriminé contre eux, alors surtout qu'ils étaient tous très capables et très honorables. Eh mon Dieu ! prenez les Flamands qui sont dans les provinces wallonnes et rendez-nous les Wallons, nous ne nous y opposons pas. (Interruption.)

Lorsque nous demandons que des Flamands qui réclament notre appui pour retourner dans les Flandres, soient nommés aux emplois qu'ils sollicitent, on nous refuse ; dernièrement encore j'ai demandé que le juge de paix d'un de nos cantons qui est Flamand fut envoyé dans une province flamande, en cette même qualité. Cette demande n'a pas été accueillie.

J'engage mes honorables collègues à cesser toutes ces récriminations contre les Wallons, le pays n'a rien à y gagner.

M. Magherman. - Messieurs, mon intention n'est pas d'entrer dans le débat relatif à la langue flamande ; il me semble cependant que l'objection faite par l'honorable M. Allard exige une réponse.

Nous ne demandons pas à nos fonctionnaires de l'ordre judiciaire ou administratif qui résident dans nos provinces flamandes, s'ils sont flamands ou wallons ; nous voulons seulement qu'ils comprennent notre langue, et s'ils la comprennent, tout est au mieux ; nous savons parfaitement que les Wallons, s’ils comprennent le flamand, doivent être admis à occuper des emplois dans les provinces flamandes, tout comme les Flamands qui parlent le français doivent l'être dans les provinces wallonnes. Il n'y a ici aucune distinction de race à établir, nous sommes tous Belges.

Le cas se présente en ce moment même dans la localité que j'habite. Nous avons un receveur des contributions qui est Wallon ; mais il parle le flamand ; personne chez nous ne s'est avisé de faire un reproche à qui que ce soit de la nomination de ce fonctionnaire : il a été bien accueilli quoique Wallon, et tout ce qu'on lui demande c'est qu'il soit compris des contribuables et partant qu'il remplisse bien ses fonctions.

Messieurs, l'honorable ministre de la justice a répondu successivement à tous les points qui ont été soulevés dans la séance d'hier. Cependant il en est un qu'il a laissé de côté : je veux parler de la situation quelque peu précaire dans laquelle se trouvent les huissiers et sur laquelle on a attiré son attention.

En 1848, on a cru devoir introduire des économies dans l'administration de la justice, et c'a été au détriment de ces fonctionnaires. Les huissiers, pour obtenir la confiance qu'il leur est indispensable d'inspirer, doivent être dans une position, non pas, il est vrai, de grande aisance, mais qui leur permette au moins de vivre honnêtement. Or, à l'heure qu'il est, cette position, pour un grand nombre d'entre eux, est voisine de l'indigence.

Messieurs, puisqu'on s'ingénie à améliorer la situation de tous les fonctionnaires, je demande à M. le ministre de la justice si son intention est de faire quelque chose pour rendre moins précaire la situation des huissiers.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, je n'avais pas oublié de parler des huissiers ; j'ai déjà fait une réponse à ce sujet.

L'on me demande s'il entre dans mes intentions de prendre des mesures pour améliorer la position des huissiers. Non, je ne me propose pas de prendre l'initiative de ces mesures, et voici pourquoi :

A quelle catégorie de fonctionnaires appartiennent les huissiers ? A celle des officiers ministériels ; et les officiers ministériels ne reçoivent pas de traitement du gouvernement. Les huissiers n'ont jamais eu un traitement du gouvernement. Veut-on changer leur position, et en faire des fonctionnaires du gouvernement ? Je ne pense pas que telle soit l'intention de la Chambre.

A mon avis, il n'y a qu'une seule mesure à prendre, et celle-là il faut en laisser l'initiative aux tribunaux ; c'est de réduire le nombre des huissiers, si ce nombre est trop considérable. Du moment que le service peut être fait convenablement, je ne m'opposerai pas à ci qu'on réduise le nombre des huissiers ; mais faire des huissiers une catégorie de fonctionnaires recevant un traitement du gouvernement, cela ne me paraît pas admissible.

Aujourd'hui l'Etat donne l'investiture aux huissiers ; les tribunaux leur assignent leur résidence. Voilà à quoi se borne l'intervention du gouvernement.

On demande qu'on revienne sur ce qui s'est passé en 1848. Mais voyons une bonne fois ce qui s'est passé en 1848 ; voyons s'il est raisonnable de s'élever contre ce qui s'est fait à cette époque.

En 1848, on a trouvé avec raison qu'au budget figuraient des sommes trop fortes pour les frais de justice. Sur la proposition de l'honorable M. Orts, si je ne me trompe, la Chambre a réduit les frais de justice dans une proportion assez notable ; on a dit en même temps : « Tâchez de vous passer autant que possible de l'intervention des huissiers ; délivrez des avertissements ; faites-les signifier par d'autres agents ; cela occasionnera une dépense moindre pour le trésor public. »

Quelle est donc, sous ce rapport, la position du gouvernement à l'égard des huissiers ? Le gouvernement, à ce point de vue, n'est qu'un client, permettez-moi de le dire. Le gouvernement a une signification à faire ; il trouve qu'il peut se passer de l'intervention de l'huissier, et employer un moyen plus économique. Voulez-vous forcer le gouvernement à recourir au ministère d'un huissier ? C'est son droit et son devoir. Cela reviendrait à dire que le gouvernement doit faire des procès, pour donner de la besogne aux avocats ; que l'on doit se rendre malade pour que les médecins ne manquent pas de clientèle.

L'huissier n'est pas vis-à-vis du gouvernement dans une autre position que le notaire ; c'est un officier ministériel ; il a postulé cette place, or c'est à lui de juger si le produit de cette place pourra le faire subsister.

- Une voix. - Réduisez le nombre des huissiers.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - J'ai dit que si les tribunaux trouvent que le nombre des huissiers soit susceptible d'être réduit, je ne m'opposerai pas à ce que cette réduction ait lieu.

Il y a des huissiers audienciers dont la position est loin d'être mauvaise ; ils ont certaines avantages ; les significations d'audience des avoués sont exclusivement faites par eux...

- Une voix. - Supprimez les avoués.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - C'est une autre question et une question très grave par laquelle je ne puis pas émettre d'opinion aujourd'hui.

On devrait, dit-on, donner aux avocats le droit de postuler. Je ne puis m'expliquer quant à présent sur ce système.

Pour en revenir aux huissiers, je déclare de nouveau que si les tribunaux reconnaissent la possibilité d'en réduire le nombre, je ne m'opposerai pas à cette réduction.

M. Tack. - Messieurs, on reconnaît que les huissiers se trouvent dans une fausse position et qu'il y a quelque chose à faire en leur faveur ; ainsi M. le ministre de la justice déclare qu'il ne s'opposera pas à ce que, le cas échéant, leur nombre soit réduit.

Mais, dit l'honorable ministre, je ne puis assurer une clientèle aux huissiers, pas plus que je ne puis me charger de procurer des honoraires aux avocats ; mais tout le monde est d'accord à cet égard, et c'est tout autre chose que demandent les huissiers eux-mêmes. Point d'analogie ni de similitude entre leurs réclamations et les prétentions que leur attribue M. le ministre de la justice.

Et en effet que viennent demander les huissiers ? Que, pour les diligences qu'ils sont obligés de faire, ils puissent recevoir une rétribution convenable, chose à laquelle la loi forme obstacle.

Remarquez bien qu'ils se trouvent en présence d'un droit dont ils ne peuvent pas s'écarter, et c'est contre ce tarif qu'ils protestent.

M. De Fré. - Proposez qu'on le modifie.

M. Tack. - C'est tout juste ce que je fais.

M. Allard. - Ou que les huissiers mécontents donnent leur démission.

M. Tack. - Qu'ils donnent leur démission ! singulière façon de répondre à leurs réclamations. Leur position d’huissiers n'est-elle pas pour la plupart leur unique moyen d'existence ?

M. Allard. - M. Coomans veut bien supprimer les avoués.

M. Tack. - Nous ne pouvons pas, je le recourais, exagérer les frais de justice et de cette manière faire payer indirectement par les justiciables un traitement aux huissiers, ce serait absurde ; mais, d'un autre côté, nous ne pouvons pas obliger les huissiers à prêter gratuitement leur ministère. Or, c'est ce qui a lieu. M. le ministre de la justice vous a parlé de la (page 504) suppression de neuf cent mille francs de frais qui figuraient au budget avant 1848.

Personne n'a songé à critiquer ce qui a été fait en 1848 ; nous avons été tous d'accord que les économies réalisées en 1848 au profit du trésor sont une excellente chose.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Pardon, on a dit hier qu'il fallait revenir là-dessus.

M. Tack. - Permettez.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Voyez les Annales.

M. Tack. - Tous ceux qui ont parlé des huissiers ont fait à cet égard des réserves très formelles.

Dans certains cas on exige que l'huissier fasse, en matière répressive, des significations en quelque sorte gratuitement ; qu'il emploie tout son temps, toutes ses peines sans qu'il lui reste un centime pour salaire ; de plus qu'il se charge sans rétribution du service des audiences correctionnelles et de simple police. On objecte que les huissiers jouissent de certaines compensations. Or, voulez-vous savoir, messieurs, quelle est l'importance de ces compensations au tribunal de Courteai, par exemple ? Cela vaut par année quelque chose comme 100 francs à partager entre six huissiers.

Je persiste donc à croire qu'il y aurait lieu d'accueillir la réclamation des huissiers tendante à obtenir une légère augmentation des frais de signification des actes en matière répressive, et en outre le rétablissement de l'ancienne taxe pour le parcours.

M. Muller. - C'est le condamné qui payera le surcroît.

M. Tack. - Sans doute, mais il est très juste qu'il le paye. Prétendrait-on qu'il soit juste d'exiger que l'huissier prête gratuitement son ministère, et cela sans aucune espèce de compensation ?

Toute peine ne mérite-t-elle point salaire ? Et de quel droit voulez-vous imposer un service aux huissiers sans les rémunérer ?

Quant aux avoués dont on vient de parler, je ne verrais, pour mon compte, aucun inconvénient à ce que, dans certains tribunaux, tout avocat pût postuler, fût avoué de plein droit ; dans les tribunaux de troisième classe, cela existe en fait, car les avocats qui n'ont pas d'avoué obtiennent sans difficulté aucune, par suite d'une entente amiable, sans frais, la signature de leurs confrères qui ont le titre d'avoué. C'est passé en habitude, mais il y a là des inconvénients que chacun devine.

Je ne verrais donc aucun inconvénient à cette innovation ; au contraire, j'y verrais un bien réel.

- La discussion générale est close. L'assemblée passe à la discussion des articles.

Discussion du tableau des crédits

Chapitre premier. Administration centrale

Articles 1 à 5

« Art. 1er. Traitement du Ministre : fr. 21,000. »

- Adopté.


« Art. 2. Traitements des fonctionnaires, employés et gens de service : fr. 224,675. »

- Adopté.


« Art. 3. Matériel : fr. 30,300. »

- Adopté.


« Art. 4. Frais de rédaction et de publication de recueils statistiques : fr. 6,000. »

- Adopté.


« Art. 5. Frais de route et de séjour : fr. 7,500. »

- Adopté.

Chapitre II. Ordre judiciaire

Article 6

« Art. 6. Cour de cassation. Personnel : fr. 242,975. »

M. Van Humbeeck. - Je désire attirer l'attention de M. le ministre de la justice sur une réforme en matière pénale, qui me paraît assez importante et assez urgente pour pouvoir être introduite sans qu'il faille attendre la révision complète de notre code d'instruction criminelle. Je veux parler des difficultés qui s'attachent aujourd’hui aux pourvois en cassation quand il s'agit de condamnations correctionnelles et de condamnations de simple police.

D'après l'article 421 du code d'instruction criminelle, les condamnés même en matière correctionnelle ou en matière de simple police à une peine emportant la privation de la liberté, ne sont pas admis à se pourvoir en cassation lorsqu'ils ne sont pas actuellement en état ou lorsqu'ils n'ont pas été mis en liberté sous caution.

L'article ajoute : « L'acte de leur écrou ou de leur mise en liberté sous caution sera annexé à l'acte de recours en cassation. »

Cette disposition du code d'instruction criminelle a été modifiée quelque peu par l'article 8 de la loi du 18 février 1852.

D'après cet article, la mise en liberté provisoire pourra être demandée à la cour ou au tribunal qui aura prononcé la peine d'emprisonnement lorsque le condamné, pour rendre son pourvoi admissible, voudra se faire autoriser à rester en liberté, conformément à l'article 421 du code d'instruction criminelle.

Je dis que cet article a modifié quelque peu l'article 421 du Code d'instruction ; je me prononce avec une certaine hésitation car les termes mêmes de cet article nouveau en rendent la portée douteuse. Le commencement parle de la mise en liberté provisoire, ce qui suppose déjà l'emprisonnement, et la fin de l'article parle de rester en liberté, ce qui semble indiquer qu'on peut présenter une requête et se dispenser de se constituer avant de se pourvoir en cassation. Dans les deux hypothèses l'article 8 de la loi de 1852 sera cependant efficace en ce sens qu'il laisse debout le deuxième paragraphe de l'article. 421 du Code destruction criminelle et qu'il soumet toujours les condamnés à la nécessité d'annexer au pourvoi soit le certificat d'écrou soit l'acte de mise en liberté sous caution.

Il résulte de là que malgré la loi du 18 février 1852 la position des condamnés en matière correctionnelle et de police est restée la même en pratique. Le délai de cassation pour les petites condamnations correctionnelles et les condamnations de police n'excède pas trois jours.

Pour pouvoir annexer au pourvoi l'ordonnance de la mise en liberté sous caution, il faudrait s'y prendre d'avance ; le pourvoi doit être fait dans les trois jours, et trois jours sont insuffisants pour obtenir une semblable ordonnance. C'est d'autant plus regrettable, que les individus qui ont encouru de petites condamnations sont ici les intéressés et qu'il s'agit de gens si peu dangereux qu'on n'a pas usé, envers eux, de la détention préventive ; les autres condamnés, ceux qui ont subi la détention préventive, sont sans intérêt dans la question que je soulève.

A côté de l’intérêt des condamnés, il y a un intérêt social, dont il faut tenir compte ; il résulte de cet état de choses que beaucoup de questions qu'il serait bon de soumettre à la cour suprême, ne lui sont pas soumises.

Je crois qu'on pourrait faire un projet de loi sur cette matière sans attendre la réforme du code d'instruction criminelle. M. le ministre de la justice, qui est l'auteur de la loi de 1852, doit voir avec regret certaines imperfections de cette loi et tiendra à honneur de les faire disparaître ; c'est pour cela que j'ai voulu lui soumettre ces courtes observations.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il y a quelque chose de fondé dans les observations que vient de présenter l'honorable député de Bruxelles. L'aricle. 421 du Code d'instruction criminelle a été modifié par la loi de 1852. Avant cette loi, pour être admis à se pourvoir en cassation, il fallait se constituer ; la loi de 1852 a modifié le Code d'instruction criminelle, en ce sens que les cours peuvent autoriser le condamné à rester en liberté ; ces mots suffisent ; du moment qu'il y a autorisation de rester en liberté, il n'y a pas lieu de se constituer ; mais le délai est court, le pourvoi doit être fait dans le délai de trois jours, le moindre retard suffit pour que l'autorisation ne puisse être annexée au pourvoi ; je reconnais que sous ce rapport la loi de 1852 laisse à désirer, je verrai ce qu'il peut y avoir à faire. Le délai pour se pourvoir n'est pas assez long en matière correctionnelle et de simple police.

- Le chiffre est vais aux voix et adopté.

Articles 7 à 9

« Art. 7. Cour de cassation. Matériel : fr. 5,250. »

- Adopté.


« Art. 8. Cours d'appel. Personnel : fr. 666,750.

« Charge extraordinaire : fr. 4,000. »

M. le ministre de la justice propose de réduire de 500 fr. le chiffre des dépenses ordinaires et d'augmenter d'autant celui des dépenses extraordinaires.

- L'article 8, ainsi modifié, est mis aux voix et adopté.


« Art. 9. Cours d'appel. Matériel : fr. 18,000. »

- Adopté.


« Art. 10. Tribunaux de première instance et de commerce : fr. 1,318,135.

« Charge extraordinaire : fr. 4,108. »

M. le ministre de la justice propose de porter à 1,341,350 fr. 50 c. les charges ordinaires et à 4,503 fr. 50 c. les charges extraordinaires.

M. Coomans. - Je demande la parole pour exprimer le regret que j'éprouve que le gouvernement n'ait pas encore appliqué aux chambres de commerce le principe de l'élection comme il l'est pour les tribunaux de commerce.

M. de Theux. - J'ai souvent entendu articuler des plaintes à propos des frais énormes qu'entraînent les liquidations des faillites. Je demanderai à M. le ministre s'il s'occupe de faire droit aux plaintes du commerce à cet égard ; les frais énormes dont on se plaint sont contraires aux droits des créanciers du failli ; c'est une question excessivement grave qu'il est urgent d'examiner.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - J'ai également, à plusieurs reprises, entendu des plaintes au sujet des frais auxquels donnent lieu les liquidations des faillites. C'est surtout à Bruxelles que ces plaintes se sont élevées.

J'ai demandé des renseignements aux tribunaux de commerce pour arriver à établir un tarif en cette matière, et j'ai reçu de M. le président du tribunal de commerce de Bruxelles, une lettre dans laquelle il déclare que ces plaintes sont exagérées, et annonce qu'il prépare un travail pour établir à combien s'élèvent ces frais.

Je suis attentif à ce qui se passe. J'aurai soin de voir en quoi les plaintes qu'on articule sont fondées et quelles mesures il peut y avoir lieu de prendre.

Si la Chambre le désire, je lui donnerai lecture de la lettre que je viens de mentionner : (Oui ! oui !)

Voici, messieurs, le passage où il est question des plaintes qui se sont élevées :

« Dans ces derniers temps, de basses calomnies se sont répandues dans le public sur MM. les avocats auxquels le tribunal confie ordinairement la liquidation des faillites. Je m'occupe, en ce moment, d'un très long travail sur les résultats obtenus dans la liquidation d'un très grand nombre de faillites ; aussitôt que ce travail sera terminé, j'aurai l'honneur de vous le soumettre.

« Sans pouvoir encore bien préciser les chiffres, je puis vous dire dès maintenant que les honoraires des curateurs sont, en moyenne, de 5 p. c. environ de l'actif de la faillite, et que les honoraires de ces messieurs se sont élevés en moyenne de cinq à six mille francs par an. »

Tels sont les renseignements que m'a fournis le président du tribunal de commerce de Bruxelles, à la date du 16 décembre 1862.

Je dois ajouter, messieurs, que j'ai eu récemment occasion de m'entretenir de l'exécution de la loi sur les faillites avec différents présidents de tribunaux de commerce, et tous m'ont déclaré que cette exécution était bonne ou du moins qu'elle laissait peu à désirer et qu'elle soulevait très peu de réclamations. Ces déclarations m'ont été faites par les présidents des tribunaux de commerce de Mons, de Gand et de Bruges.

Il semble que ce n'est qu'à Bruxelles que cette loi soit l'objet d'assez vives critiques.

M. Vermeire. - Messieurs, je n'ai qu'un mot à dire. Je crois que ce n'est pas le moment de discuter le mode de formation des Chambres de commerce, et que c'est à propos du budget des affaires étrangères que cette question doit être examinée ; mais contrairement à l'opinion émise par l'honorable M. Coomans, je dois déclarer que je suis partisan de recrutement actuel des chambres de commerce.

- Adopté.

- Plusieurs membres. - A demain !

Article 11

« Art. 11. Justices de paix et tribunaux de police : fr. 646,080.

« Charge extraordinaire : fr. 2,900. »

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, à cet article se rattache la question de savoir si on juge du tribunal de Tongres qui a été nommé juge de paix à Liège, doit profiter de l'augmentation qui est accordée aux juges du tribunal auquel il appartenait jadis.

On pourrait, je pense, remettre cet article à demain ; parce qu'il soulèvera probablement une discussion.

Projet de loi portant le budget des voies et moyens de l’exercice 1864

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, d'après les ordres du Roi, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre le budget des voies et moyens pour l'exercice 1864.

- Le budget sera imprimé et distribué et renvoyé à l'examen des sections.

La séance est levée à 4 heures 3/4.