(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1861-1862)
(page 1005) (Présidence de M. Vervoort.)
M. de Florisone, secrétaire, procède à l'appel nominal à deux heures et un quart.
M. de Boe, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.
- La rédaction en est approuvée.
M. de Florisone, secrétaire, présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.
« Un grand nombre d'habitants de Peruwelz réclament l'intervention de la Chambre pour que la compagnie Hainaut et Flandres relie cette ville au réseau des chemins de fer belges. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Un grand nombre d'habitants d'Anvers demandent. a démolition des fronts armés qui, dans les citadelles, sont dirigés vers la ville. »
M. Coomans. - Je demanderai que cette pétition soit renvoyée à la commission des pétitions avec prière de faire un prompt rapport.
- Adopté.
« Les membres du conseil communal de Jemmapes présentent des observations contre les paroles prononcées par un membre de la Chambre, dans la séance du 20 mars, à propos de faits qui se sont passés dans cette commune en 1857. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le conseil communal d'Ottergem demande des modifications à la loi du 18 février 1845 relative au domicile de secours.
« Même demande de l'administration communale d'Overyssche et des conseils communaux de Belcele et de Stekene. »
- Même renvoi.
«Le sieur Steelandt, soldat au régiment de chasseurs à pied, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir le chevron accordé après dix années de service. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
«Le sieur Eggerickx, ancien militaire congédié pour infirmité contractée au service, demande à être assimilé aux décorés de la croix de Fer. »
- Même renvoi.
« M. le ministre de la justice transmet, avec les pièces de l'instruction, la demande de naturalisation ordinaire du sieur Barella, Sanctin-Benoît. »
- Renvoi à la commission des naturalisations.
« M. Beeckman demande un congé de deux jours. »
- Accordé.
M. le président. - Messieurs, j'ai reçu dimanche une lettre de M. Auguste Savart qui m'annonçait la douloureuse nouvelle de la mort de son frère.
Le bureau s'est constitué en députation pour remplacer celle que la Chambre a l'habitude de désigner par la voie du sort. Il a assisté aux funérailles, et, presque tous les membres de la Chambre présents à Bruxelles se sont joints à lui pour rendre les derniers devoirs à notre regretté collègue.
Je proposerai à la Chambre de charger le bureau d'écrire une lettre de condoléance à la famille de M. Savart.
- Cette proposition est adoptée.
M. le président. - J'aurai soin de donner à M. le ministre de l’intérieur l'avis officiel du décès de M. Savart.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Messieurs, je demande pardon à la Chambre de l'occuper d'un simple détail relatif au dernier comité secret.
Un de nos collègues a rapporté à un journal ce qui s'est passé dans le comité secret et l'a rapporté d'une manière fort inexacte.
Et ce qui me concerne personnellement, tous les membres présents au comité savent fort bien que je n'ai aucunement proposé d'augmentation de traitement pour les ministres.
Qu'on me représente comme avide, je l'admets ; qu'on me suppose très pressé d'obtenir une augmentation de traitement, je l'admets encore ; mais que l'on veuille bien du moins m'accorder un peu de bon sens et quelque sentiment des convenances.
M. H. Dumortier. - Tout cela ne vaut pas une réponse.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - En attendant, l’assertion a été reproduite dans divers journaux, et elle circule dans tout le pays. Je tenais à le rectifier.
S'il est permis à des membres de cette Chambre d'être indiscrets, il ne leur est pas permis d'être inexacts, de manquer de loyauté.
Je crois pouvoir parler également ici au nom de M. le président de la Chambre.
Chacun de nous sait fort bien que notre honorable président n'a pas tenu le langage qu'on lui a attribué.
M. le président. - Messieurs, je croyais ne pas devoir parler d« ce qui s'est passé à l'occasion du comité secret, parce que je supposais que le bon sens public rectifierait les inexactitudes évidentes des comptes rendus auxquels M. le ministre des affaires étrangères vient de faire allusion.
Puisqu'il en a été question, permettez-moi de faire une observation dans un sens général.
Le comité secret a été provoqué samedi dernier. S'il fallait un commentaire pour en expliquer la nature et le but, nous le trouverions dans la Constitution même.
L'article 55 porte :
« Les séances de la Chambre sont publiques. Néanmoins chaque Chambre se forme en comité secret, sui la demande de son président, ou de dix membres.
« Elle décide ensuite, à la majorité absolue, si la séance doit être reprise en public sur le même sujet. »
Si donc la Chambre ne décide pas que. Le sujet traité en comité secret doit être reproduit en séance publique, les débats, les conversations, les délibérations doivent échapper à la publicité.
C'est un devoir de bon citoyen, c'est un devoir de convenance et de loyauté de respecter la prérogative constitutionnelle que nous avons exercée samedi.
Je crois qu'il suffit à la dignité de la Chambre de signaler l'abus. Je suis persuadé qu'il ne se reproduira pas à l'avenir.
M. Dolez. - Je n’aurais pas songé, messieurs, à prendre la parole relativement à l’incident que vient de signaler M. le ministre des affaires étrangères ; mais puisque l’honorable ministre, mû par un sentiment que je comprends à merveille, a cru devoir démentir ce qui a été dit au sujet des conversations qui ont eu lieu dans notre comité secret de samedi, la Chambre ne trouve pas mauvais que je consacre quelques paroles au rôle qu’il a plu à je ne sais quel indiscret de me faire jouer dans ces mêmes conversations.
On a imprimé dans un journal et répété dans d'autres, que M. Dolez, reconnaissant qu'il était impossible d'augmenter, comme on le devrait, l'indemnité des députés d'une manière directe, aurait proposé de le faire indirectement en délivrant à chacun d'eux une carte portant son portrait photographié et lui donnant le droit de circuler gratuitement sur le chemin de fer.
La Chambre sait si j'ai dit quelque chose de pareil.
- Plusieurs membres. - Non ! non !
M. Dolez. - Je n'entends certes pas répondre à cette plaisanterie ni violer le secret de votre comité de samedi, en rappelant ce qui y a été dit ; je tiens seulement à constater, pour le collègue indiscret comme pour tous les lecteurs des journaux qui ont reproduit nos prétendues conversations, que, pour ma part, je suis un député qui ne reçoit pas, qui n'a jamais reçu d'indemnité ; et que, partant, si un accroissement quelconque d'indemnité pouvait intéresser mes collègues, je serais, pour mon compte, du très petit nombre de ceux qui n'y prendraient pas la moindre part.
Il m'est permis de le rappeler puisque l'indiscret dont on a parié s'est permis de me signaler dans des termes qui permettraient de croire que, préoccupé de pensées d'intérêt, j'aurais en quelque sorte mendié un accroissement de l'indemnité des membres de la Chambre des représentants.
Je tiens à constater que ma mission de représentant a toujours été gratuite. Je souhaite qu'il en soit de même du collègue indiscret.
M. le président. - Personne ne demande plus la parole.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Je constate que personne ne s'est levé poux soutenir les dires du journa1 auquel il a été fait allusion. Il serait loyal cependant, de la part du collègue indiscret, de s'expliquer. Son silence est significatif, je me borne à le constater.
M. le président. - L'incident est clos.
M. le président. - Nous reprenons l'ordre du jour, portant, en premier lieu,1a discussion du budget des travaux publics.
La Chambre a remarqué que l'imprimé n°48 renferme les (page 1006) modifications que M. le ministre a proposées après le dépôt de son budget. Le tout a été fondu dans un même tableau ; et la section centrale, comme vous le savez, conclut à l'adoption du budget tel qu'il a été modifié.
M. Crombez. - Messieurs, le budget des travaux publics a toujours été, dans cette Chambre, l'objet d'un sérieux examen.
Chacun de nous devient en cette circonstance le défenseur naturel des intérêts des localités qu'il représente. Je me crois donc autorisé à demander au gouvernement l'exécution de divers travaux, qui nous paraissent nécessaires, indispensables même, à la prospérité de l'arrondissement de Tournai ; et je ne crains pas qu'on me reproche d'être animé uniquement par l'esprit de clocher, car je démontrerai que ces travaux sont d'utilité générale pour le pays.
Depuis longtemps, messieurs, l'arrondissement de Tournai sollicite la construction de chemins de fer qui doivent lui ouvrir de nouveaux débouchés, et rectifier les tracés défectueux qui existent actuellement. Des villes importantes sont restées, jusqu'à présent, en dehors de toutes voies ferrées ; la ville de Tournai elle-même a toujours réclamé contre la fâcheuse situation qui lui a été imposée, lors de l'établissement du chemin de fer auquel elle est rattachée.
Ce n'est pas la première fois que des plaintes légitimes ont été faites, à ce sujet, dans cette Chambre, par les représentants de l'arrondissement de Tournai ; j'ai le regret de le constater, ces plaintes n'ont produit que fort peu de résultats.
Puisque je viens de parler des représentants de l'arrondissement de Tournai, qu'il me soit permis, messieurs, de prononcer quelques paroles de souvenir et d'affection pour notre bon et excellent collègue, auquel nous avons rendu hier les derniers devoirs.
Vous entendiez encore, il y a quelques jours, Victor Savart prendre la défense des habitants de Tournai, menacés par les servitudes militaires ; et, dans cette circonstance, il nous prouvait de nouveau combien les questions de droit et de législation lui étaient familières.
Cependant, messieurs, Savart était déjà frappé à mort et, avant de prendre la parole, il se plaignait à moi-même, à cette place que j'occupe en ce moment, des vives souffrances qu'il ressentait. Malgré mes supplications, il a voulu remplir son devoir jusqu'à la fin. Ses dernières paroles sont comme un suprême adieu qu'il adressait à ses concitoyens, montrant ainsi combien il était digne du mandat législatif qu'ils lui avaient confié.
Quelles que soient nos opinions, messieurs, nous déplorons tous la perte d'un citoyen qui a noblement servi son pays, et je suis convaincu que l'expression de ces regrets rencontrera sur tous nos bancs la plus vive sympathie. (Interruption.)
Je reprends maintenant la discussion du budget. Je vous disais, messieurs, que nos réclamations avaient été sans résultat. Il est donc de mon devoir d'insister auprès du gouvernement, dans l'espoir d'obtenir enfin pour l'arrondissement de Tournai une prompte satisfaction.
Je demanderai d'abord à l'honorable ministre des travaux publics où en est la question du chemin de fer direct de Tournai à Lille. Je trouve dans le Moniteur la convention intervenue le 5 septembre 1861 entre le gouvernement et MM. Decroix et Cie, par laquelle ces derniers ont été déclarés concessionnaires de ce chemin de fer. Mais cette concession ne sera rendue définitive qu'après que MM. Decroix et Cie auront obtenu du gouvernement français la concession de la partie de cette ligne située sur le territoire français.
Un délai de quatre mois a été accordé à la compagnie pour obtenir cette concession du gouvernement français. Ce délai est expiré le 15 février dernier, mais il a été prorogé de deux mois.
M. le ministre peut donc nous dire s'il a quelque espoir de rendre définitive cette concession provisoire.
Le chemin de fer direct de Tournai à Lille est d'une importance majeure pour la ville de Tournai. Les relations entre les deux villes sont nombreuses et se développent tous les jours par suite du traité de commerce avec la France.
Actuellement pour nous rendre à Lille, nous sommes obligés de faire un grand circuit par Mouscron ; nous parcourons ainsi 45 kilomètres, tandis que la distance entre Tournai et Lille n'est que 20 à 21 kilomètres ; la construction de cette ligne serait donc un grand bienfait pour notre ville.
Le chemin de fer direct de Tournai à Lille n'intéresse pas seulement notre arrondissement. On peut soutenir avec raison que l'intérêt bien compris du pays commande que cette ligne s'exécute le plus tôt possible.
Il apportera une véritable amélioration dans les relations entre l'Allemagne et l'Angleterre.
Quoi qu'on fasse, Calais sera toujours un lieu d'embarquement qui sera préféré pour se rendre en Angleterre. C'est le point le plus rapproché.
L'intérêt de la Belgique est donc de conserver le transit d'une partie notable de l'Allemagne vers Calais, en offrant aux voyageurs les lignes les plus directes.
Les chemins de fer actuels sont loin d'assurer la conservation de ce transit. Tôt ou tard on le perdra.
Il est donc urgent de rectifier leurs tracés : 1° Au moyen du chemin direct de Tournai à Lille ; 2° Du chemin direct de Bruxelles à Louvain ; 3° De la rectification d'Ath à Hal.
Dans la séance du 17 mai 1856, mon honorable ami, M. Allard, mettait sous les yeux de la Chambre des chiffres incontestables. Six années se sont écoulées depuis, je demande donc à la Chambre la permission de les reproduire.
La ligne actuelle de Louvain à Lille, par Bruxelles, impose aux voyageurs et aux marchandises l'obligation de parcourir les distances suivantes :
De Louvain à Bruxelles par Malines, 44 kilomètres.
De Bruxelles à Lille par Jurbise et Tournai, 133 kilomètres.
Total, 177 kilomètres.
La ligne rectifiée aurait :
De Louvain à Bruxelles direct, 19 kilomètres.
De Bruxelles à Hal, 14 kilomètres.
De Hal à Ath par Enghien, 36 kilomètres.
D'Ath à Tournai, 32 kilomètres.
De Tournai à Lille direct, 21 kilomètres.
Ensemble, 122 kilomètres.
Différence en moins, 55 kilomètres sur 177 kilomètres.
Ce serait une économie de plus de 50 p. c ; près d'un tiers.
Il est regrettable qu'en 1862, nous soyons aussi peu avancés et qu'aucun de ces redressements si importants, si essentiels, n'aient encore été exécutés.
Pour le chemin direct de Tournai à Lille, nous ne savons pas même si la concession est définitive ;
Pour la ligne directe de Bruxelles à Louvain, on en est encore aux formalités préliminaires d'études, de commissions, etc. ;
Pour le redressement d'Ath à Hal, le gouvernement hésite, il n'ose pas prendre une résolution, il craint de nuire aux recettes du chemin de fer, cependant dès le 15 mars 1846, le département des travaux publics avait reçu des demandes en concession de cette ligne.
Depuis lors, c'est-à-dire depuis seize ans, il ne s'est pas écoulé une année sans que les demandeurs en concession n'aient renouvelé leurs instances, tantôt écartées par le prétexte de concurrence aux lignes de l'Etat, tantôt ajournées à une autre époque.
La Chambre est encore saisie, en ce moment, d'une pétition du même genre.
Aujourd'hui, tous prétextes sont donc inadmissibles ; le chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain se faisant, ainsi que celui de Tournai à Lille, le redressement d'Ath à Hal en sera la conséquence forcée et inévitable.
Il est plus que temps, messieurs, que des retards aussi préjudiciables aux intérêts du pays aient un terme, que ces hésitations cessent et que ces questions soient résolues.
Une erreur a été commise, dans le principe, lors de l'établissement de nos chemins de fer ; elle était excusable car il était impossible de prévoir, à cette époque, les immenses développements que prendrait leur exploitation ; et les hommes les plus éclairés et les plus compétents se sont trompés alors dans leurs appréciations.
Mais cette erreur, reconnue et incontestée, doit être réparée ; je suis convaincu que, loin de nuire aux recettes des chemins de fer, ces rectifications sont de nature à assurer la prospérité de notre exploitation. Tout au plus y aura-t-il une diminution momentanée sur certaines lignes, mais c'est là un inconvénient insignifiant en comparaison du préjudice que le pays éprouve en ce moment et du tort causé à des localités qui réclament depuis si longtemps.
Vous reconnaîtrez avec nous, messieurs, que cette question n'intéresse pas seulement l'arrondissement de Tournai, et à ce point de vue, j'espère que la Chambre et le gouvernement accueilleront mes observations avec bienveillance.
(page 1007) Je dois maintenant entretenir la Chambre du chemin de fer Saint-Ghislain à Tournai par Péruwelz et Antoing.
La Chambre se rappellera que le gouvernement a été autorisé, par une loi du 28 mai 1856, à concéder trois lignes de chemins de fer, ayant leur origine commune à Saint-Ghislain et se dirigeant :
1° Sur Gand par Leuze, Renaix et Audenarde ;
2° Sur Ath ;
3° Sur Tournai par Péruwelz et Antoing.
Cette concession a été accordée par arrêté royal du 30 août 1856 à la société Hainaut et Flandres.
Les débuts de la société furent très pénibles. Les versements sur les actions ne se firent qu'imparfaitement et avec des difficultés, augmentant à mesure de chaque appel de fonds.
Jusqu'à ce jour, la compagnie n'a construit que la ligne de Saint-Ghislain à Gand par Audenarde ; cette ligne est en exploitation.
Les travaux sur les deux autres lignes ne sont pas encore commencés.
Cependant aux termes du cahier des charges les travaux devaient être terminés en trois années, expirées le 31 décembre 1859.
La compagnie n'a donc pas exécuté ses engagements.
Elle a été plus loin et elle a fait des tentatives pour être exonérée de la construction des lignes de Saint-Ghislain à Ath et de Saint-Ghislain à Tournai par Péruwelz et Antoing.
En effet, dans une assemblée générale des actionnaires tenue le 30 janvier 1861, il a été fait la proposition suivante :
« L'assemblée dit qu'il est indispensable, dans l'intérêt bien entendu des actionnaires, d'ajourner, pour partie, les travaux originairement projetés ;
« Dit, en conséquence, que toutes les ressources actuelles de la société seront appliquées à la construction de la ligne principale de Saint-Ghislain à Gand ;
« Dit que la construction des lignes accessoires de Saint-Ghislain à Ath et de Saint-Ghislain à Tournai, est ajournée sauf l'autorisation du gouvernement ;
« Dit que corrélativement à l'ajournement de la construction des embranchements,, tout nouvel appel de fonds est suspendu et que le nombre des actions actuellement émises sera réduit dans la proportion de trois pour cinq ;
« Que les travaux d'embranchement ne pourront être repris que sur une délibération de l'assemblée générale des actionnaires ;
« Dit que, ce cas échéant, il sera procédé à une nouvelle émission d'actions, représentant la valeur du capital ajourné, lesquelles actions nouvelles devront être attribuées, par préférence, aux porteurs des actions anciennes."»
Les actions sont de 500 fr. ; il n'a été versé que 300 fr.
H restait 200 fr. à verser sur 52,000 actions, c'est donc un capital de 10,400,000 fr. qui demeure à la disposition de la compagnie.
Les résolutions de la compagnie ont fait l'objet d'une interpellation adressée par M. Allard au gouvernement dans la séance du 7 mars 1861. Mon honorable ami a protesté énergiquement contre les prétentions de la compagnie de décider ainsi à elle seule des modifications à la loi du 28 mai 1856, au cahier des charges, et à ses statuts.
Je sais bien que M. le ministre des travaux publics a reconnu que la compagnie n'avait pas ce droit.
Voici la réponse qu'il a faite à M. Allard :
« M. le ministre des travaux publics. - L'honorable M. Allard vient de répondre lui-même à l'interpellation qu'il adresse au gouvernement. Il a dit que la compagnie n'avait pas le droit de décider elle seule si elle ferait ou si elle ne ferait pas l'embranchement de St-Ghislain sur Tournai. Je n'ai qu'à confirmer ces paroles.
« Il est évident que la compagnie n'a pas ce droit ; non seulement elle n'a pas le droit d'agir ainsi seule, mais elle n'aurait pas même le droit de le faire de concert avec le gouvernement.
« La compagnie a un contrat à exécuter, contrat dans lequel est intervenue la législature. Eh bien, messieurs, la législature aurait à consentir expressément à toute modification que l'on voudrait apporter à ce contrat.
« Il ne peut donc être question, dans l'intention de la compagnie ni dans celle du gouvernement, de changer le contrat ; la Chambre devrait en connaître. L'honorable membre peut donc être parfaitement tranquille jusqu'au moment où un projet de loi lui serait soumis à cet égard.
« Si aucun projet de loi n'est déposé, c'est que cette compagnie n'entend rien modifier à ses obligations ou que le gouvernement ne veut pas s'y prêter.
« Dans tous les cas, je le répète, la compagnie et le gouvernement ne peuvent rien faire sans la Chambre. »
M. Allard a répondu qu'il était satisfait, et moi je déclare que je ne suis pas le moins du monde satisfait et je ne crois pas que M. Allard éprouve maintenant la même satisfaction.
En effet, messieurs, il ne suffit pas de constater le droit de l'Etat et les obligations de la compagnie, il faudrait que le droit de l'Etat reçût sa sanction et que la compagnie remplît ses obligations.
Or depuis que M. le ministre a fait cette déclaration à la Chambre, la compagnie n'en a pas moins continué à agir comme si le droit de l'Etat n'existait pas. Il est vrai que le ministre n'a pas approuvé les modifications aux statuts, proposées par la compagnie. Cependant la compagnie n'a commencé aucuns travaux sur les deux lignes dont elle a ajourné la construction.
Elle n'a fait aucun appel de fonds à ses actionnaires qui redoivent toujours 200 fr. sur leurs actions.
Cela est-il admissible ? Quant à moi, messieurs, je ne puis croire qu'on fasse aussi bon marché des conventions que l'on signe avec l'Etat. A quoi peuvent servir les cahiers des charges, s'ils ne sont pas exécutés ?
La déclaration de M. le ministre n'a donc produit aucun résultat utile ; la compagnie ne nie pas le droit de l'Etat, elle s'en garde bien ; mais en fait c'est comme si ce droit n'existait pas pour elle, et elle se considère comme étant à peu près dégagée de ses obligations.
Non seulement elle ne fait aucun effort pour s'acquitter, mais encore on la voit tenter d'actives démarches pour obtenir l'intervention des administrations locales en sa faveur.
En effet, je lis dans une délibération du conseil communal de Péruwelz, du 11 janvier 1862, ce qui suit :
« M. le président communique au conseil la proposition verbale qui lui a été faite le matin par les administrateurs de la compagnie du chemin de fer Hainaut et Flandres.
« Cette proposition tend à obtenir du conseil communal un avis favorable à la demande faite au gouvernement par la compagnie d'être exonérée de la construction d'un embranchement de chemin de fer de Péruwelz à Tournai, à la condition de construire immédiatement la partie de Basècles à Péruwelz, à la frontière française et même jusqu'à Valenciennes.
« Le conseil, après avoir entendu, par l'intermédiaire de M. le président, les arguments mis en avant par la compagnie Hainaut et Flandres décide, à l'unanimité, par appel nominal, qu'il n'y a pas lieu de prendre sa demande en considération, et de réclamer auprès du gouvernement l'exécution de la loi qui accorde la concession du chemin de fer de Péruwelz à Tournai. »
L'administration de Péruwelz a eu grandement raison de repousser ces ouvertures.
J'éprouve un bien vif regret de ce que mon honorable ami, M. Bacquin, bourgmestre de Péruwelz et représentant de l'arrondissement de Tournai, n'ait pas encore pu siéger dans cette Chambre et qu'une longue maladie l'ait empêché de prendre part à nos travaux.
Mieux que moi, messieurs, il vous aurait exposé la fâcheuse situation de la ville de Péruwelz, qu'il administre avec zèle et dont il connaît tous les besoins.
La construction de la ligne de Saint-Ghislain à Tournai est pour la ville de Péruwelz une question de vie ou de mort ; il s'agit pour elle d'être ou de ne pas être, et, à moins de prononcer elle-même sa condamnation, elle ne pouvait accepter les propositions de la compagnie.
Péruwelz par sa population intelligente, son commerce et son industrie, occupe le second rang parmi les villes de l'arrondissement de Tournai ; il y règne une activité des plus remarquables, et ses habitants ne demandent qu'un chose, c'est qu'on les aide dans leurs efforts pour consolider et améliorer une situation qu'ils doivent uniquement à leur travail, à leur énergie, sans jamais avoir obtenu aucune faveur du gouvernement.
Aussi, messieurs, la ville de Péruwelz s'est-elle singulièrement émue des procédés de la compagnie Hainaut et Flandres.
Elle vous a adressé une pétition sous la date du 21 février 1862 ; je ne peux me dispenser de vous en donner lecture.
« A MM. les membres de la Chambre des représentants, à Bruxelles.
« Messieurs,
« Le conseil communal de la ville de Péruwelz vous prie de lui permettre de porter à votre connaissance les faits suivants, espérant que vous daignerez les prendre en sérieuse considération.
« Lorsque l'on ouvrit le canal de Pommeroeul à Antoing. vers 1825, on fit espérer à la ville de Péruwelz que cette nouvelle voie de communication passerait au centre de la commune et serait pour elle une source de prospérité et d'agrandissement. Confiante dans cette espérance, notre population se réjouissait ; mais lors de l'exécution des travaux, on s'aperçut que notre ville avait été sacrifiée, et qu'au lieu de recueillir des avantages de la construction du canal, elle ne trouvait dans l'établissement de cette voie navigable qu'une barrière presque infranchissable et une entrave sérieuse pour son commerce et son industrie qui florissaient déjà. En effet, l'on emprisonnait Péruwelz et on la reléguait dans une zone de terrain très étroite, comprise entre la frontière française et le canal.
« De plus, le canal de Pommerœul à Antoing, creusé à deux kilomètres de la place, a intercepté toutes nos communications vers l'intérieur, et cela sans aucune indemnité. Une seule route est restée ouverte par l'établissement d'un pont suspendu qui laisse beaucoup à désirer ; et quant aux autres voies de communication, elles n'ont été rétablies que plus tard par des particuliers auxquels des concessions furent octroyées pour la construction de ponts.
« Tous ces dommages causés à la ville de Péruwelz ne pouvaient être réparés en partie que par l’établissement d'un chemin de fer qui l'affranchît de cet emprisonnement dans laquelle on la laissait.
« L'administration communale l'a parfaitement compris, et depuis 1845, elle a poursuivi, avec divers demandeurs, l'octroi de concessions de lignes passant par Péruwelz. Le gouvernement aussi a pris en considération l'état de notre ville qui, eu égard à son importance, à son industrie et à son commerce, méritait d'être reliée au réseau des chemins de fer de l'Etat. Tous les ministres qui se sont succédé ont déclaré qu'il était de toute justice d'accorder sur ce point satisfaction à la ville de Péruwelz ; et à cet effet, M. le ministre Dumon présenta aux Chambres, en 1856, un projet de loi qui accordait la concession des chemins de fer Hainaut et Flandres. Ce projet, qui fut adopté par la Chambre des représentants, le 17 mai 1856, comportait trois lignes de chemins de fer, savoir :
« La première de Saint-Ghislain à Gand, passant par Renaix, Leuze et Audenarde ;
« La deuxième de Saint-Ghislain à Tournai, passant par Péruwelz ;
« Et la troisième de Saint-Ghislain à Ath.
« La première de ces lignes est achevée, et elle est aujourd'hui en exploitation. Mais la compagnie Hainaut et Flandres ne paraît point disposée à exécuter les deux autres, quoique le délai accordé pour la construction des trois lignes soit déjà expiré. On dit même qu'elle voudrait être exonérée de construire les deux embranchements.
« Nous serions donc encore sacrifiés, messieurs, et nous resterions emprisonnés dans notre fatale impasse parce qu'une société ne veut point remplir les engagements qu'elle a contractés. Mais vous ne souffrirez point qu'il en soit ainsi ; et nous osons croire que vous tiendrez à faire respecter les obligations souscrites et à prouver une bonne fois que les contrats que l'on fait avec le gouvernement en pareille matière sont toujours sérieux et ne peuvent être éludés.
« Dans cet espoir, nous nous adressons à vous, MM. les représentants, afin qu'usant de votre droit de contrôle, vous fassiez forcer la compagnie Hainaut et Flandres à exécuter strictement ses engagements, et vous recommandiez à M. le ministre des travaux publics à tenir la main à l'exécution entière de la loi par tous moyens de droit, voire même par la construction d'office des embranchements vers Tournai et vers Ath.
En agissant ainsi, vous rendrez un immense service à notre localité, et vous empêcherez, sans nul doute, de nouveaux demandeurs de concessions de chemins de fer de présenter, par la suite, au gouvernement des projets qu'ils n'ont aucune intention d'exécuter.
« En séance publique du conseil, à l'hôtel de ville de Péruwelz, le 21 février 1862.
« (Suivent les signatures.) »
Cette pétition pose la question dans ses véritables termes ; je n'ai rien à y ajouter.
Cependant il me reste encore une observation à présenter.
La ville de Péruwelz n’est pas la seule intéressée dans cette question, Le canton d'Antoing et la ville de Tournai réclament aussi avec énergie la construction de la ligue de Saint-Ghislain à Tournai. Cet embranchement est nécessaire pour l'exploitation des carrières, des fours à chaux et des nombreuses industries qui s'y rattachent. Chacun sait, messieurs, le rôle important que joue la chaux de Tournai dans les constructions en Belgique.
Il ne s'agit donc pas ici de l'intérêt exclusif de la ville de Péruwelz ; cette portion de l'arrondissement de Tournai, comprenant les cantons les plus riches sous le rapport industriel et agricole, attache la plus grande importance à la construction de cette ligne, qui doit nous procurer une communication directe avec le chef-lieu de la province et avec le bassin houiller de Mons.
J'ose donc espérer, messieurs, que le gouvernement voudra bien, d'ici à la session prochaine, obliger la compagnie à exécuter ses engagements et au besoin à prendre les mesures nécessaires pour que cette ligne soit construite immédiatement. Toute perte de temps est irréparable. Il ne faut pas que, par égard pour la compagnie, une population de plus de 100,000 âmes soit sacrifiée. Les inconvénients qui pourraient en résulter pour les actionnaires ne sauraient être comparés au préjudice que nos populations éprouvent chaque jour.
M. H. Dumortier. - Après plus d'un quart de siècle d'expériences, l'administration du chemin de fer de l'Etat belge a réalisé de nombreux progrès.
II y a cependant une question qui n'a pas reçu jusqu'ici une solution aussi complète, aussi satisfaisante que beaucoup d'autres, c'est la question des tarifs appliqués au transport des marchandises.
Les nombreux traités de commerce conclus et qui pourront se conclure donnent aujourd’hui à ce sujet une importance vraiment vitale, un caractère marqué d'actualité.
Il est plus que jamais nécessaire de rapprocher les uns des autres tous les éléments de la production, de diminuer, sur la plus large échelle possible, les frais de transport et de manutention des marchandises et surtout des marchandises pondéreuses qui constituent des matières premières pour l'industrie et pour l'agriculture. Presque toutes nos chambres de commerce insistent sur ce point. En Angleterre, depuis un demi-siècle, tous les ministères, quelle que fût leur couleur politique, ont poursuivi la solution de ce grand problème avec cette intelligence et cette persévérance que rien ne semble pouvoir arrêter ni décourager.
Pour atteindre ce but, l'Angleterre a construit des canaux et des chemins de fer en si grand nombre qu'on en a figuré la carte sous l'emblème d'une immense toile d'araignée cachant en quelque sorte le territoire, tant les mailles en sont étroites et serrées. Et à côté des canaux à grandes sections, à côté des grandes lignes de chemins de fer, elle a construit tant d'embranchements de tout genre, tant de petits canaux, tant d'autres ouvrages qui facilitent la manipulation des marchandises, qu'il est devenu facile au commerce anglais de transporter partout les matières premières et surtout la houille jusqu'aux portes des grandes et même des petites fabriques.
Si l'industrie belge veut se mettre en mesure de pouvoir lutter contre l’industrie anglaise surtout, nous devons nous efforcer de marcher sur les traces de ces redoutables concurrents.
Cette question des transports est à l'ordre du jour dans tous les pays ou l'industrie joue un grand rôle dans l'économie de la production. Dans sa lettre à son ministre d'Etat, l'empereur Napoléon III disait, le 5 janvier 1860 :
« Un des plus grands services à rendre au pays, est de faciliter le transport des matières de première nécessité pour l'agriculture et l'industrie ; à cet effet, M. le ministre des travaux publies fera exécuter le plus promptement possible les voies de communication, canaux, routes et chemins de fer qui auront surtout pour but d'amener la houille et les engrais sur les lieux où les besoins de la production les réclament, et il s'efforcera de réduire les tarifs, en établissant une juste concurrence entre les canaux et les chemins de fer.
Pour nous, quels que soient les progrès réalisés par l'administration du réseau de l'Etat en Belgique, il nous reste encore beaucoup à faire et il appartient à la Chambre d'éclairer, de seconder et au besoin de stimuler l'action du gouvernement.
Un défaut qui a continué à exister chez nous, c'est la trop grande complication des tarifs.
Nos tarifs pour le transport des marchandises comprennent trois divisions :
Tarif n°1. (Grande vitesse, petits paquets.)
Tarif n°2. (Service accéléré, articles de messageries.)
Tarif n°3 (Petite vitesse, grosses marchandises.)
Dans le tarif n°1°, il faut distinguer 1° entre les colis posant 2 kilogrammes, et moins ;
2° les transports ordinaires et mixtes ;
(page 1009) 3° les zones de 7 1/2 lieues.
Le tarif comprend les petites marchandises de 10 à 500 kil.
Les prix sont calculés à raison de 1 c. par 10 kil, et par lieue ; 20 c. de frais fixes par expédition et par 100 kil.
On suit d'autres bases quant aux frais fixes pour les services internationaux et pour certains services mixtes.
Aux prix ci-dessus, il faut ajouter 20 centimes par 100 kil. pour remise à domicile. Cette taxe est obligatoire même pour les expéditions bureau restant.
50 centimes pour frais d'enregistrement dans les services internationaux.
Tarifs. Marchandises de 500 kilog. et plus.
Ce tarif est divisé en 3 classes, dont les prix sont fixés d'après les bases suivantes :
1ère classe :
Frais variables, prix par 100 k. et. par lieue : 05
Frais fixes, prix par 100 kil. : 10
2ème classe :
Frais variables, prix par 100 k. et. par lieue : 04
Frais fixes, prix par 100 kil. : 10
3ème classe :
Frais variables, prix par 100 k. et. par lieue : 03.
Frais fixes, prix par 100 kil. : 10.
Les bases ci-dessus ont été réduites par décisions ministérielles pour les marchandises de 2ème et 3ème classe expédiées à des distances de 10 lieues et plus.
La première classe comprend les marchandises de toute nature par charge incomplète et les charges complètes de marchandises non dénommées aux deuxième et troisième classes.
Les deuxième et troisième classes comprennent les marchandises (ci-après dénommées) expédiées par charges complètes de waggon (4,000 kil.) pour la deuxième classe et de 5,000 kil. pour la troisième classe.
La deuxième classe comprend un grand nombre de produits fabriqués, expédiés par waggons bâchés ou fermés.
La troisième classe comprend les matières premières expédiées en vrac.
On ajoute aux prix ci-dessus :
1° des frais d'enregistrement au départ ;
2° des frais de chargement et de déchargement.
Toutefois, certaines marchandises par charges complètes sont exemptées de frais de chargement et de déchargement.
Il y a en outre des tarifs mixtes, internationaux et des tarifs de transit.
Ces complications sont une grande gêne pour le commerce et l'industrie, surtout quand les marchandises ont à passer des lignes de l'Etat sur une ou plusieurs lignes concédées.
Non seulement les négociants ne peuvent souvent pas se rendre exactement compte à l'avance des prix à payer pour un transport déterminé, mais il arrive que les employés de l'administration doivent assez fréquemment se livrer à des recherches avant de pouvoir se fixer à cet égard.
Je crois qu'il serait utile de faire en Belgique une publication d'un travail semblable à celui qui a été publié récemment en France par M. Napoléon Chaix, et qui établit d'une manière pratique pour tous l'ensemble de toutes les dispositions des tarifs non seulement du chemin de fer de l'Etat, mais aussi des chemins de fer concédés. Indépendamment des complications il est très difficile de se procurer les tarifs ; les dernières éditions datent de 1853... ; depuis cette époque il n'a pas été fait de nouvelle édition.
Je passe à un autre point. Si nous consultons les documents de la législature et de l'administration en Angleterre, nous pouvons nous convaincre que parmi les moyens d'améliorer les conditions des transports figurent, en première ligne, les réductions de péages accordées, sur les chemins de fer et sur les voies navigables : chaque fois qu'il s'agit de transporter d'un point à un autre, d'une manière suivie, des quantités plus ou moins considérables de grosses marchandises, des matières premières et surtout de la houille, des réductions sont accordées par des traités particuliers appelés tarifs différentiels ou circonstanciels.
Les compagnies anglaises font des traités particuliers sous toutes les formes : traités avec conditions de tonnage ; traités avec conditions de recettes ; traités pour des longueurs déterminées de parcours ; traités pour des chargements complets ou incomplets ; traités pour les facilités de chargement ou de déchargement ; traités pour des livraisons rapides ; traités de tarifs circonstanciels suivant les saisons, et j'appelle sur cette dernière catégorie l'attention toute spéciale de M. le ministre des travaux publics.
Pour donner à mes observations un caractère pratique, que la Chambre me permette de citer quelques exemples de ces réductions de prix de péages accordées par les compagnies anglaise.
Les rapports de ces administrations constatent :
Que le North-Eastern par un tarif spécial, dit de destination, réduit ses prix pour les petits et les moyens parcours en faveur des usines.
Le Caledonian fait des réductions, qui vont jusqu'à 30 p. c, aux expéditeurs qui garantissent un tonnage annuel minimum de 13 mille tonnes.
Le Great Western, pour une distance de 322 kilomètres, a abaissé de 14 fr. 90 c. à 11 fr. 75 c., le prix du transport de la tonne, lorsque l'expéditeur fournit le chargement complet d'un train.
Par suite de traités particuliers, le tarif de la houille en Angleterre descend parfois à 2 1/2 c. et même à 2 c. Je dois toutefois ajouter que, pour arriver à ce résultat, il faut que les transports soient effectués pendant les mois d'été.
Toutefois, quelle que soit la liberté laissée aux compagnies pour faire des contrats de tout genre en matière de transports, le parlement a prévu que cette grande latitude pourrait, dans certains cas, dégénérer en abus. Aussi les moyens de prévenir ou de réprimer ces abus, sont-ils prévus par les paragraphes 2 et 3 de la loi générale de 1854 sur les canaux et les chemins de fer.
Il importe aussi de faire remarquer que souvent il existe un taux différentiel, selon que les combustibles sont destinés à être consommés par l'industrie, ou qu'ils sont destinés à l'usage domestique ; ces cas se rencontrent surtout pour des chemins de fer qui relient des charbonnages à des usines métallurgiques.
Le rapport du conseil d'administration du North-Eastern porte explicitement que la compagnie a la faculté de refuser à un marchand ou à un commissionnaire les réductions de prix qu'elle accorde à des propriétaires d'usines.
Enfin, il existe même des tarifs différentiels qui favorisent les transports de la houille destinée à la consommation étrangère.
Ne pourrions-nous pas faire l'essai du même système, quant à nos exportations maritimes, en ce qui concerne les charbons ?
L'exportation maritime de la houille belge se réduit à des proportions très minime (en moyenne de 729 tonneaux) ; et, cependant, dans son dernier rapport, la chambre de commerce de Mons affirme qu'il ne manque pas de pays où nos charbonnages pourraient lutter avec avantage même contre le charbonnages anglais. Je me bornerai à citer un seul exemple de pays où la houille anglaise est consommée en quantités énormes, dit ce collège, tandis que la houille belge y est à peine connue.
L'exportation du charbon anglais s'est élevée, en 1859, de 6 à 7 millions de tonneaux, et, sur cette quantité, 2,392,325 tonneaux ont été expédiés dans les contrées riveraines de la Baltique.
Serait-il absolument impossible à l'industrie belge de soutenir dans ces pays la concurrence contre l'industrie houillère anglaise ?
L'industrie houillère belge pourrait peut-être aussi augmenter ses exportations en Hollande et y lutter contre les charbons anglais et les charbons prussiens des bassins de la Ruhr.
L'arrêté royal du 8 juin 1855 concernant le transport des marchandises autorise M. le ministre des travaux publics, dans des circonstances spéciales, à accorder des réductions de prix des transports qui peuvent s'élever jusqu'à 30 p. c.
M. le ministre a fait usage de cette faculté, et malgré les critiques qui ont été faites de ce système, je crois qu'en agissant ainsi, il a rendu des services à l'industrie et au commerce en même temps qu'il a augmenté les recettes du chemin de fer.
Je ne discuterai pas ici la question de savoir s'il faut procéder en pareil cas par traités particuliers ou par tarifs spéciaux. Au fond et dans la pratique suivie, le résultat est le même, l'essentiel est que ces conventions soient rendues publiques et que les avantages qui on résultent soient accordés à tous ceux qui les sollicitent et qui se trouvent dans des conditions analogues.
Messieurs, il est de la plus grande importance de suivre attentivement et sans relâche le mouvement qui se produit autour de nous en ces matières.
Il y a une série de faits qui doivent éveiller la plus sérieuse attention du gouvernement belge, ce sont les efforts incessants du gouvernement français pour amener la plus grande réduction possible dans les prix de transport, tant par voies navigables que par chemins de fer.
Dans le rapport sur la situation de l'empire, présenté au corps législatif et au sénat le 4 février 1801, le gouvernement disait :
« L'administration, tout en poursuivant le développement des voies de fer, n'a pas perdu de vue une question à laquelle les réformes commerciales ont donné une importance toute particulière, c'est-à-dire la réduction des tarifs des chemins de fer sur les matières les plus nécessaires (page 1010) l’agriculture et à l'industrie. Il n'est pas besoin d'insister sur les difficultés que présente la réalisation d'une mesure qui touche à tant d’intérêts. Des négociations sont ouvertes avec les principales compagnies de chemins de fer et une commission spéciale a déjà réuni en grande partie les documents qui doivent servir de base aux traités à intervenir entre ces compagnies et l'Etat. »
Et, en effet, des fonctionnaires de l'administration française ont été récemment envoyés en Angleterre pour y recueillir tous les renseignements qui pourront éclairer le gouvernement et le mettre à même de donner une solution favorable à cette question aussi importante que difficile à résoudre.
Un décret du 5 novembre 1861 porte :
« Il est formé, sous la présidence du ministre, une commission chargée d'étudier :
« La construction et l'exploitation à bon marché des chemins de fer ;
« La vitesse à imprimer aux trains ;
« La police des gares, application des articles des cahiers de charges relatifs aux voitures de correspondance, au camionnage, aux traités de réexpédition ;
« Et toutes les autres questions d'exploitation que le ministre croira devoir lui soumettre. »
Les travaux de cette commission ont déjà amené, entre autres résultats, une certaine diminution quant au tarif des marchandises sur le parcours de quelques lignes.
Le gouvernement belge n'agirait-il pas sagement en prenant des mesures analogues ?
Je crois qu'il devrait donner plus fréquemment qu'il ne le fait des missions aux hommes les plus distingués de son administration afin d'aller se renseigner dans les pays étrangers. Mais je voudrais, lorsque ces ingénieurs reviennent en Belgique, qu'ils imitassent les ingénieurs français, en renseignant dans des rapports le résultat de leurs investigations. (Interruption).
Jusqu'ici je n'ai pas vu dans les Annales des travaux publics les rapports de nos ingénieurs qui ont été envoyés à l'étranger.
Vous n'ignorez pas, messieurs, que récemment le gouvernement français a aussi opéré une réforme radicale dans les transports par voies navigables ; un certain nombre de canaux ont déjà été rachetés et par suite de l'abaissement des deux tiers des péages sur les canaux de la Sensée, et d'Aire à la Basse (pour me borner à citer un seul exemple), le transport des houilles par ces voies navigables, pendant le premier trimestre de 1861, a été dix fois plus considérable que le mouvement du transport pendant le trimestre correspondant de 1860.
Permettez-moi de vous citer encore un fait qui se rattache à cet ordre d'idées, c'est une expérience réalisée, pour ce qui concerne le transport de la houille, par l'administration du chemin de fer du Nord français.
Voici dans quelle proportion se sont produits les transports de cette matière pondéreuse pendant une série de 5 ou 6 années :
En 1851, le Nord français transportait 81,000 tonnes de houille.
En 1852, 129,000.
En 1853, 278,000.
En 1854, cette administration réduisit le prix du transport à 3 centimes 68, et la même année, le transport s'éleva à 443,000 tonnes.
En 1855, il atteignit le chiffre de 652,000 tonnes.
En 1856, le tarif fut relevé à 4 centimes 27, et la quantité de tonnes transportées diminua immédiatement de 31,000 tonnes, soit 621,059.
Ces chiffres prouvent la grande influence qu'exerce sur le transport l'application du système de tarifs réduits à la distance. Ils établissent aussi combien une augmentation ou une diminution du prix, en apparence peu sensible, contribue à augmenter ou à diminuer le trafic.
Je dois toutefois reconnaître que, sur le chemin de fer du Nord français, les lignes sont plus longues que sur le réseau de l'Etat belge.
Dans l'excellente étude sur les chemins de fer belges par M. Malou, je lis le passage suivant :
« La compagnie du Nord transporte de Mons à Paris des charbons à 3 centimes 1/2 la tonne-kilomètre par train complet, et c'est un beau trafic. »
Et le rapport du conseil d'administration de la compagnie du Nord français, pour 1860, dit :
« Nous avons perçu en moyenne, sur les transports de houille, les plus petites distances étant comprises dans l'ensemble, le prix de 0,03 c. 97 par tonne et par kilomètre ; il se trouve que nous avons ainsi devancé les réductions qui, dans une haute pensée de bienveillance pour l'industrie nationale, ont été signalées comme un but à atteindre. »
« La Compagnie, ajoute ce document, a, dès l'origine, adopté la pratique des prix réduits, notamment pour les matières pondéreuses de première nécessité, et elle a cherché, dans l'accroissement des quantités, la juste rémunération de ses efforts. Elle n'a pas eu jusqu'à présent à se repentir d'être entrée dans cette voie ; il est tout naturel qu'elle y persiste spontanément. »
Rien n'est plus propre à faire ressortir l'importance de la question des transports de la houille que l'examen de la situation comparative de l'industrie houillère en Angleterre et en Belgique.
En Angleterre, la production de la houille est de 75 millions de tonnes ; c'est onze fois celle de la France, huit fois celle de la Belgique.
La production des houillères belges peut être évaluée à 9 millions 600,000 tonnes.
En Angleterre, la consommation est de 60 à 63 millions, soit une moyenne de 2,200 kil. par habitant.
En Belgique, la consommation est de 0,200,000 tonnes ; ce qui donne 1,500 kil. par habitant seulement.
Le prix moyen de la houille sur le carreau de la mine est, en Angleterre de 6 fr. 25 c, et en Belgique il est de 11 fr. 14 c.
Il résulte de calculs basés sur des chiffres que j'ai extraits de documents authentiques, qu'en Belgique, on peut évaluer à 13 fr. 80 c. le prix moyen de la houille sur les lieux de consommation.
En Angleterre, sur 600 millions, recette annuelle des chemins de fer pour les trois années 1856-1857-1858, la houille a payé 96 millions, environ fr. 2-15 par tonne en moyenne expédiée.
J'ai inutilement cherché à faire un calcul analogue pour ce qui concerne le prix de transport sur le réseau de l'Etat belge.
Les états statistiques faits dans nos stations ne mentionnent pas la destination des marchandises en ce qui concerne la longueur de leur parcours.
D'un autre côté, les tableaux fournis par les bureaux où arrivent les marchandises ne spécifient pas suffisamment la matière d'icelles.
Aussi, ai-je dû me borner à constater la recette moyenne par tonne embarquée de toute espèce de marchandises, d'après le tarif au prix réduit.
Le dernier compte rendu constate, page 289, que cette moyenne est de fr. 3-14.
Ainsi donc tant sous le rapport du prix de revient que sous celui du. transport, l'Angleterre possède comparativement à la Belgique un avantage incontestable et lorsque l'on considère quel rôle important le combustible joue dans la production industrielle, l'on est nécessairement amené à devoir reconnaître que la question des transports doit fixer d'une manière toute particulière l'attention constante du gouvernement belge.
Ce point offre un intérêt d'autant plus marqué, que déjà, aujourd'hui, la houille figure pour 45 p. c. dans l'ensemble des transports effectués sur le réseau du chemin de fer de l'Etat eu Belgique. La même proportion est de 1/3 en France, et des 2/3 en Angleterre.
La proportion entre le prix du transport de la houille et celui des autres grosses marchandises est, en France, de 1/2, et, en Angleterre de 1,4.
Les documents qui nous sont communiqués par le gouvernement ne nous permettent pas d'établir la proportion qui existe sous ce rapport en Belgique.
Je saisis cette occasion pour demander l'établissement d'un bureau complet de statistique ainsi que cela existe près de toutes les grandes compagnies en Angleterre et en France.
Mais la question des transports n'est pas seulement une question d'une importance majeure pour l'industrie, elle est d'un intérêt général.
Lisez, messieurs, les documents publiés par les comices et les sociétés agricoles, les procès-verbaux du conseil supérieur d'agriculture et vous y verrez que partout cet objet est signalé comme intéressant au plus haut point l'économie agricole.
En Angleterre, où la production agricole a pris un si immense développement surtout depuis un quart de siècle, les chemins de fer, quoique exploitées par des Compagnies, accordent pour le transport des engrais des réductions telles, qu'il est possible de les transporter sur tous les points du pays.
En France aussi, le transport de beaucoup de matières premières, indispensables au progrès agricole, a été et sera fortement encouragé tant sur les chemins de fer que sur les voies navigables ; et malgré la réduction accordée récemment sur le réseau de l'Etat belge par le tarif du 1er janvier 1862, le prix du transport des engrais est encore plus élevé en Belgique qu'il ne l'est en France.
En parlant d'améliorations à introduire dans l'administration du (page 1011) chemin de fer de l'Etat, n'oublions cependant pas que l'Etat ne possède qu'une partie du réseau belge. A côté des lignes de l'Etat se trouvent 20 ou 25 compagnies dont les lignes ont une étendue de plus de 250 lieues.
Quels que soient les efforts du gouvernement, ces efforts ne peuvent atteindre qu'un résultat fort incomplet si les compagnies dont les lignes viennent se souder à celles de l'Etat ne mettaient pas le même empressement à marcher résolument dans la voie du progrès.
Les travaux des hommes distingués qui dirigent les compagnies sont, pour le gouvernement, un sûr garant que les améliorations qu'il introduira encore dans ce service seront appréciées et secondées. Car il existe, entre tous les chemins de fer belges, une communauté d'intérêts, une solidarité qui va croissant, et il est d'une égale importance pour tous que l'on se rapproche davantage d'un système d'exploitation uniforme.
Un autre fait à noter est celui-ci : les 74 compagnies françaises se sont fusionnées en 12 grandes administrations, et cependant, les lignes de ces compagnies ont une étendue moyenne bien plus considérable que celle de nos chemins de fer concédés, qui n'ont qu'une longueur moyenne de 70 kilomètres. Outre les grandes économies qui sont le résultat de cette transformation, il est facile de comprendre combien ces fusions ont facilité l'adoption d'un système d'exploitation et d'administration plus ou moins uniforme.
Il est regrettable que jusqu'ici des fusions plus nombreuses n'aient pas eu lieu en Belgique.
Je terminerai ces observations par une dernière réflexion.
Une réduction de 50 p. c. a été accordée le 30 septembre 1855 pour le transport des denrées alimentaires, à l'adresse des administrations communales, des hospices, des bureaux de bienfaisance et des associations charitables autorisées.
Cette réduction a été rapportée en 1856.
En France, le gouvernement impérial effectue gratuitement, sur les canaux qu'il exploite, le transport des produits agricoles destinés à la nourriture.
J'ai sous les yeux un tarif spécial temporaire à prix réduit de l'administration du chemin de fer du Nord français pour le transport des blés, grains, riz, maïs, farines et légumes farineux. Ce tarif a été appliqué à partir du 15 octobre dernier.
Je me demande si, dans les circonstances où nous nous trouvons, le gouvernement ne pourrait pas adopter une mesure plus ou moins semblable à celles que je viens d'indiquer ?
On pourra répondre que certaines réductions accordées sur le transport des denrées alimentaires n'exerceraient pas une grande influence sur le prix des objets de consommation.
Cela est possible, mais cette objection n'est pas neuve ; elle était connue en 1855, aussi bien qu'aujourd'hui. Elle n'est pas non plus ignorée en France, et cependant en 1855 et aujourd'hui en France, on a eu recours à ce moyen comme exerçant une certaine influence bienfaisante sur la situation des classes ouvrières.
Il y a encore d'autres motifs qui, à mon sens, devraient engager le gouvernement à prendre quelques mesures de ce genre.
En donnant cette marque de sympathie, de sollicitude aux classes laborieuses, je voudrais que ces classes comprissent qu'aucun intérêt ne touche plus vivement la Chambre et le gouvernement que celui de l'ouvrier laborieux.
Pour me résumer à grands traits et afin que ces considérations ne restent pas sans conclusion, je demande :
Que le gouvernement s'occupe activement de la simplification des tarifs.
Quo loin de renoncer aux tarifs spéciaux et même dans certains cas aux contrats particuliers, il entre plus résolument dans le système d'exploitation commerciale du chemin de fer.
Il y a lieu, selon moi, pour le gouvernement de mettre tous ses soins, de savoir même, au besoin, faire quelques concessions, quelques sacrifices, pour arriver, d'accord avec les administrations des lignes concédées, à un système d'exploitation plus uniforme.
Il est nécessaire, afin de seconder les efforts de nos industries dans les luttes qu'elles ont et qu'elles auront à soutenir contre des industries rivales, de donner une nouvelle impulsion à des travaux d'utilité publique qui rapprochent les distances entre tous les éléments de la production et les débouchés de consommation.
Je crois aussi que pour toutes les marchandises qui constituent des matières premières pour l'industrie et l'agriculture, il y a lieu d'accorder, sur les prix de transport, des réductions plus grandes que celles qui existent aujourd'hui.
Les réductions accordées par les tarifs dits « tarifs réduits à la distance » n'ont lieu que pour des transports effectués au-delà de 16 lieues. Cette distance minimum est trop longue. Il ne serait pas difficile d'établir qu'en Belgique le parcours moyen des grosses marchandises et notamment de la houille n'excède pas une douzaine de lieues.
Quel avantage recueillent de la réduction du prix du tarif au-delà de 16 lieues, la plupart des usines, des fabriques des provinces de Hainaut, de Namur, de Liège ?
L'expérience a déjà établi même que, pour le chemin de fer de l'Etat, certaines réductions sur le prix du transport des grosses marchandises surtout augmentent souvent les recettes.
Voici un passage de la note que me transmettait l'année dernière M. le ministre des travaux publics, lorsque la section centrale du budget des travaux me chargea de faire son rapport sur la prorogation de la loi de péages sur le chemin de fer :
« Les résultats extraordinaires de janvier et de février dernier (il s'agissait là des résultats obtenus par les nouveaux tarifs réduits à la distance) en ce qui concerne le transport des grosses marchandises de troisième classe, dont les charbons, les fontes brutes, les pavés, les moellons et la chaux forment le principal contingent, sont tels, qu'il paraît difficile de ne pas les attribuer, au moins en partie, à l'influence du tarif spécial du 1er janvier pour les transports à longue distance. »
Admettons même, par pure hypothèse, qu'il n'y ait pas accroissement de recettes ; accordons même très gratuitement que dans l'intérêt général, dans l'intérêt de l'industrie, de l'agriculture et du commerce, il y ait lieu de faire un sacrifice momentané ; est ce que la génération qui suivra celle qui a construit les chemin de fer n'aura donc absolument rien à faire pour recueillir cet immense héritage ?
Et cette autre valeur immense comprise dans les chemins de fer concédés et qui feront retour à l'Etat, au bout des concessions, nos successeurs n'auront-ils qu'à la prendre pour en jouir ?
Je lisais, il y a quelques jours, un travail intéressant sur cette matière par un des plus remarquables financiers français. Permettez-moi de vous en citer quelques mots seulement.
« Les générations futures, dit M. Bartholony, n'ont pas plus le droit de jouir gratuitement des chemins de fer que la génération actuelle. Une partie de la dette publique a été contractée pour l'exécution de ces grands travaux, et si l'avenir doit en profiter aussi bien que le présent, il est juste qu’il prenne sa part des charges. D'ailleurs, ces charges seront entièrement éteintes et au-delà dans cent ans, et l'on aurait prévenu les exigences de l'opinion en donnant à l'avance une affectation spéciale aux droits que possède l'Etat dans les concessions de chemins de fer. »
C'est là une des questions les plus intéressantes à traiter, mais qui me mènerait trop loin en ce moment.
Enfin, je crois que plusieurs espèces de marchandises qui figurent encore dans les première et deuxième classes devraient être rangées dans la catégorie de celles auxquelles on applique des tarifs réduits à la distance, surtout lorsqu'il s'agit de transports par charges complètes.
Messieurs, je ne crois pas avoir traité d'une manière complète la question la plus ardue, la plus compliquée et en même temps la plus importante que présente l'industrie des chemins de fer.
En émettant ces considérations, mon but n'a pas été de censurer l'administration du chemin de fer de l'Etat qui serait accusée à tort d'être stationnaire ; j'ai commencé par lui rendre toute justice et j'ajoute volontiers que le ministre actuel a personnellement contribué à donner à cette grande industrie une salutaire impulsion ; mais au milieu des transformations industrielles et commerciales qui se produisent autour de nous, j'ai cherché à mettre le gouvernement en mesure de puiser dans les manifestations de la Chambre de nouvelles forces pour qu'il puisse marcher résolument dans la voie des réformes utiles et du progrès.
M. d’Hoffschmidt. - Messieurs, ainsi que l'a dit un honorable préopinant, la discussion du budget des travaux publics offre à chacun de nous l'occasion d’appeler l’attention de la Chambre et du gouvernement sur les voies de communication qui manquent encore dans nos provinces respectives ; or, cette question des travaux publics est de la plus haute importance pour la province à laquelle j'ai l'honneur d'appartenir, et je ne fais que remplir un impérieux devoir en venant en parler à la Chambre.
Compléter le système des voies de communication dans la province de Luxembourg, c'est le meilleur moyen de développer tous les éléments de prospérité que cette grande province renferme, de hâter le défrichement de ses bruyères et de la placer au niveau des autres provinces du royaume.
(page 1012) Cette question mérite donc toute la sollicitude de la Chambre.
Dans le Luxembourg nous n'avons pas de canaux ni de voies navigables ; sous ce rapport l'Etat n'a rien dépensé dans cette province ; mats il nous manque des chemins de fer. Nous avons bien le chemin de fer du Luxembourg qui traverse tout le territoire de la province et y répand déjà de nombreux bienfaits, mais il est insuffisant pour satisfaire à tous les besoins.
Il est donc nécessaire de leur donner des embranchements, des affluents ; de nombreuses localités sont à cinq ou six lieues de la grande ligne du Luxembourg.
L'arrondissement de Bastogne tout entier n'a pas un seul mètre de chemin de fer et il a quatorze lieues d'étendue, Et, remarquez-le bien, messieurs, c'est le seul arrondissement du pays qui soit dans cette fâcheuse situation. Il n'y a, en Belgique, que l'arrondissement de Bastogne qui soit complètement dépourvu de chemin de fer. Bastogne en est à six lieues, Houffalize à neuf lieues, Vielsalm en est à une distance de treize lieues.
Il suffit d'ailleurs de jeter les yeux sur la carte de nos chemins de fer pour apprécier cette situation, pour voir les lacunes considérables qui existent dans la province de Luxembourg. Tandis que toutes les autres provinces sont sillonnées de voies ferrées, que le grand-duché de Luxembourg, cette demi-province qui a été cédée, possède un grand réseau dont le centre est à Luxembourg et rayonne, vers la France, la Prusse, la Belgique et maintenant vers le Nord par une ligne nouvelle à laquelle ce petit pays de 200,000 habitants consacre une somme de 5 millions de francs de subvention, la partie de cette province qui nous est restée n'a qu'une seule ligne de chemin de fer quoiqu'elle ait beaucoup plus d’étendue. Si nous jetons les yeux du côté de la France, nous voyons le chemin de fer des Ardennes se développer.
Il y a donc là une lacune à combler, car la Belgique, qui passe à juste titre pour être au premier rang, sous le rapport de la construction des chemins de fer, ne peut pas laisser subsister cet état de choses.
Messieurs, on ne peut plus dire, comme en 1846 et 1851, qu'un chemin de fer dans le Luxembourg est une mauvaise opération, qu'elle ne payera pas les frais d'exploitation et que la garantie d'un minimum d'intérêt donnée par l'Etat serait une lourde charge pour nos finances. Voilà ce qu’on nous disait quand il s'agissait de construire la grande ligne du Luxembourg.
Or, le contraire est arrivé, car le chemin de fer du Luxembourg est dans un état très prospère et il n'a presque rien coûté à l'Etat.
D'après un document qui nous a été distribué récemment, la garantie payée par l'Etat ne s'est élevée qu'à 388 mille francs pour une ligne qui traverse trois provinces et aboutit à l'extrémité du royaume, tandis que nous voyons l'Etat payer encore des sommes considérables pour des lignes situées dans d'autres parties du pays. Ainsi à la société de la Flandre occidentale on a déjà payé plus de 2 millions et on continue à payer la garantie ; pour celui de Manage à Wavre l'Etat a déjà payé 1,280.000 fr., pour celui de Lierre à Turnhout 1,032,000 fr.
Enfin, pour le petit chemin de fer de Lichtervelde à cette ville de Furnes dont les habitants réclamaient naguère d'une façon inconvenante, on a déjà payé 728,000 francs, c'est-à-dire la totalité de la garantie, tandis que pour la grande ligne du Luxembourg, si importante pour le pays entier, l'Etat n'a payé que 388,000 fr.
Sur cette ligne, messieurs, le trafic augmente constamment et s'il y avait une double voie, s'il y avait un matériel en rapport avec les transports, il est indubitable que les produits seraient beaucoup plus considérables encore.
Messieurs, voyons maintenant quelles sont les demandes en concession qui ont été adressées au gouvernement en ce qui concerne la province de Luxembourg.
L'an dernier, comme vous le savez, une convention avait été passée entre M. le ministre des travaux, et des demandeurs en concession pour l'exécution d'un chemin de fer qui devait partir de Sedan, traverser la province de Luxembourg et aboutir d'une part au grand-duché et d'autre part à la frontière prussienne.
Cn cautionnement fut déposé et la convention devait être discutée dans le courant de la session dernière. Malheureusement sans qu'il y eût ni de faute ni du gouvernement ni de celle des demandeurs en concession, cette discussion ne put avoir lieu et à la dernière séance de la précédente session, j'ai interpellé M. le ministre des travaux publics qui a bien voulu me répondre que le projet serait présenté dans la session actuelle.
Mou honorable ami M. de Moor est revenu sur cette question au mois de janvier dernier et il a prié le gouvernement de faire des démarches de nature à engager les demandeurs en concession à se mettre en mesure pour que le projet pût être discuté dans cette session,
Malheureusement de fâcheuses circonstances ont pesé sur ce projet.
La première, c'est qu'il n'a pu être discuté dans le courant de la session dernière ; il en est résulté que des capitalistes importants qui s'y intéressaient n'ont pas pu attendre aussi longtemps et se sont livrés à d'autres opérations.
En second lieu, le but principal de ce projet, c'était d'atteindre le Rhin à Coblence en traversant le territoire prussien.
Or, les démarches qui ont été faites pour obtenir la concession sur le territoire prussien n'ont pas abouti ; le gouvernement prussien ne s'est pas montré disposé à concéder, pour le moment, cette ligne ; il paraît même qu'il y a des objections de la part de l'autorité militaire. Il en résulte que ce projet, qui se présentait dans de bonnes conditions, est resté sans suite jusqu'à présent.
Cependant, je désirerais que M. le ministre des travaux publics voulût bien donner quelques renseignements à cet égard ; je le prie aussi de faire en sorte que les demandeurs en concession se prononcent définitivement.
Nous ne pouvons pas rester dans cette situation, dans cette expectative : il faut que les demandeurs en concessions s'exécutent, ou bien ou doit chercher par d'autres moyens à réaliser nos espérances.
Messieurs, ceci me porte à vous rappeler que nous sommes toujours en présence de l’engagement contracté par la société du Luxembourg, pour la construction d'un embranchement sur Bastogne. Cet engagement subsiste toujours ; il date, comme vous savez, de 1810, il a été renouvelé en 1851 ; en un mot, il y a 10 ans que la grande compagnie du Luxembourg s'est engagée à faire l'embranchement de Longlier à Bastogne.
En 1860, j'ai appelé l'attention de M. le ministre des travaux publics sur ce point.
L'honorable ministre n'a pas contesté l'obligation de la société concessionnaire ; il l'a reconnue entièrement ; il a dit que l'engagement devait être exécuté et qu'on pouvait forcer la compagnie à le remplir, mais que le moment n'était pas arrivé de le faire.
J'interpellai alors l'honorable ministre à cet égard et je lui demandai à quelle époque l'obligation devrait être exécutée ; il me répondit : « Lorsque la société se sera développée et aura fait des recettes suffisantes. »
Dans la même discussion M. le ministre des travaux publics s'est exprimé ainsi qu'il suit ;
« La société arrivera plus tard à une recette brute de 15 à 16 cent mille francs, et en supposant que les frais d'exploitation s'élèvent de 50 à 60 p. c., il en résultera que l'Etat n'aura plus à servir un centime de minimum d’intérêt.
« Voilà, messieurs, la situation de la compagnie vis-à-vis de l'Etat, et je dis que si mes prévisions se réalisent, l'époque est prochaine où le gouvernement pourra équitablement et légalement demander à la compagnie l'exécution des embranchements. »
Or, les prévisions de M. le ministre ont été atteintes et même dépassées.
Le chemin de fer du Luxembourg a produit, en 1860, une recette brute de 3,435,520 fr. et la ligne garantie de 1,656,374 fr.
En 1861, cette recette a été beaucoup plus élevée, mais je n'en ai point le chiffre exact.
D'un autre côté, les frais d'exploitation que M. le ministre des travaux publics évaluait de 50 à 60 p. c. ne s'élèvent plus qu'à 50 p. c. et l'Etat ne paye plus un centime de garantie.
Dès lors, nous nous trouvons exactement dans les conditions prévues par M. le ministre des travaux publics ; il n'y a donc plus de raison pour ajourner encore l'exécution de l'obligation contractée par la société.
Dans la même discussion de 1860, mon honorable ami, M. de Moor, s'est exprimé à son tour de la manière suivante :
« Je suis convaincu que d'ici à peu de temps, lorsque la ligne du Luxembourg sera parachevée et en communication directe avec l'Allemagne et la France, les caisses de l'Etat n'auront plus à payer le minimum d'intérêt ; eh bien, le jour où la ligne principale produira ce résultat, nous pourrons réclamer avec succès l'exécution des embranchements. »
Les prévisions de mon honorable ami, M. de Moor, se sont aussi complétement réalisées et je suis persuadé qu'il apportera tout son concours afin que nous obtenions, de la part de la société concessionnaire, l'embranchement de Bastogne. On est, du reste, toujours sûr de trouver mon honorable ami lorsqu'il s'agit de défendre les intérêts de notre chère province.
(page 1013) L'honorable M. Nothomb, dont l'opinion a une certaine valeur dans cette question, parce qu'il faisait partie du ministère qui a conclu, en 1856, la dernière convention avec la compagnie, s'exprimait comme suit :
« Je persiste à soutenir qu'en justice et en droit la compagnie est tenue de mettre enfin les mains à l'exécution des embranchements dont la loi lui fait une obligation et l'équité un impérieux devoir. »
La compagnie elle-même dans une lettre qu'elle adressa en 1855 au département des travaux publics et sur laquelle on s'appuie à tort selon moi pour obtenir un ajournement, s'exprimait comme suit :
« Quand une fois la ligne principale aura développé las nombreux éléments de prospérité qui existent dans le pays qu'elle traverse, la construction des embranchements deviendra chose raisonnablement possible, utile au pays, profitable à la compagnie. »
Maintenant, messieurs, demande-t-on à la compagnie une chose onéreuse pour elle, difficile à exécuter, déraisonnable ? En aucune façon.
Cet embranchement n'a que 29 kilomètres. Il n'y a pas d'obstacles à vaincre, pas de rivière, pas de dépenses considérables à faire. Les terrains sont à bon marché et j'ai l'intime conviction que le kilomètre de cet embranchement ne coûterait pas plus de 100,000 fr.
L'évaluation que M. l'inspecteur général de Moor en a faite est encore moins élevée.
II ne s'agirait donc en réalité que d'une dépense de 3 millions de francs.
Eh bien, il n'y a là rien d'extraordinaire pour une grande compagnie comme celle du Luxembourg.
En admettant qu'il n'y ait qu'un rapport de 10,000 fr. par kilomètre, le chemin de fer du Luxembourg produit aujourd'hui 18,000 à 20,000 fr. en moyenne ; mais mettons 10,000 fr. pour l'embranchement de Bastogne ; cela ferait 150,000 fr., soit 5. p. c. du capital engagé sans compter la réaction qui s'établirait sur la ligne principale et qui donnerait un bénéfice considérable.
Ainsi, messieurs, l'obligation contractée, les engagements pris et l'intérêt bien entendu de la compagnie, doivent l'engager à exécuter enfin cet embranchement.
Le gouvernement ne se montrerait pas soucieux des intérêts des populations s'il n'en exigeait l'exécution. Il est temps qu'une promesse faite depuis seize années soit enfin accomplie.
Il est, messieurs, une autre demande en concession de chemin de fer qui a été adressée au gouvernement et qui intéresse aussi la province de Luxembourg, c'est celle qui a pour objet de réunir le chemin de fer de Spa au réseau Grand-Ducal en traversant Stavelot et une partie du Luxembourg.
Cette demande en concession est appuyée, si je ne me trompe, par un gouvernement ami ; le gouvernement des Pays-Bas attache une grande importance à cette voie de communication.
Si l'on n'accordait pas la concession sur le territoire belge, (erratum, page 1016le gouvernement grand-ducal emprunterait le territoire prussien.
Une compagnie qui est sérieuse et qui est en mesure d'exécuter ce chemin de fer a adressé une demande au gouvernement.
Je n'ai pas besoin de dire que cette voie serait d'une haute utilité pour les hauts fourneaux et les charbonnages de la province de Liège de même que pour l'industrie verviétoise.
Verviers s'y intéresse fortement et, si je ne me trompe, des députations de Verviers se sont rendues chez M. le ministre des travaux publics pour solliciter l'exécution de cette voie.
Je trouve dans un journal de Verviers quelle est la nature de la demande adressée au gouvernement.
La compagnie soumet deux propositions.
La première, c'est une garantie de minimum d'intérêt de 2 1/2 p. c.
La seconde, qui mérite de fixer toute votre attention, c'est que le gouvernement belge lui cède seulement la moitié de l'augmentation des recettes que la ligne procurera au railway de l'Etat.
Ainsi, dans cette dernière combinaison, elle ne demanderait ni subvention ni garantie, et elle se bornerait à partager avec l'Etat la plus-value des transports qui auraient lieu sur les lignes du gouvernement. L'Etat ne pourrait donc qu'y gagner. Il me semble qu'une semblable proposition ne peut pas être rejetée par le gouvernement.
(erratum, page 1016) La ligne paraît utile à la province de Liège, à Verviers, à Spa, à Stavelot, où il y a des fabriques importantes, et à une partie de la province de Luxembourg, et il ne pourrait en résulter aucun préjudice pour l'Est.
Pourquoi irait-on refuser une pareille demande en concession faite sérieusement et appuyée par un gouvernement avec lequel nous avons, fort heureusement, les meilleurs rapports ?
J'appelle donc la sérieuse attention de M, le ministre des travaux publics sur ces deux chemins de fer ; l'un est promis depuis 1846, l'autre est parfaitement justifié, et la demande est fondée sur les considérations les plus victorieuses.
Il existe encore une autre ligne de chemin de fer qui doit toucher au territoire du Luxembourg ; c'est le chemin de fer qui partirait de Givet, passerait par Rochefort et Marche et aboutirait à Liège par la vallée de l'Ourthe.
Ce projet de chemin de fer nous intéresse beaucoup aussi, mais il intéresse encore plus vivement les provinces de Liège et de Namur.
Dès lors, messieurs, je laisserai à des hommes plus compétents que moi, aux honorables députés de ces provinces, le soin de développer toute l'utilité d'une pareille voie de communication.
Je terminerai en vous rappelant, messieurs, que dans le discours de la couronne le gouvernement a annoncé la présentation d'un projet de loi sur les travaux publics. J'espère que ce projet de loi sera basé sur les principes de la justice distributive et que les parties du pays qui sont privées jusqu'à présent de chemin de fer ne seront pas oubliées.
Je compte, à cet égard, sur l'esprit d'équité qui anime l'honorable ministre des travaux publics.
Il faut que dans notre petite mais belle patrie il n'y ait pas de parties du pays qui puissent se dire déshéritées, qu'il n'y ait pas un citoyen belge qui puisse se dire un paria.
Quel est, d'ailleurs, le ministre qui pourrait venir dire à la Chambre : Nous allons créer encore de nouvelles voies ?
Je suis convaincu qu'il est plutôt de l'avis qu'exprimait l'honorable M. E. Vandenpeereboom, lorsque, dans un discours prononcé en 1851, il disait qu'il fallait arriver à ce résultat : « Que chaque chef-lieu d'arrondissement devrait avoir son chemin de fer, et chaque commune sa route empierrée ou pavée. » C'est là messieurs, la pensée généreuse et féconde qui doit guider le gouvernement en matière de travaux publics.
(page 1015) M. Moncheur. - Messieurs, en présence du mouvement qui se manifeste dans le sens du libre échange, en présence de l’abaissement, sinon de la suppression des barrières de douanes, je saisis l’occasion qu’offre cette discussion pour adjurer le gouvernement de ne pas laisser la Belgique non préparée pour la grande lutte industrielle lorsqu’elle se présentera, mais au contraire de l’armer contre la concurrence de l’industrie étrangère.
Il est nécessaire, il est urgent à cet effet, messieurs, de faire disparaître les entraves qui s'opposent, sur le sol belge, aux transports faciles et à bon marché de toutes les marchandises et surtout des matières premières pondéreuses.
Il est urgent aussi de créer des moyens de transport là où ils manquent encore.
Les entraves, messieurs, dont je viens de parler consistent principalement dans les péages trop élevés dont sont frappés plusieurs de nos canaux et rivières ; elles consistent dans l'absence d'une section suffisamment grande ou d'un mouillage suffisamment profond de ces voies navigables, et enfin en ce qui concerne le chemin de fer, elles consistent dans l'application de tarifs trop élevés pour les grosses marchandises.
Messieurs, lorsque l'empereur des Français a entamé vivement et, je dois le dire, hardiment le système prohibitif qui régnait en France, il a tenu ce langage aux industriels de son pays : « Si je vous soumets à l'épreuve d'une concurrence étrangère, nouvelle pour vous, je veillerai du moins à ce que les transports des matières pondéreuses et de tous les éléments de production se fassent dans les meilleures conditions possibles ; je rachèterai les canaux qui n'appartiennent pas à l'Etat et je réduirai les péages, sur toutes les voies navigables, dans les limites les plus larges qu'il me sera possible de le faire. »
Ces promesses, messieurs, ont été tenues ; je ne connais, quant à moi, qu'une seule exception, et j'y reviendrai tout à l'heure parce qu'elle blesse des intérêts belges très importants.
Le gouvernement français a donc compris parfaitement la question industrielle. Il a compris que, dans le temps actuel, la question industrielle se confond très souvent avec la question des transports. Il a donc, comme je viens de le dire, tâché de rapprocher autant que possible le producteur de tous les éléments de production.
Pendant, messieurs, que cela se passe chez nos voisins, suivons-nous le même système ? Non. C'est ainsi que notre ville manufacturière de Gand, par exemple, se trouve encore séparée du riche bassin houiller de Charleroi par des frais de transport qui équivalent au moins à la valeur même du combustible sur place.
Or, les péages dus à l'Etat et les difficultés de la navigation figurent pour une très grande part dans le chiffre de ces frais. Quand je parle de péages élevés et de difficultés de navigation, je dois citer le canal de Charleroi à Bruxelles, qui est construit dans des dimensions tellement mesquines, qu'il ne peut recevoir des bateaux excédant 70 tonneaux de chargement et la Meuse, la Meuse, cette belle rivière, où le mouillage descend parfois et pendant de longues périodes de l'été, jusqu'à 35 et 40 centimètres seulement de profondeur.
Je disais à l'instant, messieurs, que le gouvernement français venait d'abaisser considérablement les péages sur ses voies navigables : mais il n'emploie pas seulement ce moyen sur une large échelle, il crée en outre des canaux là où ils sont utiles à l'industrie ; et cependant il faut reconnaître que la France est plus avancée, mieux pourvue que nous sous le rapport des voies navigables.
La Moselle va être canalisée, et je vais vous parler d'un canal qui est en construction et qui intéresse vivement la Belgique, c'est celui de la Sarre. Vous savez que le territoire prussien de Sarrebruck contient des gisements houillers très considérables. Déjà, il existe un chemin de Sarrebruck à Metz. Ce bassin houiller est donc relié au grand réseau des chemins de fer français. Eh bien, malgré cela, le gouvernement français construit, en ce moment, d'accord avec la Prusse, un canal à grande section, dit « canal des houilles », pour introduire à bon marché les charbons du territoire prussien de Sarrebruck dans tout l'Est de la France de sorte que si nous n'y prenons garde, les charbons prussiens viendront s'emparer du marché de l’Est de la France au préjudice de la Belgique.
La Belgique refoulée, pour la vente de ses charbons, du littoral de la France voisin de l'Angleterre, avait l'espoir de pouvoir déverser ses produits houillers dans l'Est de la France et la Champagne ; mais si cet espoir vient à être déçu, je ne sais réellement pas où la Belgique trouvera encore les débouchés qui lui sont nécessaires.
Que faut-il donc faire, messieurs, pour conjurer ce danger ? Il faut d'abord achever la canalisation de la Meuse jusqu'à la frontière française ; il faut ensuite favoriser la construction des chemins de fer projetés pour relier le bassin houiller de Liège avec l'Est de la France, c'est-à-dire, du chemin de fer de l'Ourthe et de Pepinster rejoignant, le railway grand-ducal du Luxembourg. II faut enfin abaisser les péages sur la Sambre canalisée et surtout obtenir l'abaissement des péages sur la Sambre française et sur le canal de Sambre et Oise, car, messieurs, l'exception dont je parlais tout à l'heure concerne ce canal de Sambre et Oise, qui n’est pas encore racheté par le gouvernement français.
Je dis donc, messieurs, qu'en premier lieu il faut canaliser la Meuse depuis Liège jusqu'à la frontière française. Vous le savez la loi de l'an dernier sur les travaux publics a décrété la canalisation de la Meuse depuis Chokier jusqu'à Namur. C'est très bien ; mais vous savez aussi que le gouvernement n'a demandé de crédit que pour construire deux écluses seulement, tandis qu'il doit y en avoir neuf. Les sept neuvièmes du travail resteraient donc inaccomplis, si le gouvernement ne venait nous demander, dans un bref délai, le crédit nécessaire pour l'exécuter complètement. Les deux écluses qui vont être reconstruites au moyen du crédit de 1,600,000 francs accordé l'an dernier le seront en aval de Namur. Elles formeront là deux biefs qui auront, il est vrai, certaine utilité locale, surtout pour faciliter la navigation à l'embouchure de la Sambre ; mais, messieurs, comme grande navigation, comme navigation internationale, vous concevez que ces deux biefs ne procurent aucune espèce d'avantage au commerce et à l'industrie, puisqu'il y aura une solution de continuité de 7 à 8 lieues entre les écluses des environs de Liège et celles des environs de Namur.
Il est donc impossible que le gouvernement ne profite pas de l'occasion que lui offrira la présentation prochaine du projet de loi décrétant des travaux publics pour demander le crédit nécessaire à l'exécution complète de la partie de canalisation de la Meuse qui a déjà été décrétée l'an dernier.
Ne pas le faire, ce serait une omission qu'on ne saurait comment qualifier ; car, messieurs, pour commencer un ouvrage de ce genre et le laisser inachevé et complètement stérile au point de vue du but que l'on veut atteindre, il faudrait être dénué de toutes ressources et avoir perdu tout crédit.
Ce serait, je le répète, un aveu d'impuissance que l'Etat belge ne voudra certainement pas faire.
Messieurs, vous avez reçu une pétition des industriels de Liège relativement à cet objet. Elle demande la continuation de la canalisation de la Meuse jusqu'à la frontière Française, afin de ne pas perdre le débouché de Mézières, Charleville et Sedan, débouché si ancien pour les charbons de Liège.
Cette pétition se trouve déposée sur le bureau par ordre de la Chambre. Je l'ai lue.
Elle émane d'hommes très instruits et elle prouve de la manière la plus claire que si la Meuse n'est pas canalisée non seulement jusqu'à Namur, mais encore jusqu'à la frontière française où elle rencontrera les travaux de canalisation faits par les Français, la navigation y deviendra impossible à côté du nouveau chemin de fer longeant la Meuse ; le batelage sera donc ruiné et l'industrie riveraine sera ainsi à la merci de la compagnie du chemin de fer.
Les chiffres que donnent les pétitionnaires sont ceux-ci : le prix moyen actuel du fret de Liège à Givet par la navigation est de 7 fr. 70 c. Il est évident que le chemin de fer pourra descendre son fret beaucoup au-dessous de ce chiffre, mais il est évident aussi qu'il ne se tiendra qu'à une faible distance au-dessous du prix moyen du fret par la navigation, c'est-à-dire à une distance suffisante pour avoir la préférence, de sorte que, tout en ruinant le batelage, il n'offrira qu'un avantage insignifiant à l'industrie.
Que faut-il donc faire pour procurer une amélioration réelle quant au prix du transport des charbons vers la France ? Il faut établir une concurrence possible entre la navigation et le chemin de fer ; or cette concurrence n'est possible que par la canalisation de la Meuse sur tout son parcours. Il est évident, d'ailleurs, qu'une rivière comme la Meuse ne peut pas rester éternellement dans l'état presque primitif où on l'a laissée jusqu'à présent.
J'ai dit tout à l'heure, messieurs, que pour éviter le danger de nous voir enlever le marché de l'Est de la France pour nos charbons, nous devions encourager la construction des chemins de fer de l'Ourthe et de Pepinster vers le grand-duché de Luxembourg.
(page 1016) L'honorable M. d'Hoffschmidt vous a dit avec raison que les conditions proposées par la compagnie qui veut se charger de l'exécution de ce dernier chemin de fer ne pouvaient pas être refusées par le gouvernement.
En effet, cette compagnie ne demande qu'une seule chose, c'est de partager le bénéfice nouveau que réalisera le chemin de fer de l'Etat par suite de la construction de la ligne qu'elle aura construite à ses frais. Elle ne demande donc ni subside, ni garantie de minimum d'intérêt. Or, dans ces conditions je ne vois réellement pas de motif légitime pour refuser ses propositions.
J'ai dit, en troisième lieu, messieurs, qu'il faudrait abaisser les péages sur la Sambre canalisée.
Ici, nous rencontrons la malheureuse exception dont j'ai parlé tout à l'heure, et qui consiste dans le non-rachat du canal de Sambre et Oise, canal où les péages continuent à être très élevés ; je demande si des négociations sont entamées pour arriver à la réduction de ces péages.
Le fret de Charleroi à Paris est, par suite de l'élévation de ces péages, de 12 fr. pendant la saison d'hiver. Or c'est là un prix beaucoup trop élevé.
Il est vraiment singulier que ce canal seul fasse exception à la règle générale par suite de laquelle les péages ont été réduits des deux tiers. Je désire savoir si le gouvernement a fait tous les efforts possibles pour obtenir la réduction des péages sur ce canal comme sur les autres.
J'aborde, messieurs, un dernier objet dont j'ai déjà eu l'honneur de vous entretenir l'an dernier, je veux parler du projet de chemin de fer de Namur à Landen et de Tamines à Fleurus. Depuis que j'ai appelé votre attention sur cet objet, une société, après avoir fait faire des études complètes de ce projet, en a déposé la demande en concession.
Cette compagnie demande, il est vrai, la garantie d'un minimum d'intérêt, mais, messieurs, je pense que le gouvernement et les Chambres ne peuvent pas repousser par une fin de non-recevoir ce mode d'encourager l'exécution d'un chemin de fer reconnue utile.
Ce mode, qui a déjà produit de très bons résultats, n'engage pas les finances de l'Etat d'une manière dangereuse.
Vous le savez, messieurs, plusieurs lignes très importantes et aujourd'hui très prospères n'ont pu être construites qu'à la faveur d'un minimum d'intérêt
On pensait que ce minimum serait payé par l'Etat pendant un grand nombre d'années et cependant il se trouve qu'elles n'en ont plus besoin aujourd'hui ; le trésor sera même vraisemblablement remboursé d'une partie des fonds qu'il a payés à titre de garantie, puisque par suite des stipulations insérées dans les contrats de concession, quand les bénéfices des compagnies excéderont 7 p. c, cet excédant sera versé dans les caisses du trésor à titre de remboursement de ce qu'il a payé comme minimum d'intérêt.
Je connais l'objection que le gouvernement a produite l'an dernier contre ces demandes de minimum d'intérêt, c'est que si on l'accorde à l'un il faut l'accorder également aux autres ; mais je n'admets pas cette objection, parce qu'elle est plutôt un prétexte qu'une raison solide.
En effet, le gouvernement se trouve, quant aux demandes de garantie de minimum d'intérêts, dans la même position que celle où il était lorsqu'il exécutait des routes ordinaires. Lorsque le gouvernement était en présence d'un nombre plus ou moins considérable de demandes de routes, il ne disait pas : Je n'en ferai aucune, parce que, si j'en faisais une, je devrais les faire toutes. Mais il examinait celles qui étaient réellement utiles, nécessaires, indispensables à la prospérité publique et il les construisait.
Eh bien, c'est à cet examen que doit se livrer le gouvernement, lorsqu'il est saisi de plusieurs demandes en concession avec garantie de minimum d'intérêts. Il doit se demander si ces demandes se rapportent à des projets qui seront dans de bonnes conditions ; si les chemins qu'il s'agit de construire de cette manière répondent à des besoins réels et s'ils ont des chances de vitalité et de prospérité. Si le gouvernement pense qu'un travail de ce genre réunit toutes ces conditions, il doit certainement accorder l'encouragement qu'on lui demande dans l'intérêt général.
Je ne crains pas de dire que le chemin de fer de Namur à Landen et de Tamines à Fleurus se trouvera précisément dans ces conditions-là.
Ce chemin de fer traverse la partie la plus riche peut-être de la Belgique, non seulement pour ses produits miniers, mais aussi pour ses produits agricoles et manufacturés ; il formera la suite du chemin de fer de l'Etat de Charleroi à Namur ; il demandera à ce dernier une quantité considérable de transports de charbon et il lui donnera une quantité très considérable aussi de transports de minerais pour les hauts fourneaux du pays de Charleroi. Il lui donnera également une quantité de transports de céréales et d'autres produits de toute espèce.
Ce chemin de fer ne sera, notez-le bien, que le tronçon d'un grand chemin de fer international, car il formera aussi la suite du chemin de fer de Givet à Namur jusqu'à Hasselt et de Hasselt jusqu'à la Hollande. En effet, déjà il existe une demande en concession d'un chemin de fer de Hasselt à Eindhoven et à Eindhoven on rencontre le réseau hollandais.
Ce chemin de fer réunit donc, sous tous les rapports, les conditions requises pour être un chemin de fer très prospère, et je pense que la garantie du minimum d'intérêt ne serait pas, en fait, d'une longue durée.
Je me résume, messieurs, et je dis que la Belgique doit se préparer à l'immense lutte qu'elle devra soutenir avec l'industrie universelle. La Belgique ne doit pas être prise au dépourvu ; je pense qu'il est de la plus grande nécessité qu'elle jette dès à présent des bases solides de sa résistance. J'ai signalé comme l'une de ces bases les plus importantes, la facilité et le bon marché des transports des marchandises, en général et spécialement des matières premières pondéreuses.
Si nous étions pris au dépourvu à cet égard, nous payerons certainement bien cher notre imprévoyance et notre incurie.
Prenons-y donc garde, messieurs ! si, d'une part, la Belgique dépense un nombre considérable de millions pour se construire un immense camp retranché, elle doit aussi, d'autre part, songer à s'armer contre un rival, sinon un ennemi redoutable qui est la concurrence de l'industrie étrangère. Elle doit à peine d'être vaincue par celle-ci, développer toutes les ressources que la nature lui a départies. Toutes les dépenses que nous ferons avec intelligence, dans ce but, auront du moins un mérite certain, ce sera d'être éminemment productives.
(page 1013) M. Cumont. - Messieurs, lors de la dernière discussion sur des rapports de pétitions, l'honorable ministre des travaux publics a répondu à une demande qui lui a été faite au sujet de la concession du chemin de fer de Lokeren à Zelzaete dont la demande avait été faite par M. Gendebien, que cette demande avait été retirée, parce que la concession n'était pas de nature à être admise par le gouvernement.
J'ai appris que d'autres concessionnaires se sont présentés et j'appellerai sur leurs propositions l'attention de M. le ministre des travaux publics ; je le prie d'accorder sa bienveillance à ce chemin de fer qui est d'une utilité incontestable pour la province qu'il parcourt et principalement pour l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter.
Le chemin de fer qui existe maintenant jusqu'à Lokeren est une impasse ; en lui donnant une extension jusqu'à Terneuzen, en le faisant passer ou directement par Zelzaete, comme les concessionnaires le demandent, ou par Terneuzen, ce serait favoriser les intérêts du gouvernement et procurer un avantage incontestable à toutes les localités de la contrée que ce chemin de fer parcourrait.
Je le répète donc, je prie M. le ministre de bien vouloir examiner avec bienveillance cette affaire qui est d'un intérêt majeur pour nos populations.
Je demanderai également à M. le ministre des travaux publics à quoi en sont les travaux de la canalisation de la Dendre. Il a été voté en 1859 pour cet objet un crédit de 2,400,000 fr. Jusqu'à présent, les travaux d'examen ne sont pas achevés, ce qui est très regrettable pour les localités intéressées. Je réclamerai encore de M. le ministre dos travaux publics qu'il veuille bien s'occuper sans retard de l'exécution de ce travail, malheureusement en retard depuis si longtemps.
Vous n'ignorez pas combien ces travaux de canalisation présentent d'importance non seulement pour mon arrondissement, mais pour tout le pays. Car ce travail doit se rejoindre au canal projeté de Saint-Ghislain à Blaton.
Nous aurons ainsi une communication directe avec le bassin de Mous, et qui amènera l'écoulement d'une grande quantité de charbon pour la Hollande.
(page 1014) J'appellerai l'attention de M. le ministre des travaux publies sur une circonstance que sans doute il ignore.
Pour les dépêches télégraphiques, lorsqu'il s'agit d'un nom propre, il paraît que les employés ont reçu ordre d'examiner s'ils ne peuvent pas le décomposer.
Ainsi, le mot Bois-le-Duc n'est évidemment qu'un seul mot ; les employés du chemin de fer le comptent pour trois mots. La même instruction est donnée pour les noms d'hommes.
D'après des informations qui m'ont été données à la station d'Alost, on décompose, par exemple, le mot Vandenbroeck en trois mots (Interruption.)
Cela étonne M. le ministre ; cela m'a étonné aussi.
Je prie M. le ministre de faire donner des instructions aux employés du télégraphe pour que ces faits ne se produisent plus. Car, évidemment les personnes qui, comme mon honorable voisin M. Crombez, ont un nom qu'il est impossible de décomposer, auraient un avantage sur ceux qui, comme l'honorable ministre de l'intérieur, verraient faire quatre mots de leur nom.
Je crois qu'il aura suffi de signaler ce fait à M. le ministre des travaux publics pour qu'il se produise plus.
M. Vermeire. - Messieurs, je n'ai pas l'intention d'entrer dans beaucoup de détails concernant l'examen du budget des travaux publics ; j'ai demandé la parole pour présenter quelques observations sur l'exploitation des chemins de fer, mais ma tâche a été allégée par les observations qu'a faites l'honorable M. Henri Dumortier.
Avant d'examiner cette partie du budget, je dois appuyer les observations faites par l'honorable préopinant, au sujet de la concession du prolongement du chemin de fer de Dendre-et-Waes, de Lokeren ver Terneuzen. Je ne répéterai pas les arguments qu'il a fait valoir et je commence l'examen des tarifs du chemin de fer.
Messieurs, décidément les tarifs pour le transport des marchandises sont trop compliqués.
Ce n'est pas d'aujourd'hui qu'on le dit ; déjà depuis plusieurs années, on a fait des observations en ce sens et les changements successifs qui ont été faits n'ont pas beaucoup amélioré la situation.
Je crois, messieurs, qu'il serait plus simple de rendre l'unité à ces tarifs et de les débarrasser de tous les frais accessoires qui en gênent aujourd'hui l'application.
L'honorable M. Henri Dumortier vous a déjà énuméré les éléments dont se compose le tarif : d'abord la division en trois catégories différentes quant au transport des marchandises, puis la subdivision du tarif pour ce même transport.
Messieurs, je crois qu'il faudrait joindre le produit des frais accessoires aux frais principaux et les diviser par les quantités transportées. De cette manière on pourrait ajouter à l'unité du tarif, tous les frais qui sont très difficiles à appliquer actuellement.
Ainsi quand on transporte un colis sur le chemin de fer de l'Etat et qu'il doit passer sur des lignes concédées, il faut payer deux ou trois fois l'embarquement, le débarquement et les frais d'inscription ; lorsque le colis pèse au-delà de 750 kilogrammes, il faut encore payer une taxe particulière pour l'emploi d'engins extraordinaires. Vous comprenez, messieurs, que dans ces conditions l'application du tarif devient très difficile, et je crois qu'on pourrait obtenir les mêmes résultats financiers eq le simplifiant considérablement,
L'honorable M. Dumortier a parlé également des remises qu'il conviendrait de faire pour le transport de certaines marchandises et surtout des matières pondéreuses lorsque ce transport a lieu à une certaine distance ou par grandes quantités.
D'après le règlement actuel, le gouvernement peut accorder ces réductions ; mais une question a été soulevée depuis quelque temps, c'est celle de savoir si les concessions peuvent être faites spécialement ou bien si elles doivent être faites à des conditions générales ; le gouvernement, aujourd'hui, les applique dans des conditions générales, et je crois qu'il a raison, car le chemin de fer est un service public payé par tout le monde et dont tout le monde doit, conséquemment, pouvoir jouir de la même manière.
Ainsi, autrefois on appliquait les tarifs spéciaux à certaines catégories de lignes de chemins de fer, alors que sur d'autres lignes on faisait payer un prix plus élevé ; aujourd'hui, lorsqu'on transporte une quantité des marchandises déterminée, dans des conditions déterminées, quelle que soit la voie sur laquelle le transport a lieu, le tarif est toujours le même.
Maintenant, messieurs, il me reste à examiner si en diminuant les tarifs pour le transport des marchandises on peut obtenir un résultat plus favorable au point de vue financier. Il est un fait qu'on ne doit pas oublier, c'est que le chemin de fer coûte en frais d'établissement une somme assez considérable et que des lors il faut tâcher d'amener sur la voie la plus grande quantité possible de transports afin de diminuer dans la plus grande mesure possible, la part dont chaque transport doit être grevé du chef de ces frais d'établissement.
Maintenant, messieurs, les canaux, les rivières, la navigation sont certainement des concurrents assez puissants pour les chemins de fer, d'autre part les chemins de fer concédés bien que desservant d'autres populations font aussi une assez rude concurrence au réseau de l'Etat. Il faudrait donc que l'Etat pût amener sur sa voie la plus grande quantité possible de trafic, soit par la réduction des tarifs, soit par l'application à vol d'oiseau de ces tarifs.
De cette manière on mettrait les lignes de l'Etat, alors même qu'elles font des circuits, dans la même condition où se trouvent les lignes concédées.
Il est un fait certain, comme l'ont déjà fait observer d'autres orateurs, c'est que plus on facilite les transports et plus on en réduit le prix, plus aussi on augmente la prospérité générale.
C'est surtout aujourd'hui que nous allons être soumis à une puissante concurrence étrangère, que nous devons tâcher de rendre les transports le plus économiques possible, soit qu'ils aient lieu par terre, soit qu'ils se fassent par voie fluviale.
J'engage donc, pour ma part, le gouvernement à examiner la question sous le triple point de vue suivant :
Unification des tarifs de transport, en les débarrassant de tous les frais accessoires qui en gênent l'application ;
Réduction des tarifs, dans la mesure du possible, opérée de manière que les résultats financiers n'en soient pas diminués ;
Enfin, tâcher, par une application économique, de rendre le transport des hommes et des choses le plus considérable possible.
J'ai dit.
- La séance est levée à 4 heures 1/2.