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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 12 février 1863

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1862-1863)

(page 363) Présidence de (M. E. Vandenpeereboom, premier vice-président.

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Thienpont, secrétaire., procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. de Boe, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance précédente.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Thienpont, secrétaire., présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre.

« Les messagers au parquet et au greffe de la cour d'appel de Liège prient la Chambre d'augmenter le chiffre proposé par la section centrale pour leur traitement. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de la justice.


« Le sieur Oger, ancien militaire et combattant de 1830, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir une pension ou une gratification. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« M. le lieutenant général Chazal, ministre de la guerre, adresse à la Chambre deux exemplaires de l'Annuaire militaire officiel de 1863. »

- Dépôt à la bibliothèque.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l’exercice 1863

Rapport de la section centrale

M. Goblet. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la section centrale qui a examiné le budget des travaux publics.

- Impression et distribution.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l’exercice 1863

Discussion du tableau des crédits

Chapitre XVI. Enseignement moyen

Discussion générale

M. Hymans, rapporteur. - Messieurs, en prenant la parole pour achever le discours que vous m'avez permis d'interrompre hier, je désire affirmer de nouveau les sentiments qui m'animent, et qui, je l'espère, ne seront révoqués en doute par personne dans cette enceinte.

J'éprouve une sympathie toute particulière pour l'enseignement moyen qui est, à mes yeux, au point de vue national, l'élément le plus essentiel des trois degrés de l'instruction publique.

S'il m'est permis d'établir une comparaison entre l'enseignement et notre état social, je dirai que l'enseignement moyen est en quelque sorte le cœur et l'âme de l'instruction publique, comme la bourgeoisie est le cœur et l'âme de la société.

Vous comprendrez donc que je sois vivement préoccupé de tout ce qui se rapporte à cette partie si importante de l'enseignement et que j'ose encore demander à la Chambre quelques moments d'attention.

Hier, messieurs, à propos des écoles normales, je me suis laissé aller peut-être à trop discuter les détails.

J'y ai été amené en partie par la discussion de la lettre qui a été insérée, dans le rapport, peut-être à tort, mais qui, malgré toutes les critiques dont elle a été l'objet, prouve cependant la seule chose qu'elle tendait à prouver, le peu de popularité dont l'école normale de Liège jouit dans le corps professoral.

Je n'ai jamais entendu prouver autre chose et j'ai pris cette lettre parmi plusieurs qui m'ont été adressées sur le même objet par le corps professoral.

A ne considérer que le principe même de l'enseignement normal, il est évident que le débat doit rouler exclusivement sur la question de l'internat.

Or, comme je l'ai dit hier, quand des élèves sont internés comme le sont ceux de l'école normale de Liège, ils ne peuvent pas acquérir les connaissances sociales qui sont indispensables aux membres de l'enseignement.

Il y a dans le rapport de la section centrale un extrait d'une pièce communiquée à la Chambre, il y a quelques années, par l'honorable M. Piercot et que M. Devaux a passée sous silence. Elle ne manque pourtant pas d'importance.

Il est dit dans cet extrait, puisé dans un rapport adressé par l'honorable M. de Man d'Attenrode à la Chambre, que l'internat avait pour but d'inspirer l'émulation dans la vie commune, de créer l'avantage d'une existence recueillie et de mettre les normalistes dans l'impossibilité de fréquenter des jeunes gens destinés à une vie sociale plus élevée ; enfin la conservation de mœurs simples...

Eh bien, dussé-je être en désaccord avec la grande majorité de cette Chambre, je ne puis comprendre quelle raison il y a de mettre les jeunes gens qui seront appelés à former le cœur et l'esprit des élèves, dans l'impossibilité de fréquenter les jeunes gens destinés à une vie sociale plus élevée ; quel intérêt il y a pour le gouvernement à ce qu'ils conservent des mœurs simples. Le jour où leurs mœurs donneront lieu à un reproche, à des critiques sérieuses, il sera toujours assez temps de les réprimander.

L'honorable M. Devaux disait hier : L'internat est la condition essentielle d'une bonne école normale. Messieurs, je le veux bien. Mais cela dépend absolument d'une condition. L'internat est une bonne chose, une chose utile et admissible, selon l'époque de la vie à laquelle vous prenez le normaliste. Ainsi, en France, l'école normale est un internat, mais elle est dans une toute autre position que la nôtre.

En France, on exige le diplôme de bachelier ès lettres ou de bachelier ès sciences. Quel est ici l'élève qui entre dans l'école normale ? C'est un jeune homme qui a fait en partie les études supérieures, qui connaît quelque chose de la vie, qui a joui d'une certaine liberté, et chez qui la vocation du professorat s'est déjà révélée.

Il est évident pour tout le monde que l'élève de rhétorique qui sait un peu de latin, un peu de grec, qui en sait beaucoup si vous le voulez, n'a pas encore assez approfondi la science pour pouvoir dire lui-même à quelle carrière il veut se destiner.

Et cela est beaucoup plus vrai encore pour les sciences que pour les humanités, attendu que les notions scientifiques que l'on acquiert dans les établissements d'instruction moyenne sont très peu étendues, pour ne pas dire tout à fait élémentaires.

Pour que l'internat soit une chose utile, il me semble qu'il faut que l'élève ait déjà fait une partie de ses études supérieures comme en France, et en relisant ce matin les études préparatoires à l'organisation des écoles normales faites il y a dix ans, j'ai été surpris et charmé de trouver que sur ce point j'étais complètement d'accord avec ceux qui avaient engagé le gouvernement à la fondation des écoles normales, et entre autres avec l'honorable M. Devaux.

Je prends le rapport triennal de la première période et je vois qu'en 1852, le gouvernement soumit la question de l'organisation des écoles normales au conseil de perfectionnement de l'enseignement supérieur, dont l'honorable M. Devaux était un des membres les plus distingués. Ce conseil décida qu'il y aurait une école normale, et que pour être admis à l'école normale, section des humanités, il fallait avoir obtenu le diplôme de candidat en philosophie et lettres, que pour être admis à la section des sciences, il fallait être candidat en sciences physiques et mathématiques.

Le projet ainsi arrêté par le conseil de perfectionnement de l'enseignement supérieur, fut renvoyé au conseil de perfectionnement de l'enseignement moyen, et celui-ci accepta à l'unanimité ce qu'avait fait le conseil de perfectionnement de l'enseignement supérieur, sauf un petit détail ; par malheur ; ce petit détail modifiait complètement l'esprit et la base de l'institution.

Le conseil de perfectionnement de l'enseignement moyen décida que, pour être admis à l'école normale, il suffirait d'être muni du diplôme d'élève universitaire. Le rapport ne dit pas les motifs pour lesquels cette modification fut introduite ; il nous apprend uniquement que le gouvernement se rallia à l'avis du conseil de perfectionnement de l'instruction moyenne, ne tenant aucun compte de l'avis du conseil de perfectionnement de l'enseignement supérieur. Ainsi, le principe du conseil de perfectionnement de l'enseignement supérieur était que l'enseignement pédagogique devait être donné à des jeunes gens qui avaient déjà fait une partie des études universitaires ; des jeunes gens qui connaissaient la vie sociale, qui avaient senti germer en eux la vocation du professorat, qui avaient goûté de la liberté, tandis que maintenant les élèves des écoles normales sont de simples collégiens.

Or je ne comprends pas, je l'ai dit hier, que des jeunes gens sortant de l'athénée pour entrer à l'école normale, et sortant de là pour donner l'enseignement public, aient pu acquérir, à l'école normale, les connaissances sociales nécessaires pour faire de bons professeurs et exercer une influence utile et féconde sur l'esprit et le cœur de leurs élèves.

On peut différer du tout au tout sur cette question, et la preuve en est que, dans le conseil de perfectionnement même, on n'a pas été complètement d'accord. Le conseil décida, en effet, qu'il fallait un internat pour l'école des humanités, et qu'il n'en fallait pas pour les sciences On me disait hier : « Il n'y a pas d'internat à Gand, parce qu’il n'y a pas d'élèves », (page 364) et on dit d'autre part : « Il n'y a pas d'élèves parce qu'il n'y pas d'internat. (Interruption.)

Pas d’élèves, parce qu’il n’y a pas d’internat ! Mais j'ai eu l'honneur de vous rappeler que sous le gouvernement des Pays-Bas il existait un enseignement pédagogique, qui a réuni jusqu'à 30 et 37 élèves ; pourtant il n'y avait pas d'internat. Quant à l'assertion qu'il n'y a pas d'internat parce qu'il n'y a pas d'élèves, je ne puis l'admettre, puisque dans le même rapport triennal, page CCXXI, on nous dit qu'il n'y aura pas d'internat à Gand, attendu qu’il s'agit de préparer aux chaires des sciences des jeunes gens d'une aptitude reconnue.

Ainsi, messieurs, d'un côté nécessité de l'internat, de l'autre côté cette nécessité n'existe pas. Et cependant les professeurs de sciences comme les professeurs d'humanités doivent être des hommes qui répondent à toute les conditions que l'honorable M. Devaux indiquait hier comme devant être exigées de ceux qui veulent entrer dans la carrière du professorat. Voilà, messieurs, ce qui explique mieux que les quelques délais que j'ai donnés hier, le dissentiment qui peut exister sur cette question si importante de l'internat.

Maintenant, si les résultats de l’enseignement normal sont bons, je m'en félicite, et sur ce point je m'en rapporte, dans une très large proportion, à l'expérience et à la science pratique de l'honorable M. Devaux ; mais un fait incontestable n'en subsiste pas moins ; c'est le peu de popularité des écoles normales.

L'honorable M. Devaux disait hier : Il y a autant d'élèves qu'il en faut ; on accepte le nombre d'élèves nécessaire pour les besoins de l'enseignement.

Messieurs, encore une fois, d'après le conseil de perfectionnement qui a préparé l'organisation des écoles normales, il faut 15 élèves pour que la section des humanités suffise aux besoins de l'enseignement moyen. Or, on n'a jamais pu trouver ces 15 élèves ; dans la première période triennale, on en a eu 12 ; dans la seconde période triennale 12, et enfin 10 dans la troisième période triennale ; encore n'auriez-vous pas ce dernier chiffre, si l'on n'avait pas augmenté le nombre des années d'études.

Si 15 élèves sont nécessaires pour le recrutement du corps professoral et si l'on n'en admet que 10, le gouvernement ne se conforme pas tout à fait à ses propres principes, en fixant le nombre des admissions à un chiffre inférieur aux besoins.

Quand j'ai dit que les élèves non boursiers n'étaient pas admis à l’école normale des humanités, l'honorable M. Devaux m'a répondu qu'il ne se présente pas d'élèves qui n'aient pas besoin de bourse ; que l'Etat est obligé d'en donner une à tous les élèves qui sont admis à l'école.

Si cela est réellement ainsi, je puis en conclure, ms semble-t-il, que l’enseignement normal n'est pas fort goûté par les classes moyennes et qiue ce ne sont que les jeunes gens des classes peu aisées qui entrent dans l'école normale...

M. Devaux. - C'est l'opinion de votre correspondant.

M. Hymans, rapporteur. - C'est mon opinion personnelle ; laissons de côté l'opinion de mon correspondant, dont vous avez usé suffisamment hier comme d'un dérivatif.

Je le répète, si tous les élèves de l'école normale aspirent à la bourse, il est permis de supposer que les jeunes gens appartenant aux classes aisées sont très peu disposés à entrer dans cette école ; ce que je considère comme un grand malheur ; attendu qu'il serait très désolant de voir, au bout d'un certain temps, les professeurs de l’enseignement moyen se recruter exclusivement dans les classes inférieures de la société.

Messieurs, on ne contestera pas la répugnance des jeunes gens à s'engager dans la carrière de l'enseignement moyen.

Je laisse de côté la cause qui tient à l'organisation même des écoles normales, et je recherche les autres raisons auxquelles cette répugnance doit être attribuée.

Ces raisons sont de diverses natures. Il y en a une qui est indiquée dans le rapport et dont M. le ministre de l'intérieur a bien voulu reconnaître la justesse. C'est l'esprit du temps, l'esprit du siècle. Il est évident que les tendances de l'époque attirent plus les jeunes gens vers des professions libérales et lucratives que vers une carrière aussi ingrate et aussi peu rémunérée que l’enseignement.

Il y a une autre raison qui explique cette répugnance : c'est le peu d'avenir qu'offre cette carrière ; c'est le traitement peu élevé des membres du corps professoral jusque dans les plus hautes positions. Mon honorable ami M. Jamar a parfaitement exposé cette situation dans les développements qu'il a donnés avant-hier à son amendement.

Il vous a fait voir que le professeur de rhétorique latine du premier athénée du pays, le maréchal de l'enseignement, ne peut même avec le minerval attaché à sa position, atteindre le chiffre d'appointement soit d'un chef de bureau de seconde classe dans un ministère, soit d'un professeur extraordinaire dans une de nos universités. Je n'insisterai pas davantage sur ce point qui a été suffisamment étudié par mon honorable ami, attendu que je ne veux pas m'exposer, une fois de plus, au reproche qui nous a été fait, de vouloir exciter les petits contre les grands.

Ici je dois revenir encore sur la question du minerval. A ce que j'en ai dit hier, j'ajouterai quelques chiffres qui ne manquent pas d'intérêt.

Je vous ai démontré que les villes prélevaient d'une manière, sinon illégale, du moins tout à fait arbitraire, des sommes assez notables sur le minerval des professeurs. M. le ministre de l'intérieur m'a dit, à ce propos, qu'avant le régime de la loi de 1850, la position était bien moins favorable ; que la rétribution des élèves de l'athénée de Bruxelles, par exemple, était versée élans la caisse communale.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Des athénées en général.

M. Hymans. - Que la rétribution des élèves des athénées en général, était versée dans la caisse communale.

Eh bien, je regrette de devoir dire que cela n'est pas exact et que c'est précisément le contraire qui est vrai.

En voici la preuve, d'abord pour Bruxelles : le règlement de l'athénée de Bruxelles, mis en vigueur en 1842, porte que jusqu'à nouvelle disposition, le produit de la rétribution des élèves de toutes les classes, excepté de la classe élémentaire, sera partage, comme par le passé, entre les professeurs. En 1847, le conseil communal de Bruxelles prit une décision d'après laquelle, à l'avenir, un décime serait prélevé sur le minerval pour couvrir les frais d'administration.

A Tournai, le minerval, avant la loi de 1850, appartenait en entier aux professeurs, qui nommaient eux-mêmes un comptable auquel ils payaient 2 p. c, à titre de frais de gestion.

M. B. Dumortier. - C'est très exact.

M. Hymans. - A l'athénée de Namur, les élèves payaient une rétribution fixe à titre de minerval et une rétribution variable pour les frais de chauffage, d'éclairage, etc. L'article 7 du règlement de cet athénée, arrêté le 12 juillet 1842, porte :

« Les rétributions fixes et variables sont versées entre les mains du préfet des études, qui est chargé de les partager, les premières entre les professeurs autres que ceux des langues modernes, et d'en rendre compte, les secondes à la commission de surveillance. »

La part était de 200 fr. en 1848.

A Anvers, les professeurs de l'athénée avaient un minerval qui était de 900 fr. en 1848 ; ce chiffre se trouve indiqué dans le rapport sur les années de 1842-1848.

D'après le tableau qui nous a été communiqué, ce chiffre est maintenant réduit à 850 fr.

A Gand, le minerval était de mille fr. en 1848 ; aujourd'hui il n'est plus que de 756 fr.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Et le traitement ?

M. Hymans. - J'y viendrai tout à l'heure.

A Liège, le minerval était de 900 fr. en 1848.

A Hasselt, il était de 400 fr. ; il est descendu à 175 fr.

A Bruges seulement, il n'y avait pas de minerval ; c'est la seule ville du pays où les professeurs ne touchassent point de casuel avant la loi de 1850.

Enfin, sous le régime des Pays-Bas, la rétribution des élèves appartenait intégralement aux professeurs.

L'honorable ministre s'est donc trompé complètement en disant que ce qui existe aujourd'hui n'est que la conséquence d'un usage ancien.

Maintenant, M. le ministre de l'intérieur me dit ; Et le traitement ? Messieurs, je n'ai pas pu faire pour tous les athénées le travail que j'ai fait pour l'athénée de Bruxelles, les documents me manquaient ; mais, pour ce qui concerne l'athénée de Bruxelles, voici ce qui existait avant la loi de 1850. Je ne puis pas dire quel était le traitement du professeur de rhétorique, car celui-ci était en même temps préfet des études. Mais, pour les autres classes, les traitements étaient, à cent francs près, ce qu'ils sont aujourd'hui : le traitement du professeur de seconde latine était de 3,000 francs ; il est aujourd'hui de 3,100 francs.

Le professeur de troisième avait 2,800 fr. ; il a aujourd'hui 2,900 fr. En revanche, le minerval était beaucoup plus élevé ; si bien qu'il y a aujourd'hui, en faveur de l'ancien régime, du régime antérieur à 1850, une différence de 489 fr. pour les professeurs des classes d'humanités, et une différence de 1,092 fr. pour les professeurs de mathématiques.

Vous voyez donc que la situation des professeurs de l'athénée de Bruxelles était meilleure avant la loi de 1850 qu'aujourd'hui, et que nos plaintes ne sont pas sans fondement.

(page 365) Le résumé de tout ceci est que la dotation de l'enseignement moyen n'est pas suffisante.

Je ne crois pas que M. le ministre de l'intérieur puisse trouver mauvais que je fasse ces observations, car si la Chambre voulait donner le double de ce qu'elle accorde aujourd'hui, il se rallierait très volontiers à son opinion.

La dotation de l'enseignement moyen, quelle est-elle ? L'enseignement moyen coûte 1,024,000 fr. et l'enseignement supérieur 1,012,000 fr. c'est-à-dire que nous demandons moins pour les dix athénées royaux et les cinquante écoles moyennes que pour les deux universités de l’Etat. Notez que les dix athénées royaux seuls renferment une population d'au moins trois mille élèves. (Interruption.)

M. Rodenbach. - Les communes payent aussi.

M. Hymans. - Les communes payent aussi, c'est très vrai ; elles ont beaucoup fait, M. le ministre avait raison de dire qu'elles avaient fait plus qu'elles ne devaient faire.

La ville de Bruxelles donnait déjà 35,000 fr. par an, avant la loi de 1850, vingt-cinq mille pour l'athénée et dix mille pour l'école centrale, aujourd'hui l'école professionnelle. Au total l'Etat jusqu'ici a donné à l'enseignement moyen depuis la loi de 1850 2,980,000 fr. et les communes 2,626,675 fr. Cela est vrai. Mais en résulte-t-il qu'il n'y a plus rien à faire ? A ce propos je poserai une question qui est assez importante à examiner, d'autant plus que ce n'est pas la première fois qu'elle se présente devant cette Chambre.

L'Etat fait beaucoup pour l'enseignement moyen, mais il pourrait faire plus ; les communes font plus qu'elles ne devaient faire ; en revanche, les provinces ne font rien ; cependant la loi provinciale, article 69, n°18, oblige le conseil provincial à porter annuellement au budget des dépenses les secours à accorder aux communes pour l'instruction primaire et l'enseignement moyen.

Que la loi de 1836 ait réellement cette portée, vous allez le voir par un extrait du rapport présenté, en 1843, par l'honorable M. Nothomb. Voici ce que disait cet honorable ministre :

« Depuis l'organisation communale et provinciale, toutes les provinces sont forcées de porter à leur budget une somme destinée à subvenir aux besoins de l'instruction primaire et moyenne ; on aura remarqué que cette disposition de la loi du 30 avril 1856 est restée sans effet dans la plupart des provinces, en ce qui concerne l'enseignement moyen.

« Les conseils communaux, bien que la loi du 30 mars 1836 ne leur impose point la même obligation, mettent en première ligne les dépenses concernant l'instruction moyenne. »

D'après ces observations, il est permis de croire que dans la pensée du législateur qui a fait la loi provinciale et la loi communale, l'enseignement moyen devait particulièrement être à la charge des provinces, les communes ayant surtout, dans ce système, à pourvoir à l’enseignement primaire.

Maintenant qu'ont fait les provinces ? Elles donnent quelques bourses. Pour le reste, elles ne contribuent en rien à la dépense de l’enseignement secondaire ni dans les athénées, ni dans les écoles moyennes.

A l'exception de l'école des mines établie à Mons, école qui est subsidiée par l'Etat et qui est d'ailleurs une école spéciale, il n'existe aucun établissement provincial d'instruction moyenne dans le pays.

Sous ce rapport, les articles 28, 29 et 30 de la loi de 1850, qui autorisaient les provinces à fonder des établissements d'instruction secondaire, sont restés à l'état de lettre morte.

En ce qui concerne les écoles moyennes, aucune n'est subsidiée par les provinces et tous les crédits que les provinces ont donnés en 1860 s'élèvent à une somme totale de 15,000 francs : 7,400 à l'école des mines de Mons, 1,500 à l’école industrielle et commerciale de Verviers. 600 aux collèges de Tongres et de Beeringen, 2,000 au collège de Virton, 3,000 au collège de Bouillon et 1,500 au collège de St-Trond.

Ces chiffres prouvent l'excessive parcimonie des provinces à l'égard de l'enseignement secondaire.

Depuis longtemps le gouvernement lui-même a émis l'opinion que je défends ici sur l'obligation que la loi impose aux provinces de prendre leur part des charges de l'instruction moyenne, et je lis dans le rapport sur l'enseignement moyen pour la période 1842 à 1848 (pages I et II) :

« La loi du 30 avril 1836 confère aux conseils provinciaux, sauf l'approbation du Roi, le droit de créer des établissements publics aux frais de la province, et elle leur impose l'obligation de porter annuellement au budget des dépenses les secours à accorder aux communes pour 1'instruction primaire et moyenne. »

Le même rapport dit encore, p. 33 :

« Les conseils provinciaux s'abstiennent généralement de donner suite aux prescriptions de l'article 69 de la loi du 30 avril 1836 en ce qui concerne l'instruction moyenne. En effet, des subsides ne sont alloués sur les fonds provinciaux, en faveur de l’instruction secondaire, que dans trois provinces, Limbourg, Luxembourg et Liège. »

Ceci est écrit en 1848 et le tableau ci-dessus prouve qu'aujourd'hui encore il n'y a que ces trois provinces qui allouent des subsides pour l'instruction moyenne, car l'école des mines de Mons, qui existait d'ailleurs déjà en 1848, n’est pas un établissement d'enseignement moyen, mais bien une école spéciale.

Depuis la mise en vigueur de la loi du 1er juin 1850, le gouvernement a essayé de tirer les administrations provinciales de leur indifférence à l’endroit de l'instruction secondaire et d'en obtenir la création de bourses d'études dans les athénées.

Le conseil provincial de la Flandre occidentale apporté à son budget une somme de 2,000 francs à l'effet d'instituer auprès de l'athénée royal de Bruges 20 bourses de 200 francs, soit 4,000 francs, payables moitié par la province, moitié par les communes.

Par une circulaire du 6 septembre 1852, adressée aux gouverneur, M. le ministre de l'intérieur a prié ces hauts fonctionnaires d'engager les députations permanentes à proposer des mesures semblables dans l'intérêt des athénées royaux du pays.

Malheureusement, l'exemple du conseil provincial de la Flandre occidentale n'a pas été suivi, et il n'est guère de provinces qui répondent à l'appel du ministre. Il n'y a que le Luxembourg, qui ait voté une somme de 850 fr. pour l'athénée d'Arlon, et la province de Liège qui figure dans cette contribution pour la somme de fr. 69 67 c. qui représente les intérêts des fonds déposés à la banque liégeoise au profit des établissements d'instruction moyenne.

Il est très naturel, du reste, que les provinces ne sont pas disposées à allouer des fonds à leur budget pour la création de bourses dans les athénées, alors qu'il est établi par la loi qu'il y a des admissions gratuites dans les athénées et que le bureau administratif, d'accord avec le préfet des études, pourra admettre dans les établissements d'instruction publique un certain nombre d'élèves qui ne payent pas, mais pour lesquels paye en réalité le corps professoral c'est-à-dire la caisse du minerval.

J'ai dit hier, messieurs, que le nombre de ces admissions gratuites était très considérable dans certains athénées, et j'ai promis à M. le ministre de l'intérieur de lui faire connaître aujourd'hui les chiffres de ces admissions.

Je les trouve encore dans les rapports officiels :

Le rapport pour l'année 1857, qui est la dernière sur laquelle nous ayons des renseignements, nous prouve qu'à l'athénée royal d'Anvers on admet 10 p. c. des élèves gratuitement ; à l'athénée de Gand 32 à 33 p. c ; à l’athénée de Hasselt 35 à 36 p. c. à l'athénée d'Arlon 40 p. c.

Or, ce sont les professeurs qui supportent cette dépense ; c'est autant d'enlevé à la caisse du minerval.

M. Muller. - Du tout, il y a une grande partie des élèves qui n'entreraient pas dans les athénées, sans ces admissions gratuites.

M. Hymans. - Evidemment, mais n'y eût-il que la moitié de ces élèves qui y entrassent, ce serait déjà une moitié enlevée aux professeurs.

La loi de 1850 n'autorise que l'admission gratuite de 1/8 du nombre des élèves. Or, 33 à 40 p. c. cela est évidemment de beaucoup supérieur au 1/8 fixé par la loi :

Je n'abuserai pas des moments de la Chambre. Je me bornerai à ajouter quelques mots relativement à l'avancement des professeurs et au choix des livres dont il a été question hier.

Quand j'ai demandé que l'avancement des professeurs fût réglé autrement qu'il ne l'est aujourd’hui, M. le ministre de l'intérieur m'a répondu que ce que je demandais était fait.

La section centrale demandait que l'avancement fût réglé de telle façon qu'un professeur, après un certain nombre d'années, obtînt une augmentation de traitement.

M. le ministre de l'intérieur me dit ; Cela existe d'après la loi ; il y a un minimum et un maximum.

M. le ministre de l'intérieur oublie une chose, c'est que pour que le maximum puisse être accordé, il faut que le professeur ait passé 6 années dans les mêmes fonctions. Qu'en résulte-t-il ?

Il en résulte que certains professeurs qui, par la nature même de leur position, changent souvent de fonctions ; pour qui l'avancement lui-même est un changement de fonctions, conservent quelquefois pour minimum pendant 12, 14 ans, et je pourrais citer sous ce rapport plusieurs exemples.

(page 366) Ainsi, un professeur sorti de l'école normale en 1862, devient je suppose professeur de sixième dans un athénée ; au bout de six ans, il a droit au maximum de son traitement fixe ; mais on le nomme professeur de cinquième.

Il n'atteint pas le maximum au bout de ces six ans s'il obtient de l'avancement, quoique cet avancement ne soit pas une amélioration de position au point de vue pécuniaire, attendu que les traitements fixes pour la cinquième et la quatrième dans certains athénées, pour la quatrième et la troisième dans d'autres, sont exactement les mêmes, de sorte qu'il peut arriver qu'un professeur, qui obtient en 12 ans deux promotions, n'atteigne pas le maximum qu'il aurait atteint s'il était resté dans la même classe.

Voilà ce qui prouve que la réponse de M. le ministre de l'intérieur n'est pas fondée, et que l'on ferait une chose très juste en accordant le maximum dans tous les cas après six ans, quand le professeur remplit ses fonctions d'une manière convenable et à la satisfaction de ses supérieurs.

Messieurs, la Chambre me paraît disposée à en finir. Je ne puis cependant supprimer deux mots de réponse à ce qu'a dit hier l'honorable M. Devaux relativement au choix des livres.

La section centrale, en émettant le vœu que les professeurs jouissent d'une plus grande latitude dans le choix des livres et des méthodes, s'est faite l'organe d'un vœu exprimé par la cinquième section.

Je reconnais qu'il y a beaucoup de vrai dans ce qu'a dit l'honorable M. Devaux, et que l'on ne pourrait laisser à chaque professeur le droit d'employer dans sa classe les livres qui lui conviennent. Il ne faut pas que le professeur puisse employer toujours un manuel qu'il aurait fait lui-même à son propre usage.

Les livres dont on se sert dans les établissements d'instruction publique doivent être soumis à une surveillance, et cela tant au point de vue national qu'au point de vue scientifique.

Je crois cependant que l'on s'est un peu écarté des idées qui dominaient sur ce point en Belgique, au lendemain de la révolution de 1830.

Ainsi, dans le rapport de la commission de 1835, qui propose un projet de loi sur l'instruction publique, il est dit que l'obligation que l'on impose aux professeurs de suivre les ouvrages d'un auteur, crée bien souvent des privilèges funestes à l'enseignement, en ce qu'elle devient le prix de la protection et de la brigue, et éteint l'émulation des professeurs. La même commission, qui avait pour rapporteur M. Quetelet, dont on ne contestera pas la compétence, déclare que lorsqu'il s'agit des auteurs modernes, et particulièrement de la partie scientifique, il peut y avoir des inconvénients à fixer aux professeurs le choix des livres dont ils doivent faire usage, la science faisant chaque jour de nouveaux progrès et les livres qui en traitent ayant souvent besoin d'être-renouvelés.

Et pourtant l'on se sert encore aujourd'hui pour les sciences d'ouvrages français très anciens et dont on ne se sert plus même en France.

Nous avons demandé au gouvernement qu'on examinât s'il n'y avait pas lieu d'élargir le cercle des livres autorisés, recommandés et prescrits.

Les livres dont on se sert dans l'enseignement moyen sont des livres français, c'est là un fait déplorable. Il est profondément regrettable qu'après 32 années d'existence indépendante, nous soyons encore sous la tutelle de la France pour les livres qui doivent servir à l’instruction. Il serait donc très utile que le gouvernement stimulât le zèle des professeurs dans cette voie, les engageât à faire de ces manuels dont on ne peut pas leur permettre l'usage sans restriction, qui doivent être examinés avec soin, mais que je crois les membres de notre corps professoral aussi capables de faire que les professeurs de l'université de France, et de mettre en harmonie avec les besoins de la science dans notre pays.

La liberté sous ce rapport peut beaucoup donner, je crois même qu'on pourrait avoir en elle une très large confiance. Si la Chambre ne semblait disposée à en finir avec ce débat, je pourrais sur ce point donner beaucoup d’arguments empruntés aux écrivains les plus éminents, à des membres distingués de l’université de France, qui ont protesté contre la réglementation suivie dans l'université de France aussi pour le choix des livres.

Mais la question de liberté à part, il y a un moyen de stimuler, à cet égard, le zèle de nos professeurs, c'est le concours. Le gouvernement a mis au concours, il y a quelques années, un cours de thèmes latins. D'après ce que nous a appris le rapport publié sur ce point, les deux cours de thèmes latins envoyés au concours et couronnés étaient des ouvrages très remarquables.

Ne croyez-vous pas que Ion pourrait faire la même chose pour les autres catégories d'ouvrages destinés à l'enseignement, que l'on pourrait obtenir de notre corps professoral des livres aussi bien faits que ceux qui nous viennent de France, qui nous affranchiraient de la nécessité de recourir toujours à des auteurs étrangers ?

Voilà pour ce qui concerne la question des livres.

Je termine en appelant une dernière fois votre attention sur ce point, que je considère comme étant de la plus haute importance. Je veux parler de la question des bourses, et je demande s'il n'y aurait pas lieu de porter au budget un crédit pour affecter des bourses aux athénées royaux, comme on en a pour les écoles moyennes et pour les établissements d'instruction gratuite qui se donne aujourd'hui dans les athénées ne tombe pas d'une manière exclusive à la charge des professeurs.

Ceci encore n'est pas nouveau. Dans le quatrième projet qui a été présenté par l'honorable M. Vandeweyer en 1846, on proposait de créer 120 bourses de 300 fr., ce qui faisait une somme de 53600 fr. On vote 24,000 fr. pour l'enseignement supérieur et 15,000 pour les écoles moyennes. Je regrette que l'article du projet de loi de 1846 n'ait pas été transporté dans la loi de 1850 et je crois que cette lacune a eu pour le corps professoral de fâcheuses conséquences.

Voilà ce que j'avais à dire à l'appui des conclusions du rapport de la section centrale. Je demande pardon à la Chambre si j'ai abusé de ses moments. Mais je tenais à prouver que les conclusions de la section centrale étaient le résultat d'un examen sérieux et approfondi, et à ce propos une dernière observation. Sauf une seule exception, la section centrale était composée de membres de la majorité de cette Chambre. Elle était composée d'amis du gouvernement actuel et de partisans sincères de l'enseignement de l'Etat. Chacun a apporté dans la discussion son contingent d'observations. Quelques-unes même ont été reprises dans les procès-verbaux des sections.

On aurait donc tort de voir dans le rapport soit une œuvre personnelle, soit une œuvre hostile en quoi que ce soit à l’enseignement de l'Etat. Je ne crois pas qu'un pareil reproche puisse être venu à l'esprit d'un membre de cette assemblée, au moins de ce côté de la Chambre. Si un pareil reproche devait nous être fait, je protesterais de toutes mes forces en mon nom et au nom de mes collègues.

Autant que M. le ministre de l'intérieur, autant que son honorable prédécesseur, autant que l'honorable M. Devaux qui a consacré la plus grande et je dirai la plus glorieuse partie de sa carrière, aux intérêts de l'instruction publique, autant que le conseil de perfectionnement, en un mot autant que l'opinion libérale tout entière, nous professons pour l’enseignement de l'Etat une sérieuse et constante sympathie.

Notre sollicitude a seul dicté les critiques que nous avons insérées dans le rapport. Que ces critiques soient mises à néant dans tout cé qu'elles ont d'injuste, de mal fondé, nous nous en féliciterons. Mais nous espérons qu'elles seront écoutées dans ce qu'elles ont de juste et de bon et que l'on voudra bien en tenir compte.

M. Muller. - Je présenterai à la Chambre quelques observations qui sont de nature à détruire un peu l'impression selon moi, défavorable que pourrait produire le tableau beaucoup trop rembruni que l'on vous a fait de la situation du personnel de l'enseignement moyen, telle qu'elle a été réglée par la loi de 1850.

Une première observation, c'est qu'il est incontestable qu'aujourd'hui la condition de tous les membres du corps enseignant est beaucoup plus stable, et aussi meilleure sous le rapport financier qu'elle ne l'était avant la loi que je viens de citer.

Je crois qu'on ne trouverait pas en Belgique un seul membre du corps enseignant qui voulût revenir à l'ancien régime, et je doute que, même à l'athénée de Bruxelles, il y ait un seul professeur dont la condition, en la prenant en 1848, n'ait pas été immédiatement améliorée, sous le rapport financier, par suite de la mise à exécution de la loi de 1850, qui a exercé une influence bienfaisante dans le pays : cette organisation de l'instruction moyenne, embrassant un grand nombre d'établissements répartis entre les diverses parties du territoire, pour être à la portée, autant que possible, de toutes les familles qui la réclament, a ranimé le zèle et encouragé les tendances louables des jeunes gens qui se sont portés vers une profession qui tient de l'apostolat.

L'honorable M. Hymans s'est plaint que les budgets des provinces ne renferment, pour ainsi dire, pas d'allocation pour l'enseignement moyen ; il a vu là une lacune, une infraction à la loi communale de 1836, d'après laquelle les provinces étaient obligées de fournir des subsides pour l'enseignement moyen, tout aussi impérieusement que pour l'instruction primaire.

Comme lui, je désire vivement qu'elles fassent acte de sympathie positive en faveur de cette branche importante de l'éducation publique, et qu'elles s'imposent quand il y a nécessité ; mais je dois formellement contester que sous le régime actuel, elles en aient l'obligation.

La loi de 1836 a été faite à une époque où il n'était nullement question d'organiser l'enseignement par l'Etat.

(page 367) La loi de 1850, comblant une lacune profondément regrettable, a fait cette organisation, et elle a défini les obligations qu'elle impose de ce chef, tant à l'Etat qu'aux communes. Il n'y est nullement question du concours obligatoire des provinces. Donc, sous ce rapport, il ne faut pas accuser ces dernières d'avoir failli à leurs devoirs ; ce reproche, qui n'est pas fondé, retomberait en même temps sur le gouvernement et les Chambres législatives, qui auraient laissé commettre une infraction flagrante à la loi.

La question du minerval a joué un rôle assez important dans ce débat ; elle méritait, sans doute, d'être prise en considération ; mais je pense qu'on a trop exagéré les conséquences fâcheuses de la répartition actuelle du minerval, telle qu'elle a été faite, immédiatement après la loi de 1850, et sur le préjudice qu'aurait éprouvé dès lors le corps professoral.

En effet, messieurs, lorsqu'on nous a fait tantôt une comparaison entre ce qui existait en 1848, lorsque les professeurs des collèges communaux touchaient l'entièreté des minervals, et le régime actuel qui permet d'en distraire une partie déterminée pour les besoins de l'établissement, on aurait dû nous dire en même temps quel était le taux du minerval, des rétributions payées par les élèves à l'époque de 1848, et mettre en parallèle celui qui est perçu aujourd'hui. J'en dirai autant des traitements fixes.

Ainsi, messieurs, pour ne citer qu'un exemple qui m'a été fourni par l'honorable M. Hymans lui-même, je ne vois pas trop que le corps professora1 de l'athénée de Bruxelles ait à se plaindre de ce qu'on a pris sur le minerval un vingtième pour parer aux dépenses de distribution des prix, de chauffage et d'éclairage, puisqu'on a élevé le minerval, qui était de 40 florins des Pays-Bas, à 100 fr. Je suppose qu'en ne faisant aucun prélèvement pour certaines dépenses indispensables à l'athénée on eût maintenu le taux de 40 florins, les professeurs auraient-ils touché davantage ?

A ce propos, je ferai remarquer qu'en ce qui concerne l'athénée de Liège une erreur de fait a été commise. Le taux du minerval y est de 60 fr. ; mais ce n'est pas sur ces 60 fr. que se prélève la dépense du chauffage et de l'éclairage. On perçoit, de ce dernier chef, une taxe spéciale de 6 fr. due par tous les élèves indistinctement, et qui rapporte environ 3,000 fr., et comme le chauffage et l'éclairage n'absorbent guère que la moitié de cette somme, le surplus est employé à réduire le chiffre des prélèvement que l'arrêté organique autorise à faire sur le fonds des minervals, c'est-à-dire pour les frais de distribution des prix et pour dédoublement des classes.

Quant à la question de la propriété absolue du minerval en faveur des professeurs, je ne crois pas qu'elle puisse être décidée sans mûre réflexion, et vous allez en comprendre le motif. Pour les athénées, elle n'a pas, sur l'avenir de l'enseignement moyen de l'Etat, une très haute importance.

Je suis parfaitement de l'avis de l'honorable M. Hymans lorsqu'il désire, par exemple, que les frais de distribution de prix soient payés par la caisse communale ; lorsqu'il désire également que, s'il y a nécessité de créer dans un athénée une chaire de plus, par suite du nombre excessif d'élèves d'une classe, le traitement du professeur supplémentaire ne soit pas prélevé sur le minerval.

Il n'est ni juste ni encourageant d'agir autrement, car il en résulté cette anomalie choquante qu'un professeur, dont on reconnaît la classe trop nombreuse, et auquel on enlève une partie de ses élèves, éprouve, ainsi que ses collègues, un véritable préjudice ; et l'on peut dire, avec raison, quand ce cas se présente, que les minervals des 80 élèves d'une classe dédoublée rapportent moins au corps professoral que les minerval de 50 élèves n'ayant qu'un professeur.

Dans le premier cas, celui des 80 élèves, on va prélever le traitement du deuxième professeur sur la masse des minervals, dont le chiffre sera ainsi réduit. Plus les professeurs parviennent à donner du renom à leur établissement et à le faire prospérer, plus ils devraient eux-mêmes s'en ressentir d'une manière favorable au point de vue du casuel. Eh bien, il n'en est pas ainsi.

Je reprends, messieurs, la question qu'on a agitée de la propriété du minerval et je ferai remarquer que pour les écoles moyennes une solution affirmative entraînerait, dans l’état actuel des choses, des conséquences extrêmement graves au point de vue de leurs ressources, et même de leur maintien.

Sans juger la loi de 1850, je pense avec M. le ministre de l'intérieur qu'il a été dans son esprit d'autoriser le prélèvement de certaines dépenses des écoles sur le casuel, parc qu'il a été reconnu impossible que chacune des cinquante communes dotées d'une école moyenne pût, n'ayant qu'un subside limité de l'Etat, pourvoir à tous les frais, à l'aide des ressources ordinaires de sa caisse. Le législateur a prévu qu'il était indispensable de lui en réserver d'autres. Le minerval ne devait donc pas être attribué exclusivement aux professeurs.

Remarquez, messieurs, qu'en général ces écoles moyennes sont établies dans des communes qui n'ont pas beaucoup de ressources, et que le système absolu que je combats aurait pour conséquence la fermeture, l'extinction d'un grand nombre d'établissements des plus utiles, par suite de la pénurie des caisses communales. Ces considérations me semblent de nature à éveiller l'intérêt et la sollicitude de la Chambre, et à la mettre en garde contre l'application du principe absolu de la propriété des minervals.

Maintenant, messieurs, je dirai quelques mots d'un regret exprimé par l’honorable M. Hymans, mais que je ne ressens pas aussi profondément que lui.

L'honorable rapporteur de la section centrale s'est plaint, en en faisant une sorte de grief aux établissements de l'Etat, que des élevés de collèges communaux, et même de collèges patronnés, ont obtenu proportionnellement un plus grand nombre de distinctions dans les concours que les élèves des écoles moyennes ou des athénées de l'Etat.

Je réponds, messieurs, que cette circonstance ne doit pas conduire à la conclusion qu'en tire l'honorable membre, qui attache à ce fait trop de portée. Si le concours consistait à mettre en présence toute une classe composée de tel nombre d'élèves contre une autre classe composée d'un même nombre, je concevrais qu'on pût juger la force relative des deux classes appartenant à des établissements différents. Mais là où les élèves sont peu nombreux, là où le professeur peut donner plus d'attention au travail de chacun d'eux, corriger tous les jours leurs devoirs, il est naturel qu'il puisse former quelques élèves d'élite, avec l'espoir fondé de les voir réussir au concours.

En second lieu, les collèges patronnés et les collèges communaux ne sont pas assujettis à tout le programme des établissements proprement dits de l'Etat ; leurs professeurs peuvent soigner particulièrement, en en négligeant d'autres, telle branche spéciale de l'enseignement, consacrer plus d'heures de leçons à telle matière qu'il n'en est assigné dans les établissements de l'Etat, où il y a une règle uniforme, où les heures de leçons sont réparties dans des vues d'ensemble, abstraction faite des dispositions personnelles des élèves.

Puisque je m'occupe de l'enseignement moyen, vous me permettrez, messieurs, d'attirer l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la position des surveillants des athénées et sur la nécessité de donner un caractère plus uniforme au traitement dont ils jouissent.

Les surveillants des athénées sont, chez nous, des jeunes gens qui ont obtenu leur diplôme dans l'enseignement moyen, et c'est ce qu'ils devraient être généralement pour pouvoir suppléer, au besoin, les professeurs. On les appelait autrefois des maîtres d'étude, et ils forment en quelque sorte une pépinière pour alimenter le corps professoral.

Ainsi, nous avons eu à l'université de Liége et nous avons encore des surveillants qui ont obtenu leur diplôme et parfaitement en état d'occuper une chaire dans l'enseignement moyen.

Or, le traitement de cette classe de fonctionnaires varie d'une manière tout à fait anomale dans les divers athénées ; dans telle ville, il est des 1,740 fr. ; d'ans telle autre, de l,660 ; ici, de 1,450 ; là, notamment à Liège, de 1,100 fr. A Arlon, il est de 900 francs.

Il est donc désirable que le gouvernement s'entende avec les villes pour donner aux surveillants qui sont diplômés et qui aspirent à devenir professeurs, un traitement convenable.

Messieurs, je dirai maintenant un mot de l'école normale des humanités.

L'honorable M. Hymans l'a dépeinte comme « un couvent, où l'on exerce « une discipline vraiment monacale » ; il a lu un règlement où il est prescrit que le élèves se lèvent à telles heures, qu'ils dînent et se couchent à telle autres ; mais il aurait bien dû ajouter qu'il y a aussi des articles en faveur de la liberté des élèves, notamment ceux qui disent que les élèves sont libres de sortir, depuis leur dîner jusqu'à 4 heures 1/2 ; que le dimanches ces élèves sortent de 11 heures à une heure, et qu'après le dîner ils sortent encore jusqu'à 8 heures du soir. Le régime de l'école normale des humanités n'est donc pas tout à fait celui d'une maison de séquestration. Ce régime, très peu rigide, n'empêche pas les élèves d'être en contact avec la société, d'y puiser cette connaissance du monde, cette étude de mœurs et de caractères, cette appréciation et cette expérience de la société qu'on doit exiger de la part de ceux qui se vouent à la carrière de l'enseignement moyen.

Je n'examine pas le système de l'internat en lui-même ; je ne suis pas assez compétent pour dire qu'il est absolument indispensable que tous les aspirants au professorat y soient astreint, ; mais tel qu'il existe, il n'a rein d'effrayant pour ceux qui le suivent, et il serait regrettable qu'on pût s'étayer des paroles décourageantes qui ont été prononcées par (page 568) l'honorable M. Hymans, pour en tirer la conséquence que l'école normale des humanités, tant que l’internat y sera maintenu, ne peut pas être dans un état prospère. Il n'en est pas ainsi ; et que l'honorable membre me permette de le lui dire, il me semble avoir tourné dans un cercle vicieux, lorsqu'il imputait à l'internat de l'école des humanités de Liège le petit nombre de jeunes gens qui se vouent à la carrière de l'enseignement moyen, en même temps qu'il se plaignait aussi de la pénurie de sujets à l'école de Gand oh l'internat n'existe pas.

Il ne faut pas perdre de vue une chose : c'est que le corps professorat n'est pas exclusivement recruté dans nos deux écoles normales d'enseignement moyen ; il est des jeunes gens qui font des études universitaires pour obtenir le diplôme de docteur en philosophie et lettres. (Interruption).

L'honorable M. Hymans, qui est près de moi, m'objecte qu'on ne crée plus de docteurs en philosophie et lettres dans les universités, il se trompe. Comme membre du bureau administratif de l'athénée de Liège, j'ai eu sous les yeux des demandes émanées de jeunes gens qui sollicitaient des places vacantes à l'athénée et qui avaient été reçus assez récemment docteurs en philosophie et lettres.

Nous voyons aussi proclamer des docteurs en sciences physiques et mathématiques, qui ont fait leurs études dans nos différentes universités.

Par conséquent, les écoles normales de Gand et de Liège ne sont pas la source exclusive qui alimente le corps professoral de l'enseignement moyen,

Mais, comme l'a dit l'honorable M. Devaux, c'est dans l'école normale des humanités que la méthode pédagogique est le mieux étudiée et mise en pratique, et pour moi il est évident que celui qui sortira de cette école sera bien plus immédiatement propre à donner l'enseignement que celui qui a obtenu un titre de docteur en philosophie et lettres, et qui n'a pas suivi des cours spéciaux de pédagogie.

Je termine ici mes observations.

M. Devaux. - Messieurs, je conçois que cette discussion a déjà été assez étendue pour la Chambre. Si je désire ajouter quelques mots, c'est plutôt pour empêcher que les personnes qui se dévouent à l'école normale des humanités avec autant de zèle que de mérite ne puissent concevoir le moindre découragement des paroles qui ont été prononcées dans cette enceinte ; je veux qu'on sache au dehors que chaque fois qu'il s'élèvera contré cette institution des reproches immérités, la défense sera aussi énergique que l’agression.

Messieurs, ainsi que vient de le dire l'honorable M. Muller, les élèves de l'école normale des humanités ne sont pas cloîtrés. L'honorable M. Hymans s'est amusé à nous lire les articles d'un règlement portant que les élèves se lèvent à telle heure et se couchent à telle autre ; mais l'honorable membre en quoi trouve-t-il de telles dispositions exorbitantes ? Voudrait-il que les uns pussent se lever à 6 heures, et les autres à 7 ou à 9 ?

H nous a lu aussi un article du règlement disant que les chambres doivent être tenues en bon ordre ; messieurs, je ne vois à cela aucun inconvénient ; c'est là de l'ordre et de la propreté : il faudrait blâmer l'établissement d'éducation qui ne s'en inquiéterait pas.

Comme on vient de le dire, les élèves sont si peu cloîtrés qu'ils sortent tous les jours, d'une heure à quatre, et sont tout à fait libres pendant tout ce temps, ; le matin même ils vont à l'université suivre un certain nombre de cours.

On ne les isole donc pas du contact des autres classes de la société. Mais après quatre heures de l'après-midi, quand arrive l'heure des plaisirs du monde, des distractions de l'estaminet, les élèves sont retenus et doivent travailler parce que cela est nécessaire à leur instruction comme normalistes, et parce que c'est une excellente habitude à prendre pour le jour où ils seront appelés à exercer les fonctions de professeur de l'enseignement moyen.

Appelez les professeurs des hommes du siècle si vous le voulez, mais ce ne sont pas des hommes du monde. Le gouvernement exige de ces professeurs qu'ils s'occupent, non seulement pendant les heures de classe, mais encore lorsqu'ils sont rentrés chez eux.

Il faut que chez eux soit préparée à l'avance chaque leçon qu'ils donnent à l'athénée. Il faut qu'en dehors des classes ils corrigent et annotent à tête reposée les devoirs de leurs élèves.

M. Hymans. - A l’encre rouge.

M. Devaux. - A l’encre rouge soit, et c’est là une occupation longue et laborieuse qui leur est rigoureusement imposée. Ils ont d'ailleurs de nombreuses lectures à faire pour se tenir constamment au niveau de la science, et si les jeunes normalistes n'en prennent pas l'habitude pendant leur séjour à l'école normale ; si, au contraire, ils contractent celle des plaisirs du monde ou du cabaret, ils risquent fort de ne plus pouvoir s'en passer et de négliger par la suite les obligations sévères que leur état leur impose.

Le dimanche ils sont libres presque toute la journée. Enfin, ils ont des vacances de deux à trois mois. Voilà, certes, bien de quoi se mettre en contact avec le monde, autant que cela convient, à leur future profession.

L'honorable rapporteur de la section centrale passe condamnation sur son correspondant. Je l'en remercie ; mais je lui ferai remarquer cependant qu'il a conservé quelques-unes des impressions que son correspondant lui a données et je voudrais contribuer à les lui enlever ; je voudrais surtout effacer de son esprit cette idée que le gouvernement fait trop peu de professeurs, parce que je déplorerais, moi, qu'il en fît au-delà des besoins réels de l'enseignement.

L'école de Liége jouit de 15 bourses, et comme de fait tous les élèves sont boursiers il en résulte qu'en réalité c'est là le maximum du nombre d'élèves qui peut être admis ; mais il ne s'en suit pas que cette limite doive être atteinte chaque année.

Au contraire l'article 3 de l'arrêté organique porte que le ministre détermine chaque année d'après les besoins de l'enseignement le nombre d'élèves à admettre.

H ne peut donc y avoir plus de quinze élèves (boursiers) ; mais il peut y eu avoir moins si les besoins de l'enseignement ne vont pas jusque-là. C'est le ministre qui détermine ce chiffre chaque année quelque temps avant que les élèves se présentent à l'examen d'admission. Ce n'est pas tout ; de même que le ministre peut rester au-dessous du maximum des quinze bourses, les examinateurs peuvent n'admettre qu'un nombre d'élèves inférieur à celui déterminé par le ministre, s'il ne se présente pas assez d'élèves distingués. L'article 4 de l'arrêté organique dit qu'on ne peut admettre que les élèves assez distingués à la fois par leur conduite, leurs connaissances et leur aptitude à l'enseignement pour faire prévoir qu'à la sortie de l'école ils pourront remplir avec succès les fonctions de professeur.

La règle n'est donc pas qu'on complétera toujours le nombre de quinze, et si ce nombre n'est pas atteint, ce n'est pas parce que les élèves qui se présentent sont trop peu nombreux, loin de là, mais parce qu'on n'admet de ceux qui se présentent que le nombre déterminé par le ministre selon les besoins de l'enseignement, et encore pour autant qu'il se trouve parmi les concurrents assez d'élèves remplissant les conditions d'aptitude voulues.

Je vois que l'honorable rapporteur a de la peine à comprendre qu'avec si peu d'élèves tous les ans on puisse subvenir aux besoins de l'enseignement et remplir les places annuellement vacantes dans le professorat. Il y a dans les 10 athénées, si je ne me trompe, 160 à 175 professeurs, non compris les professeurs de langues modernes. Si l'on en retranche 40 à 50 professeurs de sciences qui n'ont rien de commun avec l'école des humanités, il reste 110 à 120 professeurs. Pour remplir les places vacantes, le gouvernement, d'après la loi, puise à trois sources : les professeurs agrégés qui sont les élèves de l'école normale, les docteurs des universités et les professeurs des collèges communaux qui se trouvaient en fonctions lors de l'organisation en 1850.

Eh bien, l'expérience prouve qu'en puisant à ces trois sources ce qu'il y a de meilleur, le gouvernement n'a pas besoin de plus de professeurs, chaque année, qu'il n'en demande à l'école normale. La preuve en est encore dans ce qu'a dit l'honorable M. Muller ; c'est-à-dire qu'il y a à Liège des fonctions de maître d'études exercées par des hommes diplômés pour devenir professeurs. Cela prouve que le gouvernement n'admet pas trop d'élèves à l'école normale.

Dès les premières années de l'existence de l'école normale, le gouvernement a été obligé de restreindre le nombre des élèves. Il en sortait d'abord jusqu'à cinq par an ; le nombre de ces élèves diplômés a bientôt excédé les besoins et il en est résulté qu'un certain nombre d'entre eux ont dû pendant plusieurs années exercer les fonctions de maître d'études, ce qui ne doit être qu'une position transitoire et exceptionnelle pour eux.

Aujourd'hui ce nombre est beaucoup diminué et presque tous les élèves sont placés.

Voilà, messieurs, ce qui se passe et comment il est très exact en fait qu'avec ce chiffre, annuellement très peu considérable, on satisfait aux besoins d'un enseignement assez étendu.

(page 369) Deux mois encore avant de finir sur la question des minervals.

Lorsqu'on a établi les minervals, dans beaucoup d'athénées on payait un droit pour frais de chauffage et d'éclairage. Ce droit, les conseils communaux l'ont généralement compris dans ce qu'on a appelé le minerval.

Et dès lors il a été naturel de prélever les frais de chauffage sur le minerval qui les comprenait.

Si on décide qu'on ne prélèvera plus les frais de chauffage sur le minerval, on finira par rétablir l'ancien droit de chauffage, et, ou bien on réduira le minerval d'autant, ce qui arrivera exactement au même résultat que le prélèvement d'aujourd'hui, ou on laissera subsister l'ancien minerval, et alors ce seront en définitive les parents des élèves qui payeront cette différence, exactement comme si le minerval était augmenté.

On portera aussi sur le minerval le traitement du professeur qui nécessite le redoublement d'une classe.

Voici la raison de ce qui se pratique : la dotation du gouvernement est fixe et employée tout entière chaque année ; le subside des villes est fixe aussi, en ce sens qu'il a été convenu entre les villes et le gouvernement lors de la création des athénées ; ce subside a également sa destination déterminée à l'avance une fois pour toutes. Maintenant supposez que la nécessité se présente, à raison de la trop grande affluence d'élèves dans une classe, de la dédoubler. Qui payera le second professeur de cette classe ? Le gouvernement ? Il ne le peut ; sa dotation est fixe et elle est tout entière employée. Les villes ? Elles ne le doivent pas, car leur part a été déterminée, par une convention, et la limite eu est atteinte. Il a paru nécessaire et juste, en présence de cette double difficulté de mettre la dépense à charge de ceux qui profitent du fait qui la nécessite. Ce fait, en effet, c'est la grande affluence d'élèves dans une classe, qui ne peut avoir lieu sans augmenter considérablement le revenu de la caisse du minerval.

L'honorable M. Muller, si j'ai bien compris, a fait tout à l'heure l'observation que voici : on fait supporter à la caisse des minervals la charge d'un professeur, et cependant il peut arriver que le traitement du professeur soit supérieur au produit du minervale du nombre d'élèves qui a déterminé sa nomination.

Ainsi si on suppose qu'une classe de 50 élèves en acquière 30 nouveaux et qu'à raison de ces 30 élèves on dédouble la classe, vous n'aurez qu'un minerval de 30 élèves qui pourra être inférieur à ce que coûtera le traitement du professeur. Dans ce cas il serait donc injuste de faire payer le traitement par la classe des minervals.

Il faut remarquer que le cas du dédoublement ne se présente jamais que pour des classes inférieures. Or l'honorable M. Muller a perdu de vue que si 50 élèves en plus entrent cette année dans l'établissement ils n'en sortent pas l'année suivante.

Ils entrent tout au moins en grande partie dans la classe immédiatement supérieure et ainsi lorsqu'on est force de dédoubler une classe pendant plusieurs années, le nombre d'élèves est augmenté dans toutes les classes et l'accroissement du minerval est bien supérieur aux frais du traitement d'un professeur.

M. Hymans demande qu'on crée des bourses auprès des établissements d'enseignement moyen. Aujourd'hui l'Etat n'a que des externats, ; on exempte un certain nombre d'élèves du payement du minerval ; que peut-on en réalité faire de plus dans un externat ?

M. Hymans voudrait qu'au lieu d'obtenir une exemption du minerval l'élève reçût une bourse au moyen de laquelle il payerait le minerval à la caisse des professeurs ; ce qu'il réclame donc, ce n'est pas un changement dans l'intérêt des élèves ou de l'extension de l'enseignement, mais dans celui des professeurs.

Pourquoi prendre ce détour ? Puisqu'il s'agit de l'amélioration de la position des professeurs, faisons-le directement en déterminant le taux de leur traitement.

Quant aux avantages directs que le gouvernement, d'accord avec la section centrale, se propose d'accorder aux professeurs, l'observation que j'ai à faire concerne la répartition de la somme proposée.

Je désire, non pas dans l'intérêt du professeur, mais dans celui de l'instruction, que la différence entre les traitements d'un athénée à l'autre ne soit pas exagérée ; quand on a établi les traitements des athénées différents, on les a divisés en quatre classes avec une différence d'environ 200 fr. d'une classe à l'autre ; d'un athénée de première classe à un athénée de quatrième classe, la différence était de 700 ou 800 fr.

Mais lorsqu'on a décidé ensuite que le minerval de tous les athénées ne serait pas versé dans une même caisse, mais que chaque établissement profiterait exclusivement du sien, il en est résulté que la différence du minerval ajoutée à celle du traitement a étendu beaucoup la distance qu'il y avait entre les traitements des divers athénées. Le gouvernement a été forcé d'y remédier, car voici ce qui arrive quand l'inégalité est trop grande.

Les professeurs nouveaux ne sont pas plutôt arrivés dans un athénée en classe inférieure qu'ils aspirent à en sortir et sont mécontents de leur position, et cette disposition d’esprit exerce la plus mauvaise influence sur leur enseignement.

Cette inégalité trop grande nuit même aux établissements qu'elle semble favoriser. Si à Bruxelles, par exemple, les traitements sont hors de proportion avec ceux des autres athénées, il n'y a plus moyen de donner de l'avancement aux professeurs de Bruxelles qu'à Bruxelles même. Ils sont immobilisés et s'engourdissent dans une position toujours la même, dont ils n'ont l'espoir de sortir que par la retraite ou la mort de leur collègue du même établissement.

Quand une classe inférieure y devient vacante, une classe de sixième par exemple, des professeurs de troisième ou de deuxième, sinon de rhétorique d'autres athénées la sollicitent ; mais quand ces professeurs, attirés par le traitement, sont entrés dans leurs fonctions nouvelles, ils doivent nécessairement trouver, après avoir enseigné dans une classe supérieure, que l'enseignement d'une sixième est très fastidieux, et leur fonction nouvelle ne peut tarder à leur être à charge.

Cette grande inégalité est donc désavantageuse aux établissements de première classe tout aussi bien qu'aux autres. Les propositions de la section centrale avaient l'inconvénient d'exagérer cette différence.

Ainsi, par exemple, entre la position du préfet des études à Hasselt et celle du préfet des études de Bruxelles, il y aurait eu une différence de 3,800 francs, puisque l'un, d'après le tableau qui nous a été distribué par le gouvernement, aurait eu 7,800 fr. et l'autre 4,000 fr. Cela est inadmissible, l'écart est trois fois trop grand.

Remarquez même qu'ici la principale raison de cette différence, le taux différent des loyers des maisons n'existe pas ; car les préfets des études sont logés par le gouvernement.

On conçoit une certaine différence entre diverses villes. Ainsi par exemple entre les tribunaux de première, de deuxième et de troisième classe il y a des différences, mais elles ne sont jamais de 3,800 fr., ni même de 2,800 fr. Elles sont de 500, de 1,000, de 1,200 fr., mais guère davantage. C'est ce qu'il ne faudrait pas dépasser.

J'engage beaucoup M. le ministre de l’intérieur à avoir égard à ces considérations, et à ne pas perdre de vue l'inconvénient qui résulte pour l'enseignement d'un trop grand écart entre les traitements affectés aux mêmes chaires.

Le gouvernement en a déjà fait l'expérience, bien qu'on n'eût pas été aussi loin que ce qui a été proposé dans le rapport de la section centrale.

Le gouvernement, reconnaissant les inconvénients qui résultaient d'une trop grande inégalité, a dû venir au secours des athénées des deux classes inférieures et assurer le minerval à leurs professeurs.

Si l'on retombait dans la même faute, il faudrait encore, dans peu de temps, faire une dépense nouvelle pour la réparer comme la première fois.

M. Rodenbach. - Messieurs, je serai très laconique. Il n'y a d'ailleurs pas un membre de la droite qui ait parlé sur cette question, et j'entends des murmures.

M. Allard. - Pariez, parlez.

M. Rodenbach. - Le libéralisme consiste à écouter plusieurs opinions.

Je suis convaincu que nous sommes tous dans cette enceinte grands partisans de l'instruction à tous les degrés ; mais, messieurs, l'esprit du Congrès et l'esprit qui doit régner dans un pays comme la Belgique, qui est le plus libre de l'Europe, est que l'on doit protéger non pas seulement l'instruction officielle, mais aussi l’instruction libre parce qu'elle ne coûte rien à l'Etat.

La preuve, c'est que l'université libre de Bruxelles et l’université de Louvain prospèrent.

Nous voulons la concurrence, mais la concurrence comme elle existe. J'ai écouté l'honorable député de Bruxelles, M. Hymans, avec infiniment d'intérêt. J'ai été frappé de la justesse de ses observations et de sa logique. (Interruption.)

Il faut rendre justice à chacun. L'honorable M. Hymans a dit que l'instruction moyenne dans notre pays se donne gratuitement à 10 p. c. du nombre des élèves dans certains athénées, à 20 p. c. dans d'autres, et même dans quelques-uns à 30 et 40 p. c. ; et il vient encore demander des bourses pour ces athénées.

Mais si vous accordiez encore des bourses à ces établissements, vous diriez que l'instruction moyenne serait tout à fait gratuite.

Est- cela de la liberté ?

(Page 370) Est-ce que les écoles libres dans un pays libre peuvent soutenir la concurrente avec l’instruction moyenne officielle ?

Je dis que ce n'est pas là du libéralisme et que ce sont là des idées qui n'étaient pas dans l'esprit du Congrès et qui ne sont pas dans les idées de l'époque.

Le gouvernement affecte chaque année 1 million à l'enseignement supérieur, 1 million à l'enseignement moyen et plus de 2 millions à l'instruction primaire.

Depuis dix ans les villes ont consacré 10 millions à l'enseignement moyen, ce qui fait, avec les 10 millions du gouvernement, une somme de 20 millions ; et maintenant on voudrait encore avoir des bourses quand il y a des établissements qui ont jusqu'à 10 p. c. d'élèves gratuits.

Je dis que ce n'est pas là de la liberté.

M. Debaets. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour faire une simple observation à la Chambre ou plutôt pour faire une réserve.

Dans le courant de la session passée, j'ai eu l'occasion de signaler à la Chambre des lacunes très importantes qui existent relativement à la langue flamande dans l'enseignement à ses divers degrés.

Je n'ai pas l'intention de rentrer de nouveau dans cette discussion, mais je n'ai pas voulu que mon silence fût considéré comme un certificat de satisfecit pour le gouvernement.

Les griefs que j'ai indiqués, et la Chambre a été unanime à reconnaître que j'étais très modéré dans l'exposé de mes plaintes, ces griefs subsistent presque tous pour ne pas dire tous.

J'ai une confiance très grande dans les dispositions de M. le ministre de l'intérieur. Je sais que chez lui la bonne volonté ne manque pas et voilà pourquoi je veux bien attendre. Mais enfin je voudrais que les bonnes intentions ne prissent pas un temps aussi long à se traduire en faits.

Ainsi, par exemple, messieurs, je cite à la hâte quelques faits.

Dans l'enseignement des athénées du gouvernement, en rhétorique, l'enseignement du flamand est nul.

En poésie, on y consacre une heure par semaine ; en cinquième on y consacre une heure par semaine.

Je prends un autre fait et je finirai par là. Je lirai un passage des Annales parlementaires et vous conviendrez que j'ai quelques raisons de désirer que les bonnes intentions mettent un peu plus d'empressement- à se traduire en fait.

Dans la séance du 12 février 1858, un honorable député de la ville que j'ai l'honneur de représenter aujourd'hui, l'honorable M. Manilius, disait ceci :

« M. Manilius. - Messieurs, la loi déclare que la langue et la littérature flamande font partie de l'enseignement universitaire. Je prierai M. le ministre de l'intérieur de vouloir bien me dire si le gouvernement est enfin disposé à faire droit aux réclamations des nombreux pétitionnaires qui, depuis bien longtemps, provoquent la nomination d'un professeur spécial pour la langue flamande. Je n'en dirai pas davantage. La loi a parlé. Il faut l'exécuter. »

A cette interpellation de l'honorable député de Gand, M. le ministre de l'intérieur, l'honorable M. Rogier, répondait :

« Messieurs, il a été donné suite, du moins provisoirement, aux promesses qui avaient été faites par un de mes honorables prédécesseurs. Il a été décidé sous l'honorable M. Piercot, qu'on introduirait un enseignement supérieur flamand à l'université de Gand. On n'a pas nommé encore de professeur spécial pour cette branche. Le cours a été confié partie à un professeur qui est chargé d'autres cours universitaires, et partie à un professeur d'enseignement moyen.

« Il reste à faire la nomination d'un professeur en titre. Je me suis occupé aujourd'hui même de la question. Si je n'avais craint d'introduire, par une espèce de surprise, un amendement qui n'aurait point passé par la section centrale, j'aurais demandé, de ce chef, une augmentation de 2,000 francs pour une chaire de flamand à l'université de Gand. Les professeurs qui donnent aujourd'hui ce cours sont indemnisés au moyen de deux mille francs disponibles sur l'allocation du personnel. En ajoutant au crédit porté au budget une somme de deux mille francs, on aurait le moyen de nommer un professeur en titre. Si la Chambre le permettait, je lui proposerais d'augmenter de deux mille francs le chiffre de l'article 70. »

Sur cette déclaration de M. le ministre de l'intérieur qui, le jour même (le 15 février 1858) venait de s'occuper de la question et qui ne demandait pas mieux que de voir allouer une majoration de crédit, M. Manilius ajoute :

« D’après ce que vient de dire M. le ministre, l'inexécution de la loi dépendrait d'une insuffisance de crédit de deux mille francs. Je propose de l'augmenter d'autant : j'espère que je serai soutenu par mes honorables collègues et que M. le ministre se ralliera à mon amendement. (Oui ! oui !)

« M le ministre de l'intérieur. - Certainement.

« M. le président. - Par suite du consentement de la Chambre, je mets aux voix l'amendement de M. Manilius, qui consiste à augmenter de 2,000 francs l'article 79 relatif au personnel des universités. »

Nous sommes en 1833, le 12 février. Il y a donc juste cinq ans que M. le ministre de l'intérieur s'est occupé de la question et que la Chambre a mis à sa disposition les fonds nécessaires, et le 12 février 1863, il n'y a pas de professeur nommé. .

Je demanderai si enfin l'on veut sortir de ce provisoire et ce que, en attendant, on a fait des fonds votés depuis 1858.

M. le président. - La parole est à M. B. Dumortier.

M. B. Dumortier. - M. le président, mon intention n'est pas de m'occuper de la question que vient de soulever l'honorable préopinant. Je veux parler de la question du minerval des professeurs. Si donc M. le ministre veut répondre à l'honorable M. Debaets, je lui laisserai la parole.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Parlez.

M. B. Dumortier. - Si M. le ministre préfère répondre sur le tout, je parlerai.

J'avais demandé la parole, lorsquc d'honorables membres de la gauche exprimaient, à mon avis, une pensée éminemment fausse au sujet du minerval. Ils soutenaient que le minerval n'était pas acquis aux professeurs, et l'honorable M. Muller allait jusqu'à dire que l'esprit de la loi a été qu'on prélèverait une partie du minerval pour d'autres destinations. Je ne puis partager en aucune façon cette manière de voir.

M. Muller. - J'ai parlé des écoles moyennes.

M. B. Dumortier. - Nous nous occupons des athénées et non des écoles moyennes, et c'est sur le tableau qui nous a été remis, c'est sur la question qui a été soulevée que je parle.

Si l'honorable membre n'entend appliquer ses observations qu'aux écoles moyennes, j'en conclurai qu'il blâme fortement ce qui s'est fait à l'athénée de Bruxelles et à l'athénée de Liège, où l'on a prélevé une somme considérable sur le minerval des professeurs. Mais je crois qu'il conteste et qu'il ne veut pas échapper à cette responsabilité. Donc ce qu'il a dit s'appliquait non seulement aux écoles moyennes, mais aussi aux athénées.

Eh bien, si j'envisage le tableau présenté par le gouvernement, je vois que des sommes considérables sont prélevées par diverses villes sur le fonds du minerval. Ainsi la ville de Bruxelles prélève une somme qui s'élève à 9,000 fr. sur le minerval des professeurs, et la ville de Liège, si ma mémoire est fidèle, prélève une somme qui s'élève à environ 6,000 francs.

Qu'est-ce donc que le minerval ? C'est la rétribution que l’élève paye au professeur pour son enseignement. D'après notre organisation académique et d'enseignement moyen, l'Etat paye le traitement des professeurs et l'élève paye les leçons des professeurs. Voilà ce que c'est que le minerval.

Le minerval est donc la propriété des professeurs, et il n'appartient pas au gouvernement d'en distraire un centime. Il n'appartient à personne, ni aux villes, ni au gouvernement, de distraire une partie de ce qui constitue la propriété du professeur.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - On peut diminuer les traitements

M. B. Dumortier. - On peut diminuer les traitements, soit ; mais on n'a pas le droit de toucher au minerval.

Il y a à cela un motif excessivement simple. Pour que l’enseignement reste à la hauteur des besoins de la société, il faut maintenir chez le professeur le zèle et l'amour de se perfectionner dans les études. Or, pour que le professeur continue à se perfectionner dans les études, il faut qu'il ait un intérêt à attirer à son cours un grand nombre d'élèves, et cet intérêt ne peut se trouver que dans le minerval. Si, au contraire, vous en venez à supprimer le minerval, vous désintéressez le professeur. Il n'a plus d'intérêt à perfectionner ses connaissances, et au lieu de servir les études, vous les avez singulièrement desservies.

Je pense donc que le principe qui a toujours existé anciennement, comme l'a très bien dit l'honorable M. Hymans, à savoir que le minerval est la propriété des professeurs, doit rester sacré et qu'il ne peut appartenir ni à une ville ni à qui que ce soit de prélever, soit pour des distributions de prix, soit pour créer d'autres cours, quelque chose sur ce qui est la propriété des professeurs.

Messieurs si vous avez le droit de prélever quelque chose sur le minerval des professeurs des athénées, pour d'autres besoins, vous pouvez faire la même chose pour le minerval des universités et alors que devient donc de minerval ? Cela n'est pas possible. Il faut laisser à chacun son (page 371) droit. L'intérêt de l’enseignement exige avant tout que le professeur conserve son droit dans son entier.

Encore une fois c'est là ce qui le maintient dans son émulation pour le bien de l'enseignement, dans le désir de perfectionner sans cesse ses études afin d'attirer vers lui le plus grand nombre possible d’élèves.

Je n'insisterai pas sur cette question. J'en ai dit assez pour faire comprendre ma pensée. Mais je ne saurais assez protester contre cette doctrine qui tendrait à enlever aux professeurs une partie du minerval qui est leur propriété.

M. Muller. - Messieurs, lorsque j'ai présenté une observation tendante à restreindre la portée que l'honorable M. Hymans a voulu attacher au caractère du minerval, je l'ai fait dans l'intérêt de l'enseignement moyen de l'Etat. J'ai dit qu'il résultait de l'esprit de la loi de 1850 et du chiffre déterminé des allocations qu'elle consacrait, que le minerval des écoles moyennes ne pouvait pas, à coup sûr, être considéré comme appartenant exclusivement au corps professoral, et que, s'il en était autrement, on n'aurait pas, à beaucoup près, pourvu suffisamment à la part de l'Etat dans la création de cinquante écoles moyennes.

Aujourd'hui, tous les professeurs de cette catégorie, si je ne me trompe, touchent, à titre de minerval permanent, une somme fixe de 200 francs, tandis que dans certaines petites villes, le minerval dépasse de beaucoup cette somme, et ce n'est qu'à l'aide de l'excédant et des fonds alloués par le gouvernement que ces localités, dépourvues de toutes ressources, parviennent à maintenir leurs établissements.

Si l'honorable M. Dumortier veut que le minerval soit intégralement abandonné aux professeurs, il faudra, pour maintenir les 50 établissements créés par la loi de 1850, augmenter les subventions allouées en faveur de ces établissements, c'est incontestable ; attribuer purement et simplement le minerval aux professeurs, sans procurer d'autres ressources aux communes, personne n'oserait sérieusement le proposer, parce qu'un tel système n'est pas compatible avec l'esprit et l'exécution loyale de la loi de 1850 ; ce serait, en un mot, porter un coup fatal aux écoles moyennes dont elle a voulu la création.

J'ai cru, messieurs, devoir insister sur ces observations ; mais je voterai avec empressement toute proposition tendante à améliorer encore la position du corps professoral des écoles moyennes et des athénées, et je désire être suivi dans cette voie par l'honorable M. Dumortier.

M. B. Dumortier. - L'honorable membre croit trouver un argument en faveur de son opinion dans les nombreuses écoles moyennes qui existent en Belgique ; suivant lui, ces écoles ne pourraient pas se maintenir, si on ne privait les professeurs d'une partie de leur minerval. Messieurs, je n'appartiens pas à l'ordre des partageux et je ne reconnais à personne le droit de prendre la propriété d'autrui pour maintenir une école. Si vos écoles sont telles qu'il faille, pour les maintenir, confisquer une partie du traitement des professeurs, il faut en conclure qu'on a eu tort de créer un si grand nombre d'écoles moyennes.

M. Muller. - Les professeurs qui acceptent une place sous ce régime n'ont pas à se plaindre, puisqu'ils le connaissent parfaitement d'avance.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Messieurs, l'honorable rapporteur de la section centrale s'est plaint du nombre considérable d'admissions gratuites dans les athénées et dans les écoles moyennes. Cependant un arrêté royal met des limites à ces admissions ; elles ne peuvent excéder le nombre de dix p. c. et j'ai tout lieu de croire que cet arrêté est observé ; s'il ne l'est pas, c'est que les bureaux administratifs ne tiennent pas la main à l'exécution des prescriptions légales. Il est évident que c'est dans l'intérêt des professeurs qu'on a posé cette limite.

M. Muller. - Ces admissions doivent être approuvées par le gouverneur.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Je ne comprendrais pas que cette limite ne fût pas respectée, mais voici ce qui a pu induire en erreur : dans certaines écoles moyennes, on accorde des admissions gratuites au-delà du chiffre que je viens d'indiquer ; mais, dans ce cas, c'est la commune qui paye une espèce de bourse sur le budget communal. Je pourrais citer des exemples à cet égard, au moins pour les écoles moyennes.

L'honorable M. Hymans, pour prouver que le casuel est la propriété des professeurs, a cité des documents officiels, mais il ne les a pas cités très exactement : « Dans le dernier rapport triennal, a-t-il dit, le gouvernement reconnaît lui-même que ce casuel est la propriété réelle du corps professoral. » Or le gouvernement n'a jamais employé ce mot ; il a dit, au contraire, que c'était, en définitive, la propriété des professeurs ; or « en définitive » suppose que le prélèvement légal a été fait. C'est dans ce sens qu'on l'a entendu.

D'un autre côté, l'honorable M. Hymans, désirant mettre le gouvernement en contradiction avec lui-même, a cité plusieurs circulaires de mes honorables prédécesseurs. Ces circulaires, messieurs, sont parfaitement observées et confirment ce que j'ai dit : elles prescrivent aux villes de payer sur la caisse communale, et non sur celle du minerval, les frais d'administration du bureau et du préfet des études.

Cette circulaire reçoit, j'aime à le croire, son exécution dans tous les athénées, dans toutes les écoles moyennes.

Partout on prélève les frais du matériel d'administration sur les fonds communaux et non pas sur les minervals. Les prescriptions de la troisième circulaire citée et relative au chauffage, est également observée ; voici, messieurs, à quelle occasion cette troisième circulaire a été faite.

Une disposition réglementaire prescrivait que le chauffage devait nécessairement être payé sur la caisse communale ; comme cette obligation semblait trop rigoureuse, on a fait connaître que si la commune y consentait, elle était parfaitement libre de payer les frais de chauffage, et on a ajouté que si le taux du minerval n'était pas calculé de manière à comprendre une certaine somme pour frais de chauffage et d'éclairage, il faudrait l'augmenter. C'est ce qui a eu lieu à Bruxelles, ou le casuel a été porté de 40 florins à 100 francs. (Interruption.)

L'honorable M. Hymans dit que le chauffage ne coûte pas 16 fr. par élève, mais la ville de Bruxelles ne prélève pas ces 16 fr. par élève, à son profit, elle prélève un cinquième de la totalité du minerval, de sorte que l'augmentation profite pour 4/5 au corps professoral.

J'indique ces détails, messieurs, afin de rectifier l'impression que les citations de l'honorable rapporteur auraient pu faire sur l'esprit de la Chambre ; il est donc incontestable que le gouvernement exécute la loi.

Le rapporteur en convient, mais dit-il : « Si la loi est mauvaise, changez-la. »

Je le déclare, messieurs, je n'accepterais pas la responsabilité d'une proposition tendante à modifier la loi de 1850 ; et je suis convaincu que tous ceux qui ont attaqué la loi, et l'honorable M, Hymans lui-même, reculeraient aussi devant cette responsabilité.

Messieurs, si le minerval était d'une manière absolue la propriété des professeurs, ils devraient, comme on l'a déjà dit, pouvoir l'administrer comme ils l'entendent ; il en résulterait qu'ils pourraient même fixer le taux de la rétribution à payer par les élèves et que par là ils exerceraient une influence prépondérante et illégale sur les destinées et l'avenir de l'enseignement moyen de l'Etat.

Par ces motifs, dont la Chambre comprendra la gravité, je ne suis pas disposé à modifier le système qui a été suivi par mes honorables prédécesseurs ; mais j'engagerai les villes de Liège et de Bruxelles à examiner s'il ne leur serait pas possible d'augmenter le subside qu'elles allouent aujourd'hui à leurs athénées respectifs, de manière à laisser au bénéfice des professeurs la totalité du minerval.

Toutefois, cette question une fois résolue en ce sens, on en soulèverait une autre, et l'honorable M. Devaux l'a fort bien indiquée : il deviendrait peut-être indispensable de réviser l'ensemble du système des traitements des professeurs de l'enseignement moyen ; je m. demande, messieurs, s'il ne serait pas utile de former une caisse générale du minerval, au moins pour une certaine part, de fixer les traitements de tous les professeurs, d'allouer à ceux des grandes villes de Bruxelles et de Liège un traitement plus élevé, mais en même temps d'assurer aux professeurs de localités moins importantes un traitement qui soit plus ou moins en rapport avec celui dont jouissent leurs collègues dans des localités plus considérables.

Cette idée n'est pas arrêtée dans mon esprit ; je dois dire qu'elle surgit de la discussion actuelle.

Un autre moyen a été indiqué pour augmenter les ressources à mettre à la disposition des établissements d'enseignement moyen de l'Etat. On a demandé : « Pourquoi n'imposez-vous pas les provinces ? »

Déjà l'honorable M. Muller a répondu à cette objection ; il est évident que l'Etat n'a pas le droit d'imposer les provinces ; la loi de 1836 peut l'avoir prévu, mais depuis lors une loi spéciale, la loi du 1er juin 1850 est intervenue, et elle a déterminé nettement les obligations de chacun.

Ainsi l'article 18 indique toutes les ressources dont peuvent disposer les athénées ; or, dans cette énumération je ne vois figurer que le trésor public, la caisse communale et la rétribution scolaire. A quel titre donc pourrait-on obliger les provinces à intervenir dans la dépense de l'enseignement moyen de l'Etat ?

Aux termes de la loi du 1er juin 1850, les provinces peuvent fonder des collèges provinciaux ou des écoles moyennes provinciales ; si elles (page 732) créent de semblables établissements, elles en supportent la dépense ; c'est ainsi que la province de Hainaut a créé une école provinciale de commerce, d'industrie et des mines à Mons, et c'est sur les fonds provinciaux que les frais de cet établissement sont imputés.

Messieurs, je ne parlerai plus de l'école normale des humanités ; l'honorable M. Devaux, qui est, comme on l'a dit, un lutteur hors ligne, a répondu à toutes les objections qui ont pu être soulevées. Si l'internat de l'école normale de Liége est peu populaire, comme on l'a prétendu, je crois qu'il ne perd de sa popularité que chez ceux qui ont un intérêt à la voir succomber.

Cet intérêt est un intérêt mesquin qui doit disparaître devant l'intérêt de l'enseignement public ; 1'école normale, telle qu'elle est organisée, mérite, messieurs, les sympathies de tous les membres du corps enseignant, de tous les hommes compétents, et je suis bien décidé à la maintenir, je le déclare hautement.

Mais l'internat ! c'est un cloître, a-t-on dit. Non, messieurs, toute liberté est laissée aux élèves, en dehors des heures de classe et d'étude. Personne dans cette enceinte, sauf M. Hymans peut-être, ne demandera la suppression de l'internat de l'école normale. Cet internat, du reste existe en vertu d'un article formel de la loi.

Messieurs, il me reste quelques mots à répondre à l'honorable M. Debaets.

L'honorable membre m'a fait, dans des termes extrêmement bienveillants pour moi, un reproche que je ne puis pas accepter. « Le gouvernement a-t-il dit, a beaucoup promis, mais jusqu'ici il n'a rien fait pour l'enseignement du flamand. »

Je fêtai observer à l'honorable député de Gand, que par un arrêté royal d'une date récente, le gouvernement a nommé membres du conseil de perfectionnement de l'instruction moyenne deux personnes qui, par leur présence dans ce corps, pourront rendre de grands services à l'enseignement du flamand dans nos athénées... Pareilles nominations étaient réclamées vivement...

M. Debaets. - Je vous en remercie.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - J'en prends acte.

Une autre mesure a été décrétée récemment dans l'intérêt de l'enseignement de la langue flamande ; j'ai institué un diplôme de capacité à délivrer par un jury, à la suite d'un examen, aux personnes qui voudront enseigner le flamand dans les athénées. Aujourd'hui, tout le monde a la prétention d'être professeur de flamand. Il a paru utile de déterminer les conditions moyennant lesquelles on pourrait jouir désormais des avantages attachés aux chaires de langues vivantes ; en même temps, ces avantages ont été augmentés.

Ainsi, le professeur de langue flamande, muni du diplôme de capacité, sera assimilé ,pour le traitement, au professeur de troisième latine ; si ce professeur a un diplôme, soit de docteur en philosophie et lettres, soit de professeur agrégé de l'enseignement moyen du degré supérieur pour les humanités, il sera assimilé au professeur de rhétorique française. Sous ce rapport donc, nous avons encore accompli un véritable progrès.

Il est une troisième mesure dont tout le monde reconnaîtra la haute importance et qui est à la veille d'être prise ; je veux parler d'une seconde école normale de l'enseignement moyen du degré inférieur qui sera établie dans une localité flamande et qui servir en partie au recrutement du corps enseignant des écoles moyennes situées dans les provinces flamandes. Le conseil de perfectionnement de l'instruction moyenne, qui doit se réunir dans peu de jours, sera saisi de l'examen de la question ; il est probable que la nouvelle institution sera organisée dans un très bref délai.

Ainsi, deux mesures importantes ont été prises déjà, et une troisième mesure aussi importante est à la veille de l'être.

On s'est plaint aussi de ce que l'enseignement du flamand est insuffisant dans les athénées et dans les écoles moyennes. Le programme actuel a été arrêté il y a longtemps ; on pourrait peut-être le modifier ; je dois dire cependant que les progrès de la langue flamande sont très sensibles, et j'en suis, pour ma part, extrêmement heureux.

Mais si ces cours ne sont pas suivis avec plus d'ardeur, avec plus de zèle, il faut s'en prendre un peu aux parents et aux élèves eux-mêmes. Les élèves, en Flandre, fréquentent plus volontiers les cours français que les cours flamands ; on est très souvent obligé de les contraindre, en quelque sorte à apprendre le flamand.

Quand on leur parle d'apprendre cette langue, ils vous répondent qu'ils la connaissent, et ils le prouvent, d'après eux, en vous répondant eu flamand. Je n’hésiterais pas du reste à augmenter le nombre d'heures des cours de flamand, si on le jugeait nécessaire,

J'arrive à l'université de Gand. L'honorable membre me demande pourquoi le gouvernement n'a pas nommé de professeur à la chaire de littérature flamande, bien que les fonds soient votés depuis cinq ans pour rétribuer ce professeur.

Je demanderai, à mon tour, à l'honorable membre si la chaire de littérature flamande n'existe pas à Gand, si cet enseignement y est négligé ? Un savant professeur est chargé de donner le cours de littérature flamande à cette université ; de plus, un autre professeur très distingué de l'enseignement moyen donne aussi un cours et ce cours est extrêmement suivi.

En résumé, messieurs, les intérêts de la langue flamande sont ici bien moins en cause que d'autres intérêts. Les élèves ont des cours complets de flamand ; rien n'y manque, seulement, un des professeurs n'est pas un professeur universitaire.

Si on lui donnait ce titre, il n'y aurait ni plus ni moins d'heures de leçon et cet enseignement resterait le même.

Il faut, messieurs, parfois se défier un peu ! Des intérêts privés se produisent souvent sous le manteau de l'intérêt général.

Quant au motif principal pour lequel un professeur de flamand n'a pas été nommé, il est parfaitement connu de tout le monde. Quand l'honorable M. Rogier a voulu appeler à ces fonctions une de nos illustrations flamandes, il s'est manifesté une vive opposition à cette nomination.

Pourquoi ? je l'ignore, et je n'ose croire que l'intérêt particulier fût alors aussi en jeu. Je n'ai jamais pu m'expliquer cette opposition, car le candidat proposé est un de nos littérateurs flamands les plus célèbres, une de nos gloires nationales. On a fait pourtant les objections les plus absurdes. On a été jusqu'à prétendre qu'il ne connaissait pas à fond la langue flamande. (Interruption.) L'honorable M. de Haerne confirme par un geste d'assentiment ce que je rappelle en ce moment. C'est une imagination brillante, un talent distingué, a-t-on dit, et l'on a osé ajouter : Il ne connaît pas à fond le flamand.'

Il est donc, messieurs, satisfait quant à présent à toutes les exigences de l'enseignement du flamand ; il serait, j'en conviens, plus régulier peut-être qu'il y eût un professeur en titre, et quand le moment sera venu, le gouvernement, sans céder à une pression, consentira spontanément à faire cette nomination.

M. Hymans, rapporteur. - M. le ministre de l'intérieur m'a accusé tout à l'heure d'avoir cité des faits inexacts. Je demande la permission de lui répondre. Les circulaires que j'ai citées sont parfaitement authentiques et si M. le ministre veut s'en convaincre, voici la copie sur laquelle je les ai lues. Elles sont textuellement extraites du rapport triennal.

Seulement, j'ai dû aller hier au Moniteur pour y corriger mon discours, et, comme il arrive parfois à MM. les sténographes de ne pas intercaler les citations dans leur copie, j'ai dû résumer de mémoire les circulaires que j'ai citées, attendu qu'il ne m'avait pas été possible de transporter au Moniteur les volumineux in-folio où j'avais puisé mes citations.

Voilà quant à l'accusation d'avoir reproduit inexactement les textes dont je me suis servi.

Je maintiens que, dans la troisième circulaire, il est déclaré formellement que lorsque les communes prélèvent les frais d'éclairage et de chauffage sur le minerval, elles doivent augmenter ce minerval dans une proportion convenable, de manière à désintéresser les professeurs dans cette imputation extraordinaire sur la caisse des rétributions scolaires.

Voilà ce qui est dit textuellement dans la circulaire du 21 juin 1852, et ce qui n'a pas été fait, du moins à Bruxelles.

Je ferai remarquer, à ce propos, que les chiffres contenus dans le tableau qui nous a été distribué il y a quelques jours ne sont pas du tout conformes aux chiffres dur tableau imprimé dans le rapport triennal. D'après celui-ci le minerval des professeurs se serait élevé à un chiffre beaucoup moindre, si l'on n'avait pas fait les prélèvements renseignés au tableau qui nous a été distribué après révision.

Pour ma part, je persiste à croire, quoi qu'en aient dit plusieurs orateurs, que le minerval est la propriété des professeurs de l'enseignement moyen, comme elle l'est dans l'enseignement supérieur et dans l'enseignement primaire.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - En réalité.

M. Hymans. - C'est cela : que c'est une propriété réelle ; tandis que, d'après nous, c'est une propriété en définitive. Vous me permettrez, M. le ministre, de vous dire qu'à propos de casuel vous faites un peu le casuiste ici.

Hier, M. le ministre soutenait que le minerval n'appartenait pas aux professeurs, d'une manière absolue, parce que la loi dit un casuel ; et (page 373) aujourd'hui j'ai eu tort de dire que le minerval est en réalité la propriété des professeurs, tandis qu'il ne l'est qu'en définitive. J'avoue que j'attache assez peu d'importance à de pareilles distinctions, et que des arguments de cette force ne me touchent guère. Je persiste à croire que le minerval est la propriété des professeurs.

Mais, dit M. le ministre, s'il en était ainsi, les professeurs auraient le droit d'en fixer eux-mêmes le taux. Mais, messieurs, est ce que les avoués et les huissiers fixent eux-mêmes le taux de leurs émoluments ? Evidemment non ; cela ne les empêche pas cependant d'avoir la libre disposition de ces émoluments et qu'il n'est permis à personne de les réduire.

1M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Il y a des professeurs qui ont deux parts de minerval.

M. Hymans. - Cela est illégal et cela ne devrait pas être maintenu.

Je. termine ici, messieurs, ces courtes observations, j'ai voulu simplement prouver que je n'ai pas commis les erreurs qui m'ont été attribuées par M. le ministre de l'intérieur, attendu que j'ai puisé tous mes renseignements dans les rapports triennaux publiés par son propre département.

M. Debaets. - J'ai commencé par dire que j'avais pleine confiance dans les bonnes dispositions de M. le ministre de l'intérieur, c'était assez dire que je n'avais à articuler contre lui personnellement aucun grief spécial.

Mais M. le ministre me dit : De quoi vous plaignez-vous ? Il y a 15 jours, 3 semaines, j'ai pris des mesures qui sont favorables à la langue flamande. Cela prouve tout au plus, messieurs, qu'il y avait des mesures à prendre et qu'elles ont été prises bien tardivement.

Mais, de ce que vous instituez aujourd'hui un cours pour former des professeurs de flamand, il ne résulte certes pas que l'enseignement de la langue flamande dans les athénées soit maintenant donné d'une manière satisfaisante ; de ce qu'il y a à l'université de Gand un enseignement provisoire, il ne résulte pas que vous avez satisfait à la loi, ni que vous avez rempli des engagements que le vote du budget vous imposait et vous imposait à votre demande même.

Je dis que le vœu de la loi n'est pas écouté et que, jusqu'à présent, pour l'une des langues du pays vous n'avez pas organisé dans l'université, créée au sein des Flandres, l'enseignement auquel cette langue a droit.

Vous n'avez que du provisoire et cela est contraire à la loi, cela porte atteinte à la dignité d'une partie de la nation.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Il y a un professeur de flamand à l'université de Gand.

M. Debaets. - Il y a des professeurs chargés provisoirement de donner un cours de flamand.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il est satisfait à la loi.

M. Debaets. - Je suis étonné qu'un esprit aussi judicieux que M. le ministre des finances me fasse une semblable réponse. Si l'on disait que dans les universités de l'Etat un professeur est chargé provisoirement de l'enseignement de la littérature française, de sérieuses réclamations s'élèveraient de tous les bancs de la Chambre.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Il y a un professeur.

M. Debaets. - On a beaucoup parlé aujourd'hui de définitif, de réel, de provisoire, de casuel. Ici encore c'est du casuel ; il nous faut du définitif et non du provisoire ; il nous faut un professeur réel.

Nous le voulons dans sa chaire tel que vous l'avez inscrit dans vos budgets.

M. le ministre a dit : Nous voulions faire entrer dans l'université de Gand une illustration de la littérature flamande ; mais cela n'eût pas été bien accueilli par tout le monde. D'abord, de ce qu'un écrivain de génie n'est pas linguiste, il n'y a rien d'étonnant en cela ; on peut être un grand écrivain, un grand orateur et n'être pas un bon professeur ; ce sont presque des choses incompatibles.

En général, les grands écrivains ne sont pas grands philologues, moins encore professeurs de littérature.

J'ai entendu dire et bien d'entre vous l'auront appris comme moi que des orateurs français de premier mérite n'étaient pas des linguistes distingués, à telle enseigne que des correcteurs étaient souvent chargés de redresser les infractions contre les lois de la syntaxe, voire même de la grammaire.

La loi impose l'obligation de nommer définitivement un professeur de flamand. Je prie M. le ministre de croire que je ne viens pas ici plaider la cause de telle ou telle personne, je défends un principe.

M. le ministre vient de faire une déclaration dont je prends acte ; il a reconnu que l'enseignement du flamand laisse à désirer dans les athénées, parce qu'on n'y consacre pas un nombre d'heures suffisant : il a ajouté qu'il augmentera ce nombre. Je prends acte de cette déclaration et, comptant sur les bonnes dispositions de M. le ministre, j'espère qu'il sera bientôt fait droit à mes observations.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). -D'après ce que vient de dire l'honorable orateur, on pourrait croire qu'il n'y a pas, à l'université de Gand, de professeur de littérature flamande ; c'est une erreur, il y a un professeur en titre et un professeur eu perspective. Ce dernier a été chargé d'un cours parce qu'on a demandé, il y a plusieurs années déjà, qu'on fît un peu plus pour l'enseignement du flamand à Gand. Alors on a chargé un professeur de l'enseignement moyen de donner un cours ; dans les universités divers cours sont aussi donnés par des savants qui n'ont pas le titre de professeurs.

Que demande-t-on ? Que le professeur provisoire continue à donner son cours, mais, avec le titre de professeur extraordinaire de l'université et qu'il touche le traitement de 5 mille fr. Quant à l'enseignement, rien ne serait changé. Je ne dis pas que cela ne peut pas être, que cela ne sera pas, je constate les faits.

Quant à l'obligation de nommer le second professeur de flamand, elle n'existe pas ; il n'est pas dit dans la loi qu'il y aura deux professeurs de flamand à l'université de Gand ; la Chambre a mis à la disposition du gouvernement la somme nécessaire pour rétribuer un second professeur, mais c'est là une faculté dont il peut user quand il croira utile de le faire.

- La discussion est close.

Articles 84 à 97

Art. 84. Dépenses du conseil de perfectionnement de l'enseignement moyen : fr. 5,000. »

- Adopté.


« Art. 85. Inspection des établissements d'instruction moyenne. (personnel) : fr. 21,300. »

- Adopté.


« Art. 86. Frais de tournées et autres dépenses de l'inspection des établissements d'instruction moyenne : fr. 9,000. »

- Adopté.


« Art. 87. Frais et bourses de l'enseignement normal pédagogique, destiné à former des professeurs pour les établissements d'instruction moyenne du degré supérieur et du degré inférieur ; subsides pour aider les élèves les plus distingués de l'enseignement normal du degré supérieur qui ont terminé leurs études, à fréquenter des établissements pédagogiques étrangers : fr. 67,324 »

- Adopté.


« Art. 88. Crédits ordinaires et supplémentaires des athénées royaux : fr. 385,432 »

Ici vient l'amendement adopté par la section centrale, d'accord avec le gouvernement, qui augmente le chiffre de 37,500 fr. et le porte à 395,494 francs.

- Cet article, ainsi modifié, est adopté.


« Art. 89. Part afférente au personnel des athénées royaux dans le crédit voté par la loi du 8 avril 1857, en faveur des employés de l'Etat dont le traitement est inférieur à 1,600 francs : fr. 2,800. »

- Adopté.


« Art. 90. Crédits ordinaires et supplémentaires des écoles moyennes : fr. 292,625. »

Ici vient un deuxième amendement adopté par la section centrale, d'accord avec le gouvernement, qui augmente le chiffre de 31,000 fr. et le porte à 299,200 francs.

- Cet article, ainsi modifié, est adopté.


« Art. 91. Part afférente au personnel des écoles moyennes dans le crédit voté par la loi du 8 avril 1857, en faveur des employés de l'Etat dont le traitement est inférieur à 1,600 francs : fr. 50,000. »

- Adopté.


« Art. 92. Bourses à des élèves des écoles moyennes : fr. 15,000. »

- Adopté.


« Art. 93. Subsides à des établissements communaux ou provinciaux d'instruction moyenne : fr. 123,960. »

Ici vient le troisième amendement adopté par la section centrale, d'accord avec le gouvernement, qui augmente le chiffre de 13,169 fr. et le porte à 130,044 francs.

- Ce chiffre, ainsi modifié, est adopté.


(page 374) « Art. 94. Frais du concours général entre les établissements d'instruction moyenne : fr. 22,000. »

- Adopté.


« Art. 95. Indemnités aux professeurs de l'enseignement moyen du premier et du deuxième degré qui sont sans emploi. Charge extraordinaire : fr. 12,298. »

- Adopté.


« Art. 96. Traitements de disponibilité : fr. 10,000. »

- Adopté.


« Art. 97. Encouragements pour la publication d'ouvrages classiques, subsides, souscriptions, achats, etc. : fr. 8,000. »

- Adopté.


- Plusieurs voix : A demain ! à demain !

M. Muller. - La section centrale ne pourrait-elle pas faire demain son rapport sur l'amendement de l'honorable Guillery ?

- Cette proposition est adoptée.

M. le président. - A quelle heure la Chambre veut-elle se réunir demain ?

- Plusieurs membres. - A 2 heures.

- D'autres. - A une heure.

M. Orts. - le crois qu'il est indispensable de fixer la séance de demain à 2 heures, puisque vous chargez la section centrale de présenter un rapport sur une question qui n'est pas examinée.

Je ferai observer qu'il y a une autre section centrale qui doit se réunir demain, c'est celle qui s'occupe du projet de loi sur l'organisation judiciaire.

M. le président. - Il y en a encore une troisième qui doit s'occuper des marques de fabriques.

-La Chambre décide qu'elle se réunira à deux heures.

La séance est levée à 5 heures.