(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1862-1863)
(page 353) Présidence de (M. E. Vandenpeereboom, premier vice-président.
M. Thienpont, secrétaire., procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. de Boe, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance précédente.
- La rédaction en est approuvée.
M. Thienpont, secrétaire., présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre.
« Des habitants de la paroisse de la colonie de Lommel réclament l'intervention de la Chambre pour que le gouvernement pourvoie aux besoins du culte dans cette paroisse. »
- Sur la proposition de M. de Boe, renvoi à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport.
« Le sieur Dufour, percepteur des postes pensionné, ancien volontaire de 1830, demande le bénéfice de la loi accordant dix années de services aux officiers qui, en qualité de volontaire, ont pris part aux combats de la révolution dans les quatre derniers mois de 1830. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Alboort, brigadier des douanes à Ploegsteert, demande une récompense pour la part qu'il a prise aux combats de la révolution. »
- Même renvoi.
« Le sieur Godirin, ancien volontaire de 1830, demande la pension dont jouissent les blessés de septembre. »
- Même renvoi.
« Le sieur Bracke, sous-officier détaché à l'école militaire, prie la Chambre de l'exempter du payement du droit d'enregistrement auquel se trouve assujettie la naturalisation qui lui a été conféré, ou du moins de prolonger le délai fixé pour le payement. »
- Renvoi à la commission des naturalisations.
M. le président. - La lecture de la proposition de loi déposée hier a été autorisée par les sections. Cette proposition est ainsi conçue :
« Les soussignés ont l'honneur de proposer à la Chambre de modifier l'article 152 de la loi provinciale dans les termes suivants :
« Il y a, pour chaque arrondissement administratif, un commissaire du gouvernement, portant le titre de commissaire d'arrondissement.
« Ses attributions s'étendent sur les communes dont la population est inférieure à 5,000 âmes, pour autant que ces communes ne soient par chefs-lieux d'arrondissement.
« (Signé) J.-G. de Naeyer, T. Vander Donckt, Ch. de Montpellier, baron Ch. Snoy, E. Coppens-Bove, Kervyn de Lettenhove, J.-J. Landeloos, G. Van Bockel, J. Beeckman, A. Royer de Behr. »
M. le président. - Quel jour l'auteur de la proposition veut-il en présenter les développements ?
M. de Naeyer. - Immédiatement, M. le président ; ce ne sera pas long.
M. le président. - Vous avez la parole.
M. de Naeyer. - Cette proposition n'exige pas de longs développements ; il suffira, je pense, d'en faire ressortir la véritable portée et d'indiquer sommairement les conséquences qu'elle doit produire.
Aux termes de l'article 132 de la loi provinciale, les attributions du commissaire d'arrondissement s'étendent sur toutes les communes dites communes rurales, quelle que soit leur importance et quel que soit le chiffre de leur population. Il n'en est pas de même pour les communes ayant le rang de villes. Ici l'intervention du commissaire cesse lorsque la population atteint le chiffre de 5,000 habitants ; elle cesse encore lorsque ces communes sont chefs-lieux d'arrondissement.
Les communes rurales sont ainsi placées dans un véritable état d'infériorité vis-à-vis des villes ; pour ces dernières, une population de 5,000 âmes est une présomption de la capacité nécessaire pour correspondre directement avec le gouverneur et la députation permanente, et cette même présomption n'est plus admise quand il s'agit d'une commune rurale, alors même que la population serait beaucoup plus considérable. Nous pensons que cette législation différentielle est blessante pour nos communes rurales et forme une véritable disparate dans notre système législatif, qui doit être fondé tout entier sur le grand principe de l'égalité devant la loi.
Nous sommes d'ailleurs convaincus qu'on peut faire cesser cette anomalie sans le moindre inconvénient administratif.
Ainsi que notre honorable vice-président, M. Moreau, me le faisait remarquer hier, cette distinction entre les villes et les communes rurales, que la loi provinciale admet encore, a été repoussée par une loi postérieure, celle du 15 mai 1838, sur la formation du jury.
L'article 2 de cette loi porte ce qui suit :
« Les jurés seront pris.... : 1° (parmi ceux payant une certaine quotité de contributions) ; 2° indépendamment de toute contribution parmi les classes de citoyens ci-dessous désignées :
« a. Les membres de la Chambre des représentants.
« b. Les membres des conseils provinciaux.
« c. Les bourgmestres, échevins, conseillers communaux, secrétaires et receveurs des communes de 4,000 âmes et au-dessus. »
Ainsi le législateur n'a pas distingué entre les administrateurs des villes et des communes rurales, quand il s'agit de conférer le droit de prononcer sur la propriété, sur l'honneur et sur la vie même des citoyens. Dès lors nous tomberions dans la plus étrange contradiction en attachant à cette même distinction une importance prépondérante pour déterminer la capacité nécessaire pour administrer convenablement une commune.
L'honorable ministre de l'intérieur nous disait, il y a peu de jours, que la mesure que nous réclamons est loin d'avoir les caractères d'une grande réforme.
Cette observation est parfaitement exacte. En effet, suivant le recensement qui a eu lieu en 1856, la mesure ne s'appliquerait qu'à 64 communes rurales.
Je suppose qu'aujourd'hui, en six années de temps, ce nombre aura été augmenté de deux ou trois communes ; dans tous les cas, cela ne ferait guère que 2 1/2 p. c. sur le nombre total de nos communes rurales, qui dépasse 2,400. Aussi, je le déclare franchement, s’il s'agissait ici d'une grande réforme, je me serais abstenu d'user de mon droit d'initiative ; une pareille tâche eût été au-dessus de mes forces. Ce que nous proposons n'est autre chose qu'un changement très modeste à notre loi provinciale, que nous désirons mettre en parfaite harmonie avec la loi sur la formation du jury et avec l'esprit de nos institutions en général ; toutefois ce changement indiqué à la fois par le bon sens et par les progrès de notre civilisation, n'est pas dépourvu d'une certaine valeur morale ; il aura pour conséquence de détruire en quelque sorte dans son dernier réduit une idée qui se rattache par une filiation trop apparente à l'ancienne distinction de l'ordre des villes et de l'ordre des campagnes, si formellement proscrite par l'article 6 de notre Constitution ; et en passant je ferai remarquer que cette même distinction a été stigmatisée dans les termes les plus énergiques par l'honorable M. Rogier, lors de la discussion de la loi abolitive des octrois.
Toutefois, j'éprouve le besoin d'exprimer ici nettement ma manière de voir.
Je n'entends en aucune façon enlever à certaines communes qui sont je crois, au nombre de 86, leur qualité de villes. C'est un titre de noblesse auquel il leur est certainement permis d'attacher un grand prix. Mais pour rester fidèles à la pensée qui a dicté la disposition de l'article 75 de notre Constitution, nous devons, comme législateurs, nous abstenir d'y attacher des privilèges.
Messieurs, je suis bien convaincu que les idées que je viens d'énoncer sommairement obtiendront l'adhésion de l'honorable ministre de l'intérieur, lorsqu'il aura eu le temps d'envisager la question sous toutes ses faces Aussi, sans la proposition de l'honorable M. Guillery, j'aurais attendu avec une entière confiance la résolution du gouvernement ; mais il m'a semblé que ma proposition était le complément logique de celle de l'honorable M. Guillery. La question tout entière devait être portée devant la Chambre, et il m'a paru impossible de la morceler sans s'exposer au danger d'introduire de nouvelles anomalies dans notre législation. Après les explications données dans la séance d'hier, je crois inutile d'insister sur ce point.
(page 354) La mesure que nous avons l'honneur de proposer a soulevé quelques objections, peu sérieuses à la vérité, mais dont il ne sera peut-être pas inutile de dire deux mots.
Ainsi on a parlé de certaines difficultés sans rien préciser, et ou a manifesté des craintes tout aussi vagues, quant à la bonne administration des communes rurales qui ne seraient plus soumises à la tutelle immédiate et permanente des commissaires d'arrondissement.
Suivant le recensement de 1856 le nombre des communes rurales de 5,000 âmes et au-dessus était de 64, et parmi ces 64 communes, il y en a 27 qui sont situées dans les provinces de Brabant et de Hainaut. Or, il résulte du rapport de la section centrale que M. le gouverneur du Brabant adhère sans aucune réserve à la mesure proposée. Il y a plus, le conseil provincial du Brabant a été unanime, dans une de ses dernières sessions, pour demander que toutes les communes de 5,000 âmes au moins soient affranchies de la tutelle des commissaires d'arrondissement. Quant au Hainaut, M le gouverneur de cette province, qui a laissé dans cette Chambre les meilleurs souvenirs d'une haute intelligence, et qui, si je ne me trompe, a rempli pendant plusieurs années, de la manière la plus brillante les fonctions de commissaire d'arrondissement, a émis l'avis que la mesure que nous réclamons pourrait être étendue sans inconvénients même aux communes de trois mille âmes. Or, si ce changement était introduit, il serait applicable à près de 50 communes dans la province de Hainaut, c'est à-dire à 12 p. c. du nombre total.
Pour ces deux provinces, il n'y a donc pas la moindre difficulté, et je me demande comment il n'en serait pas de même dans les autres provinces..
Je voudrais bien qu'on s'attachât à nous le prouver par des raisons tant soit peu saisissables, au lieu de se borner à des considérations vagues et indéterminées. Le meilleur moyen pour nous éclairer parfaitement à cet égard consiste évidemment à nous placer en présence des faits. J'ai donc dressé un état nominatif des communes comprises dans notre proposition, en prenant pour base le recensement fait en 1856.
Voici, messieurs, cet état nominatif par provinces, suivant le recensement du 31 décembre 1856 :
Anvers (5 communes) : Boom 8,663 ; Borgerhout 7,308 ; Heyst-op-den-Berg 5,624 ; Gheel 10,713 ; Moll 5,510.
Brabant (12 communes) : Anderlecht 7,465 ; Assche 5,917 ; Ixelles 18,379 ; Laeken 5,048 ; Molenbeek-Saint-Jean 15,994 ; Overyssche 5,172 ; Saint-Gilles 5,569 ; Saint-Josse-ten-Noode 17,149 ; Schaerbeek 10,638 ; Uccle 6,932 ; Vilvorde 6,844 ; Braine-Lalleud 5,272.
Flandre occidentale (11 communes) : Mouscron 6,822 ; Waeregem 6,859 ; Ardoye 6,063 ; Ingelmunster 5,239 ; Lichtervelde 5,461 ; Moorslede 5,965 ; Rumbeke 5,335 ; Meulebeke 8,041 ; Ruysselede 6,906 ; Wyngene 6,620 ; Langemarck 5,778.
Flandre orientale (15 communes) : Cruyshautem 5,908 ; Maldegem 7,370 ; Aeltre 6,261 ; Evergem 6,611 ; Nazareth 5,304 ; Oostacker 6,216 ; Somergem 6,121 ; Waerschot 5,295 ; Beveren 6,831 ; Stekene 5,741 ; Tamise 8,191 ; Hamme 9,725 ; Waestmunster 5,351 ; Wetteren 8,944 ; Zele 11,665.
Hainaut (15 communes) : Ellezelles 5,184 ; Courcelles 5,788 ; Gilly 11,680 ; Jumet 12,498 ; Montigny-sur-Sambre 8,005 ; Seneffe 5,085 ; Boussu 6,005 ; Dour 7,762 ; Frameries 7,120 ; Hornu 5,448 ; Jemmapes 9,926 ; Pâturages 8,029 ; Queragnon 7,866 ; Wasmes 8,098 ; Saint-Vaast 5,657.
Liége (6 communes) : Ans et Glain 5,374 : Grivegnée 5,143 ; Herstal 8,135 ; Ougrée 5,137 ; Seraing 16,855 ; Dison 7,328.
Messieurs, j'ai l'intime conviction que l'inspection de ce tableau suffira pour convaincre les députés de chaque province que le changement qu'on réclame ne peut compromettre en aucune manière la bonne administration des communes dont il s'agit.
Je me permettrai de faire ici une observation qui n'est pas sans importance. C'est que l'émancipation des communes de plus de 5,000 âmes aura précisément pour conséquence d'alléger le fardeau de ces commissaires d'arrondissement qui ont aujourd'hui la besogne la plus lourde. Ainsi les attributions du commissaire de l'arrondissement de Bruxelles s’étendent, aujourd'hui, à 118 communes rurales ayant une population de 270,000 âmes. Par l'adoption de notre proposition, 11 communes seraient soustraites à sa juridiction, et ces 11 communes ont une population de plus de 100,000 âmes. Sous le rapport du nombre des communes, c'est une diminution de 10 p. c, et sous le rapport du nombre et surtout de l'importance des affaires, c'est une diminution au moins de 25 p. c. Une observation analogue est applicable à l'arrondissement de Gand-Eecloo, de même qu'aux arrondissements de Liège, de Mons et de Charleroi. D’où je conclus qu'en faisant cesser l'intervention des commissaires d'arrondissement dans les communes où elle n'est plus nécessaire, on augmentera considérablement l'utilité de cette intervention dans les localités où elle peut produire les résultats les plus féconds.
Un honorable gouverneur a témoigné la crainte que l'émancipation de certaines communes rurales ne soit un acheminement vers la suppression des commissaires d'arrondissement. cette crainte est évidemment dénuée de fondement. Le meilleur moyen d'user une institution, c'est de la laisser fonctionner sans utilité. Quand elle se présente comme un rouage superflu dans plusieurs circonstances et dans des circonstances importantes, elle ne tarde pas à être frappée d'un discrédit général, et on est ainsi forcément amené à méconnaître même les avantages qui peuvent en résulter.
Sous ce rapport, les adversaires des commissaires d'arrondissement auraient un intérêt évident à maintenir l'intervention de ces fonctionnaires surtout dans les communes où elle ne sert qu'à entraver l'expédition prompte et régulière des affaires ; mais ces considérations de tactique doivent nécessairement fléchir devant des considérations plus importantes que j'ai eu l'honneur d'énoncer.
Je pense que ces observations suffiront pour déterminer la Chambre à prendre ma proposition en considération et à ordonner le renvoi en sections pour être examinée simultanément avec la proposition de l'honorable M Guillery.
M. le président. - La discussion est ouverte sur la prise en considération de la proposition.
M. Pirmez. - La proposition de loi que vient de développer l'honorable M. de Naeyer n'est qu'un amendement à la proposition de l'honorable M. Guillery.
Les deux propositions tendant à modifier un même article de la loi provinciale, il me parait qu'il est impossible d'instruire séparément ces deux propositions, parce que l'on ne peut donner deux rédactions d'un article de la loi provinciale.
Je crois donc que, tout en prenant cette proposition en considération, il y a lieu de décider que les deux propositions seront examinées simultanément par les sections et comme un seul et même projet de loi.
M. le président. - Si personne ne demande plus la parole et s'il n'y a pas d'opposition, la proposition est prise en considération et renvoyée aux sections qui l'examineront en même temps que la proposition de M. Guillery.
(page 355) M. Guillery. - Evidemment la proposition de l’honorable M. de Naeyer sera renvoyée aux mêmes sections que la mienne aux sections du mois de février. Mais ce sont deux propositions différentes. Si c'était un amendement, on aurait dû la produite comme un amendement. C'est une proposition de loi dont les sections ont autorisé la lecture, qui vient d'être développée et prise en considération.
Qu'on le fasse examiner le même jour, je le veux bien, mais ce sont deux propositions différentes.
M. de Naeyer. - Ne pourrait-on pas ordonner la jonction des deux propositions ? (Adhésion.)
- La Chambre décide que les deux propositions seront jointes.
M. le président. - Nous sommes arrivés à l'article 84. La parole est à M. le rapporteur de la section centrale pour faire rapport sur 1 amendement de M. Jamar.
M. Hymans. - Messieurs, dans la séance d'hier, l'honorable M. Jamar a présenté à la Chambre deux amendements aux articles 88 et 90 du budget de l'intérieur, en vue de porter de 10 à 20 p. c. l'augmentation de traitement fixe proposée pour les professeurs de l'enseignement moyen.
Cette proposition a été renvoyée à la section centrale, qui l'a examinée d'accord avec son auteur et avec M. le ministre de 1 intérieur.
En abordant l'examen des amendements proposés, il faut ne pas perdre de vue que dans le budget, tel qu'il fut soumis à la Chambre, le gouvernement proposait d'accorder aux professeurs dos athénées royaux et des écoles moyennes une augmentation de 10 p. c.
La section centrale trouva cette mesure insuffisante ; elle fut d'avis en outre qu'il y avait lieu de faire entrer le minerval en ligne de compte dans la fixation de la base de l'augmentation des traitements.
M. le ministre fit droit à ces observation ;, et les crédits libellés aux articles 88 et 90 furent ainsi portés respectivement de 385,432 et 292,625 fr. à 393,752 et 296,035 fr., ce qui portait les augmentations afférentes à ces articles, de 27,438 et 24,425 fr. à 35,738 et 27,855 fr.
Il était bien entendu que les augmentations allouées de la sorte seraient réparties en raison du traitement fixe des professeurs, le minerval n'étant qu'un casuel qui diffère, selon les établissements, et qui varie même d'une année à l'autre dans le même établissement.
L'honorable M. Jamar trouvait plus juste de faire porter l'augmentation tout entière sur le traitement fixe, en laissant le minerval hors de cause, et d'élever cette augmentation à 20 p. c.
Les crédits des articles 88 et 90 auraient été ainsi portés respectivement à 412,870 et 517,050 fr.
La Chambre a entendu les développements de l'amendement de M. Jamar, qui a trouvé plusieurs adhérents dans le sein de la section centrale. On a regretté que la dotation de l'enseignement moyen fût inférieure à celle des deux autres degrés de l'instruction publique. On a trouvé étrange que le professeur de rhétorique latine, dans le premier athénée de l'Etat, ne pût atteindre, après une longue carrière, le traitement des professeurs extraordinaires des universités, et que sa position fût inférieure à celle d'un chef de bureau de deuxième classe dans un ministère.
Un membre, tout en partageant cette opinion, a déclaré que, malgré les sympathies que lui inspirait le corps professoral, il ne pouvait aller au-delà des propositions du gouvernement. Un autre membre s'est opposé à toute augmentation nouvelle, dans l'intérêt du trésor et des contribuables.
M. le ministre de l'intérieur a rappelé ses concessions précédentes qui avaient satisfait la majeure partie du corps professoral.
Il se rallie à l'intention de l'honorable M. Jamar, de faire porter l'augmentation totale sur le traitement fixe, et de cette manière, et portant à 37,500 fr. l'augmentation de l'exercice actuel pour les athénées royaux, et à 31,000 fr. celle du corps professoral des écoles moyennes, il compte arriver à améliorer les traitements, dans les uns, de 7 à 15 et dans les autres de 6 à 15 p. c, en faisant portant l'augmentation la plus forte sur les traitements les moins élevés.
Après la déclaration de M. le ministre, qu'il ne lui était point possible d'aller au-delà, M. Jamar s'est rallié à cette proposition, que la section centrale a adoptée.
Voici donc sur quelle propositions la Chambre aura à se prononcer.
D'après les notes publiées aux pages 98 et 99 du budget, les traitements fixes des professeur des dix athénées royaux, s'élevant à une somme de 548,761 devaient être augmenté de 54,876 fr. Ils le seront de 75,000 fr. en deux exercées.
Les traitements fixes dans les 50 écoles moyennes de l'Erat, forment aujourd'hui un total de 488,500 fr. Ils devraient être augmentés de 48,850 fr. Ils le seront de 62,000 fr. en deux exercices.
M. le ministre a proposé en outre de porter de 7,085 à 13,169 fr. le chiffre porté à l'article 93 pour les subsides aux collèges communaux, dont les professeurs recevront ainsi de l'Etat une augmentation de 10 p. c. au lieu de 5.
L'augmentation totale, consentie par le gouvernement sur la proposition primitive du budget est donc, pour l'exercice actuel, de 22,772 fr.
La section centrale m'a chargé de vous en proposer l'adoption.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Messieurs, au chapitre de l'enseignement moyen, le rapport de la section centrale soulève plusieurs questions ; les unes sont des questions d'administration, d'autres de principe ; il en est qui touchent à l'organisation même de l'enseignement secondaire dans le pays. Je suis loin de me plaindre, messieurs, de l'examen sérieux que la section centrale a fait de ces divers points ; s'il est une branche de service public qui mérite, avant tout, de fixer l'attention de la législature, c'est bien évidemment l'enseignement moyen.
En effet, messieurs, cet enseignement, qu'il se donne dans les écoles moyennes ou dans les athénées, est destiné aux classes de citoyens qui actuellement contribuent surtout à l'administration et au gouvernement du pays, c'est-à-dire aux classes bourgeoises ; il importe dès lors que l'instruction donnée dans les établissements d'enseignement moyen soit bonne et sérieuse sous tous les rapports, et je ne puis, par conséquent, que remercier la section centrale des observations qu'elle a bien voulu faire et des débats qu'elle provoque aujourd'hui.
Je me propose, messieurs, de rencontrer successivement les diverses objections faites par la section centrale, et j'examinerai ensuite les amendements présentés par l'honorable M. Jamar et par la section centrale.
Une première question a été soulevée ; elle n'est pas sans importance au point de vue des intérêts matériels des membres du corps enseignant. Le minerval, dit la section centrale, est la propriété des professeurs ; le gouvernement n'en peut rien distraire, et aucune dépense ne peut être imputée sur le produit du casuel. Messieurs, je ne suis pas d'accord et je pense que la loi n'est pas d'accord, sur ce point, avec l'honorable rapporteur de la section centrale.
Le gouvernement, il est vrai, dans un document récent, s'est servi lui-même de ce mot, en déclarant que le minerval est la propriété des professeurs. Mais il importe d'abord de se rendre compte du sens dans lequel cette expression a été employée par le gouvernement.
Autrefois, le minerval était la propriété des communes, parce que les établissements étaient communaux ; le minerval tout entier faisait retour à la caisse communale ; ce revenu s'ajoutait aux autres ressources de la commune, sur lesquelles s'imputaient les dépenses résultant de l'organisation des établissements communaux.
Aujourd'hui ce régime est entièrement changé par la loi de 1850 ; et si l'on a employé le mot « propriété » dans le rapport triennal et dans d'autres écrits encore, c’est afin de faire comprendre aux communes qu'elles n'ont pas le droit,de prélever sur la caisse du minerval une quotité plus forte que celle qui est spécialement déterminée par la loi et les règlements organiques.
Voilà donc la première explication que je crois pouvoir donner en ce qui concerne le mot « propriété. »
Maintenant, cette propriété, accordée aux professeurs, est, comme toutes les propriétés du monde, soumise à certaines charges ; et, si je me suis m'exprimer ainsi, cette propriété est grevée de certaines servitudes légales, c'est-à-dire que sur le montant du casuel il est permis, aux termes de la loi, d'imputer certaines dépenses que la loi détermine. Or, il ne me sera pas difficile de prouver, en citant quelques articles de la loi, qu'en droit l'opinion de la section cent aie n'est pas fondée.
L'article 17 de la loi du 1er juin 1850 est ainsi conçu :
« Les traitements du personnel des athénées, ainsi que des écoles moyennes, sont fixés par le gouvernement, d'après l'importance des localités.
« Ils se composent, quant aux membres du corps enseignant, d'une partie fixe et d'un casuel. Ils sont susceptibles d'un minimum et d'un maximum. »
Je vous prie, messieurs, de faire attention à ceci : la loi ne parle pas « du casuel », mais « d'un casuel ». Ceci prouve que ce n'est pas d’une manière absolue que ce casuel est attribué aux membres du corps enseignant. Mais cette explication qui ne porte que sur le texte serait probablement insuffisante, si l'ensemble de la loi ne permettait pas de maintenir cette opinion.
(page 356) Les articles 18 et 19 de la même loi règlent tout le système financier de notre enseignement moyen. Or, le premier de ces articles détermine toutes les ressources dont l'athénée peut disposer pour assurer son existence. Ces ressources sont l'allocation payée par le trésor public ; le subside alloué par la caisse communale ; le produit de la rétribution payée par les élèves, et le produit des donations. En dehors de ces sources de revenus, il n'y a rien. C'est avec le produit de ces recettes que l'athénée doit pourvoir à toutes ses dépenses.
L'article 20 de la loi limite les obligations respectives. Il indique le montant de la dotation à payer sur le trésor public ; cette dotation était primitivement de 300,000 francs ; par suite d'accroissements successifs, le crédit, si je ne me trompe, s'est augmenté de plus de 50 p. c.
Le même article porte aussi que la part des villes ne peut être inférieure au tiers de la dépense. Il en résulte clairement, d'après moi, que si cette part peut être supérieure quand les villes y consentent, il serait très difficile au gouvernement de forcer les communes à intervenir pour une somme plus élevée ; du reste, pour les écoles moyennes il n'y a pas le moindre doute que la loi porte en termes formels que les villes ne peuvent, sans leur consentement, être astreintes à payer plus d'un tiers de la dépense de ces établissements.
De la combinaison de ces trois articles ne résulte-il pas qu'il est impossible que le législateur ait voulu accorder, d'une manière absolue, tout le casuel aux membres du corps enseignant ? Et, en effet, messieurs, deux bases de recette étant fixes et limitées, comment pourrait-on faire face à toutes les dépenses de l'athénée, si on n'en prélevait une partie sur le casuel, essentiellement variable ? Mais le gouvernement, en fixant les traitements, sur la proposition du conseil de perfectionnement aurait peut-être pu payer, sur la caisse de l'athénée, tout ou partie des frais aujourd'hui prélevés sur le casuel.
Mais quelle aurait été la conséquence en fait ? C'est que les traitements auraient été d'autant moins élevés qu'on aurait dû distraire une somme plus forte afin de créer des ressources pour payer, par exemple, les frais des distributions de prix, le chauffage, l'éclairage, etc. Or, le gouvernement, en fixant le chiffre des traitements, a employé toute la dotation dont il pouvait disposer en laissant la faculté de prélever certaines dépenses sur le casuel.
Mais, dans la crainte que les bureaux administratifs n'allassent trop loin, dans cette voie, le gouvernement a eu soin, dans l'intérêt des professeurs, de limiter par un arrêté royal les dépenses qui peuvent être imputées sur le minerval. ,
Du reste, si l'on admettait, en règle absolue, que le casuel est la propriété des membres du corps enseignant, je vous demande comment on pourrait appliquer certaines dispositions de la loi de 1850 ; les bureaux administratifs auraient-ils le droit de fixer le taux du minerval ? Je vous le demande aussi, la loi aurait-elle pu autoriser l'admission gratuite dans les athénées des élèves, espèce de boursiers, dont le nombre est limité, du reste, par des dispositions administratives ?
L’article 18, veuillez-le remarquer, porte en effet :
« Le taux de la rétribution des élèves, dite minerval, est proposé par le bureau administratif et arrêté par le gouvernement. Le règlement intérieur déterminera, pour chaque établissement, les conditions d'admission gratuite ou à prix réduit. »
Or, si les membres du corps enseignant étaient propriétaires, d'une manière absolue du montant total du casuel, la loi aurait-elle pu autoriser le gouvernement à réduire cette propriété en diminuant le taux du minerval, en autorisant des admissions gratuites ?
En fin de compte, il y aurait peu d'importance pour les professeurs eux-mêmes à voir résoudre la question dans un autre sens. Ne pouvant disposer que d'une somme déterminée, composée des recettes que j'ai indiquées, il est évident que leurs traitements auraient été fixés à un taux plus bas, si le minerval avait été attribué en entier aux membres du corps enseignant.
Et, messieurs, en fixant ces traitements, le gouvernement a si bien compris que le casuel devait entrer pour une part dans le traitement total, que là où les minervals produisent peu, le trésor intervient et fixe un minimum de minerval ; la loi donne, sous ce rapport, des garanties aux professeurs des athénées de troisième et de quatrième rang, garantie qui tomberait si l'on décidait en règle générale que tous les casuels appartiennent aux professeurs.
Si le gouvernement disait : Je prends sur la dotation tout ce qu'il faut pour payer les dépenses de matériel et une partie des traitements, mais d'un autre côté, je ne garantis plus de minimum de casuel, les professeurs des athénées de troisième et quatrième classe auraient un revenu de beaucoup inférieur à celui qu'ils ont aujourd'hui.
La disposition qui accorde aux villes la faculté de faire la retenue dont je parlais est, messieurs, exécutée avec une grande bienveillance. A Gand, la ville paye les frais d'éclairage et de distributions de prix, en un mot, tout ce qui peut être mis à la charge de la caisse du casuel ; la seule dépense prélevée par la ville de Gand est le traitement du secrétaire-trésorier.
La ville d'Anvers est à peu près dans le même cas ; elle prélève sur les minervals le traitement du secrétaire-trésorier, et les frais d'éclairage et de chauffage, rien de plus. Deux villes, Bruxelles et Liège, usent seules de la faculté qui leur est donnée. Bruxelles par un usage ancien prélève 20 p. c. sur les minervals bruts ; cet usage existait quand l'athénée était une institution communale, il s'est perpétué depuis lors.
Le gouvernement ne peut pas, je pense, forcer ces villes à ne rien prélever sur la caisse du casuel ; mais si elles voulaient renoncer à cette faculté, elles feraient une chose équitable et bonne pour les professeurs. Je m'engage bien volontiers à faire des observations en ce sens et à chercher à faire comprendre que des villes de cette importance peuvent fort bien s'imposer un léger sacrifice de 7 et 5 mille fr. pour l'enseignement moyen.
Si je réussis, le rapport de la section centrale et cette discussion, auront eu un résultat heureux pour le corps enseignant de deux grands athénées.
Une autre question a encore été agitée par la section centrale ; cette question est d'une grande importance ; elle touche à l'organisation même de l'enseignement moyen, aux écoles normales de Gand et de Liège.
Le rapport se plaint d'abord du petit nombre d'élèves qui fréquentent ces écoles ; il l'attribue à deux causes différentes, d'abord au peu de considération dont jouissent les professeurs de l'enseignement moyen, ensuite à l'organisation vicieuse de ces institutions.
D'après moi, il n'est pas exact de soutenir que les professeurs de l'enseignement jouissent de peu de faveur en Belgique, et je le prouverai plus loin. Ne perdons pas de vue d'abord que la facilité donnée aux jeunes gens d'entrer dans une carrière plus lucrative que celle de l'enseignement n'est pas de nature à peupler les écoles normales.
La section centrale est aussi de cet avis. Nous sommes donc d'accord sur ce point. Quant à l'organisation de l'enseignement normal, je suis loin de partager sa manière de voir.
La section centrale, messieurs, résume ses griefs dans une note que lui a adressée un honorable professeur.
« Remarquons, dit le correspondant de la section centrale, que le gouvernement n'admet à l'école que des élèves boursiers, il n'en veut pas d'autres. »
Messieurs, c'est là une erreur très grande. Le gouvernement admet à l'école normale les élèves qui réunissent les conditions voulues pour pouvoir y entrer.
On n'est pas obligé d'accepter une bourse ; le gouvernement ne l'impose pas, c'est une faveur qu'il accorde, et, si les élèves de l'école normale d'humanités de Liège voulaient y renoncer, le gouvernement n'y verrait aucune difficulté. Le gouvernement ne choisit pas de préférence ceux qui ont besoin d'une bourse ; il admet ceux qui se présentent et qui sont capables de passer l'examen d'entrée.
« Pourquoi ne pas annoncer simplement, continue l'honorable correspondant, chaque année qu'il y a autant de bourses à donner au concours, mais admettre au moins tous ceux qui se présenteraient. »
Messieurs, la réponse est extrêmement facile. Un établissement normal ne doit et ne peut raisonnablement admettre que le nombre d'élèves auquel on peut, au sortir de l'école, assurer une position.
Si l'on admettait à l'école normale des humanités un grand nombre d'élèves, qu'en résulterait-il ? C'est que nous aurions parfois des professeurs qu'on ne saurait placer.
Ce qui se fait pour l'école normale des humanités, se fait pour toutes les écoles normales, pour l'école militaire, qui est aussi une école spéciale ; on n'admet à l'école militaire que le nombre de jeunes gens que l'on peut placer dans l'armée, auxquels on peut donner les épaulettes à leur sortie.
Il en est de même dans les écoles normales de l'enseignement primaire.
« Mais, continue-t-on, il y en aurait probablement peu qui voulussent supporter les frais à cause de l'organisation défectueuse de l'école. L'école de Liège est organisée de la manière la plus irrationnelle, de l'avis de tout le corps professoral moyen et supérieur. »
Messieurs, je ne puis admettre cette assertion. L'école normale des humanités de Liège a été organisée à la suite des études les plus sérieuses, par les hommes les plus compétents, c'est-à-dire par les membres du conseil de perfectionnement de l'enseignement moyen. Au milieu de ce conseil siègent des professeurs. Ces professeurs ont été entendus ; ils ont contribué largement à l'organisation de l'école, et je crois qu'il est (page 357) très injuste de dire que l'organisation de cette école est faite de la manière la plus irrationnelle.
« Les élèves, dit-on, ne demanderaient pas mieux que d'avoir simplement une bourse et d'être libres. »
Cela se conçoit. On aime toujours la liberté, surtout quand on en peut jouir et jouir en même temps d'une bourse.
Mais là n'est pas la question. La question est de savoir si en donnant la bourse, on a le droit de subordonner cette faveur à certaines conditions, à l'internat entre autres.
Cette question de l'internat a soulevé de grandes difficultés.
M. Hymans. - L'internat n'existe pas à Gand.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Il y a pour cela un excellent motif. C'est que le nombre d'élèves est trop restreint, et que ce nombre n’est pas suffisant pour motiver l'organisation d'un internat.
Et vous constatez vous-même dans votre rapport que pendant deux ou trois ans il n'y a pas eu d'élèves.
Je déclare que si le nombre d'élèves était plus considérable, le gouvernement organiserait un internat.
L'internat, messieurs, a de grands avantages au point de vue de la dépense, du recueillement, des études. L'élève interne est constamment sous les jeux du maître. Il peut lui demander des conseils. De cette manière il arrive à faire plus promptement et mieux les études pour lesquelles il est destiné ; l'organisation de cet internat, veuillez-le remarquer, est prévue et prescrite par la loi.
Si je ne me trompe, l'article 38 de la loi de 1850 décrète cette institution. Le gouvernement, en l'organisant, n'a donc fait que répondre au vœu de la législature.
Je sais, messieurs, que cette organisation a rencontré quelque opposition. On a soutenu qu'elle nuit aux universités en général et spécialement à l'université de Liège. Or, il n'en est rien ; cela est parfaitement inexact ; veuillez remarquer, s'il vous plaît, qu'il y a à l'école normale de Liège 15 élèves, il en sort donc 4 par année. Si ces 4 élèves se divisaient entre les 4 universités, l'université de Liège perdrait un élève par an. Le préjudice qui peut être causé à ces établissements est donc bien peu de chose, puisqu'il se bornerait à, un élève par an.
Mais, d'un autre côté, l'université de Liège y gagne, car les élèves de l'école normale fréquentent les cours de philosophie de l'université ; et si l'école normale n'existait pas, il est probable que ces élèves seraient disséminés dans les diverses universités.
M. Hymans, rapporteur. - Ils ne payent pas.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Ah ! il en résulte un préjudice pour les membres du corps enseignant. C'est là une question assez mesquine en présence du grand intérêt de l'enseignement. Mais cette perte n'existe même pas, car les professeurs des universités donnent les cours à l'école normale ; ils reçoivent de ce chef une rétribution, et s'ils perdent d'une part le minerval d'un ou deux élèves, ils trouvent, d'autre part, à cette perte, une large compensation.
Autre observation :
La section centrale demande que l'avancement soit réglé par la loi, et que les professeurs puissent obtenir certains avantages sans changer de position.
Messieurs, il est impossible de régler par la loi l'avancement des professeurs de l'enseignement moyen. De nombreuses considérations doivent être posées pour savoir si tel professeur convient dans telle localité, s'il convient pour telle classe plutôt que pour telle autre. Il faut laisser cela en grande partie à l'appréciation du gouvernement.
Du reste, lorsque des promotions sont faites, le gouvernement s'entoure de tous les renseignements possibles, afin de donner aux professeurs les places qui leur conviennent le mieux.
Mais, dit la section centrale, pourquoi ne pas donner certain avancement sur place, pourquoi ne pas donner une augmentation de traitement après un certain nombre d'années de services ?
Messieurs, il n'est pas besoin, d'une disposition nouvelle pour qu'il en soit ainsi. Cette disposition est inscrite dans l'arrêté royal organique. Il y est dit : « Le traitement maximum et même un traitement excédant le maximum pourra être accordé à des professeurs qui, sans se trouver dans les termes de l'article 20, auront rendu de grands services à l'enseignement et auront fait preuve d'un mérite éminent. » Or, ce cas s'est présenté, des professeurs jouissent d'un traitement exceptionnel, et, s'il y a lieu, on pourra en accorder de nouveaux.
La section centrale, dans sa juste sollicitude pour les professeurs, prie aussi le gouvernement d'inviter les villes à augmenter leurs subsides.
J'ai déjà dit, messieurs, que la part contribuée des villes est fixée par la loi, et je puis ajouter qu'en fait cette part est largement payée. En 1858, l'Etat payait 570,000 fr., les villes intervenaient dans la dépense pour 268,000 fr., soit 46 p. c.
En 1859, elles intervenaient pour 42 p. c, et en 1860 pour 40 p. c. La moyenne des interventions pour les trois années de 1858 à 1860 a été de 800,000 francs, et le gouvernement a contribué pour 1,800,000 fr. dans les dépenses des athénées.
Les communes ont donc payé 44 p. c. des frais, et elles ne sont tenues qu'à payer 33 p. c. II ne m'appartient pas d'exiger plus. Je puis engager les villes à faire davantage ; mais je crois que cette invitation resterait sans résultat.
Veuillez remarquer que les villes ont aussi à fournir les bâtiments, à les entretenir et à payer le mobilier, ce qui augmente notablement, au moins dans les grandes villes comme Bruxelles, la part contributive des communes.
Du reste, il y aurait peut-être un danger à demander trop aux villes. Elles font déjà de grands sacrifices et exiger plus serait peut-être les décourager et les amener à supprimer un jour des établissements dont l'utilité est incontestable.
Messieurs, j'ai rencontré successivement les diverses observations présentées par la section centrale, parce que j'ai pensé que ces questions offrent un grand intérêt pour la Chambre et pour le pays. J'oubliais : la section centrale a encore demandé qu'on laissât plus de latitude aux professeurs pour le choix des livres et des manuels.
Messieurs, il faut bien se rendre compte de ce qui se passe. La loi de 1850 n'établit aucune distinction entre les dix athénées royaux si ce n'est sous le rapport financier ; il n'existe donc pour ces dix établissements, qu'un plan d'étude, un système d'enseignement. Ce plan et ce système sont résumés dans le programme général que publie tous les ans le gouvernement. Lorsque ce programme général est préparé, il est d'abord examiné par le conseil de perfectionnement. Dans ce conseil siègent, comme je l'ai dit il y a un instant, quatre professeurs qui peuvent donner leur avis et demander la modification du programme s’ils le jugent utile.
Dans ce programme, on indique un certain nombre de livres, mais le choix de ces livres, et en tous cas des parties à expliquer, est laissé complétement aux préfets des études qui ont à arrêter un programme particulier. On n'impose pas même, comme quelques personnes paraissent le croire, certains ouvrages tels que les grammaires et les manuels. En règle générale, on laisse toute liberté pour le choix de ces livres.
Mais lorsque l'on veut faire usage de livres nouveaux, ces livres doivent être approuvés par le conseil de perfectionnement..
Ainsi le veut l'article 33 de la loi, et c'est une des prérogatives du gouvernement qui réclame toute sa sollicitude. Ce choix des livres pour les écoles moyennes et pour les athénées est d'une importance extrême, non seulement au point de vue moral, mais au point de vue de l'unité de l'enseignement.
Lorsque le programme général est ainsi arrêté par le conseil de perfectionnement, puis par le gouvernement, c'est le préfet des études qui rédige son programme particulier.
Mais il peut préalablement entendre les professeurs. Vous voyez donc, messieurs, que l'ensemble de ces opérations présente beaucoup plus de garanties que ne semble le croire la section qui a fait l'observation.
Messieurs, je finis :
On a représenté, messieurs, bien à tort, mais on a représenté les professeurs de l'enseignement moyen comme étant, en quelque sorte, les parias de l'enseignement, comme n'éveillant pas la sollicitude du gouvernement au même degré que les autres membres du corps enseignant.
Ce reproche est injuste, il manque de fondement ; il est peu de fonctionnaires en Belgique qui jouissent de plus de considération que les professeurs de l'enseignement moyen ; l'influence qu'ils exercent sur la société et sur les hommes les plus intelligents du pays, se fait sentir jusque dans cette enceinte, et je ne m'en plains pas.
Le gouvernement de son côté, en toute circonstance, cherche à améliorer leur position et à leur donner le plus de considération possible ; il est donc très inexact de dire que le gouvernement manque de sollicitude à leur égard..
Voyez ce qui s'est passé pour les athénées : en 1850 on a consacré à l’ enseignement moyen une somme annuelle de 300,000 francs et on a eu beaucoup de peine à l'obtenir ; depuis lors le crédit a été porté à 395,000 francs.
Voilà donc une augmentation de deux cinquièmes, n'est-ce pas là un (page 358) témoignage efficace de bienveillance de la part de la législature et du gouvernement ?
Pour les écoles moyennes la dotation était de 200,000 fr. et douze ans plus tard elfe s'élève à 349,000 francs. Voilà une augmentation dont il faut aussi tenir compte.
Je crois, messieurs, que le gouvernement, par les sacrifices qu'il a faits, par les soins qu'il donne à l’enseignement, a accordé des témoignages non équivoques de sa bienveillance au corps professoral de l'enseignement moyen.
Je crois, messieurs, avoir rencontré sommairement les différentes observations contenues dans le rapport de la section centrale ; il me reste un mot à dire de l’amendement.
Appelé ce matin dans la section centrale, j'ai annoncé que je me ralliais à l'amendement de M. Jamar, modifié par cette section centrale.
MM. Jamar et Hymans ont présenté aussi une observation que j'avais faite moi-même quant au mode de répartition. Il n'est pas possible en effet de tenir compte du minerval dans le calcul des augmentations ; ce serait s'exposer à des anomalies choquantes, c'est en raison du traitement fixe que le nouveau crédit doit être réparti. Le gouvernement tâchera d'opérer la répartition de manière que l'harmonie établie dans l'échelle des traitements ne soit pas rompue ; d'un autre côté, les professeurs dont le traitement est le plus élevé toucheront proportionnellement moins que ceux dont le traitement est moindre.
J'espère pouvoir régler cette répartition de manière à assurer aux professeurs les moins rétribués une augmentation de 14 à 15 p. c. et à ceux qui ont la rétribution la plus forte, 7 ou 7 1/2 p. c.
M. Devaux. - Messieurs, nous en sommes à la discussion générale de l’enseignement moyen ; je réserverai, pour les articles ce qui concerne les augmentations de traitements, mais je voudrais m'occuper en ce moment d'une partie du rapport de la section centrale qui concerne particulièrement une institution à laquelle j'attache le plus haut prix parce que je crois qu'elle a un grand avenir, qu'elle doit exercer une heureuse influence non seulement sur le professorat de l'enseignement moyen, mais encore sur la littérature belge.
Je veux parler de l'école normale des humanités de Liège, qui est critiquée en termes très vifs, à laquelle on reproche d'être organisée de la manière la plus irrationnelle, que l'on dit condamnée par tout le corps professoral moyen et supérieur.
Ces reproches, il est vrai, partent moins de la section centrale ou de M. le rapporteur, que d'une lettre sans nom d'auteur insérée dans le rapport et dont je crois que personne ne prendrait volontiers la responsabilité. (Interruption.)
L'honorable rapporteur confirme en ce moment mon appréciation, mais qu'il me permette de lui faire observer qu'il y a quelque danger à donner ainsi un caractère officiel à des communications de ce genre dont personne ne répond.
Si cet usage devait s'introduire, il en résulterait que nos rapports deviendraient l'écho d'une foule d'intérêts privés, et comme ces intérêts sont souvent peu difficiles sur le choix des moyens et des arguments, on accréditerait ainsi beaucoup d'erreurs et d'opinions mal fondées qui ne seraient celles d'aucun membre de la Chambre.
On nous apprend, il est vrai, que la lettre appartient à un professeur distingué de l'enseignement de l'Etat.
Je ne nie point que ce professeur, que je ne connais ni ne veux connaître, soit très savant, très distingué si on le veut, quand il s'occupe, dans sa chaire, de littérature ou de science ; mais je le déclare très peu logique et très peu exact, quand il s'occupe de l'organisation d'un établissement normal. Sa lettre est un assemblage des plus étranges contradictions et de beaucoup d'inexactitudes. Il commence par supposer que l'école normale de Liège inspire tant de répugnance qu'elle ne trouve pas d'élèves, et il constate lui-même qu'il s'y présente beaucoup plus d'élèves qu'on n'en veut et il reproche même au gouvernement de ne pas les admettre tous.
Il commence par montrer que la vie est trop chère à l'université pour les élèves qui se destinent à l'enseignement, que ces élèves n'ont pas assez de fortune pour supporter d'aussi grands frais, et plus loin il trouve les bourses trop nombreuses et blâme le pensionnat, c'est à-dire les deux moyens par lesquels on arrive à faire faire aux élèves leurs études sans frais.
L'auteur de la lettre se plaint également que l'entrée à l'école soit trop difficile, et quelques lignes après il nous dit qu'on séduit les jeunes gens pour qu'ils y entrent.
C'est l'internat, suivant l'auteur, qui empêche les élèves d'arriver à l'école de Liège. Pour qu'il y en ait davantage, il veut qu'on se passe de l'internat comme on le fait ù Gand.
A Liége il se présente beaucoup plus d'élèves qu'on n'en veut, et à Gand l’école a dû chômer pendant plusieurs années parce qu'il n'y en avait pas.
Cette assertion de l'auteur que les élèves répugnent à se présenter à l'école de Liège est complètement erronée ; si l'on n'en admet pas davantage, si on en écarte un certain nombre, c'est parce que le gouvernement le veut ainsi, et il a raison de le vouloir par deux motifs ; le premier, c'est qu'il ne faut pas dépasser les besoins de l'enseignement et le second, qu'il ne faut à l'école normale que des élèves d'élite ; c'est une condition sine qua non du succès de l'école. Ce n'est pas avec de mauvais étudiants qu'on fait de bons professeurs.
On dit dans la lettre que tous les élèves ont des bourses et qu'on n'admet pas les non-boursiers. Ainsi que vient de le dire l’honorable ministre de l'intérieur, il serait par trop naïf de croire que le gouvernement ne veut pas que les élèves fassent eux-mêmes les frais de leur nourriture ; mais le fait est qu'il ne s'est pas présenté de récipiendaires qui pussent se passer d'une bourse ; et pourquoi : Parce que les jeunes gens qui se destinent à l'enseignement sortent d'une classe de la population qui a généralement très peu de ressources.
Ce qu'on exige, c'est qu'on satisfasse au concours d'entrée : car c'est par un concours qu'on entre à l'école ; les plus forts sont seuls admis.
On lit aussi dans la lettre que l'internat est cher.
L'internat ne coûte que le loyer de la maison et l'entretien du mobilier.
S'il n'existait pas d'internat, il faudrait cependant avoir un local pour donner l'enseignement aux élèves ; il faudrait encore un mobilier de classe.
Vous pouvez vous convaincre aisément que l'école tout entière ne coûte pas cher en comparant la dépense à celle des écoles normales primaires.
Les élèves, dit-on, voudraient n'être pas casernes.
C'est possible ; demandez aux élèves de l'école militaire, aux élèves des séminaires s'ils n'aimeraient pas mieux aussi ne pas l'être ; ils vous répondront probablement que oui, et il est à croire que c'est là aussi l'avis des élèves des écoles normales primaires, soit de l'Etat, soit de l'épiscopat.
Il est regrettable qu'à Gand il n'y ait pas d'internat et que les élèves n'y puissent pas avec leur bourse de 500 fr. suffire, comme au pensionnat de Liège, à tous frais de logement et de nourriture ; mais les professeurs de sciences sont beaucoup moins nombreux dans nos athénées que les professeurs littéraires. Il suffit que l'école forme à la fois trois ou cinq professeurs de sciences pour que les vides soient comblés. Or, on ne peut pas faire un internat pour trois ou cinq élèves.
Voici ce qui est arrivé pour l'école de Gand : Lorsqu'on a conçu le projet d'organiser un enseignement normal pour les humanités et un enseignement normal pour les sciences, l'idée première a été naturellement de ne faire qu'un établissement unique, les élèves ne devant pas être très nombreux ; il faut 12 à 15 élèves pour le service des humanités, et 3 ou 5 élèves au plus pour le service des sciences. Un seul établissement aurait donc suffi. Mais dans cette question il est arrivé ce qui arrive souvent : à côté de l'intérêt de l'enseignement, sont venus se placer d'autres intérêts auxquels il a fallu donner satisfaction ; on a dû couper l'école normale en deux, donner une partie à Liège, l'autre partie à Gand, et celle-ci n'a eu que les élèves des sciences limités au maximum de 5.
Les élèves de l'école de Gand ont donc dû supporter des frais beaucoup plus grands que ceux de Liège. Aussi y a-t-il eu interruption pendant quelques années, et si les cours ont aujourd’hui repris, c’est après que la ville de Gand et les professeurs ont offert de nouvelles facilités pécuniaires aux élèves.
Le correspondant de la section centrale prétend que l'organisation de l'école normale de Liége a été condamnée par tout le corps universitaire et par tout le corps de l'enseignement moyen.
Il est vrai que l'organisation de l'école normale des humanités avec internat a gêné quelques professeurs qui donnaient, à Liège, des leçons normales librement, sans direction, sans surveillance ; il est vrai aussi que les élèves ont cessé de suivre plusieurs cours universitaires dont ils n'ont plus besoin.
De là quelques réclamations dictées par des convenances personnelles ; mais des professeurs universitaires siègent au conseil de perfectionnement, et comme les autres membres de ce conseil, ils ont été unanimement opposés à ces réclamations.
Quant au corps professoral de l'enseignement moyen, je ne sais pas où il se serait prononcé dans ce sens, mais dans le conseil de perfectionnement siègent quatre membres du corps professoral des athénées, et ces membres qui sont des préfets des études, des professeurs de rhétorique et des professeurs de sciences, sont changés tous les deux ans ; jamais, (page 359) depuis douze ans, aucun de ces professeurs n'a fait, que je sache, dans le sein du conseil de perfectionnement la moindre objection contre l'organisation actuelle de l'école des humanités.
Enfin, messieurs, dans cette même lettre encore on indique d'un trait de plume ce qu'il y a à faire. L'organisation est bien simple : ce qu'il faut, ce n'est pas une école normale ; la faculté de philosophie suffît.
D'abord, ainsi que je viens de le dire, cette faculté offre un enseignement trop cher. Or, il y a, sans contredit, un grave inconvénient à éloigner de l'enseignement moyen la classe de jeunes gens dans laquelle cet enseignement se recrute. Ce ne sont pas les jeunes gens des classes riches qui embrassent la carrière professorale ; ce sont les fils d'instituteurs, de professeurs, de petits employés, des gens de la campagne.
Ce sont ces jeunes gens qu'une école normale doit avoir en vue. Avec des bourses de cinq cents francs au moyen desquelles tous les frais de nourriture et de logement sont payés, à l'école la carrière professorale devient accessible à cette classe.
Mais ce n'est pas là le seul avantage de l'internat. A l'université on donne la science, mais qu'y peut-on faire pour le caractère ? Or, peut-on dire que le caractère n'importe pas quand il s'agit de celui à qui tant de familles vont confier de jeunes enfants ?
Et quand il s'agirait de les placer, quel moyen le gouvernement aurait-il de connaître le caractère des élèves de l'université ?
A l'école normale, les élèves sont tous internés pendant quatre ans ; le gouvernement les connaît individuellement ; il connaît leur caractère ; rien de ce qu'ils font ne reste étranger au gouvernement ; ils sont connus du gouvernement jour par jour ; leur conduite et leur caractère sont parfaitement connus du directeur et des inspecteurs. Tous leurs travaux écrits sont envoyés au gouvernement. Des membres du conseil de perfectionnement les examinent un à un, et en font l'objet de leurs rapports. Le gouvernement connaît donc parfaitement les élèves de l'école normale, quand il les place.
L'enseignement universitaire, d'un autre côté, n'est pas inspecté par le gouvernement.
Le gouvernement a dans les universités des inspecteurs-administrateurs, mais ils n'inspectent pas les cours ; s'ils y assistaient ils risqueraient d'être pris par les professeurs pour des espions.
L'école normale, au contraire, est inspectée tous les ans et par l’inspecteur général de l'enseignement moyen et par des membres du conseil de perfectionnement ; elle est surveillée constamment par le directeur. Le gouvernement reçoit des rapports réguliers sur tout ce qui s'y passe.
Certainement cela offre infiniment plus de garanties quand il s'agit de former des professeurs d'enseignement moyen qui doivent offrir dans leur carrière spéciale des garanties toutes particulières aux familles.
Disséminez dans les universités les 12 à 15 élèves dont se compose l'école normale des humanités, ils seront éparpillés au nombre de 2 ou 3 à la fois au milieu d'une foule de jeunes gens tous destinés à des carrières différentes de la leur, dont les uns font de bonnes études et se conduisent bien, dont les autres en font de mauvaises et se livrent à la dissipation.
Au contraire, réunis à l'école normale, ces douze jeunes gens qui sont des élèves choisis et d'élite, car on n'en admet pas d'autres, tous voués à la même profession, s'excitent et s'encouragent mutuellement dans leur vocation commune et dans leurs travaux quotidiens, et de ce contact, de ce travail en commun, résulte un esprit d'ensemble, une émulation scientifique, un enthousiasme littéraire, qu'il serait très difficile de produire ailleurs.
A l'université, les professeurs appartiennent tous à l'enseignement supérieur ; bien peu d'entre eux ont passé par l'enseignement moyen. Or,, croyez-vous qu'il soit bien facile à un professeur de l'enseignement supérieur, pour qui l'enseignement normal n'a jamais été qu'une tâche accessoire, de se placer complètement, au point de vue de l'enseignement moyen ?
Est-il toujours aisé à un savant habitué à se tenir sur les hauteurs de la science, de se mettre à la place de celui qui doit enseigner à de jeunes enfants ? Oh ! ce n'est certes pas la science qui leur manque, mais l'art de la communiquer à des auditeurs d'une intelligence moins développée que celle des élèves auxquels ils sont habitués.
A la faculté de philosophie et lettres, qu'on voudrait substituer à l'école normale on enseigne beaucoup de choses utiles aux élèves de l'école normale et dont ils profilent puisqu'ils assistent à la plupart des cours.
Mais d'une part on n'y enseigne pas tout ce qu'ils ont besoin de savoir et de l'autre on y donne à certaines matières des proportions et un temps trop considérables pour ces élèves.
Ainsi, à l'université, les élèves doivent consacrer beaucoup de temps et de grands efforts d'intelligence à l'étude de la psychologie et de la métaphysique ; à l'école normale, on a dû réduire l'enseignement philosophique à des proportions beaucoup moindres afin de ne pas lui laisser absorber le temps que les élèves doivent à des études qui leur sont beaucoup plus indispensables. A l'université, les futurs professeurs de l'enseignement moyen pourraient rester 3 ou 4 ans sans avoir jamais à écrire ni un mot de latin ni même un mot de français ; on n'y enseigne pas plus à écrire qu'à parler. A l'école normale, au contraire, les exercices pratiques sont continuels, on y monte fréquemment en chaire, on y fait constamment des travaux écrits, on y est constamment sous l'œil du professeur. De sorte que là, l'instruction pratique est toujours à côté de l'instruction théorique. Voilà ce qu'on ne trouve pas dans les universités et ce qu'on ne pourrait pas y introduire ; cela serait contraire à tous les usages, à tous les errements universitaires.
Quant à l'enseignement lui-même, pour juger de la différence des résultats, il n'y aurait qu'à comparer le programme des examens qu'on subit de part et d'autre. A l'université, il y a, pour le doctorat en philosophie et lettres deux examens, celui de candidat et celui de docteur, qui durent ensemble trois heures et trois heures et demie ; pour l'enseignement normal il y a deux examens aussi, mais qui prennent cinq ou six séances et plus de 40 heures. On est obligé de montrer, non seulement que l'on sait, mais encore que l'on sait enseigner ; non seulement qu'on a suivi les cours, mais qu'on a fait de nombreuses lectures et des travaux sur ces lectures.
Je suis persuadé que quand M. le rapporteur voudra s'occuper lui-même de cette matière, il parviendra, avec la lucidité d'esprit et la facilité de conception qui le caractérisent, à reconnaître qu'il y a un immense avantage à l'enseignement tel qu'il est organisé à l'école normale des humanités.
Le doctorat en philosophie est une institution qui existe en Belgique depuis bientôt un demi-siècle, et il faut reconnaître qu'elle n'a pas répondu à ce qu’on avait pu en attendre. Sans doute, quelques hommes très distingués ont pris ce titre, mais il est bien à croire aussi que sans le doctorat en un demi-siècle quelques hommes distingués se seraient formés dans la carrière des lettres et de la philosophie.
Que l'on considère notre littérature tout entière, que l'on détermine la part qui doit être assignée au doctorat en lettres et l'on reconnaîtra que cette institution a eu des résultats beaucoup moindres que ceux qu'on semblait pouvoir en espérer.
L'école normale au contraire n'existe que depuis peu d'années. Son organisation n'est pas même encore complète, car le gouvernement a tort d'y laisser une lacune, qu'il pourrait combler presque sans frais.
Malgré cela cette institution a déjà produit d'excellents fruits. Informez-vous de ce que sont les professeurs qui en sortent et l'on vous dira combien ils offrent de garanties sous tous les rapports.
Cette institution a gagné chaque année, et ses progrès sont destinés à durer longtemps encore. Je suis persuadé qu'elle ne se bornera pas à fournir des professeurs expérimentés à l'enseignement, mais qu'elle finira par exercer une influence littéraire très grande dans le pays et qu'elle contribuera puissamment à former, ce qui n'existe encore chez nous qu'à titre d'individualité exceptionnelles, une classe de littérateurs savants, préparés à la carrière d'écrivains littéraires par les plus solides et les plus profondes études.
Il faut seulement pour cela que le gouvernement soutienne cette institution avec sympathie et vigueur, et surtout qu'on se méfie un peu de quelques intérêts de personnes peu avouables, qui font à cet établissement une guerre des plus mesquines.
Je le répète, je suis persuadé que quand M. le rapporteur voudra avec l'intérêt qu'il porte aux lettres et à l'enseignement, s'occuper par lui-même de cette institution, et ne pas la voir avec d'autres yeux que les siens, il ne sera pas longtemps d'un autre avis que celui que je viens d'émettre.
Une autre question a été soulevée.
On demande que le gouvernement accorde aux professeurs, surtout pour les sciences, la liberté de choisir les livres ; on n'est pas d'une rigueur trop grande aujourd'hui ; le professeur a le choix entre un certain nombre de livres ; mais on ne lui accorde pas une liberté absolue, et outre les raisons qu'a données M. le ministre de l'Intérieur je dirai que beaucoup de professeurs font des livres de classe dans l'espoir de s'en faire une ressource pécuniaire.
Le conseil de perfectionnement qui est chargé de donner son avis sur toutes ces productions en trouve rarement une qui puisse avec avantage être substituée aux livres en usage. Des livres élémentaires sont très difficiles à faire, quoique en apparence très faciles.
(page 360) C'est surtout dans les sciences où la méthode, la clarté et la précision du langage sont si nécessaires, qu'il faut être rigoureux pour le choix. En France, où les savants et les écrivains ne manquent pas, on est si loin, pour les éléments des sciences, de favoriser l'introduction des ouvrages nouveaux quels qu'ils soient, on trouve si difficile d'en faire de bons, qu'on remonte vers d'anciens auteurs qui étaient presque abandonnés.
Si l'on donnait aux professeurs des athénées la liberté d'employer ou de propager ainsi leurs propres ouvrages, sans autorisation aucune, on ne ferait, la plupart du temps, qu'encourager des spéculations nuisibles à l'enseignement.
M. Hymans, rapporteur. - Messieurs, l'enseignement moyen jouit d'un privilège dont nous n'avons pas à nous féliciter. A certaines époques, presque tous les ans, à l'occasion de la discussion du budget, à l'occasion de lois spéciales, nous voyons les Chambres étudier d'une manière approfondie les intérêts de l'instruction primaire et de l'enseignement supérieur ; pourquoi ?
Par une raison bien simple, c'est qu'au fond de ces deux intérêts se cachent deux graves questions politiques qui divisent les deux fractions de cette Chambre ; c'est qu'il est impossible de toucher à l'instruction primaire sans toucher à l'intérêt de l’épiscopat, c'est qu'il est impossible de toucher à l'enseignement supérieur sans toucher à cette question d'équilibre des universités de l'Etat et des universités privées qui tant de fois a soulevé d'orageux débats dans cette enceinte.
La question de l'enseignement moyen est soumise à un autre régime ; depuis qu'il n'est plus question de la convention d'Anvers et qu'on semble avoir conclu une trêve sur l'article 8, l'enseignement moyen ne figure plus que pour d'infimes détails dans les débats de cette assemblée. Depuis que j'ai l’honneur de siéger dans cette enceinte, jamais la question de l'enseignement moyen n'a été agitée ; jamais on n'a vu les hommes importants de l'un ou l'autre parti se lever pour discuter cet intérêt dont on ne peut cependant méconnaître l'importance.
Tout ce que nous savons de l'enseignement moyen, nous l'apprenons dans les rapports triennaux dont les auteurs nous donnent leur opinion sur leur œuvre. Ces rapports n'existent que pour nous dire tous les trois ans : Ce qui a été fait a été bien fait ; les mesures prises par l'administration ont produit les meilleurs résultats.
Je me félicite d'avoir pu, à propos de l'augmentation des traitements du corps professoral, réintroduire dans nos débats cette question de l'enseignement moyen qui mérite d'être examinée de très près.
Je remercie M. le ministre de l'intérieur et l'honorable M. Devaux de la façon bienveillante dont ils ont traité les observations de la section centrale.
Mais quelle que soit cette bienveillance qu'ils aient montrée pour le rapporteur et pour son travail, je ne dois pas cependant abandonner les observations que j'ai émises ; les croyant conformes aux faits, je me permettrai de les discuter sur le ton de courtoisie qu'ils ont l'un et l'autre donné à ce débat.
M. le ministre de l'intérieur a commencé par porter bien haut le rôle de l'enseignement moyen donné par l'Etat, et cette profession de foi ne m'a pas étonné de sa part ; l'enseignement moyen, ne l'oublions pas, est une création libérale ; il a été établi après d'assez vives discussions et nous avons le droit de dire qu'il est le patrimoine de l'opinion libérale ; l'opinion libérale a le droit d'être jalouse du ses succès, elle a le droit d'exprimer des regrets, quand nous voyons des collèges communaux l'emporter dans les concours sur les athénées de l'Etat, quand nous voyons des collèges patronnés, des établissements du clergé l'emporter sur les établissements créés par le gouvernement.
Ces faits ne sont pas nouveaux, ils nous sont révélés depuis plusieurs années ; ils prouvent que la sollicitude des Chambres, qui s'attache plus que jamais aux intérêts politiques impliqués dans l'instruction primaire et le haut enseignement, ne doit pas négliger l'enseignement moyen.
Cependant, quand nous faisons des observations sur la manière dont la loi est appliquée, le ministre nous répond :
La loi est la loi ; je n'ai pas le droit de la changer. Qu'est-ce que cela veut dire ?
Parce que la loi de 1850 existe, sommes-nous obligés de la considérer comme éternellement bonne ? Elle a été faite après de laborieux efforts, qui sont l'honneur de notre parti ; après l'échec des divers autres projets de lois qui avaient été étudiés d'une manière aussi approfondis que la loi que les Chambres ont fini par voter.
Mais elle est en vigueur depuis dix ans ; elle n'a jamais été modifiée ; elle n'a jamais été révisée ; on n'y a jamais touché. La dotation même des athénées de l'Etat, qui avait été fixée à 300,000 francs en 1850, est resté la même, sauf la petite augmentation votée en 1857 pour les professeurs des classes inférieures, et cependant vous admettrez que les besoins de l'enseignement moyen se sont considérablement développés et qu'il peut s'être produit depuis dix années des faits importants, des résultats graves qui pourraient engager le gouvernement et les Chambres à modifier cette œuvre, qui n'est pas l'arche sainte qu'on ne peut entamer.
Ainsi, messieurs, la première question soulevée dans ce débat est celle du minerval. Ici je ne suis pas tout à fait d'accord avec M. le ministre de l'intérieur - et je dirai pourquoi tout à l'heure - sur la justesse de l'interprétation qu'il donne à la loi. Mais prenons la loi toile qu'elle est, même appliquée selon l'esprit et la lettre.
Trouvez-vous qu'il soit juste que l'enseignement moyen soit le seul pour lequel on n'ait pas créé de bourses ? Trouvez-vous qu'il soit bien juste qu'alors que l'Etat, les provinces et les communes donnent des subsides aux élèves pour faire leurs études, soit dans les universités, soit dans d'autres établissements ; alors que nulle part, dans aucun autre degré de l'enseignement, le professeur n'est tenu d'enseigner gratuitement, la loi de 1850 fasse supporter par le corps professoral les frais de l'instruction des élèves qui sont admis dans les établissements à cause de leur position de fortune peu aisée ?
Le minerval est diminué encore (en dehors des toutes les retenues qu'il subit) par le droit que l'on donne aux administrations communales de régler, sur la proposition du bureau administratif, le nombre des admissions gratuites. Il va sans dire que ces admissions gratuites ne coûtant rien aux communes, celles-ci se montrent très libérales et qu'elles vont souvent même jusqu'à dépasser la proportion dans laquelle ces admissions peuvent avoir lieu aux termes de la législation.
Voilà pour la loi ; voyons l'interprétation. M. le ministre de l'intérieur a produit tantôt, pour démontrer que l'on pouvait faire des imputations sur le minerval, un argument que je ne comprends pas.
Il est dit dans le dernier rapport triennal que le minerval est la propriété des professeurs. M. le ministre de l'intérieur répond : « Oui dans une certaine limite. Il n'y a pas de propriété qui ne soit grevée d'une certaine servitude. Les professeurs des athénées doivent subir certaines retenues parce que l'article 17 de la loi de l850 dit que le traitement se compose d'un fixe et d'un casuel. C'est parce que la loi ne dit pas du casuel que l'on a le droit de faire ce prélèvement. »
Si l’on a pas d'autre raison à invoquer pour les retenues que l'on fait sur le traitement des professeurs, je vous avoue qu'il m'est impossible d'admettre l'interprétation admise par les communes.
Le minerval, dit-on, est soumis à certains prélèvements parce que la propriété des professeurs n'est pas absolue. Mais, messieurs, je me demande pourquoi les prélèvements existent plutôt dans l'enseignement moyen que dans les autres degrés de l'instruction publique ?
Est-ce que le minerval des professeurs des universités est soumis à des retenues de ce genre ?
Fait-on payer aux professeurs des universités les frais de chauffage et d'éclairage ? Est-ce que les professeurs des écoles primaires, aux termes d'une circulaire récente publiée au Moniteur, et signée de M. le ministre de l'intérieur, ne sont pas appelés à jouir de la rétribution totale des élèves solvables ?
N'a-t-on pas exigé formellement que cette rétribution restât intacte ?
Ainsi, dans les deux autres degrés de l'instruction publique, le minerval est la propriété absolue des professeurs et tout ce qu'on en retranche dans l'enseignement moyen est autant de pris sur le fruit du travail du corps professoral.
M. le ministre vous dit : « La preuve que le minerval n’est pas la propriété absolue des professeurs, c'est que, d'après la loi, le bureau administratif fixe le taux du minerval.
Mais le bureau administratif fixe le taux du minerval, parce qu'il y a un règlement organique de l'enseignement moyen qui indique jusqu'à concurrence de quel chiffre les professeurs prélèveront une part du minerval. Ainsi, les professeurs de langue ne jouissent que d'une demi-part de minerval ; il y en a d'autres encore qui jouissent d'un certain prorata. C'est au bureau administratif de déterminer ce taux. Cela ne prouve pas que la commune ait le droit de prélever, comme à Bruxelles, 20 p. c. sur la masse du casuel.
Ce n'est pas tout, M. le ministre nous dit encore que le minerval ne peut pas rester intact, puisque les villes ont le droit d'admettre gratuitement des élèves dans les athénées, d'admettre des espèces de boursiers, comme le dit M. le ministre de l'intérieur.
Singulière espèce de boursiers en effet ! Ce sont des boursiers sans bourses ; on ne donne pas de bourses : ou fait des admissions gratuites.
- Une voix. - C'est une bourse.
M. Hymans, rapporteur. - Permettez ; dans les universités de l'Etat la bourse est une somme allouée à l'élève pour fréquenter les cours et qui entre dans la caisse du minerval, tandis que dans les athénées la (page 361) bourse est le droit de fréquenter librement l'école, c'est-à-dire une somme de... retranchée du minerval. Dans certains athénées, je n'ai pas les chiffres sous les yeux, les admissions gratuites vont au-delà même du maximum fixé par la loi, sans que personne songe à le trouver injuste ou mauvais.
M. le ministre de l'intérieur, il est vrai, nous dit que ces questions se traitent ordinairement entre les villes et les athénées de la façon la plus bienveillante.
L'honorable ministre de l'intérieur, qui a beaucoup de bienveillance, croit que tout le monde est comme lui.
Malheureusement, il n'en est pas toujours ainsi.
Ce qu'il y a de curieux dans cette affaire, c'est que ma doctrine à moi, est tout à fait celle du gouvernement.
Je soutiens la thèse du gouvernement, dont on s'est écarté depuis quelques années.
Ainsi, en 1851, à la date du 27 décembre, le ministre de l'intérieur d'alors, M. Rogier, a adressé une circulaire aux gouverneurs pour leur dire que les frais d'administration des bureaux administratifs devaient être prélevés sur le budget des villes, qu'ils devaient être payés par la ville, siège de l'établissement.
Par une circulaire du 11 février 1852, l'honorable ministre de l'intérieur de cette époque disait encore que la dépense à faire par le préfet des études dans l'intérêt de l'administration devait être payée par les villes.
Enfin, dans une circulaire du 21 juin 1852, l'honorable ministre dit, et ici je cite textuellement : que si les frais de chauffage et d'éclairage et de la distribution de prix se prélèvent sur le minerval, dans ce cas le taux du minerval doit être augmenté dans une proportion convenable, de manière à désintéresser les professeurs de cette imputation extraordinaire sur la caisse des rétributions scolaires.
La doctrine que je soutiens est donc bien celle du gouvernement. A Bruxelles, on a augmenté le minerval. Il était de 40 florins des Pays-Bas ; il a été porté à 100 fr. ; mais il est évident que les frais d'éclairage et de chauffage ne peuvent coûter 16 fr. par élève et par an et qu'il résulte de cette petite combinaison un bénéfice net pour la ville de Bruxelles.
D'ailleurs M. le ministre de l'intérieur lui-même, dans le dernier rapport triennal, proteste contre la doctrine mise aujourd'hui en pratique par certaines villes.
Il déclare que dans certaines villes, où l'on aura garanti un minimum de minerval, les administrations communales se sont empressées de retirer une partie des subsides égale à l'augmentation accordée par le gouvernement. Il proteste contre la doctrine qui consiste à prélever les frais de distribution des prix et les frais d'éclairage et de chauffage sur la caisse des minervals qui a en réalité, dit-il, est la propriété des professeurs.
Je suis donc d'accord sur ce point avec M. le ministre de l'intérieur, et le tableau même qu'on nous a distribué, le tableau dont l'honorable M. Devaux a demandé l'impression, prouve à l'évidence combien nos réclamations sont justes. Il résulte de ce tableau, que si la ville de Bruxelles n'avait pas prélevé 20 p. c. sur le produit de la rétribution payée par les élèves, le minerval de chaque professeur se serait accru de 366 fr. 73, c'est-à-dire d'une somme plus élevée que l'augmentation même que le gouvernement et les Chambres vont lui accorder aujourd'hui. A Anvers, ce chiffre eût été de 122 fr. ; à Liège de 308,70.
Vous voyez, messieurs, qu'il y a là un fait plus frappant que celui qui est cité dans le rapport de la section centrale.
Encore une fois, le tableau que l'on nous a fait distribuer est la preuve la plus évidente de la justesse de nos réclamations, et en les faisant, je le répète, nous n'avons fait qu'appuyer les observations présentées par M. le ministre de l'intérieur lui-même dans le dernier rapport triennal sur l'enseignement moyen.
Remarquez, messieurs, que le minerval est encore soumis à d'autres imputations.
D'après un arrêté royal qui n'est pas la loi, et que l'on peut rapporter quand on le veut, c'est encore la caisse des minervals qui supporte les frais de dédoublement des classes.
Ainsi quand il y a un trop grand nombre d'élèves dans une classe, on la dédouble, il faut un professeur de plus et c'est la caisse des minervals qui paye ce professeur. Trouvez-vous que cela soit juste ? Or, ce fait va se présenter naturellement pour les athénées où les élèves sont les plus nombreux, pour les athénées où l'on se prévaut de l'importance du minerval pour accorder une augmentation de traitement moindre. Ainsi l'on dit : Les professeurs de l'athénée de Bruxelles sont dans une positon satisfaisante parce que les minervals y sont plus considérables ; et à mesure que le nombre d'élèves augmenté, les classes doivent être dédoublées et c'est la caisse des minervals qui paye le nouveau professeur.
Je le répète, cela n'est pas juste, et l'on peut prouver par des chiffres que depuis dix ans, l'on a pris ainsi aux professeurs de l'athénée da Bruxelles une somme qui dépasse 80,000 fr.
Je suis donc obligé, en ce qui concerne les minervals, de maintenir l'opinion qui a été émise dans le rapport de la section centrale.
Ma réponse sera un peu plus difficile pour ce qui concerne les écoles normales par cette excellente raison que j'ai à répondre à deux adversaires au lieu d'un et que l'un d'eux figure parmi les rudes jouteurs de cette assemblée. Cependant ici encore, je crois pouvoir maintenir les conclusions du rapport.
Messieurs, je ne puis naturellement pas dire à la Chambre quel est l'auteur de la lettre insérée dans le rapport de la section centrale, c'est un professeur distingué d'un des premiers établissements d'enseignement de l'Etat, et je crois que lui-même, s'il se trouvait mis en rapport avec l'honorable M. Devaux, accepterait parfaitement la responsabilité de ce qu'il a écrit ; mais comme il ne m'a pas autorisé à le nommer, je ne le nommerai pas.
Certes, dans sa lettre il peut s'être glissé quelques erreurs, quelques contradictions, soit, mais le fond n'en est pas moins vrai et soutenable.
Il s'agit d'examiner un principe qui domine de haut les petites questions de détail apportées dans la discussion par l'honorable M. Devaux. Il s'agit de savoir si un internat aussi sévère que celui qui existe à Liège, un couvent en d'autres termes, peut constituer une bonne pépinière pour le corps professoral ; c'est là une question très grave qui a été probablement discutée d'une manière très approfondie dans le conseil de perfectionnement à l'époque où les écoles normales ont été décrétées, mais qui néanmoins peut encore être soumise à certains débats. Car enfin il y a eu un enseignement pédagogique en Belgique avant 1830, à une époque où nos écoles, je dois le supposer, n'étaient pas descendues à un niveau si bas, puisqu'il en est sorti tant d'hommes distingués, dont quelques-uns siègent encore dans cette Chambre et font l'orgueil du pays.
A cette époque, l'enseignement pédagogique n'était pas organisé comme il l'est aujourd'hui, les internats n'existaient pas.
On a établi un internat parce qu'il en existe un en France. Mais est-ce une raison suffisante pour qu'il soit bon et qu'il faille absolument le maintenir en Belgique ?
Sous le gouvernement des Pays Bas, il y avait des cours spéciaux de pédagogie dans certaines universités. Je vous fais grâce de beaucoup de détails sur ce point.
Je me borne à constater que les leçons de pédagogie qui se donnaient à l'université de Liège furent fréquentées en 1828 et 1829 par 47 élèves, et de 4829 à 1830 par 32 élèves, tandis qu'aujourd'hui, malgré toutes les faveurs que le gouvernement accorde aux élèves qui suivent les cours de l'école normale de Liège, il n'est pas encore parvenu à atteindre le chiffre maximum fixé par la loi. (Interruption.)
Le nombre est fixé à 15 pour l'école de Liège et à 5 pour l'école de Gand. Or, d'après le rapport triennal, il y a 10 élèves à Liège. L'honorable M. Devaux me dit : « On n'en veut pas davantage. » Mais si l'on n'en veut que dix, pourquoi a-t-on fixé le chiffre réglementaire à quinze ? Pourquoi, si le maximum est quinze, n'en accepte-t-on que dix ?
M. Devaux. - Parce que les besoins de l'enseignement n'en exigent pas davantage.
M. Hymans, rapporteur. - Les besoins de l'enseignement ne peuvent pas exiger que le choix du gouvernement soit aussi restreint.
- Un membre : Et l'école militaire !
M. Hymans, rapporteur. - Qu'y a-t-il de commun entre l'école militaire et l'école normale des humanités ?
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Le nombre des admissions est en proportion des vacances présumées.
M. Hymans, rapporteur. - Quand vous avez fixé à 15 le nombre des élèves qui pouvaient être admis à l'école des humanités de Liége, vous avez dû supposer que ce nombre était nécessaire. Comment se fait-il que jusqu'à présent vous n'avez jamais eu plus de 10 élèves ? Comment se fait-il qu'à Gand, où vous ayez cru qu’il en fallait 5, vous n'en avez jamais eu que 3 ? Du reste, messieurs, prenez les rapports triennaux et vous verrez que le gouvernement constate et déplore lui-même le peu d’empressement de jeunes gens à fréquenter les écoles normales.
A Gand, l'on va jusqu'à donner mille francs à chaque élève, grâce au concours de la ville et de la province, et cependant les élèves n'arrivent pas. Les rapports triennaux constatent que l'on a dû faire la presse pour les obtenir.
(page 362) A Gand, il y a des années où il ne se présente aucun élève.
Est-ce encore parce qu’on n'en avait pas besoin, on parce que l'attrait de ces écoles, malgré tous les avantages offerts, était impuissant ?
M. Devaux. - L'école de Gaud n'est pas un internat ; si vous blâmez l'une, vous devez approuver l'autre.
M. Hymans, rapporteur. - L'honorable M. Devaux dit que l'école de Liège est un pensionnat, et que l'école de Gand n'en est pas un, que par conséquent, si je blâme l'une je dois approuver l'autre. Mais lorsque j'interrompais tantôt M. le ministre de l'intérieur, il m'a répondu : « Il ne peut pas y avoir d'internat à Gand, parce qu'il n'y a pas d'élèves. » L'honorable M. Devaux me dit qu'il n'y a pas d'élèves, parce qu'il n'y a pas d'internat. (Interruption.)
Voici le rapport triennal distribué il y a quelques semaines.
Il porte : Ecole normale de Gand. Les élèves de l'école ne sont pas internés et cependant leur conduite a été irréprochable et ils ont passé de bons examens.
A Liège, au contraire, les élèves sont strictement tenus dans l'établissement. On a fixé l'heure du lever et du coucher ; ils ne peuvent recevoir ni journaux ni revues périodiques : tout est militairement réglé. Cela est-il bien indispensable et croyez-vous, messieurs, que des jeunes gens qui passent ainsi d'un collège dans une école normale et de l'école normale dans un établissement d'instruction publique, sans rien connaître de la vie, qui ont été soumis à une discipline vraiment monacale, puissent devenir de bons professeurs aptes à former des hommes ?
Ils pourront être de première force en latin, de parfaits hellénistes...
- Un membre. - C'est quelque chose.
M. Hymans, rapporteur. - C’est quelque chose, mais je doute qu'ils soient à même de former des citoyens, de faire apprécier par ceux à qui ils donnent l'instruction les bienfaits de la société dans laquelle ils vivent, de communiquer en un mot cette éducation après laquelle la plupart de ceux qui la reçoivent n'en recevront plus d'autre, car il est incontestable que pour le plus grand nombre des jeunes gens l'éducation finit avec l'enseignement moyen.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban) présente un projet de loi ayant pour objet d'allouer au budget des finances et au budget des non-valeurs et remboursements un crédit supplémentaire de 3,452 fr. pour couvrir des dépenses arriérées se rapportant à des exercices clos.
- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce projet et le renvoie à l'examen des sections.
La séance est levée à 4 heures 3/4.