(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1861-1862)
(page 1277) (Présidence de M. Vervoort.)
M. de Moor procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. Thienpont donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.
- La rédaction en est adoptée.
M. de Moor communique l'analyse des pièces adressées à la Chambre.
« Le sieur Gérard prie la Chambre de s'occuper de sa pétition, tendante à empêcher les fraudes électorales. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« M. le ministre de la justice adresse à la Chambre, avec les pièces de l'instruction, la demande en naturalisation ordinaire du sieur Albert Flamme, caporal au 3ème régiment de ligne. »
- Renvoi à la commission des naturalisations.
« M. de Guillery, retenu pour des affaires de famille, demande un congé de deux jours. »
- Accordé.
M. de Gottal. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a été chargée d'examiner le crédit supplémentaire d'un million demandé pour le département de la justice.
- Ce rapport sera imprimé, distribué et mis à la suite de l'ordre du jour.
M. E. Vandenpeereboom remplace M. Vervoort au fauteuil.
Rapport sur les pétitions relatives aux fortifications d’Anvers
M. Loos. - Messieurs, je ne comptais plus prendre la parole dans cette discussion, mais en entendant hier l'honorable M. Devaux lancer une mercuriale assez sévère au conseil communal d'Anvers, je n'ai pu m'empêcher de me faire inscrire ; non pas que le conseil communal d'Anvers dût justifier la conduite qu'il a cru devoir tenir dans cette circonstance, car il a agi dans l'indépendance et la liberté d'action qui lui sont attribuées par la loi ; mais j'ai trouvé l'accusation injuste.
Pour se faire une idée de la déception que le conseil communal d'Anvers et après lui la ville entière ont éprouvée à la suite des prétentions exagérées du département de la guerre par rapport à la citadelle du Nord, il faut se représenter tous les efforts que nous faisons depuis six ans, ne pouvant cesser d'être une place de guerre, pour éloigner la défense aussi loin que possible, et surtout pour sauvegarder de toute atteinte nos établissements commerciaux.
Pour Anvers c'est une question d'existence que la sécurité pour le commerce. Il fallait donc pouvoir inspirer à l'étranger une entière sécurité comme place de commerce, Nous savons trop ce qu'il en coûte de perdre cette sécurité.
Après les événements de 1830, après les pertes considérables faites par le commerce étranger, combien de temps n'a-t-il pas fallu pour rendre au commerce la confiance dans Anvers ? Après quinze ans on payait encore des surprimes pour les marchandises déposées dans les établissements maritimes d'Anvers.
Au point de vue de l'existence d'Anvers comme place de commerce, n'avons-nous donc pas, avant tout, à sauvegarder la sécurité des établissements commerciaux ?
C'est dans ce but que nous avons fait tant d'efforts en présence de la persistance de l'autorité militaire à fortifier Anvers.
Ainsi, quand il s'est agi de la petite enceinte, on agrandissait la ville au Nord, nous trouvions que la ville avait là un moyen d'étendre ses établissements maritimes, mais au centre même de ces établissements on voulait placer une forteresse comprenant cinq hectares.
Du moment que ce projet fut connu, l'agitation s'est produite comme aujourd'hui ; on a compris que toute sécurité commerciale allait disparaître et que cette menace permanente de destruction ne pouvait manquer de comprimer l'avenir prospère de la ville.
Le conseil communal s'est agité, il a envoyé une députation près du gouvernement, près du Roi. En me reportant à cette époque, je trouve une adresse présentée à Sa Majesté par le conseil communal qui témoigne de sa sollicitude pour sauvegarder ses établissements maritimes.
J'en extrais le passage suivant. L'adresse a été présentée à Sa Majesté par le conseil communal en 1856 :
« Au lieu de répondre à la bienveillante pensée de Votre Majesté d'après laquelle les dangers de la défense doivent être éloignés, c'est au milieu de notre port, au centre de nos établissements commerciaux, qu'on les attirerait.
« Si la défense doit être éloignée d'Anvers du côté de la terre, elle doit avec plus de raison encore être éloignée du côté du fleuve, de cette partie de la ville appropriée aux besoins du commerce, la source de sa prospérité actuelle et de celle que lui réserve l'avenir.
« Le fleuve, dans son cours jusqu'à Lillo, présente des sinuosités, des positions toutes semblables à celle produite devant Anvers. Que sur ces points on réunisse tous les moyens possibles de défense, qu'au besoin ils soient multipliés sur les deux rives et sur tout le cours du fleuve depuis la frontière jusqu'aux approches d'Anvers, mais que la ville et son port restent hors des atteintes des assaillants. »
Vous voyez, messieurs, qu'à cette époque encore ce n'était pas des inconvénients que présentait l'enceinte réduite, qu'on s'occupait spécialement ; c'était surtout de la sécurité à procurer aux établissements du commerce.
Messieurs, je comprends, lorsque, comme l'honorable député de Bruges, on professe cette théorie, qu'il est plus avantageux pour les villes de commerce d'être fortifiées que de ne l'être pas et que les grandes villes de commerce devraient essentiellement tenir à être fortifiées, je comprends, dis-je, qu'avec une pareille théorie, on peut s'étonner de l'attitude qu'ont prise le conseil communal d'Anvers et la population anversoise.
Mais c'est une théorie qui certes n'est partagée ni dans cette enceinte ni dans aucune partie du monde commercial.
Je serais très curieux de savoir ce qu'on penserait d'une pareille théorie à Londres, à Liverpool, à Marseille, à Rotterdam, enfin dans tous les grands centres commerciaux. Je crois que si l'on s'avisait de vouloir la mettre en pratique, les populations de ces localités protesteraient avec autant de violence au moins que celle d'Anvers.
Non, messieurs, dans les villes de commerce, c'est la sécurité qu'il faut et je ne pense pas que cette sécurité puisse être procurée par des fortifications.
L'honorable M. Devaux nous disait que, dans les villes où l'on s'agite, la sécurité disparaît aussi. Je veux admettre avec l'honorable membre qu'une ville qui se trouve dans une agitation perpétuelle soit politique ou autre, n'attire pas chez elle les étrangers. Mais je suis convaincue aussi qu'une ville qui ne présente aucune sécurité a infiniment moins de chance d'attirer le commerce étranger chez elle. Si, par malheur, elle réunit les deux inconvénients d'être une ville fortifiée et d'être continuellement en agitation, ah ! je le comprends, ce peut être une cause de ruine pour elle. Mais les menaces de guerre éloigneront toujours beaucoup plus que quelque agitation politique, surtout quand on ne s'agite pas à un degré plus violent que ce qui s'est passé à Anvers.
Messieurs, en répondant à l'honorable M. Devaux, je trouve l'occasion de rencontrer quelques arguments de M. le ministre des finances.
M. le ministre des finances s'est évertué à vous prouver qu'Anvers avait connaissance qu'il dût exister une citadelle au Nord. Mais ai-je nié qu'on eût connaissance de ce projet ?
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Le conseil communal l'a nié.
M. Loos. - Le conseil communal ne l'a pas nié non plus, M. le ministre.
Messieurs, véritablement je ne comprends pas l'utilité de cette démonstration à laquelle M. le ministre de la guerre s'était déjà livré le jour précédent.
L'honorable ministre de la guerre, pour prouver qu'Anvers savait qu'il devait y avoir une citadelle au Nord, est venu vous lire ce que moi-même j'avais dit au conseil communal. Mais qui cherche-t-on à persuader ici ? Est-ce la population d'Anvers ? Mais quand le bourgmestre, en séance publique, déclare qu'on savait parfaitement que cette citadelle devait exister, cette publicité n'est-elle pas suffisante pour convaincre la population d'Anvers ?
Est-ce la Chambre qu'on a voulu persuader ? Mais, messieurs, les (page 1278) députés d'Anvers n'ont pas dit qu'ils avaient ignoré qu'il dût y avoir une citadelle. J'en suis à me demander pourquoi les besoins de la cause, au point de vue ministériel, exigeaient qu'on répétât ici ce que j'avais dit au conseil communal, alors surtout qu'on ne répétait pas tout ce que j'avais dit.
Ainsi, l'honorable ministre de la guerre ayant en mains un journal qui rendait compte de la séance du conseil communal, a lu ce que j'avais dit pour démontrer que nous savions qu'il devait y avoir une citadelle ; mais il n'est pas allé plus loin ; il aurait vu ce que j'avais ajouté, c'est que nous n'avons pas ignoré qu'il y aurait une citadelle, mais que nous avons tous ignoré le rôle que cette citadelle aurait à remplir un jour.
On ne s'était pas fait de la citadelle du Nord une autre idée que de celle que la ville possède déjà au Sud.
Nous avons jeté les yeux sur toutes les citadelles du monde qui se trouvent rattachées aux fortifications de l'enceinte des places, ayant conséquemment leur gorge à l'intérieur des villes et nous n'avons rencontré partout que des esplanades tantôt de 100 mètres, tantôt de 200 mètres, et enfin de 250 mètres. Pour ne pas nous tromper, nous avons supposé que l'esplanade de la citadelle aurait l'étendue de 250 mètres.
Quand au lieu de dispositions semblables on nous a fait connaître qu'au lieu d'une esplanade, il y avait devant la citadelle un rayon de servitude de 585 mètres, c'est alors seulement que nous avons compris tout ce qu'il y avait de compromettant dans l'existence de cette citadelle et pour moi la surprise et la déception n'ont pas été moins grandes que pour tout le monde, d'autant plus que rien, dans le plan que nous connaissions ne devait me le faire soupçonner. J'arrive ainsi à un argument présenté par l'honorable ministre des finances.
J'ai prouvé au conseil communal que l'existence de la citadelle du Nord était connue ; aux preuves que j'en ai fournies, l'honorable ministre a voulu pousser la démonstration plus loin. Il a dit : Non seulement les Anversois n'ignoraient pas qu'il dût y avoir une citadelle du Nord, mais avant que la loi fût votée, un plan de toutes les fortifications leur avait été fourni.
Eh bien, messieurs, cela est vrai, un plan a été remis à l'administration communale, mais ce plan est fautif et nous a induits en erreur. Je n'ai pas voulu faire usage jusqu'à présent de cet argument, parce que, pour moi, j'exclus toute idée de mauvaise foi, et je le dis d'avance, je ne crois pas qu'on ait cherché à nous tromper, mais toujours est-il que sur le plan qui nous a été remis par le département de la guerre, il existe une erreur.
Je vais dire à la Chambre comment ce plan nous a été remis. Je sollicitais depuis fort longtemps le gouvernement de vouloir bien faire connaître à la ville d'Anvers quelles étaient les dispositions prises pour les fortifications. J'avais quelquefois obtenu la promesse qu'il ferait connaître les plans avant de les présenter à la Chambre.
Enfin, un beau jour, le 25 juin 1859, un délégué du département de la guerre vint chez moi et me remit le plan avec les quelques mots que voici :
« Le ministre de la guerre m'a prié de vous remettre de sa part le plan ci-joint qui indique exactement l'emplacement des forts de la nouvelle enceinte.
« Devant partir à 4 h. 30, il m'est impossible d'attendre votre retour. Je n'ai du reste rien à vous dire concernant le plan ci-joint. J'espère qu'il vous satisfera ainsi que vos honorables concitoyens. »
Je ne savais trop l'usage que je pouvais faire du plan qui m'était arrivé de cette manière ; je mets de la discrétion dans mes démarches et dans mes actes ; et, afin de savoir si ce plan pouvait être communiqué au conseil communal, j'envoyai une demande à M. le ministre de la guerre. L'honorable ministre me répondit par le télégraphe :
« M. Loos, bourgmestre d'Anvers, communiquez le plan au conseil. »
Voilà donc le bourgmestre d'Anvers autorisé à communiquer au conseil communal le plan qui venait de lui être remis par le département de la guerre. Le soir même, le plan fut communiqué ; des conseillers communaux, très désireux d'étudier le système de fortifications qui allait s'exécuter à Anvers, demandèrent qu'une copie du plan fût distribuée à tous les membres du conseil qui en manifesteraient le désir.
J'ai dit que cela pouvait présenter quelques difficultés pour le moment, que j'attendrais que la loi fût votée par la Chambre pour demander à M. le ministre de la guerre s'il n'y avait en définitive aucun changement au plan qui m'avait été remis antérieurement.
M. le ministre de la guerre m'autorisa à m'adresser au colonel commandant du génie à Anvers, pour savoir si aucune modification ne devait être faite au plan.
Voici la lettre que j'écrivis au colonel commandant du génie à Anvers sous la date du 4 octobre 1859 :
« M, le colonel,
« Avant la discussion de la loi sur l'agrandissement d'Anvers, M. le ministre de la guerre a bien voulu nous communiquer le plan général ci-joint.
« Depuis le vote de la loi, le département a arrêté définitivement le plan de cet agrandissement et si nous sommes bien renseignés, ce plan est déposé dans vos bureaux.
« Comme il nous intéresse beaucoup que le seul document que nous possédions à ce sujet, soit parfaitement exact, nous prenons notre recours à votre obligeance habituelle, en vous priant, M. le colonel, de vouloir bien rendre notre plan entièrement conforme au vôtre, et nous le renvoyer ensuite aussi promptement que possible. »
Voici maintenant la réponse que je reçus :
« Messieurs,
« En réponse à votre lettre rappelée en marge et en vous renvoyant le plan qui l'accompagnait, j'ai l'honneur de vous informer qu'après examen, le tracé de la nouvelle enceinte, ainsi que la position des forts du nouveau camp retranché, figurés sur ce plan, sont exacts et que la teinte verte indique bien la surface de terrain à acquérir ou à exproprier.
« Agréez, messieurs, l'assurance de ma parfaite considération.
« Le colonel commandant du génie, (Signé) H. Poswick. »
Je crois avoir pris assez de précautions pour m'assurer que le plan qui m'avait été remis, était exact ; non seulement il m'avait été remis par le département de la guerre, mais il avait même été revu par le colonel, commandant le génie à Anvers.
Voici le plan ; il porte à 200 mètres plus loin la citadelle du Nord ; c'est ce qui explique pourquoi le conseil communal, si soucieux de la sécurité qu'il désirait procurer au commerce, n’a pas élevé plus tôt des réclamations.
Dans la position oh se trouve la citadelle, et en admettant que l'esplanade dût avoir 250 mètres d'étendue, le pied de l'esplanade restait à 500 ou 600 mètres de nos établissements maritimes.
Eh bien, figurez-vous à présent un pâté de 500 à 600 mètres bâtis ou remplis par des maçonneries, et demandez-vous si, dans une pareille situation, nous n'avions pas de motifs, pour être rassurés. Si un pâté de maisons de 500 à 600 mètres de profondeur séparant nos établissements militaires de la citadelle du Nord, ne devait pas nous offrir toute sécurité ; je dis qu'oui, c'est pourquoi je n'ai pas fatigué le gouvernement de réclamations.
A Anvers on devait supposer ce qui existe partout, c'est que du côté de la ville il n'y aurait qu'une esplanade. Quand les citadelles se trouvent rattachées à l'enceinte des villes, il n'y a qu'une esplanade. Nulle part en Europe vous ne trouverez un exemple du contraire.
Il y a des citadelles entourées de servitudes quand elles sont détachées, comme à Gand par exemple.
Eh bien, messieurs, je prétends moi que dans le principe le gouvernement lui-même, le département de la guerre n'a eu d'autre intention que de donner une esplanade à la citadelle du Nord, et il ne me serait pas difficile de vous en convaincre.
Assez tardivement, messieurs, cette idée est venue.
Quand on est arrivé à la nécessité d'agrandir la citadelle, on ne s'est pas dissimulé que les Anversois se plaindraient, si on parlait de 585 mètres de servitude, c'est-à-dire, d'établir devant leurs établissements maritimes une plaine nue, plaine où, en cas de siège, l'ennemi peut faire des travaux d'approche et attirer le feu de la citadelle.
Il faut cependant tâcher de mettre le bon droit de notre côté, s'est-on dit, et l'on a imaginé alors de faire des circulaires, de façon à faire considérer que ce qu'on prétendait établir à Anvers, était une mesure générale appliquée à toutes les citadelles du pays,
On a donc dit que partout le rayon de servitude serait scrupuleusement observé et que, dans ce rayon, on ne permettrait plus de toucher aux constructions.
Qu'est-il arrivé alors ? Des absurdités.
Cette circulaire est arrivée dans les mains du commandant du génie à Tournay et il a immédiatement défendu jusqu'au centre de la ville qu'on fît le moindre travail, qu'on touchât même à un puits.
Quand on s'est aperçu que ces absurdités sautaient aux yeux de tout le monde, on a retiré ou suspendu la mesure en attribuant à un excès de zèle ou à un malentendu les difficultés suscitées à Tournai. C'est qu'en effet les servitudes à Tournai s'étendaient jusqu'à la cathédrale.
On était en train de faire la même chose à Gand qu'à Tournai.
(page 1279) La même chose existait à Anvers pour la citadelle du Sud, mais on n’a pas fait de tentative pour y appliquer les 585 mètres de servitude, car on avait pu juger de l'accueil qui serait fait à la mesure. On serait arrivé au)delà de la place du Spectacle si on avait voulu faire rayonner les 585 mètres de servitude.
Cette circulaire a donc été prise pour les besoins de la cause, je l'ai compris le jour où j'ai entendu un de mes collègues dire ce qu'on exigeait à Tournai.
Je n'ai jamais considéré cette circulaire que comme un moyen de convaincre les Anversois dans le cas où, chez eux aussi, on serait venu demander 553 mètres de servitude à la citadelle du Nord. Ce n'était que l'application de la règle.
Ce sont de ces petits moyens qui finissent, cependant, par se découvrir.
Ainsi, l'honorable ministre des finances, en dehors des preuves que j'avais fournies moi-même au conseil communal pour prouver que nous savions qu'il y avait une citadelle au Nord, est venu porter cette dernière preuve qui, je crois, ne prouve pas à l'avantage du gouvernement.
Je l'ai dit en commençant, je ne suppose pas la mauvaise foi, mais il y a une erreur dont nous sommes victimes.
Cette erreur il n'a pas dépendu de moi de l'éviter puisque j'ai écrit au commandant du génie pour savoir si le plan contenait des inexactitudes.
Mais l'honorable ministre des finances a cité encore un autre fait pour prouver qu'à Anvers on connaissait parfaitement l'étendue de la citadelle du Nord.
On a appelé un délégué de l'administration communale d'Anvers au gouvernement provincial ainsi que les bourgmestres des communes voisines pour examiner le plan des fortifications.
M. le ministre des finances a cité à cette occasion, avec beaucoup de complaisance, quelques bourgmestres qui sont signataires de la pétition : le bourgmestre de Borgerhout, celui de Berchem et un échevin de la ville d'Anvers, M. Vanderlinden.
M. le ministre des finances suppose que toutes ces autorités ont pu étudier l'ensemble du plan des fortifications.
Mais pourquoi étaient-ils là, messieurs ? Ils étaient appelés pour voir si les dispositions prises à l'égard du détournement des cours d'eau, à l'égard des routes, des chemins vicinaux, etc., si ces dispositions étaient convenables. Ils étaient appelés dans quel intérêt ? Dans l'intérêt exclusif de leur commune respective.
Ainsi, on a parlé de l'intervention de l'échevin de la ville d'Anvers ; mais, messieurs, vous avez entendu M. le ministre des finances nous le dire hier, la citadelle du Nord n'est pas située sur le territoire de la ville d'Anvers, mais sur le territoire de la commune d'Austruweel ; on n'a donc rien fait voir à l'échevin de la ville d'Anvers relativement à la citadelle du Nord ; et cela par une excellente raison, c'est qu'elle est située sur une autre commune. C'est donc le bourgmestre d'une petite commune de 300 âmes qui a été chargé d'examiner et de décider si la citadelle projetée serait établie, par rapport à sa commune, dans de bonnes conditions ; et s'il n'avait aucune objection à faire, Anvers devait être satisfaite.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Vous n'avez donc pas entendu la lecture que j'ai faite du procès-verbal de cette réunion ?
M. Loos. - Je vous demande pardon, M. le ministre des finances, si je ne suis pas tout à fait exact quant au discours que vous avez prononcé hier ; ne l'ayant pas trouvé aux Annales parlementaires, non plus que celui de l'honorable M. Devaux, je ne puis que m'en rapporter à ma mémoire. Quoi qu'il en soit, l'échevin d'Anvers assistait à la réunion dont il s'agit pour examiner ce qui concernait les cours d'eau sur le territoire d'Anvers, et rien de plus. On ne lui a donc rien demandé ; et, bien que je ne me rappelle pas exactement les termes du procès-verbal de la réunion, je suis parfaitement convaincu que le délégué de l'administration communale d'Anvers n'a rien dit par rapport à la citadelle du Nord, et cela, je le répète, par la raison toute simple qu'on n'avait rien à lui demander à cet égard.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Voulez-vous me permettre de vous lire de nouveau l'extrait du procès-verbal que j'ai communiqué hier à la Chambre ? Ce procès-verbal est du 6 mai 1861, et une copie nous en a été transmise par dépêche de M. le gouverneur d'Anvers en date du 29 du même mois. Dans ce procès-verbal on lit :
« M. Vanderlinden, échevin de la ville d'Anvers et l'architecte de la ville font remarquer qu'il leur paraît que l'exécution du plan projeté pour la chaussée de Lillo donnerait lieu à de graves inconvénients, attendu que le long de cette route, qui est le passage obligé des charrettes à foin provenant des polders, il y aura des fossés très profonds pour la citadelle du Nord »
« ... A la demande de MM. Moretus et J. Coghels, M. le capitaine Ablay donne des explications détaillées sur les moyens projetés pour l'écoulement des eaux du polder d'Austruweel et de Ferdinand.
« Il explique notamment que le cours du Vosse-Schyn réunira l'avant-fossé de la citadelle du Nord, et débouchera dans l'Escaut par l'une des écluses militaires à établir.
« ... M. Moretus, au nom du polder, qui est l'administration la plus intéressée, déclare que le projet le satisfait complètement. »
D'où il suit que, quoique la citadelle du Nord soit établie sur la commune d'Austruweel, M. Vanderlinden, échevin de la ville d'Anvers et l'architecte de cette ville...
M. Loos.— Voyons, M. le ministre, n'est-il pas vrai que la commission a été instituée uniquement pour s'occuper de la question des cours d'eau, etc. ?
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Mais c'est précisément coque j'ai dit ! J'ai dit que la commission mixte avait été instituée spécialement pour cet objet, mais que, dans cette commission, il avait été question de la citadelle du Nord, que cela a été formellement énoncé et qu'il résulte de l'extrait du procès-verbal que j'ai cité, que l'existence future de cette citadelle n'a soulevé aucune espèce d'objection.
M. Loos. - Je dis que la commission n'avait pas été instituée pour s'occuper de la citadelle du Nord, et qu'elle n'avait pas eu à s'en occuper. Nous sommes donc d'accord sur ce point, et dès lors, l'argument tiré de l'extrait du procès-verbal perd singulièrement de sa valeur.
J'avais compris votre argumentation en ce sens que l'échevin d'Anvers ayant sous les yeux le plan de la citadelle d'Anvers, non pas telle qu'elle figure sur le plan que j'ai été autorisé à communiquer au conseil communal, mais sur le plan militaire, que ce magistrat municipal aurait été appelé à émettre son avis sur ce plan.
S'il en avait été ainsi, je suis convaincu que l'échevin d'Anvers serait venu immédiatement au sein du conseil communal pour déclarer que nous étions induits en erreur ; que nous tenions entre les mains un plan qui n'était pas exact et qu'en définitive la citadelle projetée allait se trouver à 200 mètres plus près de la ville. (Interruption.) Vous aurez beau, MM. les ministres, faire des signes de dénégation. Je vous déclare sur l'honneur que ni moi ni personne au conseil communal d'Anvers nous n'avons connu les conditions dans lesquelles la citadelle du Nord devait être construite.
M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Je demande la parole.
M. Loos. - J'ai combattu devant le conseil l'opinion que sur le plan ne figurait pas la citadelle du Nord. Je n'ai pas voulu que la réclamation reposât sur une équivoque, j'ai dit que sur le plan figurait la citadelle, je n'ai pas voulu qu'on vînt soutenir devant la nation que nous ignorions le projet de construire cette citadelle, parce qu'il était trop facile de nous prouver le contraire, ainsi que je l'ai fait moi-même et que dès lors toute notre argumentation viendrait à tomber.
Nous avons connu la citadelle, mais nous n'avons pas connu les dangers qu'elle présentait pour la ville. Nous n'avons pas connu le rôle qui lui était réservé et les prétentions que devait élever le département de la guerre.
Ensuite, messieurs, comment avons-nous agi quand en définitive il nous a été révélé tout le danger que présentait la citadelle du Nord pour nos établissements commerciaux, quand nous avons reçu la lettre par laquelle le ministre déclare que les servitudes militaires exigeaient une zone de 585 mètres du côté de la ville ; quand nous avons reconnu qu'une partie des établissements maritimes tombait dans les servitudes ? Qu'avons-nous fait alors ? C'est à propos de cela que j'ai dit hier que j'étais obligé de déclarer ce qui s'était passé. Après l'arrivée de cette dépêche, je suis parti pour Bruxelles ; le lendemain j'étais dans le cabinet de M. le ministre de la guerre, je le suppliai de retirer cette dépêche, lui déclarant que si je devais la rendre publique, je mettais le feu aux esprits.
M. le ministre s'est appuyé sur la loi et bien qu'il m'ait écouté pendant plus d'une heure, je n'ai pas pu le convaincre. Rentré très triste, découragé à Anvers, j'étais décidé à communiquer à mes collègues la malheureuse dépêche qui allait mettre le trouble dans la ville d'Anvers.
Cependant j'ai cru que ma tâche n'était pas remplie si je me bornais à cette première démarche ; je suis revenu près du ministre de la guerre, je l'ai supplié de nouveau de retirer sa dépêche, prévoyant le trouble (page 1280) qu'elle jouerait dans la ville, puisqu'elle devait anéantir toute la sécurité qu'on croyait avoir acquise pour les établissements du commerce.
M. le ministre qui, je suppose, avait fait des réflexions depuis ma première visite, m'a dit qu'il pouvait consentir à ce que les servitudes absolues s'arrêtassent au Vorscheschyn et que de là jusqu'à l'extrémité de la zone, il y aurait un terrain de tolérance sur lequel il accorderait l'autorisation de bâtir, sous la condition de démolir en cas d'urgence et de nécessité.
J'ai dit que cela ne suffisait pas, qu'il fallait retirer la dépêche et ne pas exiger des servitudes intérieures ; que la dépense qui résulterait de l'acquisition pour le compte de l'Etat des terrains de l'esplanade était insignifiante et, qu'en définitive, on ne faisait, pour cette citadelle, que ce qui s'est toujours fait pour toutes les citadelles.
Je suppliai le ministre de retirer la dépêche du 5 décembre et d'empêcher ainsi la vive émotion qui ne manquerait pas d'éclater à Anvers si les servitudes intérieures étaient maintenues.
Je dois dire que M. le ministre m'a favorablement écouté, il m'a dit que si cela dépendait de lui, si ses collègues voulaient y consentir, il n'y ferait pas la moindre objection.
Je suis allé voir immédiatement le chef du cabinet, je lui ai fait connaître les démarches que je venais de faire près du ministre de la guerre, et de leur résultat ; je suis allé ensuite près du ministre de l'intérieur, c'était la marche la plus naturelle à suivre, m'adresser au département auquel ressortissent les administrations communales.
J'espère qu'ainsi le gouvernement était suffisamment mis en demeure.
M. le ministre des finances dit que, quant à lui, c'est par les meetings qu'il a appris la réclamation d'Anvers.
Je ne suis pas bien convaincu cependant que je n'ai pas tenté quelque démarche auprès de M. Frère. L'honorable ministre le nie et je commence par dire que je ne suspecte pas sa bonne foi ; je me rappelle qu'un jour un des collègues de M. le ministre des finances me demanda si j'avais parlé à celui-ci, je dus dire que non, et il m'engagea à le faire.
Le lendemain, en sortant de cette Chambre, j'abordai M. Frère sur le trottoir du Parc et je lui parlai de l'objet.
Il me répondit en parlant d'autre chose.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je déclare formellement n'avoir aucun souvenir de la circonstance rapportée par l'honorable M. Loos.
M. Loos. - J'ajoute que je ne suspecte pas la sincérité de l'honorable ministre quand il affirme ne passe rappeler cette circonstance, il peut avoir eu une distraction, mais le fait n'en est pas moins certain. Je lui ai parlé de la réclamation d'Anvers, il m'a répondu en me parlant d'autre chose. Ne voulant pas être indiscret, je n'ai pas insisté. J'ai cru qu'il ne lui convenait pas de me répondre sur cette question, je me suis retiré ; je fis part de cette circonstance à un de mes collègues qui peut attester que mes souvenirs ne me trompent pas en ce moment.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je répète encore une fois que je ne me rappelle rien de semblable ; je n'en ai aucune souvenance.
M. Loos. - Je ne pense pas au surplus que le gouvernement puisse prétexter cause d'ignorance, quand à propos d'une affaire qui concerne directement le ministre de la guerre, il a été parlé à ce haut fonctionnaire d'abord et ensuite au chef du cabinet, ainsi qu'au ministre de l'intérieur.
Il me paraît que cela devait suffire pour qu'aucun membre du cabinet n'en ignorât et que le gouvernement fût bien informé. J'avais prédit ce qui est arrivé, j'avais la conviction que si on connaissait à Anvers les prétentions du ministre de la guerre, que si aux yeux du public et en réalité la sécurité commerciale pour laquelle on avait si longtemps combattu, et qu'on croyait posséder enfin, venait à disparaître par l'effet des prétentions exprimées dans la dépêche ministérielle, la plus grande émotion se produirait à Anvers.
Une commission existait pour réclamer contre les servitudes militaires ; elle remplissait ses fonctions avec modération, on y parlait bien avec vivacité mais cela ne produisait pas dans la population anversoise une agitation bien grande, car enfin la ville d'Anvers était cent fois moins intéressée dans la question des servitudes que les communes environnantes aussi les réclamations étaient-elles surtout soutenues par les habitants de la campagne dont les propriétés étaient atteintes par les nouvelles servitudes.
Je trouve, sur un papier qui est devant moi, une convocation de la commission des servitudes militaires. Elle est ainsi conçue :
« Servitudes militaires. Meeting.
« Habitants de la ville et de la campagne !
« La commission, dans sa séance du 20 courant, a pris la résolution de vous convoquer pour le lundi 10 février, à 3 heures du soir, dans la grande salle de la Cité, afin de vous rendre compte des démarches qu'elle a faites dans le but d'amener le succès de vos réclamations.
« Elle désire, de plus, vous entretenir d'une question qui a surgi depuis notre dernière réunion.
« Le gouvernement a fait connaître qu'une zone militaire sera établie dans l'intérieur de la ville.
« Il entend ainsi grever de servitudes des terrains dont le commerce auversois doit à jamais revendiquer la pleine et entière disposition.
« La ville d'Anvers se trouvant frappée de la même manière que vous, tous ses habitants peuvent donc à ce titre se joindre à nous.
« Mais il y a plus :
« Ces servitudes sont la conséquence de fortifications destinées à défendre la citadelle du côté de la ville.
« Dans ce cas, le tir des canons sera dirigé contre les établissements maritimes et commerciaux d'Anvers et contre les propriétés de ses habitants.
« La ville entière est donc menacée d'une destruction complète.
« Déjà, justement alarmés, un grand nombre d'Anversois comptent faire un appel au public et provoquer la tenue de meetings.
« En présence d'un pareil état de choses, la commission croit que les habitants de la campagne et ceux de la ville doivent, dans le but d'arriver plus efficacement à un résultat satisfaisant pour tous, réunir leurs efforts, suivant en cela notre devise nationale « l'Union fait la force » et faire en sorte qu'une manifestation imposante démontre au gouvernement qu'il est de toute nécessité pour lui de modifier la position que nous fait le nouveau système de défense.
« Réunir nos forces pour parvenir plus sûrement au redressement de nos griefs, voilà la question que vous soumet la commission et qu'elle vous invite à venir débattre lundi prochain, 10 courant.
« Debout, habitants de la ville et de la campagne ! Venez assister au meeting ; car, songez-y bien, il y va du maintien de vos droits de propriété garantis par la Constitution ! Il y va de l'existence de notre ville î
« Le président, C.-F. d'Hane de Steenhuyse.
Les secrétaires : J. Van Hissenhoven. C. Lambrechts. A. Geelhand.
« Anvers, 31 janvier 1862. »
Vous voyez bien, messieurs, que si cette malheureuse question des servitudes intérieures n'était pas née, toute l'agitation que nous déplorons n'aurait pas eu lieu. La citadelle se serait achevée sans qu'il fût venu à l'idée de personne à Anvers de réclamer.
Quand, en 1858, on examinait la question de la grande enceinte, il existait alors aussi une commission qu'on appelait la commission de la grande enceinte. Dans le sein de cette commission, il s'est trouvé deux membres qui, en voyant qu'il y avait une citadelle, ont protesté et cela n'a eu aucun retentissement.
Je prétends que si cette question des servitudes intérieures n'était pas venue se mêler à la question des servitudes extérieures qui se débattait, Anvers eût été affranchi de toute agitation ; nous n'aurions pas eu à déplorer toutes les conséquentes que cela peut encore amener.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Je demande la parole,
M. Loos. - La convocation dont je viens de donner lecture était pour le 10 février ; l'avant-veille, le conseil communal entier chargeait son collège de faire une dernière démarche auprès du gouvernement.
Alors déjà, du reste, la dépêche était connue. Le conseil communal adressa à l'honorable ministre de l'intérieur une lettre que vous trouverez comme annexe à la pétition imprimée.
Dans cette lettre, l'administration faisait connaître de nouveau ses doléances, les appréhensions que les prétentions de M. le ministre de la guerre faisaient naître à Anvers et le suppliait d'intervenir pour qu'on ne maintînt pas les prétentions qu'on avait élevées.
Cette requête était conçue dans les termes les plus pressants. Elle resta sans réponse.
Dans les circonstances où l'on se trouvait, l'honorable ministre de l'intérieur a cru pouvoir se dispenser de répondre. Il ne pouvait, du reste, le faire qu'après le meeting qui avait lieu le 10.
Mais, dit l'honorable ministre des finances, nous n'avons jamais fait de démarche officielle qu'auprès de la Chambre. Pour affirmer chose pareille, il faut ne pas avoir lu les dépêches qui ont été adressées au gouvernement avant qu'il fût question de meetings.
Ainsi, le 22 novembre, le collège échevinal adressa des réclamations k M. le ministre de la guerre dans les termes suivants :
(page 1281) « Si nous cherchons à nous rendre compte du projet en question, d'après les termes de la communication du 6 septembre dernier, nous trouvons, M. le ministre, que les servitudes militaires s'étendraient, non seulement jusqu'au pied de nos établissements maritimes, mais engloberaient même une partie de ces établissements.
« Un pareil état de choses, qui ne permettrait pas même l'achèvement des constructions dament autorisées par le gouvernement, pour lesquelles notre ville a fait d'énormes sacrifices dont le pays entier doit recueillir les fruits, viendrait paralyser tout développement du commerce et de la navigation, et frapper de stérilité et de mort des terrains qui sont destinés à devenir le quartier le plus vivace et le plus animé de la ville agrandie.
« Des batteries dirigées contre la ville constituent toujours une menace de destruction, et cette menace sera une cause permanente d'inquiétude, qui doit comprimer fatalement le développement commercial du port d'Anvers.
« Nous insistons vivement pour qu'on épargne un pareil sort à la métropole du commerce.
«Nous n'avons jamais pu ni dû nous attendre à des servitudes militaires à établir à l'intérieur de la ville... Il n'a dû entrer dans la pensée de personne qu'on aurait voulu créer ici ce qui n'existe dans aucune de places fortes de l'Europe, à savoir des servitudes militaires à l'intérieur de la ville, au-delà de l'esplanade, surtout dans une localité où le commerce, l'artère vitale de la prospérité d'un pays, a besoin de pouvoir se développer et d'élever à cet effet des hangars et toutes sortes de constructions librement et sans entraves.
« S'il devait en être ainsi, M. le ministre, nous ne pourrions rester impassibles devant l'accomplissement d'une mesure qui porterait en elle le germe de la décadence de notre port ; notre devoir nous commanderait de protester de toutes nos forces et de chercher, par tous les moyens possibles, à éviter une pareille fatalité.
« Nous aimons à croire encore que nous nous exagérons le mal ; que nos appréhensions, sous ce rapport, ne sont réellement pas fondées.
« Pour faire disparaître ces inquiétudes, nous venons vous prier, M. le ministre, de vouloir bien nous faire savoir, le plus tôt possible, ce que nous avons, en réalité, à craindre ou à espérer. »
Messieurs, cette démarche de la part du collège échevinal d'Anvers porte la date du 22 novembre dernier. Ainsi vient à tomber cette assertion de M. le ministre des finances qui prétendait que jamais l'administration communale ou aucun corps quelconque ne s'était adressé au gouvernement et que l'on s'était adressé immédiatement à la Chambre.
Je serais au regret si c'était à un vice de forme que nous devions attribuer l'abstention du gouvernement et la perte de notre cause, et si moi, placé à la tête de l'administration, j'y avais contribué. Non, nous avons cru devoir entretenir d'abord le gouvernement de nos griefs. Si nous n'étions pas écoutés, il nous restait, comme à tout citoyen, le recours à la représentation nationale, C'est ce qui a eu lieu.
Je n'ai pu m'empêcher hier d'interrompre lorsque j'ai entendu M. le ministre des finances dire qu'en définitive Anvers n'était pas en droit de réclamer contre la citadelle du Nord, celle-ci ne se trouvant pas sur notre commune ; c'est, en effet, dans la commune d'Austruweel qu'est située cette importante forteresse.
Ce n'est pas sérieusement, je crois, qu'un pareil argument a pu nous être opposé.
Ainsi, on établit autour d'Anvers des forts contre lesquels on ne réclame pas et qui portent la défense a- dehors. Si nous faisions des observations sur la situation de ces forts, on nous dirait aussi : Vous n'avez rien à y voir ; ce n'est pas dans votre commune que ces travaux se font. Cela n'est réellement pas sérieux, surtout alors que nos établissements se trouvent en partie sur le terrain d'une autre commune, et doivent s'étendre un jour sur ceux de la commune d'Austruweel.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Ce n'est pas ce que j'ai voulu dire.
M. Loos. - Si nos établissements maritimes s'étendent sur la commune d'Austruweel, ils tombent dans l'enceinte de la ville, et vous avez l’air de dire que parce que cela s'appelle Austruweel et pas Anvers, nous ne sommes pas fondés à réclamer.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je n'ai pas dit cela ; j'ai dit qu'on ne pouvait appeler cela une servitude intérieure.
M. Loos. - Cette partie de la commune d'Austruweel va-t-elle tomber dans la ville ?
Elle est comprise dans l'enceinte. Vous allez prétendre qu'elle continuera à s'appeler Austruweel et que dès lors elle ne fera pas partie d'Anvers,
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - J'ai répondu à vos réclamations contre les prétendues servitudes intérieures,
M. Loos. - Eh bien, quand l'enceinte sera faite, ne sera-ce pas une servitude intérieure ? Vous aviez d'abord présenté la petite enceinte, et vous n'avez fait la grande enceinte que pour permettre à la ville d'Anvers de s'étendre, et aujourd'hui vous viendrez dire : Ce n'est pas Anvers, c'est une partie de la commune d'Austruweel. Messieurs, je ne m'étendrai pas sur ce point ; je n'aime pas à enfoncer les portes ouvertes.
Messieurs, lorsque la population d'Anvers a finalement connu quels étaient les projets du département de la guerre, s'est-on d'abord porté à des prétentions exagérées ? Non, on a demandé que les fronts qui regardent la ville fussent démolis, on a demandé qu'il n'y eût pas de servitudes intérieures. Je ne sais pas ce qui arrivera, mais la défense d'Anvers serait-elle considérablement affaiblie si les fronts qui regardent la ville ne se trouvaient pas dans les conditions déterminées par les plans ?
Sérieusement je ne le crois pas, parce que la plupart des citadelles se trouvent dans les conditions que nous réclamons. Je ne le pense pas, parce que M. le ministre de la guerre a déjà déclaré que les fronts qui regardent la ville ne seront pas casemates, qu'il ne pourra jamais y avoir du côté de la ville que des feux de mousqueterie.
Eh bien, si l'on veut ne pouvoir recourir qu'à des feux de mousqueterie, évidemment nos établissements maritimes n'auraient rien à craindre s'ils sont séparés de la citadelle par 300 ou 400 mètres de constructions .
Si on s'est agité à Auvers, c'est parce le département de la guerre n'a pas voulu faire en temps utile les concessions qu'il pouvait faire sans préjudice aucun, il doit le reconnaître, pour la défense d'Anvers. L'honorable ministre de la guerre a consenti à ce qu'il n'y eût que 250 mètres de servitude, que reste-t-il à faire ? Il reste à acquérir les terrains.
Eh bien, en présence des dépenses que l'on fait, est-ce une chose si exorbitante ?
Il s'agissait de savoir si on aurait dépensé 250,000 ou 300,000 francs. M. le ministre de la guerre a fait le calcul ; il n'en a pas été plus effrayé que moi et m'a dit. Si mes collègues veulent cela, je ne m'y oppose pas.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Est-ce là toute la question ?
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Ce n'est donc plus qu'une question d'intérêt privé !
M. Loos. - Non, ce n'est plus toute la question. Mais quand j'ai fait connaître à M. le ministre de la guerre quel serait l'effet de sa dépêche du 5 décembre, si alors cette concession avait été faite, je ne crois pas qu'on aurait rien réclamé par rapport à la citadelle.
Quant à moi, messieurs, je crois avoir rempli mon devoir non seulement envers la ville d'Anvers mais envers le pays, en faisant connaître au gouvernement le moyen qu'il possédait pour empêcher de faire naître l'inquiétude et l'agitation de la population anversoise, et en le sollicitant de la manière la plus vive de mettre ce moyen en pratique et de sauvegarder ainsi la sécurité de la seule grande place de commerce que possède la Belgique.
MgC. - Messieurs, je n'ai pas l'intention de prolonger ce débat ; cependant, j'éprouve le besoin de donner à mon tour quelques explications et de redresser certaines erreurs.
L'honorable M. Loos s'est plaint de l'inexactitude du plan qui a été communiqué à la ville d'Anvers.
Je ne crois pas, messieurs, que cette inexactitude ait pu induire en erreur l'administration communale et la population d'Anvers. Vous allez en juger,
La loi relative aux fortifications était à peine votée, que j'ai envoyé k M. le gouverneur de la province d'Anvers les plans terriers des biens à exproprier, afin qu'ils fussent soumis à l'inspection des communes et des intéressés.
Le plan terrier de la citadelle du Nord est un des premiers qui aient été déposés.
Or ce plan, qui est à une grande échelle, et le seul qui ait un caractère véritablement authentique, n'a subi aucune modification,
II indique la position réelle de la citadelle du Nord ; je l’ai fait revenir d'Anvers et je puis le faire passer sous vos yeux.
Quant au plan d'ensemble qui a été remis de ma part à l'honorable M. Loos par un officier du génie, il n'est pas étonnant qu'il s'y soit glissé des inexactitudes.
On désirait à Anvers un plan qui permît de juger de l'ensemble des travaux.
Pour satisfaire à ce désir, on a, à défaut de plan disponible, rapporté (page 1282) sur un plan du commerce, d'une très petite échelle, le tracé général des ouvrages.
Or, tout le monde sait que les plans du commerce n'ont pas une exactitude rigoureuse. C'est pour remédier à leur insuffisance que le département de la guerre fait lever régulièrement la carte du pays, et vous avez dernièrement voté, messieurs, un million pour ce travail qui exigera plusieurs années.
Si l'on tient compte et de l'inexactitude du plan et de la précipitation avec laquelle les dessinateurs devaient travailler à cette époque, on comprendra qu'une erreur ait pu se glisser dans la confection d'un document qui n'était fourni qu'à titre de renseignement, et qui ne devait nullement servir pour les expropriations ou pour l'exécution des ouvrages.
Or que, sur un pareil plan, la citadelle se trouve à 100 ou 200 mètres plus près ou plus loin, quelle importance pourrait-on y attacher ? (Interruption.)
Il ne faudrait pas, messieurs, avoir la plus petite idée des choses militaires pour croire qu'il suffirait de reculer ou de rapprocher la citadelle de 100 ou 200 mètres pour rassurer ou pour inquiéter le commerce.
Je répète que sur le plan authentique qui a été envoyé au gouverneur de la province et qui a servi de base aux expropriations, l'emplacement de la citadelle est indiqué très exactement.
Or, en présence de ce plan officiel l'erreur qui peut exister dans le plan d'ensemble qui a été communiqué officieusement, n'a pas la gravité qu'on lui attribue.
On objecte qu'on a ignoré le rôle de la citadelle ; qu'on n'a pas su qu'elle dût exercer des servitudes du côté de la ville.
Voici, messieurs, comment les choses se sont passées.
Lorsque les terrassements delà citadelle du Nord commençaient à se dessiner, le commandant du génie d'Anvers a demandé s'il ne fallait pas rappeler à la population les dispositions légales relatives aux servitudes militaires.
J'ai saisi cette circonstance pour faire publier de nouveau ces dispositions dans toutes les places fortes du pays, et c'est ensuite de mes instructions que le commandant du génie a adressé à l'honorable bourgmestre d'Anvers la lettre dont on vient de vous donner connaissance.
Il résulte de cette lettre que j'ai fait à la ville d'Anvers une concession des plus importantes.
J'ai déclaré :
1° Que la défense absolue de bâtir, qui s'étend jusqu'à 585 mètres aux termes de la loi, ne s'exercerait que sur les terrains compris entra la citadelle et le Vosseschyn.
2° Qu'en deçà de ce ruisseau, c'est-à-dire du côté de la ville, il serait loisible d'élever des constructions particulières ; mais à condition d'en soumettre les plans au département de la guerre et de ne réclamer aucune indemnité dans le cas où la démolition en serait ordonnée pour la défense de la place.
Ces instructions étaient basées sur les avis des avocats du département de la guerre.
Voici ce que M. le bourgmestre d'Anvers répondit au commandant du génie à Anvers, sous la date du 13 septembre 1861 :
« Monsieur le Commandant,
« Par votre lettre du 6 de ce mois n°34645, vous nous engagez à porter à la connaissance de nos administrés les deux mesures suivantes arrêtées par M. le ministre de la guerre :
« 1° Toute espèce de construction, élévation et excavation est formellement défendue dans tout le terrain compris entre la citadelle du Nord et le cours actuel du Vosseschyn
« 2° Il ne pourra être fait, sans autorisation préalable du département de la guerre, aucune construction, élévation et excavation sur le terrain compris entre le cours actuel du Vosseschyn et une ligne tracée du côté de la ville d'Anvers à 585 mètres de l'extrémité des glacis les plus avancés de la citadelle du Nord. »
« Nous avons l'honneur de vous faire observer, M. le colonel, en ce qui concerne la première mesure, que tout le terrain que vous nous indique est situé sur le territoire de la commune d'Austruweel, sur lequel nous n'avons aucun acte d'autorité à exercer.
« Quant à la seconde disposition, avant d'y donner suite et sans rien préjuger, à cet égard, nous désirerions avoir sous les yeux un croquis ou plan indiquant exactement les glacis de la citadelle du Nord, ainsi que les terrains qui seraient compris dans la zone de 583 mètres. Nous pourrions ainsi mieux nous rendre compte de la portée de ces nouvelles dispositions. .
« Ce qui nous intéresse directement au suprême degré, vu le voisinage de nos importants établissements maritimes du Kattendyck qui vont recevoir un nouveau développement.
« Veuillez, M. le commandant, nous adresser ce plan, et agréer avec nos remerciements anticipés l'assurance de notre parfaite considération.
« (Suivent les signatures). »
M. Loos. - II s'agissait de faire publier à Anvers et dans toutes les communes les servitudes qui leur étaient imposées.
Or, nous ne pouvions pas, et nous ne pouvons pas encore exercer d'autorité sur Austruweel.
M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Je ne conteste pas ce que vous dites, je reconnais que votre autorité ne s'étend pas sur Austruweel ; mais je lis votre lettre pour prouver que nous avons fait savoir qu'il y avait des servitudes militaires du côté de la ville et que le terrain où elles sont maintenues en fait dépend de la commune d'Austruweel, et non d'Anvers.
Je tiens à établir que j'ai spontanément déclaré que la zone de servitude ne s'étendrait que jusqu'au Vosseschyn ; et qu'en faisant cette concession, je n'ai cédé à aucune pression ni même à une simple sollicitation.
Je demande à l'honorable M. Loos si tout cela n'est pas exact, et si je n'ai pas accueilli avec empressement toutes les demandes de la ville qui étaient susceptibles d'être prises en considération.
Dans l'intérêt d'Anvers, nous avons fait 14 portes d'entrée au lieu de 8 ; nous avons nommé des commissions pour rechercher les meilleurs tracés à suivre pour le détournement des routes et des eaux ; enfin, nous avons été au-devant des vœux de la ville autant que nous l'avons pu.
Quoi qu'il en soit, l'honorable M. Loos m'a écrit que le maintien d'une zone de servitudes, même restreinte, produisait à Anvers une grande émotion.
Ayant atteint la limite des concessions que, de l'aveu des hommes de loi, je pouvais faire, j'ai dû répondre de nouveau à l'honorable membre que l'interdiction absolue de bâtir ne s'étendait que jusqu'au Vosseschyn ; et que j'examinerais avec la plus grande sollicitude toutes les demandes d'autorisation de bâtir dans le restant de la zone réservée, qui me seraient adressées.
C'est à la suite de cette information que le conseil communal d'Anvers a déclaré qu'il correspondrait avec M. le ministre de l'intérieur.
Depuis, l'honorable M. Loos est venu me trouver et m'a dit : « On peut faire cesser toute agitation ; il ne s'agit que d'acheter l'esplanade. »
M. Loos. - Ce que vous dites est exact, mais vous faites une confusion de dates.
Nous avons d'abord reçu de la part du commandant du génie à Anvers la lettre que vous avez citée ; nous vous avons écrit ; vous nous avez répondu ; vous nous avez dit que la servitude s'étendait d'après la loi à 585 mètres, que la servitude serait absolue jusqu'au Vorschenschyn et que dans le reste on ne pourrait bâtir qu'à la condition de démolir, en cas de nécessité, sans pouvoir réclamer une indemnité.
Mais démolir sans indemnité, qui auriez-vous pu engager à bâtir dans de semblables conditions ?
M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - J'admets tout ce que dit l'honorable M. Loos ; nous sommes parfaitement d'accord.
Je lui ai donc déclaré qu'il y avait défense absolue de bâtir jusqu'au Vosseschyn, et qu'à partir de ce cours d'eau, l'autorisation de bâtir ne pouvait être que conditionnelle. L'honorable M. Loos me répondit que le seul moyen de satisfaire la ville d'Anvers, c'était d'acheter le terrain compris entre la citadelle et le Vosseschyn.
Je fis observer à M. Loos que je n'avais pas le droit de conclure un tel arrangement ; que je devais en parler à mes collègues, et j'ajoutai que si la Chambre était disposée à faire une nouvelle dépense de 250,000 à 300,000 francs, pour l'acquisition d'une esplanade, je ne m'y opposerais pas.
J'ai reçu plus tard une députation d'Anvers, à laquelle j'ai donné toutes les explications désirables.
Les honorables personnes qui la composaient ont paru se rendre compte de ma position et nous sommes convenus que l'échange d'explications se ferait par écrit.
Ensuite de cet accord, l'honorable M. Loos m'adressa une lettre dont je vais, messieurs, vous donner lecture :
« Monsieur,
« Une grande agitation règne en ce moment à Anvers ; les esprits sont surtout préoccupés de la construction de la citadelle d'Austruweel ; des travaux qui s'y exécutent et qu'on prétend avoir pour objet d'établir du côté de la ville des batteries qui nécessitent la création d'une zone de (page 1283) servitudes à l'intérieur de la place et qui s'étendrait même sur une partie des établissements maritimes existants et en voie de construction.
« Le conseil communal s'est le premier ému de l'établissement de ces servitudes intérieures auxquelles il devait d'autant moins s'attendre qu'avant de commencer la construction de ses bassins, du Kattendyk, il en avait soumis les plans à votre département et en avait obtenu l'approbation. Le conseil communal a donc cru devoir protester contre l'établissement de ces servitudes, et dans une requête adressée à M. le ministre de l'intérieur, il prétend que rien, dans les lois existantes, n'autorisait le département de la guerre à les décréter.
« La chambre de commerce s'est alarmée aussi des travaux qui s'exécutent contre la ville et après délibération a décidé d'adresser une requête à M. le ministre des affaires étrangères, pour le supplier d'intervenir, afin d'obtenir la démolition des travaux qui menacent les établissements maritimes.
« D'un autre côté la population d'Anvers signe en ce moment une requête au conseil communal, afin de l'engager à appuyer la demande de la chambre de commerce et à faire tout ce qui pourra dépendre de lui pour obtenir la satisfaction indiquée, c'est-à-dire la démolition des travaux contre la ville. Cette pétition, qui sera revêtue de plusieurs milliers de signatures, sera produite demain à la séance du conseil communal.
« Vous le voyez, M. le ministre, à tort ou à raison la population tout entière croit que les travaux qui s'exécutent à la citadelle menacent la fortune commerciale d'Anvers et peuvent, au jour du danger, occasionner la destruction de tous les établissements maritimes, dont une partis tombant dans la zone des servitudes, serait ainsi entièrement découverte du côté de la citadelle.
« J'ignore jusqu'à présent, M. le ministre, si en réalité les travaux qu'on exécute à la citadelle du Nord sont de nature à menacer la ville, si des batteries et des canons doivent être établis de ce côté.
« Le conseil communal ne peut manquer de s'associer à la démarche de la chambre de commerce, à moins que je ne sois mis à même de calmer l'inquiétude dont les esprits sont frappés, et qu'à cet effet je puisse fournir des arguments ou des explications qu'il serait capable d'apprécier.
« D'après les plans qui lui ont été fournis dans le temps, la citadelle du Nord devait se trouver à plus de 200 mètres plus éloignée des établissements maritimes, et l'on n'avait aucun motif de croire qu'elle pourrait donner lieu à des servitudes militaires du côté de la ville.
« Dans une pareille situation, un grand espace devait séparer les établissements militaires des établissements maritimes, et cet espace, pouvant être bâti, devait dans tous les cas abriter plus ou moins les bassins et les magasins de commerce. La population anversoise se dit, d'ailleurs, qu'il n'aurait servi à rien de reculer son ancienne enceinte, afin d'éloigner les dangers de la guerre, si d'un autre côté un établissement militaire, dernier abri de la défense, pouvait donner lieu à des désastres plus grands encore que ceux contre lesquels on aurait pris tant de peines à garantir la métropole commerciale.
« Il me serait extrêmement agréable, M. le ministre, de recevoir d'ici à demain une communication du gouvernement qui me permettrait de calmer les inquiétudes du conseil et qui pourrait le porter à s'abstenir de demandes ultérieures. C'est mon vœu le plus cher.
« Croyez, M. le ministre, à mes sentiments les plus distingués. »
Telle est la lettre que j'ai reçue de l'honorable M. Loos le 27 févriers, au soir, le jour même de ma conférence avec la députation d'Anvers. J'y ai répondu le lendemain, 28, par la lettre suivante :
« M. le Bourgmestre,
« Je m'empresse de satisfaire à votre désir en vous adressant des explications qui vous permettent de calmer les inquiétudes du conseil communal d'Anvers.
« Ces inquiétudes et l'agitation qu'a provoquée la question des servitudes et des fronts intérieurs delà citadelle du Nord, n'ont aucune raison d'être.
« Le rayon des servitudes de la nouvelle citadelle du Nord se confond à l'intérieur avec celui de l'ancien fort du Nord, et il laisse au-dehors tous les établissements maritimes d'Anvers.
« Ces établissements tombent, au contraire, entièrement dans le rayon réservé de l'enceinte actuelle, dont la démolition est garantie par la loi du 8 septembre 1859, décrétant l'agrandissement général d'Anvers. Cette loi constitue par conséquent un bienfait pour le commerce et pour la population.
« S'il pouvait y avoir le moindre doute sur ce point, je vous rappellerais, M. le bourgmestre, les manifestations unanimes qui ont eu lieu à Anvers pour obtenir la présentation et le vote de cette loi, aujourd'hui si mal appréciée par une partie de vos concitoyens.
« Vous dites, M. le bourgmestre, que le conseil communal d'Anvers conteste la légalité des servitudes intérieures ; je ne saurais admettre les raisons qu'il invoque à l'appui de sa thèse, parce qu'elles sont contraires aux termes et à l'esprit de la loi.
« Le recours aux tribunaux supérieurs est le moyen légal de vider cette question, et je désire vivement que les intéressés en fassent usage.
« Quant à la démolition des fronts intérieurs des deux citadelles, demandée par la chambre de commerce et par quelques habitants signataires d'une pétition dont vous me signalez l'existence, cette demande est complètement inadmissible et je manquerais gravement à mes devoirs si je ne la combattais pas.
« En effet, la démolition des fronts intérieurs des deux citadelles équivaudrait à la suppression totale de ces citadelles. Or tous les hommes spéciaux sont d'avis que la défense d'une aussi grande enceinte que celle d'Anvers exige impérieusement qu'il y ait en arrière de cette enceinte des points d'appui inexpugnables, sous la protection desquels la garnison puisse se retirer dans certaines circonstances. Ces points d'appui constituent le réduit de la position ; s'ils n'existaient pas, la place d'Anvers perdrait de son importance, et par suite le danger augmenterait, car plus la position sera forte, moins il est à craindre qu'elle soit attaquée. C'est une vérité sur laquelle j'ai souvent insisté et dont l'importance ne saurait être méconnue.
« On semble craindre, à Anvers, que les citadelles puissent devenir une cause de ruine pour les établissements du commerce. Ces craintes ne seraient fondées que si l'on supposait les citadelles entre les mains d'un général ennemi obéissant à des sentiments qui ne sont plus de notre époque.
« Or, cette supposition n'est pas admissible, et, le fût-elle, il ne faudrait y attacher aucune importance, puisque le général ennemi qui serait maître de l'enceinte ou seulement de l'espace qui la sépare des forts, pourrait établir autant de batteries qu'il jugerait nécessaire pour détruire les établissements maritimes d'Anvers, s'il ne craignait pas d'accepter la responsabilité d'un acte aussi odieux et que les usages de la guerre moderne condamnent.
« Il est évident qu'un général belge, s'il avait à maintenir quelque temps sa position dans les deux citadelles, dirigerait la défense de manière à respecter ce qui fait la richesse et la prospérité d'Anvers. Ce serait faire injure au bon sens et au patriotisme de nos officiers que de les supposer animés de sentiments contraires !
« Il n'est donc pas exact que la construction de la citadelle du Nord soit une menace pour la ville. Les fronts intérieurs ne sont pas pourvus de batteries casematées, et ils ne servent qu'à garantir la garnison contre une attaque de vive force.
« Pour les besoins de sa défense, il suffit que la zone intérieure ait l'étendue qui convient au tir de la mousqueterie (environ 250 mètres).
« Reste la question du déplacement de la citadelle du Nord.
« Vous prétendez, M. le bourgmestre, que cette citadelle est plus rapprochée des établissements maritimes que ne l'était celle du plan primitif. Je suppose que le plan auquel vous faites allusion est un croquis imparfait publié, sans caractère officiel, par un établissement privé. La vérité est que la citadelle n'a pas été déplacée et en voici la preuve :
« La loi qui décrète les nouvelles fortifications d'Anvers est du 8 septembre 1859 ; or, dès le 26 du même mois, on a exposé, à l'hôtel du gouvernement provincial le plan terrier d'après lequel les travaux de la citadelle ont été tracés et exécutés.
« Aucune modification n'a été apportée à ces plans, ainsi que vous pourrez vous en assurer.
« J'aime à espérer, M. le bourgmestre, que ces explications franches et catégoriques vous permettront d'établir devant le conseil communal que les craintes de vos administrés n'ont aucun fondement ; que jamais les enfants du pays, préposés à la défense d'Anvers, ne causeront la ruine de notre métropole commerciale ; que l'ennemi, s'il avait la coupable pensée de détruire les bassins et leurs nombreuses dépendances, n'aurait pas besoin de s'établir dans les deux citadelles pour consommer cet attentat contre la fortune de toutes les nations ; que la grande portée des armes nouvelles lui permettrait d'atteindre ce but des points les plus éloignés de l'enceinte et même de l'extérieur après l'abandon du camp retranché ; que les citadelles sont nécessaires pour assurer la bonne défense de l'enceinte et que, si on les démolissait, il serait indispensable de conserver l'enceinte actuelle comme réduit de la position ; enfin que, me trouvant en présence du texte formel d'une loi qu'il est de mon devoir de faire respecter, je ne puis de mon autorité privée(page 1284) supprimer la zone des servitudes à l'intérieur de la nouvelle citadelle du Nord.
« J'ajouterai toutefois que si, par un projet de loi spécial, on proposait de réduire cette zone intérieure jusqu'au Vossche-Schyn (situé à 250 mètres environ de la citadelle), je me rallierais volontiers à cette proposition raisonnable, de nature à concilier les intérêts du commerce avec ceux de la défense nationale que mon devoir m'ordonne de défendre avec constance et fermeté.
« Veuillez, M. le bourgmestre, communiquer cette lettre au conseil communal et, au besoin, la rendre publique.
« Agréez, je vous prie, l'expression de mes sentiments les plus distingués.
« Le ministre de la guerre, « (Signé) Baron Chazal. »
Après les explications que j'ai données et la lecture des documents que je viens de faire, j'espère, messieurs, que vous reconnaîtrez que je n'ai reculé devant aucun moyen de conciliation, et que, s'il y a eu de l'agitation à Anvers, le gouvernement et le ministre de la guerre en particulier n'en sont responsables à aucun titre.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Messieurs, la Chambre voudra bien me permettre d'apporter, à mon tour, quelques explications dans ces débats déjà assez longs, mais qui, je l'espère, touchent à leur fin.
J'ai, messieurs, gardé le silence au sein de la Chambre depuis l'ouverture de cette discussion ; la qualité de représentant d'Anvers me plaçait dans une position spéciale, non pas que, ministre ou simple représentant, je me sois jamais cru dans l'obligation de céder à toutes les exigences de l'opinion de mes commettants. J'ai toujours pensé que le devoir du représentant était de savoir résister aux exigences exagérées de ses commettants ; qu'il y avait lieu pour lui, avant de s'y soumettre, de les examiner et de les débattre.
Je crois, messieurs, que dans les prétentions qui ont été mises successivement en avant par la ville d'Anvers ou par une fraction notable de ses habitants, il y a eu de grandes exagérations, des exagérations telles, que la cause même d’Anvers en a notablement souffert. Mais parce qu'on a été exagéré, parce qu'on a été excessif dans la manifestation de ses opinions, ce n'est pas à dire, messieurs, que le gouvernement, que la Chambre ne doivent pas agir avec impartialité, avec bienveillance devant une ville aussi importante et aussi intéressante que la ville d'Anvers, et c'est aussi, messieurs ce que le gouvernement a fait à toutes les époques et notamment à l'occasion de ces grands travaux de défense militaire qui n'ont été en définitive que la réalisation complète des vœux exprimés par la population anversoise.
II y a déjà, messieurs, assez longtemps que la ville d'Anvers se plaignait de ses fortifications, de sa vieille enceinte qui l'opprimait, qui l’étouffait, qui ne lui permettait pas de s'épancher au-dehors alors que la vie anversoise s'y portait.
De là, messieurs, la première idée de démolir les vieilles fortifications pour y substituer un équivalent qui permît à la ville d'Anvers de s'épanouir et de se développer suivant les progrès de sa population et de sa richesse.
J'eus l'avantage de pouvoir défendre le projet d'agrandissement général d'Anvers au sein d'une section centrale, alors qu'un projet d’agrandissement partiel avait été proposé en 1856.
Ce projet à cette époque resta sans résultat.
En 1858, nous eûmes la bonne fortune, moi représentant d'Anvers, de venir proposer à la Chambre un projet de premier agrandissement présenté comme un commencement de l'agrandissement général et sous ce rapport, messieurs, pour ne pas perdre le temps de la Chambre à des justifications plus ou moins inutiles, je me borne à citer un passage du discours de l'honorable générai Goblet qui était alors rapporteur de la section centrale :
« Le gouvernement, disait-il, a déclaré à plusieurs reprises que l'adoption de ce projet n'excluait pas la réalisation de l'agrandissement général dans un avenir peu éloigné. »
Et en effet l'agrandissement partiel en 1858, c'était dans l'intention formelle du gouvernement, le commencement de l'agrandissement général.
Mais cela ne suffit pas alors, et la ville d'Anvers peut sous ce rapport se montrer reconnaissante à l'égard de son honorable bourgmestre M. Loos.
Il faut le dire, c'est particulièrement à l'énergie persévérante, infatigable de l'honorable M. Loos et de ses collègues que l'on doit d'avoir obtenu de la Chambre, quoi ? Le rejet de notre proposition qui engageait le trésor public pour une somme de 20 millions et mes honorables collègues d'Anvers eurent ce bonheur insigne que la Chambre, belge s'associât, par le rejet de l'enceinte partielle, à la grande enceinte qui devait entraîner pour le pays une dépense de 49 millions.
Eh bien, messieurs, la grande enceinte ayant toujours été dans les vues et dans les vœux du gouvernement, particulièrement dans les vues et dans les vœux du ministre qui a l'honneur de parler devant vous en ce moment, nous fûmes heureux en 1835 de venir présenter à la Chambre un projet comprenant l'agrandissement général d'Anvers, ce qu'on a appelé le projet de la grande enceinte, entraînant pour le pays une dépense de près de 50 millions, dépense devant laquelle, je n'hésite pas à le dire, nous avons reculé en 1858, et à laquelle nous n'osions pas espérer que le pays eût donné d'un seul coup son assentiment.
Voilà cependant, messieurs, ce qui fut obtenu en 1835, aux acclamations unanimes d'Anvers reconnaissante.
Je crois même qu'à cette époque on accusa le ministre de l'intérieur d'alors d'avoir sacrifié le trésor public à l'intérêt de sa popularité ou de sa réélection au sein de la ville d'Anvers.
M. Allard. - C'est vrai, on l'a dit.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Voilà donc Anvers en possession de ce bonheur inouï, de cet avantage inespéré ; et maintenant il faut que ce grand travail national, qui fera l'honneur de la Belgique nouvelle, il faut que ce travail disparaisse, parce que quelques esprits passionnés, parce que quelques hommes, effrayés de bonne foi ou de mauvaise foi, ont jeté l'anathème sur ce travail.
On ne veut plus de fortifications à Anvers ; il faut que tout cela disparaisse sous un souffle funeste qui n'aura pas cette puissance qu'on aurait voulu, l'autre jour, pouvoir lui attribuer.
On dit : Mais vous calomniez les Anversois, et c'est à moi, messieurs, qu'on adresse ce reproche, nous ne demandons pas, dit-on, la disparition de la grande enceinte ; c'est nous faire injure que de nous attribuer une pareille opinion ; nous voulons tout simplement la démolition de deux citadelles.
Eh bien, cette prétention même est tout à fait nouvelle ; elle est incroyable ; jamais elle n'avait été mise en avant que dans ces derniers temps, que dans ces derniers jours.
Lorsqu'on a proposé en 1859 la grande enceinte, qui est-ce qui a demandé la démolition de la citadelle du Sud ; qui en a parlé, qui seulement y a songé ?
Lorsqu'on a décrété cette grande enceinte, s'appuyant d'un côté sur la. citadelle du Sud, et de l'autre côté sur une citadelle au Nord, qui est-ce qui a demandé que cette citadelle du Nord ne fît point partie de la grande enceinte ?
On savait cependant bien alors qu'il y avait à la fois une citadelle du Nord et une citadelle du Sud. Que la citadelle du Nord dût se trouver à 200 mètres plus près ou plus loin des nouveaux bassins d'Anvers, là n'était pas la question, la citadelle du Nord, contre laquelle on proteste aujourd'hui, faisait partie de la grande enceinte qu'on avait accueillie avec acclamation.
Je vais aller très loin dans mes concessions : j'admets qu'on peut s'être trompé à cette époque, qu'on a pu être aveugle et qu'on n'ait pas aperçu alors ces conséquences fatales que l'on attribue à la citadelle du Nord ; j'admets que l'opinion publique dans ses variations, et elles ont été fréquentes à Anvers, abatte aujourd'hui ce qu'elle élevait hier, condamne aujourd'hui ce qu'elle exaltait hier.
L'opinion modérée dira qu'elle demande non pas qu'on abatte les citadelles, mais qu'on examine s'il y a lieu de les abolir ; qu'on ouvre une enquête sur le point de savoir s'il y a lieu oui ou non de maintenir les deux citadelles.
Je n'ai pas besoin de dire, messieurs, qu'une pareille proposition, je n'ai pas songé une seule minute à y donner mon adhésion ; je la combats de la manière la plus absolue, mais je la suppose adoptée, je suppose la demande d'enquête accueillie.
Cette enquête durera sans doute quelque temps ; une enquête approfondie sur une question aussi importante durera bien au moins six mois et peut-être un an,
- Plusieurs voix. - Oh ! oh !
ML de Gottal. - Combien de temps la commission des 27 a-t-elle fonctionné ?
M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Soit ! J'accorde que l'enquête dure un mois ; on suspendra donc les travaux pendant un mois, bien que je ne croie nullement qu'un mois puisse suffire.
Mais je vais plus loin ; la commission d'enquête déclare qu'il y a lieu de supprimer les deux citadelles et on les supprime ; voilà Anvers probablement au comble de la joie ; voilà la sécurité rendue à la cité commerciale.
(page 1285) Mais en quoi la sécurité d'Anvers sera-t-elle accrue lorsque les deux citadelles auront disparu ?
Comment le fleuve, d'abord, sera-t-il garanti contre l'entrée d'une flotte ennemie lorsque la citadelle du Nord aura disparu ; en quoi le bombardement d'Anvers, par le fleuve, sera-t-il rendu plus difficile par la disparition de la citadelle du Nord, dont la principale destination est précisément de protéger le fleuve contre l'entrée d'une flotte ennemie ?
Quoi qu'il en soit, admettons la suppression des citadelles.
Mais il reste encore la grande enceinte ; vous ne voulez pas, je suppose, abattre la grande enceinte.
M. Allard. - Cela viendra.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Je n'en sais rien ; je m'arrête pour le moment aux idées les plus modérées ; abattre tout, c'est un autre système, mais enfin on ne va pas jusque-là, on admet que la grande enceinte sera maintenue ; du moins, je le suppose.
Je m'en réfère aux pétitions qui ont été adressées à la Chambre, pétition du conseil communal, démolition des deux citadelles ; pétition de la chambre de commerce, démolition des deux citadelles ; pétition d'un grand nombre d'habitants, démolition des fronts armés des citadelles. Nulle pétition ne demande la suppression de toutes les fortifications.
Donc, la grande enceinte est maintenue ; or, en dedans de cette grande enceinte et grâce à elle la ville d'Anvers va continuer de se développer magnifiquement ; de telle sorte, qu'avant 20 ans, le plus beau et le plus riche quartier de cette ville se trouvera dans la section dite aujourd'hui extra muros. L'ennemi s'approche d'Anvers ; il a d'abord à s'emparer de tous les forts détachés ; il s'empare des forts détachés. Il arrive près de la grande enceinte ; je suppose et j'espère que la grande enceinte sera défendue par un chef énergique qui opposera une vigoureuse résistance à l'ennemi. Que fera l'armée ennemie ? Elle bombardera la grande enceinte.
M. de Gottal. - On a dit que cela coûterait trop cher.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Si vous voulez plaisanter, je le veux bien, car la question a aussi des côtés risibles.
M. de Gottal. - C'est une plaisanterie si vous considérez comme tel un argument produit au Sénat, par votre collègue, M. le ministre de la guerre.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Eh bien, si vous admettez cela, de quoi donc avez-vous peur ? Si vous croyez que par économie, on ne bombardera pas, de quoi vous plaignez-vous et quelle est votre crainte ?
Maintenant, messieurs, je raisonne ; je me place au point de vue des pétitionnaires et je dis que par la suppression des deux citadelles, ils n'auront pas abrité la ville d'Anvers contre les éventualités d'un bombardement.
En me plaçant dans l'hypothèse la plus favorable à ceux qui demandent un changement à l'état de choses actuel, en supposant que la commission d'enquête se prononce pour la suppression des citadelles et qu'il existe un gouvernement assez complaisant, assez oublieux de ses devoirs, pour passer par une pareille extrémité, la ville d'Anvers n'aurait rien gagné du côté de la sécurité, par la suppression des citadelles. Cela me paraît d'une telle évidence que je me dispenserai d'insister.
Messieurs, j'ai dit que le gouvernement, tout en résistant à des prétentions excessives, et sans tenir aucun compte des attaques violentes dont il est l'objet, se faisait un devoir d'examiner avec impartialité, avec bienveillance, tout ce qu'il pourrait y avoir de fondé dans les réclamations des habitants d'Anvers.
D'après la lecture qui vient d'être donnée d'une lettre du ministre de la guerre en date du 28 février 1862, et d'après les déclarations de M. Loos lui-même, nous voyons qu'une large satisfaction avait été donnée aux griefs les plus sérieux de la ville d'Anvers en ce qui concerne la citadelle du Nord.
En effet, quelle est l'origine de tout ce mouvement ? La déclaration des servitudes de la citadelle du Nord vers l'intérieur de la ville. Le ministre de la guerre avait d'abord réclamé une zone de 585 mètres.
Quand cette réclamation parvint au conseil communal, elle y causa, dit-on, une espèce de stupéfaction, mais quand le ministre fit savoir qu'il pourrait restreindre cette zone à 250 mètres, la stupéfaction aurait dû cesser.
Cette déclaration faite de prime abord a été répétée d'une manière explicite par le ministre dans la lettre du 28 février. Il restera à proposer une loi qui permette de restreindre à 250 mètres la zone des servitudes intérieures.
Il est un autre grief qu'il m'est impossible de comprendre ; tout aurait été pour le mieux, paraît-il, si avec cette zone de 250 mètres, le gouvernement avait acheté le terrain nécessaire à l'esplanade de la citadelle, mais en supposant cette acquisition faite, en quoi les bassins pour lesquels on redoute un bombardement auraient-ils été plus protégés ? Que les terrains de l'esplanade appartiennent au gouvernement ou à des particuliers, qu'est-ce que cela fait aux bassins ? Je demande ce que leur sécurité y gagne ?
Si c'est là-dessus que l'agitation s'est produite, elle ne repose sur rien : sur ce point même le gouvernement ne s’est pas prononcé ; mais qu'on me permette de le dire, que M. le bourgmestre veuille bien le croire, le gouvernement serait venu déclarer qu'il achète le terrain de l'esplanade, cette déclaration n'aurait pas donné satisfaction à ceux qui dans Anvers veulent être mécontents à tout prix.
A Dieu ne plaise que je veuille m'associer à tous ces reproches qui ont été adressés aux habitants d'Anvers. Je les connais depuis longtemps, je les ai longtemps administrés, toujours j'ai défendu les habitants d'Anvers contre le reproche qu'on est assez tenté, dans le pays et dans cette Chambre, d'adresser à leur caractère.
Il est très souvent arrivé dans nos discussions que le mot « égoïsme » fût prononcé à l'occasion de ce qu'on réclamait au nom des intérêts d'Anvers.
Je crois que la ville d'Anvers, si elle a un défaut, c'est précisément le défaut contraire à ce qu'on appelle égoïsme.
Non la ville d'Anvers n'est pas égoïste ; elle est enthousiaste, impressionnable, cédant facilement à un premier mouvement. Qu'on ne l'oublie pas, les premiers mouvements de la ville d'Anvers en diverses circonstances ont été des mouvements très généreux. Il y a à peine un an, Anvers offrait une splendide hospitalité à tous les artistes, à tous les hommes de lettres de l'Europe ; chaque habitant s'associait généreusement à cette grande hospitalité.
Une population comme celle d'Anvers mérite d'être traitée avec quelques égards.
Quelques années auparavant... (Interruption.) Je dis une chose nouvelle, qu'on n'a pas encore dite à la Chambre, une chose nouvelle et une chose vraie.
A une autre époque, Anvers a donné le signal d'un mouvement très généreux en faveur des populations des Flandres. Quand ces malheureuses populations souffraient de la misère et de la faim, les habitants d'Anvers se mirent à la tête d'une souscription qui s'étendit de ville en ville dans toutes les provinces.
A une autre époque encore, Anvers prenait l'initiative d'un grand acte qui restera dans ses annales et qui était digne de celui à qui il était consacré.
C'est, messieurs, avec une peine profonde que du sein de ces meetings, où j'admets d'ailleurs certaines violences de langage, c'est avec une peine profonde que nous avons entendu retentir certains cris sauvages qui auraient dû être immédiatement étouffés sous l'indignation publique.
Mais ces cris ne répondaient pas aux vrais sentiments de la ville d'Anvers. Cette ville avait compris tout ce qu'il y avait de reconnaissance dans le pays pour le chef vénérable qui nous a donné récemment de si cruelles inquiétudes. Elle a résolu d'élever une statue au Roi aux frais des habitants. Cette statue a reçu sa place et cette place est bien méritée : c'est au sein de la nouvelle ville, au sein de la grande enceinte, à l'abri de la grande enceinte, que les Anversois ont résolu d'élever une statue au premier Roi des Belges. Et quand la plaçait-t-on au sein de la grande enceinte ? C'était, messieurs, avant l'invasion de toutes ces vaines frayeurs d'aujourd'hui : c'était pour rendre hommage à l'acte important que le Roi avait posé en dotant la ville de ce grand bienfait.
Enfin, messieurs, car je tiens à défendre Anvers dans les circonstances où, malgré moi, je suis obligé d'infliger un blâme à quelques excès qui se sont manifestés dans les meetings ; en 1860, c'est aussi du sein du conseil provincial d'Anvers qu'est parti le premier cri de ralliement au trône, à la dynastie. C'est le conseil provincial d'Anvers qui a donné aux autres conseils le signal à la suite duquel nous avons vu se grouper autour du Roi tous les conseils provinciaux du royaume.
Voilà des faits qui parlent d'eux-mêmes, qui prouvent qu'on n'obéit pas au sein de cette cité à des sentiments d'étroit égoïsme, qu'on s'y laisse entraîner par de plus nobles et de plus généreux sentiments.
Ce sont là les vrais sentiments de la ville d'Anvers, et quant à moi, je ne puis pas admettre pour cette ville ce reproche, qui, il faut le dire, s'appliquerait avec autant de raison à toutes les autres localités du pays, alors qu'elles défendraient avec un peu d'énergie ce qu'elles croient être leur intérêt particulier. Sous ce rapport, toutes les localités du royaume sont animées des mêmes sentiments et pourraient être accusées du même égoïsme. Chacun se montre très opiniâtre à défendre ce que, à tort ou à droit, il croit être son intérêt.
(page 1286) Messieurs, en disant cela, il m'est impossible de m'associer aux frayeurs qui se produisent aujourd’hui au sein de la ville d'Anvers. Il m'est impossible de m'associer à ces démonstrations qui ne peuvent avoir qu'un résultat : ce serait de chasser d'Anvers la sécurité qui jusqu'ici y a régné.
A entendre parler de bombardement, de meurtres, de pillages, de dévastations, de bassons comblés, de flottes brûlées, si le commerce étranger n’avait pas plus de sang-froid que le commerce d'Anvers, s'il pouvait prendre un moment au sérieux de pareilles frayeurs, il ne viendrait plus dans Anvers, il n'approcherait pas d'un pareil enfer, il éviterait avec soin de risquer ses richesses, au sein d'un port ainsi menacé.
Mais on ne croit pas au-dehors d'Anvers à de pareils dangers et je ne puis penser que la population sérieuse et calme d'Anvers y croie elle-même.
Je suis convaincu que d'ici à peu de temps tout se calmera. La tranquillité renaîtra dans les esprits. Jamais le gouvernement ne s'est refusé et ne refusera à faire droit aux griefs particuliers, s'il y en a de fondés.
J'espère donc que le calme renaîtra à Anvers et qu'à ces perspectives si sombres, qu'à ces frayeurs, à ces manifestations que nous voyons aujourd'hui se diriger contre de prétendus dangers, succéderont d'autres sentiments ; que l'on verra Anvers tel qu'Anvers est, tel qu'il sera dans l'avenir, non pas, messieurs, Anvers ruiné, dévasté, brûlé, bombardé, saccagé, mais Anvers ville grande, belle, puissante, une des plus belles, une des plus grandes, une des plus puissantes cités de l'Europe.
Voilà sous quel aspect Anvers doit se présenter aux regards, et l'on peut prédire avec beaucoup plus de sûreté la grandeur d'Anvers que sa décadence.
Tout pousse à la prospérité d'Anvers. Il est impossible, pour ainsi dire, qu'Anvers, dans l'avenir, ne prenne pas un développement qui sera pour le pays une nouvelle source de richesse et de gloire.
Voilà, messieurs, le vrai destin d'Anvers. Voilà vers quelles perspectives les imaginations doivent se porter. Arrière donc toutes ces vaines frayeurs ! Arrière toutes ces récriminations ! Ayez confiance dans l'avenir ! Ayez confiance dans votre position ! Ayez confiance dans l'affranchissement de votre fleuve, dans vos entrepôts libres, dans les chemins de fer et dans les canaux qui vont aboutir à votre port.
Tournez vers le commerce cette énergie que vous dépensez aujourd'hui d'une manière si misérable et en pure perte. Associez-vous, non pas pour vous livrer des récriminations contre le gouvernement, mais associez-vous pour donner à votre commerce plus de développements, pour introduire dans vos habitudes commerciales l'énergie qui leur manque aujourd'hui.
Alors vous présenterez un spectacle qui vous relèvera aux yeux de la Belgique. Alors toutes les sympathies vous seront accordées. Alors tous les efforts seconderont les vôtres. Mais aujourd'hui, dans la position que vous avez prise, vous resterez isolés, vous compromettrez l'influence d'Anvers.
Dans de telles conditions je ne pourrai m'associer aux démonstrations qui ont eu lieu, ni aux propositions qui en sont la suite.
- Plusieurs membres. - Aux voix !
M. B. Dumortier. - Si la Chambre désire clore, je renoncerai à la parole, mais je dois faire une réserve sur le principe émis encore dans cette discussion au sujet des servitudes intérieures.
Je ne reconnais pas que la loi donne au gouvernement le droit d'étendre les servitudes intérieures.
- La clôture est demandée.
M. de Gottal (contre la clôture). - Je crois, messieurs, que nous ne pouvons pas encore terminer ce débat : de nouveaux arguments ont été produits contre les réclamations d'Anvers, je crois qu'il est utile qu'on puisse y répondre, Si la Chambre, cependant, vote la clôture, je croirai avoir rempli mon devoir en protestant. Je demande la parole dans la discussion.
M. de Brouckere. - Puisqu'un honorable député d'Anvers demande à parler, il faut lui accorder la parole.
- La clôture est mise aux voix ; elle n'est pas prononcée.
M. B. Dumortier. - Messieurs, je ne m'attendais pas à prendre la parole dans cette discussion et je dirai à la Chambre le motif pour lequel je désirais garder le silence.
Lorsqu'il fut question du projet de loi sur les fortifications d’Anvers, j'ai cru que le système de grande enceinte proposé par le gouvernement était mauvais et dangereux pour le pays et plus que jamais je demeure convaincu par tout ce qui se passe, que j'étais dans le vrai.
Aujourd'hui des réclamations très vives, une opposition très grande est née à Anvers, au sujet de ces fortifications ; eh bien, messieurs, il me semble que dans un pareil état de choses, il est de notre devoir à nous, qui avons combattu la loi, de laisser ceux qui l'ont votée se disputer entre eux et faire ce qu'ils croient le plus utile pour sortir de la position où ils se sont placés.
Voilà, messieurs, le motif pour lequel je voulais m'abstenir.
Mais une parole prononcée hier par M. le ministre des finances et répétée aujourd'hui par M. le ministre de la guerre, ne me permet pas de garder le silence.
D'après ces honorables ministres.la loi sur les servitudes militaires aurait son effet à l'intérieur des villes, comme à l'extérieur.
Eh bien, je dis qu'il faut ne tenir aucun compte ni de la loi ni de l'interprétation qu'elle a reçue depuis qu'elle a été faite, depuis 60 ans, pour soutenir une pareille thèse.
Je dis plus, je dis que ce système qui a ému toutes nos villes où il existe des citadelles, n'a tiré son origine que d'une seule chose, c'est qu'on a voulu économiser 250,000 fr. à Anvers, c'est pour obtenir cette économie de 250,000 fr. qu'on a torturé le sens de la loi, qu'on a donné à la loi une interprétation qu'elle repousse, une interprétation qu'elle n'a jamais eue même en France, où la loi a été faite.
Et qu'on ne vienne pas dire que nous n'avons pas, nous, Chambre des représentais, le droit d'examiner la loi.
Je dis que nous sommes ici, avant tout, pour voir si le ministère exécute les lois comme elles doivent être exécutées. Comment ! le ministère aurait le droit d'interpréter la loi comme il l'entend, d'en fausser le sens, et nous n'aurions pas le droit de dire au gouvernement : Vous interprétez mal la loi !
Si un pareil système pouvait être admis par la Chambre ce serait une abdication. Il n'y aurait plus de représentation nationale.
Non, messieurs, les servitudes intérieures n'existent pas ; lorsque le gouvernement crée une citadelle à côté d'une ville le front qui regarde la ville n'a pas de zone de servitude, et si le gouvernement veut y créer une zone de servitude il doit faire ce qu'on a toujours fait, ce qu'a fait Louis XIV quand il a établi la citadelle de Tournai, il doit acquérir les terrains qu'il veut frapper de servitude.
Maintenant, messieurs, je conçois parfaitement toute l'émotion que ressent la ville d'Anvers. Cette émotion vient, avant tout, de la citadelle du Nord. On a établi au Nord une vaste citadelle qui aura, si je suis bien informé, une contenance de 135 hectares, c'est-à-dire l'importance d'une ville moyenne. Eh bien, cette citadelle n'est attaquable que du côté de la ville, de sorte que quand une troupe quelconque sera réfugiée dans cette citadelle, c'est par l'intérieur de la ville qu'on l'attaquera, et alors la ville et tous ses établissements seront menacés.
Ici, messieurs, je me pose deux questions. D'abord est-il de l'intérêt du pays que les populations de la ville où l'on entend abriter le drapeau national lorsque la patrie serait en danger, est-il de l'intérêt du pays que ces populations soient tenues dans un état d'incertitude et de mécontentement qui ne permet pas le développement de leur énergie et de leur patriotisme ? Je me borne, messieurs, à poser cette question, vous y répondrez comme vous le voudrez.
Je pose cette deuxième question : On agite tout le pays, et surtout la ville d'Anvers pour cette citadelle du Nord, qui doit avoir 135 hectares.
Je me demande maintenant si cette citadelle que vous voulez créer vaut le mécontentement, l'agitation, l'irritation qui régnaient à Anvers ; je dis qu'elle ne les vaut pas. Le motif de cette conclusion est excessivement simple : cette citadelle de 135 hectares, située dans les terrains les plus bas des environs d'Anvers, est inhabitable ; personne ne pourrait y vivre peu de jours sans être atteint de la fièvre des polders, et par une conséquence nécessaire sans être frappé de mort presque immédiate.
Je suppose que les fortifications autour de la citadelle occuperont 35 hectares, et qu'il restera 100 hectares de plat terrain.
On a dit dans une autre enceinte, et le fait n'a pas été démenti, parce qu'il est exact, que ce terrain doit être relevé de 5 mètres pour le rendre habitable par la garnison et pour qu'elles n'aient pas à craindre la fièvre des polders, et la mort presque immédiate qui en est la conséquence.
Or, combien de mètres cubes faudrait-il pour rendre la citadelle habitable ? Un hectare contient 10 mille mètres, ce qui, à 3 mètres pour rehausser le terrain, fait cinquante mille mètres cubes par hectare et cinq millions de mètres cubes de terre pour rendre la citadelle habitable.
Il faudrait donc pour cela 5 millions de mètres cubes. Vous ne saurez les trouver, puisque vous êtes dans les polders. Vous ne pouvez donc pas créer cette citadelle, puisqu'il serait impossible de vous y établir
Voilà une observation qui me paraît excessivement grave ; que (page 1287) M. le ministre de la guerre commence par constater la possibilité de vivre dans la grande citadelle d'Anvers, je vrai disposé alors à en reconnaître l'utilité.
Je le répète, la citadelle qu'on veut créer ne vaut pas à beaucoup près l'anxiété extrême, l'angoisse et l'agitation qui règnent à Anvers.
Il vaut mieux conserver à cette population son antique et vieux patriotisme, il vaut mieux ne pas inquiéter son commerce, ne pas l'exposer à des désastres futurs, que de créer un jouet qui, en résumé, serait un objet complètement inutile, lorsqu'il s'agirait de la défense nationale.
Messieurs, voilà le peu de mots que je voulais dire dans ce débat. J'appelle sur ce point l'attention la plus sérieuse de M. le ministre de la guerre.
Je le prie d'examiner bien à fond cette question. Un fait incontestable, c'est qu'il y a à Anvers une irritation extrême, je désire bien vivement que les brillants discours que nous avons entendus puissent calmer cette agitation ; je doute cependant que cela suffise ; il faudrait faire une concession à propos, afin de faire rentrer tout le monde dans le calme d'où il eût été désirable qu'on ne fût pas sorti.
Puisque j'ai la parole, je dirai quelques mots pour prendre la défense de mon honorable ami M. Coomans, qui a été vivement attaqué dans la séance d'hier. Je ne partage pas, dans cette affaire, les opinions de mon honorable ami, il le sait ; mais je ne puis admettre qu'un homme qui est animé à un si haut degré des sentiments d'honneur, de probité politique et de patriotisme ; qu'un homme dont la vie entière estime réponse aux accusations dont il a été l'objet ; je ne puis pas admettre que cet homme-là puisse être taxé de manquer de loyauté dans ce qu'il dit dans cette enceinte.
Je me fais fort, moi, de son honneur, de sa loyauté ; sa loyauté, sa probité politique, son patriotisme sont connus du pays entier ; ils n'ont pas besoin ici de défenseur, ils se défendent assez par eux-mêmes.
Mais ceux qui accusent mon honorable ami devraient commencer par rester eux-mêmes dans la rigoureuse exactitude des faits. Ainsi quand hier M. le ministre des finances qui accusait mon honorable ami en termes si verts et si crus de ne pas respecter la loyauté, nous montrait les plans sur lesquels la citadelle d'Anvers était tracée, il disait qu'un premier plan avait été distribué à tous les membres de la Chambre ; qu'un second plan l'avait été également ; or, mes honorables collègues sur ces bancs et moi nous voyions ces plans pour la première fois.
La création de la citadelle du Nord a été pour nous tous, comme pour Anvers, pendant très longtemps un mythe...
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Allons donc !
M. B. Dumortier. - Un plan nous a été remis à nous tous en même temps que le premier projet de loi ; le voici ; sur ce plan il n'y a pas d'apparence de citadelle du Nord à Anvers ; au contraire, on y maintient le fort du Nord dans toute son intégrité.
Que plus tard le gouvernement ait eu l'intention de créer une citadelle qu'il ait parlé de ce projet dans les sections, c'est possible, mais vous savez ce que sont ces communications fugitives faites dans les sections. Pour nous, je dois le dire, nous n'avons pas eu connaissance de cette grande création d'une citadelle du Nord à Anvers.
Je sais que dans la discussion on a parlé plusieurs fois d'un refuge ; mais qui de nous a pu penser qu'en parlant d'un refuge, on entendît parler d'une grande citadelle ?
Lors donc qu'on est venu prétendre que nous avions eu connaissance des plans où figurait la citadelle du Nord, que ces plans nous avaient été distribués, je dis que cela n'est pas exact ; que nous n'avons pas eu d'autre plan que celui que je tiens ici en mains ; que sur ce plan il n'y a pas d'apparence de citadelle du Nord ; et quand on vient émettre devant la Chambre des assertions qui ne sont pas d'une exacte vérité, on a doublement tort d'accuser mon honorable ami de manquer de loyauté.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, j'ai dit hier qu'immédiatement après le rejet du projet de loi que le gouvernement avait soumis à la Chambre en 1858, on avait fait imprimer, distribuer et répandre à profusion une brochure accompagnée de plans. Cette brochure a paru le 5 octobre 1858 ; je l'ai reçue ainsi que plusieurs de mes honorables collègues également ; j'ai même ici la lettre d'envoi formulée par les auteurs de ce projet.
Cette lettre est ainsi conçue :
« Anvers, le 20 décembre 1858.
« M. le ministre,
« Nous avons l'honneur de vous prier de vouloir bien accepter un exemplaire de notre projet d'agrandissement général d'Anvers. En arrêtant définitivement ce projet dans tous ses détails, nous avons tenu compte des critiques fondées, tout en combattant les critiques exagérées ou non fondées.
« Ce travail de révision, fait consciencieusement, aura pour résultat, nous l'espérons du moins, de convaincre le public que l'agrandissement général d'Anvers répond à tous les besoins, tant militaires que civils.
«.Loin de craindre que la discussion nous donne un démenti sur ce point, nous appelons de tous nos vœux le moment où une enquête large et impartiale fixera la valeur de notre projet comparativement aux autres.
« Agréez, etc.
« (Signé) P. Kellcr et Ci. »
Des compléments de ces projets ont été également adressés à des membres de la Chambre.
M. B. Dumortier. - Au ministère.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - A des membres de la Chambre.
Je ne puis contrôler si tous ont reçu ou n'ont pas reçu, mais je n'ai pas soupçonné une exception ou un privilège.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Moi j'ai reçu.
M. Orts. - Et moi aussi.
- Un membre. - Moi, je n'ai rien reçu.
- D'autres membres. - Nous aussi nous les avons reçus.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - J'entends quelques-uns des membre sc trouvent près de moi déclarer qu'ils ont reçu ces pièces.
Le 4 mars 1859, le complément de ces plans m'a également été adressé par une lettre dont voici la teneur ;
« Anvers, le 4 mars 1859.
« Monsieur le ministre,
« Nous avons l'honneur de vous adresser un exemplaire du complément de notre travail sur l'agrandissement d'Anvers.
« Ce travail complète et termine les études auxquelles nous venons de nous livrer, avec l'assistance de quelques hommes spéciaux, pour justifier notre projet d'agrandissement général, approuvé du reste, en principe, par le gouvernement, depuis 1856.
« Agréez, etc.
« (Signé) P. Keller et Cie. »
Eh bien, messieurs, ces plans, ces projets répandus à profusion portent l'indication formelle et positive de la citadelle du Nord, et le mémoire qui y est joint en contient la justification la plus complète, et répond à toutes les objections faites aujourd'hui contre l'établissement des citadelles.
M. H. Dumortier. - Je demande la parole.
- Plusieurs membres. - A demain !
M. le président. - La parole est à M. Joseph Lebeau.
M. J. Lebeau. - Si l'on veut lever la séance, je retiens mon tour de parole pour demain.
M. le président. - La Chambre désire-t-elle la remise à demain ?
- Plusieurs membres. - Non, la clôture !
M. J. Lebeau. - Je suis prêt à renoncer à la parole si l'on veut prononcer la clôture. Je ne voudrais pas assumer la responsabilité d'une prolongation exagérée de la discussion.
M. Allard. - Qu'on laisse parler les représentants d'Anvers.
M. le président. - Si l'on n'a pas clos tout à l'heure, ce n'est pas pour laisser parler les Anversois. M. Lebeau est inscrit ; il faut qu'il ait la parole à son tour.
M. de Brouckere. - Messieurs, il y a quelques minutes nous étions au moment de clore la discussion ; la majorité semblait être dans cette intention, lorsque les membres de la députation d'Anvers ont réclamé la parole.
L'honorable M. de Gottal a même déclaré que si l'on prononçait la clôture de la discussion il protesterait.
J'ai demandé la parole alors et j'ai fait remarquer à la Chambre qu'elle aurait tort de fermer la discussion alors qu'un député d'Anvers demandait à répondre au dernier orateur qui avait parlé.
M. H. Dumortier. - C'est juste.
M. de Brouckere. - Mais, dans ma pensée, il eût été convenable de donner immédiatement la parole, bien entendu si les orateurs inscrits y consentaient, à un député d'Anvers pour répondre au ministre qui avait parlé.
Je demande encore en ce moment que la Chambre consente à ce que M. le président donne la parole à un député d'Anvers ; après cela je crois que nous pourrions clore la discussion. '
M. le président. - M. Lebeau, consentez-vous à céder votre tour de parole ?
M. J. Lebeau. - Je déclare qu'en faisant toute réserve quant à mon droit, je n'insiste pas.
(page 1288) Les raisons de convenance que vient de présenter l'honorable M. de Brouckere me paraissent concluantes, et je renonce pour le moment à la parole.
M. de Boe. - Messieurs, l'heure avancée et l'attitude de l'assemblée, impatiente d'en finir, m'imposent le devoir d'être bref.
Quoique les discours prononcés dans cette séance fournissent de nouveaux aliments à la discussion, je ne rentrerai pas dans le fond du débat.
J'ai, du reste, développé assez longuement, dans le rapport que j'ai fait à la Chambre, les principales considérations que j'ai cru devoir invoquer en faveur des réclamations d'Anvers. Je me bornerai à insister en faveur de l'adoption de la proposition que mes honorables collègues et moi nous avons eu l'honneur de soumettre à la Chambre.
Un mot seulement de rectification relativement à l'incident que vient de soulever M. le ministre des finances.
Je n'ai reçu ni le plan, ni la brochure publiée par M. Keller au mois d'octobre 1858.
Ce n'est même que récemment que j'en ai eu connaissance. Si ces plans n'ont pas été envoyés aux députés d'Anvers, ils n'ont pu, à bien plus forte raison, être connus de la population anversoise.
Messieurs, nous vous proposons de renvoyer les pétitions à MM. les ministres de la guerre et de l'intérieur, en exprimant le vœu que le gouvernement soumette la question des citadelles à un nouvel examen, et qu'il confie cet examen à une commission mixte, dans laquelle la Chambre serait représentée par plusieurs de ses membres.
Le gouvernement repousse le renvoi formulé de cette sorte. Je ne puis considérer ni comme fondées ni comme sérieuses les objections qu'il nous fait. M. le ministre de la guerre hier, M. le ministre des affaires étrangères aujourd'hui, ont argué du temps considérable qu'il faudrait à la commission d'enquête pour terminer son travail.
Je sais que la lenteur est depuis un certain temps à l'ordre du jour des corps délibérants ; mais j'ai la conviction que si la commission peut suivre les précédents de la commission instituée en 1851, pour examiner l'établissement militaire du pays, il lui faudra à peine un mois pour terminer son travail. La commission dont je viens de parler passa en revue tous les éléments de notre organisation militaire, et ce vaste examen lui prit à peine quelques mois.
Le département de la guerre n'a pas hésité, à cette époque, à demander le concours de la législature. La commission, composée de 20 membres environ, ne comptait pas moins de 10 représentants et sénateurs.
Il y a à peine un mois, M. le ministre de la guerre conviait les membres de la Chambre à se rendre à Anvers, à visiter les travaux de la citadelle du Nord : j'ai supposé que cette proposition était sérieuse, qu'on y expliquerait à ceux qui se rendraient à cette invitation, le but de la citadelle, le rôle qu'elle doit jouer en cas de siège de la place.
C'est alors que l'idée nous est venue de provoquer la nomination d'une j commission d'enquête mixte.
M. le ministre des finances a critiqué notre proposition quant à la forme et quant au fond.
Demandez, dit-il, une enquête parlementaire ?
Il y a quelques années, la Chambre a ordonné une enquête de ce genre sur les élections de Louvain. Tout le monde se rappelle les grandes difficultés que nous avons eu à vaincre pour son organisation. Il s'agissait de questions pour l'examen desquelles la Chambre est compétente et qu'elle peut résoudre sans le concours d'hommes spéciaux.
Il s'agit aujourd'hui de faire enquête sur des questions militaires et techniques, dont il serait impossible d'obtenir la solution par une enquête exclusivement parlementaire. Nous n'avons pas, du reste, de loi organique des enquêtes. En 1859, on a pensé qu'il fallait une loi spéciale qui nous donnât les pouvoirs nécessaires pour assigner les témoins, les forcer à déposer, qui nous permît de les assigner devant la justice répressive en cas de refus ou de faux témoignage. Une loi serait encore nécessaire aujourd'hui, c'est-à-dire que, pour organiser l'enquête, il nous faudrait le concours des trois branches du pouvoir législatif.
Or si le gouvernement repousse la proposition de nommer une commission mixte, à bien plus forte raison refusera-t-il de signer un projet de loi tendant à donner à une commission purement parlementaire les moyens d'agir.
Le gouvernement s'appuie sur l'autorité de la chose décidée, il invoque la nécessité de maintenir et d'exécuter une loi à peine votée. Les lois ne sont pas immuables ; notre principal rôle consiste à modifier les lois existantes. Les inconvénients d'une législation nouvelle n'apparaissent généralement au jour que lorsqu'elle a reçu un commencement d'exécution. Cela est vrai de tous les travaux publics et surtout des travaux publics militaires. Depuis dix ans, il n'est rien qui fasse plus de progrès, qui subisse plus des modifications que tout ce qui est relatif à l'attaque et à la défense. Les inventions américaines ont un moment ébranlé la foi du gouvernement anglais dans la valeur des travaux qu'il fait exécuter en vertu d'une loi dont la date est aussi récente que celle qui a décrété l'agrandissement d'Anvers.
La Chambre et le gouvernement peuvent donc sans s'amoindrir modifier le plan des travaux d'Anvers. Du reste nous n'en sommes pas là. Nous n'avons pas soumis à la Chambre une proposition tendante à la démolition des citadelles. Nous avons demandé un examen nouveau ; nous avons demandé que l'on cherche à sauvegarder les intérêts civils et commerciaux. Cette proposition peut être votée par tous, même par ceux qui ne voudraient pas de la démolition des citadelles, mais qui penseraient qu'il y a lieu de faire des concessions à la population anversoise.
Nous regrettons que le gouvernement ne se rallie pas à des vœux très modérés, et nous persistons à soumettre notre proposition au vote de la Chambre.
- Plusieurs membres. - La clôture ! la clôture !
M. H. Dumortier. - Je demande la parole pour une explication.
- Plusieurs voix. - La clôture !
M. Allard. - Assez ! assez !
M. H. Dumortier. - Nous sommes depuis longtemps habitués ici à la tolérance libérale de M. Allard ; on ne peut plus dire ici trois mots qui peuvent déplaire à un ministre ou l'on est certain d'être interrompu par l'honorable membre.
M. le président. - M. Dumortier, vous avez demandé la parole et vous êtes inscrit ; mais il est d'autres membres qui sont inscrits avant vous et auxquels je devrais d'abord accorder la parole, si la clôture n'était pas prononcée.
M. H. Dumortier. - Je demande la parole sur la position de la question.
M. le président. - On a demandé la clôture ; fait-on quelque objection à cette proposition ?
- Personne ne demande la parole ; la clôture de la discussion est prononcée.
M. le président. - Maintenant, je dois dire un mot sur la position de la question. Je crois que l'amendement doit passer avant la proposition de la commission qui a été chargée de l'examen des pétitions ; d'abord, parce que l'amendement contient la proposition formelle d'instituer une commission d'enquête, tandis que cette proposition n'est pas aussi nettement formulée dans les conclusions de la commission ; ensuite parce qu'il est question, dans l'amendement, « d'éloigner ou de faire disparaître les citadelles du Nord et du Midi ; » et qu'ainsi notre vote aura plus de précision et sera plus significatif. Mais je fais aussi remarquer à la Chambre que, quel que soit le sort de la proposition, la Chambre devra encore se prononcer sur le renvoi « pur et simple » des pétitions à MM. les ministres ; il n'y aura évidemment aucune objection à ce renvoi, puisque MM. les ministres des finances et des affaires étrangères ont déclaré, dans la discussion, que le gouvernement se réservait d'examiner la question, quand le calme serait rétabli. S'il n'y a pas d'opposition, je vais procéder comme je viens de l'indiquer...
Je mets donc aux voix la proposition de MM. de Gottal, Loos, Vervoort et de Boe, ainsi conçue :
« La Chambre,
« Considérant qu'il y a lieu de soumettre à l'examen d'une commission (dans laquelle la Chambre sera représentée par plusieurs de ses membres) la question de savoir si le système des fortifications que l'on exécute à Auvers ne pourrait être modifié, en éloignant ou faisant disparaître les citadelles, de manière à mieux concilier les intérêts de la ville et du commerce avec ceux de la défense nationale,
« Renvoie les pétitions à M. le ministre de la guerre et à M. le ministre de l'intérieur. »
Je mets aux voix la première partie de cette proposition.
- Plusieurs membres. - L'appel nominal !
- Il est procédé à l'appel nominal.
80 membres y répondent.
54 membres votent contre la proposition.
20 membres votent pour.
6 membres s'abstiennent.
En conséquence, la Chambre n'adopte pas.
Ont voté contre la proposition : MM. Dupret, d'Ursel, Faignart, Frère-Orban, Frison, Grandgagnage, Grosfils, J. Jouret, M. Jouret, Julliot, Lange, C. Lebeau, J. Lebeau, Lesoinne, Moncheur, Moreau, Orban, Orts, Pirmez, Pirson, Prévinaire, Rogier, E. Vandenpeereboom, (page 1289) Vanderstichelen, Van de Woestyne, Van Iseghem, Van Leempoel de Nieuwmunster, Van Overloop, Van Renynghe, Van Volxem, Vilain XIIII, Wasseige, Allard, Ansiau, Braconier, Crombez, David, de Breyne, de Brouckere, Dechentinnes, de Decker, De Fré, de Lexhy, de Moor, de Naeyer, de Paul, de Renesse, de Rongé, Devaux, d'Hoffschmidt et Dolez.
Ont voté pour la proposition : MM. Goblet, Kervyn de Lettenhove, Laubry, Loos, Magherman, Notelteirs, Snoy, Tack, Thienpont, Van Bockel, Vander Donckt, Van Humbeek, Vervoort, Beeckman, Coomans, Coppens, Cumont, de Boe, de Gottal et de Ruddere de Te Lokeren.
Se sont abstenus : MM. Nothomb, Rodenbach, Vanden Branden de Reeth, de Montpellier, B. Dumortier et H. Dumortier.
M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont priés d'en faire connaître les motifs.
M. Nothomb. - Les motifs de mon abstention sont ceux-ci : Je n'ai pas rejeté la proposition parce qu'elle se rattache à l'opinion que j'ai toujours eue et constamment soutenue sur l'exagération des fortifications projetées à Anvers, dont l'étendue est telle que la défense par l'armée nationale m'en paraît difficile et seulement possible par l'abandon préalable du reste du pays.
Je n'ai pas approuvé la proposition parce que la discussion ne m'a pas assez appris jusqu'à quel point elle se concilierait avec le système restreint de défense, le seul bon, suivant moi, présenté par le cabinet dont j'ai fait partie.
M. Rodenbach. - J'ai voté contre la grande enceinte d'Anvers, parce que je suis convaincu que ces fortifications seront funestes et fatales à la généralité du pays. Si malheureusement une guerre survenait, les sept huitièmes de la Belgique seraient saccagés, pillés et imposés par l'ennemi. La loi étant votée, je crois devoir m'abstenir, et c'est à ceux qui ont été favorables à ce projet, à débattre cette question ardue. Je partage, du reste, complètement l'opinion que vient d'exprimer l'honorable M. Nothomb sur le caractère des fortifications.
M. Vanden Branden de Reeth. - Je n'ai pas voulu voter pour la commission d'enquête, parce qu'il est impossible de suspendre les travaux en voie d'exécution depuis deux ans et qui s'exécutent en vertu d'une loi votée par les Chambres ; je n'ai pas voulu non plus voter contre la proposition, parce que mon vote eût pu impliquer une approbation des travaux qui se font et du système de défense adopté pour le pays.
M. de Montpellier. - Je n'ai pas voté pour la proposition des honorables députés d'Anvers, parce qu'il faut bien admettre que les fortifications d'Anvers ont été l'objet des études les plus sérieuses et qu'elles ont été combinées de telle sorte qu'on ne pourrait en supprimer une partie sans en compromettre l'ensemble. Je n'ai pas voté contre la proposition parce que, à mon sens, les griefs des Anversois sont trop fondés pour ne pas être pris en sérieuse considération.
M. B. Dumortier - J'ai dit tout à l'heure dans la discussion les motifs qui me portaient à m'abstenir. J'ai voté contre les fortifications d'Anvers, je veux laisser à ceux qui les ont votées le soin de tout régler ; mais j'engage le gouvernement à employer tous les moyens en son pouvoir pour faire disparaître cette agitation qui est une véritable calamité publique.
M. H. Dumortier. - J'ai cru devoir m'abstenir parce que la Chambre, après avoir longtemps discuté en dehors de la véritable question, ne m'a pas permis de préciser en deux mots la portée que je voulais donner à mon vote.
M. le président. - Je mets aux voix le renvoi pur et simple aux ministres de la guerre, de la justice et de l'intérieur.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Les conclusions de la commission comprennent également un vœu, comme la proposition qui vient d'être rejetée ; il n'est pas question du renvoi avec l'expression de ce vœu.
M. le président. - J'ai dit que je mettais aux voix le renvoi pur et simple.
M. Coomans. - Il ne faut pas d'équivoque.
Je ne conçois pas le renvoi sans le vœu. Le gouvernement doit accepter le renvoi avec l'engagement d'examiner la question, sinon il doit repousser le renvoi ; l'acceptation du renvoi est donc un assentiment au vœu que nous exprimons que la question soit réexaminée.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable membre demande que son opinion, qui vient d'être rejetée par la majorité, soit consacrée par le vote du renvoi ; elle restera son opinion personnelle.
M. Coomans. - Que signifie le renvoi ?
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il signifie qu'on n'écarte pas, par un ordre du jour, la réclamation de la population d'Anvers, au milieu de l'irritation de cette population. L'honorable membre s'était proposé sans doute de se lever pour dire que nous voulions agiter de plus en plus la population d'Anvers, en repoussant ses réclamations par un dédaigneux ordre du jour. Il n'aura pas cette satisfaction.
Le renvoi aura lieu sous le bénéfice des explications très péremptoires qui ont été données, et dont il résulte clairement qu'il n'entre ni dans les intentions du gouvernement ni dans les intentions de la Chambre de remettre en question le plan des fortifications d'Anvers.
M. le président. - Quand j'ai posé la question, j'ai très bien expliqué que, quel que fût le sort de la proposition, je mettrais aux voix le renvoi pur et simple aux ministres de la guerre, de l'intérieur et des finances, ce triple renvoi se trouvant dans les conclusions de la commission comme dans la proposition des députés d'Anvers et MM. les ministres des finances et des affaires étrangères ayant déclaré dans la discussion qu'ils examineraient avec bienveillance les réclamations des pétitionnaires.
Il va sans dire que la Chambre ne va pas se déjuger d'un moment à l'autre, et admettre incidemment ce qu'elle vient d'écarter formellement, il n'y a qu'un instant. Ce renvoi est un encouragement donné, par la Chambre, au gouvernement, pour qu'il persévère dans son dessein d'examiner et de réaliser avec bienveillance tout ce qui pourrait se trouver de juste et de raisonnable dans la demande des pétitionnaires d'Anvers.
Je mets donc aux voix le renvoi pur et simple des pétitions à MM. les ministres de la guerre, de l'intérieur et des finances.
- Ce renvoi est ordonné.
- La séance est levée à 5 heures 20 minutes.