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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 2 août 1862

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1861-1862)

(page 1967) (Présidence de M. Vervoort.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Moor, secrétaire, procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.

M. de Boe donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

- La rédaction en est approuvée.


M. de Moor, secrétaire, présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Les membres du conseil communal de Cortenbergh demandent que le chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain passe par cette commune. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Quelques poissonniers de Bruxelles et des faubourgs présentent des observations sur la disposition du traité avec l'Angleterre concernant les homards et les huîtres et demandent un droit uniforme de 6 p. c. à la valeur sur les homards et de 1 p. c. sur les huîtres. »

- Sur la proposition de M. Hymans, renvoi à la section centrale chargée d'examiner le traité.


« Par dépêches du 31 juillet, M. le ministre de la justice fait connaître que les sieurs Liévin-Guillaume Mertens et Gérard Vandercammen ont déclaré renoncer à leur demande de naturalisation. »

- Pris pour information.


« M. le ministre de la justice transmet, avec les pièces de l'instruction, 8 demandes de naturalisation. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.


« Par 9 messages du 1er août, le Sénat informe la Chambre qu'il a donné son adhésion aux projets de loi :

« 1° Qui ouvre au département des travaux publics un crédit de 350,000 fr. ;

« 2° Qui alloue des crédits supplémentaires aux budgets du ministère de l’intérieur des exercices 1861 et 1862 ;

« 3° Qui accorde au département des travaux publics un crédit supplémentaire de 345.000 fr. ;

« 4° Qui alloue des crédits supplémentaires extraordinaires au budget du ministère de l'intérieur pour l'exercice 1861 ;

« 5° Qui proroge l'article premier de la loi du 12 avril 1835 concernant les péages sur les chemins de fer de l'Etat ;

« 6° Qui ouvre au département des travaux publics un crédit spécial de 325,000 fr. ;

« 7° Portant érection de la commune d'Auderghem ;

« 8° Contenant le budget de la dette publique pour l'exercice 1863 ;

« 9° Contenant le budget des non-valeurs et remboursements de l'exercice 1863. »

- Pris pour information.


« M. Julliot, retenu chez lui par une indisposition, demande un congé de quelques jours. »

« M. Nélis, obligé de s'absenter, demande un congé. »

« M. Rodenbach demande également un congé.

- Ces congés sont accordés.

Décès d’un parlementaire

M. le président. - J'ai reçu de Madame Bacquin, la lettre suivante :

« Péruwelz, 31 juillet 1862.

« M. le président de la Chambre des représentants,

« J'ai l'honneur de vous informer de la mort de mon mari, M. Louis Bacquin, membre de la Chambre des représentants, décédé à Paris, le 28 juillet à 3 heures après midi.

« Interprète de ses volontés, je crois de mon devoir, M. le président, de vous dire que, dans le cours de sa longue et cruelle maladie, il m'a souvent exprimé le regret qu'il éprouvait de ne pouvoir prendre part aux travaux de la Chambre et de faire connaissance avec les honorables membres de cette assemblée.

« Veuillez, M. le président, agréer l'expression de ma considération la plus distinguée.

« Hortense Bacquin, née Fostier. »

Je propose à la Chambre de décider qu'une lettre de condoléance sera écrite en son nom à Madamee Bacquin.

- Cette proposition est adoptée.

M. Allard. - J'ai l'honneur de proposer à la Chambre, de décider"que, conformément aux précédents, une députation, composée de six membres et du président, assistera aux funérailles de l'honorable M. Bacquin, qui auront lieu lundi à 11 heures du matin à Péruwelz.

- Cette proposition est adoptée.

M. Allard. - Comme la Chambre se séparera probablement aujourd'hui, je propose que M. le président soit chargé de désigner les membres de la députation. Quelques collègues m'ont témoigné le désir de m'accompagner à Péruwelz. La députation pourra ainsi être désignée sans déranger personne.

- La proposition de M. Allard est adoptée.

Composition des bureaux de sections

Première section

Président : M. Vander Donckt

Vice-président : M. de Breyne

Secrétaire : M. Braconier

Rapporteur de pétitions : M. Vander Donckt


Deuxième section

Président : M. Muller

Vice-président : M. Laubry

Secrétaire : M. de Lexhy

Rapporteur de pétitions : M. De Fré


Troisième section

Président : M. C. Lebeau

Vice-président : M. Dupret

Secrétaire : M. Orban

Rapporteur de pétitions : M. Frison


Quatrième section

Président : M. Allard

Vice-président : M. Mouton

Secrétaire : M. de Gottal

Rapporteur de pétitions : M. de Ridder


Cinquième section

Président : M. Grandgagnage

Vice-président : M. de Terbecq

Secrétaire : M. de Paul

Rapporteur de pétitions : M. Thienpont


Sixième section

Président : M. H. Dumortier

Vice-président : M. Vermeire

Secrétaire : M. de Smedt

Rapporteur de pétitions : M. Van Renynghe

Projet de loi allouant des crédits pour l'exécution de divers travaux publics

Second vote des articles

Article 2

M. le président. - Un amendement a été apporté à l'article 2. Le chiffre pour le canal de jonction de la Lys à l'Yperlée a été réduit de 3 millions à 2,800,000 francs.

M. de Haerne. - Je crois qu'il est entendu que le tracé de ce canal n'est pas déterminé par le projet voté hier. Il n'en est pas fait mention à l'article.

M. E. Vandenpeereboom. - Le seul amendement qui existe dans l'article porte sur le chiffre. Le gouvernement avait proposé 3 millions, la section centrale 2 millions et, en séance, le gouvernement a proposé 2,800,000 fr.

Si ce changement constitue un amendement, il n'y aurait donc à soumettre à un second vote que le chiffre seul.

M. de Haerne. - Je sais très bien, messieurs, que c'est une question de chiffre, mais comme il y a une différence de coût entre les deux tracés, la question du tracé peut se rattacher au chiffre.

On était tellement pressé hier, qu'il a été impossible de s'expliquer.

J'ai demandé au gouvernement si le tracé est décidé par l'article que nous avons voté. Dans la négative, j'aurais pris la parole pour soutenir le tracé de Menin sur Ypres, d'après les considérations que j'ai fait valoir dans la séance du 7 mai 1861.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Messieurs, la question du tracé n'est pas plus décidée par la nouvelle disposition que par l'ancienne, mais elle est décidée par la convention.

Ainsi, vous maintiendriez le chiffre primitif de 3 millions, que cela reviendrait parfaitement au même.

Il y a entre les deux chiffres une différence de 200,000 fr. et la différence du coût entre les deux tracés est de 1,500,00 fr. à 2 millions.

L'amendement est donc tout à fait étranger à la question de tracé.

M. Tack. - La Chambre ne tolérerait évidemment pas que la discussion sur le canal de la Lys à l'Yperlée fût reprise. J'aurais, pour mon compte, à dire beaucoup de choses sur la question du tracé ; étant forcé de m'abstenir, je me bornerai à faire une réserve.

Je demande formellement qu'il soit entendu que pour le cas où les concessionnaires du tracé de Comines à Ypres abandonneraient leur (page 1968) entreprise, le gouvernement est autorisé dès à présent à traiter avec d'autres concessionnaires qui pourraient se présenter pour exécuter le tracé par Menin.

Je vois par les signes d'assentiment que me donne M. le ministre des travaux publics que, dans sa pensée, la loi lui octroie évidemment ce pouvoir. Nous sommes donc d'accord. Maintenant je dirai en deux mots pour quel motif je préfère voir embrancher le canal à Menin. C'est que par ce moyen on le rapproche de deux lieues du bassin houiller de Mons, tandis qu'en prenant le point de départ à Comines on le rapproche de deux lieues des fosses françaises du département du Nord et du Pas-de-Calais.

Donc une différence de quatre lieues au détriment de nos propres houillères.

-L'article est mis aux voix et définitivement adopté.

Vote sur l’ensemble

Il est précédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.

Il est adopté à l'unanimité des 71 membres présents. Il sera transmis au Sénat.

Ont adopté : MM. Orts, Pirmez, Pirson, Rodenbach, Rogier, Sabatier, Snoy, Tack, Van Bockel, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Renynghe, Van Volxem, Allard, Ansiau, Beeckman, Carlier, Coomans, de Baets, de Baillet-Latour, de Boe, de Breyne, de Bronckart, de Brouckere, Dechentinnes, de Florisone, De Fré, de Gottal, de Haerne, de Lexhy, de Mérode-Westerloo, de Montpellier, de Moor, de Naeyer, de Ridder, de Rongé, de Ruddere de Te Lokeren, de Terbecq, d'Hoffschmidt, Dolez, B. Dumortier, H. Dumortier, Dupret, d’Ursel, Frère-Orban, Frison, Goblet, Grandgagnage, Grosfils, Guillery, Hymans, Jacquemyns, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Landeloos, Lange, Laubry, Le Bailly de Tilleghem, Ch. Lebeau, J. Lebeau, Mercier, Moreau, Mouton, Muller, Nothomb, Orban et Vervoort.

Projet de loi autorisant une aliénation domaniale

Rapport de la section centrale

M. Muller. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer, sur le bureau de la Chambre, le rapport de la section centrale qui a été chargée d'examiner le projet de loi portant cession à la ville de Liège, de parcelles de terrain provenant du lit d'un bras de l'Ourthe supprimé.

- Ce rapport sera imprimé et distribué. La Chambre le met à la suite de l'ordre du jour.

Ordre des travaux de la chambre

M. Rodenbach. - J'ai l'honneur de proposer à la Chambre de s'ajourner après la séance d'aujourd'hui, en chargeant M. le président de convoquer la Chambre, lorsque aura eu lieu la distribution du rapport de la section centrale chargée d'examiner le traité conclu avec l'Angleterre.

M. de Naeyer. - Ne pourrait-on fixer dès à présent le jour de la convocation ?

M. Goblet. - Ne fixons rien.

M. de Gottal. - On ne peut pas fixer le jour.

M. B. Dumortier. - Je pense que la Chambre doit procéder dans cette circonstance comme elle l'a fait pour la loi sur les travaux publics ; c'est-à-dire charger le bureau de convoquer la Chambre après l'impression et la distribution du rapport de la section centrale du traité avec l'Angleterre, sans qu'elle puisse cependant être réunie avant mardi en huit. J'ai l'honneur de faire cette proposition à la Chambre.

M. Orts. - Je crois la proposition qui vient d'être faite parfaitement acceptable ; il faut nécessairement garantir, dès aujourd'hui, un minimum de congé à tout le monde, sinon ce congé ne profiterait à personne. Mais il serait dangereux de décider dès aujourd'hui qu'on ne se réunira que mardi en huit ; voici pourquoi : il serait au moins nécessaire d'arrêter que la Chambre prendra séance lundi en huit ; il y a un jour de fête pendant la semaine que ce jour commencera. Si la discussion du traité ne pouvait pas avoir lieu lundi en huit, le projet de loi serait exposé à n'être pas voté pour le 15, jour où, je l'espère, la Chambre pourra prendre son congé définitif.

M. le président. - Ainsi, la Chambre s'ajournerait aujourd'hui et ne se réunirait qu'après avoir été convoquée par son président ; cette convocation n'aurait pas lieu avant lundi en huit. Il est entendu qu'il y aura, dans tous les cas, trois jours d'intervalle entre la distribution du rapport et la discussion.

M. Moreau. - Il faudrait laisser au rapporteur la faculté de faire imprimer son rapport, afin qu'il puisse être envoyé immédiatement à domicile.

M. le président. - C'est entendu, la proposition implique nécessairement cette idée, car son auteur a invoqué ce qui a été pratiqué lors de l'examen des lois relatives aux travaux d'utilité publique.

- La proposition est mise aux voix et adoptée.


M. le président. - Voici, messieurs, comment le bureau a composé la commission qui sera chargée de représenter la Chambre aux funérailles de M. Bacquin.

Le bureau a désigné MM. Allard, Hymans, De Fré, Dupret, Frison, de Boe.

Cette commission sera conduite par M. E. Vandenpeereboom, premier vice-président.

Projet de loi allouant un crédit au budget du ministère des travaux publics

Rapport de la section centrale

M. Guillery. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale sur un projet de loi tendant à allouer un crédit de 13,000 francs au département des travaux publics.

- Impression, distribution et mise à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi allouant un crédit au budget du ministère de l’intérieur

Discussion générale

M. le président. - La discussion générale est ouverte.

M. de Moor. - J'ai une simple observation à présenter à l'occasion de ce projet de loi. J'ai à appeler l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur un fait qui m'a été signalé.

L'année dernière, on a institué, à Tervueren, un concours destiné à découvrir la meilleure arme de guerre. Trente concurrents au moins ont répondu patriotiquement à cet appel et ont offert à l'appréciation du jury plus de 40 armes de guerre.

Les concurrents espéraient naturellement gagner les prix offerts au concours par le gouvernement, mais en même temps ils étaient persuadés que le département de l'intérieur leur tiendrait compte en tous cas de leurs louables et persévérantes études et qu'il s'adresserait au moins à un certain nombre d'entre eux pour l'achat des armes et autres prix distribués chaque année dans les concours institués, dans un grand nombre de villes du pays.

Ces industriels étaient en droit d'espérer que cet encouragement leur serait au moins donné ; or, il n'en a pas été ainsi, je pense.

Je crois que cette faveur est depuis plusieurs années presque exclusivement, si pas totalement, réservée à un seul armurier de la capitale.

Je demande que M. le ministre de l'intérieur veuille bien s'enquérir de ce fait et fasse en sorte que les armes à offrir en prix par le gouvernement soient à l'avenir acquises no -seulement chez les différents armuriers distingués de la capitale, mais aussi chez ceux qui en province ont une légitime réputation.

En un mot, je demande une chose qui ne doit pas être refusée, c'est qu'il n'y ait pas de faveur ou profit d'un seul arquebusier alors qu'il y en a en Belgique tout au moins aussi dignes que lui d'attirer l'attention du gouvernement.

M. Hymans. - L'observation de l'honorable M. de Moor est très juste et parfaitement opportune. Elle est opportune, parce que je suppose que le gouvernement a l'intention de donner des prix au prochain tir national et que ces prix ne consisteront pas en bourses d'argent, ce qui a fait un très mauvais effet l'année dernière.

J'espère que le gouvernement achètera des armes et qu'il en achètera chez tous les armuriers du pays capables de fabriquer de bonnes armes, au lieu de favoriser un seul comme on l'a fait jusqu'ici sans aucune justice et sans aucune raison.

- La discussion est close.

Vote des articles et vote sur l’ensemble

« Art. 1er. Il est ouvert au département de l'intérieur un crédit extraordinaire et spécial de quatre-vingt-dix-neuf mille sept cent soixante-dix-neuf francs cinquante et un centimes, pour compléter l'établissement du tir national et pourvoir à des frais d'expérience du tir pour le choix d'un type d'arme de guerre. »

- Adopté.


« Art. 2. Ce crédit sera couvert au moyen des ressources ordinaires de l'Etat. »

- Adopté.


Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet.

Le projet est adopté à l'unanimité des 60 membres qui ont répondu à l'appel.

Il sera transmis au Sénat.

Ont répondu à l'appel : MM. Orts, Pirmez, Pirson Rogier, Sabatier, Snoy, Tack, Van Bockel, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Allard, Ansiau, Carlier, Coomans, de Baets, de Baillet-Latour, de Boe, de Breyne, de Bronckart, de Brouckere, Dechentinnes, de Florisone, De Fré, de Gottal, de Haerne, de Lexhy, de Moor, de Naeyer, de Ridder, de Rongé, de Terbecq, d'Hoffschmidt, Dolez, H. Dumortier, Dupré, Frère-Orban, Frison, Goblet, Grandgagnage, (page 1969) Grosfils, Guillery, Hymans, Jacquemyns, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Landeloos, Lange, Le Bailly de Tilleghem, J. Lebeau, Mercier, Moreau, Mouton, Muller, Nothomb, Orban et Vervoort.

Proposition de loi relative à l’indemnité pour logements militaires

Discussion générale

M. le président. - M. Coomans se rallie-t-il à la proposition de la section centrale ?

M. Coomans. - Non, M. le président, le chiffre de 1 fr. 50 c. que j'ai proposé n'est pas exagéré, il est au contraire très modéré, il est raisonnable, il est de nature à satisfaire à peu près les nombreuses familles qui sont assujetties à la corvée des logements militaires, il doit prévenir, calmer au moins les plaintes que cette nécessité sociale et militaire a suscitées.

Le chiffre de 1 fr. 50 doit encourager les villes, les petites communes à marcher dans la voie progressive où plusieurs sont entrées au sujet des logements militaires.

La ville de Liége, par exemple, prenant encore une fois l'initiative du progrès, a supprimé les logements militaires, en attribuant administrativement cet impôt à la caisse communale.

Le chiffre de 1 fr. 50 pourrait engager d'autres villes à en faire autant, sans s'imposer un trop grand sacrifice.

Aujourd'hui l'indemnité menteuse, dérisoire de 74 centimes est ruineuse pour les villes qui veulent se charger des logements, attendu que les logeurs de profession prennent 2 à 3 fr. (Interruption.)

Oui, messieurs, si je suis bien informé, le chiffre payé par les villes aux cabaretiers, aux logeurs de profession, varie de 2 fr. 50,c. à 3 fr. et parfois 3 fr. 50 c. par homme. Je le sais par expérience personnelle et vous aussi.

Ces villes s'imposent donc des sacrifices ; il faut les encourager à marcher dans cette voie. Leur intérêt est tout aussi bien en jeu que celui des campagnes.

Donc, si vous ne donnez qu'un franc 50 c. alors qu'elles dépensent 2 fr. 50 c. vous ne commettez aucun excès ; vous restez dans une modération budgétaire bien plus favorable au gouvernement qu'aux villes et aux citoyens.

Je prie la Chambre de ne pas reculer devant le chiffre de 1 fr. 50 c. qui a été reconnu raisonnable par toutes les personnes qui se sont occupées le plus particulièrement de ces affaires.

En ce qui concerne les chevaux que j'avais introduits dans la proposition de loi, je dois un mot d'explications à la Chambre. Il n'est jamais entré dans ma pensée de demander une indemnité pour les chevaux accompagnés de la ration que le gouvernement donne.

Quand l'honorable ministre de la guerre nous a assuré en section que les chevaux étaient toujours accompagnés de leurs rations, j'ai immédiatement adhéré à cette observation très juste, et j'ai dit que je n'insistais pas sur l'indemnité pour les chevaux, mais à la condition bien naturelle qu'on ne rognât pas l'indemnité pour les hommes.

Il est donc entendu que, quant aux chevaux, je me rallie à l'opinion du gouvernement qui a été adoptée aussi par la section centrale. Bref il n'y a d'autre dissentiment entre les honorables membres de la section centrale et le gouvernement d'une part et moi que 25 centimes.

Je pense qu'il faut faire cesser un état de choses qui a été si désastreux pour les citoyens belges, et qu'on ne devrait pas y regarder de si près quand il s'agit de droits évidents, de faits incontestables.

Il est évident pour tous qu'il est impossible de loger et de nourrir convenablement un homme pour 1 fr. 50 c.

Je bornerai là mes observations.

M. le président. - M. Coomans, modifiez-vous le texte de la proposition de loi ?

M. Coomans. - Non, M. le président, le texte peut rester le même, quoique je n'aime pas la restriction comminatoire que la section centrale y a insérée. L'indemnité doit être acquise aux logeurs quel que soit le menu qu'il leur a été possible de fournir aux soldats.

M. Allard. - L'honorable M. Coomans, auteur de la proposition qui nous occupe, a assisté à la discussion qui a eu lieu en section centrale, et il a entendu les observations que j'ai reproduites dans mon rapport et qui ont été faites pour démontrer que l'indemnité de logement qui est aujourd'hui portée de 74 centimes à fr. 1-25 est suffisante.

L'habitant qui, du reste, doit loger le militaire, c'est une charge publique, l'habitant est suffisamment rémunéré par cette somme.

En effet, messieurs, la plupart de nos soldats n'ont plus aujourd'hui la ration déterminée par l'article 2 du règlement de 1814. Nos braves soldats se contentent de la nourriture de l'habitant, et lorsqu'ils doivent loger à la campagne, il est bien rare qu'ils mangent de la viande. Ils partagent le repas que fait ordinairement le villageois, qui se compose le plus souvent de pommes de terre et de pain, rarement de viande. Ils ont pour lit la paille des granges. Certainement l'indemnité de fr. 1 25 suffit, et il ne faut pas que l'habitant fasse un bénéfice d'une charge que l'intérêt public leur impose, et certainement il y aurait bénéfice pour l'habitant, si l'on acceptait le chiffre proposé par l'honorable M. Coomans.

M. Coomans. - Du tout.

M. Allard. - Je ferai remarquer en passant que l'on m'a fait un grief d'avoir, dans mon rapport, parlé du prix de la journée d'entretien dans les hospices et des domestiques qui certes ne coûtent pas 1 fr. 25 par jour. On a dit que l'on n'avait jamais comparé les soldats aux personnes qui sont dans la domesticité. Mais le domestique est un citoyen qui loue ses services comme l'avocat et tous ceux qui travaillent, de quelque manière que ce soit, louent les leurs. Il n'y a donc rien dans ce que j'ai dit dans mon rapport, qui puisse atteindre nos braves soldats.

Je persiste, messieurs, au nom de la section centrale, à maintenir le chiffre de 1 fr. 25, qui me paraît suffisant pour indemniser l'habitant.

M. Goblet. - En section je n'étais pas encore fixé et je me suis abstenu quant au chiffre.

Le rapport de la section centrale ne m'a pas convaincu le moins du monde que le chiffre de fr. 1-50 fût exagéré.

Certes, si dans certains cas, le prix de fr. 1-25 peut être rémunérateur pour loger et nourrir un soldat, dans beaucoup d'autres cas, il ne l'est positivement pas.

Il s'agit d'une charge publique que le citoyen doit supporter, dit-on. Je le veux bien, mais faites attention aussi que c'est une charge qui pèse inégalement sur certains citoyens et que dès lors il faut rendre aussi légère que possible.

Certes ce n'est pas parce qu'on nourrit mal le soldat, qu'on le couche mal, que nous devons nous contenter de payer 1 fr. 25. Car si vous payez d'une manière insuffisante la nourriture et le coucher du soldat, le paysan a le droit de refuser de le traiter mieux qu'il ne le fait aujourd'hui ; tandis que si vous le payez bien, le soldat a le droit d'exiger d'être nourri et logé convenablement, et de ne pas en être réduit à la paille et aux pommes de terre. Ce n'est donc pas là un argument. On ne donne pas beaucoup au soldat, parce qu'on ne paye pas davantage.

Quand on veut avoir une armée, on doit servir dignement, convenablement les finances de cette armée ; et de même que la solde de nos soldats est insuffisante, l'indemnité pour le logement, même fixée à un franc vingt-cinq centimes, est insuffisante. Ce sont des choses auxquelles il faut obvier, et lorsque vous vous occupez d'une de ces questions, vous devez la trancher d'une manière convenable. Sinon elle se soulèvera toujours et d'une manière indéfinie.

Entre 1 fr. 25 et 1 fr. 50 il y a doute. Les uns disent que le chiffre de 1 fr. 25 est suffisant, d'autres disent qu'il ne l'est pas. Eh bien, au prix où sont maintenant toutes choses, il est évident qu'avant deux ans le chiffre de 1 fr. 25 sera insuffisant et que le chiffre de 1 fr. 50 sera à peine suffisant. La question reviendra donc de nouveau.

Je crois donc qu'il vaut mieux résoudre la question convenablement ; ce n'est pas la bagatelle de 25 c. de plus qui grèvera considérablement le budget, et les charges publiques doivent peser aussi exactement que possible sur toute la nation et non sur certains particuliers.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il faut faire ce qui est juste, rien de plus.

M. Coomans. - Et rien de moins.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il me semble que c'est ce que j'exprime en disant : il faut faire ce qui est juste.

On prétend que la somme de fr. 1-25, qui a été indiquée par le département de la guerre, et que l'on propose d'accorder au lieu des 74 centimes qui étaient payés jusqu'à présent, est insuffisante. Voilà la question à décider. Eh bien ! demandons-nous quel est le salaire de la grande masse de la population travailleuse ? Evidemment, les soldats sont pris en majorité dans la catégorie des citoyens qui se trouvent dans ces conditions, quant au salaire.

Or, messieurs, le salaire d'un journalier, non pas pour lui seul, mais pour lui et pour toute sa famille, souvent fort nombreuse, ne s'élève pas dans les campagnes, beaucoup au-dessus du chiffre de 1 fr. 25 c. dont on parle. Dans un grand nombre de localités, le salaire moyen est inférieur à ce chiffre. Par conséquent, en donnant 1 fr. 25 pour nourrir un soldat, évidemment on indemnise suffisamment ceux à qui cette somme est allouée, et qui ont à donner à ce soldat la nourriture dans les conditions où la reçoit la masse de la population, c'est-à-dire dans les conditions du journalier. Cela seul démontre que l'indemnité (page 1970) de 1 fr. 25 c. sera très suffisante. Déjà, à ce taux, il y a manifestement un léger bénéfice dans les campagnes.

Si le taux moyen du salaire est ce que je viens de dire, et l'on ne peut le contester, cela est de notoriété, il est bien certain que la somme de fr. 1 25 c, pour la simple nourriture d'un homme, est suffisamment rémunératrice.

Mais, dit-on, dans quelques années, à cause du renchérissement progressif de toutes choses, cette indemnité sera insuffisante ; elle sera insuffisante dans dix ans, même si on la fixe aujourd'hui à fr. 1 50 c.

Messieurs, la réponse à une pareille objection est fort simple : il n'y aura rien d'immuable dans le chiffre qui sera fixé par la loi. On a maintenu, depuis 1814 jusqu'à ces derniers temps, le chiffre de 74 centimes. On va porter l'indemnité à 1 fr. 25 c. Si la nécessité de l'augmenter encore est ultérieurement démontrée, on révisera la loi et on portera l'indemnité à 1 fr. 50.

Je crois qu'il importe de ne pas grever inutilement le budget militaire de dépenses qui ne sont pas justifiées par une nécessité bien établie. Je remarque que se sont les personnes qui se plaignent le plus des charges qui résultent des dépenses militaires, qui insistent pour qu'on les augmente. Je désire que ce ne soit pas le texte d'un grief ultérieur, et je convie la Chambre à rester dans des sentiments modérés.

M. Goblet. - Je n'aurais pas demandé la parole une seconde fois, si M. le ministre des finances n'avait fait remarquer à la Chambre que c'étaient ceux qui insistaient pour la diminution des dépenses militaires, qui étaient toujours disposés à proposer des mesures qui augmentaient le budget de la guerre.

Messieurs, je suis opposé aux dépenses militaires exagérées ; mais je crois que lorsqu'on a une armée et lorsqu'il est décidé que cette armée sera composée de certaine façon, lorsqu'on prend sous sa responsabilité d'avoir sous les armes le nombre d'hommes que nous avons, il faut pourvoir convenablement à ses dépenses et il faut que les charges qui pèsent sur le pays soient convenablement réparties, je le répète.

La question des dépenses militaires est en dehors de la question actuelle. Il s'agit d'une question de justice et d'équité. Si vous n'aviez pas de soldats, vous n'auriez pas de logements militaires ; si vous avez des soldats, il faut les payer et les nourrir convenablement.

Quant à l'argument tiré du salaire que reçoit l'ouvrier, je le crois erroné, parce que les ouvriers sont payés selon le travail qu'ils font. Si certains ouvriers gagnent peu dans les campagnes, d'autres, dans certaines provinces, gagnent jusqu'à 5 et 6 fr. par jour. Je suis chef d'industrie et j'ai des ouvriers qui gagnent 8 fr. par jour. Ce sont des paysans.

Si certains de nos ouvriers se nourrissent en mangeant de la viande quatre fois par an et en buvant de la bière une fois par mois, ce n'est pas une raison pour que nos soldats vivent de même, et si vous exigez qu'on les nourrisse bien, vous devez bien payer. Le soldat a des fatigues à supporter que n'a pas l'ouvrier. Vous le nourrissez bien à la caserne, et il fatigue moins que lorsqu'il est en marche. Pourquoi le nourrissez-vous mieux à la caserne qu'à la ferme ?

S'il est si bien chez le paysan, nourrissez-le comme chez le paysan ; mais nous n'oseriez pas donner au soldat dans la caserne, la nourriture que prend généralement le paysan. En calculant l'indemnité de logement, nous ne devez pas vous baser sur les besoins de celui qui loge, mais vous devez vous baser sur les besoins du soldat, sur ses habitudes et sur ce que vous lui donnez vous-mêmes.

Messieurs, cette augmentation de dépense n'est pas le moins du monde une dépense militaire, c'est une dépense nécessitée par la force des choses, c'est une augmentation de la même nature que celle que vous êtes obligés d'accorder à tous les employés dont les appointements n'ont pas été augmentés depuis 1830, et ont par cela même été positivement réduits par suite de l'augmentation de toutes les choses nécessaires à la vie.

M. Vander Donckt. - Messieurs, la section centrale a examiné d'une manière très impartiale et très consciencieuse la question de savoir s'il fallait 1 fr. 25 c. ou 1 fr. 50 c. Il a été fait une observation qui n'a pas été reproduite dans cette enceinte, c'est que très souvent les militaires n'arrivent que dans l'après-dîner ou le soir, et qu'ils partant le lendemain matin, souvent de très bonne heure, et la journée entière est payée ; il a paru que le chiffre de 1 fr. 25 c, est, dans ce cas, qui est le plus fréquent, une rémunération très large.

Le département de la guerre, nous a fourni l'évaluation de l’augmentation de dépense qui doit résulter de la mesure proposée et cette augmentation, en admettant le chiffre de 1 fr. 25 c, sera déjà très considérable.

Du reste, messieurs, si vous adoptiez le chiffre de 1 fr. 50 c, vous dépasseriez évidemment ce que la justice et l'équité exigent, vous dépasseriez les bornes d'une rémunération équitable. Je voterai pour 1 fr. 25 c

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, au point de vue de celui qui doit héberger le soldat, la question est peu importante ; il s'agit de savoir s'il recevra fr. 1-25 ou fr. 1-50 ; mais au point de vue du trésor, cela se traduit ainsi : 1 fr. 25 c, c'est une dépense nouvelle de 115,000 fr., et fr. 1-50 c'est 172,000 fr. Vous voyez que quand le total est fait, cela paraît un peu plus important.

Maintenant, messieurs, a-t-on démontré que l'indemnité de fr. 1-25 est insuffisante ? Pas le moins du monde.

L'honorable M. Goblet prend une position très commode : il affirme qu'avec 1 fr. 25 c. on ne saurait avoir que la nourriture ordinaire des journaliers, nourriture insuffisante pour le soldat, et il déclare très résolument qu'il est impossible de vouloir qu'on nourrisse le soldat de cette façon. Messieurs, nous soutenons que, moyennant 1 fr. 25 c., le soldat doit obtenir de l'habitant une nourriture au moins égale à celle qu'il obtient à la caserne.

Voilà ce qui est vrai, et cela étant, l'objection que fait l'honorable membre disparait entièrement.

Remarquez-le bien, messieurs, si la nourriture du soldat à la caserne coûtait 1 fr. 25 c. par jour, mais vous auriez peut-être à doubler le chiffre nécessaire peur la solde de l'armée ! Il est évident que c'est de l'exagération que de vouloir porter, quant à présent, l'indemnité à 1 fr. 50 c ; je le dis tout net, c'est du gaspillage.

M. Coomans. - Quand l'honorable ministre des finances a débuté par dire qu'il fallait faire ce qui est juste, j'ai pris la liberté de l'interrompre pour donner mon plein assentiment à cette affirmation. Nous devons faire ce qui est juste, mais dès lors les calculs auxquels vient de se livrer l'honorable ministre ne sont pas de saison ; nous n'avons pas à examiner de quelle somme supplémentaire nous allons grever le budget de la guerre, nous avons à examiner quel est le chiffre juste, et c'est ce chiffre que nous devons adopter. Eh bien, le chiffre juste ou plutôt le moins injuste, c'est celui de 1 fr. 50 c.

L'honorable ministre dit que pour 1 fr. 25 c. par jour on peut donner à nos soldats la nourriture qu'on donne aux ouvriers des fermes. C'est possible, mais ce n'est pas ce que vous voulez ; il résulte de la proposition de loi, telle qu'elle est formulée par la section centrale, que le logeur est forcé de donner au soldat les rations réglementaires fixées il y a 28 ans par une prétendue loi dont je me réserve formellement d'examiner un jour la légalité.

C'est par discrétion que je me suis tu sur cette adjonction au texte de ma proposition. Quoi ! d'une part vous exigez que nos concitoyens fournissent de la viande au soldat, et d'autre part vous venez dire qu'ils n'en ont pas et qu'ils n'en auront pas ! Cela est-il logique ?

Puisque vous exigez par la nouvelle rédaction de la proposition de loi que la nourriture réglementaire soit fournie au soldat, vous devez au moins accorder la somme nécessaire à cette livraison.

Maintenant, messieurs, le chiffre de fr. 1-50 est-il exagéré quand il s'agit, non seulement de nourrir le soldat, mais encore de le loger ? Mais pourquoi les logements militaires sont-ils si impopulaires ? Est-ce principalement à cause du sacrifice financier qui en résulte ?

Non, messieurs, c'est à cause de la gêne qu'ils occasionnent, c'est parce que les logements militaires violent le sanctuaire de la famille ? (Interruption.) C'est évident.

- Un membre. - Les soldats sont nos concitoyens. Nous devons les loger avec plaisir.

M. Coomans. - Mais aucun de nous ne loge. Vous envoyez au cabaret les défenseurs de la patrie. Voilà ma réponse à votre interruption.

Voulez-vous savoir, messieurs, quel est le véritable prix des logements militaires ? Vous le connaissez ; c'est 2 fr. 50, 3, 4, 5 fr. parfois. Il n'y a pas de cabaretier en Belgique qui loge pour moins de 2 fr. 50. Je prie le gouvernement, qui a dû s'enquérir des faits, de nous donner le chiffre des dépenses faites par les villes qui ont affranchi les citoyens des logements militaires, le prix réel est, au minimum, de 2 fr. 50 à 3 fr. Mais la principale charge des logements militaires résulte de l'invasion dans la famille d'inconnus, d'inconnus bien respectables, mais dont vous ne voulez pas et que vous envoyez au cabaret, je le répète. M. le ministre des finances s'étonne que ce soient précisément ceux qui se plaignent de l'exagération des dépenses militaires qui viennent proposer cette fois une augmentation au budget de la guerre.

Mais, messieurs, cet étonnement est-il bien sincère ? Quand je me place, comme M. le ministre des finances, au point de vue de la justice, ne dois-je pas vouloir pratiquer la justice ? Quand j'ai critiqué l'exagération de nos dépenses militaires, il n'y a eu aucune contradiction entre (page 1971) les opinions que j'ai soutenues précédemment à ce sujet et ce que je demande aujourd'hui. Je n'ai jamais dit que la solde de nos soldats fût trop forte ; j'ai dit cinquante fois le contraire, je n'ai jamais dit que l'on payât trop pour les logements militaires ; j'ai dit cinquante fois le contraire.

Je n'ai pas dit non plus que l'on dépensât trop pour les officiers ; j'ai dit le contraire, et je répète que nos officiers ne sont pas assez payés. Encore une fois, quelle contradiction y a-t-il entre ces assertions et le langage que vous incriminez aujourd'hui ?

On peut fort bien croire qu'une armée de 50,000 hommes bien payés vaut mieux pour nous qu'une armée de 100,000 hommes mal payés.

La solde des soldats est insuffisante, et quand on viendra nous proposer une augmentation, je la voterai de tout mon cœur.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Une augmentation a été votée.

M. Coomans. - Je le sais bien, je l'avais provoquée, mais elle est insuffisante, dérisoire.

Nos soldats sont pauvres : ils ne sont pas traités comme devraient l'être les plus estimables de tous les fonctionnaires belges. (Interruption.) Je dis les plus estimables parce que ce sout des fonctionnaires désintéressés, les seuls fonctionnaires qui ne soient pas payés pour les services qu'ils rendent, services qu'il faudrait payer avant tout puisqu'ils sont forcés.

Non, il n'y a pas d'inconséquence dans notre langage. Nous voulons ce qui est juste, voilà tout.

L'honorable ministre des finances nous oppose un argument assez spécieux, mais qui disparaît quand on l'examine de près. « Le soldat, dit-il, ne nous coûte pas 1 fr. 25 c. à la caserne. »

Je le crois bien ; vous faites du socialisme, du fouriérisme pour les soldats ; vous faites le ménage en commun ; vous pouvez dès lors réaliser une très grande économie, et vous faites bien.

Mais quand des soldats, les mieux intentionnés du monde, j'aime à le croire, mais doués d'un bon appétit, viennent envahir presque instantanément une ferme, une maison bourgeoise, ils ne peuvent y trouver le bon potage de la caserne au prix réduit que nous connaissons ; ils ne se contentent pas, et avec raison, des pommes de terre et de la paille dont on a parlé et qui n'existent que dans l'imagination de l'honorable M. Allard. Ils demandent et prennent ce qu'il y a de mieux, ce mieux est quelquefois insuffisant, je le reconnais. Mais les meilleurs citoyens du monde ne peuvent donner que ce qu'ils ont. Comment voulez-vous que les paysans, servent à l'improviste, de la viande aux soldats, eux qui n'en ont que très rarement eux-mêmes ?

J'ai l'expérience personnelle du fait : le jambon qui pend à la cheminée du pauvre paysan, c'est pour les soldats, ce n'est pas pour le paysan. Quant à la paille, on ne leur en donne pas : ils ont le lit des maîtres de la maison. Voilà la vérité, je l’affirme, je la connais.

Eh bien, ne devez-vous pas tenir quelque compte du dérangement que le logement des militaires peut occasionner aux citoyens ? Alors que nous ne demandons rien pour le logement des chevaux, pouvez-vous trouver que nous exagérons quand nous demandons quelques centimes tout au plus pour le logement des hommes.

Mais ma conviction, c'est que nous ne demandons rien pour le logement des hommes ; nous vous donnons ce logement par-dessus le marché, 1 franc 50 cent, est à peine une somme suffisante pour la nourriture.

Messieurs, j'appelle l'attention de la Chambre sur l'inconséquence qu'il y a réellement dans le langage des auteurs de la proposition de loi telle qu'elle se trouve formulée dans le rapport de la section centrale ; ils veulent que la nourriture du soldat soit bonne et substantielle ; il y a une menace à cet égard dans le projet de loi ; d'autre part ils ne veulent pas mettre à la disposition des citoyens le moyen d'exécuter cette loi. Le bon sens et la Constitution les réfutent.

J'insiste vivement pour que la Chambre veuille adopter le chiffre de 1 fr. 50. Tous ceux d'entre nous qui représentent des communes frappées de logements militaires (ce sont toujours les mêmes communes, 200 ou 300 au plus sur 2,500) savent parfaitement que cette indemnité est très modérée.

M. Allard, rapporteur.—Messieurs, l'honorable M. Coomans vient de dire qu'il y a une menace dans le projet de loi proposé par la section centrale. Je crois que l'honorable membre a voulu faire allusion à ce paragraphe-ci :

« Dans le cas où celui qui loge le soldat, lui aura fourni la nourriture déterminée par l'article 2 de l’arrêté du prince souverain des Pays-Bas-Unis du 3 août 1814. »

Messieurs, la section centrale a cru devoir insérer cette phrase, en présence de l'arrêté qui fixe le régime alimentaire dont l'habitant est tenu envers le soldat qu'il loge.

Je vais, messieurs, vous donner lecture du premier paragraphe de l'article 2 de l'arrêté du 3 août 1814.

« Art. 2. § 1er. Les sous-officiers et soldats recevront journellement, outre le logement, le feu et la lumière, de ceux chez qui ils seront logés, une livre et demie de bon pain, bien cuit, et en outre ils auront, une fois par vingt-quatre heures, un repas nourrissants, consistant en légumes, pois secs ou pommes de terre, avec de la viande, du lard ou du poisson. »

Messieurs, vous conviendrez que l'habitant qui loge un soldat et qui ne doit lui fournir qu'un repas par jour, repas composé de légumes, de pois secs ou de pommes de terre, avec de la viande, du lard ou du poisson, en convenablement indemnisé en recevant 1 fr. 25.

M. Muller. - Messieurs, j'ai demandé la parole, lorsque l'honorable membre a soulevé de nouveau la question de la légalité des logements militaires.

M. Coomans. - J'ai parlé des règlements.

M. Muller. - Des règlements militaires et de l'obligation des logements militaires.

M. Coomans. - Je n'ai pas parlé cette fois de l'illégalité des logements militaires.

M. Muller. - Vous vous êtes réservé de soulever la question de légalité. Or, voici ce qui s'est passé en section centrale. L'honorable M. Coomans a communiqué à la section centrale une note qui devait être insérée dans le rapport en son nom. Or, il y avait dans cette note une réserve formulée quant à la légalité des logements militaires.

J'ai dit alors que, du moment que l'on agitait au sein de la section centrale cette question, il était indispensable que la section centrale se prononçât d'une manière nette et formelle ; qu'il fallait qu'elle vînt à la Chambre déclarant, après examen sérieux et discussion approfondie, si, oui ou non, les logements militaires constituent une obligation légale. C'est alors que l'honorable M. Coomans modifia sa note.

Je crois avoir démontré à la section centrale, contrairement à l'opinion de l'honorable membre, que la charge des logements militaires ne résultait pas exclusivement, comme il paraissait le croire, d'un arrêté spécial à la ville de Bruxelles, qu'il avait invoqué, mais d'abord d'une loi de 1792, qui n'a jamais été rapportée, et qui a été publiée en Belgique, ensuite de l'arrêté du prince souverain de 1814, qui a force de loi.

Si aujourd'hui on vient au sein de la Chambre contester la légalité des logements militaires, on donnera lieu à des suppositions gratuites très regrettables, car il en résulterait, messieurs, que non seulement le parlement depuis 1830, mais la législature depuis 1814, auraient imposé ou laissé imposer aux habitants une charge illégale.

Or, c'est contre cette réserve fâcheuse de l'honorable M. Coomans que je m'étais élevé en section centrale, demandant que, si elle était insérée dans le rapport, on prouvât qu'elle n'avait pas de fondement et que son opinion était erronée.

Si aujourd'hui l'honorable membre veut que la question soit discutée, je proposerai qu'elle soit renvoyée à la section centrale, qui ne s'est abstenue de traiter ce point que parce que M. Coomans avait retiré sa réserve.

Maintenant, messieurs, j'arrive à la question du chiffre.

J'ai voté jusqu'ici toutes les dépenses que j'ai crues indispensables pour le budget de l'armée ; mais je ne puis admettre celles que je considère comme n'étant pas suffisamment justifiées ; nous avons été unanimes au sein de la section centrale pour reconnaître que le chiffre de 74 centimes était insuffisant pour indemniser ceux des citoyens qui sont chargés des logements militaires.

Mais, d'un autre côté, en âme et conscience, les renseignements que nous avons recueillis se sont trouvés diamétralement opposés à ceux de l'honorable M. Coomans.

J'ai la conviction profonde qu'en payant 1 fr. 25 d'indemnité à celui qui loge un soldat pendant une nuit et lui donne la nourriture pendant 24 heures au maximum, remarquez-le bien, car si le séjour dépasse les 24 heures cela fait 2 jours au lieu d'un, l'habitant n'est pas en perte et n'a pas droit de se plaindre.

On veut qu'il y ait bénéfice pour lui, c'est à quoi l'on tend évidemment ; mais cela n'est pas juste, c'est contraire à l’esprit de l'indemnité elle-même.

Les logements militaires pèsent, dit-on, d'une manière inégale ; maïs il en est ainsi de la plupart des charges publiques, en ce sens que lorsqu'on se trouve dans certaines conditions déterminées par la loi, certaines obligations sont imposées aux citoyens.

(page 1972) On aura beau protester contre les logements militaires, c'est une obligation indispensable.

Il est impossible de pourvoir aux besoins de la défense du pays sans logements militaires, car on ne peut avoir des casernes partout.

Le pays ne peut pas en être, en quelque sorte, pavé.

Messieurs, on a dit que la ville de Liège payait fr. 2-50 à 3 fr. pour les logements militaires. Je pense que c'est une erreur. Le chiffre est moindre.

M. Coomans. - Dites-le.

M. Muller. - La ville de Liège ne doit pas payer plus de 1 fr. 50 c.

M. Coomans. - Et elle laisse le billet.

M. Muller. - Ce que je sais, c'est que moi, j'ai logé. Je donnais le billet et 1 fr., ce qui faisait, pour des gens qui en font une spéculation, 1 fr. 74 c.

Que font tous nos ouvriers des campagnes ? Toutes les semaines quelques milliers d'ouvriers des campagnes viennent loger en ville. Ce sont des maçons, des charpentiers, des gens de divers métiers, et ceux-là à coup sûr ne viennent pas dépenser plus de 1 fr. 25 c. par jour.

M. Allard. - Ils dépenseraient tout leur salaire.

M. Muller. - Que leur resterait-il, en effet, pour leur famille ?

Soyons justes, messieurs, traitons bien le soldat, comme il mérite de l'être ; ne lui donnons rien de trop peu, mais, en définitive, n'exagérons pas la position du soldat. Il ne se plaint pas de la manière dont il est logé et nourri chez les habitants. Il sait très bien s'accommoder de la table à laquelle on le fait asseoir, et quant aux campagnards qui les reçoivent chez eux, je suis convaincu que l'indemnité étant fixée à fr. 1-25, beaucoup d'entre eux désireront la fréquence des logements militaires au lieu de s'en plaindre, attendu qu'ils réaliseront un certain bénéfice.

L'honorable M. Coomans a bien voulu, dit-il, nous faire la concession de ne rien exiger pour le cheval.

Mais M. le ministre de la guerre avait démontré à l'honorable membre, en section centrale, que c'était un avantage pour l'habitant des campagnes, pour le fermier, pour le paysan d'abriter pendant une nuit un cheval pour lequel la nourriture et la litière sont fournies par le département de la guerre.

Sous ce rapport donc l'honorable M. Coomans n'a fait à la section centrale aucune concession. Il disait bien : « Tâchons de nous entendre » ; mais c'était à la condition que son opinion prévalût tout entière, que son chiffre fût maintenu à sa limite la plus élevée.

Vote de l’article unique et vote sur l’ensemble

- Plusieurs membres. - Aux voix !

- D'autres membres. - L'appel nominal !

M. le président. - Je vais donc mettra aux voix le chiffre le plus élevé, celui de fr. 1-50 proposé par M. Coomans.

- Il est procédé à l'appel nominal.

33 membres y prennent part.

27 répondent oui.

36 répondent non.

En conséquence la Chambre rejette.

Ont répondu oui : MM. Pirmez, Rodenbach, Sabatier, Snoy, Tack, Van Bockel, Van Humbeeck, Beeckman, Coomans, de Baets, de Boe, de Gottal, de Haerne, de Mérode, de Montpellier, de Naeyer, de Ruddere de Te Lokeren, de Terbecq, B. Dumortier, H. Dumortier, d'Ursel, Frison, Goblet, Guillery, Landeloos, Le Bailly de Tilleghem et Nothomb.

Ont répondu non : MM. Orts, Rogier, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Volxem, Allard, Ansiau, de Baillet-Latour, de Breyne, de Bronckart, de Brouckere, Dechentinnes, De Fré, de Moor, de Ridder, de Rongé, d'Hoffschmidt, Dolez, Dupret, Frère-Orban, Grandgagnage, Hymans, Jacquemyns, Jamar, J. Jouret, Lange, Ch. Lebeau, J. Lebeau, Mercier, Moreau, Mouton, Muller, Orban et Vervoort.


M. le président. - Nous avons à voter maintenant sur l'article unique du projet de loi amendé par la section centrale. Il est ainsi conçu :

« Article unique. L'indemnité pour les logements militaires est fixée à un franc vingt-cinq centimes par jour et par homme, dans le cas où celui qui loge le soldat lui aura fourni la nourriture déterminée par l'article 2 de l'arrêté du prince souverain des Pays-Bas-Unis du 3 août 1814. »

- Adopté.


Il est procédé à l'appel nominal ; la proposition de loi est adoptée à l'unanimité des 60 membres présents.

Ce sont : MM. Orts, Pirmez, Rogier, Sabatier, Snoy, Tack, Van Bockel, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Humbeeck, Van Volxem, Allard, Ansiau, Beeckman, Coomans, de Baets, de Baillet-Latour, de Boe, de Breyne, de Bronckart, de Brouckere, Dechentinnes, De Fré, de Gottal, de Haerne, de Mérode, de Montpellier, de Moor, de Naeyer, de Ridder, de Rongé, de Ruddere de Te Lokeren, de Terbecq, d'Hoffschmidt, Dolez, B. Dumortier, H. Dumortier, Dupret, d'Ursel, Frère-Orban, Frison, Goblet, Grandgagnage, Guillery, Hymans, Jacquemyns, Jamar, J. Jouret, Landeloos, Lange, Ch. Lebeau, J. Lebeau, Mercier, Moreau, Mouton, Muller, Nothomb, Orban et Vervoort.

- Le projet de loi sera transmis au Sénat.


M. le président. - Messieurs, conformément à sa décision, la Chambre s'ajourne jusqu'à convocation du président.

- La séance est levée à 3 heures.