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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 17 mai 1862

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1861-1862)

(page 1306) (Présidence de M. Vervoort.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Thienpont, secrétaire., procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.

M. de Moor, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Thienpont, secrétaire., présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre .

« Des habitants de Bruxelles présentent des observations sur le mode de payement d'indemnité aux membres de la Chambre. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les sieurs Hippolyte et A. Hesnault, fabricants à Gand, nés à Beaumont-la-Ronce (France), demandent la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.


« M. Van Overloop, obligé de s'absenter, demande un congé de quelques jours. »

- Accordé.

Projet de loi portant le budget des dotations de l’exercice 1863

Rapport de la section centrale

M. Dupret. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport sur le budget des dotations pour 18633.

- Impression et distribution et mise à la suite de l'ordre du jour.


M. le président. - Messieurs, le bureau a été chargé de nommer deux commissions. Voici leur composition :

Pour le projet de loi concernant l'organisation judiciaire : MM. Nothomb, Orts, E. Vandenpeereboom, de Theux, Devaux, Pirmez, Muller, d'Hoffschmidt et Moncheur.

Pour le projet de loi interprétatif de la loi sur la contrainte par corps : MM. de Boe, de Naeyer, Guillery, Carlier et Van Overloop.

Projet de loi révisant le code pénal (livre premier)

Discussion générale

M. le président. - Messieurs, l'ordre du jour appelle la révision du livre Ier, chapitres I à IX du Code pénal et le second vote de deux articles du chapitre X.

Le premier livre du Code pénal renferme 10 chapitres. Les 9 premiers ont été votés en 1853 par la Chambre.

Le gouvernement a proposé à la suite de ce vote un projet de loi portant un dixième chapitre, des changements de pure forme et des modifications aux articles qui traitent de l'application du régime cellulaire.

Ce chapitre X, présenté par le gouvernement, a été voté par la Chambre.

Deux amendements y ont été introduits et nous avons à procéder au second vote sur ces deux amendements.

Quant aux neuf premiers chapitres, ils ont fait l'objet d'un rapport distribué aux membres de la Chambre le 3 mai 1861 sous le n°146.

Ce rapport indique toutes les modifications proposées de commun accord par le gouvernement et la commission.

C'est pour régulariser la position relativement à quelques-unes de ces modifications que le gouvernement a présenté, le 6 mai 1861, un second projet de loi. Le rapport de M. Pirmez, n°140, porte sur tous les changements proposés par le gouvernement d'accord avec la commission.

Le projet de loi qui tend à les consacrer est rédigé comme suit :

« Article unique. Le livre premier du Code pénal, adopté par les Chambres législatives en 1853, sera modifié comme il est indiqué à la seconde colonne de l'annexe à la présente loi.

- La discussion générale est ouverte.

M. Nothomb. - Je désire présenter à la Chambre quelques observations générales qui touchent à des questions de principes. Si, comme je l'espère, elles paraissaient mériter un renvoi à la commission, on pourrait l'ordonner et ainsi gagner du temps. De plus la discussion ne serait pas scindée.

M. de Brouckere. - C'est donc une discussion générale ?

M. Nothomb. - Si l'on veut, oui ; ce sont des considérations générales que j'ai à soumettre, ou plutôt j'ai à m'occuper de points qui ont été indiqués déjà dans les discussions antérieures et sur lesquels il a été entendu que l'on pourrait revenir avant le vote définitif. Si donc la Chambre y consent, je rencontrerai successivement, et en une seule fois, ces différents points.

- Plusieurs voix. - Oui ! oui !

M. Nothomb. - Comme je viens de le dire, messieurs, je n'ai à parler que de questions que j'ai déjà traitées. Je demanderai donc à la Chambre la permission de me relire moi-même ; mais j'aurai soin d'abréger, ce qui sera une compensation.

D'abord, je veux de nouveau appeler l'attention de la Chambre sur la question de l'attribution des amendes de simple police.

Voici ce que, dans la séance du 21 mars 1861, j'ai dit à cet égard :

« L'article 466 du Code pénal actuel en attribue le montant aux communes ; d'autre part, l'article 57, figurant au projet primitif, livre premier, et qui attribuait à l'Etat les amendes en toute matière, a été supprimé. (Séance du 2 décembre 1851.)

« D'où il suivrait que les amendes de simple police n'appartiendraient plus à personne.

« C'est un point qui paraît devoir être tranche dans un sens ou dans l'autre. »

Telle était, messieurs, la situation l'année dernière et telle encore aujourd'hui.

II faut donc prendre une résolution sur ce point ; il faut décider, d'une manière positive, à qui appartiendront les amendes prononcées en matière de simple police.

Quant à moi, je crois que ces amendes doivent appartenir à l'Etat : l'Etat, en effet, est chargé de la plus grande partie des frais de détention en matière de simple police ; et il me paraît juste, dès lors, de lui attribuer le montant des amendes.

J'aurais encore d'autres motifs à faire valoir à l'appui de cette opinion ; mais je les réserve pour une discussion ultérieure, si elle a lieu.

Un second point que je désire vous signaler est relatif à la question de savoir par qui seront prononcées les circonstances atténuantes qui seront constatées en faveur des prévenus déclarés coupables.

J'ai eu l'occasion d'en entretenir la Chambre, dans la séance du 14 mars 1861, et voici en quels termes :

« Il y a lieu de se demander si la matière des circonstances atténuantes est suffisamment réglée par les articles 90 et 95 du premier livre du Code, qui a déjà été voté.

« Pour ne pas fatiguer la Chambre, je ne lirai pas tous les textes, mais je constate que dans l'article 90 du livre premier, le principe est inscrit de la manière suivante :

« Si l'existence des circonstances atténuantes est constatée en faveur d'un accusé déclaré coupable, les peines sont modifiées comme suit. »

« Le projet du gouvernement portait à l'article 110 :

« L'appréciation des circonstances atténuantes est réservée aux cours et tribunaux. »

« Et dans l'article 111, il était dit :

« Lorsque la cour d'assises est d'avis qu'il existe des circonstances atténuantes, les peines sont réduites, etc. »

« Dans le rapport de M. Roussel sur le livre I, rapport qui a été déposé le 2 juillet 1851, on lit ce qui suit :

« Tout en partageant la conviction des auteurs du projet sur ce point que la vérification et l'appréciation des circonstances atténuantes doivent être réservées aux cours et tribunaux, votre commission n'a pu méconnaître que cette disposition appartient au Code d'instruction criminelle. Afin d'introduire un ordre plus logique dans la codification nouvelle, nous avons l'honneur de proposer la suppression de cet article. »

« Lors de la discussion à la Chambre des représentants, M. le ministre de la justice disait dans la séance du 24 novembre 1851 sur l'article 110 :

« Cet article sera mieux placé au Code d'instruction criminelle. C'est le seul motif pour lequel je consens à ce qu'on le supprime. »

« C'est l'honorable ministre de la justice actuel qui tenait ce langage.

« M. Coomans disait : « Je ferai observer à la Chambre qu'il est très important de savoir à qui l'appréciation des circonstances atténuantes sera réservée. Pour ma part je veux bien les admettre, mais à la condition que ce soient les cours et les tribunaux qui les prononcent. Je ne pourrais les admettre si l'appréciation en était de nouveau déférée au (page 1307) jury. Il me semble qu'il conviendrait de décider maintenant la question de principe, à moins que nous ne soyons tous d'accord pour admettre le principe que contenait le projet du gouvernement,

« M. le ministre de la justice, répétant sa déclaration, ajoutait :

« La Chambre désire-t-elle dès maintenant discuter sur le principe ? Je le veux bien.

« Cela est-il opportun ? Je ne le pense pas, alors que la place naturelle de cette disposition est dans le Code d'instruction criminelle, qui traite de l'instruction devant la cour d'assises, de la position des questions. »

« M. Roussel, rapporteur, réitère la déclaration consignée dans son rapport que je viens de lire ; M. Delfosse fait des réserves parce que la question lui paraît toucher aux attributions du jury et après quelques explications de l'honorable M. Coomans et de M. le ministre de la justice M. le président dit :

« Tout se borne à des opinions qui sont énoncées. Le gouvernement énonce une opinion, la commission en énonce une. Mais la Chambre ne décide rien. L'article 110 disparaît du projet.

« Voilà, messieurs, ce qui a été fait lors du vote du livre premier.

« Le principe est admis dans le nouveau Code, mais sans plus. Le mode d'exécution est ajourné.

« C'est une pure théorie qui est dans le projet. C'est une lettre morte, l'instrument manque et voici ce qui est arrivé par la suite :

« La commission d'organisation judiciaire eut à s'occuper de la question et dans sa séance du 30 novembre 1853 elle s'est exprimée de la manière suivante. La discussion portait sur l'article 27 du projet soumis à la commission, article ainsi conçu :

« A la cour d'assises seule, sans intervention des jurés, appartient de déclarer l'existence des circonstances atténuantes, dans les cas où la loi en autorise l'appréciation, pour l'application de la peine, dans les affaires portées devant elle. »

« Or, voici que la commission déclare ceci :

« La commission décide la suppression de cet article. La disposition qu'il contient et qui n'est que la reproduction de la législation actuelle ne devant pas trouver place dans une loi d'organisation judiciaire, mais au Code pénal.

« Vous voyez, messieurs, la position qui est faite au moyen organique d'appliquer le système des circonstances atténuantes.

« La Chambre a renvoyé la disposition au Code d'instruction criminelle, et la commission d'organisation judiciaire la renvoie au Code pénal.

« Elle est ainsi ballottée de Code en Code, et n'a trouvé d'asile nulle part.

« J'espère bien que le projet actuel finira par lui donner l'hospitalité. »

Ce langage, je puis le répéter aujourd'hui, car vous voyez, messieurs, la position qui est faite. Le moyen d'organiser, d'appliquer les circonstances atténuantes, la Chambre l'a renvoyé au Code d'instruction criminelle et la commission d'organisation l'a renvoyé au Code pénal ; il a été rejeté, de Code en Code et jusqu'ici il n'a trouvé sa place nulle part.

Je pense qu'il est temps enfin de lui en donner une et qu'il faut la fixer dans le Code pénal même, là où le principe des circonstances atténuantes est décrété.

Je ne comprendrais pas qu'on voulût attendre jusqu'à la réforme du Code d'instruction criminelle, révision sans doute bien lointaine.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il faudrait une disposition provisoire.

M. Nothomb. - Il faudrait donc, me dit-on, une loi provisoire.

Dès qu'on est d'accord sur ce point, sur la nécessité d'une pareille disposition, je ne vois pas pourquoi on ne l'inscrirait pas dans la loi actuelle ; c'est sa place naturelle puisque le principe y est énoncé ; dans le projet primitif c'était ainsi entendu ; il était reconnu que l'appréciation des circonstances atténuantes appartiendrait aux cours et tribunaux ; c'était rationnel.

Je demande qu'on revienne au texte du projet primitif qui a été écarté par des raisons qui n'existent plus. Ce sera le rétablissement du texte primitif ou une autre rédaction qu'il est facile de formuler et que tout à l'heure j'aurai l'honneur d'indiquer à la Chambre.

J'ai ensuite à entretenir la Chambre d'un troisième point qui n'a pas encore été discuté et qui a vraiment une grande importance.

Le Code pénal que nous faisons aujourd'hui est un travail sérieux, je dirai presque une œuvre solennelle, qui doit avoir de la durée. Le Code pénal révisé doit, pour un long terme, j'espère, pour le moins une génération, régir la Belgique. Il serait fâcheux que l'on pût croire qu'il faille, dans un avenir rapproché, de nouveau y toucher ; rien ne serait plus dangereux, et j'ajouterai que rien ne serait moins digne du législateur.

Il faut donc que, dans l'œuvre que nous allons faire, les bases mêmes de toute la législation criminelle se concentrent en quelque sorte et dominent de là toute la législation répressive qui va suivre.

Le livre premier du Code contient les principes généraux, les notions fondamentales du droit pénal. Ce sont les règles sur la prescription, sur la complicité, sur la tentative, sur la récidive, sur les aggravations, sur les atténuations de peine, sur les excuses et d'autres.

Eh bien, je me demande s'il ne faut pas dès maintenant déclarer dans le Code que ces principes généraux, ces règles fondamentales, au moins la plupart d'entre elles, seront rendues communes aux lois particulières, aux lois qui régleront des délits spéciaux.

C'est une question très importante. Elle a été touchée dans le rapport de l'honorable M. Pirmez. L'honorable rapporteur a émis le vœu que cette application des principes fondamentaux du droit criminel aux lois spéciales, soit faite d'une manière large. Je crois que c'est l'expression dont il s'est servi.

C'est aussi mon sentiment.

Cette question de l'applicabilité des règles générales du droit aux matières spéciales a donné lieu à de nombreuses controverses. On a écrit des volumes sur cette question et la jurisprudence s'est divisée comme la doctrine. Des décisions dans les deux sens ont été rendues. Tantôt on rendait les principes généraux applicables aux matières spéciales, tantôt on décidait en sens contraire ; et cela est si vrai, que la Chambre est saisie en ce moment d'un projet d'interprétation de l'article 69 du Code actuel ; et je dois dire que c'est même ce projet interprétatif de loi qui m'a engagé à vous soumettre la question.

La difficulté est trop grave ; je ne me permets pas de la trancher d'une manière absolue, et de dire : Voilà précisément ce qu'il faut faire. Je demande seulement que la commission, que M. le ministre de la justice veuillent bien l'examiner et nous proposer une solution que nous puissions débattre.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - C'est une ;question très difficile.

M. Nothomb. - Je l'ai déclaré, et c'est parce qu'elle est difficile que je crois devoir la soumettre à la Chambre. Je n'hésite pas à ajouter que j'émets le vœu le plus vif que cette application des principes généraux s'étende de la manière la plus large aux matières spéciales. Ce serait un immense avantage d'avoir un Code, une législation criminelle claire, nette, digne de ce beau nom. Aussi longtemps que nous n'aurons pas cela, nous tournerons dans le cercle vicieux du passé.

Les mêmes difficultés, les mêmes controverses, les mêmes singularités se reproduiront à l'avenir. Si nous pouvions donner de l'uniformité à la loi, faire disparaître les controverses et les divergences de jurisprudence, nous aurions rendu un très grand service au pays.

Enfin, messieurs, le quatrième point dont je désire vous parler, c'est de savoir s'il faut, d'une manière absolue, abolir le système dit de la correctionnalisation. L'honorable ministre, dans les discussions antérieures, a déclaré que, dans son opinion, ce système devait entièrement disparaître.

Je regretterais qu'il dût en être ainsi : je crois, messieurs, que le système de la correctionnalisation, maintenu dans une certaine mesure, est bon ; il fonctionne depuis de longues années, il n'a pas donné lieu à de sérieux abus, et il a son côté excellent : c'est qu'il introduit dans la justice sociale un principe d'humanité et d'indulgence sans lequel une législation répressive peut bien être subie, mais n'est jamais acceptée et n'est jamais durable.

En effet, messieurs, vous savez comme moi que dans les infractions il y a tant de nuances, des circonstances si multiples, si variées, qu'il est impossible de les prévoir toutes. Il serait puéril de se flatter qu'on puisse faire un Code tellement parfait que toute et chaque infraction y dût rencontrer sa juste et en quelque sorte mathématique punition.

C'est cette porte de l'imprévu, pour ainsi dire, que je veux laisser ouverte par le système de correctionnalisation, c'est-à-dire la faculté maintenue à un corps judiciaire de décider que, dans quelques cas rares et exceptionnels, à raison de circonstances spéciales et atténuantes, des faits que la loi range parmi les crimes ne seront punis, cependant, que comme simples délits.

Je sais les objections qui ont été faites contre ce système. Je les rencontrerai plus tard et je me borne maintenant à demander que le système qui fonctionne en ce moment, celui de la loi de 1849, soit modifié en ce sens que ce seraient désormais, sous la législation nouvelle, les chambres des mises en accusation qui, seules, auraient le droit de prononcer la correctionnalisation, et seulement à l'unanimité. Dans le système actuel, (page 1308) la correctionnalisation peut être prononcée et par la chambre du conseil des tribunaux de première instance à l'unanimité et par la chambre des mises en accusation à la simple majorité,

Pour l'avenir et afin de donner satisfaction à toutes les objections, je voudrais que cette faculté fût exclusivement réservée à un corps judiciaire considérable, vivant dans un milieu élevé et qu'elle ne pût même être exercée que par décision unanime.

Ainsi réglé, je tiens, messieurs, ce système pour bon et même nécessaire ; il a fonctionné depuis longtemps, il n'a pas fait naître d'inconvénients sérieux, il a produit au contraire d'utiles résultats ; dans d'autres législations, on l'a réclamé ; c'est la partie progressive, en quelque sorte, de la justice ; c'est le moyen, le seul, par où il peut être tenu compte des nuances infinies qui se rencontrent dans un fait criminel et en modifient le caractère, et je craindrais fort qu'à défaut d'une disposition de ce genre, on ne vît des condamnations d'une sévérité outrée ou des acquittements scandaleux ; or, il faut à la fois éviter l'excès dans la répression, ce qui devient de la cruauté, et l'excès dans les acquittements, ce qui conduit au mépris de la loi.

Tels sont, messieurs, les divers points sur lesquels j'ai désiré appeler sommairement l'attention de la commission et surtout la vôtre.

M. le président. - Voici la proposition que M. Nothomb a fait parvenir au bureau :

1° De rétablir l'article (57 du projet primitif) qui attribuait à l'Etat les amendes en toute matière ;

2° De rétablir également l'article (110 du projet primitif) portant « que l’appréciation des circonstances atténuantes est réservée aux cours et tribunaux » ou bien de rédiger comme suit l'article 90 : « si l'existence des circonstances atténuantes est constatée, soit par les cours soit par les tribunaux, etc. » (Le reste comme au texte) ;

3° D'examiner s'il n'y a pas lieu de déclarer communes et applicables aux matières répressives régies par des lois spéciales les règles et dispositions générales du Code relatives à la prescription, la complicité, la tentative, la récidive, les excuses, les atténuations de peine, etc., etc.

4° De conserver sous la législation nouvelle, et seulement, aux cours - chambres des mises en accusation - la faculté de correctionnaliser, par une décision rendue à l’unanimité, certains faits qualifiés crimes. (Voir articles 3 et 4 de la loi du 15 mai 1859.)

-Les amendements sont appuyés.

La Chambre en ordonne l'impression.

M. le président. - Il entre sans doute dans les intentions de la Chambre de renvoyer cette proposition à l'examen de la commission ?

M. Devaux. - Messieurs, il est une autre question qu'il me paraît désirable de joindre à celles qui seront renvoyées à l'examen de la commission. Le projet de loi que nous révisons ayant déjà été soumis à deux votes, je sens qu'il faut être sobre d'amendements nouveaux et ne pas revenir sur des questions déjà longuement discutées une ou deux fois par la Chambre. Mais il en est qui peuvent nous avoir échappé.

Il est des lacunes ou des difficultés qui peuvent ne s'être révélées que dans le cours de la discussion des autres livres du Code pénal que nous avons examinés postérieurement à celui-ci ; c'est seulement dans les discussions qui ont suivi l'adoption du livre premier que je me suis aperçu d'une lacune regrettable qui s'y trouve et sur laquelle je désire porter l'attention de la commission.

Il s'agit du bannissement. Le livre du Code pénal que nous avons sous les yeux le supprime, cette suppression absolue peut avoir des effets fâcheux au point de vue surtout du droit de grâce.

Je pense qu'il est des crimes et même des délits pour lesquels il faut réserver au droit de grâce la peine du bannissement ; ce sont les crimes et délits politiques. Sans cela, dans plus d'une circonstance on aboutira en cette matière ou à une impunité dangereuse ou à des peines trop rigoureuses et prolongées au-delà de ce qui est nécessaire ; or, si le bannissement n'était pas formellement autorisé par le Code, le pouvoir royal pourrait-il l'appliquer comme commutation d'une autre peine ?

Il est des personnes occupant une telle position dans la société qu'il sera toujours très difficile de leur appliquer une peine de quelque durée autre que le bannissement. Je citerai un prétendant à la Couronne coupable de crime politique ; combien de temps, dans l'état de nos mœurs, pourrait-on prolonger sa détention ? Et cependant on ne pourrait pas le laisser impuni et libre dans le pays. Ce fait, me dira-t-on ne se présentera pas de sitôt, c'est possible ; mais un Code ne se fait pas pour peu de temps, il faut le rédiger comme s'il devait durer des siècles.

Il y a des personnes d'un rang moins élevé auxquelles la même observation s'appliquerait ; le gouvernement en a déjà fait l'expérience lui-même ; s'il n'avait pas eu le moyen terme du bannissement, il aurait dû prolonger la détention d'une personne condamnée en matière politique, au-delà de ce qui paraissait nécessaire ou lui accorder une impunité qui aurait produit dans le pays un très fâcheux effet.

Je demande donc que la commission examine s'il n'y a pas lieu soit d'admettre le bannissement dans l’énumération des peines qui figurent au chapitre premier, article 7, soit d'en faire mention au chapitre X, là où il s'agit du droit de grâce.

M. le président. - M. Devaux propose de soumettre à la commission la question de savoir s'il n'y a pas lieu de rétablir, dans certains cas, le bannissement.

- La proposition est appuyée.

M. Pirmez. - Parmi les questions que vient de soulever l'honorable M. Nothomb, il en est plusieurs qui me paraissent pouvoir être aisément résolues.

La première est celle de savoir s'il ne faut pas régler par une disposition expresse l'attribution des amendes de simple police.

Un article du Code pénal en vigueur attribue les amendes aux communes.

Dans le nouveau Code cet article a été supprimé.

M. Nothomb craint que, par suite de cette suppression, on ne sache pas à qui attribuer ces amendes.

Messieurs, par cela même qu'aucune disposition du nouveau Code n'attribue les amendes à une institution quelconque, toutes les amendes appartiendront à l'Etat, à qui va tout ce qui n'appartient à personne.

Comme aucune distinction n'est faite entre les diverses espèces d'amendes, comme les amendes de simple police ne sont pas régies par des dispositions particulières, il est parfaitement clair qu'aucune distinction ne sera faite dans leur attribution ; et il n'y aura pas plus de raison de douter quant aux peines pécuniaires encourues pour contravention que quant aux amendes portées en matière criminelle ou correctionnelle.

Le silence du Code consacre donc sans difficulté ce que l'honorable M. Nothomb désire voir appliquer.

La seconde question qu'a soulevée l'honorable membre est celle de savoir s'il ne faut pas introduire dans le nouveau Code une disposition déterminant l'autorité appelée à prononcer sur l'existence des circonstances atténuantes.

Comme M. Nothomb vous l'a dit, c'est là une question qui a déjà été jugée une première fois.

Une disposition du projet du gouvernement conférait aux cours et aux tribunaux l'examen des circonstances atténuantes. La législature a rejeté cette disposition.

Je crois, messieurs, qu'elle a fait chose fort sage.

Il est évident que semblable disposition ne fait pas partie du droit pénal proprement dit ; elle se rattache à l'instruction criminelle. Elle est de la même nature que celles qui déterminent le pouvoir des chambres du conseil ou des chambres de mise en accusation, du jury, du président de la cour d'assises et de la cour elle-même. Elle détermine non la répression, mais la manière d'y arriver.

Il importe de ne pas confondre des matières qui doivent appartenir à des législations tout à fait différentes. Jusqu'ici on a pris le plus grand soin d'éviter cette confusion.

C'est ainsi que plusieurs dispositions qui se trouvent dans le Code d'instruction criminelle actuel, comme celles qui sont relatives au concours des délits ou à la prescription des peines, ont été placées dans le Code pénal, puisqu'elles appartiennent au fond même des lois répressives et non pas au mode de procédure.

Irions-nous maintenant, apportant cette confusion que l'on a tant cherché à écarter, introduire dans le Code pénal une disposition aussi certainement dépendante des lois d'instruction qu'un article décidant de quelle manière le pouvoir judiciaire prononcera sur les circonstances atténuantes ?

S'il fallait, comme le pense l'honorable M. Nothomb, attendre la révision du Code d'instruction criminelle pour fixer ce point, on pourrait désirer le voir régler dans le Code pénal ; mais n'oublions pas que les circonstances atténuantes en matière criminelle ne sont pas introduites dans notre législation actuelle par un de nos Codes, mais par des lois particulières, celles de 1814, de 1815 et de 1849.

Les deux premières de ces lois vont disparaître, mais il sera nécessaire de remplacer la loi de 1849, aussitôt que le Code pénal sera en vigueur.

Il est évident que, sous l'empire du nouveau Code, l'honorable M. Nothomb est d'accord avec moi sur ce point, on pourra conserver dans toute son étendue, le pouvoir de correctionnalisation qui est aujourd'hui donné à la chambre du conseil et à la chambre des mises en accusation.

Cette loi devra donc forcément être abrogée ou révisée ; quoi de plus (page 1309) simple que de régler alors par une disposition transitoire, en attendant un nouveau Code d'instruction criminelle, quel sera le pouvoir qui prononcera sur les circonstances atténuantes ?

Je pense, avec l'honorable M. Nothomb, qu'il faut ne pas laisser ce pouvoir au jury, mais le donner aux cours et tribunaux ; aussi ce n'est qu'une question d'opportunité qui nous divise.

Réduit à ces termes, le débat offre-t-il une difficulté ? Attendons cette loi transitoire, nécessaire dans tous les cas, plutôt que d'introduire dans le Code pénal des dispositions qui lui sont étrangères.

- Un membre. - Notre vote peut dépendre de ces dispositions.

M. Pirmez. - Il serait donc toujours impossible de décider deux choses séparément. Non seulement il ne faudrait plus de lois spéciales, mais il faudrait renoncer à nos lois les plus étendues et réunir tous les codes en un seul ! Ne pourriez-vous aussi bien dire que votre vote sur chaque peine prononcée dépendra de la procédure qui sera admise pour la prononcer ?

Messieurs, puisque je m'occupe de circonstances atténuantes, je répondrai immédiatement aux observations de l'honorable M. Nothomb, concernant la correctionnalisation des crimes.

La correctionnalisation, admise aujourd'hui dans des termes très généraux, provient de l'excessive sévérité du Code pénal actuel ; cette sévérité est telle que, dans un très grand nombre de cas, il est impossible de faire juger par les cours d'assises des faits qualifiés crimes par la loi.

Nous avons fait, en réduisant les peines, une espèce de correctionnalisation légale, si je puis m'exprimer ainsi, pour une grande quantité de faits ; la faculté donnée aux cours de correctionnaliser les crimes perd donc la plus grande partie de son utilité.

L'honorable membre me paraît, du reste, se faire illusion aussi sur l'importance qu'il attache à cette correctionnalisation. On n'a pas à craindre, si elle disparaît, de voir appliquer des peines démesurées, exagérées ou de voir des méfaits jouissant de l'impunité, cette conséquence ordinaire des lois trop rigoureuses.

Un fait ne méritant qu'une peine correctionnelle ne pourra plus, je suppose, être distrait de la juridiction des cours d'assises, s'il est puni en général d'une peine criminelle ; mais cette cour pourra toujours, nu admettant les circonstances atténuantes, modérer la peine comme l'eût fait la chambre des mises en accusation.

J'ajouterai que, s'il y a quelque chose à faire dans le sens qu'indique l'honorable M. Nothomb, ce que je ne veux pas décider, il est évident encore que la disposition dont il parle ne devra pas figurer dans le Code pénal, qui ne dit pas un mot ni des chambres du conseil, ni des chambres de mises en accusation, ni des cours d'assises. Nous n'avons donc pas à nous en occuper pour le moment.

J'arrive à la dernière question qu'a traitée l'honorable M. Nothomb ; celle de l'application des dispositions générales du Code pénal aux lois spéciales qui ont un caractère répressif.

Cette question, messieurs, est d'une très grande difficulté. La Chambre peut aisément se rendre compte des complications qu'elle présente.

Le premier livre du Code pose les principes généraux du droit pénal : la manière dont les peines sont subies, la complicité, la tentative, le concours des délits, la prescription des peines, l'exercice du droit de grâce, les circonstances atténuantes. Il s'agit de savoir si nous devons étendre ces dispositions multiples aux très nombreuses lois spéciales qui punissent des infractions.

Il est incontestable, selon moi, que cela est absolument impossible, tout au moins dans les termes généraux que j'indique.

Ainsi, par exemple, on ne peut admettre la réduction des amendes, par suite de circonstances atténuantes, aux infractions fiscales dans lesquelles l'amende a un caractère de réparation, en même temps qu'un caractère répressif.

L'application des dispositions concernant la complicité pourrait conduire, par contre, à des résultats extrêmement rigoureux. Ainsi, par exemple, si nous admettions les articles relatifs à la complicité quant aux délits de presse, nous arriverions à étendre, d'une manière très grave, les dispositions des lois qui les punissent.

Cette extension conduirait à déclarer que celui qui a fourni une assistance quelconque à l'auteur d'un article délictueux, conseil, renseignements, moyens matériels, pourrait être puni comme complice du délit. On voit avec quelle prudence il faut procéder pour ne pas arriver à des résultats regrettables.

D'un autre côté, je reconnais qu'il y a également impossibilité à proscrire, d'une manière absolue, l'extension des dispositions générales du Code aux matières spéciales.

Ainsi, il est nécessaire que l'on applique à tous les cas d'emprisonnement les dispositions du Code réduisant cette peine lorsqu'elle est subie en cellule. Il est encore nécessaire que nous étendions aux législations spéciales les dispositions relatives à la prescription des peines.

Aujourd'hui, cette prescription est régie par le Code d'instruction criminelle, qui s'applique à toutes les lois répressives ; il faut éviter que la prescription perde sa généralité par son insertion dans le Code pénal, dont les dispositions n'ont pas par elles-mêmes cette étendue.

Vous le voyez donc, messieurs, il y a un triage à faire entre les dispositions qui peuvent être étendues à toutes les matières régies par les lois spéciales et les dispositions qui doivent être strictement limitées aux délits prévus par le Code pénal.

Ce triage est précisément la grande difficulté. Je crois que la Chambre pourrait renvoyer à la commission la proposition de l'honorable M. Nothomb ; la commission tâcherait de séparer les dispositions générales qui peuvent être étendues par des lois spéciales et celles qui ne comportent pas cette extension.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je n'ai qu'un mot à dire en ce moment. Je demanderai que la Chambre veuille bien renvoyer à la commission, je ne dirai pas les amendements, mais les différentes observations qu'a présentées l'honorable M. Nothomb.

M. Nothomb. - Les principes que j'ai énoncés.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Soit, les principes. La commission entendra les auteurs des observations qui viennent d'être échangées ; je me rendrai également dans son sein et je crois que nous parviendrons plus facilement ainsi à un résultat. Ainsi que l'a dit l'honorable M. Pirmez, ce sont là des questions extrêmement ardues.

A plusieurs reprises, nous les avons examinées, et quand on entre dans les détails, quand on examine les différentes législations pénales auxquelles il faudrait appliquer les dispositions générales du Code, on se heurte, à chaque instant, à des difficultés nouvelles.

Je demande que la commission soit saisie des questions qui viennent d'être soulevées. La commission pourrait se réunir mardi matin et faire son rapport à l'ouverture de la séance, de manière à nous permettre de reprendre la discussion.

- M. E. Vandenpeereboom remplace M. Vervoort au fauteuil de la présidence.

M. Nothomb. - Je demande la parole. *

- Plusieurs membres. - On est d'accord sur le renvoi à la commission.

M. Nothomb. - Je le sais, je ne puis cependant me dispenser de répondre quelques mots à ce que vient de dire l'honorable M. Pirmez, quant à l'attribution du produit des amendes à l'Etat ou aux communes.

L'honorable membre pense que les amendes doivent être attribuées à l'Etat, et son argumentation est celle-ci : l'article de l'ancien Code qui attribuait les amendes aux communes disparaît ; il n'est pas reproduit dans le Code nouveau. Donc ces amendes appartiennent à l'Etat, il n'y a là, selon l'honorable rapporteur, aucune difficulté.

Or, messieurs, je n'admets pas tout à fait ce raisonnement ; je n'admets pas que par le silence de la loi, par une sorte de prétention, on enlève aux communes pour les attribuer à l'Etat les amendes de simple police ; car, voici ce que l'on va se demander : Il existe, si je ne me trompe, une loi de la République qui s'occupe de cette matière.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il existe des dispositions en vertu desquelles les amendes sont perçues au profit de l'Etat.

M. Nothomb. - Il y a une loi qui porte que le receveur de l'enregistrement remet à chaque ayant droit le montant des amendes qui lui reviennent.

Voilà quel est le point de départ de la législation sur l'attribution des amendes. Eh bien, je crois que les auteurs du projet primitif, à la place desquels je me mets en ce moment, projet qui, par son article 57, statuait formellement sur cette question, avaient eu raison de la trancher. On l'a supprimée ultérieurement, pourquoi ? Parce qu'il s'est élevé dans cette Chambre des objections contre l'attribution à l'Etat des amendes de simple police, et qu'il a été convenu que cette question serait ultérieurement reprise. Mais on n'a nullement cru qu'il suffisait d'effacer l'article 406 de l'ancien Code pour que ces amendes appartinssent à l'Etat. A mon avis, si vous ne dites pas formellement que les amendes appartiendront à l'Etat, elles n'appartiendront à personne, et l'on pourra contester le droit de l'Etat. Nous faisons les lois, je pense, afin d'être compris non pour ce que nous taisons, mais pour ce que nous disons, et il serait au moins bizarre que, dès la discussion, on dût rechercher notre pensée par voie d'interprétation.

C'est une chose qu'on ne peut pas faire accepter.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - C'est à examiner.

M. Nothomb. - M. le ministre a reconnu, il y a un an, qu'on pourrait reprendre l'article 57 du projet primitif.

(page 1310) Je n'admets pas le mode de dévolution par prétérition, que l'honorable rapporteur met une trop grande insistance à faire prévaloir. Ce que je demande est si simple et si rationnel, que je ne comprends pas l'opposition que je rencontre.

Un mot encore des circonstances atténuantes et de la correctionnalisation.

L'honorable rapporteur dit : Ce n'est pas ici la place ; les arrêtés-lois de 1814, de 1815, les lois de 1838 et de 1819, ont réglé ce point, c'est une question d'instruction criminelle.

Je réponds que c'est bien plus que cela, c'est un grand principe ; or, nous faisons une loi de principe ; quand on fait une chose si considérable, une chose à laquelle, je n'ose pas aller jusque-là, l'honorable M. Devaux a prédit une existence séculaire, aere perennius on ne doit pas hésiter à y insérer une déclaration pareille, car c'en est le côté progressif, humain, social.

Il faut qu'il soit bien su partout, que nous avons inséré dans notre Code nouveau qu'il y aurait des circonstances atténuantes et qu'elles seraient prononcées par la magistrature. C'est une question importante que celle de savoir par qui elles seront prononcées ; car de là dépendra le vote de plusieurs d'entre nous sur l'adoption du principe même.

Si, au lieu des cours, c'était le jury qui prononçât, j'hésiterais ; je ne dis pas que je rejetterais, j'y tiens trop ; c'est la partie essentielle de toute réforme, je demande que le Code énonce le principe et en fasse l'application par les cours.

Puisque vous avez l'article 90 qui porte que les circonstances atténuantes sont admises en principe, pourquoi ne pas dire qu'elles seront constatées par les cours ou tribunaux, deux mots ?

C'est, me dites-vous, une question de terminologie, de forme qui trouvera mieux sa place dans le Code d'instruction criminelle ; mais je vous réponds que c'est une chose trop importante, un trop grand principe pour ne pas le proclamer dès à présent, parce qu'il réagit sur tout notre système pénal.

C'est une de ces questions où la forme emporte le fond. Je demande simplement qu'à côté du principe, que je trouve excellent, indispensable, on dise en même temps qu'il sera appliqué, soit par les cours, soit par les tribunaux.

Vous le direz une seconde fois dans la loi d'organisation, vous l'aurez dit deux fois, soit. Où sera le mal ? Vous aurez commencé par le proclamer dans le Code pénal. On saura dès aujourd'hui que vous l'avez admis, vous aurez non seulement décrété le principe comme théorie, mais vous l'aurez organisé, ce qui vaut beaucoup mieux.

Ce que je dis ici des circonstances atténuantes est vrai aussi de ce qu'on appelle la correctionnalisation des crimes. Je reconnais que c'est une affaire d'instruction criminelle ; mais les deux idées sont connexes. Si vous pensez qu'il faut maintenir à un corps de justice quelconque la faculté de correctionnaliser...

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Dans le Code pénal ?

M. Nothomb. - Oui, pourquoi pas ? Comme déclaration de principe. (Interruption.) Vous vous retranchez toujours derrière la forme, la symétrie.

M. de Brouckere. - C'est quelque chose que la forme.

M. Nothomb. - Je demanderai à l'honorable M. de Brouckere qui m'interrompt, s'il est partisan du principe dans la mesure que j'indique.

M. de Brouckere. - Je me déciderai quand le moment sera venu.

M. Nothomb. - Mais c'est le moment, car le Code pénal est la base et tout le reste n'est qu'accessoire ; le Code pénal, c'est le point de départ d'où les principes fondamentaux doivent rayonner partout. Je demande qu'il soit dit que la Chambre entend maintenir la correctionnalisation pour certains faits exceptionnels.

Vous m'objectez que ce n'est pas la place ici, mais l'article 463 du Code actuel n'est, au fond, pas autre chose. Ses auteurs eux-mêmes ont admis le principe dans leur œuvre, si sévère pourtant. Serez-vous moins indulgents qu'eux ? Dans cet article 463, qui fait l'honneur du législateur de 1810, se trouve le germe de ce que je réclame en ce moment.

Le quatrième point que j'ai soumis à la Chambre, c'est l'application des principes généraux aux lois spéciales.

L'honorable rapporteur a répété avec moi que la question est grave et difficile, qu'il était impossible de déclarer d'une manière absolue les principes généraux applicables aux lois spéciales. C'est pourquoi j'ai demandé le renvoi à la commission.

L'honorable rapporteur ne s'est pas borné à cela, il a critiqué mes paroles. Voyez, a-t-il dit, jusqu'où vous étendez l'aggravation en matière de presse notamment. Mais il y a aussi des principes d'atténuation ; je demande qu'on les applique également aux lois spéciales. Quant à la presse, exceptionnelle de sa nature, elle est et doit rester régie par des règles spéciales en dehors du droit commun.

Je désire en un mot qu'on généralise la loi, car le mot « loi » ne signifie pas autre chose qu'égalité. Ainsi le veulent l'harmonie dans la législation, la logique et la morale, et cette extension, je souhaite avec l'honorable M. Pirmez, qu'elle ait lieu franchement et largement.

M. Pirmez. - La commission aura à se prononcer sur les propositions de l'honorable M. Nothomb, aussi je ne veux faire qu'une simple observation.

C'est un point très important, dit l'honorable membre, que de savoir qui reconnaîtra l'existence des circonstances atténuantes, et cette importance vous commande de l'inscrire dans le Code pénal.

Mais si l'importance d'une question oblige à la trancher dans le Code pénal, pourquoi ne proposez-vous pas d'y consacrer l'existence du jury ? N'est-ce pas là un point bien plus grave ?

- Un membre. - La Constitution consacre ce point.

M. Pirmez. - Mais ne pourriez-vous pas décider que le jury n'interviendra pas en matière correctionnelle ?

Et la liberté de la défense est-elle consacrée par la Constitution ? N'est-ce pas là un principe qui domine toute la matière répressive ? Et le Code pénal n'en dit rien !

Reconnaissons donc qu'il ne suffit pas qu'un principe soit important, pour qu'on le répète à tort et à travers.

Vous voulez même traiter de la correctionnalisation par les chambres des mises en accusation, et nous ne savons pas s'il y aura encore, en matière criminelle, une instruction préalable, si les faits qui font la matière de l'accusation seront encore soumis à une chambre de la cour d'appel avant d'être soumis au jury, et nous réglerions les attributions de ce corps, dont l'existence est encore incertaine, nous réglerions la compétence en matière de circonstances accessoires dans le Code pénal, qui ne nomme même pas une seule des juridictions appelées à constater les crimes et les délits, faits principaux.

C'est là une chose évidemment impossible !

J'avais oublié de dire un mot de l'observation de l'honorable M. Devaux. Si j'ai bien compris, sa proposition consiste dans l'adjonction d'un article aux dispositions concernant le droit de grâce qui permette de faire grâce en substituant à la peine prononcée le bannissement ; en sorte que le bannissement existerait à l'état de peine subsidiaire, mais non à l'état, de peine principale.

C'est donc sur ce point que la commission aura à porter son examen.

- La discussion générale est close.

M. le président. - M. le ministre de la justice se rallie-t-il au renvoi à la commission des propositions de MM. Nothomb et Devaux ?

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Oui, M. le président.

- Le renvoi à la commission est ordonné.

M. le président. - La commission pourra-t-elle faire son rapport mardi ?

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Si la commission n'avait pas terminé, on tiendrait en suspens les articles sur lesquels portent les amendements.

- La séance est levée à trois heures.