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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 14 juin 1862

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1861-1862)

(page 1557) (Présidence de M. Vervoort.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Thienpont, secrétaire., procède à l'appel nominal à I heure et un quart.

M. le président. - Messieurs, chaque jour, depuis quelque temps, l'appel nominal, qui précède l'ouverture de nos séances, subit des lenteurs et des tiraillements qu'il importe de faire cesser.

A partir de mardi, s'il faut recourir au réappel, j'en proclamerai le résultat immédiatement après son issue lorsque la Chambre ne se trouvera pas en nombre.

M. de Boe, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Thienpont, secrétaire., présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Des habitants de Ransart demandent la construction du chemin de fer Grand-Central franco-belge, projeté par le sieur Delstanche. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les membres du conseil communal de Longvilly demandent que le projet de loi concernant des travaux d'utilité publique comprenne la concession, sur le territoire belge, du chemin de fer projeté de Sedan vers Coblence par Herbeumont, Neufchâteau et Bastogne. »

« Même demande des membres du conseil communal de Juseret. »

- Même renvoi.


« Même demande des membres des conseils communaux de Cortessem, Wintershoven, Bommershoven. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Montenacken demandent la construction du chemin de fer de Namur à Landen. »

- Même renvoi.


« M. Van de Woestyne, retenu chez lui par le décès d'un parent, demande un congé de quelques jours. »

- Accordé.


« M. Royer de Behr, obligé de s'absenter par suite de quelques affaires urgentes, demande un congé d'un jour »

- Accordé.


« M. Crombez, obligé de s'absenter pour des affaires de famille, demande un congé de quelques jours. »

- Accordé.

Projet de loi instituant une caisse d’épargne et de retraite

Discussion générale

M. B. Dumortier. - Messieurs, le projet de loi en discussion soulève deux questions bien distinctes, qu'il importe de ne pas confondre. Faut-il favoriser l'épargne chez le pauvre, chez l'ouvrier ? Faut-il que le gouvernement se mette à la tête de l'institution, et se rende responsable de la gestion de la caisse.

Voilà deux questions complètement distinctes.

Faut-il faciliter l'épargne ? Je crois que sous ce rapport il y a unanimité d'opinion ; personne dans cette enceinte ne songe, un seul instant, à contester la nécessité d'arriver à ce but, et d'employer les moyens les plus favorables pour amener ce résultat si désiré.

Messieurs, l'épargne, on l'a dit et répété dans ce débat, est, dans l'ordre civil, le meilleur moyen de moralisation de l'ouvrier ; c'est le stimulant le plus efficace pour le faire sortir de la situation infime dans laquelle il se trouve, et pour le faire monter dans une classe plus élevée de la société. Dès lors, tout homme qui aime son pays, qui aime le peuple, doit désirer de voir faciliter l'épargne de l'ouvrier.

Messieurs, veuillez remarquer que cette question n'est pas neuve parmi nous. On vous l'a déjà dit : dès 1836, la loi communale faisait un devoir aux villes manufacturières d'établir chez elles des caisses d'épargne. C'est moi qui ai eu l'honneur de proposer cette disposition ; personne ne contestera donc mes sentiments, au point de vue de la nécessité de créer une caisse d'épargne et de l'organiser d'une manière convenable.

Mais faut-il que le gouvernement se charge lui-même de cette organisation ? Faut-il que le gouvernement se rende responsable et des fonds versés et de l'opération financière des gérants ? Faut-il qu'il engage sa garantie pour toutes les caisses d'épargne du pays ?

Faut-il créer un système qui, à propos d'épargne, introduirait dans le pays toute autre chose que l'épargne, j'entends une organisation qui, à mon avis, est absolument analogue à celle du crédit mobilier ?

Quand je me pose ces questions, il m'est impossible de tomber d'accord avec le gouvernement quant au moyen.

Oui, je veux l'épargne, mais je veux qu'elle soit organisée comme en Prusse, je veux que cette organisation se fasse par les communes elles-mêmes, ainsi que le prescrit la loi communale.

Je prendrai pour exemple ce qui s'est passé dans les villes de Tournai et de Mons.

A Tournai, une caisse d'épargne est fondée depuis environ trente ans.

Cette caisse possède aujourd'hui un capital d'au-delà de 2 millions en dépôts, et cette somme est déposée par environ 3,000 déposants, c'est-à-dire que la moyenne des dépôts à Tournai est de 700 fr. environ par déposant.

Voilà ce que j'appelle l'épargne dans sa plus grande perfection. Car quand je vois que la moyenne est de 700 fr. par déposant, je dis que l'institution s'applique à l'ouvrier ; et quand, au moyen de dépôts si minimes, on arrive à former un capital d'au-delà de 2 millions, je dis qu'il y a là un service réel, un service considérable rendu à la société, parce qu'ici ce ne sont pas des riches qui déposent, mais l'ouvrier, le pauvre, le domestique, la femme de chambre, eu un mot les gens pour qui les caisses d'épargne sont organisées.

D'un autre côté, si j'examine encore la marche de ces institutions à Tournai, à Mons, à Nivelles, et dans les endroits où elles ont été organisées, j'arrive à cette seconde considération que là on n'a jamais eu besoin de l'intervention, de la garantie du gouvernement, qu'à aucune époque, quelles qu'aient été les crises, soit financières, soit politiques, que nous avons traversées, jamais l'ouvrier n'est venu demander le remboursement de ses épargnes et que, par conséquent, on n'a pas eu besoin, pour cette œuvre si utile, de la garantie du pouvoir, de l'action du gouvernement.

D'un autre côté, ces caisses ont procédé doucement, sans employer les moyens d'agiotage que nous voyons introduire dans la loi nouvelle. Elles ont beaucoup servi et n'ont rien compromis.

J'aurais voulu, messieurs, que le gouvernement insistât vivement près des villes, près des cantons, près des provinces pour organiser l'épargne d'une manière absolument analogue. C'est-là, remarquez-le bien, c'est, comme le disait M. le ministre des finances dans une séance récente, ce qui a lieu en Prusse.

En Prusse, il y a 463 caisses d'épargne. 353 sont des caisses urbaines. 109 sont des caisses cantonales. Une seule est provinciale. On y a donc complètement atteint le but que nous nous étions proposé dans la loi communale et partout on a obtenu des résultats magnifiques.

Pourquoi les communes belges n'ont-elles pas suivi l'exemple des villes du Hainaut, Tournai, Mons et d'autres localités ?

Le motif en est très simple, c'est que la Société Générale est venue établir des caisses d'épargne dans un grand nombre de villes, et comme il était pourvu par ce moyen à l'épargne de l'ouvrier, elles ont cru qu'il n'était pas nécessaire d'y pourvoir par l'exécution régulière de la loi communale. Pour mon compte, j'en éprouve du regret.

Le mode d'organisation par la Société générale a été très avantageux pour la Belgique, parce qu'il existe en Belgique 27 caisses fondées par la Société Générale. Cette organisation a été très favorable et il ne faut point perdre de vue le bien qu'elle a produit ; cela ne peut être contesté.

Maintenant le projet de loi entre dans un système complètement différent.

C'est, permettez-moi de le dire, c'est le système de la loi communale renversé, c'est l'abrogation de la disposition salutaire qu'on vante, la suppression de la disposition de la loi communale et son remplacement par le système de centralisation, par un système qui peut compromettre l'Etat dans des circonstances graves qui pourraient se présenter.

Messieurs, je lis le projet de loi et j'y vois à l'article premier cette disposition : « Il est institué une caisse d'épargne sous la garantie du gouvernement. » Sous la garantie du gouvernement, voilà ce que je critique tout d'abord.

Je trouve, pour mon compte, que les autres caisses d'épargne (page 1558) fonctionnent aujourd'hui parfaitement en Belgique, et que l'épargne est suffisamment encouragée et protégée par ces institutions.

Je trouve que la garantie donnée dans des termes aussi larges, aussi vagues, peut devenir un jour extrêmement dangereuse pour l'Etat.

En effet, je le démontrerai tout à l'heure, la garantie est double, dans le système de la loi. La garantie n'est pas seulement relative aux déposants, elle est encore relative aux opérations mêmes de la caisse.

L'Etat ne se borne pas à garantir le dépôt, l'Etat se constitue l'agent responsable des mauvaises comme des bonnes opérations que la caisse peut faire, des détournements et des vols qui peuvent se commettre.

Eh bien, c'est là un système des plus dangereux, un système qui me paraît contraire à tous les principes d'un bon gouvernement, un système qui n'existe dans aucun pays constitutionnel. (Interruption.) Dans aucun pays, le gouvernement n'est responsable des faits et gestes des caisses d'épargne.

Il existe des pays dans lesquels le gouvernement est responsable des dépôts faits entre ses mains ; mais nulle part, dans aucun pays du monde, le gouvernement ne se rend responsable des actes de la gestion de ceux qui administrent la caisse d'épargne.

Or, pour moi, c'est là un fait excessivement grave et je ne conçois pas qu'on nous propose un système qui peut mettre un jour le parlement et le pays tout entier dans l'obligation de voter des dépenses auxquelles il serait resté étranger, et qui seraient la conséquence d'une mauvaise gestion ou de la malversation des personnes chargées d'administrer l'institution.

Messieurs, la garantie de l'Etat, nous dit-on, est une chose nécessaire, indispensable même. Je conteste ce fait et je dis que l'Etat ne s’est jamais porté garant et n'a jamais dû garantir les caisses d'épargne des villes, celles de Tournai, de Mons, de Nivelles et autres. Aucune de ces caisses n'a jamais eu besoin du concours pécuniaire de l'Etat.

Et pourquoi, messieurs ? Quand une panique éclate, cette panique s’étendant, tout le monde s'empresse de redemander ses fonds quand ils ont été déposés dans une vaste caisse d'épargne. Mais quand ces fonds ont été confiés à une caisse locale, l'inquiétude publique ne se propage point, chacun a confiance dans le sort de la ville qui possède cette caisse ; et l'expérience démontre, en effet, que, dans ces moments de crise, le public n'a point songé à réclamer les fonds déposés dans des caisses locales. C'est là une question de confiance.

La confiance dans un gouvernement est éminemment variable ; vous en avez la preuve dans la fluctuation des fonds publics ; tandis que la confiance dans une ville est une chose constante et qui n'est jamais altérée par les vicissitudes qui frappent les valeurs de l'Etat.

C'est ce qu'on a compris lorsque, dans la loi communale, on a recommandé la création de caisses locales ; c'est pourquoi je pense qu'on aurait dû se maintenir dans les termes de la loi communale, c'est-à-dire encourager, faciliter, aider par tous les moyens les villes à suivre l'exemple qui leur a été donné par plusieurs localités.

C'est ainsi que vous seriez arrivé au résultat que vous voulez atteindre, sans compromettre, dans un avenir plus ou moins éloigné, les finances de l'Etat, la situation financière du pays.

Permettez-moi, messieurs, de vous présenter une observation qui me paraît essentielle. C'est que la situation de l'épargne chez l'ouvrier a subi une véritable révolution depuis dix ans et que des mesures, qui étaient indispensables il y a dix ans, ont perdu depuis lors une grande partie de l'urgence qui les faisait réclamer autrefois. Ainsi, autrefois, les fonds publics, vous le savez, étaient émis par fortes coupures de 1,000, 2,000 et jusqu'à 10,000 francs ; on ne rencontrait que bien rarement des coupures de 500 francs. Qu'arrivait-il ? C'est que jamais l'ouvrier ne pouvait parvenir à réunir une somme aussi forte au moyen de ses faibles économies.

Pour atteindre cette somme de 500 francs, minimum des coupures de l'épargne, il lui aurait fallu travailler longtemps, et l'épargne aurait été faite quand il aurait acquis ce capital.

Les choses sont singulièrement changées ; on a multiplié les coupures. Au lieu de coupures de 500 francs, on en a fait de 100, de 50, même de 20 francs.

On a fait dans les villes des emprunts auxquels on a donné le nom qui s'explique assez d'emprunts de cuisinières.

Qu'est-ce que cela signifie ? C'est que ces emprunts étaient à la portée des petits capitaux.

Le résultat en a été qu'une foule de petites fortunes se sont chargées de faire par elles-mêmes leur épargne. Le moyen qu'elles n'avaient pas, elles le possèdent ; dès lors les caisses d'épargne ont perdu une grande partie de leur importance, de leur nécessité pour faire produire intérêt aux petits capitaux qu'on a économisés.

Il n'est personne, quelque peu au courant de la situation de l'ouvrier économe, qui ne sache que chez presque tous, chez les domestiques par exemple, que les petites coupures des emprunts sont entre leurs mains, chacun fusant par lui-même son épargne. La réduction des coupures a amené une grande modification dans l'épargne. C'est la France qui a donné l'exemple des petites coupures. Cet exemple a été suivi par les gouvernements, les provinces, les communes et une foule de sociétés.

Maintenant quel sera le résultat de la loi qui vous est présentée ? J'avais l'honneur de le dire, le premier résultat c'est la garantie de l'Etat. Ce résultat, cette garantie qui n'effraye pas le ministre des finances, je la trouve réellement effrayante.

La caisse d'épargne, telle qu'elle est organisée sans limiter l'importance des dépôts, peut arriver à réunir des sommes considérables.

Déjà le ministre, dans l'exposé des motifs, la présente comme devant réunir 100 à 120 millions ; elle doit avoir un capital considérable, puisque ce n'est qu'à l'aide d'un très gros capital que l'institution peut fonctionner.

De ce capital l'Etat sera garant ; or qu'une crise arrive comme en 1839, en 1842 ou 1848 ; chacun viendra réclamer ce qu'il a versé, l'Etat devra être responsable ; la caisse aura placé les fonds déposés ; il faudra que la caisse rembourse ; les fonds publics seront en baisse ; l'emprunt acheté au pair sera baissé de 40 à 50 p. c ; il n'y aura pas possibilité de réaliser, à qui demandera-t-on le remboursement ?A l'Etat ; quand le gouvernement devra-t -il faire ces remboursements ? Quand il aura besoin de tous ses efforts pour sauver la patrie des dangers qui la menacent. Agir de la sorte, c'est de la plus grande imprévoyance ; quel que soit mon désir de faciliter l'épargne, je ne veux pas me rendre coupable d'une telle imprévoyance.

Les caisses d'épargne, remarquez-le bien, reposent sur deux principes qui se combattent, et c'est là ce qui a toujours constitué leur danger ; l'un de ces principes, c'est que le déposant peut retirer ses fonds quand il veut ; le deuxième principe, c'est que celui qui reçoit le dépôt doit faire valoir les fonds qu'il a reçus et en payer l'intérêt.

Or, messieurs, pour faire valoir des fonds il faut les placer et lorsque les fonds sont placés que faites-vous s'il survient une baisse considérable et qu'alors le remboursement est demandé ? Mais il se produit alors un déficit énorme et c'est l'Etat qu'on appelle à combler ce déficit.

Voilà, messieurs, l'immense danger des caisses d'épargne ; ce danger est connu de toutes les personnes qui se sont occupées de ces institutions et c'est précisément pour cela que les caisses d'épargne ont été confiées aux communes.

En effet, messieurs, les crises qui attaquent le gouvernement n'atteignent pas les communes. Là point de discrédit, là on ne vient pas réclamer le remboursement des dépôts. L'expérience des villes de Mons, Tournai, Nivelles, etc., prouve que dans les moments de crise on n'accourt pas aux caisses communales pour réclamer les sommes qu'on y a déposées et lorsqu'il arrive que les caisses locales éprouvent quelques embarras, que voyons-nous ? C'est que le gouvernement leur vient en aide non par voie de garantie mais par voie d'avance. Ainsi quand, en 1848, la Banque de Liége s'est trouvée gênée, le gouvernement lui a fait une avance d'un million qui lui a été remboursée.

On me dira que, dans la loi, les remboursements sont échelonnés et que pour les sommes qui excédent 3,000 fr. la caisse aura un délai de 6 mois. Eh bien, messieurs, je ne vois là aucune espèce de garantie. Je sais fort bien que les crises financières ne durent ordinairement pas plus de six mois, mais vous savez, comme moi, que les crises politiques durent souvent des années. Ainsi, messieurs, la crise de 1839, qui a amené la chute de la Banque de Belgique, a duré trois ans. Cette crise était à peine terminée quand arriva celle de 1842, qui a duré aussi plusieurs années. Puis est venue la crise de 1848 qui a duré 4 ans. Quant à la crise amenée par la guerre d'Italie, vous savez que les fonds n'ont pas encore repris leur valeur normale.

Ne confondez donc pas les crises financières qui n'ont qu'une faible durée et les crises politiques qui durent plusieurs années et qui sont précisément celles où la demande de remboursements se fait le plus sentir.

Il y a donc, messieurs, dans l'entreprise que l'on veut faire une gravité excessive et je ne puis pas admettre que le pays doive se livrer à une pareille opération.

Je ne puis pas admettre qu'un pays exposé comme le nôtre, par sa situation, par son voisinage, exposé à des crises politiques fréquentes, doivent se mettre dans la possibilité d’arriver à une dette à laquelle il ne pourrait pas faire face, d'arriver peut-être à la banqueroute. Voilà où pourrait nous conduire une loi téméraire, une loi que nous aurions votée sans en peser les conséquences.

(page 1559) Je sais bien que l’on viendra dire : En pareil cas on aura recours à l’'emprunt forcé ; on donnera cours forcé aux billets de banque. C'est ce que l'on a déjà fait, je le sais, mais cela ne doit pas servir de base aux opérations du gouvernement ; un semblable principe, si on l’étendait, finirait par compromettre le crédit public.

Maintenant, messieurs, je dirai quelques mots du mode de gestion de la caisse.

Je vois dans la caisse un personnel nombreux, considérable, avec un seul directeur.

Je vois dans la caisse ce qui, à mes yeux, constitue un véritable danger de corruption.

Je vois, en second lieu, dans la caisse une série d'opérations qui me semblent complètement calquées sur le crédit mobilier. (Interruption.) Votre caisse n’est rien autre chose qu’une institution de crédit mobilier.

D'abord, messieurs, ce qui constitue un établissement de crédit, ce n'est point le nom qu'on lui donne, c'est la nature des opérations auxquelles il se livre.

Vous aurez beau donner à votre caisse le nom de caisse d'épargne, si elle opère uniquement sur des valeurs mobilières et sur toute espèce de valeurs mobilières, ce n'est rien autre chose qu'une institution de crédit mobilier élevée à sa plus haute puissance.

J'examine le projet de loi :

Article 28. La partie de l’actif destinée à être placée provisoirement est utilisé d’une des manières suivantes :

1° Escompte de traites belges ou étrangères ;

2° Avances sur traites de commerce, bons de monnaies ou d'affinage du pays ou de l'étranger ;

3° Avances sur marchandises, warrants ou connaissements ;

4° Avances sur fond publics belges ou des Etats étrangers, des communes ou des provinces, actions ou obligations de sociétés belges.

Tout cela, messieurs, c'est du crédit mobilier, s'il en fut jamais. C'est le plus pur des crédits mobiliers qu'on puisse établir.

En effet, messieurs, je tiens en mains le décret impérial du 18 novembre 1852, qui organise le crédit mobilier en France, et qu'est-ce que j'y vois ? Dès l'origine du décret, à l'article 5, je lis ce qui suit :

« Art. 5. Les opérations de la société consisteront :

« 1° A souscrire ou acquérir des effets publics, des actions ou des obligations dans les différentes entreprises industrielles ou de crédit, constituées en sociétés anonymes, et notamment dans celles de chemins de fer, de canaux et de mines et d'autres travaux publics déjà fondées ou à fonder ;

« 2° A émettre pour une somme égale à celle employée à ces souscriptions et acquisitions ses propres obligations ;

« 3° A vendre ou donner en nantissement d'emprunts, tous effets, actions et obligations acquis, et à les échanger contre d'autres valeurs ;

« 4° À soumissionner tous emprunts, à les céder et réaliser, ainsi que toutes les entreprises de travaux publics ;

« 5° A prêter sur effets publics, sur dépôt d'actions et d'obligations, et à ouvrir des crédits en compte courant sur dépôts de ces diverses valeurs ;

« 6° A recevoir des sommes en compte courant,

« 7° A opérer tous recouvrements pour le compte des compagnies sus-énoncées, à payer leurs coupons d'intérêt ou de dividende, et généralement toutes autres dispositions ;

« 8° A tenir une caisse de dépôts pour tous les titres de ces entreprises. »

Certes, messieurs, je ne viens pas prétendre que M. le ministre des finances ait copié mot pour mot l'article dont il s'agit ; je ne viens pas dire que toutes les dispositions, qui se trouvent dans cet article, sont textuellement reproduites dans l'article du projet de loi dont je viens de donner lecture ; mais tout homme impartial, qui ne veut pas épiloguer sur les mots reconnaîtra que l'opération est identiquement de crédit mobilier ; il devra avouer que dans l'un comme dans l'autre article, il s'agit de faire agioter une caisse sur des valeurs mobilières, représentées surtout par des actions du gouvernement et des sociétés industrielles.

Je. suis dès lors fondé à dire que vous créez une caisse de crédit mobilier et que vous, qui avez combattu si énergiquement l'institution d'une caisse de crédit mobilier, vous êtes malvenu aujourd'hui à vouloir en créer une pour le compte du gouvernement, en rendant le pays responsable de la gestion de cette caisse. (Interruption.)

Je me rappelle fort bien que dans le temps un honorable ami, M. Malou, dans un moment de grand embarras financier, avait cru pouvoir indiquer à la Chambre la possibilité de faire faire les assurances par l'Etat.

Qui dans cette enceinte s'est montré alors l'adversaire le plus ardent de cette idée ? C'est l'honorable M. Frère ; il disait qu'il ne voulait à aucun prix voir l'Etat intervenir dans des affaires de tontine, dans des opérations particulières.

Comment se fait-il donc que l'honorable membre, abdiquant complètement ses principes, vienne nous proposer aujourd’hui de faire organiser par le gouvernement une caisse bien autrement mercantile, bien autrement dangereuse que celle qu'il combattait naguère avec tant d'énergie ?

Si vous voulez rester conséquent avec les principes qui vous faisaient repousser avec tant de force et de raison l'idée de faire faire par l'Etat une opération qualifiée par vous, à si juste titre, d'agiotage, vous devez repousser aujourd'hui une opération qui est mille fois plus une question d'agiotage que celle-là.

Messieurs, je dis que toutes les opérations auxquelles, d'après le projet, la caisse doit se livrer, sont toutes des opérations de crédit mobilier ; et que ces diverses opérations, entre les mains du gouvernement, ne sont rien autre chose que ceci, de transformer le gouvernement en un grand et vaste agioteur, agissant pour le compte des particuliers. C'est là un système que tout honnête homme doit combattre de toutes ses forces.

Il n'est pas possible de concevoir un gouvernement se faisant maltôtier, agioteur pour le compte d'autrui.

Le gouvernement doit être une providence ; il doit chercher uniquement à répandre les bienfaits parmi les populations. Mais transformer l'Etat en une vaste maltôte, sous le privilège du gouvernement, et aux risques du trésor public, je dis que c'est l'acte d'un mauvais gouvernement, acte auquel il m'est impossible de m'associer.

« Les opérations de la société consisteront :

Voilà le décret d'institution du crédit mobilier.

Je prends le projet de loi, article 28, n°4°, et j'y lis parmi les opérations de la caisse :

« Avances sur fonds publics belges ou étrangers, actions ou obligations de sociétés belges. » N'est-ce pas là identiquement la même chose ?

Le décret français porte ensuite :

« A émettre pour une somme égale à celle employée à ces souscriptions et acquisitions ses propres obligations »

D'après le projet de loi, la caisse est autorisée à émettre ses obligations, savoir : des livrets, des coupures et des emprunts.

Vous le voyez, c'est du crédit mobilier qu'on vient vous proposer, qu'on veut faire faire pour le compte de l'Etat et aux frais de l'Etat, avec sa garantie, c'est-à-dire en exposant l'Etat à toutes les pertes qui peuvent résulter de pareilles entreprises.

Le n°5° de l'article 5 du décret français porte :

« A prêter sur effets publics, sur dépôt d’actions et d'obligations, et à ouvrir des crédits en compte courant sur dépôt de ces diverses valeurs. »

Cela se trouve encore dans l'article 28, n°4° :

« Avances sur fonds publics belges ou des Etats étrangers, etc., sur obligations de sociétés belges. »

C'est évidemment la même chose.

« Avances sur dépôt d'actions et d'obligations. »

Au n°4° de l'article 28 du projet de loi, vous avez : « Avances sur actions ou obligations de sociétés belges. »

En un mot, c'est identiquement la même chose.

Ce n'est pas tout : le projet de loi retranche, il est vrai, quelques opérations de la caisse du crédit mobilier ; mais il y en ajoute d'autres et précisément les plus dangereuses, et notamment : « les avances sur marchandises, warrants et connaissements. »

Comment ! c'est l'Etat qui va faire des avances sur marchandises ? Mais ne voyez-vous pas l'immense danger qui s'attache à une semblable opération ? Qui est-ce qui établira la valeur des marchandises ? et si les marchandises ont perdu la moitié de leur valeur, par exemple, qui sera responsable ? Ce sera l'Etat.

Voilà le crédit mobilier poussé à la plus haute puissance.

Le gouvernement français n'a pas osé introduire dans un décret sur le crédit mobilier les « avances sur marchandises, warrants et connaissements » ; et ici vous ne reculez pas devant une disposition si dangereuse, si fatale, vous en faites une des opérations de la caisse ! Je demande si sérieusement on veut entraîner le pays dans la réalisation d'un semblable (page 1560) projet ; et quand l'honorable M. Frère-Orban combattait avec tant d'énergie l’idée des assurances par l'Etat, je demande s'il est raisonnable et juste de faire faire par l'Etat une opération cent fois plus dangereuse, plus mercantile, une opération qui comprend toutes celles du crédit mobilier indistinctement, depuis la plus petite jusqu'à la plus grande.

Messieurs, je ne pense pas que l'Etat doive entrer dans de pareilles questions. Il y a là encore une fois un immense danger ; vous allez faire des avances sur marchandises, la crise arrive. Cette marchandise sur laquelle vous avez fait des avances tombe de 50 p. c. Qui est-ce qui subira la perte ? C'est l'Etat.

Et dans ces avances de marchandises qu'arrivera-t-il ? C'est qu'on prendra des marchandises à celui qui est riche ou favori et qu'on n'en prendra pas à celui qui ne l'est pas.

Voilà tout ce qui est au fond du projet de loi et je déclare, pour mon compte, qu'il m'est impossible de donner mon vote approbatif à des mesures que je regarde comme fatales au pays.

La Belgique peut se trouver dans des circonstances très graves.

La Providence nous a conduits par la main jusqu'à ce jour. Nous avons traversé avec un bonheur extrême les péripéties les plus dangereuses dans lesquelles se soit jamais trouvé un pays.

Nous nous sommes constitués en 1830, lorsque tous les hommes qui raisonnaient, qui calculaient n'auraient osé espérer que la Belgique se constituât.

Il fallait toute l'énergie du patriotisme et je le dirai même de la témérité pour oser espérer que la Belgique se constituât. Eh bien, la Providence a donné raison à ces hommes téméraires. Nous avons passé par de grandes crises.

En 1839, une crise immense a pesé sur le pays par suite de la cession d'une partie du Limbourg et du Luxembourg.

En 1843, nous avons eu la crise de la guerre d'Orient.

En 1848, nous avons eu la crise de la république française.

En 1852, enfin, nous avons eu la crise résultant de l'établissement de l'empire.

La sagesse de la Belgique lui a fait traverser toutes ces épreuves avec bonheur. La Providence l'a conduite par la main jusqu'ici. Mais n'abusons pas des bienfaits de la Providence, ne la défions pas par des mesures non pas téméraires, mais irréfléchies.

Ce serait la défier que de prendre des mesures dangereuses et pleines de péril qui pourraient conduire le pays à sa perte, dont on ne pourrait trouver la solution au jour du danger.

Je voterai contre le projet de loi en demandant qu'on applique la loi communale et qu'on s'en tienne à cette disposition salutaire, c'est-à-dire d'engager les communes à faire ce qui s'est fait dans plusieurs autres communes.

M. Orts. - Messieurs, l'honorable M. Dumortier rappelait en terminant les bienfaits dont la Providence a comblé la Belgique depuis son émancipation politique.

Il disait : En 1830, des hommes qu'on appelait téméraires, mais confiants dans leur patriotisme et dans le désir de bien faire, ont osé ce que n'auraient point osé de froids calculateurs.

La Providence a donné raison à leurs généreuses inspirations, elle a mené le pays par la main jusqu'au degré de prospérité où nous nous trouvons aujourd'hui.

Messieurs, ce rappel est pour moi l'un des arguments les plus concluants en faveur de l'entreprise hardie que nous vous proposons de réaliser aujourd'hui.

Si la révolution de 1830 a amené dans l'ordre politique de grands bienfaits pour les citoyens belges, si 1830 leur a donné la liberté, l'indépendance, premiers besoins de l'homme dans l'ordre moral, il reste aujourd'hui des révolutions importantes à accomplir dans l'ordre matériel, au profit des classes déshéritées de la société.

Cette dernière réforme, cette révolution se réalisera pacifiquement à son tour. Il suffit, pour atteindre en majeure partie le but, d'accomplir avec fermeté et confiance la grande mesure que le gouvernement propose et qui consiste à favoriser et consolider l'épargne de l'ouvrier.

De pareilles mesures ne peuvent être réalisées qu'à la condition, comme l'a reconnu l'honorable membre, que les instincts d'ordre et de conservation des classes laborieuses soient encouragés par la facilité d'un placement pour les épargnes si minimes qu'elles soient et à mesure qu'elles se foi nient.

Lorsque ces petites épargnes recueillies par celui qui ne demande pas mieux que d'épargner pourvu que l'épargne lui profite, arriveront à constituer partout, grâce au mécanisme que nous proposons d'adopter, un véritable capital, vous aurez fait du prolétaire un propriétaire comme, en 1830, vous avez fait de l'homme un citoyen.

Lorsque vous aurez mis entre les mains de tous nos travailleurs un livret de caisse d'épargne et acquis à la sueur de leur front et garanti par l'Etat, vous aurez créé, dans chacun d'eux, un défenseur de plus pour l'ordre, pour l'indépendance et pour la nationalité, vous aurez lié solidairement l'intérêt politique du citoyen, l'intérêt moral de nos populations et leur intérêt matériel, c'est-à-dire que vous aurez assuré de la manière la plus complété la conservation de notre établissement politique.

Voilà le but dans toute sa grandeur.

Maintenant, messieurs, l'instrument de moralisation qu'on vous propose est-il aussi dangereux que l'honorable membre le pense ? Examinons cette question avec calme et sans nous payer de grands mots.

L'honorable membre ne nie pas la nécessité des caisses d'épargne. Il les croit bonnes ; il se glorifie d'avoir introduit dans la loi communale une disposition invitant les autorités municipales du pays à créer dans toutes nos villes industrielles des caisses de ce genre.

L'honorable membre a dit encore quelque chose de très vrai, de très exact, c'est que l'institution de la caisse reposait sur deux principes qui au premier abord semblent s'entre-détruire, se heurter, se combattre, la nécessité d'offrir aux déposants une garantie complète de sécurité et cependant la nécessité, pour les intermédiaires, de faire emploi des sommes déposées.

Il est évident que c'est dans la conciliation de ces deux nécessités que réside la difficulté du problème des caisses d'épargne.

L'honorable ministre a fait ressortir cette difficulté avec beaucoup de justesse. En effet, la garantie de sécurité complète est nécessaire pour le déposant. Plus l'épargne lui aura coûté de peine, plus il sera éloigné de verser à la caisse les produits de son économie, s'il n'a la certitude absolue de pouvoir la retrouver intacte.

Le beau idéal des caisses d'épargne, au point de vue de la sécurité qu'elles doivent offrir aux déposants, serait donc une institution solvable, où, aussitôt le dépôt reçu, il serait enfermé sous triple serrure et tenu à la disposition du déposant, pour être restitué à première réquisition, comme on paye un billet de banque.

Dans cette situation, chacun des déposants serait plus sûr de rentrer en possession de son argent au jour voulu, que s'il l'avait conservé dans son propre coffre. Mais malheureusement cet idéal n'est pas possible en pratique. Et s'il était possible, je vous démontrerai tout à l'heure que sa réalisation ne serait pas désirable. Votre caisse d'épargne, excellente pour les déposants, causerait un préjudice considérable à d'autres intérêts, également importants au point de vue de l'utilité publique.

M. Julliot. - Le capital dormirait.

M. Orts. - Précisément. Le capital dormirait, comme le dit l'honorable M. Julliot. L'observation est très juste. Et ce sommeil serait d'autant plus préjudiciable qu'il y aurait un plus grand capital déposé dans la caisse.

On ne peut donc créer une institution se bornant à recevoir les dépôts, en payant les intérêts et les tenant à la disposition des déposants à leur première réquisition.

Tenons-nous-le pour dit ; celui qui reçoit les dépôts doit les faire fructifier. C'est là une nécessité que personne ne conteste. Mais si le dépôt doit être utilisé, il faut bien admettre que le dépôt pourra, par son emploi, être plus ou moins aventuré selon que l'emploi ou la destination donnée à la somme déposée par le dépositaire, sera susceptible de plus grandes chances de gain ou de perte.

Qui peut mieux, de l'Etat ou de l'industrie privée, concilier la nécessité d'un gain et l'obligation d'éviter la perte ?

Les établissements privés qui ont entre les mains des fonds des caisses d'épargne doivent comme l'Etat, et l'Etat comme eux, les faire valoir. C'est pour eux, de plus, une question d'existence ; ils ne pourraient payer les intérêts des dépôts en se chargeant simplement de leur conservation ; il faut qu'ils trouvent, dans l'emploi des sommes déposées, une rémunération de leurs services et un moyen d'exonération de leurs dépenses.

Les établissements privés cherchent donc un emploi de ces fonds poussés par une nécessité plus impérieuse que celle qui pousse l'Etat dans cette voie.

Pour le choix de l'emploi quel mobile les dirige ? Un seul évidemment, leur intérêt personnel. Les établissements privés tendent à gagner le plus d'argent possible avec le capital qui leur est confié.

Or, dans quelles opérations gagne-t-on d'ordinaire le plus d'argent ? Dans les opérations qui présentent de grosses chances de gain précisément parce qu'elles offrent des chances de perte tout aussi considérables.

(page 1561) Nécessité donc pour les établissements privés de spéculer avec les fonds de la caisse d'épargne, et d'aborder les spéculations hasardeuses. On ne peut leur en faire un reproche ; c'est une tendance essentielle à laquelle nul ne peut résister.

Le public le sait bien et c'est parce qu'il le sait, parce que les établissements imposants qui offrent de recevoir ses fonds à titre de caisse d'épargne, sont lancés dans les opérations de banque et dans les spéculations ; c'est à cause de cela que le public s'écarte de ces caisses d'épargne privées.

On se dit bien : Voilà une puissante société financière, elle m'ouvre ses caisses d'épargne, soit. Mais cette société n'est puissante que par ses spéculations.

Toutes les spéculations sont aventureuses. Aujourd'hui les dividendes sont magnifiques ; vienne demain la crise, on ne remboursera pas. Les engagements de cet établissement sont tellement importants ailleurs qu'il ne pourrait les remplir en ce qui concerne la caisse d'épargne.

En présence de ce langage timide, les dépôts cessent.

Il explique la situation d'infériorité dans laquelle nous sommes en Belgique comparés à tant d'autres pays de l'Europe sous le rapport des caisses d'épargne.

L'absence de la garantie d'un être moral solvable qui ne meurt pas et ne peut jamais être ruiné, l'Etat, la province ou la commune - c'est la même chose - l'absence de pareille caution aux obligations de la caisse vis-à-vis du public, voilà le mal auquel il faut un remède.

On ne peut le nier ; la Belgique est dans un état d'infériorité considérable, au point de vue dont nous nous occupons.

On ne dépose pas en Belgique dans la proportion où l'on dépose dans d'autres pays qui ne sont ni plus riches, ni plus moraux que le nôtre. J'ai dit la cause de cette situation. Vous n'avez pas à côté des caisses belges, pour y attirer l'épargne, cette garantie permanente dont la valeur ne peut être révoquée en doute, qui dans des moments de crise remplit les obligations garanties, la caution d'un être moral qui n'est pas entraîné par les spéculations, qui ne meurt pas, qui n'est jamais en faillite, en un mot, la caution de l'Etat.

Cette garantie, le projet de loi la donne.

Le projet de loi dit : « L'Etat est là ; il payera quoi qu'il arrive, quoi qu'il advienne. Désormais, tout déposant a pour garantie mieux encore que toutes les données théoriques, mieux encore que la loyauté du caractère national, sûr garant déjà pour tous de l'exécution des engagements de l'Etat ; il a la caution de l'Etat, démontrée suffisante par cette expérience que l'Etat a cautionné les caisses d'épargne quand il n'y était pas tenu. »

Grâce à l'intervention de l'Etat, les caisses privées de Belgique ont pu rembourser dans les moments de crise, et si l'Etat n'était pas intervenu, les remboursements n'auraient pas été opérés. Que sera-ce lorsque l'Etat aura contracté d'avance l'obligation formelle de rembourser ?

Voilà le passé de l'Etat en cette matière ; grâce à la loi, il assure l'avenir aux yeux des plus défiants.

M. de Naeyer. - Le gouvernement a déclaré que cela existe toujours.

M. Julliot. - Cela n'a rien coûté.

M. Orts. - Cela n'a rien coûté, dit l'honorable M. Julliot, et je l'en remercie. Son interruption est le plus beau de tous les arguments qui appuient ma thèse. En donnant la garantie de l'Etat, nous donnerons, de l'aveu de nos adversaires, quelque chose qui ramènera les populations vers la caisse d'épargne, d'où elles s'écartent, et cette chose ne coûtera rien.

M. B. Dumortier. - Vous garantissiez le capital, mais ici vous garantissez aussi l'opération. .

M. Orts. - Ceci est une autre objection. Je m'en occuperai ailleurs ; répondre à tout le monde à la fois ne m'est pas possible, mais l'argument trouvera sa réponse.

Je reprends mon argumentation et je répète. Oui, l'Etat a donné sa garantie sans l'avoir promise ; mais, qu'est-ce que cela prouve ? Oui, l'Etat a fait cela ; oui, l'Etat a été obligé de donner sa garantie alors qu'il n'y était pas légalement tenu ; il a dû prendre à sa charge la responsabilité et la peine des mauvais jours, et cette nécessité se reproduirait encore en l'absence de toute loi. Mais je demande alors pourquoi nous reculerions devant la légitime compensation des efforts de l'Etat en lui donnant les avantages des jours de prospérité ! (Interruption.) Ne le niez pas, la garantie promise d'avance par l'Etat opérera d'une manière très énergique sur la confiance des populations. On sait bien que l'Etat est intervenu quand il ne devait pas le faire ; mais la confiance sera bien plus grande quand on saura que la garantie de l'Etat est assurée de par la loi et quoi qu'il puisse arriver.

L'intervention de l'Etat offre un autre avantage qui constitue non moins que la sécurité un élément de succès pour les caisses ; je veux parler de la facilité des dépôts. L'Etat, en réalité, est le seul dépositaire qui puisse aller, dans toutes les communes, au meilleur marché possible, tendre la main à l'épargne de l'ouvrier, si éloignée que soit la localité où l'épargne se forme. On disait, il y a quelques jours : Mais les habitants de nos campagnes peuvent venir déposer aux caisses d'épargne des villes. Cela est vrai, messieurs, théoriquement ; mais de fait en est-il ainsi ? (Interruption.)

L'honorable M. de Naeyer me fait un signe qui semble contredire l'opinion que j'exprime. Sans doute, messieurs, je ne nie pas que parfois des habitants de la campagne apportent quelques dépôts aux caisses d'épargne des villes. Mais je dis que ce n'est pas à l'aide des caisses purement urbaines que vous amènerez, chaque semaine, l'agriculteur à porter à la caisse une épargne de deux francs, éloigné qu'il est de la ville de 5, de 10 et même de 15 lieues. Or, la plus difficile de toutes les épargnes à réaliser, c'est celle de la première pièce de 2 francs. C'est la plus indispensable aussi à recueillir, car la première pièce de 2 francs déposée appelle la seconde, et les autres viennent régulièrement.

L'Etat, venant sans frais, dans toutes les communes, tendre la main aux populations agricoles, arrêtera l'épargne sur le chemin du cabaret, et les populations rurales s'habitueront bientôt comme celles des villes à verser leurs économies à la caisse.

La facilité et le bon marché du placement se trouvent donc réunis, dans le système de la loi nouvelle, à la garantie de l'Etat. Voilà les avantages^ Voyons maintenant les inconvénients.

Ces avantages, on ne les conteste pas, ou peu. Mais les adversaires du projet prétendent que les inconvénients sont supérieurs aux avantages.

L'honorable M. Dumortier le croit ainsi, et je le comprends. Cet honorable membre se laisse un peu égarer par amour paternel. Il a introduit dans la loi communale le système des caisses locales pour les villes manufacturières, ce système est son enfant ; il voit naturellement en lui le dernier mot de l'institution.

Quant à moi, messieurs, je ne le crois pas. Je consens à dire à l'honorable M. Dumortier, comme dans la fable de La Fontaine :

«... Vos petits sont mignons,

« Beaux, bien faits ...»

Mais, je n'ajouterai pas :

« .... et jolis sur tous leurs compagnons. »

M. B. Dumortier. - Ce n'est pas moi qui ai imaginé l'institution des caisses d'épargne.

M. Orts. - Vous vous êtes vanté tout à l'heure de les avoir introduites dans la loi communale.

M. B. Dumortier. - Pardon ; j'en ai constaté les avantages ; c'est pourquoi j'en ai recommandé l'extension.

M. Orts. - Je ne vois pas pourquoi vous vous défendez, car les caisses d'épargne sont de très utiles institutions. Mais je le répète, vous avez dit tout à l'heure que vous aviez fait inscrire dans la loi communale le principe de l'établissement des caisses d'épargne dans les villes manufacturières.

M. B. Dumortier. - Sans doute, mais je n'ai pas inventé l'institution même.

M. Orts. - D'accord ; c'est donc vous qui avez fait insérer dans la loi communale le principe de l'établissement des caisses d'épargne communales dans les villes manufacturières. Voilà votre enfant ; vous le croyez très joli, parfait ; moi, je crois qu'on en peut faire de plus beaux, et j'en ai trouvé la preuve dans la situation même des caisses locales que nous possédons.

L'honorable M. Dumortier a prévu l'objection et il y répond par la concurrence. La Société Générale a fait une concurrence aux caisses communales ; en dehors de celles que cette société a établies, c'est à peine s'il en existe six ou sept. Soit. Mais cette concurrence triomphante faite aux caisses communales par une banque, par un établissement qui spécule, par un établissement qui a passé de très mauvais jours, qui a traversé des crises financières qui l'ont fortement ébranlé, cette concurrence, messieurs, mais c'est le plus victorieux argument contre le système communal ; elle prouve que ce système n'offre pas assez d'avantages pour entrer sérieusement en parallèle, au point de vue de la sécurité, avec le système des caisses d'épargne placées entre les mains de banques, c'est-à-dire de caisses placées en dehors de toute espèce de contrôle de la part de l'autorité quant à l'emploi des fonds déposés.

D'autre part, messieurs, combien de villes ont obéi à la prescription de la loi communale ? Très peu, et celles qui y ont obéi sont-elles dans une situation satisfaisante et qui témoigne que leur création est le (page 1562) dernier mot du procès en cette matière ? Mais, mon Dieu !, nous avons à Bruxelles une caisse d’épargne instituée exclusivement en faveur des ouvriers, une caisse où les dépôts sont limités : le beau idéal des caisses d’épargne d’après les adversaires du projet de loi ! Eh bien, messieurs, cette caisse n’a que quelques milliers de francs de dépôts.

Ce n'est pas non plus à quelques villes manufacturières qu'il faut limiter le bienfait de la caisse d'épargne pour relever le pauvre par la propriété et améliorer la situation générale de la classe déshéritée.

Il faut agir sur l'ensemble du pays : partout où l'épargne est possible, il faut la recueillir et la faire fructifier.

L'honorable M. Dumortier paraît croire que la garantie communale est, aux yeux du public, une garantie plus sérieuse, plus solide que le crédit de l'Etat. Tel n'est pas mon avis. L'honorable membre a fait appel à la cote des fonds publics. Messieurs, je le renvoie à cet argument pour juger de la valeur de son affirmation, quant à la supériorité de confiance financière qu'inspireraient les communes, comparées à l'Etat.

Les fonds publics de l'Etat sont généralement cotés en bourse à un taux plus élevé que ceux de la plupart de nos villes. Je sais très bien qu'il y quelques grandes villes privilégiées, celles-là ne tout jamais embarrassées d’inspirer de la confiance à leurs créanciers ; mais la généralité de nos communes n'est certainement pas, sous le rapport du crédit, placée dans l'opinion publique sur la même ligne que l'Etat.

L'honorable membre auquel je réponds nous a dit : Aujourd'hui, le besoin des caisses d'épargne existe encore, mais il n'est plus aussi impérieux qu'il pouvait l'être il y a quelques années ; les habitudes financières de nos populations et même des classes inférieures en Belgique se sont insensiblement modifiées, et, de plus, les spéculations financières ont mis à la disposition de l'économie, je ne dirai pas du pauvre, mais de l'ouvrier, des placements qui jadis lui étaient interdits à cause de l'élévation des titres.

Nous avons aujourd'hui des emprunts que M. Dumortier appelle des emprunts de cuisinières. Ils se divisent en coupures de 100 fr. et même de 50 fr. Voilà où vont se placer ces épargnes de l'ouvrier ; autrefois ce genre de placements en fonds publics était interdit, les moindres coupures atteignaient 500 fr.

Messieurs, en admettant que ces sortes de placements soient précisément les plus désirables pour les économies des classes laborieuses, - ce que je ne crois pas vrai d'une manière absolue - je répondrai par un seul mot à l'honorable membre.

Croit-il que, pour permettre à l'ouvrier de réaliser un petit capital de 50 francs, il ne faille pas le secours d'une institution intermédiaire, qui fasse fructifier l'épargne de tous les jours jusqu'à ce qu'elle ait atteint cette somme de 50 francs ou même de 25 francs, avec laquelle on achète un titre d'emprunt à prime de l'une ou l'autre de nos communes qui font des emprunts à coupures d'autant plus petites que l'emprunteur a plus de difficulté à trouver le placement de ses titres.

Il faut un intermédiaire même dans cette situation. Je ne comprends pas que l'on soutienne que les caisses locales offrent plus de facilités, plus de garanties de sécurité que l'institution d'une caisse d'épargne entre les mains de l'Etat.

Mais les inconvénients sont immenses selon nos adversaires, et c'est ici, je le conçois, le côté grave de la difficulté.

L'Etat fera incontestablement chose utile en prenant la position que la loi lui donne ; mais cela ne coûtera-t-il pas trop cher au pays ? Cela ne pourrait-il pas compromettre la situation financière générale à un moment donné ?

Sincèrement, je n'en crois rien, messieurs, et cela par la raison que le remède au mal est dans la loi elle-même, source d'embarras moraux et matériels d'après ses adversaires.

Sans doute, si l'attrait nouveau que la loi donnera à la caisse d'épargne devait y amener des millions immédiatement remboursables, dans un moment de crise, la situation pourrait devenir intolérable pour l'Etat. Mais créer des caisses d'épargne par l'Etat, ce n'est pas faire la même chose que d'émettre, par exemple, à son compte, du papier-monnaie remboursable à vue ; que de créer des billets de banque dont la réalisation en espèces peut être réclamée chaque jour. On comprend ici deux situations parfaitement différentes. La caisse d'épargne n'est pas tenue de rembourser à jour fixe, dans une proportion illimitée. Les précautions sont introduites dans la loi et ceux qui traiteront sur le pied de la loi avec le gouvernement ne seront pas surpris, car la loi sera connue.

En effet, les sommes inférieures à 100 francs seules peuvent être immédiatement réclamées ; pour les autres, des délais plus ou moins longs, selon l'élévation de la somme, sont imposés de par la loi. Le délai maximum est de six mois, et de plus, il y a cette précaution immense au point de vue de la responsabilité ou de de la difficulté pour le gouvernement de faire face à sa responsabilité dans les temps de crise ; il y a cette précaution immense qui consiste à donner au gouvernement le droit de convertir en fonds publics, pour compte du déposant, toute espèce de dépôts dépassant la somme de 3,000 fr. Lorsque le gouvernement trouvera sa responsabilité trop onéreuse ou aventurée, il dira aux déposants propriétaires de plus de 3,000 francs : Je vais vous acheter des fonds publics, à vos risques ; sinon, retirez votre dépôt.

Dans de pareilles conditions, messieurs, les crises sont peu à redouter, peu dangereuses.

L'honorable M. Dumortier nous objecte encore : Mais vous ne parez qu'aux crises financières ; pour celles-là, je vous le concède ; vous avez conjuré le danger ; mais les crises politiques sont bien plus longues, plus redoutables et vous n'avez rien qui vous en défende. Voyez les crises qu'ont produites les guerres de Crimée et d'Italie ! Suit une revue rétrospective des événements politiques traversés depuis quelques années.

Messieurs, la crise politique sans crise financière agira très peu sur la caisse d'épargne ; les crises financières seules sont à redouter, et l'on passe condamnation sur ce point.

Eh bien, que l'honorable membre jette les yeux sur ce qui s'est passe à l'occasion des événements politiques dont il a parlé, et qu'il se rassure. Ces événements ont-ils, pendant plus de six mois, rendu jamais impossible l'exécution des engagements financiers pris par l'Etat ? Evidemment non : l'Etat a exécuté toutes ses promesses, il a tenu tous ses engagements sans user même du délai de six mois que l'honorable membre croit insuffisant. L'expérience prouve donc ici encore de nouveau combien les craintes manifestées sont exagérées.

« Mais, ajoute l'honorable membre, si l'Etat ne garantissait que les dépôts, la responsabilité ne nous effrayerait pas ; mais sa garantie va bien au-delà : outre les dépôts, il garantit les opérations que fera la caisse ; il garantit l'emploi qui sera fait des fonds déposés. » Je comprends très peu l'objection, je l'avoue. En définitive, l'Etat garantit quoi ? Qu'il rendra aux déposants les sommes confiées à la caisse. Si maintenant les opérations de la caisse sont mal faites et laissent un déficit, ce déficit devra être comblé, soit ; mais à concurrence de la différence entre l'actif de la caisse et le chiffre des sommes déposées pour que l'Etat puisse rendre leur argent aux déposants ; du moment que l'argent sera rendu, tout sera dit. Je vois l'obligation de l'Etat limitée au chiffre déposé et rien au-delà.

« Mais le gouvernement va répondre de la malversation, de l'inhabileté des gens qui dirigent la caisse d'épargne, situation intolérable, inouïe ! »

Messieurs, on oublie, en insistant sur ce point, que chaque fois qu'on traite d'un intérêt matériel avec une autorité, avec un établissement agissant au nom de l'Etat, l'Etat est responsable de l'inhabileté de la malversation de ses agents.

Si le chemin de fer est mal conduit, s'il y a malversation, inhabileté, n'est-ce pas l'Etat qui répond ? Ne faisons pas un monstre d'un principe qui, dans la pratique, se réduit à très peu de chose, dont nous subissons tous les jours les conséquences sans nous en apercevoir, sans nous en effrayer surtout.

«Votre caisse, c'est un moyen de corruption gouvernementale ! » s'écrie l'honorable membre. » Sous ce rapport, nous sommes parfaitement à notre aise ; si l'honorable membre croit que les fonctions de membre du conseil d'administration, de commissaire, de directeur de la caisse constituent des positions trop belles au moyen desquelles le gouvernement pourra se faire des créatures, qu'on leur enlève toute influence politique, ou qu'on diminue les traitements, qu'on les frappe d'incompatibilité si l'on veut ; ce sont là des affaires de détail que nous examinerons en discutant les articles. Le principe de la loi s'élève au-dessus de ces misères.

Mais ce n'est pas tout. Il y a bien autre chose là-dessous, d'après le dernier adversaire qui a parlé.

Derrière la caisse d'épargne il y a le « crédit mobilier » ! On a trouvé un mot superbe pour condamner le système du gouvernement, le projet de loi. Créer un mot, est un procédé d'argumentation extrêmement facile : combattre au moyen d'un mot, rien de plus simple !

Une condamnation motivée sur un mot, est acceptée de confiance par deux raisons contraires. D'un côté le mot a un certain sens facile à comprendre, de l'autre on ne sait pas précisément ce qu'il veut dire, et on l'accepte sans s'enquérir.

Permettez-moi de vous rappeler à ce propos un souvenir de notre passé parlementaire. Il y a quelque dix ou douze ans le gouvernement présenta une institution de crédit dont il voulait doter le pays, il s'agissait du crédit foncier cette fois. L'honorable membre qui combat aujourd'hui (page 1563) la caisse d'épargne en la qualifiant de crédit mobilier, a combattu le crédit foncier en le traitant de socialiste. Le mot fit grand effet, en égard au temps où il se produisait, et le malheureux projet resta condamné sous le mot de M. Dumortier.

Après avoir traversé cette Chambre, non sans peine, il alla échouer au Sénat, sous prétexte de socialisme.

Je ne pense pas que le mot et ses résultats aient été bien heureux pour la Belgique. Veut-on jouer le même jeu vis-à-vis de la caisse d'épargne, qu'on le dise tout haut ; nous, ses amis, nous saurons ce que nous aurons à faire pour la défendre. Qu'est-ce après tout que votre grand mot d'aujourd'hui ? Vous appelez l'institution dont il s'agit « crédit mobilier », pourquoi ? Parce qu'elle doit opérer sur des valeurs mobilières ? Singulier reproche.

Je crois que si le gouvernement était venu demander, par son projet, de convertir en placement immobilier tous les fonds de la caisse d'épargne, nous l'aurions vivement combattu. Sans doute les prêts hypothécaires présentent des garanties, quoique ces garanties ne seront pas toujours, et d'une manière absolue, inébranlables.

Mais quel est leur inconvénient, au point de vue dont nous nous occupons ? La lenteur de la réalisation. Il faut aux caisses d'épargne la facilité de rembourser rapidement les sommes qui leur sont confiées ; il faut par conséquent que les valeurs contre lesquelles on échange les dépôts soient facilement réalisables et à courtes échéances ; nécessité qui exclut la majeure partie des placements immobiliers.

L'expérience est encore là pour nous guider. Des caisses d'épargne ont voulu se fonder sur le système des placements hypothécaires à l'exclusion des valeurs mobilières.

La caisse d'épargne de Genève, entre autres, à certaine époque, et qu’est-il arrivé ? A la première crise on n'a pas trouvé de moyen d'expropriation assez prompt pour procurer à la caisse les fonds dont elle avait besoin.

En temps de crise on trouve moins d'acheteurs souvent pour les valeurs immobilières que pour les valeurs mobilières. Ces dernières se divisent en titres représentant un faible capital et trouvent des acheteurs plus nombreux, même dans les plus mauvais temps ; n'avons-nous pas vu en 1848 la dépréciation frapper les valeurs immobilières autant que les valeurs mobilières les plus sujettes à caution ?

N'avons-nous pas vu vendre des immeubles, sur expropriation forcée, à un prix tellement bas, que l'administration de l'enregistrement est venue plaider que ce prix ne pouvait pas être tenu, quant à l'impôt, pour la représentation exacte de la valeur de la base imposable. Voilà, en temps de crise, ce que signifient les placements immobiliers !

Pour démontrer la vérité de la qualification de crédit mobilier donnée à notre institution, qu'a fait M. Dumortier ?

Il a pris les statuts du Crédit mobilier français d'une main et, de l'autre, les articles du projet de loi qui déterminent le genre de placement des fonds déposés à la caisse d'épargne. Puis, il a comparé. Selon moi. cette comparaison n'a pas été bien heureuse ; c'est le cas de répéter avec le proverbe : « Comparaison n'est pas raison. »

Avant d'arriver à le démontrer, que M. Dumortier me permette un mot.

Le crédit mobilier, ce n'est pas, après tout, la désignation d'une aussi mauvaise chose ; le crédit mobilier est aussi utile aux Etats que le crédit foncier peut l'être. Un pays serait bien mal partagé si ses institutions financières le privaient de toute espèce de crédit mobilier, sa situation financière serait incontestablement moins heureuse que celle d'autres pays où le crédit national serait tout à la fois et mobilier et foncier.

Le grand reproche que j'ai entendu faire au crédit mobilier français comme à l'institution qu'on voulait créer à son image en Belgique, c'est ce danger qu'offrirait la puissance d'un établissement particulier tenant en main tout le crédit mobilier de la nation. On voyait là un péril pour l'Etat parce qu'une société ainsi constituée, centralisant ses moyens d'action pourrait, à un moment donné, dominer l'intérêt général et l'Etat son représentant. On s'est déclaré, à ce point de vue, l'adversaire de toute institution de crédit, mais jamais l'adversaire du crédit mobilier lui-même. (Interruption.)

Voir, dans un pays, une société financière, purement privée, tenir sous sa clef la fortune de toute la nation, ce danger-là, je ne le méconnais pas. Précisément, parce qu'un gouvernement d'argent et d'intérêt privé à côté du gouvernement d'intérêt général est un voisin compromettant pour ce dernier, je conçois l'opposition aux sociétés de crédit mobilier. Mais confiez au gouvernement les opérations que cette société pourrait faire contre le gouvernement et contre l'intérêt du pays, et le danger disparaît.

L'intérêt privé et l’intérêt public sont désormais solidaires et dans une seule main.

Mais nous n'en sommes pas là, et vous aller voir, messieurs, qu'il n'y a pas de crédit mobilier du tout dans le projet de loi.

Le crédit mobilier français fait une foule d'opérations, l'honorable membre l'a reconnu, une foule d'opérations autres que celles qui se trouvent inscrites dans l'article 28 du projet de loi, mais il fait aussi les opérations énumérées dans cet article.

Je laisse de côté les opérations qui ne sont pas communes aux institutions et prenant uniquement en main celles qui sont permises à la caisse d'épargne, je me demande si elles peuvent présenter les mêmes dangers que les opérations exclues de la loi et que peut faire le crédit mobilier français.

La caisse d'épargne peut faire « l'escompte de traites belges et étrangères. »

Je ne crois pas que ce soit là un commerce bien dangereux, une opération qui puisse engager fortement la responsabilité du gouvernement. Nous avons sous les yeux nos banques d'escompte et le résultat de leurs opérations se traduit en dividendes que chacun connaît.

« Avances sur traites de commerce, bons de monnaies ou d'affinage du pays ou de l'étranger.

« Avances sur marchandises, warrants ou connaissements.

« Avances sur fonds publics belges ou des Etats étrangers, des communes ou des provinces, actions ou obligations de sociétés belges. »

Qu'est-ce en définitive que cette, série d'opérations ? De véritables prêts sur gages, des prêts sur nantissements de valeurs mobilières.

Or, il est de la nature de ces opérations, et ceci soit dit encore pour rassurer un peu l'honorable M. Dumortier, il est de la nature de ces opérations que celui qui les fait, lorsqu'il est prudent, ne donne jamais sur le gage une valeur approchant de trop près de la valeur actuelle de la chose engagée. Le prêteur sur gage a soin de faire ce que fait le père de famille qui prête sur hypothèques ; ils prêtent à concurrence d'une partie de la valeur du gage, afin d'avoir une retenue pour les mauvaises chances de l'avenir.

Messieurs, en opérant ainsi, on ne se ruine pas plus à prêter sur valeurs mobilières qu'à prêter sur hypothèque. Ces sortes d'opérations, tous nos grands établissements financiers les font, tous les banquiers les font, et ils n'en sont pas le moins du monde compromis.

L'honorable membre, lorsqu'il a critiqué les avances faites sur actions de sociétés spécialement, a comparé ce genre d'affaires aux opérations sur actions et obligations dont parlent les statuts du Crédit mobilier français Il a ici confondu deux choses : le Crédit mobilier français a le droit de monter des affaires, de créer des sociétés, des entreprises et de s'y intéresser.

Dans cette occurrence, il a intérêt à faire mousser ses œuvres au premier moment, au prix de tous les sacrifices, et cela peut mener loin en cas d'insuccès.

Cet intérêt-là, la caisse d'épargne ne l'aura pas, parce qu'on lui a soigneusement interdit de monter aucune affaire. Elle peut très bien prêter de l'argent sur des actions de sociétés déjà existantes, mais elle ne peut pas créer des sociétés. (Interruption.)

Du moment que l'on croit que la caisse d'épargne va pouvoir monter des sociétés de chemins de fer, je ne discute plus. Mes interrupteurs n'ont pas lu le projet. (Interruption.)

La caisse peut prêter à des gens qui lui donneront des obligations ou des actions en nantissement. Soit ; mais la position de celui qui prête sur dépôt d'actions ou d'obligations n'est évidemment pas la position de celui qui prend des actions pour son propre compte. Celui qui prête sur nantissement a, outre le gage, la garantie personnelle de l'emprunteur, mais celui qui achète des actions n'a d'autre garantie que la valeur de ses actions,

M. B. Dumortier. - Il prête sur gage.

M. Orts. - Mais certainement la caisse prête sur gage. Et si elle prêtait aux conditions de celui qui aventure ses fonds dans une société, ce n'est plus un conseil d'administration qu'il faudrait lui nommer, mais il faudrait la mettre sous conseil judiciaire.

Remarquez, messieurs, que la caisse d'épargne ne connaît pas le stimulant qui pousse une société financière à faire des spéculations aventureuses, et c'est encore là une énorme garantie de la sagesse de sa gestion. Une institution privée comme le Crédit mobilier, comme toutes les grandes associations particulières, est poussée irrésistiblement par le désir de réaliser de gros bénéfices, et les spéculations les plus hasardeuses sont en même temps les plus lucratives lorsqu'elles tournent bien.

La caisse d'épargne n'aura pas cet intérêt ; elle n'a pas d'actionnaires à qui elle doive donner des dividendes ; il lui suffit de faire des affaires (page 1564) bonnes et solides, suffisantes pour servir l'intérêt de ses dépôts et en même temps couvrir ses frais de gérance.

Dans ces limites, messieurs, il me paraît que le projet est sage et qu'on peut l'adopter sans la moindre crainte des résultats qu'il doit avoir pour l'avenir financier du pays.

L'honorable M. Dumortier paraît trouver étrange que dans d'autres circonstances l'honorable ministre des finances ait combattu l'intervention de l'Etat qu'il organise aujourd'hui à l'égard des caisses d’épargne. Il fait allusion à l'opposition de M. le ministre au projet d'attribuer les assurances à l'Etat.

Ce n'est pas, messieurs, que, pour ma part, je condamne d'une manière définitive et péremptoire cette idée. (Interruption.) L'honorable M. Julliot se trompe en affirmant le contraire, comme il se trompe s'il croit que j'en parle ici à la légère.

J'ai beaucoup étudié ces sortes de questions par état et j'ai depuis vingt ans transmis à d'autres le résultat quotidien de mes études.

La discussion ne me prend pas au dépourvu.

J'ai étudié de très près, je le répète, la question des assurances par l'Etat ; et malgré toutes les objections de l'honorable membre, je ne condamne pas le moins du monde cette idée en théorie. Je dirai plus : s'il y avait table rase en matière d'assurance, dès demain, je convierais l'Etat à prendre en mains ce service. Et ici, puisqu'on m'y provoque, je dirai une bonne fois nettement mon mot et ma pensée, sur l'intervention de l'Etat et son rôle social. Voici ma formule.

Je crois que l'Etat doit faire tout ce qui est utile à l'intérêt général dans l'ordre moral et dans l'ordre matériel, quand il est démontré que l'initiative privée est impuissante à faire aussi bien que l'Etat.

La matière des assurances est d'utilité publique, et je crois que l'Etat serait l'assureur le plus solide et l'assureur au meilleur marché possible. Voilà pourquoi j'incline à les lui confier.

Les assurances par l'Etat ont été combattues, parce qu'il y avait des difficultés résultant de l'état actuel des choses, parce qu'on était en présence de deux systèmes, non encore suffisamment étudiés ni compris par l'opinion publique, le système des assurances obligatoires par l'Etat et le système des assurances facultatives. (Interruption.)

J'allais dire encore, comme on le remarque, que les assurances aux mains de l'Etat seraient pour l'Etat une charge bien plus qu'un produit, et c'est comme ressource fiscale qu'on les proposait lorsque M. le ministre des finances les a combattues. Et, en effet, selon moi, si l'on veut être fidèle à l'idée, si l'on veut pousser le principe à ses conséquences légitimes, il faut que les assurances aux mains de l'Etat ne soient point un lucre pour l'Etat, mais un service rendu ; il faut que ce service soit rendu par lui comme le service de la poste, comme le service de la monnaie, sans idée de spéculation.

Mes vœux ne se bornent pas là. Je désirerais qu'à une époque rapprochée, et cette époque serait, à mes yeux, une époque de progrès manifeste, que les communes vinssent à donner à toutes nos populations pauvres l'eau et l'éclairage des rues gratuitement moyennant une très modique rétribution comprise dans l'impôt que paye le riche.

En attendant que se réalise cet Eldorado, ne négligeons pas l'occasion qui se présente de donner aux caisses d'épargne l'utilité et la popularité qui leur manquent.

Comme je le disais au commencement, la solidité de notre édifice social et politique est engagée profondément dans la question. L'ouvrier possesseur d'une somme déposée dans la caisse d'épargne de l'Etat, est un soldat de plus pour l'ordre et pour la nationalité.

M. Julliot. - Messieurs, je devrais m'incliner devant l'orateur qui vient de se rasseoir : il professe la science économique avec distinction à l'université la plus libérale du pays ; mais l'entêtement est une infirmité comme une autre, et j'en suis un peu atteint. Je vais donc répondre quelques mots.

L'honorable M. Orts dans son discours n'a vu que ceux qui déposeront, il a fait bon marché de tout le reste du peuple. C'est toujours la même manière de procéder : au lieu de prendre l'ensemble de la société et de faire des lois générales pour tous, on choisit sa matière, sur laquelle on opère particilement.et on dérange toujours sur un point ce qu'on a arrangé sur un autre point.

On s'occupe de ceux qu'on voit, et ceux qu'on ne voit pas en payent les frais.

Ici, on ne voit que les déposants, le reste on ne s'en inquiète guère. Tant pis, dit-on, pour celui qui n'a pas cent sous de reste ; et à chaque perte financière de la caisse, celui qui n'a pas de quoi déposer, payera par le sel de ses pommes de terre le beurre de celles que mangera celui qui a déposé.

Voilà la conclusion forcée de ce discours.

Puis l'honorable M. Orts dit : L'Etat doit faire toutes les entreprises utiles à la société quand l'intérêt privé ne peut pas les faire.

Mais qui, s'il vous plaît, est juge de ce fait ? Cela ne peut s'adresser qu'à des entreprises commerciales ou industrielles ; car l'Etat a le monopole naturel des éléments de l'ordre public.

Eh bien, nous disons, nous, tout service industriel ou commercial utile se produira par l'association, quand il y aura assez de monde disposé à le payer ; il n'est pas nécessaire qu'il se produise dans d'autres circonstances, et l'Etat n'a rien à y voir.

Il est un tout petit homme qui n'écrit plus à Paris parce qu'il se trouve ailleurs où l'air lui est plus salutaire, qui a admirablement défendu la thèse de s'occuper des groupes spéciaux de la société et toujours aux dépens de la généralité.

C'est le prince de la doctrine de l'intervention de l'Etat, et il a approuvé d'avance le projet que nous discutons dans plusieurs de ses écrits : je l'ai lu.

Ce qui me fait insister dans cette discussion, c'est que le mécanisme de l'établissement qu'on nous propose est très difficile à comprendre dans tous ses détails et qu'après tout, on doit savoir ce que l'on vote, ne fût-ce que pour renseigner ses commettants.

L'honorable ministre des finances est mû par des intentions généreuses, c'est une loi du cœur qu'il propose ; ces lois sont toujours dangereuses, car elles ne peuvent s'adresser qu'à une fraction minime du peuple.

Il s'est dit que beaucoup d'artisans feraient des épargnes s'ils avaient l'occasion de les faire avec sécurité.

Partant de là, on a trouvé que les déposants devaient pouvoir bénéficier toujours, mais ne devaient jamais rien perdre.

C'est fort généreux, mais c'est la négation complète du tien et du mien.

On monte une machine d'un développement considérable pour faire toute autre chose que la caisse d'épargne qui n'est qu'un faible accessoire.

L'honorable ministre des finances nous a prouvé qu'avec un immense talent et beaucoup d'habilité, on peut plaider avec succès toute espèce de causes, quelque risquées qu'elles paraissent.

Permettez donc, messieurs, que j'expose le projet dans toute sa simplicité, il est d'une invention toute nouvelle et unique dans son genre.

L'Etat forme une banque dont le fonds est illimité, il crée une personne civile inutile.

Les actionnaires déposants à la banque partageront les bénéfices, et les pertes seront supportées par le contribuable.

La personne civile, qui n'est qu'une figurante et qui ne sert que de paravent à l'Etat, qui ne tient pas à poser dans cette circonstance, n'est tenue à aucune perte ; c'est l'Etat qui se met à sa place.

Il est défendu à cette banque de commanditer des établissements industriels, mais le contribuable commandite toutes les opérations de la Banque sans rime ni raison, voilà le mécanisme de cette affaire. Or, si un conseil communal s'avisait de vouloir en faire autant, le gouvernement le chasserait de ses bureaux, il a refusé de sanctionner des combinaisons beaucoup plus acceptables.

Il est évident que les déposants seuls en auront l'actif, et que les non-déposants supporteront toutes les chances du passif.

Or, comme le nombre de ceux qui n'ont pas de superflu est beaucoup plus considérable que le nombre de ceux qui en ont, c'est le grand nombre que vous menacez.

Le danger, selon moi, est dans les fortes demandes de remboursements d'une part et dans la possession de nombreux fonds publics par la caisse d'autre part.

Je me demande s'il ne valait pas mieux de faire des coupures de vingt francs de la dette publique pour arriver au même résultat.

On nous dit que cette mesure tend à renforcer l'ordre social, mais j'ai toujours pensé que ce qui fortifiait l'ordre social c'était un égal respect de toutes les propriétés, c'était l'absence de privilège, c'était l'absence de toute classification inégale et artificielle entre les différentes couches de la société.

Nous avons cru que le gouvernement devait perfectionner toujours sa justice et sa police, y porter toutes ses forces et éviter d'affaiblir son action gouvernementale en éparpillant ses forces dans une foule d'entreprises qui ne sont pas naturellement de son domaine.

M. H. Dumortier. - Excepté le chemin de fer de Tongres à Bilsen.

M. Julliot. - L'honorable ministre des finances, dans un de ses discours, (page 1565) nous a fait une prédiction de monopoles par l'Etat, que je prends pour une menace. Je sais que l'honorable ministre a retiré cette prédiction dans une séance suivante, et que M. Frère-Orban ne veut pas plus de cette friperie de la Convention nationale que moi, mais il est des adeptes de cette école et je trouve bon d'en dire un mot.

Donner à l'Etat des monopoles nouveaux, ce serait la confiscation du commerce ou de l'industrie, car je n'en connais plus d'autres à exploiter.

On dirait en vérité que la liberté, dans l'ordre moral comme dans l'ordre matériel, devient un lest insupportable pour le navire de l'Etat. Si la marche de ce navire est difficile, ce n'est pas la liberté qui en est cause, c'est plutôt un peu d'indiscipline dans une partie du personnel de l'équipage que l'on tient sur le pont et qui pense que sa place est au haut du mât.

Je désire donc pour ma part que l'Etat abandonne aux financiers les caisses de retraite, d'épargne, de tontine et toute autre assurance, et qu'il agisse de même pour tout ce qui n'est pas gouvernement proprement dit ; il soustraira le pouvoir au grand affaiblissement que lui causent toutes les responsabilités inutiles, et les choses n'iront que mieux.

M. le président. - La parole est à M. Jamar.

M. Jamar. - J'y renonce.

- Personne ne demandant plus la parole, la discussion est close.

Discussion des articles

Chapitre premier. De l'organisation de la caisse d'épargne et de retraite

Article premier

- Des membres. - A mardi !

- D'autres membres. - Continuons !

M. de Naeyer. - Je fais la proposition formelle de remettre la séance à mardi.

M. Orts. - L'article premier renferme le principe du projet de loi ; c'est la question de l'intervention de l'Etat en matière de caisse d'épargne ; nous avons discuté cette question pendant un grand nombre de séances ; il est donc impossible de dire du neuf sur l'article premier ; rien n'empêche que cet article soit mis aux voix immédiatement.

M. le président. - M. de Naeyer, on demande qu'on vote immédiatement sur l'article premier ; insistez-vous sur votre proposition ?

M. de Naeyer. - Comme le dit l'honorable M. Orts, l'article premier est le principe de la loi ; mais c'est le principe organisé en partie, et sur cette question il y a beaucoup à dire.

J'insiste donc sur ma proposition.

M. de Brouckere. - Je demande que la Chambre décide qu'on mettra dès aujourd'hui l'article premier en discussion ; ceux qui voudront présenter des observations, demanderont la parole ; et si personne ne la demande, on ira aux voix.

M. de Naeyer. - Messieurs, je tiens à indiquer le motif pour lequel je propose de remettre la suite de la discussion à mardi ; ainsi que je l'ai dit, l'article premier a une grande importance ; je fais ensuite l'observation qui n'est pas contestée, c'est que la Chambre n'est pas très nombreuse, et que probablement elle n'est pas en nombre.

M. Allard. - Si elle n'est pas en nombre, cela sera constaté par l’appel nominal.

M. B. Dumortier. - Je crois qu'il est impossible de voter en ce moment, car la Chambre n'est pas en nombre. (Interruption.)

C'est vraiment un singulier plaisir de vouloir faire inscrire au Moniteur les noms des absents. (Nouvelle interruption.)

Je le répète, la Chambre n'est pas en nombre : elle ne peut pas voter aujourd'hui.

Je ferai remarquer que la Chambre a décidé que le samedi...

- Plusieurs membres. - Non ! non !

M. B. Dumortier. - Il parait que ces messieurs savent ce que je vais dire.

Je disais donc que la Chambre avait pris l'habitude le samedi de finir la séance à 4 heures. Il est 3 1/2 heures. Il est donc impossible, dans toute hypothèse, de clore le débat sur l'article premier aujourd’hui.

- Plusieurs membres. - Continuons.

M. de Naeyer. - Je demande la parole.

- Plusieurs membres. - Aux voix !

M. de Naeyer. - Je veux expliquer sur quoi il y aurait moyen d'aller aux voix.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Parlez.

M. de Naeyer. - Je fais la proposition de remettre la discussion à mardi.

M. Hymans. - Que l'on mette la proposition aux voix.

M. de Brouckere. - Je propose de continuer la discussion.

M. de Naeyer. - Je demande que l'on vote sur ma proposition. Si elle n'était pas adoptée, je demanderais la parole pour parler sur l'article premier.

- Plusieurs membres. - L'appel nominal !

- Il est procédé a l'appel nominal.

Le résultat constate qu'il n'y a que 56 membres présents. Conformément au règlement, il est procédé au réappel qui dense le même résultat.

Ont répondu à l'appel nominal : MM. Coppens, Crombez, Dautrebande, Debaets, de Baillet-Latour, de Boe, de Bronckart, de Brouckere, Dechentinnes, De Fré, de Haerne, de Naeyer, de Paul, de Renesse, de Rongé, de Ruddere de Te Lokeren, de Smedt, de Theux, Devaux, d'Hoffschmidt, B. Dumortier, H. Dumortier, Dupret, Frère-Orban, Frison, Grandgagnage, Grosfils, Hymans, Jamar, M. Jouret, Julliot, Kervyn de Volkaersbeke, Landeloos, J. Lebeau, Magherman, Mercier, Nothomb, Orban, Orts, Pirson, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Sabatier, Tack, Tesch, Van Bockel, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Overloop, Van Volxem, Allard et Vervoort.

Sont absents avec congé : MM. Bacquin, Braconier, de Florisone, de Liedekerke, de Montpellier, de Moor, de Terbecq, Jacquemyns, Kervyn de Lettenhove, Moncheur, Muller, Royer de Behr, Snoy, Thibaut, Van de Woestyne et Van Leempoel.

Sont absents sans congé : MM. Beeckman, Carlier, Coomans, Cumont, David, de Breyne, Dechamps, de Decker, de Gottal, de Lexhy, de Man d'Attenrode, de Mérode, de Muelenaere, de Pitteurs-Hiegaerts, de Ridder, de Vrière, Dolez, d'Ursel, Faignart, Goblet, Guillery, Janssens, J. Jouret, Lange, Laubry, le Bailly de Tilleghem, C. Lebeau, Lesoinne, Loos, Moreau, Mouton, Nélis, Notelteirs, Pierre, Pirmez, Thienpont, Vanden Branden de Reeth, Van Iseghem, Van Renynghe, Vermeire, Verwilghen, Vilain XIIII, Wasseige et Ansiau.

- La séance est levée à 3 heures trois quarts.