Séance du 20 janvier 1863
(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1862-1863)
(page 249) (Présidence de M. Vervoort.)
M. Thienpont, secrétaire., procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. de Moor donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.
- La rédaction en est approuvée.
M. Thienpont présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.
« Le conseil communal de Lommel prie la Chambre d'accorder au sieur Boucquié-Lefebvre la concession d'un chemin de fer direct d'Anvers à Dusseldorf. »
« Même demande du conseil communal d'Herenthals. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les membres du conseil communal de Quaregnon demandent l'exécution du canal direct de Jemmapes à Ath. »
- Même renvoi.
« Le sieur Demeyer, ancien portier à la maison pénitentiaire des jeunes délinquants à Saint-Hubert, demande une augmentation de pension. »
- Même renvoi.
* Le sieur Aver, ancien employé de l’octroi, demande une pension. »
- Même renvoi.
« Les sieurs Thiel et Simon, porteurs de contraintes à Arlon, demandent un traitement fixe ou une augmentation d'émoluments. »
- Même renvoi.
« Les membres du conseil communal de Meerhout prient la Chambre d'accorder au sieur de Bruyne la concession d'un chemin de fer d’Anvers à Düsseldorf par Herenthals. »
- Même renvoi.
« Des cultivateurs à Frasnes se plaignent d'irrégularités dans la comptabilité communale en ce qui touche la formation des rôles de prestation pour l'entretien des chemins vicinaux. »
- Même renvoi.
« Le sieur Lut, combattant de 1830, demande la croix de Fer et la pension de 250 fr. dont jouissent les blessés de septembre. »
- Même renvoi.
« Les employés inférieurs de l'administration provinciale de la Flandre orientale prient la Chambre de voter en leur faveur une augmentation de traitement supérieure à celle proposée par le gouvernement. »
- Renvoi à la section centrale du budget de l'intérieur.
« Le conseil communal de Riempst demande qu'il soit porté au budget de l'intérieur un crédit spécial pour subsidier les travaux d'entretien de la voirie vicinale et que le gouvernement organise une surveillance spéciale pour cet objet. »
- Même renvoi.
« Le sieur Lambert adresse à la Chambre 120 exemplaires d'un mémoire relatif à l'ouverture d'une rue monumentale destinée à faciliter les communications entre le haut et le bas de la ville de Bruxelles. »
- Distribution aux membres de la Chambre et dépôt à la bibliothèque.
« M. Carlier-M. Van Humbeeck, rapporteur, retenu chez lui par une indisposition, demande un congé. »
- Accordé.
M. Hymans. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer trois rapports sur des projets de lois qui ont été renvoyés à la section centrale du budget de l'intérieur. Le premier concerne l'augmentation proposée pour les membres des députations permanentes et pour les greffiers provinciaux ; le deuxième concerne l'augmentation des traitements des professeurs ordinaires et extraordinaires des universités de l'Etat et des administrateurs inspecteurs de ces établissements, le troisièùe est relatif à l'augmentation du traitement des inspecteurs provinciaux et de l'indemnité des inspecteurs cantonaux de l'enseignement primaire.
Ces rapports sont très courts, ils pourront être imprimés et distribués aujourd'hui ; de manière que la Chambre pourra les discuter demain si elle le juge convenable.
Je profite de cette occasion pour dire à la Chambre qu'il sera impossible que le rapport sur le budget de l'intérieur soit déposé avant mardi prochain et comme il y a beaucoup d'annexes, il faudra plusieurs jours pour l'impression.
Comme il n'y a plus rien à l'ordre du jour, je crois utile de porter ce fait à la connaissance de l'assemblée.
- La Chambre ordonne l'impression et la distribution des rapports déposés par M. Hymans et les met à la suite de l'ordre du jour.
M. Kervyn de Volkaersbeke. - Messieurs, je profite de l'occasion qui se présente pour rappeler à la Chambre et notamment à l'honorable chef du département de la guerre, un passage du rapport de la section centrale qui a été présenté à la législature en 1859.
Voici ce passage :
« Les fortifications d'Ypres, Menin, Ath, Philippeville, Marienbourg, sont démolies ; d'autres places verront tomber les leurs dans un avenir d'autant plus prochain que le projet actuel sera plus rapidement exécuté. Nous tenons à rappeler sur ce point les promesses faites aux Chambres en 1856 et 1858 et les rapports des sections centrales de cette époque se sont empressés, comme nous le faisons encore, d'en prendre acte au nom du pays. »
Messieurs, à mon tour, je tiens à rappeler ce passage parce qu'il donne l'espoir aux villes qui possèdent encore des citadelles de les voir disparaître dans un avenir prochain. En effet, il ne s'agit pas ici seulement de quelques forteresses situées sur la frontière ; il s'agit d'autres places fortes et surtout de celles situées sur l'Escaut en amont d'Anvers. J'espère que l'honorable ministre de la guerre pourra, à l'occasion de la discussion de son budget qui s'ouvre aujourd'hui nous donner quelques explications à cet égard.
J'y tiens d'autant plus, messieurs, qu'en citant les paroles de l'honorable rapporteur de la section centrale, je renouvelle les vœux émis par cette section en 1859.
A cette époque, la grande commission militaire instituée par l'honorable ministre de la guerre soutenait qu'il fallait un système de défense basé sur une grande position stratégique servant de pivot à l'ensemble de nos forces réunies.
C'est dans cette circonstance qu'Anvers a eu l'honneur d'être choisi pour devenir le boulevard de notre nationalité, et l'honorable ministre de la guerre déclara que la forteresse qui allait s'élever serait le palladium de notre indépendance nationale.
Voici comment s'exprimait l'honorable général Chazal :
« Sachez-le bien, messieurs, disait-il, ce qui causerait la ruine, le déshonneur du pays, ce serait de renfermer, d'éparpiller l'armée dans vingt forteresses qui ont perdu pour la plupart leur importance stratégique, et qui, abandonnées à elles-mêmes, ne pourront opposer à l'ennemi aucun obstacle sérieux. »
Jusqu'à ce jour, la déclaration faite par la section centrale est restée sans effets.
On a démoli quelques places sur les frontières, mais aucune autre n'est tombée sous le marteau des démolisseurs.
Parmi les grandes villes qui ont conservé leurs forteresses, je citerai Gand dont la nombreuse population, le commerce et l’industrie exigent que la citadelle qui la domine disparaisse le plus tôt possible.
Les travaux d'Anvers avancent rapidement, et on ignore encore à Gand si la citadelle sera démolie ou maintenue.
Je crois, messieurs, que l'honorable ministre de la guerre pourrait, dans la discussion qui s'ouvre, nous donner quelques explications à cet égard. La franchise qu'il a montrée dans la session dernière me permet d'espérer que dans cette circonstance encore il agira de même en donnant à la Chambre des explications tout aussi catégoriques.
Messieurs, vous ne devez pas vous étonner que ceux qui habitent des villes dominées par une forteresse désirent les voir démantelées. Qui ne sait combien les citadelles présentent de dangers en temps de guerre, pour les cités qu'elles ont parfois la prétention de protéger ? En temps de paix elles servent de prétextes à des vexations de toute nature qu'on décore du nom de servitudes ; et dans les deux cas elles servent de refuge et (page 250) d’instrument au despotisme, quand les villes veulent défendre leurs droits et leur nationalité.
M. Goblet. - Messieurs, le budget du département de la guerre nous vient, cette année, avec une augmentation toute spéciale. Cette augmentation est le résultat d’une mesure généralement appliquée aux divers départements ministériels et dont le principe est équitable. Je ne veux pas m'opposer à ces augmentations. Seulement je crois bon de faire observer à M. le ministre de la guerre, qu'en soumettant cette proposition à la législature, il n'a pas obéi complètement à la pensée première de ceux qui voulaient venir principalement au secours des employés inférieurs de l'Etat par une majoration d'appointements.
M. le ministre des finances, en présentant son budget, a satisfait, autant que faire se pouvait, à ces deux conditions : réformes administratives et économiques ; amélioration de la position des employés les moins rétribués, avant d'arriver aux échelons les plus élevés de l'ordre hiérarchique.
Dans le budget de la guerre il n'est pas question d'économies, non plus que de réformes. Ce sont là deux choses qu'il est inutile de demander ; on y perd son temps en ce moment, mais je crois qu'on aurait dû ne pas songer à augmenter les traitements des officiers supérieurs alors que, de l'aveu de M. le ministre lui-même, on ne satisfait pas même aux nécessités les plus impérieuses des grades inférieurs.
Ainsi, la position des sous-lieutenants et des lieutenants n'est nullement ce qu'elle devrait être, d'après l'honorable ministre lui-même ; et, lorsqu'on demandait des augmentations pour les services dépendants du département de la guerre, nul ne songeait, j'en suis certain, à une augmentation des traitements supérieurs, dans la proportion de 12, 15 et jusqu'à 20 p. c., à une augmentation de 1,600 francs, par exemple, pour les lieutenants généraux Ce sont là des circonstances qui, selon moi, rendent très défectueuses les propositions de crédit du département de la guerre.
L'insuffisance de ce propositions en ce qui concerne les sous-lieutenants et les lieutenants est notoire, surtout si l'on songe qu'il faut dix et jusqu'à quinze années à ces officiers pour arriver au grade de capitaine, qui est le bâton de maréchal de la plupart d'entre eux et dans lequel ils ne passent que pour aboutir à une pension qui leur permet à peine de vivre.
D'un autre côté, messieurs, n'est-ce pas une chose pénible et fâcheuse que de dire, à ceux qui sont jeunes qu'ils n'auront la rémunération complète de leurs services qu'à mesure qu'ils prendront place dans les rangs supérieurs ? Je veux bien croire que cette pensée n'est pas celle du département de la guerre ; mais lorsqu'on n'est pas satisfait, on se tourne souvent du mauvais côté de la question.
Les officiers dont je viens de parler ne sont pas les seuls dont la position ait fixé mon attention, à propos des propositions qui nous sont soumises : il est encore une autre catégorie de militaires qui ne m'ont point paru suffisamment rémunérés ; je veux parler des gardes du génie de troisième classe. Leurs traitements vont, être portés de 1,320 francs à 1,400 francs, c'est-à-dire augmentés de 80 francs, soit moins de 6 p. c. en moyenne. Je crois qu'on aurait pu accorder une rémunération plus convenable à ces hommes qui doivent avoir une certaine capacité, et qu'on n'aurait pas dû s'arrêter à un tantième qui est le plus faible de tous ceux qui sont proposés.
Ce n'est, messieurs, ni un blâme que je vais exprimer ni un système que je vais énoncer ; je me borne à formuler une pensée qui m'a été exprimée : Au moyen de l'augmentation qu'on accorde aux médecins militaires comme à tous les autres fonctionnaires du département de la guerre, il m'a paru qu'il aurait été possible de donner à ces hommes savants, à ces officiers tout spéciaux, si je puis ainsi les appeler, une position plus en harmonie avec leur talent, avec leur dévouement.
Le bâton de maréchal d'un médecin militaire c'est en quelque sorte le grade de médecin de régiment qui lui donne le rang de capitaine. C'est si vrai que, depuis 1830, il n'y a que douze à quinze médecins qui soient passés à des grades supérieurs. Or, la position toute spéciale du médecin militaire qui lui permet d'avoir une clientèle en dehors de son service et de faire usage de ses talents, fait qu'il n'a pas autant besoin d'une augmentation d'écus que d'une position sociale plus élevée.
Je crois que ces messieurs, qui honorent grandement le corps médical belge si fameux en tout temps, pourraient sans augmentation de charge pour le trésor et avec les ressources que nous allons voter, voir leur position sociale améliorée.
En présence de l'organisation nouvelle d'une partie de notre armée, la réorganisation totale qui arrivera pour satisfaire aux nécessités du nouveau système de défense, je crois inutile de soulever une discussion approfondie à propos du budget actuel, qui n'est plus que l'expression d'une situation transitoire.
D'un autre côté les observations que j'ai eu l'honneur de présenter l'année dernière, étant toutes restées debout, je continuerai à voter contre le budget.
M. Van Overloop. - Messieurs, dans la séance du conseil provincial de la Flandre orientale du 8 juillet dernier, la proposition suivante a été faite par MM. le chevalier de Schoutheete, Van Hove et Van Raemdonck :
« Les soussignés ont l'honneur de soumettre au conseil provincial la proposition suivante :
« Le conseil provincial de la Flandre orientale appelle l'attention sérieuse du gouvernement sur les dangers permanents qui résulteront pour les polders du pays de Waes de la fermeture des écluses du Melckader, nécessitée, en temps de guerre, pour produire l'irrigation autour du fort Sainte-Marie à Calloo, sur l'Escaut.
« Il prie en conséquence le gouvernement d'examiner la possibilité, pour éviter tout désastre, sans nuire toutefois aux travaux de défense de la forteresse, d'établir, autour du fort, une zone irrigable limitée par des digues ; de construire, en dehors de cette zone d'irrigation dépendante du fort, un canal avec système d'écluses procurant un nouveau débouché aux eaux desdits polders, et de laisser le Melckader et ses écluses, tombant dans la zone, au service exclusif de l'autorité militaire. »
Cette proposition a été prise en considération et renvoyée à l'examen de la quatrième commission.
Dans la séance du 11 juillet suivant, M. de Coninck présente le rapport sur la proposition de MM. de Schoutheete, Van Hove et Van Raemdonck.
Je lis dans le Moniteur :
« M. de Coninck présente le rapport de la quatrième commission sur la proposition de MM. le chevalier de Schoutheete, Van Hove et Van Raemdonck, ayant pour objet d'appeler l'attention du gouvernement sur l'établissement, autour du fort Sainte-Marie à Calloo, de travaux qui seraient destinés à préserver éventuellement d'inondation, en cas de guerre, les polders avoisinants.
« Le rapport conclut à l'accueil de la proposition.
« M. le gouverneur a fait connaître qu'il ne voyait pas d'inconvénient à ce que cette proposition fût transmise au gouvernement, à condition que le conseil n'entende préjuger ni la valeur des moyens invoqués ni leur praticabilité.
« Le conseil adopte les conclusions de la commission, avec la réserve indiquée par M. le gouverneur. »
Un journal de Saint Nicolas, l’Onpartydige du 18 janvier 1863, annonce que le gouvernement a chargé un capitaine du génie d'étudier la question soulevée au conseil provincial de la Flandre orientale.
Je désire savoir, pendant la discussion du budget de la guerre, où en est le travail de cet officier.
Les observations faites au conseil provincial de la Flandre orientale méritent d'être prises en sérieuse considération par la Chambre.
Il paraît que la défense du fort Sainte-Marie exige la fermeture des écluses du Melckader, pour produire l'inondation des abords du fort ;
Il paraît que cette fermeture entraînerait une inondation beaucoup plus considérable que l'exigent les besoins de la défense ;
Enfin il paraît que, moyennant certains travaux, on pourrait assurer la défense complète du fort Sainte-Marie, tout en prévenant l'inondation de plusieurs milliers d'hectares de terrain des polders avoisinants.
Le Melckader, messieurs, est un canal collecteur qui, au moyen d'écluses, verse dans le fleuve les eaux d'une grande partie du pays de Waes.
On comprend les désastres que la fermeture de ces écluses pourrait occasionner aux habitants du pays de Waes et notamment aux habitants du polder de Calloo. Ces habitants sont effrayés au souvenir des calamités causées par le percement des digues, pour cause de guerre, en 1583, en 1703, en 1745, en 1746, de 1784 à 1786, en 1794, en 1809, en 1814 et en 1831.
Ce souvenir n'est pas encore sorti de leur mémoire.
A la suite, messieurs, du percement, pour cause de guerre, des digues, en 1583 les polders de Calloo furent inondés pendant 70 ans ; ils restèrent inondés jusqu'en 1653, époque à laquelle, après un travail continu de 3 ans, on parvint de nouveau à rétablir les digues.
Vous remarquerez, messieurs, que la demande du conseil provincial de la Flandre orientale est fondée sur la justice, qui exige que toutes les mesures de bien public - et certes les mesures de défense nationale sont de cet ordre - soient réalisées sans: préjudice pour les particuliers.
Ce principe, messieurs, était appliqué sous notre ancien régime national. Les nécessités de la guerre ayant exigé l'inondation de 1583, les (page 251) propriétaires qui, plus tard, reconstruisirent les digues des polders inondés, furent exempts d'une partie des charges foncières imposées à la terre à cette époque.
A coup sûr, messieurs, le même principe d'équité, le même principe d'égalité de tous devant l'impôt, doit être appliqué sous le régime actuel.
J'espère que M. le ministre de la guerre donnera une réponse satisfaisante à la demande que j'ai l'honneur de lui faire.
J'espère que la réponse aura pour effet de rétablir la tranquillité dans l'esprit des habitants du pays de Waes, et notamment dans l'esprit de ceux du polder de Calloo et des polders voisins.
M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Messieurs, l'honorable M. Kervyn de Volkaersbeke a fait au gouvernement un reproche qu'il est loin de mériter, je pense, celui de ne pas avoir rempli les engagements qu'il a contractés lors de la discussion des fortifications d'Anvers.
A cette époque, messieurs, le gouvernement a déclaré que les nouvelles fortifications devaient entraîner la démolition de certaines places fortes.
Il a demandé un crédit d'un million pour exécuter cette démolition et il a fait connaître les places qui seraient démolies.
Le département de la guerre n'a pas perdu un seul instant pour exécuter l'engagement qu'il avait contracté vis-à-vis des Chambres.
Depuis mon entrée au ministère, on a démoli en partie les fortifications d'Audenarde, de Nieuport, de Mons, de Charleroi et de Namur. Celles d'Ypres et de Menin étaient démolies avant mon entrée au ministère.
D'autres villes, dit-on, désireraient voir leurs fortifications démantelées.
Il y en a d'autres au contraire qui redoutent les démolitions ou bien qui les regrettent lorsqu'elles ont été effectuées.
La ville d'Ypres est dans ce cas ; je crois cependant qu'elle commence à reconnaître qu'elle s'est plainte à tort.
Quant à la citadelle de Gand, il n'a jamais été question de la démolir. Dans la discussion sur les fortifications d'Anvers, j'ai dit que notre système de défense comporte une base unique d'opération et des postes fortifiés sur les deux grands cours d'eau qui traversent le pays, pour servir de point d'appui à l'armée en campagne et faciliter ses opérations.
Ce système entraîne la conservation des citadelles de Liège, de Namur, de Tournai et de Gand et, par conséquent, il ne peut être question de la démolition de cette dernière citadelle. Je ne sais pas ce que les progrès de l'art permettront de faire plus tard et si un jour la base d'opération d'Anvers ne suffira pas avec les places de Termonde et de Diest. C'est une question que le temps seul pourra résoudre. Mais en ce moment on ne peut songer à la démolition des citadelles que je viens d'indiquer.
L'honorable M. Goblet a critiqué le mode d'augmentation de traitement que nous avons adopté. Je dois cependant vous déclarer, messieurs, que le département de la guerre s'est inspiré des mêmes principes qui ont dirigé M. le ministre des finances, c'est-à-dire qu'il s'est préoccupé avant tout d'améliorer la position des officiers inférieurs.
Ainsi les traitements des sous-lieutenants, dont on a parlé, ont été augmentés de 12 p. c. et une forte fraction, tandis que les traitements des généraux n'ont été augmentés que de 9 p. c. et une fraction.
Et remarquez, messieurs, que les dépenses des officiers supérieurs sont précisément celles qui se sont accrues dans une proportion considérable.
En effet, le prix des chevaux a fortement augmenté, et il en est de même du loyer des maisons, en rapport avec la position de ces officiers.
Il est encore à remarquer que les appointements de ces officiers ont été diminués depuis 1830, tandis qu'au contraire ceux des officiers inférieurs ont été augmentés.
Avant 1830, le sous-lieutenant d’infanterie n'avait que 1,480 fr. ; son traitement a été porté depuis à 1,600 fr. Aujourd'hui, nous l'augmentons de 12 1/2 p. c ; il aura 1,800 fr., ce qui était le traitement du premier lieutenant, il y a un certain nombre d'années.
Ces 1,800 francs ne rendront certainement pas sa position brillante, mais avec de l'ordre il pourra vivre honorablement. Ce n'est que lorsqu'un sous-officier est nommé sous-lieutenant qu'il peut se trouver dans une situation critique ; mais pour y remédier on lui alloue une somme de 400 à 500 francs à titre d'indemnité de premier équipement.
Le grade de sous-lieutenant n'est que transitoire pour ainsi dire dans la carrière de l'officier. On n'y reste pas aussi longtemps que l'honorable M. Goblet le croit. Il y a eu, il est vrai, une époque où il était loin d'en être ainsi ; mais aujourd'hui que nous sommes entrés dans une période normale, l'officier ne reste que 4 à 5 ans sous-lieutenant au maximum.
Le grade de capitaine a été le plus augmenté, parce que c'est le bâton de maréchal, comme l'a dit l'honorable M. Goblet, du plus grand nombre des officiers.
En effet, presque tous les officiers deviennent capitaines, tandis qu'il n'y en a qu'un petit nombre qui parviennent au grade supérieur.
Comme on reste fort longtemps capitaine et qu'en adoptant un traitement unique pour ce grade il arriverait qu'un officier, au déclin de la carrière, ne serait pas mieux rétribué qu'un jeune officier, nous avons créé trois classes de capitaines, appointées d'après les bases suivantes :
Le capitaine de troisième classe qui avait comme lieutenant 2,100 fr. aura 3,000 fr.
Mais on ne reste pas longtemps capitaine de troisième classe, parce que le passage d'une classe à l'autre a lieu pour chacun de ces officiers, lorsqu'il est arrivé seulement au tiers de la liste des capitaines.
Le capitaine qui passe dans la deuxième classe reçoit un traitement de 3,400 francs et enfin celui qui arrive à la première classe reçoit 3,800 francs.
Vous voyez donc, messieurs, que les divers traitements du grade de capitaine ont été étagés de manière à améliorer la position de l'officier en raison de la durée de ses services.
En cela encore, nous avons été guidés par le même esprit qui a animé M. le ministre des finances ; je pense donc que le reproche que m'a fait l'honorable M. Goblet de m'être écarté des principes de mon collègue n'est pas fondé.
En ce qui concerne les médecins, je suis bien près de m'entendre avec M. Goblet. L'honorable membre demande que l'on augmente le nombre des emplois de médecins correspondants au grade d'officier supérieur.
Il n'y aurait moyen d'adopter cette mesure qu'en n'augmentant pas le traitement actuel des médecins adjoints.
Une proposition m'a été faite dans ce sens, il y a deux ou trois jours, par M. l'inspecteur général du service de santé. Si je l'avais reçue avant la présentation du budget et la distribution du rapport, il est probable que je l'aurais soumise à la Chambre au lieu de l'ajourner à l'année prochaine.
Les médecins-adjoints reçoivent aujourd'hui 2,500 fr., et il me semble, messieurs, que ce traitement doit être considéré comme suffisant pour des hommes qui débutent. En effet, messieurs, les médecins-adjoints sont le plus souvent des jeunes gens tombés au sort et que nous admettons dans les hôpitaux comme élèves-médecins ; ils ont, en débutant, la paye du soldat ; ils sont placés dans les hôpitaux des villes d'université, ils suivent gratuitement les cours de ces universités, et au bout de quelque temps on leur donne la solde de sous-officier.
Deux ans après, quand ils ont passé leurs examens, ils sont nommés médecins-adjoints avec le traitement de 2,500 fr.
Je crois que ce traitement est suffisant pour des débutants, puisqu'il est supérieur à celui de sous-lieutenant des armes spéciales, qui n'ont pas eu les mêmes avantages pour arriver à ce premier grade.
Je crois donc, messieurs, qu'en ne donnant pas d'augmentation aux jeunes gens qui débutent dans le service de santé, je pourrais donner à la moitié des médecins de régiment, au lieu du grade de capitaine, le grade de major. Par suite de cette combinaison, nous arriverions à ne pas augmenter le budget et à donner la chance aux officiers du service de santé d'occuper une position plus élevée après un certain nombre d'années de service.
Si la Chambre partage cette manière de voir, je pourrai présenter un projet et réaliser dès cette année la mesure que je viens d'indiquer.
Il me reste à répondre à l'honorable M. Van Overloop.
Le conseil provincial de la Flandre orientale a émis le vœu que le gouvernement examinât la question de savoir s'il n'y a pas lieu de faire autour du fort Ste-Marie une digue destinée à limiter les inondations que l'on pourrait établir, si la défense du fort l'exigeait au moment de la guerre.
Vous savez, messieurs, que le fort Sainte-Marie n'est pas un fort nouveau et qu'il existe de temps immémorial.
Il est vrai qu'on l'a agrandi, mais cela n'a absolument rien changé à la situation des polders qui l'avoisinent.
Je crois, messieurs, que les habitants des polders ne se sont pat rendu compte de la portée de leur demande.
Ils désirent qu'on fasse une digue de retenue autour du fort et qu'on construise une écluse spéciale d'évacuation des eaux des polders en dehors de cette digue. Mais qu’arriverait-il en cas de guerre ? C'est que l'ennemi percerait cette digue et saignerait immédiatement l'inondation défensive au moyen de la nouvelle écluse.
La garnison se trouvant privée de son moyen principal de défense se (page 252) verrait forcée de couper les digues de l'Escaut et au lieu d'être inondés d’eau douce, les polders seraient inondés d'eau de mer et rendus infertiles pendant de longues années.
Ce qui est vrai, c'est que le canal et les écluses du Melckader ne sont pas suffisants pour l'écoulement des eaux des polders.
Je crois qu'on a voulu profiter de l’agrandissement du fort pour faire remédier à cette situation par le département de la guerre ; quoi qu'il en soit, je ne m'oppose pas à la nomination d'une commission mixte d'ingénieurs civils et militaires pour rechercher ce qu'il y a à faire.
Je dois néanmoins faire remarquer qu'il s'agit d'un travail d'utilité publique et non d'un travail militaire proprement dit, et que son examen incombe plutôt à mon collègue des travaux publics ou à M. le ministre de l'intérieur.
Je répète dans tous les cas que la situation des habitants des polders n'est changée en rien ; elle est aujourd'hui ce qu'elle a été de temps immémorial,
M. Hymans. - M. le ministre de la guerre vient de dire qu'il s'est inspiré, pour les augmentations de traitement, des sentiments et des principes qui ont dirigé l'honorable ministre des finances dans la réorganisation de son département. Je rends volontiers cet hommage à M. le ministre de la guerre à propos des augmentations des traitements militaires ; il peut y avoir quelques détails à reprendre, mais en somme, les modifications introduites sont en harmonie avec le désir manifesté par la grande majorité de la Chambre et par le pays.
Mais, messieurs, les principes appliqués à l'augmentation des traitements de l'armée n'ont pas été étendus à l'amélioration de la position des employés civils du département de la guerre et je vais vous en donner la preuve.
La section centrale a demandé à M. le ministre de la guerre communication du tableau de tous les traitements de l'armée et de toutes les augmentations proposées à son budget. Ce tableau, disait la section centrale, devait être conforme à celui qui a été présenté par M. le ministre des finances, lors de l'examen du budget de son département. Ce tableau, qui a été communiqué, en effet, à la section centrale, ne renferme aucune mention, entre autres, des augmentations accordées aux employés civils des établissements militaires.
Si nous consultons le texte même du budget, nous trouvons au chapitre VI, qui comprend les établissements militaires, qu'il y a une augmentation de 970 francs pour une somme de traitements de plus de 47,000 francs, ce qui fait à peine 2 p. c. ; et comme il ne sera payé pour l'exercice actuel que la moitié de l'augmentation proposée, les petits employés civils des établissements militaires en Belgique ne jouiront que d'une augmentation d'un p. c. de leur traitement en 1863.
Je ne comprends pas cette anomalie, alors que tous les traitements militaires ont été augmentés dans une proportion que je ne veux pas, pour ma part, taxer d'exagérée, mais qui peut être considérée au moins comme très suffisante.
Du reste, l'ensemble du budget, et je regrette de devoir le constater, paraît témoigner d'une tendance à faire aux employés civils du département de la guerre une position moins bonne qu'aux fonctionnaires militaires. Et la preuve en est dans ce qui se fait pour l'administration centrale.
M. le ministre de la guerre, dans la note préliminaire du budget, nous dit que « le crédit de cet article, affecté aux traitements des fonctionnaires et employés civils du département de la guerre, n'a pas été majoré, parce qu'il a été possible d'augmenter les traitements par une réorganisation du personnel qui a réduit le nombre des fonctionnaires et employés civils. Par cette modification, l'augmentation proportionnelle effectuée sur les traitements sera de 10 p. c. environ, mais seulement alors que les extinctions auront réduit l'effectif des employés civils aux chiffres déterminés par la nouvelle organisation. »
Cette mesure n'est évidemment pas juste et il m'est très difficile de m'y rallier.
Elle n'est pas juste, d'abord parce que l'augmentation promise aux employés civils du département de la guerre est subordonné au décès ou à la retraite de leurs collègues. Certes, ce ne sont pas là les principes qui ont guidé M. le ministre des finances dans la réorganisation de son département.
La mesure est encore injuste - et j'appelle sur ce point l'attention spéciale de la Chambre - parce que les fonds déjà disponibles que l'on va distribuer sous forme d'augmentation des employés civils, leur eussent été acquis en toute hypothèse, car un certain nombre d'employés civils du département de la guerre, même parmi ceux qui occupent des grades élevés, ne jouissent pas encore du maximum de leur traitement, malgré leurs longs services.
Je crois donc que les fonctionnaires et les employés du département de la guerre sont moins bien traités que les fonctionnaires des autres départements.
Une autre partie de mes observations - et elles confirment le regret que j'exprimais tout à l'heure, - une autre partie de mes observations s'appliquent aux professeurs et aux répétiteurs civils de l'école militaire.
Le gouvernement propose d'accorder aux professeurs et répétiteurs civils de l'école militaire une augmentation de traitement de 10 p. c. Cette augmentation est, à mes yeux, tout à fait dérisoire ; d'abord, encore une fois parce qu'il y a à l'école militaire des professeurs et des répétiteurs civils qui malgré de longs et loyaux services, malgré un talent distingué et reconnu, ne jouissent pas encore du traitement maximum qui leur est assigné par la loi organique de l'école militaire.
Sous ce rapport, la situation s'est améliorée, je l'avoue, depuis quelques années.
L'honorable général Chazal, depuis sa rentrée aux affaires, a porté remède à quelques-uns des abus qui existaient sur ce point ; M. le ministre d« la guerre a accordé le maximum de leur traitement à quelques professeurs de l'école militaire, à quelques hommes éminents qui occupent un rang élevé dans la science et qu'envient à l'école militaire non seulement nos propres universités, mais encore les universités étrangères.
Je crois que ou deux trois professeurs ont obtenu le maximum de leurs traitements ; mais plusieurs l'attendent encore et on va leur donner 10 p, c. d'augmentation sur un traitement minimum.
Messieurs, je ne comprends pas une semblable proposition, alors que le département de l'intérieur vient nous proposer une augmentation de 1,000 francs pour tous les professeurs ordinaires et extraordinaires des universités de l'Etat.
Les professeurs de l'école militaire, quoique n'étant pas assimilés formellement par la loi aux professeurs de l'enseignement supérieur, leur sont assimilés moralement de par la législature elle-même.
D'abord ils se recrutent de la même façon et parmi les mêmes éléments.
D'après l'article 11 de la loi de 1838, organique de l'école militaire, nul ne peut être professeur s'il n'a le grade de docteur dans la branche de l'instruction supérieure qu'il est appelé à enseigner, et le gouvernement ne peut accorder des dispenses qu'aux hommes qui auront fait preuve d'un mérite supérieur, soit dans leurs écrits, soit dans l'enseignement ou la pratique de la science qu'ils sont appelés à enseigner.
A cet article s'ajoute le commentaire très explicite de l'honorable général qui était ministre de la guerre à l'époque où la loi a été discutée : l'honorable général voulait que ce qu'on exigeait des professeurs des universités de l'Etat, fût exigé formellement des professeurs de l'école militaire et que leur position fût celle des professeurs des universités.
Trouvez-vous que cette déclaration formelle n'est pas suffisante, partc qu'elle n'est pas inscrite dans un texte législatif ? eh bien, ouvrez la loi du 21 juillet 1844, sur les pensions et vous verrez que les dispositions de cette loi, qui règlent les pensions des professeurs des universités de l'Etat, sont également applicables aux professeurs civils de l'école militaire ; prenez les arrêtés royaux de 1850 et de 1858, relatifs aux pensions des veuves et orphelins dis professeurs de l'enseignement supérieur, et vous y verrez que les professeurs et tout le personnel civil des universités de l'Etat sont placés sur la même ligne que les professeurs et le personnel civil de l'école militaire.
Il y a quelque chose à faire en faveur des professeurs de l'école militaire. Ces professeurs jouissent d'avantages beaucoup moins considérables que les professeurs des universités de l'Etat ; ils ne jouissent pas, comme ceux-ci, d'un minerval qui s'élève quelquefois à une somme très importante ; ils ne jouissent pas non plus d'un revenu accessoire provenant des jurys d'examen.
Et s'il est vrai qu'il est interdit aux professeurs des universités comme aux professeurs de l’école militaire, de donner des répétitions rétribuées, d'autre part, les professeurs des universités étant les uns médecins, les autres jurisconsultes, peuvent augmenter leurs ressources et leurs revenus, par un travail fait en dehors de leurs fonctions officielles ; tandis que les professeurs et les répétiteurs de l'école militaire sont, en général, des savants, des mathématiciens qui, hors d'une chaire, ne peuvent trouver de ressources que dans des leçons ou des répétitions particulières.
Je dis qu'il y a là un véritable déni de justice. Je ne comprends pas la raison pour laquelle les professeurs de l'école militaire, qui font partie de l'enseignement supérieur, sont placés, pour l'augmentation, sur la même ligne que les professeurs de l'enseignement moyen ; encore pour ceux-ci, la section centrale du budget de l’intérieur, non contente de (page 253) la proposition du gouvernement, en formule de plus avantageuses, auxquelles la Chambre, je l'espère, fera un recueil favorable.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Nous sommes d'accord.
M. Hymans. - M. le ministre de l'inférieur me fait remarquer qu'il est d'accord avec la section centrale du budget de l'intérieur, quant aux propositions auxquelles je viens de faire allusion ; je 1 en remercie et l'en félicite. Mais cela ne fait que renforcer mes arguments en faveur des professeurs de l'école militaire.
Je ne veux pas me rasseoir sans dire quelques mots à propos de la position des officiers du service de santé dont il vient d'être question. M. le ministre de la guerre a dit, si je l'ai bien compris, que l'amélioration de la position de ces officiers exigerait une allocation nouvelle au budget.
M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Non ! non !
M. Hymans. - Je voulais faire observer que les officiers du service de santé ne demandent pas une augmentation de traitement ; ils demandent seulement une augmentation de grade... (Interruption.) Toutes les réclamations qui nous ont été adressées n'ont eu d'autre objet qu'une promotion de grade. On demande, par exemple, qu'un médecin de régiment puisse, après un certain nombre d'années de service, arriver tout au moins au grade de major. En France, messieurs, d'après une mesure récente, tous les médecins de régiment sont assimilés, quant au grade, à ces officiers supérieurs.
Nous demandons qu'un certain nombre soient admis à cet avantage en Belgique, et par suite, que les médecins de garnison soient assimilés an grade de lieutenant-colonel et les médecins principaux au grade de colonel.
Cette mesure pourrait être prise sans augmentation du budget de la guerre qui nous est proposé.
On ne peut donc m'opposer une fin de non-recevoir tiré de l'état de nos finances.
Il ne s'agit que d'une question de dignité professionnelle.
Je prierai M. le ministre de la guerre de me donner des explications sur les quelques points dont je viens de m'occuper ; j'espère qu'elles seront satisfaisantes et me permettront de donner au budget un vote approbatif.
M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Je crois que l'honorable M. Hymans est dans l'erreur en ce qui concerne les employés civils du département de la guerre. Ces employés ont un traitement en rapport avec celui des employés civils des autres départements ; il y a, pour eux comme pour les autres, un traitement maximum et un traitement minimum. Il est évident qu'on ne peut pas accorder aux employés civils qui débutent dans la carrière un traitement égal à celui des fonctionnaires qui ont plusieurs années de service, et qui se signalent par leur mérite.
Pour améliorer la position des fonctionnaires civils, on a augmenté les attributions de certaines directions de l'administration de la guerre et diminué le nombre des employés. Depuis mon entrée au ministère, j'ai travaillé dans cet ordre d'idées : je n'ai pas maintenu les emplois qui sont devenus disponibles et je n'ai pas remplacé les employés mis à la pension à cause de leur âge. Il en est résulté qu'il nous a été possible déjà d'accorder des augmentations importantes à plusieurs des employés civils du département de la guerre et que nous pourrons encore leur en accorder d'autres cette année.
En général l'augmentation sera de 10 p. c. sur le chiffre maximum des traitements dont ils jouissaient ; mais, de même que dans les autres départements, ce maximum ne sera accordé qu'après un certain nombre d'années et aux employés qui auront fait preuve de capacité et de bonne conduite. Voilà, messieurs, quelle est la position des employés civils du département de la guerre ; je crois leur avoir appliqué les principes qui ont été adoptés dans toutes les autres administrations.
Quant aux professeurs de l'école militaire, leurs traitements ont été fixés par une loi et ces traitements seront augmentés de 10 p. c. qui est le taux moyen des augmentations pour l'armée. Si la Chambre avait l'intention de se montrer plus généreuse à l'égard de ces professeurs, j'aurais très mauvaise grâce de venir m'y opposer. Je n'ai pas demandé plus pour eux que pour les autres, parce que j'ai cru qu'il ne m'appartenait pas de prendre l'initiative d'une semblable mesure ; mais je ne combattrai pas la proposition d'améliorer la position d'hommes de talent, qui rendent d'incontestables services.
L'honorable M. Hymans peut être convaincu que je leur porte autant d'intérêt que qui que ce soit.
Je crois toutefois devoir indiquer à la Chambre les chiffres des traitements maxima des professeurs de l'école militaire, afin qu'elle puisse mieux apprécier s'il y a lieu de les élever. Le traitement maximum des professeurs est de 6,000 fr. ; ce chiffre sera élevé à 6,600 fr. par suite de l'augmentation de 10 p. c. Les répétiteurs ont un traitement maximum de 2,400 fr., qui sera porté à 2,640 fr. par application de la même mesure.
Le gouvernement a donc traité les membres du corps enseignant de l'école militaire comme toutes les autres catégories de fonctionnaires.
Quant aux médecins, je viens de dire que j'adoptais en principe une assimilation de grade plus élevée pour un certain nombre d'entre eux ; mais je ne puis pas admettre, comme le propose l'honorable M. Hymans, que tous les médecins de régiment soient assimilés au grade de major.
M. Hymans. - J'ai dit une partie.
M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Je ne puis pas admettre non plus qu'en principe les médecins de garnison soient assimilés au grade de lieutenant-colonel et les médecins principaux au grade de colonel.
L'honorable M. Hymans nous dit : Les médecins ne demandent pas d'augmentation de traitement ; ils ne demandent que l'assimilation à un grade plus élevé. Je le veux bien, mais il existe une loi portant que les médecins jouissent du traitement attaché au grade auquel ils sont assimilés dans les armes les mieux rétribuées, dans les armes spéciales ; si donc vous assimilez cette année les médecins de garnison au grade de lieutenant-colonel et les médecins principaux au grade de colonel, l'année prochaine ils viendraient peut-être demander le traitement attaché à chacun de ces grades, et il en résulterait une charge assez lourde pour le Trésor.
Mais il y a une combinaison qui, sans occasionner d'augmentation de dépense, pourrait, selon moi, donner satisfaction à tout le monde ; c'est celle qui fait l'objet de l'amendement que je me disposais à présenter, et. en vertu de laquelle les médecins de régiment (et ce grade est le bâton de maréchal de la plupart des médecins) pourraient, après 10 années de service, obtenir, par assimilation, le grade de major des armes spéciales et obtenir le traitement attaché à ce grade.
Ce serait là une amélioration notable ; aussi ai-je lieu d'espérer que la mesure que j'ai l'honneur de proposer et à laquelle la Chambre fera, sans doute, un accueil favorable, satisfera les plus légitimes prétentions. Cependant, comme nous dérogerons ici à la loi d'organisation, un projet de loi, que j'ai du reste fait préparer, sera nécessaire pour confirmer la dérogation que comportait mon amendement.
M. Goblet. - Je commence par remercier l'honorable général Chazal d'avoir pris en considération les quelques paroles que j'ai prononcées en faveur de l'amélioration de la position des médecins militaires, et d'y avoir fait droit au moyen d'une mesure qui ne coûtera rien à l'Etat, qui est sérieuse et fera cesser toute espèce de plainte.
Permettez-moi maintenant de répondre quelques mots à ce qu'a dit M. le ministre de la guerre relativement aux appointements des officiers.
La moyenne qu'on invoque à chaque instant n'est pas une raison juste, équitable, car la moyenne est fort peu de chose pour les traitements inférieurs relativement aux nécessités de la vie et beaucoup quand il s'agît de très gros traitements. Nous trouvons dans le projet de budget des majorations de 14, 15 p. c. pour les colonels et lieutenants-colonels et même 20 p. c. pour les généraux commandants de province.
L'honorable général a dit que les officiers jouissant de traitements supérieurs étaient obligés d'acheter des chevaux, de satisfaire des exigences dont le prix avait augmenté d'une manière énorme, que les lieutenants et les sous-lieutenants n'étaient pas dans ce cas.
Je répondrai qu'il y a un objet qui pèse à peu près d'une manière égale sur toutes les bourses, grandes ou petites, cet objet c'est la tenue.
La tenue dans certaines circonstances est une charge extrêmement lourde pour les lieutenants et sous-lieutenants, tandis qu'elle est relativement légère pour les colonels et tous les officiers supérieurs.
Ainsi l'on va changer l'uniforme de la cavalerie.
Il est difficile d'apprécier la charge qui va résulter de ce changement, car nous n'avons pas de données certaines.
Mais enfin, l'honorable général Chazal, d'après ce que j'en sais, lutte énergiquement contre les uniformes devant coûter trop cher ; on veut faire du brillant ; il s'y oppose ; je l'en félicite ; mais quelque bon marché que doive coûter le nouvel uniforme, le changement constituera toujours une dépense très forte. Si on n'adopte pas la même couleur pour toute la cavalerie, chaque fois qu'un officier changera de régiment, il y aura une dépense de changement de tenue qui pèsera lourdement sur les lieutenants et les sous-lieutenants.
Cette dépense sera-t-elle de 1,800 à 2,000 francs ? Je ne vais pas jusque-là. Je suppose seulement qu'il coûte 1,200 francs ; d'après le règlement de 1819 vous serez obligé d'opérer une retenue d'un douzième. Après (page 254) avoir absorbé la masse de 300 ou 400 francs qui n'est presque jamais au complet, tous les mois vous devrez faire une retenue d'une centaine de francs sur les appointements d'un lieutenant et sous-lieutenant qui a à peine de quoi vivre ; il ne lui restera, de cette façon, presque rien.
Pour les grades inférieurs on a été loin de faire ce qu'on a fait pour les grades supérieurs. Le général Chazal l'a si bien senti lui-même que s'il trouve l'augmentation satisfaisante pour les grades supérieurs, il est forcément amené à déclarer loyalement que les lieutenants et les sous-lieutenants n'ont pas ce qui leur est dû ; il a ajouté que l’amélioration de position proposée n'était pas ce qu'ils devaient obtenir. Messieurs, il y a, dans cette idée que l'on doit se consoler d'être dans une misère relative en songeant que plus tard on sera dans l'aisance. quelque chose de radicalement faux. Il ne faut pas que l'amour de l'avancement soit provoqué par la gêne ; il ne faut pas que, pour l'officier, l'avancement soit une question d'existence matérielle ; ce sont des aspirations morales, des pensées plus élevées qui doivent animer notre armée.
M. Van Overloop. - Messieurs, j'ai le regret de devoir le dire, les paroles qu'a prononcées M. le ministre de la guerre ne sont pas de nature, selon moi, à tranquilliser les habitants du pays de Waes, et à satisfaire le conseil provincial de la Flandre orientale.
J'ai demandé à M. le ministre si un officier du génie avait été chargé d'examiner la question soulevée par le conseil provincial de la Flandre orientale.
M. le ministre n'a pas répondu d'une manière précise. Je dois donc revenir à la charge.
Je demande, en premier lieu, si un officier a été chargé d'étudier la question et quel a été le résultat de ses études ; je demande en second lieu, dans le cas où aucun officier n'aurait été chargé de cette mission, si M. le ministre ne serait pas disposé à faire examiner la question.
Le fort Sainte-Marie existe, il est vrai, depuis longtemps, mais ce n'est que depuis peu d'années qu'il a été considérablement agrandi.
Je me rappelle que cet agrandissement a provoqué, en 1858 et en 1859, les plaintes des habitants de Calloo.
C'est à cette époque qu'ils ont adressé des pétitions à la Chambre ; ces pétitions, appuyées par mon honorable collègue M. Janssens et moi, ont été renvoyées au ministre de la guerre, avec demande d'explications.
Je me rappelle qu'en mars 1859, une note d'explications a été fournie, au nom du ministre de la guerre ad intérim, l'honorable général Berten, par le ministre de l'intérieur de cette époque, note qui n'a pas satisfait les pétitionnaires.
Mais tout cela ne résout pas la question soulevée et que je me permets de répéter.
L'honorable ministre de la guerre, en me répondant, a dit que les écluses du Melckader sont insuffisantes pour évacuer les eaux de Calloo. Mais, encore une fois, cela ne répond pas à ma demande.
Il s'agit de savoir si la fermeture des écluses de Melckader, dans l'intérêt de la défense du fort Sainte-Marie, pourrait entraîner une inondation supérieure à celle qui serait nécessaire pour la défense de ce fort.
Si l'inondation devait s'étendre au-delà des besoins du fort, il serait du devoir du gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir cette calamité. C'est là-dessus que porte la demande du conseil provincial de la Flandre orientale.
Il ne s'agit pas, comme on l'a insinué, pour les pétitionnaires, de faire faire par le département de la guerre des travaux dans leur intérêt.
Là n'est pas la question ; il s'agit de savoir si l'inondation ne s'étendrait pas au-delà du point où les besoins de la défense du fort exigent qu'elle aille. Si l'inondation devait avoir ces conséquences, le gouvernement doit, j'insiste sur ce point, prendre des mesures pour empêcher qu'il en soit ainsi.
Je répète, en terminant, ma demande : un officier du génie est-il chargé d'étudier la question, et dans le cas de la négative, M. le ministre de la guerre se propose-t-il d'en charger un ?
Je désire une réponse catégorique, afin que les habitants du pays de Waes et le conseil provincial de la Flandre orientale sachent à quoi se tenir et puissent agir en conséquence.
M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Je croyais que les explications que j'ai données tout à l'heure auraient paru satisfaisantes à l'honorable préopinant.
Maintenant, il me pose deux questions catégoriques ; il me demande si un officier a été nommé pour examiner les travaux à faire pour limiter les inondations autour du fort Sainte-Marie, et dans la négative, si je me propose d'en nommer un.
Quand j'ai eu connaissance de la délibération du conseil provincial de la Flandre orientale, j'ai demandé l’avis de la direction du génie sur cette question.
Il résulte des renseignements qui m'ont été fournis, que rien n'est changé dans le régime des eaux, que c'est une question d'intérêt local, et que si l'on voulait la faire examiner à fond, il faudrait demander le concours de l'ingénieur civil et dos personnes au courant du régime des polders.
S'il peut être agréable à l'honorable M. Van Overloop et aux habitants du pays de Waes qu'on fasse faire cet examen approfondi, je ne m'y oppose pas le moins du monde, et je désignerai volontiers un officier du génie pour étudier la situation du polder, à la condition qu'on lui adjoigne un ingénieur civil.
Je dois un mot de réponse à l'honorable M. Goblet.
Dans la révision des traitements, nous avons surtout, comme je l'ai expliqué tout à l'heure, eu grand soin d'augmenter les moins élevés, et particulièrement le traitement de capitaine ; taudis que pour les autres traitements, nous avons été fort modérés. Cela tient un peu à ma position particulière.
En effet, je crois que si je n'avais pas été officier général je n'aurais pas hésité à faire pour les officiers généraux et supérieurs ce qui a été fait pour toutes les autres catégories de fonctionnaires publics.
Quant aux modifications à introduire dans l'uniforme, que l'honorable M. Goblet se rassure. C'est précisément dans l'ordre d'idées qu'il a indiqué que la commission que j'ai nommée travaille ; et elle a pour mission de chercher à rendre l'uniforme moins dispendieux, afin qu’il n'y ait pas d'augmentation de dépenses pour les officiers à la suite des changements de corps.
La commission est d'accord avec moi pour introduire toute l'économie possible dans le nouvel uniforme de la cavalerie.
M. Debaets. - Messieurs, M. le ministre de la guerre a répondu d'une manière très catégorique à l'interpellation faite par l'honorable M. Kervyn de Volkaersbeke, que la citadelle de Gand serait maintenue, sauf à fonder notre espoir sur les progrès ultérieurs à réaliser par la science militaire.
J'en suis fort au regret, parce qu'en définitive les citadelles ne nous ont laissé à Gand que de tristes souvenirs ; je croyais que, moyennant la grande citadelle d'Anvers, nous aurions au moins été débarrassés de la nôtre.
En 1849, la Chambre a maintenu la citadelle de Gand à une majorité de deux voix.
II paraît que l'art militaire, sous ce rapport. n'a pas fait de grands progrès depuis lors, car je pense que si la question devait être posée actuellement à la Chambre, la majorité serait plus forte.
Donc je dois accepter la chose comme un fait et me borner à parler en peu de mots des conséquences de ce fait, des accessoires, c'est-à-dire des servitudes.
Dans le courant de la session passée, je me suis plaint de ce que l'application des servitudes militaires se fît d'une manière telle que souvent elle révoltait non seulement les premières notions de justice, mais encore les premières notions du bon sens.
J'ai fait allusion à quelques faits et j'ai demandé des explications. J'ai cité notamment deux faits qui avaient occupé les tribunaux et relativement auxquels l'autorité militaire avait suivi des voies diamétralement opposées.
Eh bien, messieurs, ce système arbitraire continue encore.
J'ai demandé qu'on voulût examiner s'il n'y avait pas eu moyen de réglementer d'une manière définitive l'exercice des servitudes militaires.
S'il y a une citadelle, il faut des servitudes ; cela est évident. Si la citadelle est nécessaire, qu'on la maintienne ; mais que l'on règle au moins l'exercice des servitudes de telle manière que ceux qui sont éventuellement exposés à y être soumis sachent à quoi s'en tenir.
Je vous citerai, messieurs, brièvement quelques faits et je crois que la Chambre partagera ma conviction, qu'il y a, dans l'application des servitudes militaires, du laisser aller, du vague, quelque chose d'indéterminé, des appréciations variant d'individu à individu, de telle façon qu'aucune règle fixe n'est pratiquée, que, par conséquent, tout est laissé à l'arbitraire.
Lorsque vous sortez de la ville de Gand, au pied même du glacis, vous avez une série de constructions. On a bâti, à une époque qui n'est pas éloignée de nous, des maisons très importantes. On y a construit des usines, on y a bâti, il n'y a pas longtemps, toute une cité ouvrière.
Je dis que de ces faits-là on devrait conclure que l'exercice de la servitude militaire dans ce rayon est une chose inutile.
Eh bien, messieurs, à côté de ces bâtiments qu'on laisse élever, on fait des défenses de bâtir.
(page 255) Ainsi des terrains tenant immédiatement à des maisons construites il y a quelques années sont frappés d'une manière absolue de la servitude de non bâtir.
Il y a un an on a défendu de bâtir (ce fait a été signalé par mon honorable collègue de Gand, M. Jacquemyns) à l'intérieur de la ville, au beau milieu de la rue de Courrai, c'est-à-dire, à plusieurs centaines de mètres à l'intérieur de la ville. On a défendu de bâtir dans un jardin qui était encaissé dans une série de constructions existant depuis des années.
Voilà des faits absurdes.
II en est d'autres.
En pleine campagne, dans le rayon prohibé et devant le front le plus important de la citadelle on a bâti, il y a quelques années, une église, un presbytère et une école, des bâtiments à plusieurs étages.
Tout près de là, un propriétaire demande la permission d'élever un petit pavillon, on la lui accorde, mais quand les murs sont faits, il s'avise d'y mettre un parquet en carreaux de briques. On le lui interdit.
Un propriétaire demande la permission de bâtir deux maisonnettes. Il en obtient la permission. Mais il avait oublié d'indiquer dans les plans les puits de pompe et autres puits. Il croyait que c'était là un accessoire nécessaire à la construction. Il veut donc les construire. Défense !
Un propriétaire demande à restaurer un petit chenil, un bâtiment ayant 3 ou 4 pieds d'élévation, refus. Requête au ministère. La demande est accueillie.
Je tiens encore d'autres faits, messieurs ; j'ai l'embarras du choix.
A plusieurs centaines de mètres de la ville, presque à l'extrémité du rayon des servitudes, se trouve une maison de campagne.
On s'aperçoit qu'au travers du toit la pluie s'infiltre. On va restaurer le toit à l'intérieur. Procès-verbal.
Dans cette même construction on veut blanchir des murs extérieurs. Il fallait, pour cela restaurer quelque peu le crépissage. Autre défense.
Voilà le système auquel nous sommes soumis. Je n'ai fait que choisir quelques faits parmi plusieurs.
Pour en finir : sur le glacis de la citadelle, il s'élève une maison à étages, en briques, ayant des puits, des pompes, un chenil, le tout bien entretenu et restauré.
Ces constructions appartiennent au génie militaire, ou sont au moins habitées par son agent.
En présence de cet arbitraire et pour d'autres motifs qu'il n'est pas nécessaire d'énoncer actuellement, je voterai contre le budget de la guerre.
M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Messieurs, il me serait extrêmement difficile de donner des renseignements sur tous les faits que vient de signaler l'honorable M. Debaets.
Je déclare que je les ignorais complètement ; ils ne m'ont jamais été signalés. Si l'honorable membre m'en avait instruit à temps, j'aurais pu donner des explications détaillées à la Chambre. Pour le moment je me bornerai à quelques observations générales.
Jusqu'en ces derniers temps on n'avait pas fait exécuter la loi sur les servitudes militaires. Je vous l'ai déjà déclaré et je vous ai dit que par suite de cette faiblesse du gouvernement, dont tout le monde est un peu coupable, moi comme les autres, puisque pendant mon premier ministère, je n'ai pas tenu la main à l'exécution de la loi, on avait paralysé tout le système de défense du pays à tel point qu'il n'y avait pas une place forte qui n'en fût notablement affaiblie.
La loi n'était pas exécuté : on avait beau dresser des procès-verbaux, la situation restait la même et les bâtisses continuaient.
Quand on a désigné les places qui devaient être conservées dans l'intérêt de la défense du pays, j'ai donné aux agents du génie l'ordre de faire exécuter la loi, mais avec toute la modération possible.
J'ai fait ensuite examiner s'il y avait moyen de réduire la zone intérieure des citadelles. On a limité cette zone aux terrains strictement nécessaires et l'on a fait connaître aux habitants que dans la zone ainsi déterminée l'on ne pourrait plus bâtir ; seulement comme la loi autorise le département de la guerre à permettre la construction de maisonnettes en bois, pourvu qu'il n'y soit fait ni cave ni puits, le département de la guerre a cru devoir, dans l'intérêt de l'agriculture, autoriser la construction de ces sortes de maisonnettes et l'on ne peut lui en faire un reproche.
Mais tout en se montrant tolérant il doit empêcher qu'il ne se produise des faits comme ceux qui ont été signalés, par exemple, à Termonde. Un particulier de cette ville demande à construire une maison en bois. Le département de la guerre autorise cette construction. Mais au bout de quelque temps, l'on s'aperçoit que la maison en bois n'est qu'une enveloppe, et qu'à l'intérieur on a élevé une maison en briques. Quand des faits semblables se passent, il faut bien que le génie militaire les signale et que le département de la guerre fasse exécuter la loi.
Si l'on veut que la défense du pays soit possible, il faut empêcher qu'on ne paralyse cette défense ; je crois donc, en agissant comme je le faits, remplir un devoir envers le pays, devoir très pénible pour moi, et dans l'accomplissement duquel j'ai besoin d'être soutenu par la Chambre.
M. Debaets. - Je tiens à répondre un mot à ce que vient de dire M. le ministre delà guerre.
D'abord, dans les observations que j'ai eu l'honneur de vous présenter, il n'y avait rien de personnel à l'honorable chef du département delà guerre. Car je suis certain que si l'honorable chef du département connaissait les vexations, l'arbitraire avec lequel les règlements sont appliqués et interprétés par ses subordonnés, les choses ne se passeraient pas ainsi.
Mais je dis que lorsque devant le front de la citadelle, vous laissez construire de 40 à 50 maisons, les unes attenant aux autres, les unes avec autorisation, les autres sans autorisation et que, quand un malheureux (le fait s'est passé il y a un an ou dix-huit mois) construit une maison attenant aux maisons déjà existantes, on lui laisse dépenser quelques milliers de francs et l'on envoie ensuite un peloton de soldats pour démolir sa maison, il y a là un arbitraire que l'on ne pourrait assez sévèrement blâmer.
Si les servitudes militaires sont nécessaires, exercez-les, mais exercez-les également vis-à-vis de tout le monde et que l'on sache à quoi s'en tenir. Limitez ensuite, par un règlement précis et dans la mesure du possible, le rayon de ces servitudes.
Je ne demande pas l'impossible. Il y aura des servitudes aussi longtemps qu'il existera des citadelles, et ce n'est pas le moment de discuter l'opportunité de telle ou telle citadelle ; d'ailleurs je ne suis pas compétent pour discuter cette question en ce moment ; mais je demande que les prescriptions à cet égard s'exercent partout et envers tout de la même manière.
M. de Gottal. - J'ai demandé la parole uniquement pour déclarer pourquoi la députation d'Anvers ne prend pas part à ce débat ; c'est qu'une pétition a été envoyée à la Chambre et sera discutée prochainement, j'espère alors rencontrer l'appui de mon honorable collègue.
M. Bara. - Messieurs, je voterai pour le budget de la guerre, et je désire motiver mon vote en quelques mots. Le budget de la guerre, tel qu'il vous est présenté, est la conséquence de plusieurs lois à la confection desquelles je n'ai point pris part et sur le mérite desquelles je réserve complètement mon opinion. Je vote le budget parce que, dans ma pensée, en présence de ces lois et de l'état des choses, tant à l'extérieur qu'à l'intérieur du pays, il serait impossible à aucun gouvernement, à quelque opinion qu'il appartienne, de présenter actuellement un autre budget. Mon vote approbatif n'est donc qu'un vote de circonstance. J'ajouterai que j'émets le vœu que la Belgique puisse, dans l'avenir, opérer des réductions dans ses dépenses militaires.
- La discussion générale est close. La Chambre passe, à la délibérations sur les articles.
« Art. 1er. Traitement du ministre : fr. 21,000. »
- Adopté.
« Art. 2. Traitement des employés civils : fr. 154,810. »
« Charge extraordinaire : fr. 650. »
- Adopté.
« Art. 3. Supplément aux officiers et sous-officiers employés au département de la guerre : fr. 16,000. »
- Adopté.
« Art. 4. Matériel : fr. 40,000. »
- Adopté.
« Art. 5. Dépôt de la guerre : fr. 19,000.
« Charge extraordinaire : fr. 100,000. »
- Adopté.
« Art. 6. Traitement de l'état-major général : fr. 808,908 40. »
- Adopté.
« Art. 7. Traitement de l'état-major des provinces et des places : fr. 320,451 95. »
- Adopté.
(page 256) « Art. 8. Traitement du service de l'intendante : fr. 158,466. »
- Adopté.
« Art. 9. Traitement de officiers des santé : fr. 237,845 50. »
M. le président. - M. le ministre de la guerre propose, par amendement, une diminution de 6,200 fr., ce qui réduit le chiffre à 231,645 fr. 50 c.
- Ce dernier chiffre est adopté.
« Art. 10. Nourriture et habillement des malades ; entretien des hôpitaux : fr. 574,750. »
- Adopté.
« Art. 11. Service pharmaceutique : fr. 120,000. »
- Adopté.
« Art. 12. Traitement et solde de l’infanterie : fr. 13,110,871 06.
« Les crédits qui resteront disponibles, à la fin de l'exercice, sur les chapitres II, III, IV et VIII, concernant le personnel, pourront être réunis et transférés, par des arrêtés royaux, à la solde et autres allocations de l'infanterie, ce qui permettra le rappel sous les armes pendant un temps déterminé, d'une ou de deux classes de miliciens, qui appartiennent à la réserve. »
M. le ministre de la guerre propose une diminution de 3,375 fr., ce qui réduirait le chiffre à 13,107,496 fr. 6 c.
- Ce dernier chiffre est adopté.
« Art. 13. Traitement et solde de la cavalerie : fr. 3.744,125 44. »
M. le ministre de la guerre propose une augmentation de 3,350 fr., ce qui porte le chiffre à 3,747,473 fr. 44 c.
- Ce dernier chiffre est adopté.
« Art. 14. Traitement et solde de l'artillerie : fr. 3,133,651 50. »
M. le ministre de la guerre propose une augmentation de 3,900 fr., ce qui porterait le chiffre à 3,137,521 fr. 50 c.
M. Mouton. - Messieurs, en consultant les tableaux annexés au budget, on remarque une différence dans le chiffre de la solde journalière attribuée aux sous-officiers de chaque arme.
Ainsi, dans la cavalerie le maréchal des logis chef aurait une solde de fr. 2,55 par jour, dans l'artillerie montée fr. 2,45 et dans le train fr. 2,53.
La solde du maréchal de logis serait de fr. 2,10 ou 2,12 pour la cavalerie, 2 fr. pour l'artillerie et fr. 2,08 pour le train.
Quant aux sous-officiers des batteries à cheval, ils sont placés sur la même ligne que ceux de la cavalerie.
Il résulte de ces tableaux que les sous-officiers des. batteries montées toucheraient une solde inférieure de 10 centimes à celle de la cavalerie.
Je sais que la différence que je signale n'est pas nouvelle, elle existait déjà dans les budgets précédents, bien entendu abstraction faite de l'augmentation proposée, mais comment se justifie-t-elle ?
On ne contestera pas que les sous-officiers dont je parle ont des fonctions importantes à remplir.
Indépendamment des connaissances propres au cavalier, ils doivent posséder l'instruction relative à leur arme, instruction qui est longue et compliquée.
D'un autre côté, ils ont peu de chances d'avancement : un très petit nombre a l'espoir de parvenir au grade d'officier.
Il semble dès lors qu'en bonne justice et en tenant compte de ces considérations, ils devraient être appelés à jouir de la même solde que ceux qui appartiennent à la cavalerie ou aux batteries à cheval.
Je prierai M. le ministre de la guerre de vouloir bien donner quelques explications sur cette différence de traitement.
M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Messieurs, la différence signalée par l'honorable préopinant n'existe pas pour les sous-officiers de l'artillerie à cheval, elle existe pour les sous-officiers de l'artillerie montée ; mais cette différence a, je pense, existé de tout temps. Je n'ai pas en mémoire les motifs qui l'ont fait établir, mais ce ne peut pas être sans raison qu'on a mis les sous-officiers de l'artillerie montée dans une position d'infériorité. Quoi qu'il en soit, j'examinerai la question, et s'il y a quelque chose à faire, je proposerai une modification au prochain budget.
- Le chiffre proposé par la section centrale est mis aux voix et adopté.
« Art. 15. Traitement et solde du génie : fr. 842,858 63. »
M. le ministre de la guerre a proposé une augmentation de 2,150 fr., ce qui porte ce chiffre à 845,008 fr. 63 c,
- Ce chiffre est adopté.
« Art. 16. Traitement et solde des compagnies d'administration : fr. 281,647 85
« Les hommes momentanément en subsistance près d'un régiment d'une autre arme compteront, pour toutes leurs allocations, au corps où ils se trouvent en subsistance. »
- Adopté.
« Art. 17. Etat-major, corps enseignant et solde des élèves : fr. 167,121 27. »
- Adopté.
« Art. 18. Dépenses d'administration : fr. 29,003 73. »
- Adopté.
« Art. 19. Traitement du personnel des établissements : fr. 48,015. »
- Adopté.
« Art. 20. Matériel de l'artillerie : fr. 800,000. »
- Adopté.
« Art. 21. Matériel du génie : fr. 700,000. »
- Adopté.
« Art. 22. Pain: fr. 1,903,306. »
- Adopté.
« Art. 23. Fourrages en nature : fr. 3,113,085 30. »
- Adopté.
« Art. 24. Casernement des hommes : fr. 632,506 36. »
- Adopté.
« Art. 25. Renouvellement de la buffleterie et du harnachement : fr. 100,000. »
- Adopté.
« Art. 26. Frais de route et de séjour des officiers : fr. 100,000. »
- Adopté.
« Art. 27. Transports généraux : fr. 75,000. »
- Adopté.
« Art. 28. Chauffage et éclairage des corps de garde : fr. 70,000. »
- Adopté.
« Art. 29. Remonte : fr. 596,990. »
- Adopté.
« Art. 30. Traitements divers et honoraires : fr. 140,527 88.
« Charge extraordinaire : fr. 773 80. »
- Adopté.
« Art. 31. Frais de représentation : fr. 30,000. »
- Adopté.
« Art. 32.Pensions et secours : fr. 103,150.
« Charge extraordinaire : fr. 3,515 86. »
- Adopté.
« Art. 33. Dépenses imprévues non libellées au budget : fr. 16,330 13. »
La section centrale propose de réduire ce chiffre à 16,294 fr. 13 c.
- Adopté.
- Adopté.
La Chambre décide qu'elle procédera immédiatement au vote définitif.
(page 257) Les divers amendements introduits au projet sont successivement mis aux voix et définitivement adoptés.
L'article unique du projet de loi est ainsi conçu :
« Le budget du ministère de la guerre est fixé, pour l'exercice 1863, à la somme de trente-quatre millions deux cent cinquante et un mille francs (fr. 54,251,000), conformément au tableau ci-annexé. »
Il est mis aux voix par appel nominal.
Voici le résultat de cette opération :
(erratum, page 263) 66 membres répondent à l'appel.
53 membres répondent oui.
10 membres répondent non.
3 membres s'abstiennent.
En conséquence, la Chambre adopte. Le projet de loi sera transmis au Sénat.
Ont répondu oui : MM. Van Iseghem, Van Leempoel de Nieuwmunster, Van Overloop, van Renynghe, Van Volxem, Verwilghen, Allard, Bara, Cumont, de Baillet-Latour, de Decker, De Fré, de Liedekerke, de Mérode, de Moor, de Muelenaere, de Pitteurs-Hiegaerts, de Renesse, de Ridder, de Rongé, de Ruddere de te Lokeren, de Terbecq, de Theux, Devaux, Dolez, B. Dumortier, H. Dumortier, d’Ursel, Faignart, Frère-Orban, Grandgagnage, Guillery, Hymans, Jacquemyns, Jamar, J. Jouret, Kervyn de Volkaersbeke, le Bailly de Tilleghem, Mouton, Muller, Nothomb, Pirson, Rodenbach, Rogier, Sabatier, Snoy, Tesch, Thibaut, Thienpont, Van Bockel, A. Vandenpeereboom, Vanderstichelen et Vervoort.
Ont répondu non : MM, Coomans, Crombez, Debaets, de Boe, Dechentinnes, de Gottal, Goblet, Grosfils, E. Vandenpeereboom et Van Humbeeck.
Se sont abstenus : MM. de Naeyer, Kervyn de Lettenhove et Vander Donckt.
Ces trois membres motivent leur abstention en ces termes :
M. de Naeyer. - Je n'ai pas voté contre le budget de la guerre, parce que je ne veux pas qu'on puisse supposer que mon opinion est changée en ce qui concerne le système défensif du pays ; d'un autre côté, il m'a été impossible d'admettre l'application qui a été faite du principe d'augmentation des traitements.
M. Kervyn de Lettenhove. - Messieurs, comme l'année précédente, j'ai voulu, par mon abstention, concilier l'expression de mes sympathies pour l'armée avec le vœu de voir mettre un terme à l'accroissement de dépenses qui, selon moi, ne sont pas en rapport avec la mission constitutionnelle du pays.
M. Vander Donckt. - Messieurs, depuis que j'ai l'honneur de siéger dans cette enceinte, je n'ai pas voté un seul budget de la guerre, et toujours par le même motif : ce sont les dépenses excessives qu'occasionne ce département. D'autre part, je n'ai non plus voté ni l'organisation de l'armée, ni les fortifications d'Anvers. Du reste, je me rallie aux motifs allégués par M. Kervyn de Lettenhove.
- La Chambre décide qu'elle se réunira demain en séance publique à 3 heures.
- La séance est levée à 4 1/2 heures.