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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 20 décembre 1862

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1862-1863)

(page 179) (Présidence de M. Vervoort.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Thienpont procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.

M. de Moor fait lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Thienpont présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Des habitants d'Angleur demandent l'établissement d'une station dans cette commune. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les membres du conseil communal de Vesqueville demandent la révision de la loi sur la mendicité. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Bourdon demandent que le chemin de fer de l'Ourthe passe au nord de la ville de Marche. »

- Même renvoi.


« Le sieur Verlinden, ancien chef de l'octroi de la ville de Turnhout, demande que son traitement d'attente soit converti en pension viagère ou qu'il lui soit continué. »

- Même renvoi.


« Le sieur Louis Noël, qui se trouvait à l'étranger à l'époque où il devait satisfaire aux obligations de la milice, demande de pouvoir participer au tirage prochain et de n'être point considéré comme réfractaire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa pétition. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Bruxelles prient la Chambre d'accorder aux employés inférieurs une augmentation de 85 p. c. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget et du projet de loi concernant la fixât on des traitements.


« Les huissiers de la cour de cassation demandent une augmentation de traitement pour le service des audiences de cette cour. »

- Renvoi à la commission chargée d'examiner le projet de loi sur l'organisation judiciaire.


« Les huissiers audienciers près la cour d'appel, près les tribunaux civil, correctionnel, de commerce et des justices de paix de Gand et des cantons ruraux demandent un traitement pour le service des audiences. »

- Même renvoi.


« Le sieur Sablon présente des observations sur l'amendement relatif au traitement des juges de paix. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif aux traitements des membres de l'ordre judiciaire.


« Les sieurs Mullem, Circkens et autre» membres d'une société flamande à Bruges, déclarent appuyer la demande des membres d'une société littéraire de Gand ayant pour objet des modifications au projet de loi concernant les jurys d'examen pour la collation des grades académiques. »

- Renvoi à la société centrale chargée d'examiner le projet.


« Par trois messages en date du 19 décembre, le Sénat informe la Chambre qu'il a adopté les projets de loi suivants :

« 1° Budget des voies et moyens pour l'exercice 1863.

« 2° Budget des finances pour le même exercice.

« 3° Adjudication, pour un terme de 5 années, des impressions et des reliures nécessaires aux départements ministériels. »

- Pris pour notification.


« M. Moncheur, empêché, par des affaires urgentes, de se rendre à la séance, demande un congé. »

- Accordé.

Projet de loi relatif à l’augmentation des traitements des membres de l’ordre judiciaire

Discussion générale

M. d’Hoffschmidt. - Messieurs, je suis un des signataires de l'amendement concernant les juges de paix et leurs greffiers, et je désire justifier mon opinion. Ma tâche a été d'ailleurs rendue facile par les orateurs qui m'ont précédé, et en dernier lieu par l'honorable M. Guillery qui, à la fin de la séance d'hier, a fait valoir d’excellentes raisons en faveur de notre proposition.

Nous avons aussi la satisfaction de voir que jusqu'à présent il y a eu fort peu d'opposition à notre amendement. Il n'y a guère que mon honorable ami, M. le ministre de la justice, qui a cru devoir le combattre hier, et encore il ne se refuse pas à un nouvel examen et il est d'accord avec l'honorable rapporteur de la section centrale pour proposer le renvoi à la commission chargée du projet de loi sur l'organisation judiciaire.

Je me bornerai donc, messieurs, à examiner quelques-uns des arguments qui ont été présentés hier à la Chambre par l'honorable ministre de la justice. Ces arguments ne m'ont nullement convaincu.

D'abord l'honorable ministre s'est beaucoup appuyé sur ce fait que, d'après le projet de loi, les juges de paix reçoivent une augmentation de 33 p. c., tandis que les autres membres de l'ordre judiciaire, ceux qui sont placés à la tête de la magistrature, reçoivent seulement une augmentation de 14 p. c.

Messieurs, je crois que dans la grande mesure que nous avons à adopter, il est impossible d'établir une espèce de règle d'arithmétique, une espèce d'équation algébrique pour tous les traitements sans distinction. On avait parlé d'abord de 10 p. c. Avec ce système nous avions une tâche fort facile : on aurait augmenté tous les traitements de 10 p. c, et nous n'aurions eu en quelque sorte qu'à vérifier les chiffres. Un semblable système n'est pas soutenable ; il sacrifierait surtout ceux qui ont de petits traitements ; aussi l'on a reconnu bientôt qu'il était impossible de l'admettre d'une manière absolue.

Maintenant, messieurs, pourquoi doit-on augmenter dans une proportion très forte le traitement des juges de paix ? C'est par une raison très simple, c'est parce que les juges de paix sont pitoyablement payés aujourd'hui.

Du moment que vous voulez leur donner une rétribution suffisante pour être à la hauteur de leurs fonctions, vous devez nécessairement leur accorder proportionnellement une augmentation beaucoup plus forte que celle que vous accordez aux autres magistrats.

Aujourd'hui leur traitement n'est que de 1,800 francs. Ils ont des émoluments, cela est vrai, mais ces émoluments, en ce qui concerne la classe la plus nombreuse, ne s'élève annuellement qu’à 200 ou 300 fr. Dans une province, par exemple, les émoluments ne dépassent pas, en moyenne, 200 francs. (Interruption.) On cite Bruxelles, mais Bruxelles est une exception ; les juges de paix des grandes villes sont dans une situation à part, mais c'est là le très petit nombre.

Nous ne faisons pas seulement la loi pour les juges de paix de Bruxelles, mais nous la faisons encore pour les 200 juges de paix qui existent dans tout le pays. Or, il est certain que dans un grand nombre de cantons ruraux et surtout dans les cantons ruraux de la province que j'ai l'honneur de représenter ici, les juges de paix n'ont, en moyenne, que 200 à 300 francs d'émoluments tout au plus. Ce qui porte à 2,000 ou à 2,100 francs la rémunération totale dont ils jouissent.

Dans de pareilles conditions, je vous le demande, messieurs, les juges de paix, surtout ceux qui n'ont pas de fortune, peuvent-ils soutenir le rang qu'ils devraient occuper dans la société ?

Le juge de paix est le représentant de l'ordre judiciaire dans le canton ; c'est lui qui y représente la justice humaine, comme le disait l'honorable comte de Baillet qui a fait un bon discours sur la question, l'institution des juges de paix est un rouage essentiel dans l'ordre judiciaire.

On a rappelé avec raison, dans une séance précédente, que c'était un des beaux legs que nous avait faits l'Assemblée constituante de 1789, assemblée qui a cependant accompli de si grandes choses ! Eh bien, qu'il me soit permis de vous dire comme le rapporteur de la loi d'institution des justices de paix à l'assemblée constituante définissait cette institution. Voici en quels termes s'exprimait M. Thouret, rapporteur de la loi :

« Placer à la proximité de tous les justiciables de chaque canton un magistrat populaire, dont le tribunal fût l'autel de la concorde et qui prononçât vite et sans frais sur les choses de convention très simple et sur celles de fait qui ne peuvent être bien appréciées que par l'homme des champs, qui vérifie les faits sur les lieux mêmes et qui trouve dans son expérience des règles de décision plus sûres que la science des formes et des lois n'en peut fournir aux tribunaux. C'est un père au milieu de ses enfants ; il dit un mot et les injustices se réparent, les divisions s'éteignent, les plaintes cessent ; ses soins constants assurent le bonheur de tous ! »

(page 180) Voilà les espérances que l'Assemblée constituante avait conçues de l'institution des justices de paix. Eh bien, je vous demande, messieurs, si avec un traitement de 2,000 ou 2,400 francs, le juge de paix dénué de fortune peut obtenir cette considération, ce respect des justiciables à l'égard desquels il doit remplir sa mission tutélaire ?

Maintenant, on l'a dit avec raison : les justices de paix ne sont guère sollicitées que par les jeunes avocats, qui ne les recherchent que pour s'élever dans la hiérarchie judiciaire ; ils ont, en général, peu de fortune, et ils n'aspirent, dans cette position, qu'à la place de juge d'un tribunal. Or, nous devons fixer la rémunération des juges de paix, de manière à les attacher à ces fonctions et à les mettre à même de les remplir d'une manière digne de la mission tutélaire qui leur est confiée.

Ainsi, messieurs, si nous voulons maintenir l'institution à la hauteur qu'elle doit occuper, il faut que, dans cette question de révision générale des traitements des membres de la magistrature et des fonctionnaires publics, nous prenions une décision qui fasse aux juges de paix une position sociale telle qu'ils puissent, par l'absence de la gêne matérielle, tenir leur rang et commander le respect et la confiance à ceux dont ils peuvent avoir à juger les intérêts, et ce résultat désirable, nous pensons que vous ne l'obtiendrez pas avec un traitement de 2,400 fr.

Maintenant, l'honorable ministre nous dit que l'augmentation que nous sollicitons ne remédierait pas à l'instabilité des juges de paix, instabilité qu'il regrette comme nous.

Il reconnaît que cette instabilité est une chose très fâcheuse, très nuisible à la justice. Mais, dit-il, ce n'est pas une augmentation de quelques centaines de francs, ce n'est pas l'élévation des traitements au chiffre de 3,000 francs qui modifiera cet état de choses. Je crois aussi, messieurs, que cette mesure n'aura pas pour effet de remédier complètement au mal, de faire en sorte que personne ne désire plus, parmi les juges de paix, de s'élever dans la hiérarchie judiciaire ; cependant je suis intimement convaincu que cette mesure amoindrirait déjà considérablement te mal. Ainsi, un juge de paix ayant 3,000 francs de traitement sera porté à s'établir dans le canton où il est fixé, il y acquerra des propriétés, et, dès lors, il n'éprouvera plus, au même degré du moins, le désir de changer de position, désir qui s'explique parfaitement aujourd'hui par l'exiguïté même du traitement actuel.

Nous ferions donc disparaître ainsi une des causes de cette instabilité, et je trouve que c'est là une puissante considération à ajouter à toutes celles qu'on a fait valoir, dans les séances précédentes, pour donner aux juges de paix un traitement de 3,000 francs.

Nous croyons donc qu'il est indispensable d'augmenter leurs traitements, et je ne comprends vraiment, pas que le gouvernement s'y oppose surtout si je considère le peu d'importance de la dépense qui en résulterait. En effet, nous avons à adopter, cette session, une grande mesure, celle de l'amélioration générale des traitements des fonctionnaires publics de toutes les catégories ; cette mesure est parfaitement accueillie par le pays ; elle est généralement admise comme une conséquence inévitable d'un fait économique incontestable, le renchérissement du prix de toutes les choses nécessaires à la vie et l'abaissement proportionnel de la valeur de l'argent.

Cet abaissement est considérable ; le ministre de la guerre l'évalue à 1/3 depuis 1850, d'honorables orateurs vont même jusqu'à l'évaluer à la moitié.

Dès lors, il y a donc nécessité absolue d'augmenter, les traitements ; sinon, on devrait prétendre que les traitements qui avaient été fixés dès l'année de notre révolution étaient trop élevés et que l’on pourrait les maintenir malgré les faits que j'ai cités tout à l'heure.

Aussi, je le répète, les propositions du gouvernement, qui a fort bien fait de prendre initiative, ont été favorablement accueillies dans le pays et dans cette Chambre.

Je ne crois pas que, dans cette circonstance, nous devions lésiner en quelque sorte. Il importe avant tout, puisque c'est une mesure générale, que l’on ne pense plus à y revenir, que les magistrats, les fonctionnaires, tous les employés sachent parfaitement que c'est une résolution définitivement prise ; qu'ils auraient beau réclamer plus tard, qu'ils ne sera en pas écoutés.

Il n'en serait pas ainsi si vous adoptiez des traitements insuffisants. Bientôt vous seriez forcés de revenir sur cette décision.

La proposition que nous avons l'honneur de soumettre à la Chambre augmenterait les dépenses de 180,000 fr. C'est une évaluation faite par un honorable collègue.

Eh bien, messieurs, dans la situation du trésor, ce ne serait pas cette somme de 180,000 fr. qui devrait nous arrêter.

On l'a dit souvent, M. le ministre l'a exposé avec une lucidité parfaite, à différentes reprises, l'accroissement des ressources est de 6 à 7 millions par année.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il y a eu un excédant, mais ce n'est pas un accroissement.

M. d'Hoffschmidt. - Oui, j'ai voulu dire un excédant. Cependant le chemin de fer de l'Etat, à lui seul, procure déjà un accroissement de plus d'un million par année. Notre situation financière est excellente, nons en avons la preuve, à chaque session, par l'exposé de la situation du trésor.

Maintenant j'ajouterai que les grandes dépenses que nous avons commencées depuis quelques années seront bientôt à leur terme.

Les grandes dépenses pour la défense du pays ne se renouvelleront pas. Les crédits que l'on pourra nous demander encore pour cet objet seront sans doute fort peu élevés, du moins je l'espère.

Le chemin de fer de l'Etat est entièrement achevé. Nous avons un réseau de chemins de fer concédés qui laisse fort peu de chose à désirer. Il est à croire que les recettes du chemin de fer de l’Etat continueront à s'accroître chaque année.

Ce sont des espérances que nous a données à diverses reprises M. le ministre des travaux publics.

Maintenant la grande lutte des Etats-Unis doit avoir un terme. Après cela l'industrie prendra un nouvel essor.

Nous avons donc lieu d'espérer que la bonne situation financière que nous avons se maintiendra, s'améliorera même encore.

Eh bien, je ne puis pas m'effrayer, quand il s'agit d'une mesure aussi capitale, des 180 mille francs à ajouter aux 5 à 6 millions dont nous devons augmenter les budgets des dépenses. Si, on devait s'arrêter devant ce faible excédant, on n'aurait pas dû aborder cette grande mesure. Ce qu'il faut avant tout c'est de résoudre ce problème que le ministre lui-même formulait à la séance d'hier, à savoir qu'il faut que les traitements soient suffisants pour que les magistrats et les fonctionnaires puissent occuper le rang et jouir de la considération que comportent leurs fonctions.

L'honorable ministre vous a parlé ensuite des émoluments des juges de paix. J'admets parfaitement que c'est là une question que nous ne devons pas résoudre aujourd'hui ; elle sera soumise à la commission chargée d'examiner le projet de loi d'organisation judiciaire. L'honorable M. Nothomb a même annoncé qu'il proposerait la suppression des émoluments avec un nouveau système. Je réserve, à cet égard, mon opinion ; mais je dois dire que, quant à présent, je ne suis pas très favorable à cette suppression.

Si on adopte, il faudra nécessairement une classification des justices de paix, comme il faudra partir de ce chiffre minimum de trois mille francs, ce sera une nouvelle source de charges pour le trésor. Je crois qu'en adoptant l'idée émise par le ministre de la justice à la séance d'hier, au lieu de laisser toucher directement les émoluments par les juges et les greffiers, de les faire percevoir par les receveurs de l'enregistrement, obvierait à beaucoup des inconvénients qu'on a signalés.

M. le ministre de la justice, d'accord en cela avec le rapporteur de la section centrale, propose le renvoi de, l'amendement à la commission chargée d'examiner le projet de loi d'organisation judiciaire. De même que l'honorable M. Moncheur, je ne vois pas grand inconvénient à cet envoi ; mais il ne faut pas que ce soit un précédent, que le vote du chiffre de 2,400 fr. ; il ne faut pas qu'on vienne dire plus tard que la Chambre a adopté ce chiffre.

- Plusieurs voix. - Non ! non ! c'est réservé !

M. d’Hoffschmidt. - Je ne veux pas que le gouvernement vienne s'appuyer sur le vote de la Chambre pour maintenir le chiffre de 2,400 francs.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban) et M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Non ! non ! rien ne sera décidé !

M. d’Hoffschmidt. - S'il est bien entendu par le gouvernement et la Chambre que le vote d'aujourd'hui n'influera en aucune manière sur la décision ultérieure, je me rallierai à la proposition de l'honorable rapporteur.

M. le président. - Voici un amendement qui vient d'être déposé :

« Ajouter à l'article premier les paragraphes suivants :

« Néanmoins le traitement des juges de paix, fixé à 2,400 francs, sera augmenté dans les cantons où le produit moyen annuel des émoluments du juge de paix, calculé d'après les deux dernières années, représenterait une somme de moins de 600 fr.

« Dans ce cas l'augmentation sera pour chaque juge de paix d'un chiffre représentant la différence entre ce produit moyen et la somme ci-dessus indiquée de 600 fr.

« Dans le même cas le traitement du greffier sera augmenté de manière à représenter toujours la moitié du traitement du juge de paix.

« Le gouvernement désignera les juges de paix qui auront droit à une (page 181) semblable augmentation de traitement et le montant de l'augmentation pour chacun d'eux. »

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je ne demande la parole en ce moment que pour répondre à la question que vient de m'adresser l'honorable M. d'Hoffschmidt. Je déclare que, si j'étais encore au banc des ministres lors de la discussion de la loi sur l'organisation judiciaire, je n'invoquerais pas comme précédent le vote qui serait émis aujourd'hui.

La commission d'organisation judiciaire aura différents systèmes à examiner. Elle aura à examiner le chiffre auquel doit être porté le traitement des juges de paix. L'amendement dont M. le président vient de nous donner lecture constitue un autre système.

Il y en a un troisième qui, à mon avis, serait de nature à remédier sa vice que l'on a continuellement signalé dans l’institution des juges de paix, c'est-à-dire l'instabilité : ce serait d'augmenter les traitements des juges de paix après un certain nombre d'années de séjour dans une localité, et, après une nouvelle période de séjour, de le majorer encore dans une certaine proportion. De cette manière, vous arriveriez à faire disparaître, dans une certaine mesure, cette tendance des juges de paix à abandonner leur résidence, qui résulte de leur désir d'arriver à la magistrature supérieure.

J'apporterai, quant à moi, toute mon attention et tous mes soins à l'examen de cette question, et il est bien entendu que le vote d'aujourd'hui n'exercera aucune influence, puisque le projet de loi actuel, cela est déclaré formellement, ne renferme qu'une simple mesure provisoire, dont le but est de faire participer le plus tôt possible tous les membres de la magistrature à l'augmentation de traitements qui est accordée à tous les fonctionnaires de l'Etat.

M. le président. - La parole est à M. Van Humbeeck pour développer son amendement.

M. Van Humbeeck. - Messieurs, je ne viens pas m'associer à ceux qui ont trouvé exagérées les propositions d'augmentations de traitement faites par le gouvernement en faveur de la magistrature. Je ne viens non plus défendre le projet ; les raisons si bien développées par M. le ministre de la justice, par l'honorable M. Pirmez et par l'honorable M. Guillery me dispensent de contribuer à l'accomplissement d'une tâche que j'aurais été heureux de partager, mais que, dans la situation actuelle du débat, je crois pouvoir considérer comme entièrement remplie.

Mais tout en félicitant le gouvernement de la présentation de ce projet de loi, je regrette qu'il n'ait pas apporté une amélioration plus complète à la position des juges de paix.

Je ne reprendrai pas l'éloge de ces magistrats, je ne vous dépeindrais pas de nouveau l'importance de leurs fonctions, leurs titres à la sympathie de la législature. Je ne pourrais que vous répéter ce que d'autres ont dit avant moi, ce que je ne puis avoir la prétention de redire sous une forme plus heureuse et plus persuasive que les orateurs qui m'ont précédé.

C'est assez vous dire, messieurs, que je me sens disposé à voter l'amendement défendu par MM. Nothomb et de Paul. Une considération m'arrête cependant : il s'agit d'une dépense de 180,000 fr., que je ne regretterais pas plus que les autres dépenses proposées en faveur de la magistrature, mais que je n'aimerais pas à voir décréter d'une manière incidente, sans étude préalable, et sous l'empire d'un entraînement respectable plutôt que sous celui d'une conviction réfléchie et sérieusement préparée.

Si la sympathie nie porte vers l'amendement, vous voyez que la réflexion me ramène vers la proposition d'ajournement, formulée par le rapporteur de la section centrale. Mais au moment de m'arrêter à cette proposition, de nouveaux scrupules me viennent. Il est évident dès à présent que l'augmentation proposée en faveur des juges de paix n'est pas suffisante pour une notable partie d'entre eux. Vainement, nous dit-on, qu'elle est de 33 p. c. de leur traitement actuel. Cette raison n'est bonne que si l’on prouve que ces 33 p. c, leur permettent de tenir un rang modeste, mais compatible avec la dignité de leur caractère et le prestige qu'ils doivent conserver sur les populations. Or, il est dès à présent évident que cela n'est pas.

Dès lors la raison qui nous porte à augmenter les traitements de la magistrature en général, doit nous porter aussi à augmenter les traitements des juges de paix plus que ne le propose le gouvernement.

Comme résultat de ces hésitations, que je viens d'exposer à la Chambre, j'arrive à me poser la question suivante : Au lieu de porter dès à présent le traitement de tous les juges de paix à 3,000 fr., ne suffirait-il pas, comme mesure provisoire, d'assurer aux moins favorisés de ces magistrats un revenu annuel de 3,000 fr., de manière que cette somme formât le minimum de ce que doivent rapporter au titulaire d'une justice de paix le traitement et le casuel réunis ?

En d'autres termes, je crois que satisfaction serait donnée provisoirement à toutes les opinions, si on pouvait dire : Il n'y a pas un juge de paix en Belgique à qui sa place ne rapporte au moins 3,000 francs.

Or, pour arriver à ce résultat, il n'est pas nécessaire d'aller aussi loin que les auteurs de l'amendement.

Le traitement fixé par le projet est de 2,400 francs.

Tout juge de paix qui pourrait compter sur plus de 600 francs de casuel n'aurait donc provisoirement droit à aucune augmentation de traitement.

On pourrait, me semble-t-il, calculer le produit moyen du casuel de chaque année sur les chiffres de 1860 et 1861 mentionnés dans le tableau inséré au rapport de la section centrale.

Or, de ce tableau il résulte qu'il y a en Belgique 98 juges de paix qui n'ont pas touché en moyenne pendant les années 1860 et 1861 une somme de 600 francs comme produit du casuel.

Je dois cependant faire remarquer que ce chiffre n'est pas entièrement exact, puisque pour abréger les calculs je n'ai pris dans chaque colonne pour arriver à ma moyenne que le chiffre des centaines, négligeant entièrement le chiffre des dizaines, si élevé qu'il fût, et le chiffre des unités.

Ces 98 juges de paix se subdivisent comme suit : 62 pour lesquels le produit moyen du casuel, toujours calculé sur les centaines seulement, est de moins de 400 francs ; 36 pour lesquels il dépasse 400 francs sans atteindre 600.

En supposant que pour les 62 juges de la première catégorie, le produit moyen du casuel fût zéro, il y aurait donc 62 juges à qui l'Etat devrait fournir 600 fr. de supplément, ce qui ferait une somme de 37,200 fr. chiffre au moins exagéré de moitié.

En supposant le produit de 400 fr. seulement à chacun des juges de la deuxième catégorie, le gouvernement devrait fournir à chacun d'eux 200 fr., soit 7,200 fr., chiffre encore une fois exagéré de moitié au moins.

Pour maintenir la proportion entre les traitements des juges et des greffiers, il faudrait compter 18,600 fr. aux 62 greffiers de la première catégorie et 3,600 fr. aux 36 greffiers de la deuxième, chiffres exagérés dans la même proportion que les précédents.

Le total de toutes ces allocations monterait à 66,600 fr., chiffre qui peut être hardiment réduit à 33,000 fr.

Or, l'augmentation de dépense réduite à ces termes ne me paraît plus devoir arrêter la Chambre.

Pour appliquer mon système, il suffirait que la législature conférât au gouvernement le droit de calculer la moyenne du casuel de chaque juge de paix pour 1860 et 1861, de retrancher le résultat de ce calcul de la somme de 600 fr., montant de la différence entre 2.400 et 3,000 fr., d'allouer le reste de cette soustraction à chaque juge de paix dont la moyenne du casuel n'atteindrait pas la somme ci-dessus indiquée de 600 fr. ; une somme répondant à la moitié de cette allocation supplémentaire serait en outre attribuée au greffier.

C'est ce système que j'ai formulé dans un amendement à l’article premier du projet, dont M. le président vous a donné lecture.

M. Nothomb. - Je viens d'écouter avec la plus grande attention les développements qu'a donnés l'honorable M- Van Humbeeck à son amendement. Je ne le repousse pas d'une manière absolue et je réserve mon vote sur son adoption. Ce que j'y vois dès maintenant, c'est qu'il s'inspire du but essentiel de notre propre amendement, qui est d'assurer à chaque juge de paix un minimum de 3,000 francs et à chaque greffier un minimum de 1,500 fr. Sous ce rapport et au fond nous nous rencontrons. L'amendement était même indiqué en germe dans les développements que j'ai eu l'honneur de présenter avant-hier. Si je ne l'ai pas formulé de plus près, c'est qu'il entraîne certaines complications administratives et comme, dans mon opinion, le casuel doit disparaître, j'ai cru que pour un laps de temps qui, j'espère, ne sera pas trop long, il ne fallait pas entrer dans un système nouveau, d'une exécution pratique difficile et créant peut-être une position d'inégalité plus grande qu'elle ne paraît au premier moment.

Toutefois, si l'amendement que j'ai proposé n'est pas adopté par la Chambre je me réserve de me rallier, après examen, à celui de l'honorable M. Van Humbeeck.

Je ne veux pas, messieurs, trop vous impatienter, et après les différents orateurs que vous avez entendus il me reste peu de chose à ajouter.

Je m'élève principalement contre la motion d'ajournement que M. le ministre de la justice vient encore d'appuyer. On l'a dit dès le premier jour, cette fin de non-recevoir peut s'opposer à tout le projet.

Cela est si vrai que dans les sections, ça été la première impression ; et dans ma section, l'on a même demandé la discussion préalable du projet d'organisation judiciaire. Et vraiment, il n'y a aucun motif d'opposer ce moyen dilatoire à notre amendement plutôt qu'au projet tout entier. Il (page 182) n'est cependant pas dans ma pensée d'ajourner tout le projet ; des propositions d'augmenter les traitements admettent difficilement un sursis ; une fois qu'elles sont posées, il faut, selon moi, les décider dans un sens ou dans l'autre ; il y va de la dignité de tout le monde.

Sur quoi vient-on baser l'ajournement ? On dit : Vous aurez l'occasion de revenir sur la question dans la discussion du projet sur l'organisation judiciaire. Eh, messieurs, c'est précisément ce qui nous effraye : quand viendra cette discussion ?

J'ai bien l'espoir qu'elle sera prochaine, mais je n'ai à cet égard aucune garantie ; plus d'une cause peut renvoyer fort loin cette discussion. Et l'expérience nous apprend que le provisoire est parfois ce qui dure le plus longtemps. Et que demandons-nous ? Mais nous demandons qu'on fasse un acte de stricte justice en faveur de magistrats qui sont dans une position beaucoup trop inférieure, dans une situation qui est tout à fait au-dessous des besoins réels de la vie.

Hier, messieurs, j'entendais l'honorable ministre de la justice proférer une parole parfaitement exacte : « Il faut donner à la position des magistrats tout ce qu'elle exige. » Rien n'est plus vrai. L'honorable M. Pirmez avait, sous une autre forme, dit la même chose : « Donnez beaucoup pour pouvoir demander beaucoup. » Et, moi-même, j'avais le premier indiqué cette pensée, en disant : « il faut assurer l’indépendance matérielle du magistrat » Ces honorables membres sont donc, comme nous, convaincus de la nécessité impérieuse d'assurer au magistrat les moyens de remplir dignement ses fonctions.

Nous voilà ainsi réduits à nous demander si la rétribution actuelle des juges de paix est telle que leur position l'exige. C'est, dès lors, une simple question d'appréciation d'un fait. Or, messieurs, peut-il y avoir à cet égard un doute sérieux ? Peut-on considérer comme suffisant un traitement de 2,500 fr. avec quelques cents francs d'émoluments pour le plus grand nombre ?

Il suffit de poser ainsi la question pour que la réponse soit négative. Il n'est personne dans cette assemblée qui puisse sérieusement soutenir qu'un traitement de 2,400 fr. est suffisant pour permettre à un père de famille de vivre, même à la campagne, d'élever sa famille d'une manière convenable et au magistrat de suivre la condition de son rang.

Telle est l'unique question qu'il s'agit de résoudre en ce moment : Le traitement proposé par le projet est-il suffisant ? Je réponds : non ; et partant il est de toute justice que vous l'augmentiez dès à présent. Ne différez pas ; les questions qui touchent en quelque sorte à l'existence ne s'ajournent pas ; ne dites pas que la question est réservée ; demandez-vous si le traitement proposé est suffisant et si vous répondez négativement, comment pourriez-vous hésiter à voter incontinent une augmentation reconnue nécessaire ?

Maintenant permettez-moi, messieurs, de rencontrer quelques-unes des objections soulevées hier par l'honorable ministre de la justice. Je n'ai pas reçu les Annales parlementaires et je suivrai rapidement les notes que j'ai recueillies pendant que l'honorable ministre parlait.

M. le ministre disait donc comme nous : « Il faut assurer, avant tout, au magistrat une position digue de lui. » D'accord ainsi sur ce point capital, il faut l’appliquer à tout le monde et surtout à ceux qui sont le moins bien traités, aux juges de paix et à leurs greffiers.

Vous voulez qu'ils rendent tout ce que la société est en droit d'exiger d'eux, vous avez raison. M. Pirmez demande qu'on leur donne beaucoup pour leur demander en proportion ; c'est très bien ; dès lors aussi la conclusion logique de ces honorables membres ne devrait pas être de combattre notre amendement, mais de l'adopter.

L'on s'est ensuite retranché derrière ce fameux casuel et l'on perd de vue qu'il n'est quelque chose que pour le très petit nombre ; que pour le plus grand nombre il est illusoire.

Pour près de soixante et dix juges, il ne dépasse pas 400 francs," et pour beaucoup, il reste entre 100 et 150 fr. Et encore pour gagner ce misérable salaire, car c'est un véritable salaire, le magistrat, s'il est soucieux de sa dignité, est obligé de dépenser peut-être la moitié de cette somme !

Vous ne pouvez donc pas, messieurs, sous prétexte des émoluments, sacrifier, comme on veut le faire, le grand au petit nombre.

Oh ! je suis parfaitement d'avis avec l'honorable ministre et avec l'honorable M. Van Humbeeck que pour quelques-uns le casuel est très élevé, et quand l'occasion viendra, j'en demanderai la suppression ; je proposerai une classification tout en ménageant les positions personnelles par des mesures transitoires propres à sauvegarder les droits acquis.

J'ai entendu exprimer quelques craintes sur les difficultés qu'il y aurait à supprimer le casuel.

Ne vous en effrayez pas, messieurs ; elles ont bien été résolues ailleurs ; en France depuis assez longtemps et récemment dans les Pays-Bas, sous l'administration de M. Godefroi, un des ministres qui ont le plus contribué à réformer la législation de son pays, on y a divisé les juges de paix en classes en proportionnant les traitements aux besoins qui existent dans les diverses localités. Et qu'il me soit permis de le dire ici, en passant, je viens d'entendre avec satisfaction M. le ministre de la justice parler comme il l'a fait de l'idée que j'ai émis avant-hier de partager les justices de paix en classes avec faculté d'augmenter, après un certain nombre d'années de service et sur place, le traitement du titulaire ; en d'autres termes, de faire passer, sans déplacement, le juge d'une classe à une classe supérieure.

Ce n'est pas le moment de discuter ce système à fond, mais je le crois excellent et je souhaite que, dès maintenant, les hommes sérieux se mettent à l'examiner.

J'ai eu l'honneur de vous indiquer, comme un argument puissant, en faveur de notre proposition, l'urgente nécessité de combattre chez les juges de paix l'esprit de mobilité.

M. le ministre de la justice considère cet argument comme n'ayant par une très grande force ; il pense que l'augmentation du traitement ne sera pas une cause de fixité. Je constate que sur ce point M. le ministre est à peu près seul de son avis, car tous les orateurs que nous avons entendus ont au contraire vu dans cette augmentation un moyen efficace de fixer davantage le juge dans son canton. Sans doute, ce moyen ne sera pas radical et j'ajoute qu'il n'est pas même désirable qu'il le soit. Je ne voudrais pas immobiliser à jamais, si je puis m'exprimer ainsi, le juge de paix, mais je veux simplement arriver à une fixité relative ; la vérité est là, et je désire seulement que les juges de paix - au moins le grand nombre - restent assez longtemps dans leur siège pour y acquérir cette autorité morale qui seule leur permet d'accomplir l'importante mission sociale dont ils sont investis.

Pour cela je persiste à dire que le moyen que j'indique est bon.

Messieurs, j'avais mentionné les attributions des juges de paix, devenant de jour en jour plus nombreuses, comme étant une considération sérieuse en faveur de ma proposition.

M. le ministre de la justice paraît croire, au contraire, que de ce que l'on augmente les attributions de ces magistrats, ce n'est pas une raison d'augmenter leur rétribution.

Si telle est la pensée de M. le ministre, je ne saurais la partager ; je vais dire pourquoi. Mais, d'abord, je dois répondre à une autre observation que m'a faite l'honorable M. Tesch. J'avais dit que les attributions des juges de paix ont été considérablement augmentées, l'honorable ministre semble dire que j'exagère. C'est cependant très exact, car, outre la loi de compétence, nous avons les lois de 1849, qui ont attribué aux juges de paix la connaissance de quantité de délits ; plusieurs lois spéciales sont intervenues dans le même sens ; d'autres lois viendront encore et sur tout le Code rural. Le Code forestier même, que j'ai cité, a accordé quelques attributions, si je ne me trompe, aux juges de paix.

Je n'ai pas fait valoir cette considération comme ayant une valeur absolue, elle en a une sérieuse cependant. Maintenant je dis de plus que la voie dans laquelle nous sommes entrés, et qui consiste à étendre les attributions des juges de paix, me paraît être bonne ; je crois qu'elle restera celle de l'avenir. Or, puisqu'on n'a cessé d'augmenter les attributions des juges de paix et que l'on persistera à le faire, ces magistrats rendent conséquemment beaucoup plus de services qu'il y a vingt-cinq ans ; donc aussi, puisqu'ils rendent à la société des services nouveaux plus considérables, il est de toute justice qu'on leur accorde une rémunération plus élevée et qui soit en rapport avec leur travail.

Messieurs, je viens de dire, qu'à mon sens, l'avenir réserve à la magistrature des justices de paix une extension croissante et une importance de plus en plus grande et j'ajoute, pour compléter ma pensée, que c'est dans cette voie qu'il faut persister si l'on veut perfectionner et fortifier la justice populaire, qui est, en définitive, celle qui émane du juge de paix ; c'est celle à laquelle s'adresse l'immense majorité qui peut d'ailleurs difficilement recourir à ce que l'on est convenu d'appeler la grande justice ; celle-ci, il faut bien l'avouer, coûte horriblement cher et est bien lente. Qu’il me soit permis d'exprimer ici le vœu d'une réforme qui la rende moins dispendieuse, plus prompte et dès lors plus accessible au grand nombre.

Eh bien, messieurs, tout ce qui tend à améliorer la magistrature du premier degré est un pas dans cette voie si éminemment désirable, et un des meilleurs moyens, c'est d'appeler à ces fonctions des hommes capables, de les y attacher, de les rendre plus dévoués encore à leur mission.

Payez-les bien, et vous pourrez leur donner beaucoup d'attributions.

Enfin, nous avons produit un argument auquel il n'a pas été répondu ; (page 183) nous avons rappelé qu'en 1845 il y avait entre les juges de la quatrième classe et le juge de paix un écart de 1,000 fr. seulement ; et aujourd'hui vous l’élevez à 1,600 fr. La quatrième classe est supprimée ; le titulaire obtient 4,000 fr. et le juge de paix seulement à 2,400 fr. Pourquoi, de grâce, cette différence ? Est-ce que la situation n'est pas la même qu'en 1845 ?

Si, en 1845, on trouvait juste et équitable de ne faire qu'une différence de 1,000 fr., pourquoi la porte-t-on aujourd'hui à 1,600 fr. ? Restons donc dans le système de proportionnalité dont M. le ministre de la justice a tant parlé. Rien n'est changé dans la situation des juges de paix. On ne peut le nier ; les conditions matérielles de la vie ont au contraire empiré, pour eux comme pour tout le monde, et nonobstant on veut leur faire une position inverse de celle que les circonstances commanderaient.

Nous demandons, en conséquence, qu'on s'en tienne à la base de 1845 et que l'écart entre le juge de paix et le magistrat immédiatement supérieur, reste le même qu'à cette époque.

J'espère que la Chambre fera à notre amendement un accueil favorable, et surtout repoussera l'ajournement, qui est un rejet déguisé.

M. de Naeyer. - Messieurs, comme les considérations que j'ai eu l'honneur de faire valoir dans une précédente séance ont donné lieu à une interprétation erronée de la part de l'honorable ministre de la justice ainsi que de la part de l'honorable M. Pirmez, contrairement à leurs intentions, j'en suis intimement convaincu, j'ai cru utile, pour mieux préciser ma pensée, de traduire en chiffres les idées que j'ai eu l'honneur d'exprimer.

Voici donc les modifications que je voudrais porter au projet du gouvernement, afin de pouvoir lui donner mon assentiment. Je voudrais, pour la fixation des traitements, substituer au tableau annexé à l'article premier, le tableau suivant :

« § 1er. Cour de cassation.

« Premier président et procureur général : fr. 15 000

« Président de chambre : fr. 12,000

« Conseillers : fr. 10,000

« Avocats généraux : fr. 11,000

« Greffier : fr. 6,000

« Commis greffier : fr. 4,500.

« § 2. Cours d'appel.

« Premiers présidents et procureurs généraux : fr. 10,000

« Présidents de chambre et premiers avocats généraux : fr. 8,000

« Conseillers : fr. 7,000

« Deuxièmes avocats généraux : fr. 7,500

« Substituts des procureurs généraux : fr. 6,500

« Greffiers : fr. 4,500

« Commis greffiers : fr. 3,700

« § 3. Tribunaux de première instance.

« Première classe

« Présidents et procureurs du roi : fr. 7,000

« Vice-présidents : fr. 6,000

« Juges d'instruction : fr. 5,500

« Juges et substituts : fr. 4,700

« Greffiers : fr. 2,600

« Commis greffiers : fr. 2,400

« Deuxième classe

« Présidents et procureurs du roi : fr. 6,100

« Vice-présidents : fr. 5,100

« Juges d'instruction : fr. 4,800

« Juges et substituts : fr. 4,100

« Greffiers : fr. 2,600

« Commis greffiers : fr. 2,200

« Troisième classe

« Présidents et procureurs du roi : fr. 5,500

« Juges d'instruction : fr. 4,250

« Juges et substituts : fr. 3,650

« Greffiers : fr. 2,600

« Commis greffiers : fr. 2,000. »

En résumé, l'augmentation moyenne serait de 11 p. c. pour la cour de cassation, elle serait de 15 p. c pour les cours d'appel, elle serait de 17 à 18 p. c. pour les tribunaux de première instance et naturellement un peu plus forte pour les tribunaux qui passent d'une classe dans une classe supérieure ; l'accroissement de dépenses qui, suivant le projet du gouvernement, s'élèvera à 742,000 francs, subirait une réduction de 200,000 francs environ, tout en maintenant pour les justices de paix les traitements proposés par le gouvernement. La seule inspection du tableau dont je viens de donner lecture, prouvera que je veux améliorer sérieusement les traitements de la magistrature, puisque en définitive je propose une augmentation moyenne de 20 p. c. en y comprenant les justices de paix. On se convaincra en outre que c'est à tort qu'on m'a accusé de pratiquer ici une espèce de socialisme en réservant toutes mes sympathies pour les petits et en ne faisant rien pour les grands.

En définitive, ce sont les magistrats supérieurs qui recevraient l'augmentation la plus considérable, et si j'adopte une proportion un peu plus forte pour les magistrats inférieurs, je ne fais en cela que suivre les principes qui ont servi de base au travail du gouvernement. Cela s'explique d'ailleurs de la manière la plus naturelle par la raison que la cause des augmentations est bien plus directement applicable aux fonctionnaires inférieurs en général qu'à ceux qui jouissent de traitements plus élevés.

Messieurs, quant aux juges de paix, je ne change rien au projet du gouvernement ; mais je dois dire que l'idée que vient d'émettre l'honorable M. Van Humbeeck me sourit beaucoup. Je crois qu'il serait bon de fixer un minimum de traitement et de fixer ce minimum à 3,000 fr. Aussi, je m'étais livré à peu près aux mêmes calculs que l'honorable M. Van Humbeeck et j'ai trouvé également qu'il ne faudrait augmenter les traitements que de quatre-vingt-dix à cent juges de paix, attendu que les autres jouissent d'un casuel qui, joint au traitement proposé de 2,400 fr., suffit pour parfaire la somme de 3,000 fr. ; or, pour atteindre ce résultat, il n'y aurait, d'après les évaluations que j'ai faites, qu'à dépenser une somme supplémentaire de 20,000 à 30,000 fr., soit en moyenne 200 à 300 fr. par juge de paix, en admettant même qu'ils soient au nombre de cent.

Messieurs, il est bon de faire remarquer que sous cette dénomination de juge de paix nous comprenons des positions essentiellement différentes.

Il y a des juges de paix qui, en réalité, n'auraient pas besoin d'augmentation de traitement, attendu qu'ils ont 2,000, 3,000, 4,000 et jusqu'à 5,000 fr. de casuel. Mais ce sont là, je le reconnais, des positions exceptionnelles, je ne pense pas qu'il faille s'y arrêter. Il y a cependant un assez grand nombre de juges de paix qui, avec les nouveaux traitements et leur casuel, jouiront d'émoluments bien supérieurs à trois mille fr. Je me suis demandé (et, sous ce rapport, il me serait difficile d'adopter dans le moment actuel l'amendement de l'honorable M. Van Humbeeck) s'il faut absolument que ces 25,000 à 30,000 fr., qui sont nécessaires pour assurer un minimum de 3,000 fr. à tous les juges de paix, soient pris dans les caisses du trésor.

Mais, messieurs, remarquez que par le projet du gouvernement une augmentation de 600 francs est accordée à tous les juges de paix sans distinction, même à ceux qui n'en ont pas besoin, à raison des avantages dont ils sont déjà en possession. Il s'agirait donc de savoir si, pour trouver les 25,000 à 30,000 francs dont je viens de parler, il n'y aurait pas lieu d’opérer une retenue quelconque sur la partie du casuel, qui excède 800 fr.

Ce serait un moyen de garantir à tous les juges de paix un minimum de 3,000 francs, sans aggraver les charges de trésor.

- un membre. - Et les droits acquis ?

M. de Naeyer. - Mais il n'y a pas de droits acquis aux 600 francs d'augmentation qui sont proposés ; et, à raison de cette augmentation, vous êtes bien en droit d'introduire le système que je viens d'indiquer. Du reste, je ne fais que l'indiquer et le signaler à 1'attention de la commission, qui sera probablement appelée à examiner sous toutes ses faces la question qui nous occupe.

Messieurs, j'ai écouté très attentivement toutes les observations qui ont été produites par les différents orateurs à l’encontre des idées que j'ai développées ; et, je dois le dire très franchement, malgré toute la bonne volonté que j'y ai mise, ces observations n’ont pas pu modifier ma conviction. Je reste convaincu que ce qu'on nous propose est exagéré.

Messieurs, il y a trois points fondamentaux sur lesquels je suis parfaitement d'accord avec M. le ministre de la justice : je suis d'accord avec lui quant à la haute importance de la magistrature, quant à l'immense importance sociale du pouvoir judiciaire, c'est un pouvoir tout-puissant dans le cercle de ses attributions, qui ne peut être contrôlé par aucun autre pouvoir, qui n'est, en réalité, responsable que devant l'opinion publique et devant sa conscience.

Et cependant, il décide souverainement de nos intérêts les plus chers, les plus sacrés, de notre honneur, de nos droits de propriété, de nos droits de famille, en un mot, de tout ce que l'homme a de plus précieux ; cela a été dit bien des fois et l'honorable ministre de la justice et l'honorable M. Pirmez ont trouvé bon de le répéter en d'excellents termes.

Maintenant, la conclusion qu'en tire M. le ministre de la justice est parfaitement juste. Sans doute, il en résulte que ceux qui exercent ce pouvoir doivent avoir une existence en harmonie avec l’éminence des fonctions dont ils sont investis. Cela est évident, et ici encore, aucune contestation quelconque ne peut être sérieusement élevée. Il est un troisième point sur lequel je suis encore parfaitement d'accord avec M. le ministre de la justice, c'est que les traitements actuels sont insuffisants sous ce rapport, et qu'ainsi, il est nécessaire de les augmenter pour garantir au pays une bonne administration de la justice.

Sur quoi différons-nous donc ? Sur une seule chose : sur la proportion de l'augmentation.

D'après les propositions que M. le ministre nous a soumises, il s'agit d'une augmentation moyenne de 30 p. c ; mais je crois qu'on devrait se contenter de 20 p. c. et que cette proportion ne peut être dépassée sans méconnaître nos devoirs envers les contribuables.

Messieurs, il me serait extrêmement facile de réfuter en détail tous les (page 184) arguments qui m'ont été opposés, mais je comprends l'impatience de la Chambre, je me bornerai donc à attirer un moment votre attention la plus sérieuse sur une seule considération.

M. le ministre de la justice est d'accord avec moi que le renchérissement de toutes les choses nécessaires à la vie est le motif qui nous fait adopter en principe l'augmentation des traitements. Il nous a dit, en effet, et en termes très formels, que si les choses nécessaires à la vie n'avaient pas renchéri, il ne serait venu à l'idée de personne de proposer l'augmentation de traitements qui nous occupe.

Eh bien, n'est-il pas évident que cette raison est générale, qu'elle s'applique à tous les fonctionnaires indistinctement ? Car enfin, le prix des objets nécessaires à la vie n'a pas seulement augmenté pour les membres de la magistrature, il a augmenté également pour tous ceux qui touchent un traitement à charge du trésor public, et cela, on peut le dire, dans la même proportion.

Qu'en résulte-t-il ? De deux choses l'une : ou bien en accordant une augmentation de 30 p. c vous faites trop pour les traitements de la magistrature et alors vous êtes injustes envers les contribuables ; ou bien vous êtes obligés d'accorder un augmentation qui soit proportionnellement la même pour tous les autres traitements, sans quoi vous auriez deux poids et deux mesures et la justice serait violée sous un autre rapport.

Or, messieurs, généraliser les mesures proposées aujourd'hui pour la magistrature, adopter pour tous les traitements une augmentation moyenne de 30 p. c, savez-vous où cela vous conduirait ? Je vais vous le dite en citant des chiffres que l'on ne contestera pas.

j'ai eu la patience d'éplucher tous les budgets et voici ce que j'y ai trouvé en fait d'allocations affectées aux traitements proprement dits ; je cite des chiffres ronds, j'ai négligé les fractions :

Affaires étrangères, 1 1/2 million.

Intérieur, un peu moins de 4 millions.

Travaux publics, un peu plus de 4 millions.

Justice, 7 1,2 millions.

Finances, à peu près 11 millions.

Guerre (traitements seuls, bien entendu ; je laisse de côté la solde ou soldat), 10 millions.

J'arrive donc à un chiffre de 38 millions, mettons seulement 36 millions.

Certainement je suis au-dessous de la vérité, vous avez une augmentation de 30 p. c. vous arrivez de 10 à 11 millions. Que faites-vous de la solde des soldats, qui est encore une espèce de traitement ? Eh bien, la solde s'élève à 14 millions, on a déjà donné 5 p. c, ajoutez encore 25 p. c., cela amène encore un accroissement de dépense de 3,500,000 fr. et vous arriverez ainsi à un total de 14 à 15 millions de dépenses nouvelles.

Vous le voyez, c'est là une impossibilité ; vous êtes donc placés devant ce dilemme de donner trop pour les uns ou pas assez pour les autres ; si vous donnez trop aux uns, vous êtes injustes envers les contribuables ; en donnant trop peu aux autres, vous êtes injustes envers ces derniers, vous discréditez les fonctions qu'ils exercent. Vous semez le découragement dans leurs rangs et vous faites surgir des réclamations sans nombre ayant la justice en leur faveur. Vous voyez donc que la question est d'une extrême gravité et qu'elle mérite un examen plus approfondi. Il s'agit évidemment de poser un précédent qui peut entraîner les conséquences les plus graves au point de vue financier, il me paraît indispensable de demander au gouvernement un travail général et complet sur l'augmentation de tous les traitements ; il nous importe au plus haut point de connaître cette grande mesure dans tous ses détails et dans toutes ses conséquences. Aussi longtemps que ce travail d'ensemble ne nous sera pas fourni, il me sera impossible de voter des augmentations.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - La Chambre paraît impatiente de terminer cette discussion. (Interruption.)

J'ai entendu demander la clôture, je puis donc dire que la Chambre me paraît impatiente de terminer cette discussion.

Je commencerai par répondre au dernier argument que vient de faire valoir l'honorable M. de Naeyer, au dilemme dans lequel il prétend que je suis fatalement enfermé. Je crois que le point de départ de l'honorable membre est complètement inexact. Il admet, il doit admettre que tous les traitements de l'ordre judiciaire et de l'ordre administratif ont été fixé d'une manière proportionnée, qu'ils ont été fixés d'après les mêmes bases et d'une manière parfaitement équitable.

Si cela est vrai, si, lorsque ces traitements ont été fixés, on les a mis dans un rapport exact les uns avec les autres, il pourra dire que tous doivent être augmentés dans la même proportion, puisque l'augmentation n'a pour cause que le renchérissement de toutes les choses nécessaires à la vie. Or, c'est ce qui n'est pas ; les traitements dans l'ordre administratif sont très élevés, eu égard à ceux des membres de l'ordre judiciaire.

Est-ce qu'on a pris les traitements de l'ordre administratif pour fixer ceux de l'ordre judiciaire ? Comparez ces traitements et vous apercevrez des anomalies choquantes. Tel fonctionnaire de l'ordre administratif jouit d'un traitement supérieur à celui d'un conseiller de cour d'appel et même de la cour de cassation, bien qu'il n'occupe pas dans la société une position aussi importante.

De département à département les traitements varient ; c'est la première fois que les départements se sont mis d'accord pour régler ensemble les traitements des différents fonctionnaires. Les traitements des fonctionnaires de l’administration de la justice sont inférieurs à ceux des fonctionnaires des départements de l'intérieur, des travaux publics et des finances ; nous changeons cet état de choses.

Le point de départ de la majoration des traitements, c'est le renchérissement de tout ce qui est nécessaire à la vie ; mais il n'en résulte pas qu'il faille se borner à. examiner cette seule question ; du moment qu'on révise les traitements, il faut envisager toutes les questions et allouer ce qui est nécessaire. Jusqu'à présent les traitements des membres de l'ordre judiciaire n'ont pas été en rapport avec ceux des autres fonctionnaires du pays.

L'administration de la justice a toujours été moins bien rétribuée que les autres administrations ; ce que l'on recherchait dans la magistrature, c'était l’otium cum dignitate ; les fonctions judiciaires étaient recherchées pour la dignité qui s'y attache plutôt que pour les appointements qu’elles rapportaient. Mais aujourd'hui que l'organisation sociale s'est modifiée, que la magistrature se recrute dans d'autres conditions, il faut bien que les traitements soient augmentés dans une proportion plus forte que celle des autres administrations.

Cela est incontestable. C'est ce que j'ai dit hier à M. de Naeyer. Oui, le point de départ des augmentations a été le renchérissement des choses nécessaires à la vie, mais ce n'est pas la seule circonstance qu'on doive prendre en considération pour déterminer les traitements ; vous devez tenir compte des différences injustifiables qui existent entre les diverses administrations et calculer les traitements des fonctionnaires d'après la position qu'ils occupent dans la société. Ainsi, il y a tel fonctionnaire dont le traitement est très élevé, faut-il l'élever encore, ne faut-il pas tenir compte de ce qui a été fait précédemment, puisqu'il est encore très convenable malgré le renchérissement que toutes les choses ont éprouvé depuis que ce traitement est établi ?

L'argument que M. de Naeyer considère comme capita1 est dénué de fondement Je prie de nouveau la Chambre de ne pas perdre de vue que, dans le principe, les traitements de la magistrature ont été fixés à un taux de beaucoup inférieur à celui des traitements de l'ordre administratif.

Quant aux traitements que l'honorable M. de Naeyer propose, je ne les regarde pas comme suffisants. Je trouve que le traitement des magistrats des tribunaux de la troisème classe n'est plus en rapport avec les nécessités actuelles de la vie.

Il ne faut pas oublier, en effet, messieurs, que l’accroissement qu'elles ont éprouvé ne se fait pas sentir de la même manière dans toutes les classes de la société ni dans toutes les classes de fonctionnaires. Cet accroissement est bien plus sensible pour les magistrats, qui doivent tenir un certain rang dans la société.

Ce n'est pas seulement le prix des choses que l'on consomme qui a augmenté, les loyers ont également haussé d'une manière considérable et c'est surtout dans les villes qu'ils ont atteint une grande élévation.

Or, le magistrat doit se loger autrement qu'un simple employé. Ce dernier peut souvent se contenter d'un modeste quartier ; le magistrat, au contraire, est obligé d'avoir une habitation plus convenable à raison même des fonctions qu'il exerce et qui lui imposent une certaine représentation.

Et cependant, messieurs, l'on veut porter à 3,000 fr. le traitement des juges de paix, et d'autre part, on n'accorde que quelques centaines de francs d'augmentation aux juges des tribunaux de troisième classe.

Il est pourtant incontestable que les loyers à eux seuls constituent pour les magistrats des tribunaux, qui doivent résider dans les villes, une charge fort lourde à raison de laquelle il est nécessaire qu'il y ait plus de différence entre leur traitement et celui des juges de paix.

Dans les villages, dans les petites localités, le prix des loyers n'est que le tiers ou le quart de celui auquel ils s'élèvent dans les villes.

(page 185) Dans les campagnes, on peut se loger convenablement pour 200 ou 300 francs, tandis que, même dans les petites villes, il faut souvent payer 1,200 ou 1,500 francs.

Je laisse de côté les grandes villes.

A Bruxelles, par exemple, un membre de la magistrature supérieure ne se logera pas à moins de 2,000 à 3,000 fr. et il ne trouvera pour ce prix qu'une habitation strictement convenable.

Ces observations suffisent, je pense, pour démontrer que le renchérissement de toutes choses est bien plus sensible pour les membres de la magistrature que pour les autres fonctionnaires de l'Etat.

Vous maintiendrez, messieurs, les propositions du gouvernement, elles sont très raisonnables, et je crois qu'elles ne sont exagérées ni dans un sens, ni dans l'autre.

On vous a demandé, messieurs, d'ajourner le projet de loi, afin que le gouvernement présente un tableau d'ensemble. Ce tableau se trouve en quelque sorte dans les budgets. On a voté le budget des finances.

M. de Renesse. - Il est voté par les deux Chambres.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - On a vu quels sont les traitements des employés de l'ordre administratif, de sorte que la Chambre est parfaitement édifiée dès maintenant.

L'ajournement aurait pour effet de retarder sans utilité une mesure réparatrice, sollicitée depuis longtemps. Si le gouvernement n'eût pas présenté le projet de loi, on lui en eût fait un grief.

Je convie la Chambre à seconder le gouvernement en continuant la discussion de ce projet.

J'arrive, messieurs, à l'amendement qui a été présenté par l'honorable M. Van Humbeeck. Je ne le repousse pas d'une manière absolue, je demanderai seulement qu'il soit renvoyé à la commission, parce qu'il constitue tout un système qui doit être étudié et organisé.

L'honorable M. de Naeyer a fait à propos de cet amendement une observation, dans laquelle se trouve indiquée une autre manière de procéder.

L'honorable M. de Naeyer se demande s'il n'y aurait pas lieu de faire de tous les émoluments une bourse commune, au moyen de laquelle ou pût parfaire à chaque juge de paix une somme de 3,000 fr. Ce serait un nouveau système.

Je propose de renvoyer l'amendement à la commission, mais je dois l'avertir que le tableau des émoluments que j'ai communique à la section centrale n'a rien d'officiel. C'est un document statistique que nous avons recueilli pour avoir une idée au moins approximative des émoluments. Il n'a rien d'authentique.

Il paraît (cela a été dit souvent, je ne veux accuser personne), il paraît que, dans certaines justices de paix, on croit que ce tableau sert à régler la pension, ce qui est une erreur, puisqu'elle est réglée d'après des émoluments qui sont fixés par un arrêté royal et, par suite de cette idée, il y a une tendance à exagérer les chiffres réels. Dans d'autres cas, au contraire, on craint que l'élévation des émoluments n'engage à réduire les traitements et on diminue les chiffres véritables.

Je ne sais si cela est ou si cela n'est pas, mais quand j'ai demandé le tableau, j'ai été averti que je ne devais pas me former une opinion définitive d'après les renseignements qu'il contenait.

On pourrait cependant connaître d'une manière exacte le produit des émoluments en les faisant percevoir par les receveurs de l'enregistrement, mais je ne puis prendre l'engagement d'organiser cette perception du jour au lendemain. Je devrai, à ce sujet, me concerter avec le département des finances.

Du reste, comme nous améliorons déjà sensiblement le traitement des juges de paix, je pense qu'il n'y aurait aucun inconvénient à attendre la loi sur l’organisation judiciaire.

il me reste à rencontrer les objections de l'honorable M. Nothomb qui n'a pas voulu tenir compte des arguments que j'ai fait valoir hier. L’honorable membre me demande pourquoi je ne veux pas discuter la question du traitement des juges de paix comme celle des autres traitements.

J'en ai déjà dit la raison ; c'est que cette question se rattache d'une manière indivisible à celle des émoluments que nous n'avons pas à examiner pour les autres magistrats.

il ne s'agit pas d'émoluments pour les membres de la cour de cassation, ni pour les membres des cours d'appel, ni pour les membres des tribunaux, tandis qu'ils forment une partie du traitement des juges de paix.

Ce traitement ne peut être fixé que lorsque vous aurez pris une décision à cet égard : Supprimerez-vous les émoluments ou les maintiendrez-vous ? Dans ce dernier cas, les réduirez-vous ? Ne les augmenterez-vous pas pour les juges de paix des campagnes ?

Le tarif des villes n'est pas le même que celui des cantons ruraux ; faut-il laisser subsister cette différence alors que dans les campagnes les vacations du juge de paix hors de sa commune lui occasionnent de plus fortes dépenses ?

La solution de ces divers points influera évidemment sur le taux du traitement. Vous ne pourriez donc arrêter ce traitement dès aujourd'hui sans préjuger la question des émoluments.

Je conçois fort bien que si, à votre avis, une somme de 3,000 fr. et les émoluments ne constituent pas un traitement trop élevé pour les juges de paix, vous disiez, vous, que l'on peut dès aujourd'hui leur allouer cette somme.

Mais pour ceux qui, comme moi, pensent que ce serait un traitement exagéré, la question doit être réservée.

M. Nothomb. - Un traitement exagéré pour quelques-uns.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Cela suffit.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - J'en trouve a preuve dans vos propres paroles, car vous avez dit vous-même que 3,000 fr. plus les émoluments, pour certains juges de paix, ce serait excessif. Et cependant vous voulez leur donner aujourd'hui ces traitements excessifs.

M. Nothomb. - Si cela devait durer, je concevrais votre observation.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Mais une fois un traitement accordé, est-il si facile de le réduire ? Combien de fois cela s'est-il fait ? Vous voyez donc que la question des émoluments, et c'est là tout ce que je veux établir, exerce une influence sur le traitement des juges de paix, ce qui n'existe pas pour les autres magistrats.

M. Nothomb. - Pour dix qui auraient trop vous en laissez 80 qui n'auront pas assez.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Ils auront provisoirement une augmentation.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Ils auront provisoirement une augmentation de 33 p. c. Je trouve que cela n'est pas déjà si malheureux.

Messieurs, l'on me dit : Faites travailler les juges de paix et donnez-leur un bon traitement. Il ne dépend pas du gouvernement de faire travailler les juges de paix.

M. Muller. - Ils travaillent.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Ils font ce qu'ils ont à faire. Le gouvernement ne peut leur imposer plus de besogne, et bien qu'on ait augmenté leurs attributions par la loi de 1849, il faut reconnaître que les juges de paix sont bien loin d'être surchargés, que sur cent juges de paix il y en a quatre-vingt-dix qui ont à peine deux audiences par semaine. Il est bien certain que les juges des tribunaux ont beaucoup plus d'occupation.

M. Nothomb.- Possible pour quelques-uns.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Mais vous rêvez dans l'avenir des attributions beaucoup plus nombreuses pour les juges de paix. Vous croyez que les juges de paix, c'est la justice de l'avenir.

Je ne m'explique pas sur cette question ; mais je doute. La bonne administration de la justice se compose de plusieurs éléments : l'un des principaux, c'est un bon barreau. En étendant à l'infini les attributions des juges de paix, en créant dans chaque justice de paix un petit barreau, croyez-vous que vous améliorerez l'administration de la justice, que vous rendrez service au pays ? J’en doute fort. Vous susciteriez peut-être beaucoup de procès, mais vous n'auriez pas trouvé le moyen de les faire résoudre équitablement.

Je ne dis pas que certaines attributions ne puissent encore être conférées aux juges de paix. Mais je crois qu'il faut se garder d'aller trop loin dans cette voie, qu'il faut se garder de donner une extension trop grande à la juridiction actuelle des juges de paix.

Le juge de paix a été créé dans le principe, bien moins pour décider les litiges que pour exercer envers les parties un ministère de paix et de conciliation. Il ne faut pas trop s'écarter de cette idée-mère de l'institution.

M. Nothomb. - Nous sommes loin de là.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il ne faut donc pas exagérer aujourd'hui le traitement des juges de paix, en prévision des attributions nouvelles que l'avenir peut leur réserver. Si les idées de l'honorable M. Nothomb se réalisent un jour, la Chambre appréciera s'il y a lieu de leur accorder une rétribution plus grande à raison des nouveaux devoirs qui leur seront imposés.

M. Nothomb. - Il faut que vous ayez dès maintenant un personnel en conséquence. Il faut s'y préparer.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - On s'y prépare. Mais je crains qu'en exigeant absolument dès aujourd'hui pour les justices de paix (page 186) un personnel d'élite, vous ne rendiez ces magistrats moins attachés à leur siège parce que leur capacité même leur inspirera le désir d'avancer dans la carrière, et vous n'atteindrez pas le but que vous poursuivez en ce moment.

Un mot maintenant à l'honorable M. d'Hoffschmidt, relativement à une question qu'il m'a posée. Il s'est étonné que le gouvernement ne se fût pas rallié à l'amendement qu'il a signé.

J'ai déjà eu hier l'occasion d'indiquer à la Chambre les raisons qui ont déterminé le gouvernement.

D'une part, la position qui est faite aux juges de paix par le projet actuel, est une position convenable, la majoration de leur traitement est déjà suffisante ; tout au moins l'on peut attendre que la loi d'organisation judiciaire soit discutée et que la commission qui l'examine ait étudié toutes les questions qu'elle soulève.

D'autre part, les augmentations contre lesquelles se récrie, d'ailleurs, l'honorable M. de Naeyer, sont déjà très fortes. La proposition des honorables membres y ajoute encore 180,000 fr. Or, nous ne sommes pas au bout. Nous devrons accorder une rémunération plus équitable à d'autres fonctionnaires qui ne sont compris ni dans la loi d'organisation judiciaire, ni dans le projet actuel, parce qu'ils ne font pas, à proprement parler, partie de la magistrature. Ce projet ne comprend que les personnes dont les traitements, d'après la Constitution, doivent être réglés par la loi.

Les commis des parquets, les gens de service, doivent aussi être compris dans le travail de la révision. Nous ne le demandons pas aujourd'hui.

Déjà par les mesures que nous vous proposons d'adopter, les budgets se trouveront grevés d'une somme très forte ; il est prudent de rester dans certaines limites pour ne pas compromettre notre situation financière, qui est bonne, sans doute, mais qui pourrait être mise en péril si l'on s'engageait dans la voie où l'honorable membre veut nous pousser.

M. le président. - Voici l'amendement proposé par l'honorable M. de Naeyer :

« J'ai l'honneur de proposer à la Chambre l'ajournement du projet de loi jusqu'à ce que le gouvernement nous ait présenté un travail d'ensemble sur l'augmentation de tous les traitements à charge du trésor public. »

- Plusieurs membres. - La clôture !

- Plus de dix membres demandent la clôture.

M. Tack. - Je désire dire seulement un mot en faveur d'une catégorie de fonctionnaires qui n'appartient pas à l'ordre judiciaire, mais qui fait cependant partie du personnel de nos cours. M. le ministre de la justice vient de me prévenir. Je veux parler des secrétaires des parquets.

M. le président. - La clôture a été régulièrement demandée. Vous n'avez la parole que sur la clôture.

M. Debaets. - Je demande la parole contre la clôture.

J'étais inscrit avant la demande de clôture. (Interruption.) J'ai demandé la parole contre la clôture ; je vous prie de ne pas m'interrompre ; sinon, cela ne fait que perdre du temps.

M. de Brouckere. - Parlez contre la clôture.

M. Debaets. - Je parle contre la clôture. Si vous continuez à m'interrompre, vous ne m'empêcherez pas de parler, mais nous n'en irons pas plus vite. Au reste, M. le président, vous avez la police de l'assemblée ; je n'entends pas être discipliné par d'autres.

Je suis aussi désireux de rentrer chez moi, que tout autre membre de la Chambre, mais quand on discute un projet de loi aussi important que celui dont nous nous occupons, nous devons y mettre tout le temps nécessaire pour que notre examen soit sérieux. Vous êtes en présence, messieurs, de plusieurs propositions importantes : Vous avez la proposition de M. de Naeyer, la proposition de M. Nothomb, celle de M. Van Humbeeck ; eh bien, je vous demande, messieurs, si vous pouvez voter au pas de course sur chacune de ces propositions ?

Maintenant, messieurs, en dehors de la discussion générale, il y a des points de détail à examiner. Ainsi j'aurais désiré rencontrer une observation de l'honorable M. Guillery : si l'on veut absolument étrangler la discussion, il faut bien que je garde le silence : mais cela ne s'appellera plus discuter.

M. de Naeyer. - Je voudrais répondre deux mots à l'honorable ministre, qui a combattu ma proposition.

- La clôture de la discussion générale est mise aux voix ; deux épreuves sont douteuses ; en conséquence la discussion continue.

M. Tack. - Mon intention n'est pas d'allonger ces débats, je comprends l'impatience de la Chambre ; je viens demander seulement à M. le ministre de la justice une explication au sujet d'une catégorie de fonctionnaires qui n'appartiennent pas à l'ordre judiciaire et qui font cependant partie du personnel de nos cours et tribunaux ; je veux parler des secrétaires des parquets, des cours et tribunaux. Plusieurs pétitions vous ont été adressées par ces fonctionnaires ; ils demandent à être assimilés aux commis greffiers. Cette prétention m'a paru très modeste ; vous le savez et M. le ministre de la justice le faisait observer hier, les commis greffiers occupent le bas de l'échelle dans la magistrature ; ils obtiennent une augmentation de 33 p. c. ; cette majoration n'est pas exagérée ; or les secrétaires des parquets ne sont pas compris dans la loi ; donc pour eux aucune majoration.

J'ai été heureux de voir, pour ma part, que la section centrale ne les a pas perdus de vue ; à l'unanimité elle émet l'avis qu'il y a lieu d'améliorer leur position. C'est, messieurs, de toute justice, les secrétaires des parquets, entre autres ceux des cours d'appel, jouissent en Hollande du même traitement que les commis greffiers, en France, ils ont un traitement supérieur ; chez nous jusqu'en 1832, ils étaient assimilés aux commis greffiers, ce n'est qu'en 1845, à la suite de l'augmentation du traitement des commis greffiers, qu'ils ont été placées dans une position d'infériorité vis-à-vis de ces derniers.

A cette époque, la section centrale signalait déjà l'anomalie à la Chambre ; un crédit fut même proposé pour redresser le grief dont se plaignaient les secrétaires des parquets. Tous les hommes spéciaux, entre autres, les procureurs généraux qui siégeaient alors sur ces bancs, insistaient en faveur des commis des parquets ; mais par des considérations d'économie, la Chambre ajourna, en quelque sorte, la décision, et, sauf une légère augmentation de 250 francs qui fut accordée, en 1846, aux secrétaires des parquets de la cour d'appel, ils attendent toujours que justice leur soit rendue. On est cependant d'accord sur ce point : c'est que leur besogne est plus rude, plus étendue que celle des commis greffiers ; leurs occupations supposent des connaissances profondes, aussi les secrétaires des parquets près des cours d'appel sont-ils en général des docteurs en droit. Ils sont les hommes de confiance des procureurs généraux ; ils résident dans les villes où la vie est chère ; ils rendent des services réels incontestables ; il convient donc qu'ils soient, comme les autres fonctionnaires, convenablement rétribués et le plus tôt possible. Je désire, par conséquent, que M. le ministre de la justice nous fasse connaître ses intentions à leur égard, et nous dise s'il se propose de réclamer à la Chambre avant que nous soyons appelés à discuter le projet de loi sur l'organisation judicaire, les crédits nécessaires pour satisfaire à un vœu qui semble en général en faveur des secrétaires des parquets.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, la question du traitement des commis des parquets se présente naturellement à propos de mon budget. Ainsi que j'ai eu l'honneur de le dire tantôt, ces agents ne font point partie de l'organisation judiciaire et leurs traitements n'ont jamais été réglés par la loi. Lorsque le projet actuel aura été adopté et que je connaîtrai exactement les bases qui auront été admises, je ferai une proposition à la Chambre.

M. Debaets. - J'aurais voulu présenter à la Chambre plusieurs observations de détail sur le projet de loi, mais l'impatience visible de plusieurs membres m'engage à y renoncer. Je me bornerai donc à quelques remarques, que je rendrai aussi sommaires que possible.

Je voterai l'amendement de l'honorable M. Nothomb, parce que l'augmentation qu'il demande est, à mon avis, parfaitement justifiée et que, selon moi, l'ajournement n'est nullement nécessaire. En effet, M. le ministre et tous ceux qui ont combattu l'amendement n'y opposent qu'une fin de non-recevoir, fondée sur ce que la question ne serait pas suffisamment élucidée en ce qui concerne les émoluments des juges de paix et de leurs greffiers.

Or, messieurs, je crois que la question des émoluments est un détail si peu important que la Chambre ne doit pas s'y arrêter.. Messieurs, si vous vouliez vous arrêter devant une question d'émoluments, alors le projet tout entier serait à renvoyer ; car enfin il y a aussi les émoluments du greffier de la cour de cassation, des greffiers des cours d'appel, des greffiers des tribunaux, et des greffiers des tribunaux de commerce.

Messieurs, lorsqu'il s'agira de discuter la loi d'organisation judiciaire, la question des tribunaux de commerce se présentera nécessairement. Il est probable que des propositions seront faites pour modifier, sous ce rapport, le projet du gouvernement, et alors vous devrez discuter à fond la question des traitements des greffiers des tribunaux de commerce.

Néanmoins, sans vous arrêter à la question des émoluments de ces fonctionnaires, vous fixez, dès aujourd'hui, leur traitement à 1,200 fr. Or, je ne crois pas exagérer en portant les émoluments du greffier du (page 187) tribunal de commerce d'Anvers à 12,000 fr. (interruption), prenons 10,000 fr. (nouvelle interruption). L'honorable 'L Orts me dit : « Mettez hardiment 15,000 fr. », on dit d'autre part : 18,000 fr. ; vous avouerez que l'émolument mis en regard du traitement est chose très importante.

Maintenant, pour les juges de paix, il est question d'un traitement de 3,000 francs, tandis que les émoluments ne s'élèvent, pour la plupart d'entre eux qu'à 200 ou 300 francs.

- Un membre. - Vous ne tenez pas compte de la responsabilité des greffiers des tribunaux de commerce.

M. Debaets. - Je pose des faits, je ne discute pas ; je ne critique pas même, en ce moment. L’objection que vous me faites de leur responsabilité, devrait seulement vous faire conclure à une augmentation de leur traitement et ne contredit en rien mon argumentation.

Cette question reste donc réservée ; mais il est certain que si la Chambre ne s’arrête pas devant cette difficulté pour les greffiers, elle ne doit pas s'arrêter devant une difficulté insignifiante pour les juges de paix.

On dit qu'en dehors des 200 juges de paix qui n'ont que des émoluments en moyenne de 300 à 400 fr., il y en a quelques-uns qui ont des émoluments supérieurs. Je réponds, et ma réponse va surtout à l’adresse de l'honorable M. de Naeyer : c'est d'abord que ces émoluments plus élevés sont perçus par les juges des villes, des localités importantes, et que dès lors ces juges-là ont à subir des exigences sociales beaucoup plus considérables : que pour eux aussi les besoins de la vie matérielle sont bien plus grands.

Les attributions des juges de paix se composent d'une juridiction contentieuse et d'une juridiction grâcieuse. Pourquoi un juge de paix, dans une grande ville, a-t-il plus d'émoluments ? C'est que l'exercice de sa juridiction gracieuse est très étendue ; il a plus de conseils de famille à présider ; il a plus d'inventaires et de ventes auxquels il doit assister. Vous direz qu'il est payé pour cela ; c'est vrai. Mais d'abord il est acquis que s'il reçoit plus, il travaille plus.

En outre, et comme corollaire, dans une grande ville, la juridiction contentieuse est plus forte forte.

Ainsi, le juge de paix, dans une grande ville, siège plusieurs fois par semaine ; comme juge de police, il préside les conseils de discipline. Il a des affaires civiles beaucoup plus nombreuses. Donc, s'il a des émoluments plus considérables, c'est que le travail auquel sa position l'astreint est beaucoup plus grand que celui qui est imposé aux autres juges de paix.

Je crois donc que cette difficulté ne doit pas nous arrêter et que la Chambre peut passer immédiatement au vote sur l’amendement.

Messieurs, je passe à un autre point. Si je ne me trompe, et je n'ai pu vérifier le fait dans les Annales puisqu'elles n'ont pas paru ce matin, l'honorable M. Guillery a exprimé hier le regret qu’une distinction n'eût pas été faite entre les membres de la cour d'appel de Bruxelles et ceux des deux autres cours. (Oui ! oui !) Je ne me trompais donc point, j'avais bien compris.

Eh bien, je répondrai que si l'on veut fixer les traitements des conseillers des cours d'appel d'après la population de chacun des sièges de cour d'appel et d'après le nombre des causes qu'elles ont à juger, il faudrait appliquer le même système à tous les tribunaux. Vous auriez trois classes de cour d'appel et une infinité de classes de tribunaux.

Messieurs, il y a d'abord une certaine compensation pour la cour de Bruxelles : c'est qu'à la place de conseiller près cette cour est attachée une prérogative, non pas en vertu d'une loi, mais en vertu de certains usages, en vertu de motifs que nous aurons à examiner, à l'occasion de la loi d'organisation judiciaire, en indiquant en même temps un remède. Cette prérogative consiste en ceci, que la cour de cassation se recrute surtout parmi les magistrats de la cour d'appel de Bruxelles, au moins parmi les magistrats, brabançons.

- Des membres. - C'est une erreur.

M. Debaets. - Lors de la discussion de la loi sur l'organisation judiciaire, je tâcherai d'établir en fait que ce n'est pas une erreur ; et j'indiquerai en même temps le remède. Mais cela n'est pas à l'ordre du jour. Je me borne à faire mes réserves pour l'avenir.

Si, à la cour d'appel de Bruxelles, il y a plus d'affaires, elle possède aussi un personnel plus nombreux ; elle a plus de chambres, donc plus de conseillers. Un remède à cette multiplicité d'affaires et que je puis faire connaître dès à présent, ce serait de retrancher de la cour d'appel de Bruxelles une des trois provinces qui forment aujourd'hui son ressort et d’attribuer cette province au ressort de la cour d’appel de Gand.

La Constitution consacre l’existence de trois cours d’appel en Belgique ; elle dit que la loi en règlera la juridiction et en déterminera le siège. Or, par la loi de 1832, on a attribué à la cour d’appel de Liége les quatre provinces de Liège, de Namur, de Luxembourg et de Limbourg ; on a attribué à la cour d'appel de Bruxelles les trois provinces de Brabant, de Hainaut et d'Anvers, et l'on s'est borné à donner les deux Flandres à la cour d'appel de Gand. A cette époque les deux Flandres étaient beaucoup plus importantes que quelques-unes des provinces wallonnes. Depuis lors l'importance relative de ces provinces a évidemment changé ; ainsi il est certain qu'aujourd'hui la province de Hainaut a acquis à elle seule, au point de vue judiciaire, une importance telle, que si le législateur de 1832 eût pu la prévoir, il en aurait tenu compte, il eût fait une autre classification.

La Constitution dit qu'il y a trois cours d'appel en Belgique et que la loi règle le ressort. Eh bien, rien ne vous empêchera d'attribuer la province d'Anvers à la cour d'appel de Gand. Cette cour, dont tous les membres par nécessité doivent connaître la langue flamande, aura ainsi dans son ressort trois provinces essentiellement flamandes,

Cette modification ferait cesser en grande partie les embarras qui entravent souvent la marche de la justice devant la cour de Bruxelles, dans laquelle siègent plusieurs magistrats qui ne connaissent pas le flamand, tandis que la province d'Anvers lui envoie une multitude d'affaires qui exigent la connaissance de cette langue, puisque le fond même du débat repose souvent sur l'interprétation d'actes, de conventions, de testaments rédigés en flamand. Mes honorables collègues et confrères de Bruxelles qui siègent dans cette Chambre ne me contrediront pas. Au besoin je pourrais citer des faits qui confirmeraient mes paroles.

Cette modification à la juridiction actuelle des cours d'appel présenterait d'autres avantages. Elle établirait en Belgique l'unité dans la jurisprudence maritime.

Tous les ports, Anvers, Termonde, Gand, Bruges et Ostende, seraient soumis à une même juridiction supérieure, et on éviterait la divergence de jurisprudence en fait de droit commercial maritime. Ces motifs me paraissent bien dignes de la sérieuse attention de M. le ministre de la justice.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Et où serait le siège de cette nouvelle cour, dont la circonscription serait ainsi agrandie ? Serait-ce à Anvers ?

M. Debaets. - Veuillez bien croire, M. le ministre des affaires étrangères, que je n'ai nulle envie d'établir un débat de représentant de Gand à représentant d'Anvers.

Je pose la question au seul point de vue de l'intérêt public, des nécessités de la justice ; et je m'étonne que ce soit du banc ministériel que parte une leçon qui tendrait à faire croire que des observations dictées, je le répète, par de hautes considérations sociales, sont inspirées par un étroit et mesquin esprit de clocher ou par un but électoral. (Interruption.)

Il est un autre point encore sur lequel j'aurais à appeler l'attention «le M. le ministre de la justice, mais la réponse qu'il vient de faire à l'honorable M. Tack me dispense d'y insister.

La question des secrétaires du parquet étant réservée jusqu'à la discussion du budget de la justice, je n'en parlerai pas maintenant. Mais contrairement au proverbe de minimis non curat praetor, j'exprimerai le désir qu'à propos du budget de la justice, on examine s'il n'y a pas lieu de revenir sur une multitude de décisions qui ont frappé les plus humbles serviteurs de la justice, les huissiers, véritables martyrs de l'esprit d'économie qui dominait en 1848, et dont jusqu'à présent ils continuent à être seuls les victimes.

M. de Theux. - On propose le renvoi de notre proposition d'augmentation des juges de paix à la commission d'organisation judiciaire. Je ne puis m’empêcher de faire remarquer à la Chambre que c'est, je pense, le troisième projet d'organisation judiciaire qui a été présenté, que les deux premiers n'ont pas été discutés et qu'il est impossible de prévoir quand le troisième le sera.

J'aurais pu comprendre jusqu'à un certain point le renvoi de cette proposition à la commission, s'il avait été entendu que la commission serait invitée à faire son rapport dans la présente session et si la Chambre avait pris en quelque sorte l'engagement, d'accord avec le gouvernement, de fixer le traitement des juges de paix, après une discussion générale, dans la présente session.

Mais si cette question doit être ajournée jusqu'au vote de la loi générale d'organisation judiciaire, je voterai, quant à moi, provisoirement pour le traitement proposé par nos honorables collègues, sauf les modifications que la commission pourra proposer et que la Chambre pourra introduire en fixant définitivement l’organisation judiciaire.

Il est évident, en effet, que si nous nous bornons purement et simplement (page 188) à voter ce qui est proposé, les juges de paix resteront peut-être encore pendant bien des années dans leur position actuelle.

Cependant, messieurs, je pense que les mêmes motifs qui ont fait augmenter les traitements des magistrats des tribunaux de première instance, des cours d'appel et de la cour de cassation militent et à plus forte raison encore en faveur des juges de paix.

Il importe que, dès maintenant, les hommes les plus honorables et les plus capables aspirent à ces fonctions et que le gouvernement puisse les y appeler.

Voici, messieurs, les observations générales que je veux présenter, en peu de mots, sur l'ensemble de l'administration de la justice.

M. le ministre de la justice a cru qu'il n'y avait rien à modifier, qu'il fallait laisser les tribunaux tels qu'ils existent. Effectivement, messieurs, ou ne peut supprimer ni la cour de cassation, ni les cours d'appel, ni réduire le nombre des tribunaux de première instance et des justices de paix. Mais n'est-il pas possible d'étendre les attributions des justices de paix et des tribunaux de première instance, et d'aviser à une décision plus prompte des cours en appel ?

Je crois que cela est possible, et je me propose d'appeler sur ce point l'attention du gouvernement. Car enfin, il ne suffit pas de voir et obtenir une bonne justice par les soins des jurisconsultes éminents à tonus les degrés de la juridiction ; il faut aussi obtenir une prompte justice et il faut que la justice ne coûte pas trop cher à ceux qui se trouvent dans la stricte nécessité de recourir à ses arrêts. Il ne faut point qu'on y dépense une partie de sa fortune ou qu'on recule devant un procès parce qu'on n'est pas dans une position de fortune assez brillante.

il ne faut pas non plus que les affaires restent indéfiniment en suspens, qu'elles se compliquent et qu'elles entraînent des pertes presque incalculables et souvent irréparables.

Je crois qu'où pourrait, dans l'ordre des idées que je viens d'exposer, accroître la compétence des juges de paix soit en premier soit en dernier ressort et qu'on pourrait le faire sans attirer dans nos campagnes ce qu'on appelle un barreau rural.

D'abord je ferai remarquer que dans les villes où il y a un tribunal et, par conséquent, un barreau, cela ne changerait rien à l'état actuel des choses.

Quant à la campagne, je crois qu'on pourrait notablement étendre les juridictions des justices de paix sans y appeler un barreau qui, je le reconnais, aurait souvent une cause de durée et d'accroissement du nombre de procès. Ainsi, il est un ordre de questions sur lesquelles la juridiction des juges de paix pourrait être étendu, au plus grand profit de la société.

Je veux parler des questions des loyers et surtout des loyers ruraux. Il importe que ces questions qui sont, la plupart du temps, très simples, soient promptement résolues dans l'intérêt du propriétaire connue du locataire, et qu'elles soient résolues à peu de frais.

Il est d'autres points encore sur lesquels la compétence des juges de paix pourrait être utilement étendue.

Je voudrais aussi que la compétence des tribunaux de première instance qui, d'après les traitements proposés doivent être composés de jurisconsultes distingués, fût également étendue quant au dernier ressort ; car enfin, il est évident qu'aujourd'hui beaucoup de causes qui ne se décident qu'en première instance ne comportent pas les frais des plaidoiries en appel. Cela est incontestable ; tout le monde se plaint aujourd'hui de la cherté des débats judiciaires, de la longue durée du procès et ou se dit que finalement la justice devient inadmissible dans une infinité de cas.

C'est là une véritable calamité. La justice doit être bonne, prompte et économique, si l'on veut qu'elle soit entourée du prestige, de l'autorité morale qu'elle doit avoir dans un Etat civilisé.

En appel, maintenant les procès durent quelquefois un temps infini ; pourquoi ? Parce que les cours d'appel sont saisies de causes beaucoup trop nombreuses.

Or, par le moyen que j'ai indiqué, le nombre de causes de ces tribunaux serait notablement réduit.

Mais la prolongation des procès a encore une autre cause ; ce sont les remises à l'infini des affaires. Il arrive quelquefois qu'une seule cause est remise pendant plusieurs années avant d'arriver à être plaidée.

Je dis, messieurs, que c'est là une véritable calamité ; et je trouve qu’il devrait y avoir un règlement qui donnât à l'avocat la garantie qu'une cause sera plaidée au jour fixé, à moins d'un empêchement absolu.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - L’honorable comte de. Theux appuie l'amendement relatif aux juges de paix, parce qu'il craint qu'il ne soit pas donné à la question une solution prochaine par la commission d'organisation judiciaire. Il dépend de l'honorable membre que ses craintes ne se réalisent pas.

M. de Theux. - Pas du tout !

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il dépendra, dis-je, de M. le comte de Theux que la question soit promptement décidée. (Interruption.) Je crois n'avoir rien dit de désagréable à l'honorable membre.

M. de Theux. - Vous me mettez en cause inutilement.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Permettez-moi de compléter ma pensée.

L'honorable M. de Theux fait partie de la commission, l'honorable M. Nothomb en fait également partie ainsi que M. d'Hoffschmidt.

Ces trois membres donnent leur adhésion à l'amendement, les autres membres ne se refuseront pas à l'examiner aussitôt que la chose pourra se faire. Rien n'empêche, par conséquent, que le rapport sur le projet de loi ne soit présenté et que la Chambre ne s'en occupe dans cette session.

L'honorable M. de Theux dit que ce projet est si vaste qu'il sera difficile de le voter. Il faut s'entendre : il n'y a guère dans ce projet que trois ou quatre questions à résoudre : la composition des cours d'assises, la réorganisation des tribunaux de commerce, la fixation d'une limite d'âge pour la magistrature ; les autres dispositions sont empruntées aux lois actuelles ; elles sont familières aux honorables membres de la commission.

Il n'y a donc pas d'obstacle au renvoi de la question qui est en ce moment soumise à la Chambre.

L'honorable comte a présenté plusieurs observations qui ne se rattachent pas au projet, j'y répondrai brièvement.

Il voudrait voir étendre la compétence des tribunaux de première instance et des justices de paix.

Cette compétence a déjà été doublée. Autrefois il y avait lieu à appel quand la valeur du litige excédait 1,000 fr. Aujourd'hui, ils prononcent sans appel jusqu'à concurrence d'une somme de 2,000 fr. ou d'un revenu de 75 fr., ce qui représente une valeur de 3,000 fr.

Je ne pense pas qu'il y ait lieu de dépasser ces limites ; une somme de 2,000 à 3,000 fr. constitue souvent toute la fortune d'un individu.

La compétence des justices de paix a été portée de 100 à 200 francs, faut-il aller au-delà ? Je n'en suis pas convaincu.

Quant à la durée des procès, le projet de loi d'organisation judiciaire contient une disposition qui est destinée à y mettre un terme, en permettant au gouvernement de fixer le nombre des audiences qui devront être tenues par semaine. Certaines cours et certains tribunaux pourraient siéger plus souvent. On pourrait exiger quatre audiences au lieu de trois que l'on tient généralement.

Mais la loi ne pourra pas régler la durée des débats, c'est aux présidents qu'il appartient de décider quand la justice est suffisamment éclairée, ils ont à cet égard un pouvoir discrétionnaire.

J'ai toujours été d’avis qu'il y avait lieu d'apporter des modifications au Code de procédure, mais tous les Codes ne peuvent être révisés en même temps.

Les Chambres s'occupent en ce moment du Code pénal, pendant que des commissions examinent les Codes de commerce et d'instruction criminelle.

Je suis tout disposé à faire également réformer le Code de procédure civile, qui laisse certainement beaucoup à désirer.

L'honorable M. de Theux se plaint enfin de l'augmentation du personnel des tribunaux : cette augmentation, à certain point de vue, témoigne en faveur du pays, car elle a été nécessitée par le développement de la richesse publique, par les progrès du commerce et de l'industrie.

M. Orts. - Et la population.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Et le développement de la population. C'est à ces causes qu'il faut attribuer l'accroissement du nombre des affaires, et par suite la création de nouveaux sièges.

Il y a des cours où il justice ne se rend pas vite, mais il y en a aussi où il n'y a pas d'arriéré. A la cour d'appel de Liège, par exemple, la justice est rendue aussi promptement qu'il est possible.

Je crois, messieurs, que ces considérations, qui ne se rattachent pas directement à l'objet en discussion, ne doivent pas arrêter le vote du projet de loi.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Messieurs, je demande à dire un mot d'un objet qui ne vaut peut-être pas la peine d'une explication, mais je serai très bref.

Lorsque l'honorable député de Gand exprimait tout à l’heure des vœux pour l’agrandissement de la circonscription de la cour d’appel de Gand, (page 189) il émettait l'idée d'y joindre la province d'Anvers. Son motif principal résidait dans ce que tous les ports de commerce devraient, être placés, selon lui, sous la même juridiction.

Je me suis permis de lui demander où il placerait le siège de cette nouvelle cour agrandie.

Cette simple question m'a valu une réponse peu obligeante de l'honorable député de Gand.

Quand il a proposé, en faveur de la cour d'appel de Gand, l'adjonction d'une nouvelle province, celle d'Anvers, je ne l'ai pas accusé d'obéir à un esprit mesquin, étroit, d'intérêt électoral ou autre. Je ne lui ai pas adressé un pareil reproche. Je ne sais donc pourquoi il est venu me répondre par une incrimination de ce genre.

Quand il parlait de joindre la province d'Anvers à la juridiction de la cour d'appel de Gand, ne m'était-il pas permis de m'enquérir si le siège de cette cour serait à Gand ou à Anvers ?

Il est évident qu'entre Gand et Bruxelles le choix des habitants d'Anvers serait pour le maintien de la capitale.

Voilà la seule question que je m'étais permise. Je le répète, je n'ai pas attribué à l'honorable député de Gand les motifs mesquins, étroits dont il a parlé et je le prie de croire que je n'ai pas non plus cédé à de pareils motifs.

M. de Theux. - L’honorable ministre de la justice a dit à la chambre qu'il dépendait de moi d'accélérer les travaux de la commission d’organisation judiciaire et de presse le vote de la Chambre. C'est une grave erreur. M. le ministre de la justice sait parfaitement que je ne suis que pour 1/9 dans cette commission et quoique le ministre n'ait pas produit beaucoup de questions, il est évident que la commission est appelée à examiner toutes celles qui se présentent et qu'elle n'est pas strictement limitée aux questions que M. le ministre a soulevées.

M. De Fré. - J'ai demandé la parole comme rapporteur de la section centrale. Je serai très court. Il me semble qu'il est impossible, après le vote de la section centrale, que son rapporteur ne vienne pas combattre la demande d'ajournement faite par l'honorable M. de Naeyer.

Messieurs, la section centrale a écarté toutes les questions qui se rattachent à ce projet, non seulement parce qu'i y avait une commission spécialement chargée d'examiner ces questions, mais aussi parce qu'il eût été injuste de ne pas faire jouir les membres de l'ordre judiciaire, à dater du 1er janvier 1863, de l'augmentation de traitement qui est allouée à tous les autres fonctionnaires de l'Etat.

Si vous adoptez l'amendement de l'honorable M. de Naeyer, vous mettrez la magistrature dans une position d'infériorité. Or, est-il convenable, est-il digne que la Chambre, branche du pouvoir législatif, manque précisément à cet égard à la magistrature, qui constitue un des trois pouvoirs de l'Etat ?

Il serait d'autant plus injuste de mettre la magistrature dans une position d'infériorité, qu'il est constaté que, tandis que tous les fonctionnaires de l'Etat ont eu des augmentations de traitement, la magistrature seule n'en a pas eu.

M. Beeckman. - C'est une erreur.

M. De Fré. - Il me semble que quand j'énonce ce fait, je dois en être certain.

M. Wasseige. - Vous devriez en être certain.

M. De Fré. - Depuis trente ans le traitement des magistrats de la cour de cassation n'a pas été augmenté. Leur traitement était de 9,000 francs en 1832, et il est encore de 9,000 francs en 1862. Si le fait était contesté, je prierais mes contradicteurs de comparer la loi du 4 août 1832 avec la loi du 16 mai 1845 et ils verront que les membres de la cour de cassation n'ont pas eu d'augmentation de traitement. Vous voyez donc bien que vous avez eu tort de murmurer et qu'il fallait me laisser aller jusqu'au bout pour prouver mon assertion.

M. Wasseige. - Vous avez dit : la magistrature.

M. De Fré. - La cour de cassation n'est-elle pas de la magistrature ?

M. Wasseige. - Elle n'en est qu'une partie.

M. De Fré. - L'honorable M. de Naeyer demande l'ajournement du projet de loi jusqu’à ce que le gouvernement ait fourni un travail d'ensemble qui indique les différentes augmentations ; mais la base des traitements de la magistrature «m autre que la base des traitements des autres membres de l'ordre administratif ; il me semble que l'on ne saurai trop insister à cet égard.

Je ne parle pas ici de ma position sociale de la magistrature, dont l'importance a déjà été signalée, mais je dis que le chiffre du traitement de la magistrature est basé sur ce qu'un magistrat aurait pu gagner comme avocat, s'il n'était pas entré dans l'ordre judiciaire. Vous êtes obligés de prendre vos magistrats dans le barreau. Eh bien, il est évident que si le traitement que vous allouez n'est pas à peu près en rapport avec ce qu'un magistrat peut gagner s'il était resté avocat, l'avocat n'entrera pas dans la magistrature.

Voilà, messieurs, la base qui a servi de tout temps pour déterminer le chiffre du traitement de la magistrature ; mais il faut tenir compte aussi de l'éducation longue et coûteuse qu'il a fallu faire pour arriver à la position de docteur en droit, et du stage que le juge docteur a dû subir, il y a là un capital très considérable qui a été dépensé. Pouvez-vous comparer un magistrat qui est arrivé, après tant de dépenses et d'épreuves, à une position de juge, à un receveur de l'enregistrement qui a commencé par être commis à 18 ans, et qui sans dépenser le moindre capital, sans travailler comme magistrat, est arrivé, à l'âge de 35, de 40 ou de 45 ans, à avoir un traitement de 6,000 à 7,000 francs ?

Il est donc évident que vous ne pouvez comparer le traitement du magistrat au traitement d'un fonctionnaire de l'ordre administratif, parce que la base est différente. La demande de l'honorable M. de Naeyer n'est donc pas fondée ; car l'honorable membre part de cette idée que la même base a servi pour fixer les différents traitements. Or, cela est inexact.

Maintenant faut-il parler aussi de l'étude continuelle à laquelle le magistrat est astreint afin de se tenir au courant de la science, au courant de la jurisprudence, et de la dépense de livres qu'une pareille étude et une pareille éducation exigent ? Evidemment de pareilles dépenses, encore une fois, ne sont exigées ni d'un colonel de régiment ni d'un receveur d'enregistrement.

Vous voyez donc bien que la demande faite par l'honorable M. de Naeyer n'est pas fondée, et qu'il ne peut y avoir une base générale pour déterminer l'augmentation des traitements.

On dit encore qu'il faut protéger les petits et que pour cela il faut donner beaucoup aux petits et peu aux grands. Mais il y a une chose qu'on oublie : c'est que les petits désirent devenir grands, et, comme le disait Louis XVIII, chaque soldat porte dans sa giberne son bâton de maréchal.

La cour de cassation est pour le magistrat ce qu’est pour le soldat le bâton de maréchal.

Maintenant, je le dis ceci, et je dis non seulement pour la magistrature, mais je le dis aussi pour toutes les autres carrières : Voulez-vous encourager les petits ? Voulez-vous que les petits deviennent grands ? Excitez leur émulation, et comment pouvez-vous exciter leur émulation ? En leur montrant une belle perspective. Montrez-leur une perspective élevée, et alors leur activité se déploiera, et alors par leur activité, par leur talent, ils chercheront à acquérir cette position à la fois honorable et lucrative, qui excite leur ambition.

C'est dans l'intérêt des contribuables que l'honorable M. de Naeyer demande la réduction des traitements proposés ; mais les contribuables deviennent des justiciables et le contribuable devenu justiciable a le plus grand intérêt à trouver de bons juges, des juges intelligents, des juges capables. Et pour avoir des juges capables, il faut les rétribuer avec équité.

Aurez-vous rendu un bien grand service au contribuable en laissant dans sa poche sa part contributive et proportionnelle de l'augmentation dont il s'agit, si, pour avoir fait cette petite économie, il se trouve victime de l'ignorance et de l'incapacité tie l'homme que vous n'avez pas voulu payer convenablement ?

Messieurs ce n'est pas dans l'intérêt du juge, c'est dans l'intérêt de la société tout entière qu'il faut donner aux magistrats une position digne, à l'effet de garantir la liberté et la propriété des citoyens. Car, c'est là notre ancre de salut. Quand la liberté se trouve opprimée, la magistrature est pour ainsi dire la seule force qui fasse triompher le droit.

Vous le savez, il n'y a pas bien longtemps, un conflit excessivement grave s'est élevé entre le gouvernement et un citoyen. La Chambre saisie de ce débat en renvoya l'examen à la magistrature qui s'est prononcée avec cette indépendance que l'on peut attendre d'hommes intelligents qui comprennent leur mission.

En Belgique la magistrature est toujours restée à la hauteur de sa mission. Eh bien, voulez-vous qu'elle se maintienne k cette hauteur ? Faites-en sorte d'attirer à elle les hommes les plus capables, des hommes qui peuvent rendre à la société les services que la société attend d'elle.

Un dernier mot.

J'ai demandé, au nom de la section centrale, le renvoi de l'amendement (page 190) de l'honorable M. Nothomb à la commission d’organisation judiciaire. Je demande le même renvoi des amendements de l'honorable M. Julliot et de l'honorable M. Van Humbeeck. Les raisons données par M. le ministre de la justice me dispensent, en présence de l'impatience de la Chambre, d'en donner d'autres.

Je dois toutefois témoigner mon étonnement de voir l'honorable M. Nothomb défendre avec tant de chaleur les juges de paix et leurs greffiers, lui qui n'a rien fait pour eux lorsqu'il é ait ministre. Il aurait, dès lors, donné à ces magistrats la position qu'il demande aujourd'hui pour eux.

M. de Naeyer. - Comme mon amendement a été attaqué par plusieurs membres et que je l'ai proposé sur l’invitation de plusieurs collègues, je crois devoir dire quelques mots pour le défendre. Cela ne sera pas long.

Messieurs, l'honorable ministre de la justice et l'honorable rapporteur n'ont opposé à ma proposition d'ajournement qu'un seul argument, et cet argument le voici : c'est que quant aux traitements il n'y aurait pas de comparaison à établir entre la magistrature et les autres fonctionnaires de l'Etat : que les traitements de la magistrature doivent être fixés d'après d'autres bases.

A certains égards, cela peut être vrai, en général, mais on perd de vue qu’il s'agit non pas de réviser les traitements pour établir une espèce d'équilibre général, mais uniquement de les augmenter à raison d'une cause toute spéciale, et cette cause spéciale s'applique à tout le monde, elle a été parfaitement indiquée par l'honorable ministre de la justice, puisqu'il a reconnu avec moi que, sans le renchérissement des choses nécessaires à la vie, personne n’aurait songé à augmenter les traitements. C'est là la cause unique ou tout au moins principale des augmentations proposées.

Eh bien, messieurs, cette cause ne s’applique-t-elle pas à tout le monde ? M. le ministre nous a parlé des dépenses que le magistrat doit faire pour se loger convenablement, mais M. le ministre croit-il que le magistral doit subir, sous ce rapport, des conditions proportionnellement plus dures qu'un autre fonctionnaire ou employé de l'Etat ?

Je crois le contraire : j'ai entendu dire par des propriétaires qu'ils seraient flattés de voir leurs maisons occupées par des magistrats, et je suis convaincu qu'au lieu de devoir payer plus cher, ils obtiendraient des loyers plus favorables.

Vous voyez donc, messieurs, que pour cette augmentation spéciale dont il s'agit, il n'est pas exact de dire qu'il y a des bases différentes pour les magistrats et pour les autres fonctionnaires, c'est donc ici la même base pour tous les traitements, sauf quelques cas exceptionnels. Sous ce rapport, l'utilité du travail que je demande est incontestable, et ma proposition d'ajournement est parfaitement justifiée.

Maintenant, messieurs, on a, ce me semble un peu dénaturé ma proposition ; il ne s'agit pas du tout de renvoyer le projet aux calendes grecques. Il est bien dans l'intention de tout le monde et de l'auteur de la proposition avant tout, que cette question soit vidée très prochainement.

Le gouvernement peut très facilement pour la rentrée, au mois de janvier, présenter le travail que j'avais demandé, et il est évident que les traitements, tels qu'ils seront votés, alors seront reportes au 1er janvier ; cela est bien entendu.

On dit que les traitements de la magistrature n'ont pas été augmentés depuis la révolution, mais il y a eu une augmentation en 1845, pour presque tous les magistrats. En 1848, lorsque le vent était aux économies, on a opéré plusieurs réductions de traitements, sans toucher en rien aux traitements de l'ordre judiciaire, et je ne pense pas que tous les traitements réduits en 1848 aient été rétablis jusqu'ici à leur taux primitif.

On dit encore : Mais le travail que vous demandez existe, il se trouve dans les notes préliminaires des budgets qui nous sont proposés, et même les renseignements donnés de cette manière à la Chambre lui ont permis de voter le budget des finances.

Je vais m'expliquer franchement à cet égard : le budget des finances a été voté par une sorte d'entraînement parce qu'on a voulu rendre hommage à M. le ministre des finances à cause du zèle qu'il a déployé pour simplifier le» rouages de son administration.

Ce n'est pas pour flatter le ministre que je le dis, il me rendra cette justice que je n'ai pas l'habitude de de flatter les hommes qui sont au pouvoir ; mais dans les sections on a reconnu qu'au département des finances on a cherché sérieusement à réaliser des économies pour faire face à l’accroissement de dépenses résultant de l'augmentation des traitements. D'ailleurs les traitements proposés dans ce budget sont loin d’être majorés dans des proportions aussi fortes et aussi exagérées, suivant moi, que ceux qu’on nous propose aujourd'hui. Là pour les traitements de plus de 4,000 francs, on ne dépasse la moyenne de 11 à 15 p. c. que dans des cas tout à fait exceptionnels.

Maintenant pour les autres budgets, le travail que je réclame n'existe en aucune façon et la preuve est qu’on a demandé dans les sections une foule de renseignements, des explications de tout genre pour pouvoir apprécier les véritables bases des augmentations proposées, et calculer les conséquences financières de la méthode.

En résumé, messieurs, le dilemme que j'ai posé subsiste : j'ai dit à quel énorme chiffre de dépenses on arriverait, si toute proportion gardée, on voulait faire pour tout le monde ce qu'on propose de faire pour la magistrature.

Eh bien, on ne le fera pas pour le moment : on se contentera d'augmentations moindres ; mais quand vous aurez posé un précédent par l'adoption du projet actuel, vous serez assaillis de réclamations ; et chaque année vous verrez grossir vos budgets pour mettre successivement les augmentations des autres traitements en rapport avec celles accordées à la magistrature, cela sera inévitable parce que vous aurez négligé de vous appuyer sur un travail d'ensemble.

Quant à l'utilité de l'ajournement elle résulte encore des paroles que l'honorable M. de Theux vient de prononcer. Que dit l'honorable membre ? Qu'il ne pourrait pas se prononcer aujourd'hui entre les chiffres que j'ai proposés et ceux qui ont été proposés par le gouvernement.

Ainsi il y a doute dans l’esprit de l'honorable M. de Theux. Eh bien, le même doute existe dans l'esprit de beaucoup de membres. Dans cette position, il est incontestable que les renseignements que je réclame seraient de nature à nous éclairer. Le seul parti sage est donc d'ajourner, et cet ajournement ne peut avoir rien de blessant pour personne en définitive, et puisqu'il est implicitement décide dès maintenant que dans tous les cas les traitements seront augmentés et que l'augmentation prendra cours au 1er janvier.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je remercie l’honorable M. de Naeyer de ce qu'il vient de dire de gracieux pour moi ; mais je ne puis pas accepter le compliment qu'il a bien voulu m'adresser, à titre de critique des actes de mes collègues. Dans ce sens, il serait parfaitement injuste.

En effet, messieurs, il est absolument impossible d'établir une comparaison quelque peu rationnelle entre les divers départements ministériels. M. le ministre de la justice l'a déjà démontré pour ce qui concerne son département, et vous entendrez successivement nos honorables collègues vous donner, à l'occasion de leurs budgets, des explications qui, j'en suis convaincu, ne vous laisseront pas le moindre doute à cet égard.

Il ne faut pas supposer non plus, messieurs, que l'on pouvait procéder à l'égard de tous les départements, comme j'ai pu le faire en ce qui concerne celui des finances.

Au ministère de la justice, par exemple, on vous a prouvé très clairement qu'il n'y avait pas de réformes à opérer, puisque toute l'administration proprement dite, l'administration qui est dans la main du ministre, est organisée avec la plus grande simplicité possible. Mais en supposant même que l'on eût pu y introduire quelques réformes, c'est-à-dire, pour me placer au point de vue de l'honorable préopinant, décréter quelques suppressions d'emploi, quel résultat cela eût-il pu produire ? Ce sont les traitements de la magistrature et ceux du clergé qui constituent la partie véritablement importante du budget du ministère de la justice, et le ministre n'a aucune action pour ordonner des suppressions dans ce personnel. Si des suppressions dans d'autres services eussent été possibles, et il a été reconnu que cette possibilité n'existait pas, elles n’eussent évidemment pas eu pour effet d’atténuer d'une manière appréciable la dépense occasionnée par les augmentations à attribuer à la généralité des fonctionnaires.

Il faut, messieurs, se montrer juste et impartial dans l'appréciation des résultats de la réforme générale des traitements. On ne pouvait, sans désorganiser les services et sans compromettre réellement les intérêts du pays, procéder partout par voie de suppression.

J'avais, quant à moi, le moyen de faire autre chose à cet égard que ce que pouvaient faire mes collègues et je me suis empressé de le faire. Je me suis demandé si, dans une administration aussi vaste que celle du département des finances, il n'y avait plus de réformes possibles après celles que déjà j'y avais apportées. Une étude sérieuse et approfondie de cette question m'a donné la conviction que certaines simplifications pouvaient encore être avantageusement introduites. Je les ai tentées, et je m'estime heureux d'avoir vu les Chambres y donner leur approbation.

Maintenant, messieurs, je dois dire un mot de l'amendement de l'honorable M. de Naeyer. Je suis obligé de déclarer que je ne le comprends (page 191) pas. L'honorable membre demande l'ajournement de la discussion du projet de loi qui nous occupe, jusqu'à ce que le gouvernement ait présenté un travail d'ensemble sur l'augmentation de tous les traitements qui sont à la charge du trésor public.

Si j'ai bien saisi la pensée de l'honorable membre, le travail d’ensemble qu'il demande est compris dans tous les budgets...

M. de Naeyer. - Implicitement.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Permettez ; je désire être éclairé ; je désire savoir si ce que demande l'honorable M. de Naeyer est une chose possible, pratique.

En supposant la motion adoptée, devrions-nous reproduire simplement les propositions qui sont contenues dans les budgets des divers départements ? En ce cas, à quoi bon ? Ou bien ce que l’on désire, est-ce un travail d'ensemble sur ces propositions, afin de pouvoir les comparer entre elles ? Dans cette hypothèse, je ne conçois pas l'utilité d'un pareil travail, et cela par un motif bien simple, c'est qu'une semblable comparaison n'est pas logiquement possible.

Peut-on, par exemple, comparer le traitement d'un sociétaire général à celui d'un procureur général ? Ce n'est pas, sans doute, parce qu'il y a le mot « général » dans les deux cas qu'on peut assimiler ces deux fonctions, dont la nature essentiellement différente repousse toute comparaison.

Cette dissemblance, existe dans presque tous les cas. La spécialité des diverses administrations ne permet pas, évidemment, de comparer rigoureusement position à position. L'harmonie que l’on semble vouloir obtenir sous ce rapport est absolument impossible.

Il n'en est pas absolument de même pour l'administration proprement dite, c'est-à-dire pour l'administration centrale de chaque département Là, cette harmonie peut être établie sans que l'on soit arrêté par les mêmes difficultés. Ainsi, nous avons des secrétaires généraux dans les divers départements ministériels ; leurs traitements actuels ne sont pas égaux ; il y a des secrétaires généraux à 8,400 fr., d'autres à 9,000 fr. ; eh bien, à l'avenir, les secrétaires généraux seront rétribués d'une manière uniforme. Nous nous sommes mis d'accord pour fixer leur traitement à 10,000 francs. Nous avons ensuite des directeurs généraux, chefs d'administration, dans certains ministères ; ces directeurs généraux seront également rétribués d'une manière uniforme. Il y a encore les directeurs, les inspecteurs, les chefs de bureaux, les commis ; l'assimilation de ces différents grades sous le rapport du traitement est une chose possible, cl, eu général, elle a été faite.

Mais il est absolument impossible d'aller au-delà, et d'introduire cette uniformité des traitements dans des administrations, dans des services qui n'ont entre eux aucune analogie.

Ainsi, l’armée doit être examinée séparément ; nous avons dû rechercher quel était le traitement qui devait équitablement être affecté à chaque grade.

Quant aux membres du corps diplomatique, nous ne pouvons pas les comparer aux gouverneurs et aux commissaires d'arrondissement. Ils occupent des positions spéciales.

Il en est de même encore pour la magistrature dont nous nous occupons aujourd'hui. La position des magistrats doit être aussi examiné isolément, sans comparaison possible avec toute autre position.

Ah ! si, comme l'a très bien fait observer M. le ministre de la justice, en répondant à l’honorable M. de Naeyer, si, à une époque quelconque, les traitements avaient été fixés, dans tous les degrés de l'administration, d'après un certain principe, aujourd'hui les augmentations pourraient être également réparties suivant cette même base, dans une proportion généralement uniforme, si une pareille situation n'a jamais existé.

A l’occasion de la révision actuelle des traitements, on a fait plus sous ce rapport qu'à aucune autre époque : on s'est efforcé d'établir une certaine uniformité pour des positions semblables ou ayant entre elles une véritable analogie. Mais on n'a pu trouver de point de comparaison entre les traitements de la magistrature et les traitements attribués à d'autres administrations, parée que, comme je l'ai déjà fait remarquer, aucune assimilation n'est possible entre les magistrats et les autres fonctionnaires rétribués par l'Etat.

Je le répète donc, je ne puis comprendre l'utilité du travail comparatif que demande l'honorable M. de Naeyer.

- La clôture est demandée.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - J'ai demandé une explication ; on doit pouvoir la donner.

- La clôture est mise aux voix et n'est pas prononcée.

M. le président. - La parole est à M. Guillery.

M. Guillery. - Je la cède à M. de Naeyer.

M. de Naeyer. - M. le ministre des finances ne voit pas l'utilité du travail que je demande : il ne comprend pas l'influence que ce travail peut exercer sur le projet de loi que nous discutons ; il a fait valoir la raison déjà présentée par M. le ministre de la justice, et par l’honorable rapporteur de la section centrale, à savoir qu'il n'y aurait pas de comparaison à établir entre les membres de la magistrature et les autres fonctionnaires, quant aux bases à adopter pour la fixation des traitements.

A cet égard, je ne puis que répéter la réponse que j'ai déjà donnée à l'honorable ministre de la justice et que l'honorable ministre des finances n'a pas même cherché à réfuter. L'honorable ministre de la justice a déclaré en termes bien positifs que l'augmentation moyenne de 30 p. c, pour les traitements de l'ordre judiciaire, est motivée principalement par le renchérissement générai des choses nécessaires à la vie, puisqu'il a reconnu que sans cette circonstance il ne serait venu à l'esprit de personne de faire les propositions dont nous sommes saisis. Il est donc non seulement utile mais même indispensable de savoir comment il a été tenu compte de cette même circonstance dans l'augmentation des autres traitement à charge du trésor public, quelle est la règle qui a été suivie, dans quels cas et pour quels motifs on a admis des exceptions. Sans avoir sur ces différents points des renseignements détaillés et complets, renseignements qui nous font incontestablement défaut en ce moment, il est impossible de mesurer toute l'étendue des sacrifices que le précédent qu'on nous demande de poser aujourd'hui, peut entraîner pour les finances de l'Etat.

Si l'on adopte pour le moment une moyenne inférieure à 30 p. c. pour les autres traitements, ne cherchera-t-on pas, par des augmentations successives, à arriver à la proportion qui forme la base du projet de loi actuel ? La supposition est d’autant plus naturelle que les traitements autres que ceux de la magistrature peuvent être modifiés chaque année par une simple loi de budget. Le travail que je réclame nous éclairerait encore à cet égard, car il suppose nécessairement un état détaillé de toutes les augmentations de traitement, en indiquant par catégorie, les motifs destinés à justifier la base qui a été adoptée.

Je pense qu'au moyen de ces explications l'honorable ministre comprendra parfaitement la portée du travail dont il s'agit et qu’il n'en contestera plus l'utilité.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, la question, telle que la pose l'honorable M. de Naeyer, n'est pas la seule que nous avons eu à examiner ; nous ne nous sommes pas bornés à nous enquérir de quel tantième il faudrait augmenter les traitements actuels des magistrats, à raison du renchérissement des choses nécessaires à la vie. Appelés à réviser les traitements de la magistrature, nous nous sommes demandé, en conseil des ministres, s'il n'y avait pas lieu d'assigner, dès à présent et par la loi, des traitements convenables à la magistrature. Nous nous sommes prononcés pour l’affirmative et nous avons reconnu que l'occasion de la révision générale des traitements était évidemment propice pour proposer cette mesure.

Voilà comment le gouvernement a été amené à vous soumettre le projet de loi que la Chambre discute. Les uns pourront trouver que nous avons été trop larges dans nos propositions ; d'autres que nous sommes restés en deçà du chiffre que les traitements de certains magistrats auraient dû atteindre. C'est là une question d'appréciation.

Quoi qu'il en soit, messieurs, il me semble tout à fait inadmissible de restreindre exclusivement l'examen de la loi qui vous est soumise à la question de savoir si les augmentations proposées sont dans une proportion, en quelque sorte mathématique, avec le renchérissement du prix des choses. Cela ne serait pas admissible. La question sur laquelle la Chambre est appelée à se prononcer est tout autre ; elle est beaucoup plus large, il s'agit de savoir, d'une manière absolue, quel doit être le traitement du juge de paix, celui du juge de première instance, celui du conseiller de cour d'appel et celui de conseiller à la cour de cassation. Voilà la véritable question ; et dans cet ordre d’idées, je ne vois pas quelle utilité pratique pourrait avoir le travail qui est réclamé par l'honorable M. de Naeyer, travail que, du reste, je ne me refuse pas à fournir.

- Voix nombreuses. - Au voix !

M. Guillery. - Un mot seulement. Messieurs, je suis très étonné, je l'avoue, de voir qu'un projet de loi qui intéresse, en réalité, la dignité de la magistrature trouve tant d'adversaires sur les bancs du parti conservateur. (Interruption à droite.) Oui, messieurs, des adversaires décidés.

On a essayé d'abord de combattre de front ; puis, voyant que cela ne réussissait pas, on a en recours à la proposition d'ajournement. Eh bien, je le déclare, je considérerais comme peu digne de nous et du pouvoir (page 192) judiciaire l'adoption d'une telle proposition. Convient-il de marchander par sous et deniers ce qui est légitimement dû ?

Votons pour ou contre la mesure qu'on nous propose ; les convictions doivent être formées de part et d'autre.

Mais il y a une chose que nous ne pouvons faire, c'est d'ajourner indéfiniment la solution de cette question.

Quant au fond de la question, je ne veux plus le discuter. Mais je ne crois pas pouvoir laisser passer sans réponse ce qu'a dit tout à l'heure l'honorable chef de la droite ; car toutes les paroles qui sortent de sa bouche sont très graves : elles ont une légitime autorité dans cette enceinte.

L'honorable membre a trouvé que la justice ne s'administre pas bien, que les procès durent trop longtemps, que la magistrature est trop nombreuse et que l'on s'est écarté très malheureusement de ce qui existait dans l'origine.

Eh bien, c'est là, messieurs, la plus grave erreur, et je ne voudrais pas que la Chambre votât sous l'influence de cette erreur. S'il y a eu des modifications, c'a été, au contraire, en ce sens que l'on a diminué le personnel de la magistrature.

Comparez ce qu'était la population de la Belgique en 1832 à ce qu'elle est aujourd'hui ; voyez ce qu'est actuellement le personnel de la magistrature et vous reconnaîtrez que ce personnel a été notablement réduit.

les lois de 1841 et de 1849 ont eu pour but de simplifier les opérations de la justice : en 1841, on a augmenté la compétence des juges de paix et des tribunaux de première instance, en dernier ressort, ce qui a diminué considérablement le travail des cours d'appel. En 1849, on a attribué aux tribunaux de simple police des faits qui autrefois étaient de la compétence des tribunaux correctionnels. Antérieurement ou a admis ce qu'on appelle la correctionnalisation de certains délits, et cette mesure a notablement réduit le service des cours d'assises ; tellement que la cour d'assises du Brabant, par exemple, qui autrefois siégeait presque toute l'année ne siège plus maintenant que pendant quelques mois. De plus, les cours d'assises, qui autrefois étaient composées de cinq conseillers, ne le sont plus aujourd'hui que de trois magistrats.

On a donc beaucoup simplifié les rouages de la justice et, en définitive, la justice s'administre aujourd'hui à meilleur marché qu'autrefois. On est même allé au-delà de ce que permet la bonne administration de la justice.

Il m'importait, messieurs, de rétablir ces faits pour ne pas laisser la Chambre sous l'impression d'une véritable erreur.

Quant à la conduite des débats judiciaires, c’est là une affaire dans laquelle la législature n'a pas à entrer. Que les débats soient longs ou courts, nous n'avons rien à y voir ; cela dépend exclusivement des magistrats qui y président et à qui, seuls, il appartient de décider quand ils sont suffisamment éclairés pour se prononcer en parfaite connaissance de cause. Nous devons donc, à cet égard, nous en rapporter à la magistrature, et je crois que si M. de Theux, qui ne fréquente pas souvent, je pense, les audiences de nos tribunaux, se sera laissé aller à écouter des propos qui se répètent de bouche en bouche, mais qui n'en sont pas plus sérieux pour cela. S'il voulait en juger par lui-même, il verrait avec quelle dignité la justice s'administre, combien les magistrats toujours dignes de leur mission sont ménagers du temps et savent sauvegarder l'intérêt des justiciables en même temps que l'argent des contribuables.

- Voix nombreuses. - Aux voix ! aux voix !

- La discussion générale est close.


M. le président. - Avant de passer aux détails, nous avons à statuer sur la proposition d’ajournement faite par M. de Naeyer dans les termes suivants :

« J'ai l'honneur de proposer à la Chambre l'ajournement du projet de loi, jusqu'à ce que le gouvernement nous ait présenté un travail d’ensemble sur l'augmentation de tous les traitements à charge du trésor public.

- Plusieurs voix. - L'appel nominal !

- Il est procédé à l'appel nominal.

86 membres y prennent part.

20 membres adoptent la proposition.

66 membres la rejettent.

En conséquence, la Chambre n'adopte pas.

Ont répondu oui : MM. de Liedekerke, de Mérode, de Montpellier, de Muelenaere, de Naeyer, de Pitteurs-Hiegaerts, de Ruddere de Te Lokeren, B. Dumortier, d'Ursel, Faignart, Mercier, Rodenbach, Royer de Behr, Van Bockel, Vanden Branden de Reeth, Vander Donckt, Van de Woestyne, Van Overloop, Verwilghen et Wasseige.

Ont répondu non : MM. de Baillet-Latour, de Boe, de Breyne, de Brouckere, Dechentinnes, de Decker, de Florisone, De Fré, de Haerne, de Lexhy, de Moor, de Renesse, de Ridder, de Rongé, de Smedt, de Terbecq, de Theux, d'Hoffschmidt, Dolez, H. Dumortier, Frère-Orban, Frison, Goblet, Grandgagnage, Guillery, Jacquemyns, Jamar, Janssens, M. Jouret, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Landeloos, Laubry, le Bailly de Tilleghem, C. Lebeau, Moreau, Mouton, Muller, Nélis, Nothomb, Orban, Orts, Pirmez, Pirson, Rogier, Sabatier, Tack, Tesch, Thibaut, Thienpont, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Leempoel de Nieuwmunster, Van Renynghe, Van Volxem, Allard, Ansiaux, Bara, Braconier, Carrier, Carlier, Dautrebande, Crombez, Debaets et Vervoort.


M. le président. - Maintenant vient la proposition d'ajournement de M. De Feé qui s'applique aux trois amendements, à celui de MM. Nothomb et consorts, à celui de M. Van Humbeeck et à celui de M. Julliot.

M. Nothomb. - Je demande que la Chambre procède par division et qu'elle décide d'abord sur la motion d'ajournement proposée contre l'amendement que j'ai signé avec d'autres honorables collègues.

M. Dolez. - Si j’ai bon souvenir des débats qui ont eu lieu, il y a eu une demande de renvoi à la commission spéciale de l'organisation judiciaire.

Il faudrait donc mettre aux voix cette question de renvoi.

M. le président. - C’est aussi cette question-là que je voulais mettre aux voix d'une manière générale.

Maintenant on demande la division ; nous devons donc voter nécessairement sur chacune des propositions à mesure que nous arriverons aux articles auxquels elles s'appliquent.

Nous passons donc au premier tableau des traitements des membres de l'ordre judiciaire.

Discussion des articles

Article premier (tableau A)

« § 1er. Cour de cassation

« Premier président et procureur général : fr. 16,000. »

- Adopté.


« Président de chambre : fr. 13,000. »

- Adopté.


« Conseillers : fr. 11,250. »

- Adopté.


« Avocats généraux : fr. 12,000. »

- Adopté.


« Greffier : fr. 7,000. »

M. Crombez. - Parmi les annexes au rapport de la section centrale se trouve la question que voici :

« Pourquoi l'augmentation de traitement des greffiers des cours d'appel n'a-t-elle pas eu lieu dans la même proportion que le traitement du greffier de la cour de cassation ? » A cette question il a été fait la réponse suivante : « La différence provient de ce que le greffier de la cour de cassation ne peut compter sur des émoluments équivalents à ceux qui sont assurés aux greffiers des cours d'appel. »

Messieurs, cette réponse n'est pas entièrement exacte. Il est vrai que le greffier de la cour d'appel de Bruxelles jouit d'émoluments supérieurs à ceux du greffier de la cour de cassation, mais les greffiers des cours d'appel de Liége et de Gand sont dans une position inverse ; cela résulte des documents fournis par le département de la justice. Ainsi, le greffier de la cour d'appel de Liège n'a eu, en 1861, que 487 fr. d'émoluments, le greffier de la cour de cassation en a reçu 1,452 fr. 91 c, donc mille fr. en faveur du greffier de la cour de cassation ; ce n'est pas tout, le greffier de la cour d'appel de Gand se trouve dans une position tout à fait inverse de celle du greffier de la cour de cassation, non seulement il n'a pas des émoluments plus forts, mais il se trouve en déficit ; en 1860, le déficit était de 217 fr., en 1861 de 183 fr. 75 c.

Donc la réponse de M. le ministre n’est pas concluante ; je ne sais pas encore pourquoi le traitement du greffier de la cour de cassation, qui était de 5,000 fr., est porté à 7,000, ce qui fait une augmentation de 2,000, francs, soit 40 p. c.

Je ne puis pas me rallier à la proposition, à moins que M. le ministre de la justice ne nous donne d'autres explications.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Le traitement du greffier doit être en rapport avec celui des autres membres du corps auquel il appartient C'est la première base de la fixation du traitement. Il est vrai, comme l'a dit M. Crombez, que les émoluments du greffier de la cour de cassation sont supérieurs à ceux des greffiers des cours d'appel de Liège et de Gand, mais c'est avec le greffier de la cour de Bruxelles (page 193) que la comparaison doit se faire, à moins d'établir différentes classes de greffier, ce qui me semble inadmissible. Si je n'avais dû tenir compte que des émoluments des greffiers des cours de Liège et de Gand, il arrivait que, quoique hiérarchiquement supérieur, le greffier de la cour de cassation avait un traitement inférieur au greffier de la cour d'appel de Bruxelles, ce qui ne peut pas être. (Aux voix ! aux voix !)

M. Dolez. - Non seulement, messieurs, la comparaison ne doit pas avoir lieu entre le greffier de la cour de cassation et les greffiers des cours d'appel de Liége et de Gand, mais avec le greffier de la cour d'appel de Bruxelles, parce que l'un et l'autre habitent cette ville. Si l'on prend ces termes de comparaison. on voit que la position du greffier de la cour d'appel est encore meilleure que celle du greffier de la cour de cassation.

On a dit qu’il était bon d'avoir dans toutes les carrières un bâton de maréchal à offrir à tous ceux qui entrent dans la carrière.

Eh bien, la position de greffier à la cour de cassation est le maréchalat des greffiers. Je ne pense pas que le traitement de ce fonctionnaire, vu la position qu'il occupe, soit élevé à l'excès. Je pense que la Chambre adoptera la proposition faite pour le greffier de la cour de cassation.

- Le chiffre de 7 mille francs est mis aux voix et adopté.


« Commis-greffier : fr. 4,600. »

- Adopté.


« § 2. Cours d'appel.

« Premier président et procureur général : fr. 11,250. »

- Adopté.


« Présidents de chambre et premiers avocats généraux : fr. 8,500. »

- Adopté.


« Conseillers : fr. 7,500. »

- Adopté.


« Deuxièmes avocats généraux : fr. 8,000. »

- Adopté.


« Substituts des procureurs généraux : fr. 7,000. »

- Adopté.


« Greffiers : fr. 5,000. »

- Adopté.


« Commis-greffiers : fr. 4,000. »

- Adopté.


« § 3. - Tribunaux de première instance.

« Présidents et procureurs :

« Première classe : fr. 7,500.

« Deuxième classe : fr. 7,000.

« Troisième classe : fr. 6,000.

- Adopté.


« Vice-présidents :

« Première classe : fr. 6,500.

« Deuxième classe : fr. 5,500.

- Adopté.


« Juges d’instruction :

« Première classe : fr. 5,500.

« Deuxième classe : fr. 5,000.

« Troisième classe : fr. 4,000. »

M. Guillery. - Je demanderai s'il n'y aurait pas lieu d'avoir égard aux observations que j'ai eu l'honneur de présenter sur les juges d'instruction. La différence entre leur traitement et celui des autres juges sera moindre, d'après le projet actuel, qu'elle n'est aujourd'hui.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je ne puis pas improviser un chiffre. Parmi les observations présentées par M. Guillery, il y en a qui sont parfaitement fondées, mais il y en a d'autres qui peuvent être controversées ; comme on a admis que le projet actuel était provisoire, qu'il serait soumis à révision, l'honorable membre voudra bien consentir à ce que la question soit examinée plus tard.

- Le chiffre relatif aux juges d'instruction est mis aux voix et adopté.


« Juges et substituts :

« Première classe : fr. 5,000.

« Deuxième classe : fr. 4,500.

« Troisième classe : fr. 4,500.

- Adopté.


« Greffiers :

« Première classe : fr. 3,200.

« Deuxième classe : fr. 3,200.

« Troisième classe : fr. 3,200. »

- Adopté.


« Commis-greffiers :

« Première classe : fr. 3,000.

« Deuxième classe : fr. 2,800.

« Troisième classe : fr. 2,600. »

- Adopté.


« § 4. Tribunaux de commerce.

« Greffiers : fr. 1,200. »

- Adopté.


« § 5. Justices de paix :

« Juges de paix : fr. 2,400.

« Greffiers : fr. 1,200. »

M. le président. - Ici vient l'amendement de MM. Nothomb et consorts ainsi conçu :

« Les soussignés proposent de rédiger r cite disposition comme suit :

« Juges de paix : fr. 3,000.

« Greffiers : fr. 1,500.

« Alp. Nothomb. A. de Paul. F. Sabatier. E. d'Hoffschmidt. Ch. Lebeau. Ed. de Moor, E.-J. Isidore Van Overloop, comte de Baillet-Latour, Henri Dumortier. Gustave de Muelenaere, Coomans, Thibault.

Le renvoi de cet amendement à la commission chargée d'examiner le projet de loi d'organisation judiciaire est mis aux voix.

- Plusieurs membres demandant l'appel nominal, il est procédé à cette opération.

En voici le résultat :

85 membres répondent à l'appel.

41 membres répondent oui.

44 membres répondent non.

Le renvoi n'est pas ordonné.

Ont répondu oui : MIL de Breyne, de Brouckere, De Fré, de Moor, de Naeyer, de Renesse, de Ridder, de Rongé, d’Hoffschmidt, Dolez, Frère-Orban, Frison, Grandgagnage, Jacquemyns, Jamar, M. Jouret, C. Lebeau, Moreau, Mouton, Muller, Nélis, Orban, Orts, Pirmez, Pirson, Rogier, Tesch, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Iseghem, Van Leempoel de Nieuwmunster, Van Volxem, Verwilghen, Allard, Bara, Braconier, C. Carlier, Carlier-Dautrebande, Crombez et Vervoort.

Ont répondu non : MM. de Baillet-Latour, de Boe, Dechentinnes, de Decker, de Florisone, de Haerne, de Lexhy, de Liedekerke, de Mérode, de Montpellier, de Pitteurs-Hiegaerts, de Ruddere de Te Lokeren, de Smedt, de Terbecq, de Theux, B. Dumortier, H. Dumortier, d'Ursel, Faignart, Goblet, Guillery, Janssens, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Landeloos, Laubry, le Bailly de Tilleghem, Mercier, Nothomb, Rodenbach, Royer de Behr, Sabatier, Tack, Thibaut, Thienpont, Van Bockel, Vanden Branden de Reeth, Van de Woestyne, Van Humbeeck, Van Overloop, Van Renynghe, Wasseige, Ansiau et Debaets.

M. le président. - Je vais mettre l'amendement aux voix.

M. de Brouckere. - Je demanderai à la Chambre la permission de faire une observation.

On va mettre l'amendement aux voix.

Il est bien entendu que ceux qui voteront contre la proposition n'entendent pas rejeter définitivement, mais que leur vote doit être interprété en ce sens qu'ils se prononceront sur la proposition à l'époque où nous discuterons l'organisation judiciaire.

M. de Theux. - Je crois que l'on n'a pas le droit de parler entre deux votes.

M. le président. - Entre deux épreuves.

M. de Theux. - Mais la discussion est close.

M. le président. - Elle n'est pas close sur les articles et les amendements.

M. Dolez. - Je n'ai pas demandé la parole sur la position de la question. J'ai demandé la parole pour demander à la Chambre que la discussion qui doit s'ouvrir sur les amendements soit ajournée après nos vacances, et cela pour une raison toute simple : c'est que nous n’avons pas seulement à apprécier et à voter l'amendement de MM. Nothomb et consorts, mais aussi celui de l'honorable M. Van Humbeeck.

Il faut que cela soit discuté. Nous pouvons nous prononcer séance tenante sur la question du renvoi, mais pas sur la question de fond qui devrait, je pense, être ajournée.

M. Van Humbeeck. - J'appuie la proposition faite par l'honorable M. Dolez ; seulement je me permettrai de la compléter si l'honorable rapporteur veut bien renoncer à la proposition d'ajournement pour deux amendements qui restent encore, sauf à les reproduire plus tard s'il le juge convenable.

Si l'honorable rapporteur renonce à cette proposition, je demanderai l'ajournement de la discussion et le renvoi de tous les amendements à la section centrale qui aura à faire rapport sur le fond de ces amendements.

- Plusieurs membres. - Appuyé !

M. le président. - On propose l'ajournement.

(page 196) M. Dolez. - Il est évident que ma proposition s'adresse à toute la discussion. Nous aurions donc à nous arrêter où nous sommes et à remettre après les vacances la continuation de la discussion.

- Cette proposition est adoptée.

Ordre des travaux de la chambre

M. le président. - Nous avons à nommer par la voie du sort une députation de 12 membres qui aura à complimenter le Roi à l'occasion de la nouvelle année. Les membres qui résident à Bruxelles sont invités à se joindre à cette députation. Il y a ensuite à décider quand nous nous réunirons.

M. Vander Donckt avait proposé à la Chambre de décider aujourd'hui qu'elle siégerait lundi, mardi et mercredi prochain. M Rodenbach a proposé l'ajournement jusqu'au mardi 13 janvier.

M. Vander Donckt maintient-il sa proposition ?

M. Vander Donckt. - J'v renonce.

M. le président. - Vient maintenant la proposition de M. Rodenbach qui consiste à s'ajourner jusqu'au 13 janvier.

- Cette proposition est mise aux voix et adoptée.

Députation au roi

Le sort désigne : MM. Prévinaire, Van Volxem, Nothomb, d'Ursel, de Decker, Sabatier, de Haerne, de Naeyer, Orts, de Baillet-Latour, Pirson, Mercier.

La séance est levée à 5 heures.

La Chambre s'ajourne au 13 janvier 1863.