(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1861-1862)
(page 1603) Présidence de (M. E. Vandenpeereboom, premier vice-président.
M. Thienpont, secrétaire., procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. de Moor, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.
- La rédaction en est approuvée.
M. Thienpont, secrétaire., présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.
« Le sieur Deprez, ancien sous-officier ayant fait partie des chasseurs Niellon, en 1830, demande une pension équivalente à celle dont jouissent les blessés de septembre. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le conseil communal de Bourg-Léopold prie la Chambre d'accorder au sieur Misalle-Vifquin la garantie d'un minimum d'intérêt de 4 p. c. sur un capital de 5,350,000 francs pour construire un chemin de fer entre Hasselt et la frontière hollandaise. »
« Même demande du conseil communal de Beeringen. »
- Même renvoi.
« Le sieur Louis-Guillaume Mertens, demeurant à Bruxelles, né à Gueldres (Prusse), demande la naturalisation ordinaire, avec exemption du droit d'enregistrement. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
« Le sieur Maertens demande que le projet de loi sur l'organisation judiciaire porte le traitement des secrétaires du parquet des tribunaux de première instance au taux de ceux des commis greffiers attachés à ces tribunaux. »
« Même demande des sieurs Huet, Frison, Albert, Beaufort, Gheude, Delattre, Trouwers, Le Preux, Boury, Duvivier, Naveau, Abril et Mertmans. »
- Renvoi à la commission chargée d'examiner le projet de loi.
« Les membres du conseil communal et des habitants de Gors-op-Leeuw, demandent la construction d'un chemin de fer direct de Liège à Hasselt par Tongres. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Marquet présente des observations sur la manière dont il est fait application de l'article 71 de la loi communale »
- Même renvoi.
« M. le ministre de la justice transmet, avec les pièces de l'instruction à l'appui, les demandes en obtention de la naturalisation ordinaire présentées par les sieurs : Neyen, Mathias, concierge à l'hôtel de Flandre, à Bruxelles ; Bostoen, Constant, ouvrier tisserand, demeurant à Wynkel-Saint-Eloy ; et la demande en obtention de la grande naturalisation faite par le sieur Oakes, Smart-Windsor, propriétaire, à Leeuw-St-Pierre. »
- Renvoi à la commission de naturalisation.
« M. de Vrière, obligé de s'absenter, demande un congé. »
- Accordé.
« Art. 29. La part de l'actif de la caisse destinée à un placement définitif est rendue productive par l'achat de valeurs des quatre catégories suivantes :
« 1° Fonds publies belges ou autres valeurs garanties par l'Etat ;
« 2° Obligations sur les provinces, les villes ou les communes de la Belgique ;
« 3° Cédilles ou prêts hypothécaires ;
« 4° Obligations des sociétés belge qui, depuis cinq ans consécutifs au moins, ont fait face à tous leurs engagements au moyen de leurs ressources ordinaires.
- Adopté.
« Art. 30. Les fonds destinés à être placés d'une manière définitive sont versés par la Banque Nationale à la caisse des dépôts et consignations, qui en fait l'application et conserve la garde des valeurs achetées.
« La caisse des dépôts et consignations est chargée également, le cas échéant, de la réalisation des valeurs appartenant à la caisse d'épargne.
« Elle verse à la Banque Nationale, au profit de la caisse d'épargne, le produit de ces ventes, ainsi que les revenus touchés par elle sur les placements opérés. »
-Adopté.
« Art. 31. Le total des bénéfices renseignés par les comptes forme le fonds de réserve de la caisse d'épargne. »
- Adopté.
« Art. 32. Le fonds de réserve est destiné à faire face aux pertes éventuelles de la caisse d'épargne, et à rembourser au gouvernement celles qu'il aura supportées en exécution de la garantie prêtée par lui.
« Tous les cinq ans, le gouvernement peut, le conseil d'administration entendu, décider qu'une portion du fonds de réserve sera répartie entre les livrets existants, au marc le franc des intérêts bonifiés à chacun .pendant les cinq dernières années. »
M. le président. - La section centrale propose, par amendement, de rédiger comme suit le paragraphe 2 :
« Tous les cinq ans, le gouvernement peut, de l'avis conforme du conseil général, décider qu'une portion du fonds de réserve sera répartie entre les livrets existants, depuis un an au moins, au marc le franc des intérêts bonifiés pendant les cinq dernières années. »
M. le ministre se rallie-t-il à cette rédaction nouvelle ?
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - La section centrale propose deux amendements à l'article 32.
Le premier consistée substituer aux mots : « le conseil d'administration entendu », ceux-ci : « de l'avis conforme du conseil général ». Le second amendement consiste à insérer dans l'article que la répartition a lieu entre les livrets existants depuis un an au moins.
J'admets ce second amendement. Quant à l'autre amendement, je ne le crois pas admissible.
L'avis conforme du conseil général s'expliquerait ici très mal ; je ne vois pas la nécessité de cet avis conforme du conseil général. Il y a une réserve ; cette réserve est particulièrement destinée à garantir le gouvernement, qui est lui-même le garant de la caisse. Il est impossible de supposer que le gouvernement puisse abuser de cette réserve ; il ne disposera certainement pas des fonds au profit des déposants, contrairement à ses propres intérêts ; tandis que le conseil d'administration, qui peut n'avoir pas à se préoccuper de la garantie du gouvernement, pourrait être porté à accorder des bénéfices plus considérables à ceux qui ont fait des dépôts, et favoriserait ainsi un intérêt opposé à celui du gouvernement. Il suffit donc, me semble-t-il, que le gouvernement, pour disposer de la réserve, entende le conseil d'administration, mais ne soit nullement astreint à agir en conformité de son avis.
M. Muller. - Messieurs, je ferai observer en réponse à ce que vient de dire M. le ministre des finances, que d'après la rédaction telle qu'elle est proposée par la section centrale, le conseil général ne pourrait pas forcer le gouvernement contre son gré à faire de répartition entre les déposants.
Le gouvernement a aussi son pouvoir à cet égard et son consentement est indispensable. Ce que la section centrale a voulu, c'est qu'il y eût accord entre le gouvernement et le conseil général, pour qu'on pût faire, tous les cinq ans, une distribution extraordinaire.
Quant à moi, je ne vois pas d'inconvénient à ce que cette double condition soit maintenue ; elle ne pourra jamais compromettre les intérêts du gouvernement, car quand le conseil général croira qu'il y a lieu à faire une répartition entre les déposants, il ne pourra l'exécuter contre la volonté du gouvernement. C'est dans ce sens que nous avons compris la disposition.
M. Tack. - Je crois qu'il ne faut pas maintenir la rédaction de la section centrale, sauf la seconde partie, à laquelle M. le ministre s'est rallié ; mais c'est pour un autre motif que celui indiqué par M. le ministre, car je crois, d'accord avec M. Muller, que dans aucun cas le conseil général ne pourrait forcer le gouvernement à faire une répartition de la réserve au marc le franc entre les déposants s'il ne le voulait pas.
L'article ne comporte pas la portée que semble lui donner M. le ministre des finances, mais il me semble que ce serait une interversion des rôles, le conseil général étant subordonné à la volonté ministérielle.
Pour moi les membres du conseil sont des fonctionnaires de l'Etat. Dans toutes les dispositions, le gouvernement contrôle et décide, au (page 1604) besoin malgré le conseil général, Je ne vois pas qu'il y ait lieu de faire une exception an principe qui domine dans toutes les dispositions de la loi.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je maintiens mon observation, par des motifs différents de ceux que fait valoir M. Tack. Ce n'est pas parce que le conseil d'administration serait à la discrétion, à la disposition du gouvernement, ou même parce qu'il serait composé, en quelque sorte, de fonctionnaires du gouvernement, que je demande qu'on efface les mots « de l'avis conforme. »
La Chambre sait que, pour moi, les administrateurs de la caisse d'épargne sont dans la même position que les administrateurs des hospices, des bureaux de bienfaisance, des monts-de-piété ; la caisse que nous créons est une institution parfaitement analogue à ces diverses administrations ; mais, dans l'ordre logique, on ne comprend pas qu'il faille l'avis conforme, on ne comprend pas le but de cet avis conforme. De quoi s'agit-il en effet ? De la réserve. Mais comme cette réserve est spécialement destinée à couvrir les pertes que la caisse peut faire et dont le gouvernement est garant, c'est évidemment le gouvernement qui doit être juge si on peut en disposer.
L'intérêt du gouvernement ne peut être soumis au conseil général ; le gouvernement est complètement et uniquement juge de cet intérêt.
La tendance du conseil général est d'être favorable à la répartition, il n'a pas de motif pour s'y opposer. Mais on ne saurait supposer que le gouvernement pût autoriser une répartition qui serait de nature à compromettre les intérêts du trésor, car si une répartition inopportune a lieu, ce n'est sans doute pas la caisse qui en souffrira, mais bien le trésor de l'Etat. C'est par ce motif unique, tiré de la logique et des intérêts réciproques qui sont en présence, que je désire que le conseil soit entendu pour savoir s'il n'a pas d'objections à faire contre la répartition de la réserve, tout en désirant aussi que le gouvernement demeure seul juge de la valeur de ces objections, et puisse les écarter s'il ne les reconnaît pas fondées.
M. Guillery. - Je ne partage pas l'opinion du gouvernement sur ce point. Je crois que l'amendement de la section centrale est justifié au contraire par les principes de la logique.
Si l'on part de ce principe que le gouvernement aura seul à souffrir éventuellement, est seul intéressé, il ne faudrait alors prendre l'avis de personne, pas plus du conseil d'administration que du conseil général. Mais si l'on prend un avis, quel est celui qu'on doit prendre ? Le conseil d'administration joue un rôle très secondaire. Le véritable administrateur, c'est le conseil général ; il suffit, pour s'en convaincre, de jeter les yeux sur l'art.icle10, déjà adopté.
« Art. 10. Le conseil général arrête les règlements organiques et conclut toutes conventions relatives à la caisse, sauf l'approbation du gouvernement.
« Il donne son avis sur l'acceptation des dons et legs au profit de la caisse.
« Il fixe, sous l'approbation du ministre :
« Le taux de l'intérêt à bonifier pour les sommes déposées ;
« Les conditions des emprunts à contracter éventuellement par la caisse, et celles de l'émission des inscriptions.
« Il détermine le montant du fonds roulant, celui des capitaux à placer et celui de la réserve.
« Il juge en dernier ressort toutes les contestations et réclamations vidées par le conseil d'administration, et dont il y a appel. »
Si donc le gouvernement prend un avis pour la distribution du fonds de réserve, il me semble logique qu'il prenne l'avis du conseil général et non celui du conseil d'administration.
La question, sans doute, n'a pas une très grande importance. Mais je pense que la proposition de la section centrale est plus conforme à l'esprit général de la loi.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Ce n'est pas là-dessus que porte mon observation ; c'est sur le mot « conforme. »
M. Guillery. - Je crois qu'il faut l'avis conforme.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Pourquoi ?
M. Guillery. - Parce que le conseil général est en réalité l'administrateur de la caisse. J'admets que le gouvernement est ici le principal intéressé ; mais on ne peut pas supposer que le conseil général n'administre pas la caisse de manière à prévoir les éventualités, comme le ferait le gouvernement lui-même.
La caisse étant administrée sous le contrôle du gouvernement général, les mesures sont prises évidemment dans l'intérêt de la bonne gestion.
M. Coomans. - Messieurs, il n'est pas juste, on l'a déjà fait observer avec raison, que les derniers venus profitent des bénéfices réalisés avec les fonds de leurs prédécesseurs.
Je devine bien pourquoi le projet de loi exclut du partage des bénéfices les propriétaires des livrets restitués ; c'est pour simplifier les écritures. La raison peut être bonne. J'avoue qu'il serait difficile de faire partager les bénéfices au marc le franc des intérêts perçus, entre tous les déposants depuis un très grand nombre d'années. Mais j'appelle toute l'attention de l'honorable ministre, de l'honorable rapporteur de la section centrale et de tous les honorables membres qui s'occupent spécialement de ce projet de loi sur les observations suivantes.
On veut exclure du partage les propriétaires des livrets rendus. C'est-à-dire qu'on n'admet au partage que les propriétaires de livrets existant depuis un an au moins, d'après l'amendement adopté par le gouvernement. Mais, messieurs, remarquez-le bien, vous n'aurez plus de déposants qui opéreront le retrait complet de leurs livrets ; tous garderont un livret, afin de pouvoir prendre part au partage des bénéfices. Ils laisseront (je parle surtout de ceux qui ont déposé de grosses sommes) leur livret pour une légère somme, ne fût-ce que pour un franc. (Interruption.)
Je ne sais si je suis bien compris. Je reproduirai l'argument. (Interruption.) J'ai parfaitement lu l'article : « Une portion du fonds de réserve sera répartie entre les livrets existants depuis un an au moins, au marc le franc des intérêts bonifiés à chacun pendant les cinq dernières années. »
Eh bien donc je suppose un déposant qui pendant près de 5 ans aura eu à la caisse une somme de 5,000 fr. par exemple ; à la fin de la cinquième année ; mais l'année n'étant pas accomplie, il a besoin de ses fonds et il les retire moins une pièce de cinq francs ; eh bien, si au bout de cette cinquième année vous faites le partage, vous devrez y admettre ce gros déposant qui n'aura cependant plus que 5 fr. à la caisse, tandis que vous n'admettrez pas celui qui depuis onze mois 29 jours peut y avoir 5,000 fr.
Vous serez forcés par votre article 32 à faire intervenir au partage, pour une très forte somme, un déposant qui, en réalité, en égard au but du projet de loi, n'y aura pas droit et vous serez forcés d'exclure de ce partage de nouveaux déposants qui y auraient droit.
Messieurs, cette observation me paraît très forte. Je désire qu'on la rencontre. Je voudrais donc que la justice distributive fût mieux observée, ou qu'on ne fît point de partage du tout des bénéfices, et qu'on laissât le tout, comme garantie, entre les mains du gouvernement ; c'est l'alternative que je préférerais.
Je le déclare, messieurs, dans ma conviction il n' y aura plus de retrait complet de livret ; tout déposant bien avisé, ayant en vue les éventualités de l'article 32, conservera un livret ; il n'aura garde de se retirer entièrement parce que dans ce cas il serait exclu du partage éventuel.
Ainsi donc, en voulant simplifier vos écritures, vous allez les compliquer.
Vous allez conserver un très grand nombre de livrets inutiles, et en réalité, le compte-rendu que l'honorable M. Hymans a fait prescrire par la loi. compte rendu utile dans des circonstances normales, deviendra quasi menteur parce que, je le prévois et j'appelle sur ce point toute l'attention de l'honorable ministre, je prévois qu'il n'y aura plus de retrait absolu de livrets, surtout de gros livrets ; on voudra rester déposant à perpétuité, et de milliers de livrets n'auront aucune signification.
M. H. Dumortier. - Quel mal y aurait-il à cela ?
M. Coomans. - Il y a ce mal que vous excluez du partage les déposants qui ne le sont pas depuis un an, tandis que vous y admettez des gens qui, en définitive, se seront bornés à spéculer sur votre article 32.
Je le répète, messieurs, je ne présente pas d'amendement, mais c'est aux auteurs de la loi à prendre en considération les remarques à mon sens très fondées que je viens d'avoir l'honneur de soumettre à la Chambre.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, l’honorable préopinant a fait deux observations. La première consiste à critiquer la disposition, en ce qu'on ne répartit pas la réserve entre tous ceux qui ont déposé à la caisse d'épargne, eussent-ils même retiré leurs dépôts ; la seconde, en ce que, par la combinaison qui a été adoptée, on arrivera à maintenir à la caisse d'épargne un certain nombre de livrets comprenant des sommes tout à fait insignifiantes, uniquement pour jouir du bénéfice éventuel de la répartition.
La première observation ne me semble pas fondée. L'honorable membre n'a pas pris garde au but qu'on se propose d'atteindre : c'est de faire en sorte qu'on maintienne les dépôts à la caisse d'épargne, qu'on ne les retire pas facilement. Il faut, autant que possible, sauvegarder ces épargnes souvent acquises au prix de bien grandes privations, contre les (page 1605) tentations parfois peu réfléchies que leurs propriétaires peuvent avoir de les dépenser. Pour assurer ce résultat, il faut un appât.
Cet appât consiste à offrir un accroissement éventuel d'intérêt, un bénéfice plus considérable. Voilà le motif pour lequel on exige que les livrets aient été maintenus pendant un certain temps, pour avoir droit à une répartition. D'autre part, il ne serait pas possible d'entrer en compte avec ceux qui ont retiré leurs dépôts.
Quant à la seconde observation, il me semble à première vue qu'elle peut avoir quelque chose de fondé. Les derniers mots de l'article portent : « Au marc le franc des intérêts bonifiés à chacun pendant les cinq dernières années. »
Or, un individu, ayant déposé à la caisse d'épargne 5,000 francs, par exemple, aurait besoin de les retirer ; mais il voudrait conserver sa part de répartition ; il ne retirerait que 4,980 francs et laisserait un livret de 20 francs. Il se trouverait encore dans la condition requise, et viendrait réclamer, en vertu du dernier paragraphe de l'article 52, une part du bénéfice au marc le franc des intérêts qui lui auraient été bonifiés pendant les cinq dernières années. Mais quelle règle faudrait-il substituer à celle qui est inscrite dans le projet de loi ?
Comme il doit y avoir un second vote, puisque l'article a été amendé, il doit être entendu de commun accord qu'au second vote on modifiera, s'il y a lieu, la disposition de manière à mieux atteindre le but que nous nous proposons.
M. Allard. - Messieurs, il me semble qu'au lieu de répartir tous les cinq ans une partie du fonds de réserve, on devrait augmenter l'intérêt sur les sommes déposées à la caisse d'épargne par période de 5 années. Par exemple, un individu qui aurait un livret depuis cinq ans, recevrait 1/4 ou 1/2 p. c. de plus ; et ainsi de suite, par période de cinq années, en augmentant chaque fois le taux de l'intérêt : C'est une observation que je soumets à M. le ministre des finances.
M. de Naeyer. - Messieurs, je pense qu’on ferait droit à l’objection de l’honorable M. Coomans, si on disait que le partage au marc le franc est limité aux intérêts bonifiés sur les livrets encore existants.
Ainsi, dans l'exemple cité par l'honorable M. Coomans, on aurait, je suppose, placé 5,000 francs pendant un certain nombre d'années ; on aurait retiré à peu près toute la somme, de manière à ne laisser que 20 francs.
Il n'y aurait alors de livret existant que pour 20 francs, et la répartition étant limitée aux intérêts perçus sur ces 20 francs, je crois que l'inconvénient disparaît complètement.
M. H. Dumortier. - La répartition a lieu sur les intérêts touchés.
M. de Naeyer. - Oui, mais sur les intérêts touchés à raison des livrets encore existants. Je crois que l'on est d'accord sur ceci : c'est que l'individu, dans le cas que j'ai signalé, aurait le droit de participer au partage de la réserve sur le pied des 20 francs pour lesquels il possède encore un livret, mais il n'aurait pas droit de prendre part au partage de la réserve sur le pied de 5,000 francs pour lesquels il n'a plus de livret, et je pense que cette pensée est suffisamment exprimée par le changement que j'indique.
Qu'on dise donc que la répartition aura lieu entre les livrets existants au marc le franc des intérêts bonifiés à chacun, à raison de la somme encore déposée.
M. Coomans. - C'est un nouveau système.
M. de Naeyer. - Je soumets cette observation à M. le ministre, car comme je ne voterai pas la loi, je ne me hasarderai pas à faire d'amendement.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Faites-en, au contraire, si cela peut vous déterminer à voter la loi.
M. H. Dumortier. - Messieurs, je pense que le moyen le plus simple est de renvoyer l'article à la section centrale ; mais je dois dire que je ne saisis pas bien l'observation de l'honorable M. Coomans, et j'hésite à me ranger à l'avis de M. le ministre des finances.
On suppose un individu qui dépose 5,000 francs pendant plusieurs années, et qui vient, quelque temps avant la répartition, les retirer en ne laissant plus qu'une somme de 20 francs, une somme insignifiante, juste ce qu'il faut pour avoir un livret. On demande s'il est équitable qu'il reçoive une somme plus forte que celle proportionnelle à la somme qu’il a laissée à la caisse. Je ne crois pas qu'il serait injuste de lui donner un dividende plus fort que le marc le franc de la somme qu'il a laissée.
Pourquoi donc fait-on une répartition ? Pour donner une récompense à ceux qui ont été assez économes, assez parcimonieux pour réunir une somme qu'ils ont laissée à la caisse pendant plusieurs années.
Il y a plus, les bénéfices de la caisse ont été réalisés en partie avec cet argent qui vient d'être retiré depuis quelques jours.
M. Coomans. - Cela est vrai.
M. de Naeyer. - C'est la même chose pour les autres.
M. H. Dumortier. - Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas accorder comme récompense un dividende sur les sommes retirées.
Je crois que cette question mérite examen.
M. le président - On propose le renvoi à la section centrale.
M. Tack. - Il y a beaucoup de choses fondées dans ce que vient de dire l'honorable préopinant, et il est à remarquer que l'inconvénient n'est pas aussi radical que le dit l'honorable M. Coomans.
En effet, si celui qui maintient un livret réduit à une somme insignifiante, jusqu'au bout d'une période de 5 ans, peut venir participer d'après un marc le franc plus considérable, au fonds qui sera réparti entre les déposants, cela ne peut se faire que pour une période de 5 ans, car il aurait beau maintenir ce livret plus longtemps, s'il n'est que de 20 francs, il ne viendra pour la période suivante qu'au marc le franc de 20 francs. Je me demande s'il n'y aurait pas un autre moyen plus simple d'arriver au résultat qu'on se propose, d'éviter les inconvénients signalés.
Je me suis posé la question de savoir si l'on ne pourrait pas limiter la période assignée aux distributions successives, si, par exemple, le partage ne pourrait pas se faire tous les deux ans ou même annuellement. C'est une idée que je mets en avant ; je crois qu'elle lèverait toute difficulté et qu'on ferait bien de l'accueillir si, toutefois, elle n'est pas de nature à engendrer des inconvénients que je n'entrevois pas.
- La discussion est close.
M. le président. - Deux propositions ont été formulées, celle de M. II. Dumortier tendante à renvoyer l'article à l'examen de la section centrale, et celle de M. le ministre des finances qui tend à voter l'article, sous réserve du changement de rédaction qu'il y aura lieu d'y introduire pour satisfaire à une observation présentée par M. Coomans.
- La proposition de M. II. Dumortier est mise aux voix ; elle n'est pas adoptée.
L'article 32 est mis aux voix par division.
Le paragraphe premier est mis aux voix et adopté.
M. le président. - Deux amendements sont proposés au paragraphe 2 par la section centrale ; le premier consiste à ajouter, dans le premier membre de phrase les mots : « de l'avis conforme du conseil général » ; le second consiste à ajouter, dans le second membre de phrase, les mots : « depuis un an au moins. »
M. le ministre des finances se rallie au second amendement, mais non au premier.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je n'accepte pas le mot « conforme ».
M. Guillery. - Je demande la parole sur la position de la question.
Dans le système de M. le ministre des finances, il faudrait adopter une autre rédaction, et dire : « le conseil général entendu », au lieu de « de l’avis conforme du conseil général » que propose la section centrale.
M. Van Humbeeck. - « De l'avis » équivaut à « de l'avis conforme. »
M. Coomans. - C'est évident ; le mot « conforme » est superflu.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Eh bien, par sous-amendement, je propose de dire :« le conseil général entendu.»
- Ce sous-amendement est mis aux voix et adopté.
L'amendement de la section centrale consistant dans l'addition des mots « depuis un an au moins » est mis aux voix et adopté.
M. le président. - Le paragraphe 2 serait donc conçu comme suit :
« Tous les cinq ans, le gouvernement peut, le conseil général entendu, décider qu'une portion du fonds de réserve sera répartie entre les livrets existants, depuis un an au moins, au marc le franc des intérêts bonifiés à chacun pendant, les cinq dernières années. »
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il est bien entendu que si l'article n'a pas été renvoyé à la section centrale, c'est cependant sous la réserve que la rédaction pourra en être modifiée, afin de bien exprimer la pensée que la Chambre y attache.
M. le président. - C'est de droit et, dans tous les cas, une réserve formelle a été faite.
« Art. 33. La caisse peut, avec l'autorisation du ministre des finances, faire des emprunts provisoires avec ou sans garantie de valeurs.
M. Coomans. - Je remarque que dans l'article 3 on s'est servi du mot « gouvernement », tandis que dans l'article 33 on emploie l'expression « ministre des finances ». Attache-t-on la même signification aux deux expressions ? Je désirerais avoir une explication à cet égard.
(page 1606) Il semble que , dans le cas de l'article 33, le ministre des finances peut, seul, décider ; tandis qu'il n'en est pas de même dans le cas prévu par l'article 32. S'il en est autrement, mieux vaudrait se servir de la même expression dans les deux articles.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Lorsque, dans une loi, on se sert de l'expression le gouvernement, cela veut dire qu'un arrêté royal devra intervenir pour prendre la mesure indiquée. Lorsque.au contraire, on désigne le ministre, c'est le ministre simplement qui est investi du droit de statuer.
Dans le cas prévu par l'article 32, vu l'importance de l'acte, qui engage assez gravement l'Etat, on a recours à un arrêté royal pour décider que la réserve sera répartie ; tandis que, dans le cas de l'article 33, il ne s'agit que d'un simple acte d'administration, et c'est le ministre seul qui statue.
M. H. Dumortier, rapporteur. - J'avais demandé la parole pour faire remarquer également que dans l'article 32, il s'agit de disposer du fonds de réserve, tandis que, dans l'article 33, il s'agit seulement d'une simple mesure administrative. On comprend parfaitement bien, dès lors, que dans le premier cas on exige plus de garantie, c'est-à-dire un arrêté royal ; tandis qu'une décision ministérielle suffit dans le second cas.
M. B. Dumortier. - L'article 33 me parait extrêmement grave. (Interruption.) Vous riez, messieurs ; l'article ne vous paraît point tel. Je conçois cela de la part de ceux qui acceptent tout ce que propose le gouvernement et qui, dès qu'un ministre a parlé, sont disposés à dire, comme dans la romance : « Brigadier, vous avez raison. » (Nouvelle interruption.)
- Plusieurs voix. - C'est inconvenant. A l'ordre !
M. B. Dumortier. - L'observation que j'ai à présenter est cependant extrêmement sérieuse.
Comment ! le ministre des finances pourrait autoriser la caisse à faire des emprunts ? (Interruption.)
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Est-ce que M. Dumortier ne sera pas invité à retirer les expressions dont il vient de se servir ?
M. Devaux. - Est-il permis d'insulter ainsi les membres de cette Chambre ?
M. le président. - M. Dumortier, vous êtes-vous servi de cette expression : « C'est comme dans la romance : Brigadier, vous avez raison ? »
M. B. Dumortier. - J'ai répondu à ceux qui riaient de ce que je disais. On m'a manqué d'égards, et j'avais certes bien le droit de répondre.
M. le président. - M. Dumortier, le bureau n'a pas bien entendu, avez-vous dit ces mots : « c'est comme dans la chanson, vous avez raison. »
- Plusieurs membres : « C'est comme dans la chanson : Brigadier, vous avez raison. »
M. B. Dumortier. - J'ai dit que la disposition avait beaucoup de gravité ; beaucoup de membres se sont mis à rire et ont ricané mes paroles ; en présence de ces ricanements, sur une observation aussi grave, quand il s'agit d'engager l'Etat pour un acte du gouvernement, j'ai dit que pour ceux qui acceptent purement et simplement sans examen tout ce que propose le gouvernement, mon observation pouvait être risible, qu'ils me semblaient faire comme dans la romance, où l'on dit : « Brigadier, vous avez raison ». (Interruption.)
Laissez-moi finir. Je disais que pour ceux-là, la disposition pouvait n'avoir pas de gravité, mais que pour moi, qui examine toute la loi très sérieusement, elle en avait beaucoup.
Je répète. Qu'on ne se mette pas à ricaner quand je parle, et je ne répondrai pas aux ricanements comme je l'ai fait.
M. le président. - Vous ne pouvez pas dire que des membres de cette Chambre acceptent sans examen les propositions du gouvernement ; c'est leur attribuer de mauvaises intentions, leur prêter une mauvaise volonté. Vous ne pouvez pas supposer chez vos collègues une mauvaise intention, une mauvaise préméditation. Je vous engage à retirer vos paroles.
M. B. Dumortier. - On ne peut pas me ricaner, qu'on ne me ricane pas et je ne répondrai pas comme je l'ai fait. Je maintiens ce que j'ai dit.
- Plusieurs voix. - A l'ordre ! à l'ordre !
M. le président. - On ne peut pas empêcher de rire, mais on peut empêcher de dire des choses inconvenantes. Je vous engage de nouveau à retirer vos paroles.
M. B. Dumortier. - Je ne retire pas mes paroles.
M. le président. - Si vous ne les retirez pas, je serai forcé de vous rappeler à l'ordre.
M. B. Dumortier. - Cela m'est égal ! je ne...
M. le président. - M. Dumortier, retirez-vous vos paroles ?
M. B. Dumortier. - Non !
M. le président. - M. Dumortier, je vous rappelle à l'ordre !
M. B. Dumortier. - Vous avez raison, M. le président, et moi aussi.
M. le président. - Personne ne demande plus la parole ; je mets l'article 33 aux voix.
- Cet article est adopté.
« Art. 34. La caisse peut délivrer des coupures au porteur ou en nom pour les inscriptions qu'elle possède sur le grand-livre de la dette publique belge.
« Les intérêts et coupons de ces titres sont payés par le trésor public, sur le même pied et de la même manière que ceux des autres rentes belges.
« Elle peut également émettre des livrets pour ces inscriptions.
« Les intérêts semestriels dus sur ces livrets sont soumis à toutes les dispositions et jouissent de tous les avantages des versements faits aux caisses d'épargne. »
- Adopté.
« Art. 35. La prescription de l'article 2277 du Code civil n'est pas applicable aux caisses d'épargne. »
- Adopté.
« Art. 36. Sont acquis à la caisse d'épargne qui a délivré le titre :
« 1° Les sommes portées au compte du déposant qui sera resté 30 années sans faire aucun versement ni retrait ;
« 2° Les titres de rentes achetées d'office ou à la demande des déposants, pour lesquelles il a été délivré des certificats ou des livrets par la caisse d'épargne, lorsque les propriétaires sont restés trente ans sans en réclamer les arrérages.
« Le délai de trente ans ne commence à courir qu'à partir du jour où le titulaire a acquis la libre disposition du capital versé. »
- Adopté.
« Art. 37. Tout dépôt fait à une caisse d'épargne, constaté soit par livrets, soit par certificats d'inscription de rentes, et qui tombe en déshérence, devient la propriété de la caisse qui a délivré le titre. »
- Adopté.
« Art. 38. La caisse peut, avec l'approbation du ministre des finances, faire des conventions avec les caisses d'épargne existantes, pour la reprise de leur actif et passif, en tout ou en partie.
« Dans ce cas, l'administration peut se faire attribuer des valeurs d'autres catégories que celles qui sont désignées aux articles 28 et 29. »
M. Allard. - Messieurs, hier l'honorable M. Dumortier, quand nous discutions l'article 28, qui s'occupait de la part de l'actif que la caisse peut conserver provisoirement, a demandé si la caisse d'épargne de Tournai resterait en fonction. M. le ministre des finances a répondu que même si elle voulait cesser ses opérations il ferait tout ce qu'il pourrait pour engager cette caisse à renoncer à sa résolution.
Les paroles prononcées par M. B. Dumortier, quand il a demandé si la caisse de Tournai continuerait à fonctionner, m'ont rappelé que quand le projet de loi a été déposé en 1859, le bruit a couru à Tournai que le gouvernement allait s'emparer de la caisse d'épargne de cette ville. J'ai eu beaucoup de peine alors à convaincre les déposants qui m'adressaient ces questions que la caisse, que le gouvernement allait instituer, n'obligerait en aucune façon toutes les caisses d'épargne existantes à se fondre dans la caisse de l'Etat.
Ce bruit, je croyais qu'il m'avait été possible de le faire cesser. Je me suis aperçus que je m'étais trompé, quand M. Dumortier a demandé si cette caisse continuerait à fonctionner ; car voilà un représentant qui avait des doutes sur ce fait. Cependant je ne vois nulle part dans le projet de loi qu'il y aurait moyen pour le gouvernement d'opérer cette absorption.
Le gouvernement n'en a nullement l'envie, il a même annoncé le contraire dans l'exposé des motifs. Si je prends la parole, c'est parce que je crois qu'il y a lieu de faire cesser ces bruits qui circulent encore à Tournai ; ces bruits jettent parmi les déposants à la caisse d'épargne, une espèce de découragement. II y a à Tournai, plus de cinq mille déposants ; des avantages sont accordés à ceux des classes pauvres.
Lorsque M. de Naeyer disait il y a quelques jours que les populations des campagnes peuvent déposer à la caisse des villes, je l'ai interrompu en disant : Pas à la caisse de Tournai ! M. de Naeyer a répliqué : Cette caisse n'est pas très libérale.
(page 1607) M. de Naeyer. - Je n'ai pas dit cela !
M. Allard. - Vous avez dit ; c'est trop exclusif, c'est une caisse communale qui devrait être organisée sur une base plus large.
Voici pourquoi elle a établi cette exclusion : c'est parce que l'habitant de Tournai qui dépose à la caisse obtient des secours s'il est pauvre ; il reçoit toutes les semaines 50 centimes s'il a déposé 10 fr., 75 c. s'il a déposé 20 fr. ; 1 fr. si le dépôt atteint 50 fr. ; 1 fr. 25 c. à 40 fr., et 1 fr. 50 c. à 50 fr. Ces sommes sont payées par la caisse de secours. Il y a deux caisses, la caisse d'épargne et la caisse de secours ; cette dernière a été fondée par des dons de la ville et des particuliers, et la caisse de l'Etat n'accordera pas ces avantages.
Voilà pourquoi je dis que le bruit que l'on fait courir que la caisse va être absorbée par l'Etat, jette nécessairement beaucoup d'émoi parmi nos populations.
M. B. Dumortier. - L'honorable préopinant parle de bruits que l'on fait courir et qui font beaucoup de tort. Je suppose qu'il n'a pas voulu faire allusion, bien qu'il m'ait cité, aux paroles que j'ai prononcées hier.
M. Allard. - Bien certainement. Je n'ai entendu faire aucune allusion à ce que vous avez dit.
M. B. Dumortier. - J'en suis heureux. Mais c'est précisément à cause de ce bruit que j'ai demandé des explications à M. le ministre des finances et je dois dire qu'elles ont été complètement satisfaisantes. Dès lors tous ces bruits doivent tomber.
M. Allard. - Je n'ai fait aucune allusion à ce qu'a dit l'honorable préopinant. Mais j'ai reçu de Tournai une lettre datée du 16 juin, et voici ce qu'on m'y dit :
« On verrait avec plaisir insérer dans la loi une disposition ainsi conçue : Celles existantes à ce jour continueront à fonctionner en vertu de leurs statuts approuvés, soit avant la loi communale de 1836, ou après.
« On a les preuves en main de l'intention du gouvernement si la législature ne borne point les limites du pouvoir gouvernemental. Je ne puis en dire davantage, le secret m'est imposé... »
Ces bruits ont couru, il y a trois ans, lorsque le projet de loi a été déposé. J'ai eu beaucoup de peine à dissiper ces craintes. J'ai dit à tous ceux qui m'interrogeaient : Vous êtes dans l'erreur. La caisse de Tournai continuera à fonctionner. Malgré tout cela, on m'écrit pour que je propose que l'on insère dans la loi que la caisse d'épargne de Tournai sera maintenue.
Voilà pourquoi j'ai demandé la parole, je n'ai pas fait allusion, je le répète, aux observations de l'honorable M. Dumortier. Je suis au contraire heureux qu'elles aient été présentées. Elles m'ont fourni l'occasion de prendre la parole ; car je ne sais à l'occasion de quel article j'aurais pu la prendre.
J'espère qu'on comprendra actuellement, que le gouvernement, loin de vouloir supprimer la caisse d'épargne de Tournai, qui est si bien administrée, désire au contraire qu'elle continue à fonctionner en dehors de celle qui sera établie sous la garantie de l'Etat.
- L'article est mis aux voix et adopté.
« Art. 39. Les rapports entre la caisse d'épargne et la Banque Nationale sont réglés par le gouvernement en exécution de l'article 11 de la loi du 5 mai 1850. »
- Adopté.
M. Van Humbeeck. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi portant dérogation à la législation sur les droits d'enregistrement et de transcription, en faveur des acquisitions d'immeubles affectés aux. classes ouvrières.
- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et le met à la suite de l'ordre du jour.
« Art. 40. Toute personne âgée de dix-huit ans au moins est admise à faire des versements à la caisse de retraite, soit pour son compte, soit au nom de tiers.
« Aucun versement n'est reçu en faveur de personnes âgées de moins de dix ans.
« Les versements peuvent s'effectuer chez les receveurs des contributions ou aux caisses d'épargne. »
- Adopté.
« Art. 41. Toute somme versée qui est insuffisante pour acquérir une rente de douze francs aux conditions demandées et au profit de la personne désignée, est déposée à la caisse d'épargne. »
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je propose de dire « est provisoirement déposée. »
- L'article ainsi modifié est adopté.
« Art. 42. Les rentes peuvent être immédiates ou différées. »
- Adopté.
« Art. 43. Elles peuvent être constituées avec ou sans réserve du capital au décès de l'assuré.
« Mention de l'époque de l'entrée ni jouissance et de la réserve du capital doit être faite par le déposant au moment du versement. »
- Adopté.
« Art. 44. Toute rente est personnelle à celui au nom duquel elle est inscrite.
Néanmoins, si la rente a été constituée avec des deniers communs, chacun des conjoints a le droit d'en percevoir la moitié, en cas de dissolution de la communauté. »
La section centrale propose de rédiger ainsi cet article :
« Art. 44, Toute rente est personnelle à celui au nom duquel elle est inscrite.
« Néanmoins, si la rente a été constituée avec des deniers communs, chacun des conjoints a le droit d'en percevoir la moitié, en cas de dissolution de la communauté du vivant des époux.
« Les rentes sur la caisse de retraite sont propres à l'époux marié sous le régime de la communauté au nom duquel elles sont inscrites, sans préjudice aux principes du Code civil sur la récompense, dans le cas seulement où l'époux prédécédé laisse des héritiers à réserve. »
M. le président. - M. le ministre des finances se rallie-t-il à l'amendement de la section centrale ?
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Non, M. le président. Je dirai pourquoi je ne m'y rallie pas.
L'amendement a pour objet de décider une question que le projet de loi laisse sous l'empire du droit commun, et non seulement il décide cette question, mais il la décide par dérogation au droit commun. Je ne vois pas la nécessité d'insérer cette disposition dans la loi.
La section centrale dit que « les rentes sur la caisse de retraite sont propres à l'époux marié sous le régime de la communauté, au nom duquel elles sont inscrites, sans préjudice aux principes du Code civil sur la récompense, dans le cas seulement où l'époux prédécédé laisse des héritiers à réserve. »
A quoi bon introduire cette disposition dans la loi sur la caisse de retraite ? D'après le projet de loi, l'on se borne à décider que la rente constituée avec les deniers communs, profite par moitié aux deux époux, en cas de dissolution de la communauté. On s'arrête là. Pour les autres cas, le droit commun subsiste, et il est inutile de déroger au droit commun pour déclarer que le principe qui règle, d'après le Code civil, la récompense, ne sera applicable que dans le cas seulement où l'époux prédécédé laisse des héritiers à réserve. Je ne vois pas pourquoi toutes ces questions sont tranchées exceptionnellement par la loi dont nous nous occupons, et je pense qu'il est plus sage, plus prudent de maintenir la disposition du projet.
M. H. Dumortier, rapporteur. - Du moment que M. le ministre trouve des complications et des inconvénients à l'amendement, plusieurs membres de la section centrale m'ont autorisé à y renoncer.
Le but qu'avait eu la section centrale en le proposant, c'était d'introduire plus d'équité à notre sens et de prévenir certains abus que pourrait commettre l'un des époux en s'appropriant à lui seul les deniers de la communauté.
M. de Breyne. - Je veux présenter quelques observations très courtes relativement à cet article. Voici en quoi elles consistent.
D'après le projet, nous pouvons tous créer des rentes au profit de tiers. Mais une fois la rente créée, nous n'avons plus rien à y voir, c'est-à-dire que le tiers, arrivant à l'âge fixé, dispose complètement de la rente qui a été créée.
La disposition est irrévocable.
Il me semble, messieurs, qu'il y a là une lacune et qu'il faudrait pouvoir trouver un moyen de laisser à celui qui constitue la rente, la faculté de révoquer sa disposition jusqu'à un certain point si le bénéficiaire s'en rend indigne. Pour mieux expliquer ma pensée, Je citerai quelques exemples.
(page 1608) Je suppose que j'ai un ami, un parent qui a eu des revers de fortune ; Je le reçois chez moi ; je le dote de rentes ; mais au bout d'un certain temps ce parent ou cet ami me paye d'ingratitude.
Arrivé à l'âge fixé pour toucher la rente, cet ami, ce parent ingrat, pour prix de ses mauvais procédés, profite de la dotation que je lui ai faite.
Autre exemple : j'ai un domestique qui m'a fidèlement servi pendant dix ans ; après ce temps, il abuse de ma confiance et je suis obligé de le chasser ; je l'avais doté de rente ; arrivé à l'âge de 50 ans, il va jouir des faveurs que je lui ai faites et qu'il ne mérite plus.
Je crois, messieurs, que la morale exigerait qu'il en soit autrement. Je pense qu'aucun de nous ne désirerait se trouver dans l'un des cas que j'ai supposés.
Je me borne à appeler l'attention du gouvernement sur ces observations.
M. H. Dumortier, rapporteur. - Je crois qu'il y a dans les observations de l'honorable membre quelque chose de très sérieux ; mais il a perdu de vue cet adage de droit civil que « donner et retenir ne vaut. » Une fois que vous avez donné une rente, vous ne pouvez plus la retirer, à moins qu’il ne se présente l’une des circonstances prévues par le Code civil dans lesquelles les donations deviennent irrévocables.
M. Allard. - Dans l'amendement que j'avais proposé à l'art..., je disais qu'on pourrait déposer au profit d'un tiers, et j'avais fait une réserve pour certains cas ; j'avais été inspiré par une disposition du règlement de la caisse d'épargne de Tournai, qui est ainsi conçue :
« Le dépôt au profit d'un tiers peut être fait avec réserve de révocation.
« Si le déposant révoque, il peut alors désigner un autre donataire, ou retenir le dépôt pour son propre compte, sans toutefois pouvoir rien changer aux termes primitivement indiqués pour le remboursement. »
J'appelle sur cette disposition l'attention de M. le ministre.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, lorsque le législateur a admis les donations, il a dû nécessairement supposer les diverses hypothèses qui ont été indiquées par les honorables préopinants. Qu'a fait le législateur ?
Il a spécifié certains cas dans lesquels une donation peut être révoquée.
Or, avons-nous quelque chose d'autre à faire, et faut-il consacrer ici une dérogation au droit commun ? Je ne le pense pas.
II se peut, messieurs, qu'une disposition inspirée par les très bons sentiments qu'a fait valoir l'honorable M. de Breyne, prête cependant à de très graves abus.
Ainsi, pour reprendre le dernier exemple qu'il a cité, un individu a un domestique dont il est satisfait ; l'honorable membre suppose le cas où le domestique commet vis-à-vis de son maître quelque mauvaise action, et il dit que, dans ce cas, le dernier doit pouvoir retirer le don qu'il aurait fait. Mais on peut supposer aussi qu'un maître, pour se faire servir de la manière la plus absolue, fasse miroiter aux yeux de son domestique l'espérance d'une rente, qu'il aura la faculté de retirer, et qu'en définitive il ne lui accordera pas. On mettrait ainsi dans une sorte de servage ceux à qui l'on ferait espérer un bienfait.
Je ne pense donc pas, messieurs, qu'il y ait lieu de déroger au droit commun en cette matière. Qu'arrivera-t-il ? Ce sera une donation ou ce sera une stipulation faite au profit d'un tiers ; je n'en sais rien, mais on suivra le droit commun. Si c'est une donation, faudra-t-il observer les formalités relatives aux donations ? Si c'est une stipulation au profit d'un tiers, faudra-t-il que le tiers déclare accepter ? Nous ne décidons pas ces questions. N'introduisons pas dans la loi des dispositions dont il nous serait d'ailleurs impossible de prévoir les conséquences.
M. Guillery. - Messieurs, les débats qui ont eu lieu au sein de la section centrale sont un peu effacés de ma mémoire. Je crois pourtant me rappeler que l'amendement proposé à l'article 44 est l'œuvre de l'honorable M. Orts, et a été amené à la suite du rejet de mon amendement au paragraphe 2 ; et voici les motifs qui l'ont inspiré :
Dans le second paragraphe, l'expression « du vivant des époux » a été ajoutée, afin que ce paragraphe s'applique seulement au cas de divorce ou de séparation. Il est ainsi conçu :
« Néanmoins, si la rente a été constituée avec des deniers communs, chacun des conjoints a le droit d'en percevoir la moitié, en cas de dissolution de la communauté du vivant des époux. »
Le paragraphe premier pose le principe général, que toute rente est personnelle à celui au nom duquel elle est inscrite.
L'un des époux, le mari par exemple, s'il veut faire une donation indirecte, peut inscrire une rente au nom de sa femme ; si, au contraire, il veut abuser de sa position de chef de la communauté pour s'approprier, en cas de dissolution, une plus grande part des deniers que celle qu'il aurait par un partage régulier, il peut placer en son nom presque tous les deniers de la communauté.
Si donc on n'avait que le principe posé par le premier paragraphe, le mari aurait un moyen indirect de s'approprier tous les fonds de la communauté, et d'un autre côté, il aurait le moyen de faire une donation en faveur de sa femme, au préjudice de ses héritiers à lui.
Voilà le principe absolu ; le correctif se trouve dans le paragraphe 2. Ce paragraphe, pour corriger les abus qui pourraient résulter du principe absolu, déclare que si la rente été constituée avec des deniers communs, on réparera l'irrégularité, et le partage se fera par moitié entre les époux.
La section centrale a voulu que ce principe fût appliqué entre les époux, c'est-à-dire lorsque la dissolution de la communauté a eu lieu du vivant des époux ; dès lors l'époux frustré viendra reprendre ce qui a été détourné par son conjoint.
Dans le cas de la dissolution de la communauté par la mort de l'un des époux, la section centrale n'a pas trouvé qu'il y eût lieu de réparer cette irrégularité, et on a laissé l'époux survivant en possession de la rente qui était constituée en son nom.
Néanmoins, le paragraphe 3 que nous proposons d'ajouter, voulant à la fois permettre au mari d'avantager sa femme, de lui faire une donation indirecte, et l'empêcher d'abuser de sa position de chef de la communauté à son profit à lui, le paragraphe 3 a été rédigé dans les termes suivants :
« Les rentes sur la caisse de retraite sont propres à l'époux marié sous le régime de la communauté au nom duquel elles sont inscrites, sans préjudice aux principes du Code civil sur la récompense, dans le cas seulement où l'époux précédé laisse des héritiers à réserve. »
Ainsi donc ; lorsque l'époux prédécédé ne laisse pas d'héritiers à réserve, on ratifie la donation faite par voie d'inscription de rentes, on admet la donation faite à la femme ; mais lorsqu'il y a des héritiers à réserve, comme on ne veut pas que les héritiers à réserve soient frustrés, et qu'on veut, dans ce cas, rester dans le droit commun, on a voulu permettre la récompense, pour rester dans les principes du Code civil. Ce n'est donc pas une exception aux principes du Code civil que nous avons introduite, c'est plutôt un retour à ces principes, sauf le cas où i n'y a pas d'héritiers à réserve.
Nous ne voyons pas d'inconvénient à ce que dans ce cas le mari constitue une rente au profit de sa femme. Par exemple, un mari ayant une grande fortune mobilière et sa femme n'ayant rien, je ne comprendrais pas pourquoi on empêcherait le mari d'en faire une donation indirecte à sa femme et pourquoi des héritiers très éloignés auraient le pouvoir de faire révoquer cette donation.
Voilà la pensée qui a dicté l'amendement de la section centrale. L'honorable rapporteur a déclaré qu'il retirerait ces amendements ; il n'a pas été autorisé à le faire, puisque la section centrale ne s'est pas réunie depuis la présentation du rapport. L'amendement reste donc soumis aux délibérations de la Chambre.
M. le président. - L'amendement a été retiré ; la discussion ne peut plus porter sur cet amendement, en tant qu'amendement de la section centrale ; mais chaque membre de la Chambre peut le reprendre et le proposer comme sien.
M. Guillery. - Je ne pense pas que le rapporteur ait le droit de retirer, de son chef, un amendement ; il faut une décision de la section centrale.
M. H. Dumortier, rapporteur. - Il est vrai qu'il n'y a pas eu de réunion de la section centrale ; mais j'ai consulté, il n'y a qu'un instant, quelques membres de la section centrale, et ces membres, en présence des explications données par M. le ministre des finances, et pour ne pas compliquer la discussion et les dispositions du projet de loi, m'ont engagé à déclarer en leur nom, comme je le déclare au mien, que nous ne tenons pas d'une manière absolue au maintien de l'amendement que deux membres de la section centrale, MM. Guillery et Orts, avaient proposé dans un but d'équité.
Toutefois, je reconnais que je n'ai pas été autorisé officiellement, par toute la section centrale, à renoncer à cet amendement, et si l'honorable M. Guillery le désire, je me bornerai à déclarer que pour ma part j'y renonce.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, je crois que si nous voulons nous rendre bien compte du but que nous désirons atteindre, nous tomberons facilement d'accord qu'il n'y a pas lieu d'insérer des dispositions de ce genre dans la loi en discussion.
(page 1609) Que faisons-nous ? Nous faisons ce que font des sociétés particulières, qui créent des tontines ou des assurances sur la vie.
Ces sociétés, dans les statuts qu'elles arrêtent, dans les contrats qu'elles font avec les particuliers, disposent-elles sur les droits éventuels des tiers, sur le règlement des droits éventuels des époux, des héritiers ? Evidemment non ; elles ne stipulent aucune disposition de ce genre.
Eh bien, ce que nous avons à régler, sauf quelques cas exceptionnels peut-être, n'est pas autre chose que le mode d'organisation et d'administration de la caisse de retraite, abstraction faite des droits éventuels des particuliers.
Si nous sommes bien d'accord sur ce point-là, on comprendra immédiatement qu'il n'y a pas lieu de nous occuper de ces questions de droit civil.
M. Guillery. - Alors le second paragraphe devrait disparaître.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - J'ai dit : sauf les cas exceptionnels.
On comprend parfaitement que, d'après l'article 44, on peut prendre une décision, vu la nature spéciale des rentes dont il s'agit d'autoriser l'acquisition.
Mais à quoi bon s'occuper de la question de savoir, comme on le faisait tout à l'heure à l'article précédent, si la rente constituée au profit d'un tiers constitue une donation, et s'il faut remplir des formalités pour qu'elle soit valable, ou si elle constitue une stipulation au profit d'un tiers et quelles formalités le tiers aura à remplir ? Et de même, lorsqu'il s'agit des droits des époux ou des héritiers, pourquoi trancher la question ? La loi commune, le Code civil a statué sur tous ces points.
Remarquez bien, messieurs, que les questions que l'on soulève ici se présentent dans tous les cas de contrats d'assurance ou de rentes viagères faits par les compagnies particulières.
M. Debaets. - C'est évident.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Elles peuvent se présenter encore dans d'autres circonstances.
Par exemple, il existe des caisses de veuves et d'orphelins. La pension de la veuve d'un fonctionnaire de l'Etat est constituée à l'aide de retenues opérées sur le traitement de ce fonctionnaire.
Eh bien, la veuve nantie de cette pension, que doit-elle à la communauté ? Quel est le règlement de ces droits, du chef de cette pension ainsi constituée ? Les héritiers peuvent-ils réclamer une récompense du chef de l'acquisition de cette rente au profit de la veuve ? Je n'en sais rien pour le moment ; je ne le recherche pas. Laissons ces questions intactes, tant pour la caisse de retraite que pour les autres institutions analogues.
Il suffit de régler ce qui était indispensable en disant :
« Toute rente est personnelle à celui au nom duquel elle est inscrite. »
Il faut bien qu'il en soit ainsi, puisque la rente s'acquiert en raison de l'âge de l'individu.
C'est en raison des chances de vie qu'il a au moment où il se présente pour acquérir la rente, que l'on détermine la somme nécessaire pour cette acquisition.
C'est donc une chose essentiellement personnelle.
On, dit dans le second paragraphe que cette rente peut avoir été constituée avec des deniers communs. C'est là un fait que les particuliers auront à établir entre eux vis-à-vis de la caisse.
Que fera la caisse dans ce cas ? C'est ce que résout le deuxième paragraphe .
Il résout cette question en ce sens que la caisse sera tenue à diviser la rente entre les conjoints. Mais elle ne sera pas tenue d'accorder une restitution de capital à l'une des deux parties.
Les conditions de la constitution de la rente ne sont point changées ; elle reste constituée sur la tête de celui au nom duquel elle est inscrite. Mais s'il est établi qu'elle a été créée seulement de deniers communs, elle sera divisée entre les deux parties.
Je convie la Chambre, afin d'éviter de grandes difficultés, à s'en tenir au droit commun.
M. Magherman. - Messieurs, j'abonde complètement dans le sens des observations que vient de présenter l'honorable ministre des finances. Il me semble qu'il faut laisser le règlement de toutes ces questions au droit commun. Mais à ce point de vue le premier paragraphe de l'article 44 présente déjà un danger.
« Toute rente est personnelle à celui au nom duquel elle est inscrite. »
Je suppose qu'un mari fasse inscrire une rente au nom de sa femme.
Cela ne présente pas de dangers. Mais s'il la fait inscrire à son propre nom, ce qui sera presque toujours le cas, est-ce à titre personnel ? Il me semble que non. Je crois que les principes du Code civil doivent prévaloir et que ce sont les dispositions de ce code ou le contrat de mariage qui doivent déterminer à qui appartient la rente et dans quelles proportions.
Je pense que tout cet article devrait disparaître et qu'on devrait abandonner ces matières au droit commun. Cette disposition me semble présenter des dangers en ce sens qu'elle pourrait amener des procès.
Moins on dit en pareil cas, mieux cela vaut.
M. Orts. - J'ai demandé la parole simplement pour confirmer la déclaration qu'a faite tout à l'heure l'honorable rapporteur.
Au sein de la section centrale l'honorable M. Guillery a signalé les dangers que pouvait présenter le caractère personnel donné aux rentes créées sur la caisse de retraite pendant la durée de la communauté au profit de l'un des époux.
Pour arriver à diminuer ces dangers, qui sont réels, une rédaction de conciliation a été proposée. Si mes souvenirs sont exacts, je crois que cette rédaction qui a mis l'honorable M. Guillery d'accord avec les défenseurs du projet est émanée de mon initiative ou de celle de l'honorable M. Pirmez. Tout cela est assez ancien et j'avoue avec M. Guillery que je ne m'en souviens pas non plus précisément comme si c'était d'hier.
Maintenant, du moment que le gouvernement voit un danger à toucher incidemment à un principe de droit commun consacré par le code civil, je n'insiste plus.
J'ai donc autorisé l'honorable M. Dumortier à déclarer que, comme membre de la section centrale, je ne tenais pas du tout à une modification du Code civil introduite incidemment dans un projet de loi qui touche à un autre ordre d'idées et que si le gouvernement insistait pour faire disparaître l'amendement, je ne m'obstinais pas à le maintenir.
M. Guillery. - Messieurs, je n'insiste pas, du moment que le gouvernement y voit du danger.
Mon observation ne portera que sur le deuxième paragraphe. Je désire savoir si le gouvernement rejette l'expression « du vivant des époux » que nous avons ajoutée, parce que ce paragraphe doit s'appliquer, dans sa pensée, à toute dissolution de communauté, même par suite de décès, c'est-à-dire que les héritiers de l'époux décédé ont les mêmes droits.
S'il en était ainsi, ce second paragraphe serait inutile.
Car lorsqu'on pourra établir que les deniers communs ont servi à constituer la rente, on rentrera dans le droit commun. Il suffirait de maintenir le premier paragraphe.
Dans le cas contraire, on maintient les expressions « du vivant des époux », il y aurait une dérogation. Il en résulterait qu'en cas de prédécès de l'un des époux, les héritiers n'auraient pas le droit de faire valoir les prétentions qu'on fait valoir dans toute espèce de cas autres que ceux prévus par la loi.
M. le président. - Faites-vous une proposition, M. Guillery ?
M. Guillery. - Je demande une explication.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - J'ai expliqué tout à l'heure la nécessité du premier paragraphe de l'article 44.
On est d'accord que toute rente est personnelle à celui au nom duquel elle est inscrite. Il le faut bien.
Maintenant, le second paragraphe a pour objet de statuer sur cette hypothèse : Qu'arrivera-t-il dans le cas où il viendrait à être jugé que la rente, déclarée personnelle au nom de celui qui est inscrit, a été constituée par des deniers communs ?
Fera-t-on annuler la moitié de la rente ? Ou bien quel sera le droit, soit de l'époux, soit des héritiers ?
Il a fallu statuer sur ce cas. Mais s'il est jugé par la disposition qui fait l'objet du paragraphe en discussion, ce n'est pas pour régler les droits des particuliers entre eux, mais uniquement pour régler la situation de la caisse envers les tiers. Si le juge compétent décide que la rente a été constituée avec des deniers communs, la caisse devra non pas la restitution de la moitié des fonds versés, mais elle devra la moitié de la rente à chacun des conjoints ; voilà ce que l'article déclare.
Maintenant, l'honorable M. Guillery dit : Mais, pourquoi n'admettez-vous pas ces mots : « du vivant des époux » ? Eh bien, précisément parce que je conserve le même ordre d'idées qui me fait combattre l'amendement de la section centrale, c'est-à-dire, le maintien du droit commun.
Il est jugé que cela a été prélevé sur la communauté, à l'aide des deniers communs de la communauté. Eh bien, de même qu'on décide que l'époux (page 1610) survivant, qui a droit à cette espèce de récompense, l'obtiendra, de même si ce sont les héritiers qui y ont droit, ils jouiront de la moitié de la rente aussi longtemps qu'elle subsistera.
- La discussion est close.
M. le président. - Je mets aux voix le texte du gouvernement, car les amendements ont été retirés.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je crois que nous sommes d'accord maintenant.
M. Guillery. - Oui, nous sommes d'accord.
- L'article 44 du projet du gouvernement est mis aux voix et adopté.
« Art. 45. La femme mariée doit déposer l'autorisation de son mari pour faire, en son nom personnel, l'acquisition de rentes différées.
« En cas de refus du mari, le juge de paix, les parties entendues ou appelées, peut autoriser la femme ; il le peut également en cas d'absence ou d'éloignement du mari, et généralement lorsque ce dernier, par un motif quelconque, est empêché de manifester légalement sa volonté.
« Cette décision peut être frappée d'appel devant la chambre du conseil, lorsque la valeur de l'objet contesté excède les limites de la compétence du juge de paix.
« L'autorisation est valable jusqu'à révocation notifiée au receveur chez lequel elle est déposée. »
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il y a lieu de retrancher, dans le premier paragraphe, les mots : « en son nom personnel, et différées ».
L'article 45, tel qu'il est proposé, est la reproduction de l'article 4 de la loi de 1850 ; mais à cette époque on ne pouvait pas acquérir de rentes immédiates. C'est donc par erreur qu'on a maintenu ici le mot « différées ». Maintenant, la femme peut acquérir soit des rentes immédiates, soit des rentes différées, avec l'autorisation de son mari ; dès lors les mots : « en son nom personnel » sont inutiles.
M. Debaets. - Je désire présenter une simple observation à M. le ministre des finances ou à M. le rapporteur de la section centrale. Je voudrais savoir s'il ne serait pas préférable de dire que la décision peut être frappée d'appel devant le président du tribunal au lieu d'exiger que ce soit devant la chambre du conseil. Ce serait plus expéditif et moins onéreux.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - On a adopté ici ce qui se pratique, je pense, dans des cas analogues. C'est ordinairement par la chambre du conseil qu'il est statué sur ce genre d'affaires.
M. Debaets. - Je le sais, mais comme il s'agit surtout ici de l'intérêt des pauvres, il est désirable de simplifier autant que possible les formalités de la procédure.
Evidemment, les affaires de ce genre pourraient être rangées dans la catégorie des affaires urgentes, et il me semble que la seule intervention du président du tribunal est tout à fait suffisante en ces sortes de matières. Du reste, le but du gouvernement serait également atteint.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - En effet, le but sera atteint de l'une ou de l'autre façon. Seulement, il y aurait cette anomalie dans le système de l'honorable membre, qu'on porterait l'appel d'une décision d'un juge de paix devant le président du tribunal. Un juge ne peut pas réformer la décision d'un juge ; cela n'est pas rationnel ; c'est la chambre du conseil, c'est-à-dire un tribunal, qui statue sur la décision première du juge.
M. Debaets. - Je n'insiste pas ; je n'avais d'autre but que de simplifier les formalités et de réduire les frais.
M. Guillery. - Je crois, comme M. le ministre des finances, qu'il faut maintenir la chambre du conseil. Mais l'honorable M. Debaets a fait une observation assez importante, c'est qu'il serait désirable que cette procédure pût avoir lieu sans frais.
M. De Fré. - Il y a le pro Deo.
M. Guillery. - Ne pourrait-on pas introduire dans l'article un mot qui fit droit à cette observation ?
M. Coomans. - S'il ne s'agissait que de pauvres, j'abonderais assez dans le sens de l'honorable M. Guillery ; mais je pense que l'intention de l'honorable membre est de rendre la disposition générale, c'est-à-dire de l'appliquer à tous les déposants, même à ceux qui auront déposé 10, 15, 20, 25, 50 mille francs peut-être à la caisse d'épargne.
Dans ce cas, l'exception proposée deviendrait presque un privilège, eu égard à la situation faite aujourd'hui à des citoyens qui ont à faire intervenir la justice dans de très petites affaires.
Je fais remarquer, d'ailleurs, que lorsqu'il s'agira du pauvre, du pauvre réel, il y aura la ressource du pro Deo.
Cependant, comme il y a quelque chose de fondé dans les observations qui ont été faites et comme M. le ministre des finances tient à la rédaction qu'il a proposée (et j'avoue que la raison qu'il en donne est assez sérieuse), je voudrais qu'on fixât un maximum, c'est-à-dire, qu'on décidât que les formalités seront accomplies sans frais pour toutes sommes ne dépassant pas un chiffre de... (à déterminer).
On satisferait ainsi tout à la fois aux observations de l'honorable M. Guillery et à celles de M. le ministre des finances.
M. Debaets. - On me fait une objection qui, à mon avis, n'est pas suffisamment fondée. On me dit : Vous avez la ressource du pro Deo ; mais quiconque s'est occupé de procédure doit savoir que le pro Deo ne s'accorde pas aux personnes qui payent patente.
Un petit bourgeois qui paye une petite patente de 5 ou 10 francs, ne peut pas obtenir le pro Deo.
Du moment qu'on est soumis à une contribution quelconque, on n'obtient pas le pro Deo.
Je suppose qu'une femme mariée veuille faire un dépôt à la caisse, si vous maintenez la procédure du projet de loi, voici ce qui va arriver : elle adresse une requête au juge de paix, elle doit payer le timbre et l'enregistrement.
Le juge de paix décide, sa décision doit être enregistrée ; il refuse, il faut payer l'expédition, le timbre et l'enregistrement ; vous devez présenter requête à l'avoué, vacation de l'avoué autant ; l'avoué présente une requête à la chambre du conseil, on paye ; la chambre statue, le jugement doit être levé, expédié, enregistré, signifié. Je vous demande si c'est une marche qu'on pourrait conseiller aux personnes qui veulent faire des épargnes. C'est une très mauvaise manière de faire des épargnes que de s'adresser aux hommes de loi.
Dans l'intérêt des personnes qui veulent épargner, il faut éviter de passer par cette filière.
D'abord, le juge de paix est compétent. Dans presque tous les cas, c'est son avis qui prévaudra. Si, par hasard, on ne s'en rapportait pas à sa décision, le président, d'après les renseignements qu'il aura pu lui donner, sera suffisamment instruit pour décider. Ainsi toute cette procédure que vous voulez établir est inutile.
M. Van Humbeeck.—Je désire appeler l'attention de la Chambre sur un mot qui me parait mal choisi. L'article porte : « ... il le peut également en cas d »absence ou d'éloignement du mari et généralement lorsque ce dernier, par un motif quelconque, est empêché de manifester légalement sa volonté. »
Je comprends bien pourquoi on a introduit le met « éloignement », c'est pour éviter le sens trop étroit du mot juridique « absence », absence déclarée dans le sens du Code civil.
C'est pour compléter la signification qu'on entendait donner à ce mot qu'on a ajouté le mot « éloignement », mais ce terme à son tour n'est-il pas trop large ?
Le mari qui aurait momentanément quitté son domicile ne pourrait-il pas être privé de sa puissance maritale ?
Le mot me paraît inutile ; la fin du paragraphe « et généralement lorsque ce dernier par un motif quelconque est empêché de manifester légalement sa volonté » me paraît comprendre le mot « éloignement » dans le sens qui l'a fait introduire dans l'article. C'est du reste une simple observation que je fais.
M. H. Dumortier, rapporteur. - C'est pour parer aux inconvénients signalés par l'honorable préopinant qu'on a joint le mot « éloignement » au mot « absence », afin de faire entendre qu'il ne s'agit pas seulement d'une absence accidentelle, momentanée, mais d'une absence plus ou moins prolongée, sans cependant atteindre le mot « absence » dans le sens juridique du Code civil.
Si on s'était servi simplement du mot « absence », on aurait pu croire qu'on entendait parler de l'absence dans le sens juridique ; de même, si on ne s'était servi que du mot « éloignement », il aurait pu être entendu dans le sens d'une absence momentanée ; mais ces deux mots juxtaposés s'expliquent l'un par l'autre.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'article 4 de la loi de 1850, sur la caisse de retraite, se sert également du mot « éloignement » du mari. Le motif me paraît être celui-ci : si on disait seulement « en cas d'absence », il s'agirait seulement de l'absence déclarée suivant la forme déterminée par le Code civil, tandis qu'on a voulu quelque chose de plus. On a voulu prévoir, non seulement l'éloignement de droit, qualifié absence, mais l'éloignement de fait.
Ce n'est pas l'absence dans le sens légal du mot, mais dans le sens ordinaire ; le mot est indispensable ; du reste, il y a l'intervention du juge de paix.
Quant à l'observation faite par M. Debaets, relativement aux frais, l'article 18 y a pourvu et porte : « Tous les actes, toutes les pièces nécessaires (page 1611) à l'exécution des dispositions de la présente loi, sont délivrés gratis et exempts des droits de timbre, d'enregistrement et de greffe.
M. Debaets. - Et l'intervention des officiers ministériels ?
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il faut s'en tenir à l'article 18, qui pourvoit à ce qui est nécessaire, indispensable.
- La discussion est close.
L'article 45, tel qu'il a été amendé par M. le ministre des finances, est mis aux voix et adopté.
« Art. 46. Les rentes afférentes à chaque versement s'acquièrent, d'après des tarifs à régler par arrêté royal.
« L'arrêté royal indiquera le taux de l'intérêt et la table de mortalité d'après lesquels les tarifs auront été calculés. »
- Adopté.
« Art. 47. Le minimum de chaque rente est fixé à douze francs ; le maximum des rentes accumulées ne peut dépasser sept cent vingt francs.
« Ceux qui seraient parvenus à faire inscrire des rentes au-delà du maximum, ne toucheront pas l'excédant et n'auront droit qu'au remboursement, sans intérêts, des capitaux irrégulièrement versés.
« Ils seront déchus de ce droit s'ils ont déjà touché un ou plusieurs termes de l'excédant de la rente. »
- Adopté.
« Art. 48. L'entrée en jouissance de la rente différée ne pourra être fixée qu'à partir de chaque année d'âge accomplie, depuis cinquante jusqu'à soixante-cinq ans. »
- Adopté.
« Art. 49. Le même assuré peut acquérir des rentes pour des âges différents ; mais toute acquisition détermine irrévocablement l'entrée en jouissance. »
- Adopté.
« Art. 50. Par dérogation à l'article précédent, toute personne assurée dont l'existence dépend de son travail, et qui, avant l'âge fixé par l'assurance, se trouve incapable de pourvoir à sa subsistance, peut être admise à jouir immédiatement des rentes qu'elle a acquises, mais réduites en proportion de son âge réel au moment de l'entrée en jouissance.
« Lorsque l'incapacité de travail provient, soit de la perte d'un membre ou d'un organe, soit d'une infirmité permanente résultant d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de sa profession, l'assuré jouit immédiatement des rentes qu'il a acquises depuis cinq ans au moins, sans que ces rentes puissent dépasser 360 francs. »
- Adopté.
« Art. 51. En cas de décès de l'assuré avant ou après l'ouverture de sa pension, le capital par lui déposé est remboursé, sans intérêts, à ses héritiers ou légataires, s'il en a fait la demande au moment du dépôt, conformément au paragraphe 2 de l'article 43.
« Si la rente a été constituée par un donateur, celui-ci peut également stipuler, au moment du versement, le retour du capital au décès de l'assuré, soit à son profit ou à celui de ses héritiers, soit au profit des héritiers ou ayants droit de l'assuré. »
- Adopté.
« Art. 52. L'ayant droit qui a réservé le remboursement du capital, en cas de décès, peut, à l'époque fixée pour entrer en jouissance de la rente, affecter ce capital, en tout ou en partie, en augmentation de la rente acquise, sans qu'elle puisse, en aucun cas, être supérieure à 720 francs. »
- Adopté.
« Art. 53. Les versements sont irrévocablement acquis à la caisse, à l'exception :
« 1° De ceux qui sont effectués irrégulièrement, par suite de fausse déclaration sur les noms et qualités civiles ou sur l'âge de la personne assurée ;
« 2° De ceux qui sont insuffisants pour produire une rente de douze francs ;
« 3° De ceux qui dépassent la quotité nécessaire pour l'acquisition du maximum de rente fixé par l'aride 47 ;
« 4° De ceux que la femme mariée a effectués sans autorisation.
« Les versements mentionnés aux n°1 et 4 sont restitués à qui de droit, sans intérêts, sauf l'exception établie par le dernier alinéa de l'article 47.
« Les versements compris sous les n_2 et 3 sont déposés d'office à la caisse d'épargne, et peuvent être réclamés par les ayants droits avec les intérêts produits. »
- Adopté.
« Art. 54. La caisse ne contracte aucune obligation envers les familles des assurés. Toutefois, en cas d'indigence, elle pourvoit aux funérailles des assurés décides postérieurement à l'entrée en jouissance de leur rente. »
-- Adopté.
« Art. 55. Les rentes sont incessibles et insaisissables. Néanmoins, dans les cas prévus par les articles 203, 205 et 214 du Code civil, si les rentes accumulées dépassent 360 francs, elles peuvent être saisies jusqu'à concurrence d'un tiers, sans que la partie réservée puisse jamais être inférieure à cette somme. »
- Adopté.
« Art. 56. Les rentes ne sont payées qu'à ceux au profit desquels elles sont inscrites. »
La section centrale propose de rédiger ainsi cet article :
« Art. 56. Ceux au profit desquels les rentes sont inscrites ou leurs représentants ont seuls le droit de les réclamer. »
M. le président. - M. le ministre des finances se rallie-t-il à la rédaction de la section centrale ?
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je voudrais savoir quel est l'objet de cet amendement.
M. H. Dumortier, rapporteur. - L'article 56 porte : « Les rentes ne sont payées qu'à ceux au profit desquels elles sont inscrites. »
S'il fallait prendre cette disposition à la lettre, c'est-à-dire s'il fallait que ce fût toujours la personne elle-même au profit de laquelle la rente est inscrite, qui allât toucher, il pourrait en résulter des inconvénients, et nous avons cru que par esprit d'équité et pour prévoir un cas de force majeure, il y avait lieu de modifier l'article. Il pourra, en effet, se présenter bien des cas où celui qui jouit de la rente sera dans l'impossibilité de se rendre lui-même au bureau de la caisse pour toucher cette rente.
Nous avons donc proposé, sur la motion d'un membre, de dire que ceux au profit desquels les rentes sont inscrites ou leurs représentants, c'est-à-dire, les personnes munies d'une procuration en due forme auraient seuls le droit de réclamer le remboursement.
Ainsi, par exemple, la femme ne pourra pas aller toucher la rente du mari et le mari la rente de la femme, sans y être dûment autorisé.
M. Coomans. - Je ne sais pas si l'amendement de la section centrale est bien nécessaire.
L'article 56 dit : « Les rentes ne sont payées qu'à ceux au profit desquels elles sont inscrites. »
Il va de soi que les représentants, les mandataires sont compris dans cet article. C'est de droit commun. On me paye, à moi, quand on paye à mon mandataire ou à mon représentant. S'il n'en était pas ainsi, l'amendement de la section centrale serait utile. Mais s'il était bien entendu que tel est le sens à donner au texte primitif, on pourrait le maintenir.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il est de principe que ce qu'on peut faire soi-même, on peut le faire par un mandataire qui est un second soi-même. Par conséquent, quand nous disons à l'article 56 : « Les rentes ne sont payées qu'à ceux au profit desquels elles sont inscrites », cela signifie à eux ou à leurs représentants légaux, à leurs mandataires.
Il est donc inutile de remplacer ces termes par d'autres, qui présenteraient une équivoque. Leurs représentants peut signifier autre chose que les mandataires.
M. H. Dumortier, rapporteur. - Du moment que le texte est expliqué, comme viennent de le faire M. le ministre des finances et l'honorable M. Coomans, je crois que l'amendement peut être retiré.
Ce n'est que par surcroît de précaution que nous l'avions proposé, et pour prévenir le cas, qui pourrait se présenter fréquemment, où une femme, par exemple, irait, à l'insu de son mari, toucher la rente.
- L'article rédigé comme le propose le gouvernement est adopté.
« Art. 57. Les rentes sont payées soit mensuellement par douzième, soit trimestriellement par quart, par l'entremise des caisses d'épargne ou des receveurs des contributions directes dans le ressort desquels les rentiers résident ; elles ne sont payées qu'aux rentiers résidant dans le royaume.
« Toutefois, des exceptions peuvent être faites en faveur de Belges qui, depuis l'acquisition de leurs rentes, se sont établis à l'étranger. »
- Adopté.
« Art. 58. Il est remis à chaque assuré un livret dans lequel sont inscrits les versements qu'il fait, les rentes qu'il acquiert et les arrérages qu'il reçoit. »
- Adopté,
« Art. 59. Des arrêtés royaux déterminent la forme et la teneur des (page 1612) livrets, ainsi que le mode de constater l'âge, la résidence et l'existence des assurés, et les cas prévus par l'article 50. »
- Adopté.
« Art. 60. Le conseil d'administration statue, conformément nu dernier alinéa de l'article 10, sur les difficultés auxquelles peut donner lieu l'application des articles 50, 54 et 57, sauf appel au conseil général dans la quinzaine de la notification de la décision par voie administrative. »
M. Coomans. - Dans un article précédent, on a substitué aux mots : « par voie administrative », ceux-ci : « par lettre chargée ». Je demande s'il ne serait pas convenable de faire ici la même modification.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Ce serait préférable.
- L'article modifié comme le propose M. Coomans est adopté.
« Art. 61. En cas de succession en déshérence, les capitaux remboursables aux termes des articles 51 et 53 échoient à la caisse, qui peut également les acquérir par prescription, si le remboursement n'en a pas été réclamé dans les quinze ans après le décès de l'assuré. »
- Adopté.
« Art. 62. Toutes les recettes sont versées à la Banque Nationale, au nom de la caisse d'épargne et de retraite. »
- Adopté.
« Art. 63. Toutes les recettes disponibles sont appliquées en achat d'inscriptions sur le grand-livre de la dette publique, au nom de la caisse. »
- Adopté.
« Art. 64. Les dispositions organiques de la caisse de retraite, contenues dans la loi du 8 mai 1850, sont remplacées par le chapitre III de la présente loi. »
- Adopté.
« Art. 65. Les titulaires des capitaux versés sous le régime de la loi du 8 mai 1850 ont la faculté de fixer l'entrée en jouissance de leur pension à l'époque qu'ils indiqueront, sous la condition de faire le versement supplémentaire nécessaire dans un an, à dater de la mise à exécution de cet article de la loi, et, en tous cas, avant l'entrée en jouissance de la pension. »
- Adopté.
« Art. 66. Des arrêtés royaux fixent les dates auxquelles les dispositions du chapitre III sont successivement appliquées. Celles de la loi du 8 mai 1850 restent en vigueur jusqu'à ce qu'elles aient été respectivement remplacées par la mise à exécution des dispositions nouvelles. »
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, je propose de remplacer les mots : « Des arrêtés royaux fixent les dates auxquelles les dispositions du chapitre III sont successivement appliquées, » par ceux-ci : « Des arrêtés royaux fixent les dates auxquelles les dispositions de la loi sont successivement appliquées. »
Cela dispensera de faire une disposition spéciale pour les publications mensuelles qui ont été ordonnées d'après un amendement de M. Hymans.
- L'article ainsi modifié est adopté.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, pour éviter la présentation d'un projet de loi de crédit spécial, s'il arrivait qu'on pût faire quelque chose avant le 1er janvier prochain, époque où je demanderai un crédit au budget, je propose un article 67 (nouveau), qui serait ainsi conçu :
« Le gouvernement est autorisé à faire l'avance des sommes nécessaires pour couvrir les frais de premier établissement de la caisse d'épargne.
« Un crédit spécial de 50,000 fr. est alloué à cet effet au ministère des finances. »
- Cet article est adopté.
M. le président. - M. le ministre des finances, n'aviez-vous pas proposé un amendement d'après lequel l'article 26 aurait été révisé au bout de 5 ans ?
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est une disposition que j'avais indiquée comme moyen de conciliation ; mais je ne l'ai pas proposée.
M. le président. - A quel jour la Chambre veut-elle fixer le vote définitif ?
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je proposerai mercredi, M. le président. Je dois me concerter avec la section centrale pour examiner les observations qui ont été échangées dans le cours de cette séance, relativement à la répartition éventuelle des bénéfices.
- Le vote définitif est fixé à mercredi.
M. Van Volxem dépose le rapport sur le projet de loi relatif à l'échange de terrains entre le gouvernement et divers particuliers.
- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et le met à la suite de l'ordre du jour.
M. Hymans (pour une motion d’ordre). - Je voudrais demander à M. le ministre de l'intérieur quelles sont ses intentions relativement au projet de loi sur la propriété artistique et littéraire qui est à l'ordre du jour immédiatement après les warrants. Comme il y a trois ans que ce projet a été examiné dans les sections et deux ans qu'il a été discuté en section centrale, on aura besoin de se rafraîchir un peu la mémoire et il importe qu'on soit prévenu au moins une trentaine de jours avant la discussion.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Messieurs, je crois qu'il serait excessivement difficile de discuter une loi aussi importante à la fin de la session.
C'est une discussion qui peut durer plusieurs semaines, et si l'honorable rapporteur a besoin de quelque temps pour s'y préparer, moi qui n'ai pas fait partie de la section centrale, il me faudrait plus de temps encore.
M. de Boe. - Je suppose qu'on maintient à l'ordre du jour les autres projets. Ainsi nous aurons mardi les warrants. Je ne sais pas si M. le ministre des finances ne verra pas d'inconvénient à ce qu'on discute immédiatement l'une après l'autre deux grandes lois qui le concernent. S'il n'y voit pas d'inconvénient, je demanderai que le projet sur les warrants soit maintenu à l'ordre du jour de mardi.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je suis prêt.
M. Hymans. - Messieurs, je ne m'oppose pas à ce qu'on ajourne le projet de loi sur la propriété littéraire. Je suis assez d'accord avec M. le ministre de l'intérieur.
Mais je crois qu'on pourrait mettre à l'ordre du jour de mardi le projet de loi de loi ouvrant un crédit pour l'armement de la garde civique ; de cette manière il y aurait un intervalle entre deux projets de lois qui concernent le département des finances.
- Plusieurs membres. - Demain.
M. Hymans. - On a décidé qu'on ferait les prompts rapports immédiatement après la caisse d'épargne.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - En effet, messieurs, nous avons demain les prompts rapports ; je pense que c'est entendu. Mais après les prompts rapports, si la Chambre le juge convenable, on pourrait discuter le projet de loi relatif à l'armement de la garde civique.
M. Allard. - Après les prompts rapports, nous avons des projets de lois et des feuilletons de naturalisation qui sont à l'ordre du jour depuis plusieurs mois.
M. le président. - Le premier objet à l'ordre du jour de demain ce sont les prompts rapports. Viendront après cela les naturalisations.
Puis nous aurons mardi les warrants et mercredi le vote définitif de la loi sur la caisse d'épargne.
M. de Boe. - M. Hymans a proposé de mettre à mardi l'armement de la garde civique, et il y a, en effet, un motif de convenance pour adopter cette proposition. Les warrants viendraient alors immédiatement après le vote définitif du projet de loi sur la caisse d'épargne, c'est-à-dire mercredi ou jeudi. (Adhésion.)
- La séance est levée à 4 heures et trois quarts.