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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 8 avril 1862

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1861-1862)

(page 1128) (Présidence de M. Vervoort.)

Appel nominal

M. de Florisone, secrétaire, procède à l'appel nominal à deux heures et un quart.

Lecture du procès-verbal

M. de Moor, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

M. de Brouckere. - Je demande la parole sur le procès-verbal de vendredi dernier, attendu qu'il n'y a pas eu séance samedi, et c'est sur cette dernière circonstance que je désire dire deux mots.

Nos séances s'ouvrent régulièrement à 2 heures et un quart. Il est donc tout naturel que plusieurs d'entre nous règlent leurs occupations et leurs affaires de manière à se trouver à la Chambre à l'heure que je viens d'indiquer.

Le samedi, par exception, on fixe quelquefois la séance à une heure et un quart.

- Plusieurs membres. - Toujours.

M. de Brouckere. - Toujours. La règle est donc que, par exception, on fixe l'ouverture de la séance du samedi à une heure et un quart.

M. de Naeyer. - C'est la règle.

M. de Brouckere. - C'est la règle pour le samedi seulement.

Eh bien, je crois que, le samedi, on pourrait user d'un peu plus d'indulgence que les autres jours. Je puis affirmer, et plusieurs des membres qui siègent autour de moi peuvent l'affirmer avec moi, qu'un certain nombre de nos collègues et moi-même nous sommes arrivés samedi à une heure et demie précise. Nous avons rencontré nos honorables amis qui sortaient.

Je ne dis pas cela pour accuser qui que ce soit ; on n'a fait qu'observer le règlement ; par conséquent ou n'a pas le droit de se plaindre, bien qu'on l'ait observé un peu sévèrement. Si j'ai demandé la parole, c'est uniquement pour m'excuser et pour excuser ceux de mes collègues qui sont dans la même position que moi.

Je le répète, nous sommes venus seulement quelques minutes trop tard, et je crois qu'il serait désirable que, le samedi, on montrât un peu plus d'indulgence.

M. le président. - Je ferai observer que j'étais disposé samedi à attendre encore, lorsque plusieurs membres ont très énergiquement exigé l'exécution du règlement. Il n'appartenait pas au président de se refuser à l'exécution du règlement.

M. Snoy. - Je veux simplement constater qu'il était une heure et demie sonnée quand la Chambre s'est séparée.

M. de Brouckere. - Je me permettrai de répéter que je n'ai accusé personne, et que je n'ai demandé la parole que pour excuser ceux de mes collègues qui, comme moi, sont arrivés quelques minutes trop tard.

- Le procès-verbal est approuvé.

Pièces adressées à la chambre

M. de Florisone présente l'analyse des pétitions suivantes.

« Le conseil communal de Pesches demande des modifications à la loi du 18 février 1845, relative au domicile de secours. »

« Même demande du conseil communal de Dailly. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les membres du conseil communal et des habitants de Beverloo présentent des observations en faveur des chemins de fer projetés de Hasselt à Eyndhoven et de Herenthals à Maeseyck et demandent que la première de ces lignes se dirige vers le camp de Beverloo.

« Même demande des membres du conseil communal et des habitants de Beeringen. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion des pétitions relatives à ces chemins de fer.


« Le conseil communal de Lommel demande la construction du chemin de fer projeté de Herenthals à Maeseyck. »

- Même décision.


« Les membres de l'administration communale et des habitants de Meerhout prient la Chambre de décréter la construction des chemins de fer projetés de Liège par Hasselt à Eyndhoven et de Herenthals à Maeseyck, et demandent que ces lignes traversent Meerhout et Gheel. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion des pétitions relatives à ces chemins de fer.


« Le sieur Schellinck, ancien tambour congédié à la suite d'un accident arrivé par le fait du service, demande un subside. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« M. Notelteirs demande un congé de quelques jours. »

- Accordé.


« La veuve du sieur Delhaye, ancien facteur des postes, demande une pension ou un secours. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Jean-Hubert Heusschen, cafetier à Rassoit, prie la Chambre de statuer sur sa demande de naturalisation. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.


« Le sieur Gusten demande qu'on modifie le règlement relatif aux congés des employés des douanes. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants de Beeringen présentent des observations sur les chemins de fer projetés de Hasselt à Eyndhoven et de Herenthals à Maeseyck et demandent que les communes de Beeringen, Bourg-Léopold, Zolder, Heusden, Coursel, Beverloo, Heppen et Oostham soient reliées ou rapprochées par une voie ferrée. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion des pétitions relatives à ces chemins de fer.


« Par dépêche du 5 avril, le ministre de la guerre transmet des explications sur la pétition du sieur Van Reeth réclamant une indemnité pour dommage causé à sa propriété à Mortzel par suite des travaux du génie militaire. »

- Dépôt au bureau des renseignements.


« M. Pourceles-Lienart demande que le Code pénal commine une peine contre le conjoint du saisi, ses ascendants ou descendants qui se rendraient coupables de soustraction des objets saisis. »

- Dépôt sur le bureau pendant le vote du Code pénal.


« Les membres de l'administration communale et des habitants de Casterlé prient la Chambre de décréter la construction d'un chemin de fer de Liège à Eyndhoven par Hasselt et de Herenthals à Maeseyck. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion des pétitions relatives à ce chemin de fer.


« Le comte Ferdinand Hilarian Ghislain de Cunchy, propriétaire à Villers-sur-Lesse, né à Hardinghem (France), demande la grande naturalisation. »

- Renvoi au ministre de la justice.

(page 1129) « M. Sauveur fait hommage à la Chambre d'un exemplaire de l'histoire de la législation médicale belge. »

- Dépôt à la bibliothèque.


« M. Gomré fait hommage à la Chambre de sa brochure sur l'organisation des chambres de commerce. »

- Distribution aux membres et dépôt à la bibliothèque.


« M. Lucien Renard fait hommage à la Chambre de son mémoire sur l'utilité d'un chemin de fer de jonction reliant le réseau de voies ferrées du grand-duché de Luxembourg au chemin de fer de l'Etat belge, à Pépinster par la ligne de Spa. »

- Distribution aux membres et dépôt à la bibliothèque.


« M. Van de Woestyne, retenu pour une affaire importante, demande un congé. »

- Accordé.


« M. H. Dumortier, obligé de s'absenter pour affaires urgentes, demande un congé. »

- Accordé.


« M. Notelteirs, retenu par des affaires urgentes, demande un congé. »

- Accordé.

Projets de loi portant les budgets des dotations, de la dette publique, des recettes et dépenses pour ordre ainsi que des non-valeurs et remboursements de l’exercice 1863

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - J'ai l'honneur de déposer les budgets des dotations, de la dette publique, des recettes et dépenses pour ordre, des non-valeurs et remboursements pour l'exercice 1863.

- Il est donné acte à M. le ministre des finances de la présentation des budgets qu'il vient de présenter.

Ces projets et les motifs qui les accompagnent seront imprimés, distribués aux membres et renvoyés à l'examen des sections.

Projet de loi portant le budget du ministère des affaires étrangères de l’exercice 1862

Discussion des articles

Chapitre IX. Marine

Articles 41 et 42

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Messieurs, à la fin de la dernière séance, j'ai eu l'honneur de faire à la Chambre une proposition dont j'avais demandé le renvoi à la section centrale ; cette proposition n'a pas reçu de solution, la Chambre ne s'étant plus trouvée en nombre au moment du vote. Elle consistait à demander à la Chambre l'autorisation de faire un transfert de l'article 48 aux articles 41 et 42, et d'allouer un crédit spécial destiné à la création d'un cinquième bateau à vapeur pour le transport des dépêches et des voyageurs entre la Belgique et l'Angleterre, et d'un bateau à vapeur pour le pilotage et le sauvetage.

En faisant ma proposition j'annonçais que le gouvernement ne croyait pas devoir insister pour la discussion du projet présenté il y a deux ans,, qui avait pour objet la construction de deux navires de guerre.

Cette proposition faite il y a deux ans n'ayant pas été accueillie favorablement par les sections et la section centrale ayant conclu au rejet, et d'après les renseignements recueillis sur les dispositions d'un grand nombre de membres, voyant qu'il y avait peu de chance de le faire passer, je me suis fait autoriser par le Roi à déclarer que ce projet de loi serait retiré. Il comportait un crédit de 1,500 mille francs.

Le gouvernement n'entend pas condamner à perpétuité la création d'une marine militaire en Belgique. C'est une question d'avenir que d'autres sans doute auront à résoudre, mais je ne pense pas qu'il y ait lieu pour un parlement belge de déclarer qu'il n'y aura jamais de marine militaire en Belgique.

Le retrait du projet de loi et la suppression de ce qui reste de la marine militaire, si on peut appeler ainsi un brick et un personnel sans emploi, des crédits disponibles restent ouverts au budget des affaires étrangères.

Nous nous sommes demandé si l'on ne pouvait pas faire une application utile de ces crédits qui aujourd'hui sont affectés à un matériel et à un personnel complètement inutiles ; quant au matériel qui ne navigue plus depuis longtemps, il y a là une économie urgente à faire ; quant au personnel, il va de soi qu'on ne peut pas le supprimer. Je ne dis pas seulement les matelots, c'est assez facile ; mais les officiers ont droit de compter sur une position ou sur un traitement de disponibilité, alors que leurs services ne sauraient être employés.

Or, nous avons l'occasion d'employer utilement l'aptitude, les qualités qui distinguent un assez grand nombre de nos officiers. Nous avons un service très important au point de vue des relations internationales de la Belgique. Je veux parler du transport des dépêches et des voyageurs qui s'effectue par la voie d'Ostende. Aujourd'hui ce service est incomplet et insuffisant. Il consiste, en effet, en trois voyages par semaines s’effectuant le soir. Depuis longtemps on a réclamé l'établissement d'un service de jour.

D'après les propositions que j'ai l'honneur de faire à la Chambre, si elles sont acceptées, nous aurions à l'avenir six départs de jour d'Ostende pour l'Angleterre et trois départs le soir. Ces trois départs du soir, combinés avec les trois départs qui se font par le moyen de l'entreprise anglaise, assureraient aux relations de la Belgique avec l'Angleterre deux départs par jour, un le matin et un le soir.

Neuf voyages par semaine seraient donc effectués par les navires de l'Etat, trois par les navires de l'entreprise anglaise. Mais cette entreprise anglaise a fait en vertu d'une convention qui doit cesser ses effets l'année prochaine.

Depuis longtemps, messieurs, on réclame l'extension du service belge, on a demandé surtout l'établissement d'un service de jour. Nous avons aujourd'hui 4 bateaux à vapeur qui sont affectés au service de la Belgique vers l'Angleterre, 4 bateaux à vapeur pour faire 3 voyages ; mais un de ces 4 bateaux avait reçu dans le principe une destination qu'il ne remplit qu'imparfaitement, c'est l’Emeraude qui a été votée il y a quelques années pour le pilotage et le sauvetage et qui pourrait parfaitement faire le service postal entre la Belgique et l'Angleterre.

Si à ces quatre navires nous en joignons un cinquième, nous pourrions établir le service sur des bases excellentes, et le prémunir contre toute espèce de chance d'interruption.

Je ne demande à la Chambre aucun accroissement de crédit au budget des affaires étrangères ; avec les crédits actuels, nous pouvons doter le pays de cet accroissement de service ; nous demandons seulement un nouveau bateau destiné au transport des dépêches et des voyageurs et un bateau de sauvetage qui remplacerait l'Emeraude, lequel serait affecté aussi au transport des voyageurs et des dépêches.

Nous obtiendrons par-là donc une grande amélioration dans nos relations internationales.

Messieurs, j'ai demandé le renvoi à la section centrale de ma proposition ; je n'ai aucune espèce de motif pour vouloir obtenir une solution sans examen ; je désire, au contraire, que la Chambre examine la proposition ; je la crois bonne en elle-même et je ne doute nullement que la Chambre, après l'avoir examinée, ne s'y rallie. Pourquoi ai-je demandé le renvoi à la section centrale ? Voici mes motifs.

Si l'organisation du nouveau service, c'est-à-dire l'établissement de six départs le matin d'Ostende, si cette organisation est admise et si nosé voulons qu'elle porte ses fruits, il faut que le nouveau service commence le 1er mai, c'est-à-dire en coïncidence avec l'ouverture de l'exposition de Londres. Cette exposition attirera nécessairement un très grand nombre de voyageurs tant de la Belgique que de l'Allemagne et du continent ; si nous pouvions dès aujourd'hui annoncer qu'à partir du 1er mai il y aura à Ostende un départ quotidien le matin et un départ quotidien le soir, évidemment nous attirerons en Belgique un très grand nombre de voyageurs.

Voilà pourquoi j'ai une certaine hâte à voir prendre par la Chambre une décision sur ma proposition. Je n'ai pas eu d'autre motif, car je désire beaucoup que ma proposition soit examinée par tout le monde. Je n'ai pas la moindre appréhension sur le résultat de cet examen. Si donc la Chambre veut renvoyer la proposition aux sections, je ne m'y oppose pas ; seulement je demanderai que les sections veuillent bien se réunir le plus tôt possible et que la section centrale consente à faire son rapport également le plus tôt possible, de telle manière qu'avant le vote du budget je puisse savoir à quoi m'en tenir sur les intentions de la Chambre. Si ma proposition est renvoyée à la section centrale, je m'offre à donner tous les renseignements qu'elle pourra demander.

J'ai cru devoir, en attendant, faire distribuer aujourd'hui à la Chambre les développements de ma proposition.

Voilà, messieurs, sur quoi vous avez à délibérer.

Si le renvoi à la section centrale doit entraîner des discussions, je me déclare prêt à appuyer le renvoi aux sections ; mais dans ce cas je demande que les sections veuillent se réunir dès demain et que la section centrale fasse son rapport aussitôt que possible, afin que la question soit résolue avant que la Chambre se sépare.

M. Goblet. - Messieurs, je remercie M. le ministre des affaires étrangères de la bonne volonté qu'il met à accepter la proposition que j'avais faite à la Chambre dans la séance de vendredi dernier. Cette proposition, je la crois utile sous tous les rapports. Les sections peuvent s'occuper dès demain de l'examen des amendements présentés par le ministre des affaires étrangères ; de cette façon, l'honorable ministre aura (page 1130) une décision de la Chambre avant notre séparation, et nous respecterons en même temps les droits de l’assemblée.

Je crois qu'il y aurait eu des inconvénients graves à poser des précédents pareils à celui où M. le ministre des affaires étrangères a voulu entraîner la Chambre vendredi dernier, alors surtout qu'il s'agit de demander de crédits considérables c'est uniquement pour ce motif que j'ai proposé le renvoi aux sections, et nullement pour lutter contre l'esprit des amendements qui ont été présentés par le gouvernement.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Messieurs, je ne puis accepter la dernière observation de l'honorable membre.

Je crois que le mode de procéder que j'avais indiqué serait parfaitement régulier et se justifie par beaucoup d'antécédents.

Ainsi, pour prendre un exemple dans la matière qui nous occupe, je dirai que la construction d'une goélette a été introduite, en 1861, par une proposition faite directement par mon honorable prédécesseur à la section centrale, et tendante à ajouter au budget une somme de 80,000 fr. pour l'objet dont il s'agit ; cette goélette devait être suivie de quatre ou cinq autres d'année en année.

M. le ministre des affaires étrangères d'alors n'a pas même fait passer sa proposition par la Chambre.

J'aurais pu aussi saisir la section centrale de ma propositions mais j'ai cru devoir la faire d'abord passer par la Chambre.

Du reste, je ne m'oppose pas, je le répète, au renvoi de ma proposition aux sections ; je ne veux nullement surprendre la Chambre.

M. Goblet. - Messieurs, je ne dis pas que M. le ministre des affaires étrangères veuille surprendre la Chambre ; seulement je soutiens que le système qui consiste à transformer des sections centrales en commissions, est un système vicieux, alors surtout qu'il s'agit de voter des crédits.

Les précédents qu'invoque l'honorable ministre des affaires étrangères me confirme dans ma manière de voir : le crédit de 80,000 francs, demandé incidemment pour la construction d'une goélette, a eu des conséquences essentiellement mauvaises.

Du reste, s'il y a des précédents de ce genre, il y a d'autres précédents qui établissent que l'ancien ministre des affaires étrangères a reculé, en pareil cas. C'est par voie d'amendement qu'il a voulu faire voter les 1,500,000 francs demandés pour la marine. (Interruption.)

Permettez, je faisais partie de la section centrale, et M. le ministre des affaires étrangères a introduit la demande de 1,500,000 francs à la section centrale comme amendement ; et il l'a retiré sur les représentations qui lui ont été faites par des membres de la section centrale ; ces membres objectèrent qu'on ne pouvait introduire des dépenses considérables d'une manière incidente.

Du reste, il est inutile de prolonger cette discussion ; M. le ministre des affaires étrangères ne s'oppose pas au renvoi de la proposition aux sections ; et comme l’affaire paraît, urgente, les sections pourront s'en occuper sans délai.

M. Van Iseghem. - Je demande que les sections soient convoquée» pour demain et que la section centrale qui sera nommée fasse son rapport le plus tôt possible.

- Le renvoi aux sections est mis aux voix et adopté.

M. le président. - Comme tout le monde est d'accord sur l'urgence, les sections seront convoquées demain.

La proposition de M. le ministre se lie à plusieurs articles du budget.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Il n'y a à tenir en suspens que les articles auxquels se rapporte la proposition de transfert, car si la Chambre repoussait la proposition principale d'une manière absolue, le transfert deviendrait inutile. Si au contraire la Chambre votait le transfert avant d'avoir examiné le reste de la proposition, elle aurait préjugé la question.

A l'aide de ce transfert on peut commencer le service de jour dès le 1er mai prochain. Avec les quatre bateaux dont nous disposons actuellement, les six départs de jour et les trois départs du soir seront assurés pendant quelques mois, mais une pareille situation ne pourrait se prolonger indéfiniment, et pour assurer complètement le service, il faudra un cinquième bateau.

Je n'oserais pas organiser ce nouveau service sans avoir la certitude de le maintenir d'une manière régulière..

M. le président. - Nous tiendrons donc en suspens les articles qui sont relatifs ù la proposition du gouvernement.

Ordre des travaux de la chambre

M. Jamar. - Messieurs, quelle que soit l’opinion individuelle des membres de la Chambre sur les fortifications d'Anvers, quel que soit le vote émis par chacun de vous sur cette question, il est un point cependant sur lequel nous sommes, je pense, presque tous d'accord, c'est l'importance qu'offre, au point de vue de la défense nationale, le prompt achèvement des travaux.

Le gouvernement s'est efforcé de leur imprimer une très vive impulsion, et la Compagnie générale de matériel des chemins de fer n'a reculé devant aucun sacrifice, n'a négligé aucun effort pour satisfaire à ce désir du gouvernement.

Par suite de circonstances exposées avec beaucoup de lucidité dans le remarquable rapport de l'honorable M. Crombez, distribué il y a quelques jours, une convention est intervenue entre la Compagnie de matériel des chemins de fer et le gouvernement, convention à la suite de laquelle celui-ci a déposé un projet de loi dans la séance du 30 janvier dernier.

Malheureusement, messieurs, les dernières vacances ont interrompu le travail de la section centrale.

Depuis longtemps, l'époque de la reprise des travaux est arrivée sans que la Chambre ait pu s'occuper de ce projet de loi.

Je n'entends pas anticiper sur le débat, mais je crois utile de faire remarquer à la Chambre que, quelle soit la décision qu'elle prendra, il est nécessaire que cette décision soit prise sans retard.

En effet, messieurs, si la Chambre approuve la convention, il est important que cette convention produise le plus promptement possible les utiles résultats qu'on en attend.

Si, au contraire, la Chambre repoussait le projet de loi, il est équitable de mettre cette société en mesure de sortir de la situation provisoire et pleine d'incertitudes où elle se trouve depuis le 30 janvier dernier.

Prolonger cette situation, en ajournant la discussion de ce projet de loi, ce serait faire subir un dommage très sérieux à un établissement industriel aussi important qu'honorable, qui a tant contribué à établir à l'étranger des relations importantes dont l'industrie belge tout entière a recueilli les fruits.

Il y a, me semble-t-il, dans cette question des considérations d'intérêt général et des considérations d'équité qui m'engagent à proposer à la Chambre de fixer la discussion de ce projet de loi après celle des pétitions, dont elle a décidé qu'elle s'occuperait après l'examen du budget des affaires étrangères.

M. Coomans. - Messieurs, l'honorable M. Jamar entend-il que, parmi les prompts rapports dont il parle figurent ceux relatifs aux pétitions concernant les fortifications d'Anvers ?

M. Jamar. -Ils ne sont pas à l'ordre du jour.

M. Coomans. - J'ai quelques observations à présenter à ce sujet.

S'il était entendu que la question d'Anvers serait examinée et résolue avant le projet de loi de 5 millions, je n'aurais aucune objection à faire à la proposition de l'honorable M. Jamar. Je suis de ceux qui désirent que de pareils problèmes reçoivent la solution la plus prompte possible, même dans l'intérêt de la compagnie. Mais il me semble impossible que la Chambre consente à se prononcer sur les cinq millions avant de s'être prononcée sur les pétitions d'Anvers. Voter les cinq millions tout d'abord, ce serait décider qu'il n'y a rien à faire au sujet des fortifications d'Anvers, ce serait réduire à rien la discussion que nous aurons à ouvrir encore sur les nouvelles pétitions annoncées.

Nous sommes saisis de plusieurs pétitions sur lesquelles un prompt rapport a été demandé. Je serais même désireux d'entendre l'honorable président de la commission des pétitions me dire pourquoi ces prompts rapports n'ont pas encore été présentés.

Il faut, je le répète, que nous vidions d'abord la question d'Anvers. Il le faut parce que c'est une question plus grave et plus délicate que celle qui concerne la compagnie Pauwels, il le faut aussi en bonne logique ; car si, comme je l'espère, la Chambré décide qu'il y a lieu tout au moins de modifier le système des fortifications d'Anvers...

- Plusieurs voix. - Allons donc

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Pour les transporter en Campine.

- Des membres. - Le gouvernement ne se dédira pas.

M. Coomans. - Si, comme je l'espère, dis-je (je finis mon argumentation), la Chambre décide qu'il y a lieu de modifier le système des fortifications d'Anvers, elle aurait commis une faute énorme en commençant par assurer cinq millions à la compagnie avec laquelle elle aurait à s'entendre au sujet des indemnités,

Il faut donc en finir d'abord avec les fortifications d'Anvers. (Interruption.) Je vois que le gouvernement n'admet pas là-dessus une discussion sérieuse. Je ne suis pas de son avis. Je crois que la discussion que nous (page 1131) avons eue déjà et celle que nous aurons encore démontreront qu'il y a lieu de modifier le système suivi jusqu'à présent. (Interruption.) Mais, messieurs, je suis vraiment surpris de l'opposition que rencontre l'argument que je soumets à la Chambre.

Pourquoi ne reviendrions-nous pas sur ce que nous avons décidé quant aux fortifications d'Anvers ?

N'y a-t-il pas eu bien des faits nouveaux depuis quelque temps, qui nous autorisent à y revenir ? (Interruption.) L'honneur national ! me dit-on. Mais la grande, la fière Angleterre vient de décider qu'elle suspendra la construction de ses fortifications ; et la petite Belgique aurait la prétention d'en savoir plus que l'Angleterre, en fait de marine et d'artillerie ? Quoi ! la Chambre manquerait à son honneur en suspendant les travaux d'Anvers ! (Interruption.)

Des membres et M. le ministre des affaires étrangères me disent que je sors de la question.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Moi ? Je ne dis absolument rien.

M. Coomans. - L'honorable M. Jamar propose un changement à l'ordre du jour ; je n'adopte pas ce changement et j'en propose un autre ; je suis donc parfaitement dans la question, qui est la fixation de notre ordre du jour.

M. le président. - Vous touchez au fond de la question.

M. Coomans. - Pour en finir, je propose formellement à la Chambre qu'il soit décidé que l'examen en séance publique du projet concernant la compagnie Pauwels aura lieu après qu'une décision aura été prise sur les pétitions d'Anvers, au sujet desquelles un prompt rapporta été demandé.

A ce sujet, dans l'intérêt de la logique et de nos finances, je demande un vote formel de la Chambre.

- Des membres. - Nous demanderons l'appel nominal.

M. Coomans. - Je me joindrai à vous.,

(page 1141) M. Vander Donckt. - Pour satisfaire au désir de l'honorable préopinant au sujet des prompts rapports sur les pétitions d'Anvers, je lui répondrai que ces rapports étaient prêts ; mais sur l'observation de quelques honorables membres que d'autres pétitions, notamment celle du conseil communal et celle de l'association libérale d'Anvers, devait nous arriver incessamment, il était préférable de faire un rapport d'ensemble comme cela a eu lieu souvent, ils m'ont demandé de remettre la présentation de ces rapports à un peu plus tard.

J'ai même, sur les instances de ces honorables membres, demandé à l'honorable bourgmestre d'Anvers si cette pétition annoncée tarderait à venir.

Il m'a répondu que le lundi suivant nous l'aurions. Nous avons donc trouvé bon de remettre le rapport sur les pétitions d'Anvers jusqu'à l'époque où les deux nouvelles pétitions seraient arrivées, pour les réunir dans un même rapport. M. le ministre des finances m'a même demandé si telle était l'intention de la commission des pétitions.

J'ai répondu affirmativement, l'affaire en est restée là. Le rapport sur les pétitions dont nous sommes saisis est prêt ; mais quand même il eût été inséré au feuilleton, il n'aurait pas pu être présenté à la Chambre, car, nonobstant mes instances et celles de l'honorable M. Goblet, on n'a pas voulu maintenir le vendredi pour les prompts rapports. Si on l'avait maintenu, tout aurait été fait. Du reste ce rapport peut encore être présenté vendredi prochain si la Chambre le désire. Un nouveau feuilleton contenant ces pétitions peut être présenté pour vendredi prochain. Je constate seulement l'inconvénient qui résulte de ne pas réserver invariablement le vendredi pour les pétitions, comme le veut le règlement.

(page 1131) M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je me proposais de demander, à la fin de cette séance, que la Chambre voulût mettre en première ligne à son ordre du jour le projet de loi que le gouvernement lui a présenté dès le mois de janvier dernier, et portant autorisation de faire des payements à-compte à la société Pauwels. J'ai été prévenu par la motion de l'honorable M. Jamar. Je viens donc appuyer cette motion. Il me semble qu'aucune raison sérieuse ne peut s'opposer à ce que la Chambre s'yrpallie.

Les considérations que vient de présenter 1 honorable M. Coomans, tombent parfaitement à côté de la question. (Interruption.) Si vous voulez proposer de suspendre l'exécution des travaux d'Anvers, mettez le projet à l'ordre du jour, et dans le cours de la discussion vous ferez, si vous le trouvez bon, une proposition concernant les travaux d'Anvers. Mais comme ces travaux ne seront pas suspendus, qu'on adopte ou qu'on rejette le projet de loi, les considérations présentées par M. Coomans ne s'opposent en aucune façon à ce que la Chambre s'occupe immédiatement de la question qui lui est soumise.

En effet, cette question se résume ainsi : Est-il convenable que la compagnie Pauwels ne soit pas fixée sur la position qu'on veut lui faire ? Il faut que la Chambre dise qu'elle adopte ou qu'elle rejette la proposition qui lui est faite ; elle est parfaitement libre de décider la question comme elle l'entendra ; le gouvernement n'y attache pas d'autre importance que celle d'être fixé sur ce point. En soumettant à la Chambre le projet de loi dont il. s'agit, il n'a fait que ce qu'il considérait comme son devoir ; il était moralement obligé de vous faire une proposition de ce genre.

Les sections et la section centrale, presque à l'unanimité, ont trouvé que les motifs sur lesquels on appuyait cette proposition étaient fondés ; qu'on prenne telle décision qu'on voudra sur les pétitions dont a parlé l'honorable M. Coomans, cette décision ne peut exercer aucune influence sur le projet de loi. (Interruption.) Vous voulez lier ces deux choses qui n’ont entre elles aucune connexité ; vous voulez empêcher qu'on poursuive la construction des fortifications ; vous n'en avez pas voulu ; vous croiriez avoir obtenu un grand triomphe si, d'un souffle, vous pouviez les faire disparaître de la surface du pays.

Mais la Chambre n'est pas dans ces idées : la Chambre qui, après mûre délibération et eu pleine connaissance de cause, a adopté un projet de loi ayant pour conséquence d'imposer un sacrifice très lourd au pays, dans l'intérêt de la défense nationale, n'est pas disposée à adopter les idées de M. Coomans, qui ne veut aucune espèce de système rationnel de défense. Et je doute fort que son souffle, si véhément qu'il soit, renforcé même de celui de ses amis qui partagent sa manière de voir sur cette question, obtienne les effets qu'il se promet.

Je dis donc que cela n'a aucune espèce de rapport avec le projet de loi dont nous demandons la discussion. La question est de savoir si l'on peut laisser la compagnie qui exécute ses engagements avec une parfaite loyauté, dans sa situation actuelle, dans l'incertitude de savoir si, oui ou non, elle obtiendra ce qui est demandé à la Chambre.

Je demande donc formellement que ce projet de loi soit mis à l'ordre du jour immédiatement après le budget des affaires étrangères, de manière qu'il puisse être voté avant que la Chambre se sépare.

M. Loos. - D'après les explications qui ont été données par l'honorable rapporteur de la commission des pétitions, on pourrait croire que c'est moi qui l'ai engagé à différer le rapport sur les pétitions d'Anvers. Je tiens à déclarer qu'il n'en est rien. Il peut m'avoir demandé des renseignements sur des pétitions qui devaient arriver d'Anvers, sans me dire le motif pour lequel il me les demandait.

Je n'ai fait qu'indiquer des dispositions qui me paraissaient fondées ; il y a quelques jours, il m'a demandé quand je pensais que la pétition du conseil communal arriverait à la Chambre ; j'ai répondu que je supposais qu'elle serait arrivée lundi.

J'ignore pour quel motif ces pétitions ne sont pas arrivées. Je tiens à constater que je n'ai en aucune manière cherché à faire différer le rapport sur les pétitions d'Anvers.

M. Coomans. - Il ne s'agit pas de savoir quelles sont mes opinions sur les fortifications d'Anvers, M. le ministre des finances en fait peu de cas, c'est son droit ; moi je les trouve naturellement les meilleures ; mais nous n'avons pas à les discuter en ce moment. La question est de savoir quelle est la meilleure marche à suivre pour nos débats, dans l'intérêt général. Or je vais vous dire ou vous redire pourquoi une solution sur les pétitions d'Anvers doit intervenir avant la solution de la question Pauwels.

Comme M. le ministre persiste à soutenir qu'il ne voit aucune corrélation entre les deux choses, j'ajouterai ceci : il m'est bien permis de faire une supposition, laquelle, d'ailleurs, est la plus conforme au respect dû à la Chambre ; il se peut donc que la Chambre juge, après discussion, qu'il y a lieu de modifier les fortifications d'Anvers ; sinon vous auriez dû opposer la question préalable aux pétitions d'Anvers. Du moment que vous consentez à discuter les pétitions d'Anvers, vous consentez à ce que la Chambre exprime un vote libre, même un vote hostile en cette matière.

Or, si selon mes espérances, la Chambre décidait, par un ordre du jour ou autrement, qu'il y a lieu de modifier le système défensif d'Anvers, n'est-il pas de toute évidence que vous auriez commis une faute énorme en commençant par donner satisfaction à la compagnie Pauwels ? Après le vote que je suppose, n'auriez-vous pas à compter avec cette compagnie ? N'auriez-vous pas à modifier vos travaux et votre contrat avec la compagnie ? Oui. Eh bien, dès lors restez armés, surtout comme ministre des finances, vis-à-vis de cotte compagnie dont je ne viens pas contester ni même suspecter la parfaite honorabilité. Cette question n'est pas en cause.

Maintenant on me dit qu'il est urgent de tirer d'embarras la compagnie Pauwels.

M. Ch. Lebeau. - On n'a pas parlé d'embarras, on a parlé d'incertitude.

M. Coomans. - La compagnie n'a pas d'embarras financier ?

M. Jamar. - Je n'ai pas parlé d'embarras.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - On a dit qu'il fallait tirer la compagnie d'incertitude.

M. Coomans. - Il est urgent, dit M. le ministre des finances, de tirer d'incertitude la compagnie Pauwels. Soit. Mais il est urgent aussi de tirer d'incertitude la population anversoise ; il est urgent de tirer d'incertitude toute la Belgique qui a été très émue de la question anversoise. Il est surtout urgent que le gouvernement s'exprime, une fois pour toutes, en cette matière, que le gouvernement déclare et fasse déclarer par la Chambre (s'il est assez fort, je ne puis m'y opposer), qu'il n'y a rien à modifier à Anvers, qu'aucune des réclamations anversoises n'est acceptable. Ce sera là une solution devant laquelle je m'inclinerai. Mais je prétends que cette solution est la question préalable, et qu'elle doit se présenter avant le vote sur la compagnie Pauwels, Voilà ce qui me paraît évident.

M. Hymans. - L'honorable M. Coomans nous propose non seulement de discuter des pétitions qui ne sont pas à l'ordre du jour, mais encore de discuter des pétitions qui ne sont pas adressées à la Chambre. La pétition du conseil communal d'Anvers, dont a parlé l'honorable M. Van der Donckt, n'est pas encore arrivée à la Chambre, de sorte que si l'on décidait aujourd'hui que l'on ne discutera l'affaire des cinq millions qu'après la discussion sur les pétitions auxquelles l'honorable M. Coomans a fait allusion, il dépendrait des pétitionnaires d'ajourner indéfiniment notre décision.

(page 1132) M. Coomans. - J'ai parlé des deux pétitions qui nous sont déjà parvenues.

M. Hymans. - Le rapport sur ces pétitions n'est pas présenté. La Chambre n'est pas saisie de la question ; celle-ci n'est pas à l'ordre du jour. Or, nous ne pouvons faire passer avant un projet à l'ordre du jour des pétitions sur lesquelles un rapport n'est pas même fait.

M. Coomans. - Il est fait.

M. Hymans. - Il n'est pas présenté.

Je crois aussi que nous devons discuter cette affaire des cinq millions le plus tôt possible, d'abord pour les excellentes raisons qu'ont données tout à l'heure l'honorable M. Jamar et ensuite M. le ministre des finances ; mais aussi parce que voilà bientôt six mois que dure la session et que, en dehors des budgets pour l'exercice courant, nous n'avons encore rien fait ; la discussion de ces budgets n'est pas même terminée. On devait déjà nous avoir présenté les budgets pour 1863.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il était impossible de les présenter.

M. Hymans. - Précisément parce que nous n'avons pas terminé les autres. En plus de six mois nous n'aurons voté aucune loi importante. Le gouvernement doit nous présenter toutes les mesures qu'il nous a promises dans le discours du trône. Je demande combien de temps durera la session avec un pareil système.

Je crois donc qu'il est très important de déblayer le terrain de ce projet des 5 millions. Il est présenté depuis le 30 janvier. La section centrale l'a examiné avec le plus grand soin. Je crois qu'après l'examen approfondi auquel elle s'est livrée, après le rapport si consciencieux que nous a fait l'honorable M. Crombez, après tous les renseignements que le gouvernement a fournis et après lesquels il n'en aura plus à fournir, cette question a perdu beaucoup de son importance et que nous pouvons parfaitement la vider.

Seulement il est important que la proposition de l'honorable M. Jamar soit complétée, si la Chambre, en l'adoptant, veut faire quelque chose de sérieux. Il faut, à mon avis, que la Chambre décide qu'elle discutera la question des cinq millions avant les vacances de Pâques. Sans cela on s'en ira samedi selon l'usage, sans avoir pris de résolution sur cet objet important.

M. de Brouckere. - Il me semble que le vote sur la proposition de l'honorable M. Jamar est extrêmement simple et facile pour tout le monde. Ceux d'entre nous qui, comme l'honorable M. Coomans, pensent que la Chambre est disposée à revenir sur la loi qui a décrété les fortifications d'Anvers voteront contre la proposition de l'honorable M. Jamar. Mais quant aux membres qui tiennent pour certain que la Chambre maintiendra une loi qu'elle a solennellement votée, sachant parfaitement ce qu'elle faisait, qui sont convaincus qu'elle maintiendra la loi qui a décrété les fortifications, ceux-là ne peuvent trouver aucune difficulté à accepter la proposition de l'honorable M. Jamar.

M. de Gottal. - Je ne comprends réellement pas l'urgence qu'il y a à discuter ce projet. Nous nous trouvons à peu près dans la même position oh nous étions l'année dernière à la même époque. Il s'agissait de discuter avant les vacances un projet de loi allouant un crédit de 13 millions au département de la guerre. Le gouvernement fit la proposition de discuter ce projet immédiatement, c'était à la veille des vacances, et si l'honorable M. Hymans ne s'était pas expliqué comme il vient de le faire, peut être ne dirais-je pas ce que je dois dire aujourd'hui.

La proposition de l'honorable M. Hymans décide d'une manière formelle qu'on forcera la Chambre de voter ce projet de loi avant les vacances afin qu'une partie des membres qui ont l'habitude de rentrer dans leurs foyers, se hâtent de voter ce projet de loi sans discussion approfondie.

Comme l'année dernière encore, la faute du retard de la discussion provient non pas de la section centrale (cette année je n'en faisais pas partie), mais du gouvernement qui a laissé pendant quinze jours sans réponse les questions qui lui ont été adressées par la Chambre.

Voilà les motifs pour lesquels, quant à moi, je ne puis me rallier à la proposition de discuter immédiatement ce projet de loi qui ne présente aucune urgence.

Veut-on placer cette discussion comme premier objet à l'ordre du jour après les vacances de Pâques, je m'y rallierai volontiers.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, je ne puis garder le silence après les paroles que vient de prononcer l'honorable préopinant. Il prétend que le gouvernement voudrait contraindre la Chambre, par une sorte de surprise, à la veille des vacances, au moment où la Chambre va se séparer, et sachant qu'elle se séparera bientôt, à voter un projet de loi qui aurait une certaine importance.

D'abord, le gouvernement n'a rien à imposer à la Chambre, c'est la Chambre qui, volontairement, statue sur les propositions qui lui sont soumises, et l'on blesse sa dignité en l'accusant, soit d'avoir subi à une autre époque, soit de vouloir subir maintenant une pareille pression. Cela est offensant pour la Chambre.

La Chambre a voté en pleine liberté le projet de loi que vous avez combattu, comme elle votera en pleine liberté le projet de loi dont nous demandons la mise à l'ordre du jour.

Maintenant de quoi s'agit-il pour les honorables membres qui font de l'opposition en ce moment ? Il s'agit de faire statuer préalablement sur les pétitions relatives aux fortifications d'Anvers. Eh bien, je dis que si ce motif est sincère, il n'est pas besoin d'attendre les pétitions pour délibérer sur ce point. Rien n'empêche qu'à l'occasion du projet même sur lequel vous allez délibérer, vous ne fassiez une proposition pour demander la suspension des travaux de fortification d'Anvers. Il n'est donc nullement nécessaire d'ajourner la discussion de ce projet jusqu'à ce qu'il ait élé pris une décision au sujet de pétitions dont la Chambre n'est pas régulièrement saisie, et dont quelques-unes ne lui ont même pas encore été adressées.

Je demande donc formellement que, dans l'intérêt même de sa dignité, la Chambre statue sur la proposition, et décide qu'elle discutera le projet de loi avant les vacances.

M. de Gottal. - M. le ministre des finances dit que mes paroles sont de nature à porter atteinte à la dignité de la Chambre, que la Chambre est parfaitement libre dans ses votes, c'est ainsi que j'ai toujours compris ma position parmi vous ; et c'est ainsi que je comprends celle de mes collègues. L'honorable ministre des finances se trompe, du reste, lorsqu'il suppose que l'année dernière la Chambre a discuté immédiatement sur la proposition que faisait le gouvernement, a discuté la loi à laquelle il a fait allusion ; la Chambre a décidé, au contraire, qu'elle ne s'occuperait de ce projet qu'après les vacances.

C'est encore ce que je viens proposer aujourd'hui.

M. Sabatier. - Je désirerais beaucoup que le mot « fortification » qui a déjà suffisamment jeté le trouble parmi nous fût prononcé le moins possible en cette circonstance.

Je laisse de côté les raisons d'Etat qui ont déterminé le gouvernement à présenter le projet de loi dont on réclame justement la discussion et je rappellerai que l'honorable ministre des finances vient de dire une chose parfaitement vraie et qui a reçu l'approbation de toute la Chambre, c'est que chacun pourra émettre son opinion sur les défenses d'Anvers et qu'on le pourra d'autant plus vite que le projet qui concerne la compagnie Pauwels sera mis plus vite en discussion.

Donc, sur ce point toute satisfaction est donnée à l'honorable M. Coomans, et les difficultés que l'on soulève ne sont jusqu'à présent que des fins de non-recevoir.

M. Coomans. - Ce sont des fins de recevoir.

M. Sabatier. - C'est tout simplement une question d'équité que je demande à la Chambre de résoudre.

La compagnie Pauwels demande au gouvernement des avances jusqu'à concurrence de 5 millions. C'est qu'apparemment ces 5 millions lui sont nécessaires et nous ne pouvons pas la laisser plus longtemps dans l'incertitude ; nous ne pouvons pas, sans compromettre son crédit de gaieté de cœur, laisser plus longtemps en suspens la question de savoir si elle obtiendra ou si elle n'obtiendra pas cette somme.

Refusez-la si vous voulez, mais au moins dites-le. Rien ne peut nuire davantage au crédit de la compagnie que l'état d'incertitude où l'on veut s'obstiner à la laisser, et je ne mets pas en doute à cet égard les bonnes intentions de la Chambre.

Il faut donc une solution et je la réclame avec d'autant plus d'insistance que beaucoup de temps déjà s'est écoulé depuis que la compagnie est en instance.

Veuillez en effet remarquer, messieurs, que la convention provisoire passée entre cette compagnie et le gouvernement date du 27 décembre dernier, et que les négociations relatives à cette convention étaient antérieures de plusieurs mois.

La Chambre comprendra, je n'en doute pas, que retarder encore la discussion du projet de loi qui nous occupe en ce moment, serait mettre la compagnie Pauwels dans la plus fausse position ; c'est donc avec raison que j'invoque l'équité pour que la proposition de l'honorable M. Jamar soit adoptée..

M. Orts. - Messieurs, j'ai écouté avec beaucoup de soin les observations de M. le ministre des finances et les observations de l'honorable M. Coomans, qui tendent à des conclusions diamétralement opposées, puisque l'un veut hâter le vote du projet de loi tandis que l'autre veut le retarder. De mon examen, il est résulté cette conviction que le motif qui (page 1133) détermine M Coomans est précisément celui qui doit nous engager à voter la conclusion de M. le ministre des finances.

Comme l'honorable M. Coomans, je veux une solution à la question d'Anvers et je la veux prompte et nette.

Je demande, au point de vue de l'intérêt général, comme au point de vue des intérêts particuliers engagés, je demande que le projet de loi soit discuté le plus tôt possible. Qui ne voudra pas des fortifications d'Anvers votera contre, qui les voudra votera pour ; mais au moins on votera.

Déjà nous avons eu, à propos de pétitions, une discussion très longue sur les fortifications d'Anvers, et cette discussion n'a abouti à rien du tout. Elle a abouti au renvoi au ministre, accepté par lui, renvoi que tout le monde a appuyé, que tout le monde a voté, depuis le gouvernement jusqu'à l'adversaire le plus déterminé des fortifications.

Ce gaspillage de paroles sans conclusion est une leçon dont nous devons profiter.

La même discussion va se reproduire avec le même résultat, si l'on suit le système de M. Coomans, quant aux pétitions nouvelles.

Le gouvernement dira son opinion et ne nous apprendra rien de neuf, les adversaires des fortifications d'Anvers diront la leur, puis on renverra encore une fois les pétitions sans rien préjuger.

Enfin quand la Chambre abordera le projet qui concerne la compagnie Pauwels, la discussion recommencera pour la troisième fois. Dans l'intérêt d'Anvers, dans l'intérêt de la Chambre, dans l'intérêt du pays beaucoup plus encore que dans l'intérêt de la compagnie Pauwels, il importe que nous arrivions une bonne fois aune solution quelconque.

Il faut que l'opinion de la Chambre soit connue, car aussi longtemps qu'elle ne le sera pas, l'inquiétude, pour ne pas dire plus, d'Anvers grandira, l'agitation s'ensuivra et tout le monde prévoit facilement les conséquences de cette inquiétude et de cette agitation.

Comme l'a dit M. le ministre des finances, le vote sur le projet relatif à la compagnie Pauwels donnera l'occasion aux adversaires des fortifications d'Anvers, à ceux qui veulent que la Chambre revienne sur une loi portée par les trois branches du pouvoir législatif, ce projet leur donnera l'occasion de soutenir qu'il ne faut pas continuer les fortifications d'Anvers, et je les supplie de vouloir bien franchement provoquer un vote formel. Qui ne veut pas des fortifications d'Anvers, doit déclarer qu'il n'y a pas lieu d'avancer un centime aux entrepreneurs.

L'honorable M. Coomans pourra souffler, s'il le veut, sur les fortifications d'Anvers, et si son souffle, réuni à celui de ses honorables amis est assez puissant, les fortifications seront démolies ; mais si ce souffle n'est pas suffisamment énergique pour atteindre le but de l'honorable membre, son effort, quoique stérile, aura au moins ce résultat que nous serons débarrassés de la question d'Anvers. Il faut en finir : finissons-en.

M. de Boe. - Il est incontestable que si l'on ne discute pas ce qui fait l'objet des pétitions des Anversois avant de s'occuper du crédit de 5 millions, on les discutera à l'occasion de ce crédit. Il est donc probable que l'examen de ce crédit durera longtemps ; il me paraît difficile que cette discussion se termine avant samedi prochain.

Je viens donc appuyer la proposition de l'ajourner après les vacances de Pâques. Il est probable que le Sénat ne sera pas convoqué pendant la semaine sainte, et si nous mettions cet objet à l'ordre du jour immédiatement après la rentrée, il n'y aurait aucun retard et par conséquent aucun préjudice pour la compagnie.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - (erratum, 1149) L'honorable membre se trompe quant à la convocation du Sénat ; elle aura lieu probablement avant la fin des vacances.

Je demande que le projet soit mis à la suite de la discussion du budget des affaires étrangères, c'est-à-dire qu'on puisse s'en occuper demain.

- Un membre. - Ce n'est pas la proposition de M. Jamar.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je l'ai modifiée. M. Jamar avait donné la priorité à deux pétitions, mais elles ne présentent aucune espèce d'urgence.

M. Jamar. - Je me rallie à la proposition de M. le ministre des finances. '

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Messieurs, je crois que les pétitions relatives à la question des assainissements, ne présentent rien d'urgent. Jusqu'à ce moment aucune des demandes dont il est fait mention dans le rapport n'est arrivée au département de l'intérieur ; je n'en ai nulle connaissance ; et si on discute ces pétitions, je ne pourrai donner aucun renseignement à cet égard.

La Chambre sait qu'aux termes de la loi de 1858, les expropriations avec zones sont entourées de nombreuses formalités ; l'accomplissement de ces formalités dure, si je ne me trompe, plus d'un mois ; ces formalités ne sont pas même commencées, si je suis bien informé par voie officieuse ; car officiellement je n'ai aucune connaissance ni de l’affaire de Schaerbeek ni de celle qu'on nomme l'affaire du Maelbeek. Il n'y a donc rien d'urgent en tout ceci.

M. de Renesse. - Je crois devoir faire observer que les pétitionnaires qui se sont adressés à la Chambre contre la fausse application que l'on voudrait faire de la loi sur l'assainissement des quartiers insalubres ne l'ont fait parce que déjà, antérieurement, le département de l'intérieur aurait pris une décision qui porterait une atteinte à la loi du 1er juillet 1858, et, par conséquent, les froisserait dans leur intérêt de propriétaires, si la même décision était prise à leur égard.

Si cependant M. le ministre de l'intérieur veut nous donner l'assurance qu'aucune décision ne sera prise sur ces réclamations, l'on pourrait ajourner la discussion sur le rapport de la commission des pétitions jusqu'après l'examen d'autres questions très importantes actuellement à l'ordre du jour de la Chambre.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Je prends volontiers l'engagement de ne prendre aucune décision avant que les Chambres se soient prononcées sur les pétitions.

M. de Renesse. - C'est très bien !

M. le président. - Nous sommes en présence de plusieurs propositions.

La première consiste à maintenir à l'ordre du jour après la discussion du budget des affaires étrangers celle du projet de loi concernant l'avance à faire à la compagnie Pauwels.

M. Hymans demande que la Chambre ne se sépare pas avant de voter ce projet de loi.

M. Hymans. - Je retire ma proposition.

M. le président. - M. Coomans demande que le projet de loi dont il s'agit ne soit mis en délibération qu'après la discussion des pétitions qui sont arrivées d'Anvers.

Enfin, M. de Gottal demande que le projet de loi soit discuté après les vacances de Pâques comme premier objet à l'ordre du jour.

M. Coomans. - Je demande la parole sur la position de la question.

Messieurs, on a interprété erronément ma proposition et il a été facile dès lors d'en faire bon marché.

On a dit que je voulais retarder la discussion du projet de loi Pauwels jusqu'après l'examen des pétitions d'Anvers, même de celles qui ne sont pas encore arrivées ; j'ai dit positivement le contraire, et voici comment je désire que M. le président mette ma proposition aux voix.

La discussion sur le projet de loi concernant la compagnie Pauwels aura lieu après la discussion des pétitions sur lesquelles de prompts rapports ont été demandés par l'honorable M. de Boe et par moi et Ordonnés par la Chambre.

. J'avoue qu'il serait inconvenant de proposer à la Chambre d'attendre des pétitions que nous ne connaissons pas encore officiellement ; il ne s'agit que des pétitions sur lesquelles la Chambre a décidé que de prompts rapports lui seraient présentés.

. M. de Gottal (sur la position de la question). - Messieurs, je demande que ma proposition soit mise aux voix la première, parce qu'elle s'écarte le plus de celle de l'honorable M. Jamar, à laquelle M. le ministre des finances s'est rallié ; si ma proposition est rejetée, je me rallierai alors à celle de l'honorable M. Coomans ; puis viendra, s'il y a lieu, la proposition de M. le ministre des finances.

- La Chambre, consultée, accorde la priorité à la proposition de M. de Gottal, tendante à remettre jusqu'après les vacances de Pâques, comme premier objet à l'ordre du jour, le projet de loi sur la compagnie Pauwels.

M. le président met cette proposition aux voix.

- Des membres. - L'appel nominal !

Il est procédé à cette opération. En voici le résultat :

82 membres répondent à l'appel.

33 répondent oui.

49 répondent non.

En conséquence, la Chambre n'adopte pas.

Ont répondu oui : MM. Van Humbeeck, Van Overloop, Van Renynghe, Wasseige, Coomans, Coppens, de Boe, Dechentinnes, de Gottal, de Haerne, de Man d'Attenrode, de Montpellier, de Naeyer, de Ruddere de Te Lokeren, de Smedt, de Terbecq, de Theux, B. Dumortier, Goblet, Guillery, Landeloos, Loos, Mercier, Nélis, Nothomb, Rodenbach, Snoy, Tack. Thienpont, Van Bockel, Vanden Brandon de Reeth et Vander Donckt.

(page 1134) Ont répondu non : MM. Van Iseghem, Van Leempoel de Nieuwmunster, Van Volxem, Allard, Ansiau, Cartier, Crombez, Cumont, Dautrebande, de Baillet-Latour, de Brouckere, de Florisone, De Fré, de Lexhy, de Liedekerke, de Moor, de Paul, de Renesse, de Ridder, de Rongé, Devaux, de Vrière, Dolez, d'Ursel, Frère-Orban, Frison, Grandgagnage, Grosfils, Hymans, Jacquemyns, Jamar, M. Jouret, Julliot, Lange, C. Lebeau, J. Lebeau, Moreau, Mouton, Muller, Orban, Orts, Pirmez, Pirson, Prévinaire, Rogier, Sabatier, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vanderstichelen et Vervoort.

La proposition de M. Coomans est ensuite mise aux voix et n'est pas adoptée.

M. le président. - Nous arrivons à la proposition de l'honorable M. Jamar, modifiée par M. le ministre des finances.

- Cette proposition est adoptée.

Projet de loi portant le budget du ministère des affaires étrangères de l’exercice 1862

Discussion des articles

Chapitre IX. Marine

Pilotage
Article 37 à 39

« Art. 37. Personnel: fr. 188,290. »

- Adopté.


« Art. 38. Remises à payer au personnel actif du pilotage et aux agents chargés de la perception des recettes des divers services de la marine (crédit non limitatif) : fr. 258,000. »

- Adopté.


« Art. 39. Payement à faire à l'administration du pilotage néerlandais, en vertu des traités existants, du chef du pilotage et de la surveillance commune ; restitution des droits indûment perçus et pertes par suite de fluctuations du change sur les sommes à payer à Flessingue (crédit non limitatif) : fr. 13,500. »

- Adopté.

Sauvetage
Article 40

« Art. 40. Personnel : fr. 14,300. »

- Adopté.

Articles 41 et 42

« Art. 41. Traitement du personnel des paquebots, des bateaux à vapeur de l'Escaut et d'autres bâtiments de l'Etat, ainsi que du personnel à terre : fr. 236,671 67. »

M. le président. - La section centrale propose une réduction de 10,000 francs sur le chiffre. Cet article doit être suspendu, par suite de la proposition de M. le ministre des affaires étrangères.

M. Coomans. - Je croyais avoir compris que l'on tenait en suspens tous les articles auxquels se rapporte la proposition du gouvernement.

M. le président. - Je m'en occupais en proposant de suspendre l'examen de l'article 41.

M. Coomans. - La proposition du gouvernement ne comprenait-elle pas aussi l'article 38 ?

M. le président. - Non, l'article 48.

- L'article 41 est tenu en suspens.

L'article 42 est également tenu en suspens.

Marine militaire, paquebots à vapeur, etc.
Article 43

« Art. 43. Traitements des courriers et agents des paquebots à vapeur, faisant le service entre Ostende et Douvres : fr. 14,710. »

- Adopté.

Passage d'eau
Article 44

« Art. 44. Personnel: fr. 12,690. »

- Adopté.

Police maritime
Article 45

« Art. 45. Personnel : fr. 30,700. »

M. le président. - La section centrale propose une augmentation de 400 fr. ; ce qui porte le chiffre de cet article à 31,100 fr.

- Adopté.

Article 46

« Art. 46. Primes d'arrestation aux agents, vacations et remises aux experts, commis chargés de la surveillance de l'embarquement des émigrants (crédit non limitatif) : fr. 4.000. »

- Adopté.

« Matériel des divers services
Articles 47 à 51

« Art. 47.Traitements des gardiens du matériel : fr. 2,120. »

- Adopté.


L'article 48 est tenu en suspens.


« Art. 49. Secours aux veuves et aux marins blessés, médicaments, etc. : fr. 4,000. »

- Adopté.


« Art. 50. Construction et armement complet d'une goélette en fer, pour le service du pilotage ; charge extraordinaire : fr. 80,000. »

- Adopté.


« Art. 51. Première partie de la construction et de l'armement d'un feu flottant dans la mer du Nord ; charge extraordinaire : fr. 100,000. »

- Adopté.

M. le président. - Nous suspendons le vote du budget jusqu'à ce que nous ayons reçu le rapport de la section centrale sur les proposition, de M. le ministre des affaires étrangères.

Rapports de pétitions

M. le président. - Le second objet à l'ordre du jour est la pétition relative à l'exécution du traité franco-belge, n°68 de nos documents.

La commission propose le renvoi à M. le ministre des finances avec demande d'explications.

M. Hymans. - Messieurs, je ne croyais pas devoir prendre la parole ; je comptais que la discussion de cette pétition serait ajournée après les vacances.

Je crois que cette discussion doit être sérieuse et approfondie et je demande par conséquent qu'elle soit ajournée.

- Cette proposition est adoptée.


M. le président. - Vient maintenant la pétition concernant l'exécution de la loi sur l'assainissement des quartiers insalubres.

M. de Renesse. - Messieurs, des habitants et des propriétaires de quelques communes, à proximité de la capitale, justement alarmés de la fausse application que des conseils communaux voudraient faire de la loi du 1er juillet 1858, ayant rapport à l'expropriation pour assainissement des quartiers insalubres, ont surtout cru devoir s'adresser à la Chambre, parce que déjà, par un arrêté royal du 25 novembre 1859, le département de l'intérieur aurait donné l'autorisation à la commune de Saint-Josse-ten-Noode d'exproprier un quartier salubre, en vertu de la loi de 1858, avec des zones considérables ; les réclamants dénoncent non seulement ce fait contraire à la loi, mais encore d'autres affaires actuellement en instruction et qui porteraient une grave atteinte à leurs propriétés garanties par l'article 11 de la Constitution, si elles recevaient la même application que l'arrêté royal précité.

D'après l'article 11 de la Constitution « nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique, dans le cas et de la manière établis par la loi et moyennant une juste et préalable indemnité ».

Lorsqu'il s'agit d'une question de propriété, ou de liberté individuelle, il faut que les différentes administrations, ayant des décisions à prendre à l'égard de telles affaires, se renferment strictement dans la juste et loyale application des lois ; l'on ne doit pas étendre leur application à des cas qui n'y sont pas formellement spécifiés ; dans le cas contraire, l'on agirait d'une manière arbitraire, ce que les Chambres législatives ni le gouvernement ne doivent tolérer.

En outre, il ne faut faire l'application des lois exceptionnelles, que s'il y a une nécessité absolue.

Je ne traiterai devant la Chambre, que la réclamation de la famille de l'honorable général Eenens, dont la propriété m'est plus particulièrement connue ; je laisserai à d'autres de nos honorables collègues le soin de défendre et d'appuyer les autres réclamations signalées dans le rapport de la commission des pétitions.

Quant à la propriété Eenens, elle me paraît, par sa situation presque en pleine campagne, ne pas devoir tomber, en tout ou en partie, sous l'application de la loi de 1858, pour l'expropriation et l'assainissement des quartiers insalubres, à moins de vouloir commettre un acte arbitraire et illégal.

Cette propriété est, en effet, située sur le plateau dominant de la commune de Schaerbeek, derrière l'église Sainte-Marie, où l'autorité communale voudrait faire le prolongement de la rue Royale extérieure, et former une place publique.

Il paraîtrait que cette administration communale veut exproprier, seulement, en partie, la propriété Eenens, en appliquant à cette propriété, la plus élevée, la plus saine de cette commune, où il y a ni cours d'eau, ni eau stagnante, ni impasse, les dispositions d'une loi relative à l'expropriation, pour assainissement des quartiers insalubres ; or, je ne pense (page 1135) pas que l'autorité locale de Schaerbeek puisse prouver, devant les tribunaux, si cette affaire pouvait y être portée, que cette propriété, sur le point le plus élevé de cette commune, se trouve, réellement, au milieu d'un quartier insalubre, et qu'il faille lui appliquer, même en partie, la loi du 1er juillet 1858.

L'administration de Schaerbeek, dans sa requête adressée à la Chambre, et dont le dépôt sur le bureau a été ordonné, déclare « que l'honorable général Eenens s'est complètement mépris sur le projet dudit conseil ; celui-ci n'a jamais eu la pensée de provoquer l'application de la loi sur l'assainissement des quartiers insalubres, qu'à la partie de la propriété de la famille Eenens, venant à front à la ruelle dite rue de la Poste.

« Le conseil a décidé d'élargir cette ruelle ; et c'est vrai, en vertu de la loi du 1er juillet 1858, que cet élargissement sera poursuivi ; les causes d'insalubrité sont si patentes, que la question de l'applicabilité de la loi, ne peut faire l'objet d'un doute. En dehors de ce fait spécial, que les circonstances justifient pleinement, l'expropriation de la propriété de M. Eenens n'est demandée, qu'en conformité des lois générales existantes, pour servir à l'ouverture d'une belle et large rue qui dégagera la façade de l'église Sainte-Marie, à la construction d'une maison communale et à l'établissement d'un marché. »

A ces observations du conseil communal, l'on peut répondre qu'il n'est pas à supposer que la ruelle dite rue de la Poste, située sur le plateau élevé de cette commune, soit si insalubre qu'il faille de toute nécessité l'élargir aux dépens de la propriété de la famille Eenens ; l'on pourrait concevoir cette indispensable nécessité, si cette ruelle était placée dans un bas-fond, à proximité et entourée d'une population très concentrée ; mais ici, ce n'est réellement pas le cas de l'application d'une loi tout exceptionnelle, et il ne faut pas que les propriétés particulières soient astreintes à subir les fâcheuses conséquences que l'on voudrait donner à la loi, pour l'assainissement des quartiers insalubres.

Quant à exproprier le tout ou une partie du restant de cette propriété, il y a aussi à objecter, qu'en général, les administrations communales se laissent aller trop facilement à faire déclarer l'utilité publique qui pourrait souvent être contestée en droit, et qu'il n'y a pas assez de garantie pour les propriétés particulières dans nos différentes lois d'expropriation, qui laissent trop de latitude à l'arbitraire.

Pour obtenir plus de garantie sous ce rapport, la commission chargée de procéder à l'enquête devrait être composée de personnes étrangères aux localités intéressés aux expropriations, afin d'être en dehors de toute influence locale, ou de camaraderie, ce qui ne paraît pas avoir eu lieu dans certaines communes, d'après le rapport de la commission des pétitions, où l'on aurait admis des personnes directement intéressées, dans certaines questions d'expropriation.

En voulant exproprier la propriété Eenens par zones, pour revendre peu après les parcelles au profit de la commune, c'est réellement battre monnaie sur le dos de l'exproprié, ce que la famille Eenens avec raison ne croit pas devoir admettre ; c'est une spéculation que l'administration supérieure ne devrait pas tolérer, je ne pense pas que l'on puisse interpréter l'article 11 de la Constitution, garantissant la propriété, d'une manière aussi contraire aux véritables intérêts des propriétaires. Pour qu'il puisse y avoir lieu à exproprier, il faut que l'utilité publique soit généralement reconnue et ne puisse être judiciairement contestée. La garantie constitutionnelle de la propriété ne serait, sans cela, qu'un vain mot. Il en est de même pour les questions d'assainissement des quartiers insalubres ; dans l'un ou l'autre cas, il faut une indispensable nécessité pour exproprier quelqu'un de sa propriété, sinon l'on tomberait dans l'injustice, que l'on doit surtout éviter dans l'application des lois exceptionnelles de l'espèce.

C'est donc au gouvernement de veiller à ce que ces lois, portant atteinte au droit de propriété, reçoivent toujours leur juste application et pour les seuls cas y prévus ; il ne doit jamais permettre d'étendre leurs dispositions par analogie ; il faut surtout que les administration communales ne puissent s'écarter des différents principes des lois d'expropriation : le respect de la propriété privée, garanti par la Constitution, doit être sévèrement observé.

L'on ne voit déjà que trop souvent que, dans le seul but d'embellissements, l'on décrète l'utilité publique, laquelle pourrait, parfois, être contestée devant les tribunaux, si ces sortes d'affaires ne devaient se traiter administrativement.

Il ne doit pas dépendre, dans notre libre Belgique, de la volonté d'un conseil communal, de faire, comme cela paraît être le cas ici, une fausse application d'une loi exceptionnelle, dans son seul et propre intérêt, en demandant l’autorisation d'exproprier les héritier Eenens,non seulement pour l'emprise nécessaire au percement de la place nouvelle, mais encore, sous le prétexte de salubrité publique, de leur propriété ou au moins de deux zones latérales, afin de revendre celles-ci plus tard, ainsi que quelques autres terrains à exproprier au bénéfice de ladite commune qui, par ce moyen, récupérerait une somme de 6,669 fr. 59 c. qui servirait à l'exonérer en partie de frais d'établissement de cette place, etc.

J'ai sous les yeux le Bulletin communal de Schaerbeek, où est consigné que cette commune, en achetant plusieurs propriétés au prix de 304,364 francs 41 c., afin de pouvoir exécuter divers travaux publics, et en revendant peu après les terrains non nécessaires au prix de 311,033 fr., bénéficierait la somme de 6,665 fr. 59 c, ci-dessus indiqué. Il résulte du même document qu'elle voudrait exproprier la propriété Eenens, d'une contenance de 106,910 pieds carrés, à 1 fr. le pied, tandis qu'il y a dix ans une parcelle de cette propriété a été vendue à un voisin à raison de 1 fr. 75 c. le pied carré.

Et certes, il est incontestable que depuis ce temps les propriétés à proximité de la capitale trouvent acheteur à 2 fr. et au-delà par pied carré.

M. le général Eenens avait cependant offert à ladite commune de lui céder gratuitement le terrain nécessaire à l'élargissement des rues, pourvu que l'administration communale voulût faire clôturer à ses frais la propriété de la famille Eenens, qui est réellement une propriété d'affection et que l'un ou l'autre membre de sa famille compte venir habiter plus tard.

D'après les considérations que j'ai cru devoir émettre devant la Chambre dans l'intérêt de la juste réclamation de la famille Eenens, il me paraît que de pareilles spéculations communales au détriment des véritables intérêts d'un ou de plusieurs propriétaires ne doivent pas être tolérées ; il ne faut pas que le gouvernement donne la main à de pareilles affaires, non fondées en droit ; il ne faut pas en définitive que le droit de propriété, garanti par la Constitution, devienne un vain titre, et que l'on puisse à chaque bon plaisir de l'une ou de l'autre autorité communale ou d'une société, exproprier les propriétés privées ; il faut dorénavant que le gouvernement soit plus sévère dans l'application des principes d'utilité publique et d'assainissement, dont on semble vouloir abuser depuis quelque temps, puisque déjà, à plusieurs reprises, des plaintes ont été adressées, à ce sujet, à la Chambre.

II y a donc réellement nécessité d'examiner s'il n'y aurait pas lieu de décréter des garanties plus sérieuses contre une application abusive de la loi du 1er juillet 1858, sur l'assainissement des quartiers insalubres que l'on semble aussi vouloir étendre actuellement aux quartiers sains.

Je crois donc devoir appuyer de tous mes moyens les observations si bien développées dans le rapport de l'honorable collègue et ami, M. Vander Donckt, au nom de la commission des pétitions.

Je demande, avec ladite commission, que l'honorable ministre de l'intérieur veuille examiner avec une sérieuse attention les justes réclamations des pétitionnaires et qu'il ne permette pas que l'on fasse une fausse application de la loi du 1er juillet 1858 ; la légalité doit toujours être le guide du gouvernement, et dans l'application surtout des lois exceptionnelles, il ne faut jamais admettre le moindre arbitraire ; c'est par l'arbitraire, par des actes parfois de complaisance que les gouvernements se font le plus de tort dans l'affection des populations. Il ne faut pas que nous tombions dans les abus administratifs d'un autre temps, sous le régime du bon plaisir. Fidèles aux grands principes de liberté et d'égalité que nous avons conquis en 1830, nous devons les respecter et particulièrement lorsqu'ils se rapportent à des affaires de liberté individuelle ou de propriété garantie par la Constitution.

M. Tack. - L'honorable ministre de l'intérieur vient de nous déclarer, il y a un instant, que jusqu'à présent aucune décision n'avait été prise au sujet des pétitions que nous discutons, par le bon motif qu'aucune demande n'a été adressée au département de l'intérieur. Cela nous met d'autant plus à l'aise pour apprécier le fondement de ces pétitions.

On ne saurait en disconvenir, comme l'a dit l'honorable M. de Renesse, il se manifeste une fâcheuse tendance à donner une extension abusive à la loi du 1er juillet 1858 concernant l'assainissement des quartiers insalubres.

Cette tendance se dévoile par les démarches nombreuses et importantes que de puissantes compagnies financières font près des administrations communales pour obtenir des concessions de grands travaux d'utilité publique sous prétexte d'assainissement ; elle vous est dénoncé par votre commission des pétitions qui les qualifie d'une manière très sévère.

Peut-être a-t-elle été encouragée par un arrêté royal du 29 novembre 1859 qui a autorisé la concession de travaux du même genre, arrêté royal que le rapport de la commission discute fort longuement, qui avait été (page 1136) ici, par anticipation, l'objet de critiques assez acerbes et combattu par plusieurs honorables membres de cette Chambre.

Pour ma part, je ne reviendrai pas sur cet acte du gouvernement ; je ne m'occuperai pas du passé, mais je déclare que j'ai des inquiétudes pour le présent et pour l'avenir en voyant les prétentions exorbitantes que certaines compagnies élèvent et les procédés qu'elles mettent en usage pour arriver à leurs fins. Il est temps d'arrêter une pareille tendance, si on ne veut pas compromettre le sort d'une loi, bonne en elle-même, et la faire tomber sous le coups d'une réprobation générale.

Sans doute, il est désirable que des travaux d'embellissement se fassent dans les grandes villes.

Sans doute, il est indispensable que les quartiers insalubres soient assainis le plus promptement possible ; mais il n'est pas moins essentiel aussi qu'il ne soit porté aucune atteinte à la propriété privée, à la fortune particulière ; et il importe enfin que force demeure à la loi.

Quel est, messieurs, le but de la loi sur les assainissements ? Ce but est inscrit en tête même de la loi ; son intitulé porte : « Expropriation pour assainissement de quartiers insalubres. »

Quels sont les quartiers insalubres ?

Mais généralement parlant, ce sont les quartiers habités par la classe ouvrière. C'est donc en vue du bien-être physique et moral des classes déshéritées de la fortune que la loi concernant l'assainissement des quartiers insalubres a été votée par la Chambre.

Qu'a voulu le législateur de 1858 ?

Il a voulu, comme vient de le rappeler encore l'honorable M. de Renesse, faire disparaître de nos villes ces ruelles étroites et sombres, ces bouges infects qui font tache dans nos grandes villes, qui sont la honte de notre civilisation ; il a voulu supprimer ces bataillons carrés, ces demeures humides, où nos populations sont entassées pêle-mêle, où l'air, la lumière et l'espace font défaut, où jamais les rayons du soleil n'ont accès, où les générations s'étiolent, s'abrutissent et se démoralisent, où l'homme perd jusqu'au sentiment de sa propre dignité ! Voilà le but de la loi de 1858 ; et c'est sans doute à cause de ce but si élevé, si grand, si noble, que la Chambre a voté sans opposition, presque sans discussion, et à l'unanimité de ses membres présents, le projet transformé en loi, le 1er juillet 1858, et cela malgré l'innovation radicale que cette loi consacre.

Cette innovation quelle est-elle ? C'est l'adoption du principe de l'expropriation par zones périmétriques, avec faculté pour les communes de revendre les terrains expropriés au plus offrant, à leur bénéfice, et sans égard aux droits des propriétaires antérieurs. Je dis que c'est là une innovation radicale et que l'on pourrait qualifier même de dangereuse, n'était la grandeur du but que l'on a voulu atteindre.

En effet, messieurs, les lois antérieures sur l'expropriation en matière d'utilité publique, ne contenaient aucun principe analogue.

L'économie de notre législation sur l'expropriation pour cause d'utilité publique quelle est-elle ? Le principe fondamental de cette législation est consigné dans l'article 11 de la Constitution ; il porte : Nul ne peut être privé de sa propriété si ce n'est pour cause d'utilité publique, dans les cas et de la manière établis par la loi, moyennant une juste et préalable indemnité. Ce principe n'est que la reproduction, sauf une addition, de l'article 545 du Code civil. L'article 11 de la Constitution et l'article 545 du Code civil ne sont que des déclarations de principe qui forment la synthèse des lois des 8 mars 1810, 17 avril 1855 et 1er juillet 1858, qui elles-mêmes ne sont que des lois d'application.

Les lois que je viens de citer ont des principes communs dont les deux principaux sont que l'utilité publique est déclarée par le pouvoir administratif, tandis que d'autre part la fixation de l'indemnité appartient aux tribunaux.

Maintenant qu'est-ce qui différencie les deux lois de 1810 et 1835 de la loi nouvelle de 1858 ? C'est qu'aux termes des lois de 1810 et de 1835 la délimitation des expropriations à faire est strictement circonscrite aux terrains qui doivent être affectés à l'usage du public, tandis que la loi de 1858 permet l'expropriation de terrains autres que ceux qui doivent être affectés à une destination publique, à condition toutefois que les terrains dont l'expropriation est demandée soient des terrains insalubres.

Mais on peut se demander quelle doit être la nature des terrains qui peuvent être compris dans la zone périmétrique à exproprier.

Je réponds les terrains qui participent, à un degré plus ou moins intime, à l'insalubrité du quartier qu'il s'agit d'assainir. La théorie, le principe est incontestable. Les complications naissent dans la pratique.

En effet, on aura chaque fois à se demander : Dans quelle mesure faut-il qu'un quartier soit insalubre pour que l'expropriation puisse être ordonnée pour cause d'utilité publique ? En dernière analyse, c'est un point de fait, une question d'appréciation extrêmement délicate, qui est laissée aux soins du pouvoir administratif, après qu'il se sera entouré de tous les renseignements que lui procurera l'enquête ouverte devant une commission spéciale, et après que la députation permanente aura été entendue. L'autorité administrative supérieure devra être d'autant plus réservée qu'elle est armée d'un pouvoir plus arbitraire.

Mais, messieurs, encore une fois tout cela n'empêche pas que le principe que j'énonçais tout à l'heure ne soit incontestable ; ainsi point d'expropriation pour cause d'assainissement à moins qu'il ne s'agisse de propriétés réellement insalubres ; ainsi il n'est point permis, sous prétexte d'assainissement, d'exproprier des terrains qui se trouvent dans de bonnes conditions hygiéniques sous prétexte que ces terrains sont contigus à des quartiers insalubres ou situés dans leur voisinage ; ainsi encore les communes n'ont pas le droit d'exproprier des terrains salubres, en alléguant pour motif qu'elles ont besoin de trouver une compensation à leurs dépenses dans la rétrocession des terrains qu'elles ont expropriés.

Cela peut-être admis quand les emprises s'opèrent sur des terrains qui sont insalubres, mais nullement pour les propriétés qui ne sont pas affectés d'insalubrité : il est évident que pour celles-ci les communes n'ont pas le droit de demander l'expropriation en vertu de la loi de 1858 ; décider différemment, c'est étendre arbitrairement la loi.

Appliquons ces principes aux cas qui vous sont déférés par les pétitionnaires.

De quoi s'agit-il ? Tout d'abord, voyons ce qui en est de la demande de la famille Eenens, et rappelons-nous que l'expropriation pour cause d'assainissement n'est possible que moyennant une simple condition : il faut d'abord, en général, qu'il s'agisse de quartiers habités par la classe ouvrière ; il faut ensuite que les terrains soient insalubres ; il faut, enfin, que la nécessité d'exproprier soit bien démontrée.

Or, ainsi que vient de le démontrer l'honorable comte de Renesse, au dire de la famille Eenens, la commune de Schaerbeek se proposerait de percer une rue dans le prolongement de l'axe de la rue Royale extérieure, derrière l'église de Sainte-Marie, à travers la propriété de cette famille.

Or la propriété en question est une délicieuse villa, composée de magnifiques jardins. Avec la meilleure volonté du monde, je ne sais vraiment pas comment on pourrait y découvrir la moindre cause d'insalubrité. Il n'y a, à proximité, aucune agglomération ouvrière, pas de marais, par de cours d'eau ; au contraire, les constructions voisines sont des demeures luxueuses, des demeures princières, bâties sur le plateau le plus ravissant et le plus salubre de la commune.

Le second travail projeté consiste dans l'élargissement de la rue de la Poste. Or cette rue n'est autre chose qu'un sentier, un chemin vicinal qui descend du versant sud de Schaerbeek et traverse des terrains sablonneux ; vers le bas la rue de la Poste est déjà bordée de deux côtés de maisons en partie achevées et en partie en construction.

Il ne reste plus à l'élargir que sur une distance d'une cinquantaine de mètres ; et là elle est limitée d'un côté par la propriété Eenens et de l'autre par les cours ou les jardins des maisons bâties dans une rue latérale.

Il est donc bien évident qu'il ne s'agit pas là d'un travail d'assainissement, mais d'un travail d'embellissement, et d'un travail de voirie urbaine et pas d'autre chose.

Pour ce qui concerne l'autre pétition relative aux travaux à effectuer au Maelbeek, la solution doit être la même ; il s'agit de voûter un cours d'eau en rase campagne ; le travail est achevé aux 9/10 dans la partie agglomérée de la commune de Saint-Josse-ten-Noode ; dans ce qui reste à faire les riverains offrent d'intervenir dans les travaux et de céder les terrains nécessaires pour l'élargissement du sentier qui longe le Maelbeek.

Au surplus, les pétitionnaires prétendent que l'insalubrité, s'il y en a, est le fait des communes situées en amont de ce cours d'eau ; si l'eau est trouble, si elle est corrompue, disent-ils, c'est que les communes avoisinantes permettent d'y jeter les issues des abattoirs et les immondices des égouts. Qu'elles empêchent l'infection plutôt que d'exiger des riverains des travaux de la nature de ceux dont il s'agit. Cette observation est très juste.

Pour ma part, je crois que le gouvernement fera sagement en cette matière d'user de la plus grande circonspection, et tout en ne prêtant pas l'oreille à des exigences outrées de la part des propriétaires, d'empêcher cependant d'un autre côté les communes de jeter le trouble dans la propriété privée.

Il ne faut pas qu'il tolère qu'on fasse une fausse application de la loi (page 1137) de 1858, et que l’on finisse par introduire subrepticement dans notre législation le droit d'expropriation contre un particulier en faveur d'autres particuliers.

Si les droits de la société en matière d'expropriation pour cause d’embellissement sont restreints dans des limites trop étroites, qu'on ait la franchise de le proclamer ; qu'on exhume, s'il le faut, les projets de 1847 et 1848, nous verrons jusqu'à quel point ils sont admissibles à l'aide de certains tempéraments.

Nous pourrons même examiner si l'on ne pourrait se rapprocher de la loi française, moyennant stipuler des garanties raisonnables.

Si nous constatons qu'il y a des lacunes dans la loi de 1858, nous les comblerons ; nous nous demanderons s'il n'y a pas utilité à faire intervenir en cette matière la législature, comme cela se pratique en France et en Angleterre, pour décider de la déclaration d'utilité publique ; s'il ne conviendrait pas aussi, dans d'autres cas, de recourir au pouvoir judiciaire.

Quoi qu'il en soit, tant que les lois de 1810 et de 1835 resteront debout, il faut les respecter. Il n'est permis sous aucun prétexte de substituer à ces lois générales, quand il ne s'agit pas d'assainissement, une loi spéciale adoptée pour un cas déterminé et de remplacer arbitrairement le droit commun par un droit exceptionnel et exorbitant,

M. Pirmez. - Messieurs, il me paraît que pour éclaircir le débat, M. le ministre pourrait déposer au commencement de la séance de demain les plans des terrains qu'il s'agit d'exproprier pour cause ou sous prétexte d'assainissement.

- Un membre. - La demande n'est pas faite.

M. Pirmez. - Je prierai M. le ministre de nous déposer les plans constatant l'application qu'a reçue jusqu'ici la loi de 1858,

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - On doit encourager les communes au lieu de les décourager.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Messieurs, le rapport fait par M. Vander Donckt comprend trois points différents ; il s'agit d'abord de deux projets qui devaient s'exécuter, l'un à Schaerbeek, l'autre à Saint-Josse-ten-Noode ; ces projets ne sont pas soumis jusqu'à ce jour au département de l'intérieur.

M. le rapporteur ensuite a blâmé...

M. Vander Donckt. - Il y a quatre pétitions.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Oui, mais il y a parmi les pétitionnaires des personnes qui se plaignent avant d'être atteintes.

Le projet de Schaerbeek et celui relatif au Maelbeek ne sont pas, je le répète, arrivés au département ; il me serait donc impossible de déposer, comme le demande M. Pirmez, les plans de ces projets.

Je dois déclarer toutefois que j'ai eu officieusement connaissance que les projets ne seront probablement pas exécutés en vertu de la loi de 1858.

J'ai reçu une députation du conseil communal de Schaerbeek, je lui ai soumis quelques observations, et je pense que le projet sera modifié ; il n'y a donc pas lieu de s'animer sur cette question qui, pour nous, n'existe pas, et qui sera modifiée, je l'espère.

J'ajouterai que, déjà antérieurement à la présentation du rapport de M. Vander Donckt, j'avais eu un entretien avec des membres de l'administration communale de Schaerbeek.

Quant au projet du Maelbeek, j'ai vu dans les journaux que cette affaire est sur le point de se terminer à l'amiable, et que les propriétaires ont fait des propositions qui ne semblent pas inadmissibles.

Du reste, si une demande de ce genre était faite, je l'examinerais avec la plus sérieuse attention, et bien résolu à exécuter la loi conformément à son esprit.

L'honorable rapporteur s'est ensuite occupé du passé ; il a signalé deux cas d'expropriations faites aux termes de la loi de 1858, dans les faubourgs de Bruxelles.

L'une de ces expropriations a donné lieu à des réclamations et à un procès.

Aujourd'hui la justice est saisie de cette affaire ; il ne convient pas de discuter la question avant que les tribunaux aient prononcé ; le second fait concerne la commune d'Ixelles ; des observations ont été soumises dans le temps à la Chambre ; mon honorable prédécesseur en a tenu compte, car au lieu de trois rues, il n'en a autorisé que deux. L'application de la loi dans ces conditions n'a pas donné heu, que je sache, à des critiques sérieuses. Je demande donc s'il est possible ou nécessaire de produire des plans comme le propose l'honorable M. Pirmez.

Puis-je déposer le plan qui concerne l'affaire examinée aujourd'hui par la justice ? Je crois que la Chambre ne veut pas s'occuper de cette question. Veut-on que je dépose le plan pour l'affaire d'Ixelles qui est arrangée ? Et je suis matériellement dans l'impossibilité de présenter ceux qui concernent la commune de Schaerbeek et l'affaire du Maelbeek, attendu que ces plans ne me sont pas parvenus et que peut-être ils ne sont pas définitivement arrêtés par les conseils communaux.

M. Tack. - Tant mieux.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Tant mieux, sans doute.

M. Tack. - J'ai signalé des tendances.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Oui, c'est ici un procès de tendance fait à la loi et pas autre chose.

Quant à la loi elle-même, soyons justes, reconnaissons que la loi est bonne en principe et doit produire d'excellents résultats.

Il faut sans doute respecter la propriété. Les propriétaires sont des citoyens respectables, mais il est certain aussi qu'il faut absolument, dans l'intérêt des classes pauvres et dans l'intérêt de la salubrité publique, pouvoir exécuter certains travaux. Or, la résistance de certains propriétaires a rendu l'exécution de travaux urgents impossible. Dans diverses circonstances, les prétentions des propriétaires doivent céder devant les intérêts des classes pauvres. Dans ce cas, la loi doit recevoir son entière exécution.

Ce sont là des questions d'appréciation et de bonne foi, questions parfois très difficiles à résoudre, comme toutes les questions d'appréciation. Mais c'est pour cela que la loi a entouré ces expropriations de garanties nombreuses.

Si l'on reconnaît, d'ici à quelque temps, que ces garanties sont insuffisantes, on pourra modifier la loi.

Quant à présent, les cas d'application de la loi de 1858 ont été si peu nombreux que l'on peut, que l'on doit avouer que l'expérience n'est pas faite.

Nous ne pouvons modifier à chaque instant les lois d'une certaine importance qui ont été votées par la Chambre et le Sénat et promulgués par le Roi. Il faut attendre l'expérience des faits afin de constater si ces lois sont utiles ou dans quel sens il faut les modifier.

Voilà les explications que je désirais donner à la Chambre. Je pense que cette affaire n'a pas la gravité qu'on aurait pu lui donner en prenant connaissance du rapport de l'honorable M. Vander Donckt. Ce n'est pas le faute de l'honorable rapporteur, puisque c'est depuis le dépôt de son travail, que des faits nouveaux ont surgi.

J'ajouterai un mot : si l'allégation de l'honorable rapporteur, relativement à une des communes, en ce qui concerne des promesses d'actions, et, disons-le, certains tripotages, est vraie, je serai le premier à flétrir ces faits et à les combattre énergiquement ; j'irai plus loin, je crois qu'il ne suffit pas de blâmer de pareils faits, qu'il faut les réprimer au besoin par les voies judiciaires.

M. le président. - M. Pirmez persiste-t-il dans sa motion ?

M. Pirmez. - Je renonce à ma motion, puisqu'il n'y a pas de plan.

M. de Theux. - Messieurs, il est regrettable qu'une question de cette importance soit discutée à la fin d'une séance et au milieu de préoccupations de tout autre genre ; car il est certain que la discussion qui a eu lieu au début de cette séance et celle qui va s'ouvrir demain détournent l'attention de la Chambre de ce débat.

Quoi qu'il en soit, je ne pense pas qu'il serait juste de prendre une résolution aujourd'hui ; et les discours qui sont prononcés sont plutôt des conversations sur un sujet qui devra être repris dans une autre séance, afin de pouvoir se prononcer avec une maturité convenable.

Messieurs, la loi du 1er juillet 1858 soulève réellement des questions, de la plus haute importance.

D'abord elle pose en principe que pour cause d'insalubrité le gouvernement pourra ordonner l'expropriation de certaine étendue de terrain. Ces mots sont très vagues. Il faut voir quelle est l'étendue des terrains insalubres et conséquemment quelle est l'étendue des terrains à exproprier pour cause d'insalubrité.

D'autre part, il reste à examiner à qui incombent les frais d'embellissement ; car il faut convenir que le mot « insalubrité » cache véritablement jusqu'à un certain point une autre pensée, celle d'embellissement.

Eh bien, est-il juste que, soit pour cause d'insalubrité, soit pour cause d'embellissement, certains propriétaires fassent les frais de ce qui devrait être l'objet d'une dépense communale et conséquemment d'une dépense faite au moyen des ressources générales de la commune ?

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - On indemnise.

M. de Theux. - On indemnise, mais on exproprie ici d’une manière toute spéciale qui, dans aucune de nos lois sur l’expropriation pour cause d’utilité publique, n’est admise.

(page 1138) Je ne sais pas, messieurs, si l'on est resté strictement dans le texte de la Constitution qui n'autorise l'expropriation que pour cause d'utilité publique et moyennant une juste et préalable indemnité, ce qui veut dire que l'indemnité est payée par le public et n'est pas fournie par les possesseurs de terrains, qui se trouvent dépossédés d'une manière exceptionnelle et au-delà d'une utilité réellement constatée.

D'autre part, dans cette loi, nous n'avons pas les mêmes garanties que celles qui sont décrétées dans d'autres lois. Ainsi, par exemple, la loi sur les concessions des mines est évidemment aussi une loi faite pour l'utilité publique. Il est d'utilité publique que les mines puissent être concédées dans une certaine étendue pour que l'exploitation puisse en être faite d'une manière utile à la société. Eh bien, pour ce cas, il y a un conseil des mines institué, dont le nombre des membres est déterminé. II est stipulé que les membres de ce conseil ne peuvent posséder, ni eux, ni leurs ascendants, ni leurs descendants, aucun intérêt dans les mines. D'autre part, le nombre des membres qui doivent siéger pour donner avis, est fixé par la loi ; il ne peut pas être moindre.

Finalement la grande garantie, c'est que le gouvernement ne peut faire aucun octroi, si ce n'est sur l'avis conforme du conseil des mines. C'est là un corps administratif jugeant l'utilité publique, et sa décision est sanctionnée par celle du gouvernement ; mais ni celle du conseil des mines isolée, ni celle du gouvernement isolée ne peuvent suffire pour exproprier le propriétaire de la surface, de la valeur qui se trouve au-dessous.

S'agit-il de communication pour le transport des minerais extraits ? Vous avez les mêmes garanties.

Il faut l'avis conforme du conseil des mines et ensuite une indemnité fixée au double.

Vous voyez avec quel soin on a stipulé dans l'intérêt de la propriété, lorsqu'on a révisé la loi de 1810 sur les mines.

Il y a une autre loi qui contient aussi des garanties, c'est celle sur le défrichement. Là aussi il y a toute une série de garanties pour les communes qu'il s'agit d'exproprier de leurs terrains communaux et entre autres celle-ci : qu'aucun décret d'expropriation ne peut être porté si ce n'est sur l'avis conforme de la députation permanente, corps indépendant et électif.

Dans la loi du 1er juillet 1858 dont nous nous occupons, ces garanties font défaut.

La députation doit être consultée, mais le gouvernement n'est pas obligé de suivre l'avis de la députation.

On doit instituer un comité d'examen, mais la députation n'est pas obligée de suivre l'avis de ce comité, ni le gouvernement non plus. De sorte qu'en définitive, vous n'avez qu'un seul juge, c'est le gouvernement et le conseil communal, qui agit dans l'intérêt de la commune.

Ces questions, messieurs, sont réellement très sérieuses. J'ai toujours regretté, lorsque cette loi a été votée, de n'avoir pas assisté à la séance où le vote a eu lieu, car mon intention était de demander des garanties pour la propriété.

Maintenant, messieurs, dans le rapport de l'honorable M. Vander Donckt il se trouve révélé un fait très grave. M. le ministre de l'intérieur vient de dire qu'il n'est pas encore suffisamment étudié, soit ; nous ne pouvons donc pas nous prononcer en ce moment ; mais une discussion du même genre a eu lieu au moment où le gouvernement allait prendre une décision, et presque tous les membres qui s'étaient occupés de la question, et ils étaient nombreux, pensaient que la proposition du conseil communal de Saint-Josse-ten-Noode excédait les justes droits que le législateur avait entendu conférer par la loi de 1858 ; le gouvernement n'en a pas moins statué favorablement sur la demande du conseil communal, malgré l'avis contraire de la députation et du comité consultatif.

Ce précédent justifie, selon moi, ce que l'on voit de prématuré dans la réclamation dont nous nous occupons actuellement : les pétitionnaires ont pensé qu'il valait mieux s'adresser à la Chambre dès à présent que de s'exposer à le faire tardivement.

Je sais, messieurs, que nous n'avons point de décision à prendre, puisque la loi établit le gouvernement juge, mais nous sommes les contrôleurs de la légitimité des actes qu'il pose en vertu des lois.

De plus nous avons le droit d'examiner si une loi est réellement d'accord avec les vrais principes de législation, si elle est parfaitement en harmonie avec la Constitution, si dans tous les cas, il n'y aurait pas de garanties à y introduire pour sauvegarder le droit de propriété tout en laissant à l'administration des facultés suffisantes pour pourvoir aux besoins de l'hygiène publique. Si tel était l'avis de la Chambre, rien ne s'opposerait à ce qu'elle nommât dans son sein un comité de jurisconsultes.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). -La loi n'existe que depuis 3 ans et elle n'a donné lieu à aucun abus.

M. de Theux. - Il y a des griefs qui sont bien fondés. Je suis complètement désintéressé dans la question, mais je vois que des abus sont possibles, et si on peut améliorer la loi, il vaut mieux le faire actuellement que d'attendre qu'il se soit produit des abus nombreux.

On connaît les réclamations soulevées à Paris par tous les travaux qui accablent si largement la propriété, le Sénat français est saisi de plusieurs pétitions à cet égard ; il ne faut pas qu'un pareil état de choses vienne à se produire en Belgique.

Vous examinerez, messieurs, ce que vous croirez convenable de faire ; en attendant, comme je trouve le principe de la loi exorbitant je ne saurais assez engager le gouvernement à ne l'appliquer qu'avec toute la réserve et toute la prudence possibles, aussi longtemps qu'elle restera en vigueur.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - L'honorable M. de Theux vient de faire le procès à une loi qu'il n'a point votée, à la discussion de laquelle, dit-il, il n'a pas assisté ; ceci me ferait supposer qu'il n'en connaît point parfaitement l'esprit.

M. de Theux. - J'ai lu la discussion.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Cette loi a été votée par la Chambre à la presque unanimité ; elle n'a donné lieu dans son application à aucun abus, et je ne lui trouve, moi, qu'un défaut, c'est de ne pas être suffisamment exécutée. C'est un instrument d'amélioration populaire qui était réclamé de toutes parts, et qui est resté en quelque sorte inutile entre les mains des administrations communales. Je ne pense pas qu'elle ait été appliquée cinq fois depuis qu'elle existe.

Maintenant quel abus a-t-il été fait de cette loi ? Où fait ici des théories très savantes sur les abus qui pourraient en résulter, sur la violation des grands principes à laquelle elle pourrait donner lieu, mais on ne signale aucun abus qui aurait été commis.

Certes, messieurs, je serais loin d'engager mon honorable successeur à user légèrement de la loi, de ne pas recommander aux communes de faire un usage raisonnable de la faculté que leur donne cette loi, mais je suis loin aussi de vouloir, par des conseils timides, décourager les communes et empêcher souvent les travaux les plus salutaires.

Quant à nommer une commission de jurisconsultes pour examiner cette loi, ce serait un fait entièrement nouveau dans le régime parlementaire. Voilà une loi suspecte ! Au lieu de nommer une commission de jurisconsultes pour examiner si elle ne renferme pas quelque poison inconstitutionnel, que l'honorable M. de Theux use de son initiative en donnant un nouvel exemple d'une loi faite et défaite à trois années d'intervalle. Il serait toutefois à désirer que cet exemple ne vînt pas d'un homme qui passe généralement pour si sage, si modéré, si conservateur.

Nous avons déjà beaucoup de mal à faire une loi : quand une loi est faite, au moins laissons-la vivre, laissons-lui quelques années d'existence, quelques années d'expérience avant de la frapper de discrédit aux yeux de ceux qui doivent l'exécuter.

Quant à moi, je ne puis pas admettre la manière de voir de M. de Theux ; mais s'il croit que la loi renferme tant de vices, qu'il fasse une proposition, et que la Chambre, si cela l'amuse, défasse la loi qu'elle a faite il y a trois ans ; ce sera ce qu'on appelle le travail de Pénélope.

M. B. Dumortier. - La Chambre n'est pas ici pour s'amuser ; elle est ici pour faire de bonnes lois et pour défaire les lois mauvaises qu'on pourrait avoir faites.

Elle est encore ici pour améliorer des lois qui présentent des défectuosités, des doutes.

Quel a été le but de la loi dont il s'agit ? La loi a-t-elle été faite dans l'intérêt de l'embellissement des communes ou bien seulement en faveur de l'assainissement des communes ?

Je dis, moi, qu'elle a été faite en faveur de l'assainissement, et non de l'embellissement des communes...

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Pour les deux choses à la fois.

M. B. Dumortier. - Du tout !

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Certainement.

M. B. Dumortier. - Puisque telle est votre opinion, je proposerai un ordre du jour motivé pour que la Chambre déclare que la loi a été faite seulement pour l'assainissement.

L'honorable M. Rogier, pendant qu'il a été ministre de l'intérieur, a toujours prétendu que la loi de 1858 était relative à l'embellissement des villes...

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Non ! non !

(page 1139) M. B. Dumortier. - Vous l'avez dit à l'instant ; vous rétractez-vous ?

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Embellir en assainissant, voilà ce que j'ai dit.

M. B. Dumortier. - Je prétends que la loi a été faite uniquement pour l'assainissement.

Voyez l'article premier de la loi du 1er juillet 1858 qui en explique parfaitement la destination.

Voilà donc le but de la loi ; l'assainissement d'un quartier n'est pas l'embellissement d'un quartier, et vous ne pouvez, sans violer la Constitution, étendre la loi outre mesure à l'embellissement : si la loi pouvait-être relative à l'embellissement, je pose en fait qu'il n'y aurait pas eu peut-être 5 voix dans cette enceinte pour la voter ; il ne s'est agi que d'assainissement.

Si, a-t-on dit, il se trouve un quartier insalubre dans une ville, un quartier marécageux dans une commune, il y a lieu alors à assainissement ; il ne suffit pas en pareil cas de faire percer une rue ; mais il faut encore que les abords soient dégagés de manière à empêcher la continuation des émanations d'un air méphitique. C'est à ce point de vue et à ce point de vue seul qu'on a voté la loi de 1858.

A entendre l'honorable ministre des affaires étrangères, il n'y a pas d'abus. Or, voyons ce qui se passe dans l'affaire de Schaerbeek ; j'ai été moi-même sur les lieux pour m'assurer des faits.

Derrière l'église de Sainte-Marie, à l'extrémité de la rue Royale, c'est-à-dire, dans la partie la plus saine de tout Bruxelles, et où dès lors il n'y a pas matière à assainissement, se trouve une grande et magnifique propriété, appartenant à M. le général Eenens, qui contient environ un hectare de terre et qu'on veut exproprier.

Voici le calcul qu'on fait :

Il y a (je suppose) 250,000 pieds de terrain ; nous payerons le pied à raison d'un franc et nous revendrons le pied à raison de 5 francs ; et, avec le bénéfice considérable que nous allons réaliser, nous ferons de grands travaux dans la commune.

C'est là une spéculation à laquelle la Chambre ne peut certes pas donner son assentiment ; cette spéculation est hypothéquée sur le vol, sur la spoliation de la propriété d'autrui au profit de la commune. Voilà les abus dont on se plaint et dont on se plaint avec infiniment de raison. (Interruption.)

M. le ministre des affaires étrangères disait tantôt en m'interrompant que la loi de 1858 concernait à la fois l'embellissement et l'assainissement ; il en résulte que l'honorable ministre ne reculerait pas devant l'exécution d'un pareil projet.

Eh bien, je le répète, l'exécution d'un pareil projet serait un acte de vol, de spoliation d'une propriété privée au profit d'une commune ; et c'est là ce que la Chambre ne peut tolérer ! C'est là le système Haussmann qu'on applique à Pai s, et ce système, nous ne voulons pas l'introduire en Belgique.

Et remarquez le, messieurs, l'affaire de Schaerbeek n'est pas une affaire illusoire ; je tiens en mains l’information de commodo et incommodo, qui a été affichée sur tous les murs de Schaerbeek.

« Les bourgmestre et échevins de la commune de Schaerbeek portent à la connaissance des intéressés qu'une information de commodo et incommodo est ouverte sur les résolutions prises par le conseil communal de Schaerbeek, en séances du 18 février, du 18 mars et du 1er avril 1862, par lesquelles il adopte le projet élaboré par sa section des travaux publics, pour l'établissement d'une rue à ouvrir derrière le chœur de l'église Sainte-Marie, comprenant la construction d'une maison communale et ‘ écoles communales, l'établissement d'un marché public, et l'alignement de la rue de la Poste, le long de la propriété Eenens.

« En conséquence, tous ceux qui ont des motifs d'opposition à faire valoir contre l'établissement projeté, sont invités à nous les faire parvenir, par écrit, ou d'assister à la rédaction du procès-verbal qui sera dressé au secrétariat de la maison communale, le 5 mai 1862, à onze heures du matin, et clôturé à une heure de relevée. »

M. le ministre de l'intérieur a beau dire : « L'affaire n'est pas arrivée jusqu'à moi ; il suffit qu'elle soit inscrite en ce moment par l'autorité communale, et nous devons empêcher que les particuliers soient spoliés au profit d'une commune.

A cette fin, j'ai l'honneur de proposer à la Chambre la formule de renvoi ci-après :

« Attendu que la loi du 1er juillet 1858 n'a pour but que l'assainissement et non pas l'embellissement, la Chambre renvoie la pétition à M. le ministre de l'intérieur. »

En se prononçant sur cette formule de renvoi, la Chambre décidera la question de savoir si, oui ou non, l'embellissement peut être le résultat de l'application de la loi du 1er juillet 1858.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Messieurs, je ne sais ce qui se passe à Schaerbeek. Si la commune applique mal la loi, on aura grand-raison de la faire rentrer dans l'ordre.

J'ai dit que la loi était destinée à l'assainissement et aussi à l'embellissement, attendu que dans l'exposé des motifs, comme dans le cours de la discussion, j'avais établi que la plupart des embellissements, tant en France qu'en Belgique et en Angleterre, étaient dus à des travaux d'assainissement, mais le seul but direct de la loi était l'assainissement.

L'assainissement se combine nécessairement avec l'embellissement des communes. Les plus beaux quartiers de Londres ont été créés par l'assainissement de quartiers insalubres.

Voilà ce que j'ai dit, et je le maintiens. Quant à Schaerbeek, je ne sais ce qui s'y passe.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - L'information de commodo et incommodo que vient de lire l'honorable M. Dumortier prouve que l'honorable membre n'est pas dans le vrai, et que mes appréciations sont exactes, c'est-à-dire que la commune de Schaerbeek semble vouloir modifier son projet primitif de manière à ne pas devoir appliquer la loi de 1858.

Lecture que vient de faire l'honorable membre démontre qu'il en est ainsi.

On ne demande pas s'il y a lieu d'exproprier pour cause d'insalubrité ; on demande s'il y a lieu d'exproprier le terrain nécessaire pour l'établissement d'une rue, d'une maison communale, d'une école et d'un marché.

Il s'agit donc là d'une expropriation tout à fait ordinaire et si l'utilité d'une maison communale, d'une école et d'un marché est reconnue, il me semble que la loi de 1858 n'a plus rien à voir ici et que tous les inconvénients dont a parlé l'honorable M. de Theux ne se présenteront pas.

M. le président. - Voici la proposition de l'honorable M. B. Dumortier :

« La Chambre, considérant que la loi du 1er juillet 1858 est relative à l'assainissement et non à l'embellissement, renvoie la pétition à M. le ministre de l'intérieur. »

M. Van Humbeeck. - Messieurs, dans l'état où la question se présente devant nous, il me paraît impossible que nous entrions dans des considérations relatives à l'un ou l'autre des plans dont les pétitionnaires croient avoir à se plaindre.

Nous ne pouvons, comme l'a fait observer avec raison, un honorable préopinant, que développer quelques principes généraux, quelques règles qui devront servir de guide au gouvernement dans des affaires analogues.

Voilà le but que nous devons poursuivre dans cette discussion.

C'est à ce point de vue que j'aurais voulu émettre quelques considérations pour appuyer ce qui a été dit aujourd'hui par d'honorables membres relativement à la nécessité de n'user qu'avec une grande réserve des pouvoirs exorbitants que la loi de 1858 donne au gouvernement.

A ces considérations j'aurais voulu en joindre d'autres relatives à un point qui n'a encore été touché par aucun des honorables préopinants.

Je ne viens pas demander qu'on remette cette discussion à demain plutôt qu'à tout autre jour, mais je crois qu'aujourd'hui l'heure est trop avancée.

Je demande donc à la Chambre de vouloir me permettre de présenter mes observations soit demain soit un autre jour.

M. le président. - La Chambre a fixé déjà son ordre du jour. Cette discussion viendrait donc après.

M. de Naeyer. - Je demande le renvoi à M. le ministre de l'intérieur avec demande d'explications. Lorsque ces explications auront été données, la discussion pourra être reprise.

M. B. Dumortier. - La Chambre n'est plus en nombre.

Je demande l'appel nominal.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - M. le président a proclamé que cette discussion viendrait à la suite de l'ordre du jour.

M. le président. - La Chambre a décidé qu'après le budget des affaires étrangères viendrait le projet de loi relatif à la demande de la compagnie Pauwels. Cet objet-ci suivrait immédiatement après.

- La séance est levée à 5 heures.