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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 26 mars 1862

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1861-1862)

(page 1017) (Présidence de M. E. Vandenpeereboom, premier vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Moor, secrétaire, procède à l'appel nominal à deux heures et un quart.

M. de Florisone, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Moor, secrétaire, présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Le sieur Emmanuel Farinaux, sous-instituteur à Malines, né à La Haye (Pays-Bas), demande la naturalisation ordinaire avec exemption du droit d'enregistrement. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.

« Des habitants des cantons d'Achel et de Peer, et les membres du conseil communal et des habitants d'Achel et de Zonhoven prient la Chambre d'autoriser le gouvernement à accorder à la compagnie De Bruyne-Houtain la concession des chemins de fer de Tongres à Liège et de Hasselt à Eyndhoven, moyennant la garantie d'un minimum d'intérêt de 4 p. c. et sous la condition que les deux sections seront exécutées simultanément et que pour la ligne de Hasselt à Eyndhoven on suivra le tracé par Zonhoven, Houthalen, Helchteren, etc. »

M. de Renesse. - Les membres d'un comité permanent du chemin de fer pour la Campine limbourgeoise des cantons de Peer et d'Achel, constitué dans le meeting qui a eu lieu à Peer, le 24 février dernier, s'adressent à la Chambre, à l'effet d'appuyer la demande de concession faite par la société de Bruyne et Cie, pour la construction d'un chemin de fer de Liège par Tongres et Hasselt vers la frontière hollandaise, dans la direction d'Eyndhoven.

Les pétitionnaires joignent à leur requête une carte indiquant un tracé proposé par les demandeurs en concession, une légère modification permettrait de passer par le centre de plusieurs communes très importantes de cette partie de la Campine.

Depuis peu de temps, la demande de concession de cette grande ligne ferrée internationale de Liège aux chemins de fer hollandais, décrétée depuis l'année dernière, doit avoir été adressée au département des travaux publics : il peut donc être utile d'avoir un prompt rapport sur cette pétition, afin que M. le ministre des travaux publics puisse prendre connaissance de la réclamation des pétitionnaires, qui me paraît très fondée.

J'ai donc l'honneur de proposer à la Chambre de vouloir ordonner le renvoi de cette requête à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.


« Le sieur Régnier-Poncelet demande une réduction sur le prix de transport, par le chemin de fer, des engrais, cendres de foyers de machines, scories de fours à coke et hauts fourneaux, mâchefer de forges. »

M. Braconier. - Je demande le dépôt de cette sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics.

- Adopté.


« Des habitants de Bohan réclament l'intervention de la Chambre pour obtenir le payement de ce qui leur est dû par l'administration communale. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« L'administration communale de Lippeloo demande la révision de la loi du 18 février 1845, relative au domicile de secours.

- Même renvoi.


« Le sieur Duplessis prie la Chambre de faire accorder une pension à son fils Chrétien, militaire congédié pour infirmité contractée au service, et en attendant, de lui accorder un secours.

- Même renvoi.


« La demoiselle Lepoint demande la réversibilité de la pension dont jouissait sa mère, ou du moins un subside annuel. »

- Même renvoi.


« Les secrétaires communaux dans l'arrondissement de Saint-Nicolas, demandent une loi qui fixe le minimum de leur traitement. »

- Même renvoi.

M. Van Overloop. - Je demande que la commission soit priée de faire un prompt rapport sur cette pétition.

- Adopté.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l’exercice 1862

Discussion générale

M. Orban. - J'ai été quelque peu étonné, messieurs, lorsque hier j'ai entendu l'honorable M. d'Hoffschmidt dire que dans le Luxembourg nous n'avons ni canaux ni voies navigables. Je me suis expliqué son erreur, lorsqu'il a ajouté, immédiatement après, que sous ce rapport l'Etat n'a rien dépensé dans cette province. C'est malheureusement la vérité, et l'on chercherait en vain le nom de la seule rivière navigable qu'elle possède, l'Ourthe, dans tous les budgets.

Si son nom a été quelquefois prononcé dans cette enceinte, il ne l'a guère été qu'à l'occasion des plaintes qui, à diverses reprises, nous sont arrivées des localités riveraines. Ella a cependant une histoire, et cette histoire, je crois le moment venu de la rappeler.

Je dois pour cela remonter un peu haut, mais je m'efforcerai d'être, aussi bref que possible.

La période de 1820 à 1845 a vu naître la plupart des grands travaux hydrauliques qui existent maintenant en Belgique.

En 1825 notamment, on travaillait activement, dans les provinces de Brabant, de Hainaut et de Namur, aux canaux qui ont tant contribué à la richesse de ces provinces, on créait le canal de Gand à Terneuzen, on commençait celui qui devait réunir la Meuse à l'Escaut.

A cette époque, l'idée vint à quelques personnes de joindre la Meuse à la Moselle par un canal de navigation qui, traversant tout le Luxembourg, devait avoir une longueur d'environ 55 lieues. cette idée fut accueillie avec la plus grande faveur par le gouvernement, et deux ans après, le 1er juillet 1827, un arrêté royal en accordait la concession.

On était généralement d'accord pour considérer ce travail comme devant être mis, au point de vue de l'utilité générale, sur la même ligne que ceux que l'on exécutait dans les autres parties du pays.

Il devait, en effet, faire sortir toute une province de l'état précaire dans lequel elle se trouvait, relier, par une navigation régulière, l'Allemagne à la Belgique et au port d'Anvers.

Ce qui prouve au surplus l'importance que l'on attachait à cette canalisation, c'est qu'à peu près en même temps, deux sociétés se présentèrent pour l'entreprendre.

La concession fut accordée à l'une d'elles, mais elle le fut dans des conditions uniques peut-être, et qui paraîtront incroyables, si on les juge avec les idées que nous avons actuellement sur les concessions de travaux publics.

Il est important de les signaler, car après avoir été autrefois au nombre des causes de toutes les vicissitudes par lesquelles cette affaire a passé, elles pèsent encore lourdement sur la situation présente.

La première était, en effet, la perpétuité accordée à l'entreprise. Ainsi, l'on peut dire que l'on confisquait au profit d'une société particulière une rivière sur laquelle la navigation n'était pas bien remarquable à la vérité, mais enfin sur laquelle il y avait une navigation quelle qu'elle fût.

La seconde, plus incroyable peut-être encore que la première, était que l'on enlevait complètement aux ingénieurs de l'Etat et jusqu’à l'entier achèvement des travaux, la surveillance de la rivière et du canal, le contrôle de ce qui s'y faisait.

La troisième, qu'à partir du commencement des travaux les concessionnaires étaient autorisés à percevoir les péages qui existaient sur la rivière, à charge toutefois d'entretenir la navigation dans l'état où elle se trouvait.

Notons en passant que cette clause a été la seule qui ait jamais été rigoureusement observée, en ce qui concerne les péages du moins, que la compagnie a de tout temps religieusement perçus.

Enfin le péage sur le canal était fixé à 25 centimes par tonne-lieue, taux généralement adopté alors pour les travaux analogues.

Il devait être perçu dès que des bateaux de 40 tonneaux pouvaient naviguer entre Liège et Barvaux, soit douze lieues d'étendue.

Les travaux devaient être terminés en cinq ans, le 1er avril 1833. Nous verrons tantôt ce que ces cinq ans sont devenus.

En 1828, donc, les travaux commencés sur plusieurs points, se poursuivirent avec activité, d'autant plus d'activité que le roi Guillaume craignant qu'il n'y eût pas assez de souscripteurs, dit-on, peut-être aussi parce qu'il jugeait l'affaire bonne aux conditions qu'il avait fixées, prit une très forte part dans la société qui se créa en 1828.

(page 1018) Ce qui me porterait à croire que ce dernier motif avait bien son importance, c’est que, chose fort peu ordinaire en pareil cas, on destina quelques actions à former le fonds d’une espèce de prix Montyon. Une clause des stations stipulait, en effet, qu’un certain nombre d’actions représentant une valeur de plus de 200,000 francs seraient à la disposition du roi pour être inscrits à titre d’hommages au nom des savants écrivains, ingénieurs nationaux ou étrangers, qui par leurs travaux ou leurs écrits contribuent le plus à propager l’esprit d’association et son application aux travaux d’utilité générale.

Si les conditions de la concession ne se sont plus retrouvées dans aucun autre travail d'utilité publique, je ne pense pas que cette clause des statuts figure dans aucun acte de constitution de sociétés anonymes.

Les localités intéressées devaient donc espérer de se voir bientôt en possession du canal, car, comme je l'ai dit, on travaillait avec grande activité partout, et la société ne se faisait pas faute de déclarer que, son capital étant entièrement souscrit, les travaux seraient achevés dans les délais voulus.

Mais on avait compté sans les événements politiques. La révolution de 1830 arriva ; les travaux entrepris sur le territoire belge furent ralentis d'abord, définitivement abandonnés ensuite en 1831.

C'est ici, messieurs, que cette clause dont je vous ai parlé, qui enlevait au gouvernement la surveillance des travaux, fut fatale à ceux qui attendaient avec impatience l'achèvement du canal. Le gouvernement belge, en effet, ne crut pas pouvoir intervenir jusqu'à l'expiration du délai d'achèvement.

Ala fin de 1833 seulement, s'adressant à la compagnie, il entama avec elle des négociations, inutiles à rapporter, et qui n'aboutirent qu'à un procès commencé devant le tribunal de Liège à la fin de 1836.

Ce procès fut perdu par la compagnie, qui appela du jugement.

Enfin, le 15 décembre 1843, sept ans après la mise en demeure, seize ans après l'octroi de la concession, la compagnie fut condamnée à achever le canal dans le délai de quatre ans sur tout le territoire de la Belgique.

Ce qu'étaient devenus pendant ce temps-là les travaux inachevés en 1830, exécutés dans le lit d'une rivière qui, comme l'Ourthe, se transforme, à la fonte des neiges, en torrent entraînant tout sur son passage, vous le comprendrez aisément. Les pierres, los briques amoncelées formaient au fond de la rivière autant d'écueils au milieu desquels les bateliers devaient passer, risquant à peu près chaque fois sinon leur vie, au moins leur fortune.

La compagnie s'était pourvue en cassation, mais dans l'intervalle, en 1845, une société de capitalistes anglais avait demandé la concession d'un chemin de fer de Namur à Arlon.

Le gouvernement crut l'occasion bonne pour faire faire en même temps le canal, et la société s'engagea soit à exécuter par elle-même, soit à faire exécuter par l'ancienne compagnie du Luxembourg dans le délai fixé par la cour d'appel, non plus tout ce qui était situé sur le territoire belge, mais seulement la partie entre Liège et Laroche, et encore la section entre Liège et Barvaux devait être seule suffisante pour des bateaux de 40 tonneaux.

A son tour, la société anglaise entra en négociations avec l'ancienne compagnie, et elle obtint, pour l'énorme somme de 6 millions, une, concession que deux ans auparavant, devant la cour d'appel, on ne demandait qu'à voir résilier, et ce qui restait des travaux exécutés, travaux dont on devait immédiatement achever à grands frais la démolition.

Il n'était sans doute plus possible de douter, après cela, de l'exécution, non pas de ce grand travail d'utilité générale auquel on avait pensé autrefois, mais d'un travail encore bien utile à tout le pays, et vivement espéré depuis longtemps.

L'on comptait malheureusement trop sur la société nouvelle, et si une première période de vingt ans s'était écoulée sans résultat, une seconde période presque aussi longue allait s'ouvrir sans en produire de bien important. A peine, en effet, s'était-on mis à l'œuvre que les événements de 1848 vinrent tout arrêter, comme l'avaient fait ceux de 1830.

Un instant, on put espérer qu'une partie, au moins, du canal s'achèverait, car la société, qui avait un cautionnement de 5 millions, demanda que trois de ces millions fussent appliqués aux travaux du chemin de fer entre Bruxelles et Namur, et les deux millions restants à l'achèvement du canal sur une longueur d'un peu plus de cinq lieues, c'est-à-dire, jusqu'au point où, après quatorze ans, on est arrivé aujourd'hui. Cette demande qui paraissait assez juste, puisque les deux millions avaient été primitivement attribués au cautionnement du canal et qui était appuyée par de nombreuses pétitions émanant des provinces de Liège et de Luxembourg ne fut cependant pas accueillie, et l'affaire n'eut pas de suite.

Déception nouvelle pour ceux qui attendaient depuis si longtemps.

En 1851 fut votée la loi à laquelle on doit sans doute l'achèvement du chemin de fer, celle qui accordait la garantie du minimum d'intérêt. La convention qui intervint entre le gouvernement et la compagnie s'occupa du canal, mais pour celui-ci aussi, on crut devoir accorder de nouvelles faveurs, et il fut stipulé que la compagnie pourrait percevoir les péages, non plus comme, dans la concession primitive, lorsque toute la partie de Liège à Barvaux serait achevée, mais sur toute section sur laquelle pourraient circuler des bateaux de quarante tonneaux. La moitié des travaux devait être terminée avant le 1er janvier 1855, et la totalité avant la fin de 1856.

Vous savez, messieurs, qu'en 1855, bien loin que les travaux soit du chemin de fer, soit du canal, fussent achevés, ils étaient à peine commencés, et qu'il fallut de nouveau relever la société de la déchéance qu'elle avait encourue.

A cette occasion, le ministre des travaux publies prit l'engagement de veiller à ce que l'exécution des travaux du canal eût lieu dans des délais tels, que les intérêts des riverains ne fussent pas compromis.

Depuis lors 7 ans se sont écoulés, et il y a de fait 5 lieues et 12. Dans quelles conditions les 5 lieues sont-elles faites, c'est ce que je laisse à mes collègues de la province de Liège le soin de vous expliquer, car si le canal s'appelle le canal du Luxembourg, il s'en faut de deux lieues qu'il ait atteint la limite de cette province.

Ainsi que je l'ai dit déjà, messieurs, cette situation est intolérable. Si elle devait continuer, je n'hésite pas à le dire, ce serait la ruine de tout ce pays.

Il n'y a plus guère de navigation possible entre le Luxembourg et la province de Liège, puisque, après avoir fait six lieues en rivière, les bateaux venant de Barvaux sont obligés ou de mettre un temps énorme, avec un misérable chargement de 7 à 8 tonneaux pour arriver à Liège par le canal, ou de charger à l'entrée de celui-ci, et à grands frais, leurs marchandises sur les bateaux de quarante tonneaux.

.l'ajouterai enfin que l'achèvement du canal dans les conditions de la concession primitive ne pourrait plus répondre aux besoins du pays.

Qu'est-ce, en effet, qu'un canal fait pour des bateaux de 40 tonneaux, et dont le droit de péage seul est plus élevé d'un quart que le prix, total du transport par chemin de fer, alors que ce droit a été réduit au cinquième sur tous les canaux du pays ?

El cela à perpétuité ! Aussi, messieurs, ce que l'on demande maintenant avec toute justice, je crois et j'espère qu'on peut l'attendre de l'équité de la Chambre, car il y a assez longtemps que ces localités souffrent pour avoir droit à une. compensation, c'est la construction d'un chemin de fer.

Je vous en ai entretenus l'année dernière, et quelque temps après d'honorables sénateurs en ont également parlé. M, le ministre des travaux publics leur a répondu.

Il leur a dit que dans un avenir prochain il espérait pouvoir proposer aux Chambres une solution satisfaisante.

Depuis lors près d'un an s'est écoulé, et je viens demander à M. le ministre si cet avenir prochain n'arrivera pas bientôt,

M. Magherman. - Appartenant à un arrondissement que le chemin de fer Hainaut et Flandres a tiré de son isolement et qui lui doit le grand avantage d'être relié au grand réseau national, je crois de mon devoir de répondre quelques mots aux paroles de blâme qui ont été prononcées avec beaucoup de sévérité par un honorable député de Tournai.

Comme l'a dit l'honorable membre, une loi du 28 mai 1856 a concédé les trois lignes de Saint-Ghislain à Audenarde, de Saint-Ghislain à Tournai et de Saint-Ghislain à Ath.

Jusqu'ici une seule de ces lignes, la principale, celle de Saint-Ghislain à Audenarde est achevée ; elle forme avec le chemin de fer de Gand à Audenarde, qui a été acquis par la compagnie Hainaut et Flandres, une communication directe entre le bassin houiller du Couchant de Mons et la ville de Gand. Elle est en exploitation depuis le 1er septembre dernier.

J'estime-que nous avons à nous féliciter du résultat obtenu : car la ligne d'Audenarde à Saint-Ghislain est le seul de tous les travaux concédés par la loi de 1856, sans garantie de minimum d'intérêt, ni intervention quelconque du gouvernement, qui a été réalisé. Et cela n'a rien qui doive étonner. Au commencement de l'année 1857, les paroles prononcées par l'empereur des Français, au sujet du gouvernement de l'Autriche, ont commencé à jeter l'inquiétude dans les esprits, et la guerre d'Italie s'en est bientôt suivie. Depuis cette époque, les crises financières, industrielles et commerciales se sont succédé sans interruption et ont paralysé toute entreprise importante. Est-il donc étonnant que dans de pareilles (page 1019) circonstances la compagnie Hainaut-Flandres ait dû concentrer toutes ses forces, consacrer tous ses moyens à l'exécution de sa ligne principale, au lien d'entamer les travaux sur les trois lignes à la fois, comme elle l'avait projeté d'abord ; agir autrement eût été une faute, car il est certain qu'elle ne serait parvenue à rien réaliser.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, la ligne principale est exploitée seulement depuis le 1er septembre : les résultats sont loin d'être brillants, et cela tient à plusieurs causes qui, je l'espère, ne sont que passagères. Vous connaissez tous, messieurs, la crise qui pèse sur le pays et particulièrement sur la ville de Gand ; c'est le transport du charbon qui en grande partie doit faire la fortune du chemin de fer de St-Ghislain à Gand. Or, actuellement par suite de la stagnation du travail, du chômage des filatures de coton, la ville de Gand consomme très peu de ce combustible. Une autre cause, c'est la douceur extraordinaire de la température pendant tout cet hiver ; une troisième, c'était l'absence de tarifs mixtes sur le chemin de fer de l'Etat et les lignes concédées aboutissant au Hainaut-Flandres. L'absence de pareils tarifs, rendant les transports qui doivent se faire sur différentes lignes très onéreux, par suite des droits d'inscription autant de fois répétés qu'il y a d'administrations distinctes, cet état de choses réduisait le chemin de fer Hainaut-Flandres aux ressources de son propre parcours, en rendant pour ainsi dire impossible l'expédition de marchandises qui doivent parcourir plusieurs lignes.

Cet état de. choses vient de cesser vis-à-vis de l'Etat ; mais il existe toujours à l'égard de la ligne de Tournai à Jurbise qui traverse celle de Saint-Ghislain à Gand.

Cela est très fâcheux, car cela paralyse les transactions entre Tournai et les localités situées dans la vallée de la Dendre d'une part et celles situées sur la ligne du Hainaut-Flandres d'autre part.

Je prie sérieusement M. le ministre des travaux publics d'employer tous les moyens en son pouvoir pour obvier à cette situation, car il ne doit pas dépendre des caprices d'une compagnie de paralyser le développement des affaires commerciales des villes situées sur ces lignes : les chemins de fer sont concédés par le gouvernement pour faire prospérer le pays et non pour établir des entraves au commerce et à l'industrie.

Cela devrait être d'autant plus facile au gouvernement qu'exploitant le chemin de. fer de Tournai à Jurbise, il devrait être libre dans ses mouvements et régler les tarifs comme il l'entend.

Toutes ces causes réunies empêchent en ce moment le développement du chemin de fer Hainaut et Flandres, et pèsent lourdement sur le sort de ses actions ; elles sont actuellement à 268 fr., or comme il reste 200 fr. à verser sur l'action de 500 fr., l'on achète, aujourd'hui à 68 ou 70 fr. ce qui en a coûté 300 aux actionnaires primitifs. Et c'est dans un pareil moment que l'honorable député de Tournai voudrait faire un nouvel appel aux actionnaires pour les obliger à verser les 200 fr. encore dus ! Mais cet appel serait complètement stérile. Aucun ou bien peu d'actionnaires répondraient à cet appel et la vente en masse des actions défaillantes deviendrait impossible, faute d'acquéreur.

L'honorable membre l'a constaté au commencement de son discours. « Les débuts, dit-il, de la société furent très pénibles : les versements sur les actions ne se firent qu'imparfaitement et avec difficultés augmentant à mesure de chaque appel de fonds. » Eh bien, ces difficultés seraient bien plus grandes aujourd'hui : la bourse est là pour le prouver, et l'honorable membre est un homme trop pratique pour ne pas le comprendre.

Messieurs, ne veuillons pas l'impossible ! Le gouvernement ne peut pas user de sévérité envers une compagnie qui a donné des preuves non seulement de bon vouloir, mais encore d'habileté, en remplissant, au milieu des circonstances les plus difficiles, son principal engagement. Le gouvernement ne déviera pas delà ligne de conduite qu'il a adoptée vis-à-vis de la compagnie du Luxembourg.

Avant de la forcer à exécuter les embranchements qu'elle s'est engagée à construire, il attend que le développement de ses ressources lui en procure les moyens.

Et ne croyez pas, messieurs, que les propositions faites au conseil communal de Péruwelz prouvent que la compagnie Hainaut-Flandres a à sa disposition les ressources nécessaires pour faire face à la construction des embranchements que lui impose la loi de concession. Non, messieurs, si je suis bien informé, l'embranchement par Peruwelz sur Valenciennes serait construit à l'aide d'une combinaison arrêtée avec une compagnie française qui fournirait les fonds, et la compagnie Hainaut-Flandres exploiterait avec son matériel actuel, qui est suffisant. Ce serait là une combinaison toute favorable à la ville de Peruwelz et qui la relierait, dans un prochain avenir aux réseaux belge et français.

Le chemin de fer de Saint-Ghislain à Gand, j'en ai le ferme espoir, est appelé à un bel avenir ; touchant par l'une de ses extrémités au bassin houiller le plus riche de la Belgique, parcourant une contrée fertile, habitée par une population dense, traversant plusieurs villes importantes et remarquables par l'activité et l'industrie de leurs habitants, aboutissant enfin par son autre point extrême à la ville de Gand appelée à juste titre le Manchester de la Belgique, de tels éléments de succès ne sauraient manquer de développer les ressource de la compagnie. Traiter aujourd'hui ce chemin de fer avec une rigueur dont il n'y a pas de précédents, ce serait l’étouffer à sa naissance.

Ne perdons pas de vue d'ailleurs que ce chemin de fer n'a pas coûté une obole à l'Etat, bien au contraire que ses concessionnaires ont exonéré le trésor public du minimum d'intérêt primitivement garanti sur la petite ligne de Gand à Audenarde.

M. Goblet (pour une motion d'ordre). - Messieurs, je demande la parole pour prier M. le ministre des travaux publics de bien vouloir déposer sur le bureau un document que j'ai besoin de consulter pour l'examen d'une question spéciale.

Le Moniteur d'hier publie l'état du mouvement et de la recette sur les chemins de fer de l'Etat pendant l'année 1861 ; il y fait figurer une somme de 1,649,297 francs 50 centimes pour transports gratuits ou ù des prix réduits. Chaque année, une somme globale est renseignée de ce chef dans l'état des recettes pour mémoire.

La cour des comptes a plusieurs fois réclamé des éclaircissements sur les transports gratuits ou à prix réduits.

Voici des observations qu'elle a présentées en différentes circonstances :

« En fixant le prix des transports des voyageurs et des bagages sur les chemins de fer de l'Etat, la loi du 12 avril 1851 a consacré en principe, que nul ne peut circuler gratuitement sur les chemins de fer de l'Etat.

« Toutefois, elle a établi des exceptions soit en autorisant la gratuité du transport pour certains fonctionnaires et agents, soit en permettant une réduction de 50 p. c. sur le prix ordinaire du tarif dans les cas déterminés.

« Les étals mensuels du mouvement et de la recette des chemins de fer de l'Etat fait connaître le chiffre de ces remises, sous la dénomination de transports de service ou à prix réduits.

« Ainsi que nous l'avons fait remarquer dans nos précédents rapports, nous n'avons pas été à même de vérifier si ces remises ont été régulièrement faites, ni si elles l'ont été dans les limites déterminées par la loi. »

Etant arrêté dans l'examen de cette question, à défaut de documents, je me suis adressé à la cour des comptes pour avoir des renseignements : mais à la cour des comptes on n'a pu m'en fournir.

Je prierai en conséquence M. le ministre des travaux publics de vouloir bien me dire s'il ne voit pas d'inconvénient à déposer sur le bureau les documents propres à nous permettre l'examen des détails justificatifs de cet article, concernant les transports gratuits ou à prix réduits.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Messieurs, je déposerai sur le bureau le document dont parle l'honorable M. Goblet, ains' que tous les documents quelconques dont on aurait besoin pour l'examen des allocations de mon budget.

M. Mouton. -Messieurs, je profite de la discussion générale du budget des travaux publics pour revenir sur une question qui a été plusieurs fois soulevée dans cette Chambre et dans une antre enceinte et qui se rattache à celle que vient de traiter notre honorable collègue. M. Orban : j'entends parler de la construction d'un chemin de fer dans la vallée de l'Ourthe.

Je reconnais volontiers que les sympathies du gouvernement sont acquises à cette ligne importante, mais je dirai avec l'honorable ministre des travaux publics qu'il doit faire plus qu'une simple déclaration de sympathie.

Cette bienveillance doit se traduire aujourd'hui en fait positif, afin que les populations nombreuses de ces contrées puissent sortir de l'isolement, dans lequel elles sont restées plongées, au grand préjudice de leurs intérêts si divers et même des intérêts généraux du pays.

En effet, messieurs la seule voie qu'elles possèdent pour les mettre en communication avec les marchés de consommation, consiste dans une rivière qui n'est pas navigable une bonne partie de l’année. Ainsi qu'on vous l'a dit tantôt, ce fâcheux état de choses était déjà reconnu par le gouvernement hollandais, puisque en 1827, il concédait à une compagnie la construction d'un canal destiné à relier la province de Liège à la province de Luxembourg. A l'heure qu'il est, ce canal n'est pas encore achevé.

L'élévation des péages perçus sur la partie construite et l'inachèvement du travail ont provoqué les doléances bien légitimes des riverains.

A ce propos je rappellerai à la Chambre les pétitions qui lui sont parvenues dans la dernière session, pétitions auxquelles le conseil provincial de Liège s'est associé par une protestation unanime qu'il a adressée à (page 1020) l'honorable ministre, tendante à forcer la compagnie concessionnaire à l'exécution de ses obligations.

Je comprends jusqu'à un certain point que le gouvernement n'ait pas fait droit à ces réclamations dont il reconnaissait, du reste, le fondement, parce que, dans sa pensée le canal de l'Ourthe et le projet d'établir un chemin de fer dans la vallée dont on se préoccupait vivement à cette époque, étaient intimement liés, de telle sorte que pousser avec rigueur à l'achèvement du canal c'était compromettre et peut-être rendre impossible la construction du chemin de fer.

Mais aujourd'hui, messieurs, il existe des demandes sérieuses de concession, et la compagnie qui devait faire le canal figure elle-même parmi les demandeurs.

Je n'entends nullement tracer au gouvernement la marche qu'il doit suivre, ni lui indiquer la société qu'il doit choisir de préférence.

Je suis convaincu qu'après mûr examen des demandes il concédera la ligne à la société qui offre le plus de garanties de bonne exécution et d'exploitation.

Mais il me semble que dans le cas où il concéderait la ligne à la compagnie du Luxembourg, et si cette société se trouvait ainsi exonérée de l'obligation d'achever le canal, l'Etat renonçant à l'y contraindre, devrait, pour prix de sa renonciation, exiger d'elle l'abaissement des péages exorbitants qu'elle perçoit sur la partie existante du canal.

Ce ne serait pas trop exiger que de lui accorder le bénéfice de la concession moyennant un léger sacrifice, et ce ne serait là, en définitive, qu'un acte de réparation pour les populations qui se trouvent sur le parcours actuel du canal.

Je crois que j'abuserais des moments de la Chambre si j'insistais sur les nombreux avantages que cette ligne est appelée à répandre. Qu'il me suffise de lui signaler que les productions du sol à traverser par le chemin de fer en projet, consistent principalement en pierres, bois, chaux, minerais, etc., matières essentiellement pondéreuses qui sont des éléments indispensables pour la prospérité et l'exploitation d'une voie ferrée.

Je me joins donc au conseil provincial de Liège, qui, dans sa dernière session, adoptait à l'unanimité la proposition de demander au gouvernement de concéder le plus tôt possible cette ligne importante.

M. de Montpellier. - Messieurs, la discussion du budget des travaux publics me procure l'occasion de recommander à l'attention de la Chambre et à celle de M. le ministre des travaux publics le chemin de fer projeté de Namur à Landen et de Tamines à Fleurus.

Ce projet n'est pas nouveau, on a déjà depuis longtemps compris la nécessité de relier le bassin de Charleroi ainsi que les riches contrées industrielles et agricoles qui l'environnent, au fertile canton agricole de la Hesbaye.

Dès 1853, le ministre des travaux publics de cette époque avait déposé un projet de loi dans ce sens : la question fut de nouveau soumise aux Chambres en 1856, 1857, 1859 et enfin 1861.

Je ne vous ferai pas l'historique de cette question, messieurs, car je ne veux pas abuser de vos moments.

Au reste, je ne pourrais que vous dire des choses que vous savez déjà depuis longtemps.

Aujourd'hui je veux parler spécialement de la garantie de minimum d'intérêt que nous demandons au gouvernement. L'utilité et la haute importance du chemin de fer de Namur à Landen et de Tamines à Fleurus étant reconnue, il ne reste plus qu'à aviser au moyen de le réaliser au plus tôt.

Nous ne pouvons y arriver sans le concours de l'Etat sous la forme de garantie d'un minimum d'intérêt, nous demandons à l'Etat un subside, voilà tout.

L'Etat qui a donné la première impulsion aux chemins de fer, non en les protégeant mais en les créant, semble vouloir maintenant abandonner à l'industrie privée l'entreprise des nouvelles lignes que l'intérêt général pourrait réclamer.

Si l'Etat trouve du bénéfice à agir de la sorte, il a raison de le faire, mais ce bénéfice ne peut être acquis aux prix d'une injustice.

En effet, l'Etat qui a favorisé certaines contrées en y établissant des chemins de fer, ne peut refuser son intervention aux autres parties du pays qui la réclament, pourvu, toutefois, que l'utilité du but soit bien établie : c'est ce qui a lieu pour le projet dont nous nous occupons.

L'initiative privée fournira volontiers ses capitaux aux entreprises qui paraîtront devoir rapporter des bénéfices considérables et immédiats, mais là où les bénéfices n'apparaissent que dans le lointain, les capitaux de l'industrie privée n'arrivent qu'à pas timides et l'Etat, pour raffermir leur marche, doit leur tendre la main ; chaque fois qu'il l'a fait il s'en est bien trouvé, car il a procuré, par cette intervention, une nouvelle source de richesses au pays.

Les renseignements statistiques recueillis par le département des travaux publics et que l'on nous a distribués, il y a quelques jours, nous donnent à ce sujet des détails aussi intéressants qu'instructifs.

Nous nous trouvons, messieurs, dans une position relativement avantageuse, car nous avons un demandeur en concession, tous les plans, tous les devis sont faits, et quand nous demandons un minimum d'intérêt nous ne soumettons pas au gouvernement une simple carte annexée à une brochure, nous pouvons lui montrer des études complètes ; il jugera donc en connaissance de cause ; ces plans, ces études ont coûté très cher, mais on n'a pas reculé devant cette dépense, car en présence du but sérieux que nous nous proposons, nous ne croyons pas que le gouvernement puisse encore rester indécis et nous lui demandons ainsi qu'à vous avec confiance, une garantie de minimum d'intérêt sur une somme de 8,500,000 fr. Ce n'est pas bien grave.

Lorsque, il y a environ un an, la commission pour le chemin de fer de Namur à Landen fut reçue au ministère des finances, M. le ministre nous dit qu'il reconnaissait parfaitement la haute utilité de l'entreprise, mais il nous a paru peu favorable à l'idée du minimum d'intérêt.

En cette circonstance M. le ministre n'était pas, selon moi, très logique. Car si d'une part il admettait l'utilité de la ligne, il devait d'autre part en désirer la réalisation, et l'honorable président de la commission, M. de Woelmont, sénateur, lui ayant exposé et prouvé que le concours de l'Etat était indispensable, il me semble que M. le ministre, qui désirait l'accomplissement du projet, aurait dû vouloir les moyens d'arriver à un résultat satisfaisant, c'est-à-dire à l'établissement de la ligne.

Au reste, je suis persuadé que sur la question de garantie d'un minimum d'intérêt, M. le ministre des finances n'a pas dit son dernier mot, et il se laissera peut-être convaincre par ses honorables collègues de Liège qui, à propos du chemin de fer de la vallée de l'Ourthe, auront l'occasion, je pense, de faire au gouvernement la même demande que celle que je lui adresse en ce moment.

Messieurs, le chemin de fer que nous projetons intéresse non seulement la province de Hainaut et celle de Namur, mais encore celle de Liège, qu'elle traverse, et celle de Limbourg, où elle vient aboutir, pour être plus tard continué jusqu'en Hollande.

Cette ligne reliera donc par une voie directe la France, la Belgique, la Hollande et le nord de l'Europe.

Voyez à quel mouvement commercial elle va donner l'élan : elle semble donc appelée à jouir d'une grande prospérité. Mon honorable ami, M. Moncheur, a eu plusieurs fois l'occasion de le démontrer à la Chambre. Il ne faut pas perdre de vue les localités par lesquelles ce chemin de fer va passer. Partant du bassin de Charleroi et de la riche contrée agricole de Fleurus, après avoir touché aux établissements industriels d'Oignies, de Moustiers et de Floreffe, il arrive à Namur, grand centre industriel, où déjà viennent converger quatre voies ferrées ; il quitte Namur et en passant par les établissements de Saint-Marc, il entre sur le territoire de Vedrin, dont les richesses sont bien connues.

Ce sont des minerais de fer, minerais hydratés.et oligistes, des mines de plomb, de pyrite, etc.

En sortant de Vedrin, la ligne pénètre dans une des contrées les plus fertiles de la Belgique, contrée où, à cause de l'absence des moyens rapides de communication, l'industrie a eu peine à pénétrer ; nous y trouvons pourtant déjà des sucreries, des distilleries et quelques autres établissements. C'est en suivant cette route semée d'or, si j'ose ainsi parler, que notre railway arrive à Landen. J'avoue qu'à première vue, il y a lieu de s'étonner que pour une semblable entreprise on ne puisse se passer de l'intervention de l'Etat. Mais, messieurs, dans les temps de trouble et d'inquiétude où nous vivons, doit-on s'étonner de la prudence, je dirai même de la timidité des capitalistes ? Mais non, c'est au contraire bien naturel.

On n'entend parler que de révolutions et de guerres : toute l'Europe est en armes ; il est naturel que l'on n'ose placer son argent que dans des entreprises dont une longue existence a déjà assuré la stabilité pour l'avenir, et on trouve, comme dans le temps du bon La Fontaine : « Qu'un tiens vaut mieux que deux tu l'auras. »

Eh bien, messieurs, l'Etat doit venir calmer les inquiétudes des capitalistes, il le doit et il le peut, car la situation du trésor le lui permet. Si pourtant on nous objecte qu'on ne veut pas faire de nouvelles dépenses je dirai d'abord que ce n'est pas dépenser que prêter, et puis je prierai le gouvernement de reverser sur nous la somme qu'il avait avancée à la compagnie du Luxembourg et dont cette société n'a plus besoin aujourd'hui. J'ose affirmer d'avance que nous serons de meilleure foi que cette société et que nous ne nierons pas notre dette.

Puisque j'ai la parole, j'en profiterai pour faire connaître à M. le ministre des travaux publics un état de choses fâcheux dont les voyageurs (page 1021) sont victimes à la station de Namur. Lorsqu'un voyageur arrive par le chemin de fer du Luxembourg et qu'il veut prendre la ligne de l'Etat, il doit prendre un nouveau coupon et faire peser ses bagages ; pendant ce temps le convoi de l'Etat part et le voyageur reste mystifié. Cet état de choses est trop fâcheux pour qu'il puisse se présenter encore. Notre honorable collègue M. de Moor m'a souvent signalé cet abus, et il en a plusieurs fois éprouvé l'inconvénient. J'espère que M. le ministre voudra y mettre un terme et cela le plus tôt possible.

M. Braconier. - Messieurs, l'honorable M. Orban, en parlant tantôt du chemin de fer de la vallée de l'Ourthe, vous a dit qu'il laissait à ses collègues de la province de Liège l'appréciation de la facilité des moyens de transport sur la partie exécutée du canal de l'Ourthe qui part de la Meuse et va jusqu'à Comblain-au-Pont.

La navigation sur ce canal est excessivement difficile. D'abord il est construit à petite section.

Il a un tirant d'eau très faible et la navigation n'est possible qu'avec des bateaux d'un tonnage de 30 tonneaux, bien que le cahier des charges porte que le canal sera construit pour permettre la navigation aux bateaux de 40 tonneaux.

Il est incontestable que cette rivière offre de grandes difficultés de canalisation.

Ces difficultés sont les suivantes :

Le courant est très rapide, de telle sorte que les écluses doivent être très rapprochées ; sur un parcours de 5 lieues il y en a, je crois, 17. A chaque crue d'eau, la rivière entraîne des quantités considérables de pierres, de déblais, de terres, qui viennent se déposer à l'entrée des écluses et interceptent la navigation.

Lors de la dernière crue qui a eu lieu il y a quelque temps, la navigation a été interrompue sur 15 ou 16 points différents, d'un côté par l'enlèvement des digues, d'un autre côté par les atterrissements qui sont venus se former à la tête des écluses.

C'est donc une voie de communication qui ne répond pas aux besoins pour lesquels elle a été construite, et je crois, comme l'a dit l'honorable M. Orban, que sa prolongation serait une faute, en la supposant même possible et que la dépense qui serait à faire pour prolonger ce canal jusqu'à Laroche ne serait pas en proportion avec les services que cette voie de communication serait appelée à rendre, dans l'état actuel des choses.

Je me rallie donc complètement au projet de chemin de fer de l'Ourthe, et je vais, en quelques mots, faire apprécier les avantages qu'il présente.

Je commencerai par citer les paroles que M. le ministre des travaux publics prononçait, l'an dernier, au Sénat, en réponse à l'interpellation des honorables MM. Forgeur et le baron de Tornaco :

« Je reconnais avec les honorables membres qui s'en sont occupés, que le chemin de fer de la vallée de l'Ourthe est peut-être l'un des plus utiles dont on puisse encore rechercher la construction dans notre pays.

« Peu de contrées en Belgique offrent, d'après une instruction dont personne ne conteste les résultats, des éléments aussi féconds et aussi nombreux de prospérité pour un chemin de fer que la vallée de l'Ourthe.

« Il y a là à foison les produits les plus pondéreux à transporter, au grand avantage de la vallée de l'Ourthe et au grand avantage des industries qui emploient les minerais et les autres productions de cette contrée.

« On trouve là en abondance les pierres, la chaux, les bois, les minerais, enfin toutes les marchandises qui alimentent avec le plus de fruit le trafic d'un chemin de fer. »

Messieurs, il y a encore un avantage que n'a pas signalé M. le ministre des travaux publics. Le chemin de fer de la vallée de l'Ourthe raccourcit de 47 kilomètres le parcours de Liège à Marche. Arrivé à Marche, le chemin de fer de Luxembourg se prolonge jusqu'à Arlon et de là il se relie au chemin de fer en construction vers Longwy qui sera probablement livré à la circulation dans peu de temps. C'est une grande ligne qui permettra aux produits de la province de Liège de se transporter vers l'Est de la France.

Et ceci n'est pas une simple supposition, car si l'on pouvait éviter le détour qu'on est obligé de faire par Namur, on parviendrait à transporter les charbons de Liège à Arlon, et de là à Longwy. On alimenterait ainsi les nombreuses usines du département de la Moselle.

Actuellement, à cause de l'élévation des prix, on ne peut y transporter que de faibles quantités de charbon ; mais par le raccourcissement de la voie de transport, ileost hors de doute que les produits de la province de Liège pourront entrer, dans le département de la Moselle, en concurrence avec les produits de Sarrebruck.

Il faut bien reconnaître aussi que si la ligne de Namur à Arlon a multiplié les rapports commerciaux entre les habitants des provinces de Luxembourg et de Namur, d'autre part, l'absence trop prolongée des voies de communications rapides et économiques entre le Luxembourg et notre province a causé et continuera à causer un grave préjudice à nos intérêts.

Cela est tellement vrai, et l'on prévoyait si bien les conséquences qui résulteraient de la construction du chemin de fer de Namur à Arlon, que dans le projet de travaux publics déposé en 1851, le gouvernement avait proposé et la Chambre a voté la construction, avec garantie d'un minimum d'intérêt, d'un chemin de fer d'Arlon à Deulin, afin de pouvoir transporter dans le Luxembourg les produits de la province de Liège. Mais de cet embranchement il n'a pas été plus question que du canal.

Cela est resté à l'état de projet, et nous venons, après une attente de onze ans, demander au gouvernement de nous mettre en communication avec le chemin de fer du Luxembourg.

M. d’Hoffschmidt. - Vous pourriez dire seize ans ; car le projet primitif remonte à l846.

M. Braconier. - Messieurs, cette vallée de l'Ourthe a vraiment joué de malheur. Elle a eu beaucoup d'espérances et beaucoup de déceptions.

Primitivement, il s'agissait d'une voie de communication qui devait servir de liaison entre la Meuse et la Moselle, projet grandiose qui devait établir une communication internationale des plus importantes.

Après cela, il n'a plus été question que d'une voie secondaire, sur laquelle les bateaux de 40 tonneaux pourraient naviguer jusqu'à Barvaux ; quant au prolongement jusqu'à Laroche le tirant d'eau n'était pas indiqué.

Je crois donc qu'il est temps de donner satisfaction aux populations de ces localités, localités où l'industrie a perdu sa prospérité et où cependant, il y a des produits de toute espèce, des minerais qui ne peuvent être mis à jour, parce qu'ils ne peuvent pas arriver aux marchés de consommation ou de fabrication.

On peut se rendre compte de l'influence qu'exerce un chemin de fer sur les localités qu'il traverse par les résultats qu'a produits le chemin de fer du Luxembourg.

Si, à l'époque de la concession de ce chemin de fer, quelqu'un était venu dire ici que dans l'espace de onze années la compagnie concessionnaire n'aurait plus besoin de minimum d'intérêt, je crois que ces paroles eussent été accueillies par les rires de l'assemblée.

On ne se doutait certainement pas alors des énormes ressources que possédait le Luxembourg et de l'importance qu'acquerrait la ligne qui allait le traverser.

Cependant, à l'aide d'un sacrifice excessivement minime (car je crois que l'Etat n'a payé en tout que 388,000 fr.), on a établi une voie de communication qui a tiré toute une province de l'isolement où elle se trouvait.

Je ne parlerai pas des résultats probables de l'exploitation du chemin de fer de l'Ourthe, ils sont assez connus. Il est certain que si une ligne de chemin de fer a des chances d'avenir, c'est celle-là.

J'espère donc que M. le ministre des travaux publics présentera, dans le cours de cette session, un projet de loi autorisant la concession de cette ligne, ce qu'il avait en quelque sorte promis l'an dernier au Sénat, et qu'il donnera ainsi satisfaction à cette partie du pays.

L'année dernière nous avons posé un acte de justice et de réparation à l'égard de l'arrondissement de Tongres qui était privé de chemin de fer, j'espère que dans cette session nous poserons un acte semblable à l'égard des populations de la vallée de l'Ourthe.

M. de Gottal. - Plusieurs honorables membres ont appelé l'attention du gouvernement sur l'utilité de créer de nouvelles voies de communication. Permettez-moi de l'appeler, de mon côté, sur la nécessité de maintenir en bon état la voie principale que possède la Belgique, la voie florissante de l'Escaut.

Je regrette que la section centrale n'ait pas jugé à propos de demander à ce sujet de nouveaux renseignements au gouvernement et ait cru pouvoir se borner à rappeler dans le rapport la réponse que me fit lors, de la discussion de son dernier budget, M. le ministre des travaux publics.

Il n'entre pas dans mes intentions de reproduire longuement les considérations que j'ai fait valoir à plusieurs reprises ; mais je ne puis laisser passer cette discussion sans exprimer mon regret du peu d'importance que le gouvernement semble attacher à cette question, et du retard qu'il apporte à remédier aux atterrissements qui, depuis plusieurs années, se produisent dans le fleuve.

(page 1022) Est-ce faute d'avertissements, ou les réclamations soulevées ne sont-elles pas sérieuses ?

Nullement, messieurs, toutes les autorités signalent le mal.

L'administration du pilotage, la chambre de commerce et le conseil provincial sont d'accord pour reconnaître les dangers, et cependant le gouvernement reste inactif. Il se borne, comme il a dit l'année dernière, à laisser agir la nature. J'oubliais et j'allais être injuste à cet égard, j'oubliais de dire que le gouvernement a nommé successivement plusieurs 4 commissions, à mes yeux autant d'atterrissements dans la voie d'une solution, mais qui toutes n'en ont pas moins reconnu que le mal existait. Elles ont même indiqué plusieurs moyens d'y porter remède.

Jusqu'ici aucun n'a été appliqué. J'ai déjà insisté plusieurs fois pour obtenir un bateau dragueur dont l'utilité n'est pas contestée par les commissions mêmes que le gouvernement a nommées et dont la construction n'entraînerait pas l'Etat dans de grandes dépenses, ce serait un moyen de parer au plus pressé, d'aider un peu cette nature à laquelle on se lie un peu trop, et qui, si je suis bien renseigné, ne répond pas entièrement aux espérances qu'on avait conçues d'elle.

Les derniers sondages auraient en effet démontré que l'étal de l'Escaut n'était pas aussi favorable qu'en 1859. Laisser faire la nature, uniquement la nature, eût pu être un moyen efficace de conserver libre la voie fluviale, si depuis plusieurs années on n'avait pas plusieurs fois contrarié cette même nature dont on attend tout aujourd'hui ; si au profit et dans d'intérêt de certaines localités on n'eût pas fait exécuter des travaux publics qui ont changé le cours naturel des eaux.

Ou a détourné le cours des eaux supérieures, on a enlevé ainsi au courant la force nécessaire pour maintenir la profondeur du lit du fleuve et pour chasser les sables qu'apporte chaque marée.

J'appelle donc de nouveau l'attention toute spéciale du gouvernement sur ce point. Il s'agit d'un intérêt majeur pour la Belgique. Il s'agit de la conservation de notre principal port de commerce auquel on semble, depuis quelque temps, attacher trop peu d'importance et auquel on est sur le point de susciter une rivale sur le territoire hollandais, à Terneuzen.

M. Goblet. - Je ne veux pas laisser clore la discussion générale sans demander à M. le ministre des travaux publics à quoi en est la question de la construction du chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain. Le rapport de la section centrale ne se fait pas, et j'ai vu avec regret que la question paraît encore dormir, ou être ajournée indéfiniment.

Si cela n'est pas, je serais heureux d'eu entendre la déclaration de la bouche de M. le ministre.

M. Tack. - Je désire appeler un instant l'attention de M. le ministre des travaux publics sur l'état de la navigation dans le bassin de la Lys.

Depuis quelque temps on a fait dans le bassin de la Lys des travaux utiles, parmi lesquels je range en premier lieu le creusement du canal de Bossuyt à Courtrai et tout récemment la construction d'un barrage avec écluse dans la commune d'Astene en aval de Deynze.

Le but de la construction du canal de Bossuyt à Courtrai a été de procurer aux Flandres, notamment à la Flandre occidentale, un moyen économique de transport pour les produits pondéreux, tels que les houilles, la chaux, les pierres et autres analogues. L'écluse d'Astene a été construite en vue d'un double but d'utilité. D'abord pour faciliter la navigation, ensuite, pour débarrasser la ville de Gand des eaux infectes provenant de la Deule.

Mais, messieurs, je me demande si le but principal qu'on a voulu atteindre est réellement atteint. Je me permets de dire que non. A cet égard, il reste encore différentes mesures à prendre. En premier lieu, il conviendrait d'abaisser les péages sur la Lys.

Les tarifs de perception ont été successivement abaissés sur diverses voies navigables : entre autres sur l'Escaut, si j'ai bonne mémoire, il y a eu sur ce fleuve des réductions de 75 p. c. à deux reprises différentes. Comment se fait-il que le tarif soit maintenu sur la Lys ? Y a-t-il des motifs pour que les péages soient plus élevés sur la Lys que sur l'Escaut ? Je ne le pense pas, je n'en connais aucun.

Aujourd'hui, on paye à certaines écluses, sur la Lys, jusqu'à dix centimes par tonne, tandis que sur l'Escaut, le péage ne s'élève qu'à un centime. Ainsi, au passage du barrage d'Autrive et à d'autres on ne perçoit qu’un centime par tonne. En outre, sur la Lys, on paye dix centimes par tonne à certaines écluses et six centimes à d'autres. Comment justifier ces différences ? Il y a là une regrettable irrégularité. Je comprends que les péages soient différents, quand il s'agit de voies de navigation distinctes ; car il faut tenir compte des frais d'entretien, des dépenses de premier établissement. Mais sur une même voie navigable, ces différences ne se comprennent pas.

Au lieu d'abaisser les péages sur la Lys, on les a augmentés ou plutôt ou en a ajouté de nouveaux aux écluses de Vive-Saint-Eloi et d'Astene.

Je ne crois pas que l'écluse d'Astene ait coûté plus de 100,000 francs. Or, à raison d'une perception de 10 centimes, on réalisera une recette d'au-delà de 13,000 francs. C'est exorbitant, il y a là plus qu'il n'en faut pour faire face au service des intérêts et de l'amortissement du capital employé.

Au reste, messieurs, parmi les raisons qui doivent déterminer le gouvernement à abaisser le péage sur la Lys, il en est une qui est péremptoire, c'est que la France, pour ce qui concerne ses canaux et ses rivières, a réduit considérablement ses péages. Ainsi, sur la Scarpe et la Deule qui sont en quelque sorte parallèles à l'Escaut, à la Lys et au canal de Bossuyt, les péages sont réduits d'une manière notable à tel point qu'il j aurait avantage pour nos négociants à faire arriver les charbons du couchant de Mons par la voie française plutôt que par les voies navigables de l'intérieur.

Mais que fait-on pour empêcher cette concurrence ? On perçoit à l'écluse de Connues un droit de 2 francs par tonne sur tous les transports qui nous arrivent de France et cela sans distinction entre les produits belges et les produits de provenance française.

N'est-ce pas aller un peu à l’encontre du but qu'on s'était proposé ? N'est-ce pas empêcher toute concurrence, et créer une espèce de monopole ?

Aussi le gouvernement est-il en présence de réclamations extrêmement vives de la part de nos commerçants ; des sommations par ministère d'huissier lui ont été faites, je suis parfaitement convaincu que la perception que l'on fait sur les produits de la France n'est pas une perception légale, et que, si un procès était intenté, le gouvernement succomberait infailliblement.

Je ne veux pas examiner en ce moment si le gouvernement a le droit de prélever la taxe de 2 francs sur les houilles belges chargées sur des bateaux qui ont emprunté la voie de la Scarpe et de la Deule, je ne m'occupe que des provenances françaises.

Le gouvernement français ne peut pas tolérer et ne tolérera pas que ses produits soient frappés d'un droit de deux francs par tonne à l'entrée, en Belgique.

Quant aux négociants et aux industriels belges qui réclament contré cette perception, ils ont, selon moi, parfaitement raison.

La compagnie, concessionnaire du canal de Bossuyt à Courtrai insiste d'autre part pour que la perception soit maintenue, et je n'oserais pas affirmer qu'elle a tort.

Je ne veux pas résoudre la question qui pourrait à ce sujet surgir entre elle et le gouvernement.

Les droits de la compagnie, vis-à-vis du gouvernement sont réglés par l'acte de concession qui lui a été octroyé. Quelle est l’étendue de ces droits, c'est un point que le gouvernement aura à résoudre.

Mais quelle que soit la solution, il est évident pour moi que la perception qui se fait sur les produits venant de France est illégale et qu'elle doit cesser le plus tôt possible. Il n'y a qu'un moyen de concilier les intérêts qui se trouvent en présence, c'est d'abaisser le péage sur le parcours de la Lys pour les bateaux en remonte entre Courtrai et Comines et ceux en descente entre Courtrai et Gand.

Dès ce moment ils prendront la voie la plus courte, celle qui a été créée récemment, le canal de Bossuyt à Courtrai.

La compagnie concessionnaire de ce canal a, d'ailleurs, donné l'exemple, elle a abaissé successivement ses tarifs et en ce moment elle annonce de nouvelles réductions. Si le gouvernement maintient ses tarifs sur la Lys, à quoi les concessionnaires du canal de Bossuyt à Courtrai montrent-ils la meilleure volonté et réduisent-ils constamment les leurs ? Au gouvernement d'en faire autant, s'il veut que la navigation prospère sur les rivières et canaux de la Flandre occidentale.

Une seconde mesure qu'il y aurait lieu d'adopter, dans le même but, c'est le parachèvement de la canalisation de la Lys. On obtiendrait ce résultat à peu de frais en accolant des écluses aux barrages de Vive-Saint-Eloi, d'Harlebeke et de Menin et en redressant les sinuosités de la rivière.

La construction d'écluses aux barrages de Vive-Saint-Eloi, d'Harlebeke et de Menin rendrait la navigation continue d'intermittente qu'elle est actuellement.

Le passage des bateaux aux barrages que je viens d'indiquer n'a lieu qu'une ou deux fois par semaine.

Les travaux que je réclame permettraient d'écluser les bateaux au fur et à mesure qu'ils se présentent. La dépense à faire pour ces objets n'atteindrait peut-être pas 100 mille (page 1023) francs par écluse. Je crois même qu'il ne faudrait pas pour cela demander un crédit extraordinaire et qu'il est possible de prendre les fonds nécessaires sur les dépenses d'entretien.

Je le répète, il ne s'agit pas d'un travail considérable et qui doit cependant produire des résultats importants.

En ce qui touche le redressement des sinuosités de la rivière, je ferai remarquer qu'il est tel endroit où la Lys, après avoir fourni un parcours d'une lieue, arrive à peu près au même point. En effectuant une coupure sur une distance insignifiante on épargnerait un temps considérable et beaucoup d'embarras à la navigation.

Une troisième mesure à prendre, c'est l'ouverture à la navigation du canal de Deynze à Schipdonck.

Comprend-on qu'il soit permis de remonter le canal d'aval en amont, mais défendu de le descendre d'amont en aval ?

On a objecté autrefois, pour interdire la navigation sur le canal de Schipdonck, que ce canal est, avant tout, le canal de dérivation des eaux de la Lys vers la mer ; et l'on vous disait :

« Vous ne pouvez pas faire servir un canal de dérivation à la navigation ; l'un des services pourrait être obstatif à l'autre. »

Cette objection a été réfutée bien des fois, et je crois pouvoir dire qu'elle n'en est plus une.

Je suis le premier à demander que le service de la navigation sur le canal de Schipdonck soit subordonné à celui de la dérivation. Qu'on détermine l'étiage au-dessus duquel la navigation ne sera plus permise, et l'on aura la certitude que la navigation pratiquée sur le canal de Schipdonck ne pourra jamais être une entrave à l'évacuation des eaux surabondantes de la Lys. Donc à ce point de vue-là, plus de difficulté.

Une seconde objection qu'on faisait, c'est que pour organiser une navigation régulière sur le canal de Schipdonck, il faudrait construire une écluse à Deynze au point où le canal prend son origine dans la Lys.

Cette objection tombe également aujourd'hui. Je ne pense pas que la construction de cette écluse soit une nécessité.

La construction de l'écluse d'Astene est venue modifier sensiblement l'état des choses.

Je crois qu'en combinant la manœuvre de cette écluse avec celle du barrage de Vive-Saint-Eloi et de Nevele on pourrait dès à présent organiser la navigation sur le canal de Schipdonck.

En effet, le niveau de la rivière dans les circonstances ordinaires est à peu près le même que celui du canal, la chute d'eau jusqu'à Nevele n'excède pas dix centimètres.

J'insiste donc vivement pour que M. le ministre des travaux publics veuille bien prendre des mesures afin que le canal de Schipdonck produise toute l'utilité qu'on est en droit d'en attendre.

En me résumant, je demanderai que l'honorable ministre veuille examiner avec une bienveillante sollicitude, d'abord la question de l'abaissement des péages sur la Lys, en second lieu la question du parachèvement de la canalisation de cette rivière, et, enfin celle de l'ouverture du canal de Schipdonck à la navigation.

C'est dans l'intérêt de l'industrie et du commerce, c'est dans l'intérêt de la compagnie concessionnaire du canal de Bossuyt à Courtrai, c'est enfin dans l'intérêt du trésor. J'espère donc que M. le ministre des travaux publics donnera, dans le plus bref délai, suite aux idées que je viens d'émettre et qu'il ne tardera pas de mettre la main à l'œuvre pour réaliser la triple amélioration sur laquelle je me suis permis d'appeler sa plus sérieuse attention.

M. de Brouckere. - Messieurs, comme M. le ministre des travaux publics se propose, si je ne me trompe, de répondre, dans un même discours, aux diverses demandes de renseignements qui lui ont été faites dans la séance d'hier et dans celle d'aujourd'hui, je me permettrai de re commander deux points à son attention particulière.

L'honorable M. Tack vient de parler de l'un de ces points : c'est la construction d'une écluse sur le canal de Deynze à Schipdonck. Des fonds pour cette écluse ont été votés par la Chambre ; ils sont compris dans les diverses allocations que M. le ministre des travaux publics est venu demander pour les travaux du canal.

Je sais bien que les fonds ont été absorbés sans que l'écluse ait été faite, mais ce n'est pas une raison pour renoncer à un travail qui a été reconnu important, je dirai même nécessaire. J'espère donc que M. le ministre des travaux publics viendra l'un de ces jours demander à la Chambre un crédit supplémentaire pour l'exécution de cette écluse.

Le second point sur lequel je désire appeler l’attention de M. le ministre des travaux publics, c'est le projet du canal de Blaton à Ath. C'est un travail de la plus haute importance, on l'a très souvent discuté dans la Chambre, les moyens d'exécution ont été mis à la disposition du gouvernement, et l'on m'a assuré que dans ces derniers temps il s'était présenté un demandeur en concession dont les propositions étaient raisonnables.

Je demanderai à M. le ministre des travaux publics de vouloir bien donner quelques éclaircissements sur ce dernier point, ainsi que sur celui que j'ai signalé en premier lieu à son attention.

M. J. Jouret. - Messieurs, par la même raison que vient de faire valoir l'honorable M. de Brouckere, je désire adresser à M. le ministre des travaux publics une simple question, et je le prie de vouloir bien y répondre dans le discours où il se propose de rencontrer toutes les observations qui lui ont été présentées.

Messieurs, je ne veux pas prononcer un discours sur la canalisation de la Dendre ; ce serait une cinquième ou une sixième édition, et je crois que ce serait très peu agréable pour la Chambre ; je me bornerai donc à demander à M. le ministre des travaux publics de vouloir bien nous dire à quoi en sont les travaux de la canalisation de la Dendre.

Messieurs, vous vous le rappellerez tous, ce projet était déjà compris dans le grand projet des travaux publics de 1858 ; il a été reproduit en 1859. Dans cette loi on a alloué, pour ce grand travail d'utilité nationale, un premier crédit de 2,500,000 fr., pour que l'exécution en eût lieu immédiatement.

A diverses reprises, sur les interpellations que j'ai eu l'honneur de faire à M. le ministre des travaux publics, il a déclaré qu'il allait mettre la main à l'œuvre.

Les populations intéressées à ce travail commencent à s'inquiéter ; je ne dirai pas qu'elles s'irritent, mais enfin, elles se demandent comment il est possible que ce travail important, qui a été voté en même temps que les fortifications d'Anvers, n'ait reçu jusqu'ici aucune espèce d'exécution.

J'ose espérer que les renseignements que M. le ministre nous donnera sur ce point qui se rattache d'une manière très directe aux observations que vient de présenter l'honorable M. Henri de Brouckere, seront de nature à calmer les inquiétudes qu'a soulevées dans la vallée de la Dendre l'inexécution prolongée de ce travail.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Messieurs, j'ai l'habitude, dans la discussion de mon budget, de relever toutes les observations importantes qui se produisent et toutes celles auxquelles les honorables membres qui les présentent ont quelque motif d'attacher un intérêt spécial.

Je pense que je ferai bien, dans ma réponse, de suivre encore cette méthode, et c'est ce que je vais faire.

Le premier orateur entendu hier, l'honorable député de Tournai, M. Crombez, m'a demandé des renseignements sur le chemin de fer de Lille à Tournai et sur les obligations restant à exécuter de la part de la compagnie Hainaut-Flandres.

En ce qui concerne le chemin de fer de Lille à Tournai, ainsi que l'honorable membre l'a indiqué lui-même, une concession provisoire a été accordée à des banquiers de Lille.

La convention ayant cette concession pour objet, a été signée dans le courant d'octobre dernier, et il a été stipulé que si dans un délai de quatre mois à partir de l'arrêté royal approuvant la concession provisoire, les demandeurs n'avaient pas obtenu du gouvernement français la concession sur le territoire français, la convention belge venait à tomber.

Un délai de prorogation a toutefois été prévu dans cette même convention. Je dois dire qu'à l'époque déjà où celle-ci a été passée, nous prévoyions que le délai de 4 mois ne serait peut-être pas suffisant pour l'obtention de la concession en France.

Les concessionnaires insistaient pour porter de prime abord le délai à 6 mois. J'ai préféré prendre le délai le plus court pour les aiguillonner en quelque sorte et les pousser à poursuivre le plus vivement possible leur concession en France.

II était entendu naturellement que si à l'expiration du délai de 4 mois, il était manifeste que les demandeurs n'avaient pas encore réussi à obtenir la concession française par des circonstances indépendantes de leur activité et de leur bonne volonté, je prorogerais le délai pour la concession belge.

Nous sommes donc arrivés, en cet état de choses, à l'expiration du délai de 4 mois.

Les demandeurs avaient prouvé qu'ils avaient fait en France toutes les diligences nécessaires, et que l'instruction de l'affaire était bien près d'y d'arriver à une solution.

Je n'ai pas hésité à accorder une prorogation de deux mois. Le nouveau délai expire, si ma mémoire est bonne, le 15 avril prochain.

D'ici là, nous verrons ce que les demandeurs en concession auront (page 1024) produit, et je réglerai ma conduite sur ce qu'ils auront fait, sur le résultat qu'ils auront obtenu ou sur le zèle qu'ils démontreront avoir déployé.

M. Crombez. - Avez-vous quelque espoir d'aboutir ?

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Mes renseignements me permettent non pas d’affirmer mais de faire augurer que l’affaire aura une solution favorable et prochaine.

Je dirai, pour compléter ces explications, que si la concession n'était pas exécutée par les demandeurs avec lesquels j'ai passé un premier contrat, j'ai immédiatement un second concessionnaire, c'est la compagnie de Tournai à Jurbise.

Cette compagnie est connue, sa solvabilité est incontestée et elle ne demande pas mieux que d'être substituée aux premiers demandeurs s'ils venaient à faire défaut.

Je pense que l'honorable membre sera satisfait des renseignements que je viens de lui fournir sur le premier point.

En ce qui concerne l'exécution des obligations de la société Hainaut et Flandres pour les embranchements de St-Ghislain sur Tournai et de St-Ghislain sur Ath, voici comment cette affaire se présente.

Si mes souvenirs sont exacts, lorsque le tronc principal de la concession, la ligne de Saint-Ghislain vers Gand n'était point encore construit il y a environ deux ans, la compagnie se trouvant dans un embarras pécuniaire extrêmement grave s'est adressée au gouvernement à l'effet de voir ratifier une combinaison qui, en l'exemptant de la construction des deux embranchements précités, lui accorde un délai pour la construction de la ligne principale.

C'est toujours pour le gouvernement une position délicate que de se trouver dans le cas de décharger une compagnie d'obligations contractées par elle et dont l'exécution doit bénéficier dans une large mesure à une nombreuse population.

Le gouvernement attachant cependant une grande et sans doute légitime importance à l'exécution de l'obligation principale de la compagnie, c'est-à-dire à la construction de la ligne de St-Ghislain à Gand, n'avait pas opposé une fin de non-recevoir absolue à la demande de la compagnie, mais il l'examinait avec la circonspection, avec toute la maturité commandée par les circonstances.

Dans l'intervalle la compagnie a fait les fonds pour la ligne principale, et aujourd'hui celle-ci se trouve en exploitation.

Il y a quelque temps, postérieurement à la mise en exploitation de cette ligne, la compagnie s'est itérativement adressée au gouvernement à l'effet d'obtenir l'exonération de la construction des embranchements et elle a demandé d'y substituer une ligne nouvelle de Basècles sur Valenciennes par Péruwelz et Condé.

A cette seconde demande le gouvernement oppose un refus. Il ne croit pas que la ligne principale se trouvant achevée, il y ait lieu d'exonérer la compagnie de la construction des embranchements.

Il n’y a plus aucune raison péremptoire pour cela. Il pouvait y avoir une raison avant l'achèvement de la ligne principale, mais il n'y en a plus après.

Il peut y avoir cependant, dans la situation financière de la compagnie, un motif pour ne pas exiger l'exécution immédiate de ses obligations en ce qui concerne les embranchements, en d'autres termes il peut y avoir un motif d'ajournement quant à la construction des embranchements, mais il n'y a point de raison pour l'en exonérer définitivement..

Le gouvernement se trouve donc, à l'égard de la compagnie, dans la position de devoir attendre qu'elle soit sortie de ses embarras d'installation, qu'elle soit arrivée à une meilleure fortune, pour réclamer l'exécution du restant de ses obligations.

C'est une question de fait, d'appréciation de la part du gouvernement, question dont la Chambre elle-même est, du reste, rendue juge, puisqu'elle peut toujours amener le gouvernement à s'expliquer.

Il y a cependant un point que je dois relever ici, dans l'intérêt même, de la compagnie. C'est qu'il importe qu'elle exécute, le plus tôt possible cette partie de ses engagements en retard, où sa propre prospérité est en jeu.

J'entends par là, pour m'expliquer clairement, qu'elle exécute, dans un bref délai, la section de Basècles à Péruwelz, parce que cette section serait un affluent éminemment productif.

Sur ce point donc, le gouvernement doit insister actuellement pour que la compagnie cherche par tous les moyens possibles à donner cette satisfaction partielle à des populations qui se plaignent avec raison.

J'arrive à la demande de renseignements de l'honorable M. d'Hoffschmidt au sujet de l'embranchement de Longlier à Bastogne.

L'honorable membre a lui-même indiqué la réponse que le gouvernement doit faire à ses questions.

J'ai déclaré, dans la discussion de mon dernier budget, et l’honorable membre l'a rappelé, que la compagnie du Luxembourg était incontestablement obligée de faire l'embranchement de Longlier à Bastogne.

Cette obligation, messieurs, est restée debout. J'ai déclaré, et de plus, je crois avoir prouvé que le délai d'exécution, le seul point pouvant donner lieu à difficulté, était subordonné à l'appréciation équitable des ressources de la compagnie.

L'honorable membre a fait connaître hier à la Chambre que dans l'intervalle, depuis la discussion de l'année dernière, une convention avait été passée entre le gouvernement belge et des entrepreneurs français pour l'exécution, avec l'intervention pécuniaire de l'Etat, d'une ligne de Sedan à la frontière Grand -Ducale et passant par Longlier et Bastogne, c'est-à-dire absorbant l'embranchement dont il s'agit.

Par des circonstances fortuites et à coup sûr indépendantes de la volonté du gouvernement, cette convention, qui devait naturellement être soumise à la sanction de la législature, n'aurait pu lui être présentée avec le projet de loi tendant à la ratifier, que trois ou quatre jours avant la clôture de la dernière session.

La dernière session n'ayant pu être utilisée, j'étais prêt, connue j'y étais du reste obligé, à déposer le projet portant ratification de la convention dont il s'agit, au commencement de la session présente, lorsque j'ai cru savoir que les demandeurs en concession se retiraient de l'affaire

Cependant, je n'ai pas été jusqu'ici officiellement informé de cette circonstance. Les renseignements que l'honorable membre nous a donnés à cet égard étaient tout à fait nouveaux pour moi, jusqu'il y a quelques jours.

Or, n'étant pas au courant des intentions des entrepreneurs français, je n'ai pas eu à examiner ce que le gouvernement ferait si celles qu'on leur suppose, à savoir de se retirer, venaient à se réaliser. En d'autres termes, je n'ai pas ici à examiner la question si la compagnie du Luxembourg a aujourd'hui atteint le chiffre de recette qui rendrait, suivant la portée équitable et loyale de ses conventions, obligatoire pour elle la construction de l'embranchement de Bastogne.

Je compte m'assurer immédiatement auprès des entrepreneurs de leurs vues quant à la convention dont je viens de parler, et si les renseignements que je recueillerai confirment ceux que l'honorable membre nous a fournis dans la séance d'hier, je verrai s'il n'y a pas lieu de réclamer de la compagnie du Luxembourg l'exécution de l'embranchement de Bastogne.

M. d'Hoffschmidt. - Je demande la parole.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - L'honorable M. Moncheur a attiré l'attention du gouvernement sur la nécessité d'assurer des débouchés nouveaux à nos produits houillers, et, en particulier, de chercher, par tous les moyens à sa disposition, à leur ouvrir ces débouchés dans la direction de l'Est de la France.

Nous sommes, messieurs, sur ce point, parfaitement d'accord avec l'honorable membre.

Il a indiqué à cet effet trois moyens, savoir : 1° la canalisation complète de la Meuse, c'est-à-dire la continuation de cette canalisation (déjà commencée entre Liège et Namur), jusqu'à la frontière française ; 2° l'abaissement des péages sur la Sambre belge, sur la Sambre française et sur le canal de jonction de l'Oise : 3° enfin la construction d'un chemin de fer de Liège à Givet par la vallée de l'Ourthe et d'un autre chemin de fer de Spa à la frontière française par le grand-duché.

La concession de ce dernier chemin de fer est sollicitée ; l'honorable membre demande donc au gouvernement l'octroi de cette concession.

Quant à la canalisation de la Meuse, le gouvernement a pris l'initiative d'un projet de loi qui affecte un premier crédit à cette canalisation. C'est assez dire, c'est assez prouver même par le fait qu'il a posé qu'il n'y a pas de dissidence entre l'honorable membre et le gouvernement sur l'utilité de canaliser la Meuse sur tout son parcours. Mais nous sommes loin encore d'être en mesure de faire exécuter la canalisation, je ne dirai pas depuis Liège jusqu’à la frontière française, mais seulement depuis Liège jusqu'à Namur.

Naturellement ce travail ne pouvant être productif que lorsqu'il sera complètement achevé, le gouvernement ne manquera pas de pétitionner les fonds nécessaires ; mais il devra forcément attendre que la situation financière permette d'imposer ce nouveau sacrifice au trésor. En attendant, il est évident que le gouvernement ne peut pas songer à une canalisation complète jusqu'à la frontière avant qu'on ait terminé la canalisation depuis Chokier jusqu'à Namur.

Il est évident qu'entreprendre à la fois des travaux, ayant pour objet la double canalisation, c'est ajourner indéfiniment et sans profit aucun, (page 1025) la canalisation complète, par l'insuffisance des fonds dont on disposerait pour une entreprise aussi considérable.

Il faut aborder successivement les deux parties de cette entreprise.

Il est évident, d'un autre côté, que la canalisation entre Liège et Namur doit précéder la canalisation entre Namur et la frontière française, d'abord, parce qu'elle est déjà commencée, et en second lieu, parce qu’à Namur, la Meuse se joint à la Sambre, ce qui augmente l'utilité de cette première section.

Le gouvernement s'empressera de demander de nouveaux crédits, aussitôt qu'il le pourra, pour l'achèvement de la canalisation entre Chokier et Namur.

Quant au reste de la canalisation, depuis Namur jusqu'à la frontière, le gouvernement continue l'étude de ce projet, laquelle a été interrompue par la nécessité d'appliquer le personnel à la rédaction des cahiers des charges des barrages à établir en aval de Namur et de Liège, lesquels, en effet, ont été mis en adjudication.

En ce qui concerne l'abaissement des péages sur la Sambre belge, le gouvernement est prêt à le décréter aussitôt qu'une mesure analogue sera prise par le gouvernement français en ce qui concerne les canaux qui se trouvent sur son territoire.

Décréter cet abaissement en Belgique seulement serait (qu'on me permette de le dire) donner un coup d'épée dans l'eau ; le trésor y perdrait sans que l'industrie en retirât aucun profit appréciable. Il faut que l'abaissement soit simultané en France et en Belgique pour que la mesure soit réellement efficace,

Vous n'ignorez pas, messieurs, que de très vives instances ont été faites dans ce but auprès du gouvernement français lors des négociations du dernier traité.

Vous savez aussi que le gouvernement français ne s'est guère montré disposé à entrer dans cette voie ; et qu'il a déclaré qu'il ne croyait pas qu'il y eût lieu non plus de racheter le canal de jonction de Seine-et-Oise. Cependant le gouvernement n'a pas renoncé au projet de solliciter du gouvernement français qu'il rachetât ce canal ainsi que la Sambre canalisée et nous n'avons pas perdu tout espoir d'aboutir plus tard à ce résultat. Pour le moment donc, nous devons nous abstenir, un abaissement de péages ne pouvant être utile qu'à la condition qu'on l'opère simultanément dans les deux pays.

Quant aux chemins de fer dont a parlé l'honorable M. Moncheur, je crois aussi qu'ils seraient utiles au transport des houilles du bassin de Liège. Je dois cependant faire une observation (mais pour la régularité seulement, car je n'y attache pas moi-même une importance décisive), c'est qu'au point de vue où l'on s'est placé et dans une certaine mesure, le chemin, de fer de l'Ourthe ferait double emploi avec le chemin de fer de Spa vers la France par le Grand-Duché. En effet, entre Liège et la ville de Luxembourg (cette ville est un point de passage obligé), la différence de longueur entre les deux lignes n'est que de quelques kilomètres.

Trois honorables membres, M. Cumont, M. Jouret et en dernier lieu M. de Brouckere, ont demandé des renseignements sur la canalisation de la Dendre. Je suis sûr que mentalement l'honorable M. de Naeyer s'est joint à ces honorables membres.

M. de Naeyer. - Sans doute !

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Le gouvernement s'est occupé sérieusement de la canalisation de la Dendre, ainsi qu'il l'avait annoncé. Mais il résulte des études faites que nous sommes très loin de la somme primitivement assignée à ce travail.

Nous avions demandé un crédit de 2,500,000 francs qui devait suffire.

Aujourd'hui les études sont complètes en ce sens qu'elles ont été faites dans les provinces de Hainaut et de la Flandre orientale, d'après un programme parfaitement défini.

J'ai un projet que je pourrais mettre immédiatement à exécution, travail conçu dans des conditions d'exécution pratique.

D'après la première étude, l'entreprise complète de la canalisation de la Dendre, d'Ath à Termonde, aurait dû coûter non pas 2,500,000 fr., mais huit millions. Vous voyez que la différence est énorme et que le gouvernement était autorisé, en présence de ce résultat, à examiner cette affaire avec une grande circonspection.

Mon département a recherché les modifications qu'on pouvait introduire dans ce projet, et il est résulté de cette nouvelle étude une réduction d'un million environ pour la dépense, nous sommes donc maintenant à sept millions.

C'est un beau denier, quand on pense qu'on faisait primitivement monter la dépense à 2,500,000 fr.

M. J. Jouret. - C'était un premier crédit.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Ne renouvelons pas cette discussion. Soit, c'était un premier crédit, mais le projet reposait sur d'autres errements. Quoi qu'il en soit, je constate que le gouvernement est disposé à faire tout ce qui est nécessaire pour l'amélioration du régime des eaux dans la vallée de la Dendre, quelle que soit la somme à dépenser. Mais vous reconnaîtrez qu'il devait s'ingénier néanmoins à restreindre la dépense autant que possible.

Nous étions arrivés à ce chiffre de sept millions quand nous avons recherché s'il n'y avait pas moyen de faire quelques nouvelles économies. Elles devraient résulter de la réduction de la section du canal, tel qu'on l’avait projeté en dernier lieu.

Cette réduction permettrait de faire moins d'emprises, moins d'acquisitions de terrain, et moins de travaux de terrassements.

Il est probable, certain même, que du chef de cette réduction limitée suivant les indications de la prudence on obtiendrait une nouvelle diminution et une diminution assez sensible dans la dépense.

II y a déjà quelque temps que l'on s'occupe de cette dernière instruction ; elle ne peut guère durer, et je ne doute pas qu'il ne soit possible de mettre la main à l'œuvre dans le courant de la campagne.

Je pense que l'honorable M. Jouret se tiendra pour satisfait de cette déclaration.

Quant au canal de Blaton, il n'est pas exact que le gouvernement ait à sa disposition, pour l'exécuter, une somme quelconque. Un crédit de 2,500,000 fr. a été voté pour la canalisation de la Dendre, mais pour la jonction de la Dendre avec le bassin de Mons, il n'a rien à sa disposition ; d'après la loi de 1859, il n'a que le droit de concéder.

M. de Brouckere. - J'ai dit : « des moyens d'exécution ».

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Le gouvernement est autorisé à donner comme subvention à l'entrepreneur qui se chargerait en même temps de la canalisation de la Dendre et du canal de Blaton à la somme de 2,500,000 fr. affectée aux travaux de la Dendre.

Nous avons reçu pour l'exécution à forfait de la double entreprise des propositions qui ont été, quant aux améliorations de la Dendre, jugées insuffisantes par le gouvernement, comme elles l'ont été par les membres de la Chambre qui sont au courant de l'état des choses concernant cette rivière.

Mais en même temps que nous rejetions ces propositions, nous avons déclaré aux entrepreneurs qui se présentaient que lorsque le gouvernement aurait élaboré lui-même un projet de canalisation de la Dendre, il le leur communiquerait, afin de les mettre à même de faire une nouvelle offre pour l'entreprise totale, en leur attribuant cette fois le crédit le plus élevé que la Dendre nécessiterait d'après les dernières études. Je n'ai pas de motif pour ne pas agir comme je l'ai promis vis-à-vis des entrepreneurs.

Messieurs, M. de Gottal m'a demandé des renseignements sur la question d'ensablement de l'Escaut. A ce sujet il a reproduit certaines accusations que je croyais avoir rencontrées dans une précédente discussion ; puisqu'il y revient, je dois en dire deux mois. Je ne puis accepter le reproche que le gouvernement négligerait une question aussi vitale, aussi essentielle que la bonne navigabilité de l'Escaut. D'après l'honorable membre, la situation se serait empirée. Il faut s'entendre, il faut s'expliquer catégoriquement. Le régime de l'Escaut, les atterrissements qui se sont formés dans le lit de ce fleuve, se sont-ils accrus au point de légitimer des inquiétudes sérieuses sur l'avenir de notre grande voie navigable ?

Je déclare, pour moi, que non.

Jusqu'ici on a fait des sondages périodiques et à des époques rapprochées, deux fois par an, et pour apprécier le résultat de ces sondages, on s'est constamment référé aux mêmes points de repère.

Or, que constatent ces sondages ? En un premier point il y avait en 1858, 7 m 80 ; en 1860, 9 mètres ; en 1861, 8 m 20.

Il y a donc en 1861, aggravation sur l'état de 1860 ; mais il y a encore une amélioration assez sensible sur l'état de 1858.

En un second endroit les résultats se sont trouvés : En 1858, 7 m 70 ; en 1860, 8 m 50 ; en 1861,8 m 10.

Ainsi en 1861, 20 centimètres de moins qu'en 1860, mais 40 centimètres de plus qu'en 1858.

Enfin en un troisième point il y avait en 1858, 6 m 50 ; en 1860, 7 m 90 ; en 1861, 7 m 40.

Il y a donc ici en 1861 de plus qu'en 1858, 90 centimètres. Il est par conséquent exact de dire d'après ces chiffres et en résumé que la situation de la fin de 1861 ne vaut pas celle de 1860, mais il faut immédiatement ajouter que la situation de la fin de 1861 est encore très supérieure à celle de 1858.

Les sondages qui constatent cette situation ont été faits en 1861, au (page 1026) mois d'octobre, mais en octobre 1861, nous sortions d'une longue période de sécheresse ; comme vous le savez, une grande partie de l’été de l’année dernière a été très sèche.

J'ai la conviction que par les nouveaux sondages auxquels il va être procédé au mois d'avril, je le répète, ces sondages se font régulièrement deux fois par an, il sera prouvé que cette situation de la fin de 1861, qui était supérieure à celle de 1858, s'est encore améliorée pendant l'hiver écoulé. Je n'affirme pas que la situation, telle qu'elle sera constatée, sera aussi bonne que celle de 1858, mais j'affirme, d'après toutes les probabilités, que la situation du commencement de 1862 sera meilleure que celle de 1861.

Quelle conclusion est-ce que je tire de ces faits ? J'ai tiré cette conclusion et pas d'autre : c'est que la situation n'est pas faite pour inspirer des inquiétudes fondées ni au gouvernement, ni à la ville et au commerce d'Anvers. Je ne veux pas affirmer, au contraire, que le gouvernement, que la ville d'Anvers ne doivent pas veiller avec une sollicitude de tous les instants à ce qui se passe au bas de l'Escaut.

Mais je prétends qu'en présence des chiffres que je viens de communiquer à la Chambre, lorsqu'on crie à la décadence d'Anvers fondée sur l'innavigabilité prochaine de l'Escaut, on affirme une chose que rien ne justifie et qui doit nécessairement faire à la ville d'Anvers un tort considérable et gratuit. Cela est profondément regrettable.

Le gouvernement, dit l'honorable membre, reste dans l'inaction.

Eh bien, le gouvernement ne reste pas dans l'inaction. Le gouvernement a institué des commissions, et quoi qu'on puisse dire des commissions, il est certain que celles qui ont fonctionné dans la circonstance présente, ont produit des résultats utiles et sérieux. Je vais les rappeler.

Je dis que le gouvernement ne reste pas dans l'inaction. En effet, le gouvernement fait faire deux fois par an les sondages les plus précis. Il a recommandé aux ingénieurs d'effectuer ces sondages avec tous les soins possibles, et afin d'être sûr que ce travail s'effectue dans les conditions prescrites par le gouvernement, ce sont constamment les mêmes ingénieurs qui y procèdent.

Si maintenant la situation finissait par être reconnue mauvaise, le gouvernement pourrait-il agir et que devrait-il faire ? C'est ici que je rappelle les conclusions auxquelles sont arrivées les commissions instituées par le gouvernement.

Le gouvernement sait parfaitement ce qu'il ferait dans cette situation supposée définitivement mauvaise. Il sait qu'il pourrait, selon toutes les prévisions, pour ne pas employer un autre mot, remédier à cet état de choses en endiguant sur les bords de l'Escaut, en face de l'endroit où se forment les atterrissements, un vaste polder qui s'appelle le polder de Santvliet.

Ce polder n'est pas mûr. Sur 430 hectares, 330 au moins sont encore sous eau.

Si le gouvernement effectuait aujourd'hui l'endiguement qui est indiqué comme la mesure la plus efficace contre l'ensablement, que s'ensuivrait-il ? Il s'ensuivrait deux choses : d'abord il stériliserait ces 330 hectares qui sont une grande richesse pour l'agriculture ; et en second lieu, cet endiguement prématuré, il devrait le faire à très grands frais et à ses frais, alors que, si l'on a la patience d'attendre la maturité du polder, l'endiguement s'en ferait de façon d'abord à donner à l'agriculture une riche plaine de plus, et en second lieu à faire opérer cet endiguement aux frais de celui qui achèterait le polder, contre écus à verser dans la caisse du trésor.

Voilà la situation.

En présence de cette situation, le gouvernement, pour obvier à un mal qui n'existe nullement avec les caractères qu'on y assigne, doit-il agir avec la précipitation qu'on lui conseille ?Le gouvernement croit que non. Il croit qu'il suffit provisoirement qu'il prenne des précautions pour être constamment averti de ce qui se passe dans l'Escaut et qu'il soit prêt à agir le jour où la situation serait positivement reconnue exiger des remèdes énergiques.

Eh bien, dans ce dernier cas, non seulement le gouvernement sait ce qu'il ferait, mais il a été jusqu'à faire dresser les plans définitifs de la digue qu'il s'agirait de construire. Je sais comment il faut construire la digue et ce qu'elle coûterait. Elle coûterait 1,500,000 francs. Or, le gouvernement doit-il dépenser 1,500,000 francs pour remédier à un mal qui peut se présenter, mais qui n'existe pas dans le moment actuel ? Encore une fois, le gouvernement ne le croit pas.

L'honorable membre a parlé encore du fonctionnement d'un bateau dragueur, recommandé, dit-il, par la commission. C'est une erreur. La commission n'a pas recommandé la construction et le fonctionnement d'un bateau dragueur. La construction d'un bateau dragueur ne lui a été recommandée par la commission que très en sous-ordre. Pourquoi ? Parce qu'il est impossible de concevoir un plus mauvais travail que celui qui consisterait à enlever des terres à l'aide d'un bateau dragueur.

Et la raison en est simple ; c'est que le bateau dragueur n'aurait pas plus tôt enlevé un mètre cube de terre, qu'il en viendrait un second. Ce serait le travail de Pénélope. Le seul travail réellement efficace serait celui qui détruirait la cause du mal ; mais le bateau dragueur ne peut avoir pour résultat que de remédier très insuffisamment aux inconvénients produits. C'est un triste expédient.

Je ne dis pas que, dans tel cas donné, il ne faudra pas avoir recours à ce mauvais moyen ; mais avant tout il faut recourir aux bons moyens.

Ces bons moyens, c'est la construction de la digue ; c'est ensuite |la construction d'épis qui rétréciraient encore plus le cours du fleuve. Viendrait en troisième lieu le fonctionnement du bateau dragueur-

Voilà la question telle qu'elle se présente aujourd'hui au gouvernement.

Le gouvernement ne mérite nullement le reproche de négligence qu'on lui adresse.

Il est prêt à agir, s'il le faut, et encore une fois, c'est un résultat considérable obtenu que de savoir comment il devrait agir, lorsque la nécessité de le faire serait démontrée.

Messieurs, l'honorable M. Tack s'est occupé un instant du régime de la Lys.

II m'a demandé d'abord pourquoi on n'achevait pas la construction de l'écluse de Deynze ou la transformation en écluse du barrage, qui existe à Deynze.

Les fonds, dit-il, ont été votés ; pourquoi ne faites-vous pas ce travail ?

L'honorable M. de Brouckere, qui s'est également occupé de la question, a indiqué la raison de l'inaction du gouvernement. C'est que le gouvernement ne dispose pas des fonds nécessaires.

Pour l'achèvement du canal de dérivation de Schipdonck à Heyst une somme de 1,400,000 fr. a été portée dans la loi de 1859. Dans l'exposé des motifs de cette loi, il était dit que les 1,400,000 fr. devaient servir à l'achèvement, proprement dit, des travaux du canal de dérivation vers Heyst et à la transformation du barrage de Deynze.

Eh bien, messieurs, non seulement sur cette somme je n'ai pas pu faire exécuter l'un et l'autre travail, mais elle n'a pas même suffi au parachèvement proprement dit du canal de dérivation.

Après toutes les tentatives d'adjudication et de réadjudication qu'on fait en pareil cas, le crédit entier de 1,400,000 fr. est absorbé ; il est plus qu'absorbé, il sera dépassé d'environ 250,000 fr. à concurrence desquels je devrai demander un crédit supplémentaire à la Chambre, sauf, bien entendu, à fournir pleine justification de l'emploi des fonds mis à la disposition de mon département et des causes de l'insuffisance du crédit. Je devrai de plus demander un nouveau credit pour l'écluse de Deynze.

M. de Brouckere. - Le demanderez-vous ?

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Certainement je le demanderai. Quant à l'exécution des travaux de l'écluse, elle aura lieu ou bien dans le courant de l'été ou au commencement de l'année prochaine, mais toujours en adjugeant cette année. Je pourrais promettre dès maintenant de faire procéder à la construction dans le courant de l'été, mais à une condition, c'est ou bien d'interdire le rouissage dans la Flandre occidentale, ou bien de laisser infecter de nouveau la ville de Gand.

Or, je ne désire faire ni l'un ni l'autre. Si je ne trouve pas un autre expédient, la construction devra donc être ajournée au commencement de 1863, mais peut-être trouverai-je cet expédient dans le creusement d'un petit canal latéral (provisoire) à côté de l'écluse. Si cela se peut, je pourrais mettre la main à l'œuvre cette année.

L'honorable membre a parlé aussi de l'élévation du péage perçu à l'écluse d'Astene.

Il a également parlé du péage perçu à Comines sur les bateaux venant de France.

Je crois pouvoir dire à l'honorable membre que la question du péage de l’écluse d'Astene sera réglée dans un sens libéral, c'est-à-dire dans le sens du péage le moins élevé.

Quant à la difficulté qui a surgi au sujet de la perception qui s'opère sur certains bateaux à l'écluse de Comines, il s'agit d'une interprétation de contrat, et si le gouvernement voulait aller plus loin qu'il n'en a le droit dans ses exigences, il est évident qu'il en serait empêché d'abord par le gouvernement français qui doit protection à ses nationaux, ensuite par tous les intéressés belges, qui sauraient bien obtenir le redressement d'un abus qui consisterait dans la violation du texte ou de l'esprit d'une convention où le gouvernement est intervenu comme partie.

(page 1027) Quant à la navigation, messieurs, sur la section du canal de Deynze à Schipdonck, il est évident qu'on doit la permettre chaque fois qu'elle est possible. Et quand la transformation du barrage sera un fait accompli, elle sera possible toujours.

J'ai maintenant, messieurs, à traiter une question beaucoup plus vaste, c'est celle qui a été soulevée par les honorables MM. Vermeire, H. Dumortier, etc., au sujet des tarifs du chemin de fer. Je désire entrer à cet égard dans quelques développements et je demanderai la remise de la discussion à demain, vu l'heure avancée.

Projet de loi portant séparation de communes

Dépôt

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom) présente un projet de loi portant séparation de communes.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce projet loi et le renvoie à l'examen d'une commission à nommer par le bureau.

M. le président. - Le bureau désigne pour former la commission : MM. de Moor, d'Hoffschmidt, Wasseige, Orban et de Montpellier.

- La séance est levée à 4 heures 1/2.