(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1861-1862)
(page 727) Présidence de (M. E. Vandenpeereboom, premier vice-président.
M. Thienpont, secrétaire., procède à l'appel nominal à une heure et un quart.
M. de Boe, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.
- La rédaction en est adoptée.
M. Thienpont, secrétaire., présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre :
« Le conseil communal de Wambeke demande la construction du chemin de fer de Zelzaete à Lokeren dont la concession est demandée par le sieur Gendebien. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Matthieu demande que les fêtes commémoratives de l'indépendance de la Belgique aient lieu à l'avenir à l'époque de la kermesse de Bruxelles. »
- Même renvoi.
« Les membres de l'administration communale d'Esschene demandent la révision de la loi du 18 février 1845, relative au domicile de secours, »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les membres du conseil communal d'Ernonheid, Ferrières, Werbomens, Erezée demandent qu'on établisse un télégraphe électrique sur la route de Liège à Arlon, avec bureaux dans tous les bureaux de postes. ».
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics.
« Le sieur Jacob, ancien gendarme, demande une augmentation de pension. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Bouquié-Lcfebvre demande la concession d'un chemin de fer de Hal à Ath. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner la proposition relative au chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain.
M. Allard. - M. Bouquié demande la concession d'un chemin de fer de Hal à Ath. Cette section serait le complément de la communication directe par chemin de fer entre l'Allemagne et l'Angleterre. La section centrale qui a été chargée d'examiner un projet de loi de travaux publics l'an dernier est encore constituée, je demande que la pétition du sieur Bouquié soit renvoyée à cette section centrale.
- Cette proposition est adoptée.
M. de Smedt. - Messieurs, ce n'est pas sans un sentiment de surprise et un sincère regret que j'ai vu l'empressement de quelques-uns de mes honorables collègues à venir appuyer dans cette Chambre la demande de quelques sportmans qui voudraient voir rétablir au budget de l'intérieur le subside accordé autrefois aux courses de chevaux.
Jusqu'ici cette proposition n'a rencontré sur ces bancs qu'une faible opposition. En revanche, les honorables comte de Baillet, de Montpellier et Tack ont chaleureusement appuyé les pétitionnaires. M. Vander Donckt seul, et je l'en félicite, s'est élevé énergiquement contre cette prétention que je crois non seulement injuste, mais tout à fait déplorable.
Quoi ! messieurs, c'est au moment d'une cherté exceptionnelle, alors qu'une crise générale atteint le commerce et l'industrie, alors que, comme conséquence du malaise général, l'impôt pèse plus lourdement que jamais surtout sur les classes moyennes et inférieures de la société, que celles qui sont riches viendraient donner le triste exemple d'un pareil gaspillage des deniers du peuple ?
Jamais, messieurs, je n'appuierai de ma parole et ne sanctionnerai de mon vote un emploi aussi inconsidéré des revenus publics.
Trente mille francs, c'est bien peu de chose direz-vous peut-être ? Trente mille francs aujourd'hui, et en raison de l'extension des courses, cent mille dans quelques années et peut-être au-delà. En 1848, alors qu'il n'y avait en Belgique que quatre à cinq courses par an, vous accordiez 30,000 francs.
L'année prochaine, alors qu'il y aura douze sociétés de courses et peut-être davantage, pour rester dans la proportion du subside d'autrefois, il vous faudrait 90 mille francs. Mais on n'ose pas les demander tout d'une fois, on ne veut pas effrayer les Chambres et le pays par les conséquences fâcheuses du concours de l'Etat.
Mais, qu'importe d'ailleurs que le chiffre soit minime, ce que je conteste, puisque vous aurez posé le fâcheux précédent d'intervenir dans les dépenses de luxe.
Où pourrez-vous vous arrêter dans une pareille voie ? L'intervention en cette espèce une fois admise, il faudra, pour rester logique et surtout pour respecter le principe d'une bonne justice distributive, subsidier une foule d'autres exercices ou plaisirs aussi peu dignes de la sollicitude du gouvernement que les courses de chevaux.
Les courses sont utiles, dites-vous ; supprimer les courses c'est supprimer l'éleveur de chevaux de race, elles sont le corollaire indispensable de l'élève du cheval de sang. Or, sans le sang pas de bons chevaux, il faut même du sang à un cheval de vigilante pour supporter ses rudes fatigues.
Je pourrais à la rigueur, messieurs, contester toutes ces assertions, je préfère vous les concéder en partie. Mais s'il vous faut du sang pour avoir un bon cheval, je ne vois nul besoin pour cela de pratiquer une nouvelle saignée au budget de l'Etat !
Les courses sont utiles, dites-vous, non seulement au point de vue de l'élève du cheval, mais sont encore une cause de prospérité pour les localités qui font courir et une source de revenu pour le trésor public.
Mon honorable ami et collègue, M. de Montpellier, ne vous disait-il pas, dans la séance d'avant-hier, que la ville de Namur bénéficiait chaque année 20,000 fr., le jour des courses ? Si cela est vrai, tant mieux pour la ville de Namur, et je concevrais qu'en vue de voir dépenser encore plus d'argent en cette ville par les étrangers, son conseil communal affectât une allocation aux courses ; mais il paraît que le conseil communal de Namur ne partage pas cette opinion. Ce qui serait encore plus avantageux à Namur, ce serait d'y voir dépenser tout l'argent du pays, si cela était possible. Mais cela ferait-il l'affaire de Bruxelles, de Gand, de Bruges, etc. ? L'argent dépensé à Namur n'est pas dépensé deux fois.
L'honorable membre se faisait encore, dans la même séance, l'écho d'un autre préjugé, trop général pour qu'il ne soit pas relevé. Ne nous disait-il pas : Si l'Etat intervient pour les courses, il recouvre la dépense faite en cette occasion par les recettes extraordinaires de son chemin de fer ?
Si cette argumentation, qui ne repose que sur un sophisme, était vraie, elle serait la justification de tous les gros impôts. Si nous votions cent mille francs pour donner, à l'occasion des fêtes de septembre, un brillant feu d'artifice, il est possible et même probable que l'Etat, par la recette de ses chemins de fer ce jour-là, rentrerait non seulement dans ses fonds, mais qu'il aurait même, de ce chef, un bénéfice net de cent mille francs. Car un feu d'artifice semblable attirerait à Bruxelles beaucoup de personnes de la province. Cela ferait bien le compte de la capitale, peut-être aussi du chemin de fer, mais il n'en est pas moins vrai que le feu d'artifice dont je parle aurait provoqué une dépense considérable, tout à fait stérile, et l'on pourrait d'ailleurs dire, avec infiniment de raison, à ceux qui prétendent qu'il n'y a aucune perte, qu'il y a tout au moins déplacement de richesses au profit des uns et au détriment des autres.
Les courses sont utiles, soit.
Mais si vous voulez subventionner tout ce qui est bon et utile, où vous arrêterez-vous ?
D'ailleurs, comme le disait très bien notre spirituel collègue l'honorable M. Coomans, les chevaux ne mangent-ils pas déjà au râtelier du budget de l'Etat pour environ 200 mille francs par an ? Voulez-vous leur en donner 300 mille ?
Sans courses point d'élève du cheval de race. Soit encore, je ne discute pas, pour le moment, cette question.
Mais qui donc parle de supprimer les courses ? J'entends tout le contraire, chaque année ce plaisir fait une nouvelle conquête.
Trois nouvelles sociétés se sont formées l'année dernière, trois autres s'organisent, dit-on, pour cette saison-ci dans trois autres localités.
Le nombre en sera ainsi porté à douze de quatre qu'il était en 1848, sans la bienfaisante et féconde tutelle de l'Etat !
De quoi vous plaignez-vous donc ? A quel mal les éleveurs et nos sportmans désirent-ils que l'Etat porte remède ?
Et c'est au moment où ce plaisir prend de pareils développements grâce à l'heureuse influence de la liberté et de l'initiative privée, qu'on vient réclamer aide et assistance et sous le spécieux prétexte que, sans courses, l'élève du cheval devient impossible !
Je dois l'avouer en toute sincérité et à l'honneur de la Chambre et des pétitionnaires en général, depuis cinq ans que je siège sur ces bancs je n'y (page 728) ai pas vu discuter une seule demande de crédit ou de subside qui se justifie moins par le but qu'elle veut atteindre, but d'ailleurs atteint sans le subside, et par les circonstances dans lesquelles cette demande se produit.
Mais parce que je suis opposé au subside, doit-on en déduire que je suis opposé aux courses ? Non certes.
J'ai depuis longtemps appris à connaître les reproches qu'on ne cesse d'adresser aux partisans de la non-intervention de l'Etat dans les entreprises particulières. Nous sommes des ignorants des utopistes, des idéologues, des ennemis du travail, du progrès, etc.
Pour ma part je fais bon marché de ces reproches.
Et sans me déclarer l'adversaire systématique et absurde de toute intervention de l'Etat sous quelque forme et dans quelque ordre qu'elle se manifeste, je me mets carrément en opposition au système de ceux qui ont si peu de confiance en l'activité humaine, sous l'influence de la liberté, qu'ils veulent partout être sous la tutelle de l'Etat. Il y a une vérité qui me paraît élémentaire et que l'on perd trop souvent de vue ; c'est celle-ci : La mission du gouvernement dans le domaine de l'activité privée doit se borner à veiller à ce que l'intérêt des uns ne porte pas préjudice aux droits des autres et à ceux de la société.
Telle doit être, d'après moi, la véritable mission de l'Etat et c'est aussi la limite que le respect des droits de tous lui fixe impérieusement. En dehors de là, il n'y a qu'injustice et arbitraire.
Mais, dit-on encore, il faut favoriser le luxe, le luxe fait travailler et le travail développe la richesse.
Je nie, messieurs, formellement chacune de ces propositions ; ce sont à mon sens autant de contre-vérités. On ne peut certes pas condamner le luxe d'une manière absolue ; le luxe peut quelquefois être l'occasion d'un travail utile ; mais, en thèse générale, on peut soutenir, je crois, qu'il pousse au travail improductif au détriment du travail productif. Il pousse à la satisfaction de besoins artificiels et de vanité et réduit dans la même proportion la satisfaction des besoins réels.
Est-ce là ce que doit vouloir un gouvernement sage et éclairé ?
Je conçois parfaitement l'intervention du gouvernement dans certaines dépenses de luxe. Qu'il me soit permis d'en citer un exemple qui m'est inspiré par la discussion de ces jours derniers à propos de l'exposition de Londres. On a beaucoup parlé de nos peintres les plus illustres, et des sculpteurs les plus distingués de la Belgique. Eh bien, en matière de peinture et de sculpture, je comprends l'intervention utile de l'Etat ; je conçois que si l'Etat ne fait aucune acquisition pour ses musées, je conçois, dis-je, que la grande peinture tomber a bien tôt en pleine décadence, et qu'il en est de même de la sculpture.
Quel est, en effet, l'amateur de tableaux ou de statues qui pourra se donner le luxe d'un grand tableau de Gallait ou de Wiertz, d'une statue de Geefs ou de Fraikin ? Il en est bien peu en Belgique. La raison en est fort simple : c'est que la fortune n'est pas uniquement ce qu'il faut pour cela, il est indispensable de disposer de vastes locaux, qui ne se rencontrent guère ailleurs que dans les musées appartenant à l'Etat.
Mais ici, messieurs, l'intervention ne se justifie par aucune de ces raisons, tout au contraire.
S'il est vrai, messieurs, comme j'espère vous le démontrer, que les courses de chevaux sont l'occasion de dépenses improductives et de de perdition de travail utile, il me semble que, bien loin de venir demander un subside en leur faveur, il serait beaucoup plus rationnel de les frapper d'un fort impôt.
De même que les chevaux de luxe payent plus d'impôts que les chevaux de labour et de trait en raison de leur utilité relative, de même, messieurs, il me semble que le cheval de course, qui ne sert guère qu'à cet usage, devrait, si vous voulez rester logiques, payer davantage encore à l'Etat, en raison d'abord du peu de service dont il est susceptible et ensuite à cause des sommes énormes qui lui ont été avancées par le gouvernement pour sa production.
Le gouvernement paye chaque année 140 mille francs pour l'élève du cheval de race, et il est vraiment déplorable, s'il faut en croire la pétition que j'ai ici sous les yeux et qui plaide en faveur du subside en discussion, de voir un jour de Longchamps aux boulevards de Bruxelles moins encore de chevaux belges, malgré le haras de l'Etat, qu'il n'y a d'élèves belges à l'école centrale d'agriculture de Gembloux.
A quoi sert donc, je vous le demande, cette généreuse et bienfaisante intervention de l'Etat qui voudrait grandir encore chaque jour ?
L'intervention pécuniaire de l'Etat pour encourager les courses de chevaux ne saurait, à aucun titre, se légitimer.
Elle n'est destinée à féconder aucune des branches de l'activité nationale.
Au contraire, cette intervention aura pour résultat, il me sera facile de le démontrer, de provoquer les effets les plus mauvais.
Les courses constituent, purement et simplement, un plaisir de luxe. Cela ne sera pas sérieusement contesté. Or, les frais occasionnés par un plaisir de luxe, quel qu'il soit, rentrent évidemment dans la catégorie des dépenses improductives.
Faut-il favoriser les dépenses improductives ? Non, certes. Les tendances vers un luxe exagéré, en disproportion avec les fortunes privées, ne sont déjà malheureusement que trop réelles.
L'Etat, bien loin de stimuler les consommations de luxe, devrait plutôt agir en sens inverse ; si tant est que l'Etat doive intervenir dans cette matière, ce que je conteste formellement.
Mais les courses ne provoquent pas seulement des dépenses improductives, elles sont encore la source de véritables désastres.
Qui ne sait, en effet, que les courses, de même que les établissements de jeu, ont contribué à dissiper les fortunes les plus considérables ?
Les paris s'engagent entre les concurrents et presque toujours les primes ou les prix offerts ne sont qu'un prétexte pour stimuler ce que j'appellerai une sorte d'agiotage, qui agit sur la fortune publique à la manière des jeux de bourse.
Quant au public qui considère les courses comme un spectacle, je dirais qu'il vaut beaucoup mieux ne pas lui inspirer le désir de perdre son temps à contempler de semblables futilités.
Si l'on pouvait calculer le chiffre de la déperdition de force et de richesse occasionné pour un peuple, par une journée d'inaction et de dépenses inutiles et frivoles, on arriverait à un chiffre effrayant. Or, le subside qu'on nous demande est destiné à amener, dans une certaine proportion, un résultat devant lequel tout le monde reculerait s'il pouvait se constater par chiffre.
Messieurs, encourageons l'épargne et non la dissipation. Voilà notre rôle, tel est aussi notre devoir. C'est ce que M. le ministre des finances a parfaitement compris en présentant à nos délibérations le projet des caisses d'épargne et de retraite.
L'épargne développe le capital, et celui-ci est l'un des instruments indispensables du travail.
La consommation improductive diminue le capital, paralyse du moins son accumulation et tarit conséquemment la source où le travail vient puiser sa rémunération.
Loin de moi cependant le désir absurde de voir rétablir en la libre Belgique, les lois somptuaires des anciens et des modernes, mais tous ici dans cette Chambre nous sommes généralement d'accord à employer les mesures pour restreindre dans la limite du possible la consommation improductive au profit de la consommation productive.
Le gouvernement n'a certes pas le droit et encore moins le devoir de réglementer l'usage judicieux ou inintelligent du droit de propriété chez les particuliers.
Que les particuliers fassent un bon ou un mauvais usage de leur richesse, aussi longtemps qu'ils ne lèsent pas, dans des proportions désastreuses, l'intérêt général ou l'intérêt de leurs enfants, l'Etat n'a rien à y voir.
Mais l'Etat, qui n'est propriétaire que par délégation, ne peut faire usage de son bien et dépenser ses revenus que pour autant qu'il le fasse dans l'intérêt de tous et jamais dans l'intérêt exclusif d'une catégorie de contribuables au grand détriment de l'autre.
Quand le gouvernement de Rome antique accordait à son peuple énervé par le despotisme, le plaisir des spectacles publics il lui donnait aussi de quoi ne pas mourir de faim : Panem et circences.
Mais, en Belgique, messieurs, les classes laborieuses ne supportent-elles pas péniblement le prix élevé des choses les plus indispensables à la vie ?
La crise industrielle ne sévit-elle pas avec une intensité menaçante ?
La ville de Gand ne nous montre-t-elle pas le spectacle des plus vives souffrances ? La population ouvrière de cette laborieuse cité ne se réunit-elle pas dans des meetings, sous la préoccupation d'un chômage possible, je dirai même probable, des manufactures de coton ?
Que ferez-vous en présence d'une pareille situation ?
Vous êtes impuissants, dites-vous, à venir au secours de toutes ces victimes de la guerre d'Amérique !
Toutes les ressources de votre budget n'y pourraient suffire.
Nous voudrions réparer ces désastres, nous ne le pourrions pas !
Mais il y a de l'or pour les chevaux et pour les courses !
Je m'étonnerais si nos honorables collègues de Gand votaient l'amendement qui nous est proposé.
Le tableau navrant qui se déroule sous leurs yeux leur enlèvera le courage, je l'espère, malgré leurs sympathies personnelles pour les courses, (page 729) de demander à l'Etat d'indemniser ceux que leur fortune et leurs goûts attirent vers ce genre de plaisir.
Non, les circonstances ne sont pas faites pour nous arracher un vote de complaisance.
Je termine, messieurs, par une hypothèse.
Je suppose une nation composée de citoyens jouissant tous d'une position les mettant à l'abri du besoin, tout le monde ayant au moins le strict nécessaire.
Dans cette nouvelle Icarie, le gouvernement serait excusable de se livrer de temps en temps à des dépenses de luxe ; mais en Belgique, messieurs, sous un gouvernement démocratique et constitutionnel, où les intérêts de tous doivent être représentés et respectés, alors que tant de classes supportent péniblement le poids de nos impôts déjà si lourds, alors qu'il y a tant de souffrances à soulager, tant de bras courageux mais inactifs, tant de fonctionnaires à traitements insuffisants, tant de travaux utiles en retard d'exécution, en un pareil moment, en présence d'une situation aussi désolante, aussi navrante, accorder aux courses de chevaux le privilège des deniers du peuple serait, je le dis avec une conviction profonde, un défi lancé à la misère publique.
M. de Vrière. - Messieurs, l'honorable M. de Smedt vient de prononcer une philippique en règle contre l'institution des courses, et c'est au nom des principes de l'économie politique et en nous faisant une leçon complète sur les éléments de cette science, qu'il a cru devoir combattre la proposition que nous avons soumise à la Chambre.
M. de Smedt. - Je n'ai pas la prétention de donner ici une leçon à qui que ce soit.
M. de Vrière. - L'honorable membre nous a parlé des conséquences funestes des habitudes luxueuses qu'entraînent les courses qu'il appelle de stériles déperditions de forces.
J'espère ne pas offenser l'honorable membre en disant que je ne vois ici de déperdition de forces que celle dont il vient de nous donner le spectacle, en parlant de beaucoup de choses qui n'ont aucun rapport avec l'amendement que nous avons déposé.
L'honorable membre, dans les longues considérations auxquelles il s'est livré, s'est posé en adversaire, non pas absolu, il est vrai, car il a usé de certaines précautions oratoires dont nous comprenons la signification, mais en adversaire très prononcé de l'intervention de l'Etat en matière d'industrie, car c'est à peine si les dépenses faites par le trésor à l'occasion de l'exposition universelle de Londres ont trouvé grâce devant son rigorisme.
Je regrette que les opinions de l'honorable M. de Smedt en ces matières soient si arrêtées, car je dois certainement m'attendre à le rencontrer de nouveau sur mon chemin, quand je demanderai le maintien au budget du chiffre intégral du crédit pour l'encouragement de la pêche.
Mais, ce n'est pas seulement contre cette partie du budget que l'honorable membre devrait s'élever.
Ainsi, sans sortir du chapitre dont nous nous occupons, qu'est-ce que les primes que le gouvernement accorde aux étalons des particuliers ?
N'est-ce pas encore une intervention de l'Etat dans l'industrie privée ?
L'honorable membre dira que ce sont des étalons de gros trait, des reproducteurs du cheval employé dans l'agriculture qui reçoivent ces primes ; mais je lui ferai observer que les reproducteurs de sang ne sont pas exclus des primes ; il doit donc combattre celles-ci, d'abord parce qu'elles peuvent profiter, et profitent en effet à un certain nombre de chevaux qui ne peuvent pas servir aux travaux de l'agriculture, ensuite parce que les primes constituent une intervention de l'Etat dans une industrie particulière.
L'honorable membre a été plus conséquent lorsqu'il a critiqué le dépôt d'étalons de Gembloux. En effet, de quoi se compose ce haras ? Il se compose exclusivement, si je ne me trompe, d'étalons de pur sang, d'étalons de demi-sang et de trois quarts sang.
Quel est le but que le gouvernement s'est proposé en établissant le haras de Gembloux ? A quelle fin ce dépôt d'étalons est-il subsidié par l'Etat ? A quelles fins les Chambres ont-elles, chaque année, voté les crédits nécessaires pour cet objet ? Evidemment, messieurs, dans l'intérêt de la reproduction et de l'amélioration des chevaux de sang, des chevaux de luxe.
Le haras de Gembloux ne produit aucun cheval propre à l'agriculture. Par conséquent ceux qui combattent les courses comme n'intéressant point l'agriculture doivent également combattre le dépôt d'étalons de Gembloux.
Mais, messieurs, il y a ici une confusion dans les termes et dans les idées : Pour juger de l'utilité des dépôts d'étalons de sang et des courses, il ne s'agit pas de savoir si ces institutions ont pour objet et pour résultat de produire un des instruments du travail des champs ou de perfectionner cet instrument. La question à décider est celle-ci : Est-il avantageux, au point de vue de l'intérêt public, de créer une race de chevaux propres à tous les besoins si nombreux que crée une civilisation avancée ? Est-il, oui ou non, utile de nous affranchir du tribut immense que nous payons de ce chef à l'étranger ? Et quant à l'agriculture elle-même, est-il, oui ou non, utile qu'elle puisse diversifier ses produits, qu'elle parvienne, et je dirai tout à l'heure comment elle peut y parvenir, à produire avec les mêmes éléments, c'est-à-dire avec du foin, de l'avoine et des herbages, des chevaux d'une valeur souvent double et quelquefois triple de la valeur moyenne des chevaux qu'elle produit aujourd'hui ? Voilà quelle est la question.
D'où nous viennent, messieurs, les chevaux de luxe, les chevaux de selle, les chevaux de voiture, les chevaux de cavalerie même que ne us employons aujourd'hui ?
Ils nous viennent du Holstein, du Mecklembourg, du Hanovre, du Danemark, de l'Angleterre.
Un petit nombre de ces chevaux est né et élevé dans le pays, quoique nous fassions des progrès sous ce rapport. Quant aux chevaux de cavalerie, nos éleveurs en fournissent en moyenne 33 par an ; c'est, comme on voit, un chiffre insignifiant.
Or, ces splendides attelages, ces chevaux de selle distingués que nous admirons en si grand nombre dans notre capitale et dans nos grandes villes, qui les a élevés et qui les a nourris ? N'est-ce pas l'agriculture de leurs pays d'origine ?
Croit-on que ces chevaux de sang ont été élevés dans les châteaux de l'aristocratie anglaise ou allemande ?
Croit-on qu'ils ont été nourris avec d'autres produits que les chevaux ordinaires ; pense-t-on qu'ils ont participé à la table des seigneurs de leur pays ?
Ces nobles animaux, messieurs, sont, je pense, des produits de l'agriculture tout autant que le modeste bidet qui apporte des légumes au marché, l'un et l'autre ont consommé de l'herbe, de la paille et de l'avoine, à peu près en quantité égale, mais l'un vaut 200 fr., l'autre 2,000, voilà la seule différence qu'il y a entre eux au point de vue agricole.
Je sais bien, messieurs, que ce que je dis est contesté, je sais bien que tout le monde n'est pas d'accord dans ces questions, je respecte les scrupules, je sais qu'il y a eu des essais malheureux qui ont découragé beaucoup de cultivateurs ; mais, messieurs, ce que je respecte encore plus que l'opinion des agriculteurs qui n'ont pas réussi, c'est l'autorité des faits, c'est l'expérience faite à nos portes, par nos voisins, l'expérience faite par la France, par exemple, qui, pas plus que nous, n'était pourvue de chevaux de luxe en nombre suffisant, il y a un petit nombre d'années et qui possède aujourd'hui des ressources considérables sous ce rapport.
L'agriculture, des pays dont nous sommes tributaires, possède donc une richesse dont nous sommes dépourvus ; et qu'on ne pense pas que dans ces pays on soit moins soucieux que chez nous de veiller à la conservation et à l'amélioration des chevaux propres aux travaux agricoles ; c'est-à-dire de l'espèce qui joint la pesanteur à l'énergie musculaire. Qui ne connaît les chevaux de gros trait anglais, les plus admirables du monde ? qui n'a vu à Londres ces colosses qu'on dirait antédiluviens s'ils n'étaient pleins de feu et de vigueur, et qu'emploient les brasseurs et d'autres industriels ?
Eh bien, messieurs, ces chevaux sont élevés par l'agriculture anglaise à côté des pur-sang, et ils sont eux aussi les produits de l'infusion du sang étranger.
Maintenant sommes-nous, dès à présent, dans les conditions voulues pour produire le cheval de luxe sur une grande échelle ? Nullement, et voici pourquoi.
L'amélioration du cheval par le croisement, messieurs, est une science ; c'est une science dont la connaissance ne se répand qu'à la longue dans un pays ; et quand les notions de cette science se sont assez développées, assez propagées pour que l'éleveur procède, non plus au hasard, comme on l'a fait trop souvent chez nous, mais avec méthode et d'après des règles fixes, il faut plusieurs années encore avant qu'on obtienne des résultats sensibles et avantageux.
Les éleveurs du Holstein, du Mecklembourg, ceux d'Angleterre ne sont point parvenus, en quelques années, à fournir, comme ils le font aujourd'hui, des chevaux à toutes les écuries élégantes de l'Europe.
Il en est des chevaux comme des autres races d'animaux ; ce n'est pas au bout de quelques années non plus que les éleveurs anglais sont parvenus à doter leur pays de ces races bovine, porcine et ovine, dont les reproducteurs se vendent quelquefois des centaines de guinées. Tout cela (page 730) est l'œuvre du temps, de la persévérance ; c'est le fruit de l'observation et des règles consacrées par l'expérience.
Or, la première des conditions pour en arriver là, c'est d'avoir des chevaux de pur sang. C'est une règle générale, en botanique comme en zoologie, pour produire bien il faut, avant tout, de la bonne semence et de la semence en quantité suffisante.
L'Etat, chez nous, possède quelques reproducteurs ; mais outre que ces reproducteurs ne sont pas tous de première qualité, ils ne sont pas en assez grand nombre pour que leur influence ait pu se faire sentir vivement sur la production du pays.
Si l'on songe combien est courte la vie du cheval et combien est grande la consommation que le luxe amène, notamment dans un pays comme le nôtre, où les grandes villes se touchent, on comprend qu'un établissement restreint comme notre dépôt d'étalons ne peut produire que des résultats lents et incomplets. II faut donc attirer le cheval de pur sang en plus grande quantité et ce résultat ne peut être obtenu que par des courses où le cheval de sang, né et élevé dans le pays, vienne disputer des prix d'une valeur assez considérable pour donner des chances de dédommagement aux éleveurs.
A mesure que les courses se multiplieront, les notions de l'art hippique se propageront, la connaissance des règles qu'exigent le croisement et l'entretien du cheval de sang se répandra dans les campagnes ; il se formera des palefreniers, des grooms, des entraîneurs habiles, et le déchet des courses, si je puis m'exprimer ainsi, fournira chaque année aux autres usages du pays, un nombre toujours croissant de chevaux distingués
Mais tout cela ne peut naître et se développer que moyennant de grands sacrifices au début ; et ces sacrifices dépassent les forces de l'industrie privée.
Tant que l'Etat n'interviendra pas, vous pourrez avoir des courses d'une utilité relative, comme celles que nous avons aujourd'hui ; mais vous n'aurez point de courses de chevaux de pur sang indigène, les seules qui puissent à la longue doter le pays d'une race de chevaux légers pouvant soutenir dans le commerce la concurrence des chevaux de luxe étrangers.
Il faut donc choisir entre les deux systèmes : ou abandonner l'industrie chevaline à elle-même, renoncer à l'encourager, et supprimer même le seul instrument que nous possédions aujourd'hui pour développer chez nous une race de chevaux fins ; ou bien il faut l'encourager par tous les moyens que l'expérience a consacrés dans d'autres pays, comme les seuls propres à imprimer un développement rapide et fécond à l'élevage du cheval léger.
En Angleterre, la race des chevaux était encore informe lorsque les premières courses furent instituées il y a plusieurs siècles.
Ce ne fut que bien longtemps après et lorsque les courses étaient déjà populaires dans ce pays, que la science venant en aide aux éleveurs, on fit venir ces précieuses juments de l'Arabie, qui peu à peu ont formé cette admirable race anglaise dont la vigueur et la vitesse sont aujourd'hui supérieures peut-être à celles de toutes les autres races et qui constitue pour l'Angleterre une richesse en même temps qu'un légitime sujet d'orgueil.
En France l'utilité des courses et la nécessité de les subsidier largement ne sont plus mises en doute par personne, et l'élevage du cheval de pur sang et de demi-sang y est encouragé sous bien d'autres formes encore par le gouvernement.
Ainsi l'Etat entretient 1,250 étalons. C'est le chiffre réglementaire des haras.
Pour être dans les mêmes proportions, nous devrions avoir à Gembloux 180 étalons au lieu des 59 que nous possédons ; je ne demande pas que nous en ayons autant, il vaut mieux un petit nombre de reproducteurs de premier choix, qu'une quantité de chevaux médiocres.
Mais la France possède en outre un nombre considérable d'étalons de pur sang appartenant à des particuliers, et ce nombre augmente chaque année par suite de l'appât que présente le chiffre élevé des primes que leur accorde le gouvernement.
Voici, messieurs, quel était en 1861 le tarif applicable à l'approbation des étalons particuliers :
Pour l'étalon de pur sang, de 500 fr. à 1,000 fr.
Pour l'étalon demi-sang, de 300 fr. à 600 fr.
Pour l'étalon de gros trait, de 100 fr. à 300 fr.
Pour les animaux d'un mérite exceptionnel, d'une valeur élevée, ces chiffres peuvent être portés, savoir :
Pour l'étalon de pur sang à 3,000 fr.
Pour l'étalon de demi-sang à 1,500 fr.
Pour l'étalon de gros trait à 800 fr.
Le chiffre total des primes pour la monte dernière s'est élevé à la somme de 336,000 francs.
Vous voyez, messieurs, comment l'Etat encourage généreusement la production du cheval en France, et combien il encourage surtout la production du cheval de pur sang.
Ce n'est pas tout : Des primes également considérables sont accordées aux juments de pur sang et aux juments demi-sang. Ces primes se sont élevées, en 1861, pour les premières au chiffre de 90,000 francs, pour les secondes à la somme de 96,000 francs. Enfin, on accorde également des primes pour les pouliches de trois ans pleines.
Indépendamment de toutes ces primes et des prix considérables qui sont alloués à chaque course, le gouvernement, de concert avec les pouvoirs départementaux, a fondé de nouveaux et importants hippodromes.
De plus, il a, de la même manière, institué des écoles de dressage, et enfin, une écolo d'entraînement.
Grâce à toutes ces mesures, l'élevage et l'amélioration du cheval ont pris, en France, un développement rapide, plus rapide que dans aucun autre pays ; et le gouvernement français qui, il y a très peu d'années encore, était tributaire de l'étranger pour la remonte de sa cavalerie, trouve aujourd'hui, sur son propre territoire, des chevaux non seulement en quantité suffisante pour sa remonte en temps de paix, mais des chevaux plus solides que ceux que lui fournissait autrefois l'Allemagne.
En outre, la consommation en chevaux de luxe de la capitale et de ses grandes villes, est, en très grande partie, desservie par la production indigène.
Voilà, messieurs, où l'on est arrivé en France par des mesures intelligentes et des sacrifices que l'on est loin d'y regretter. Les courses sont devenues plus importantes à mesure que le gouvernement accordait des encouragements à l'élève du cheval, et que l'élève du cheval faisait des progrès ; et ces exercices, bien plus que chez nous encore, ont jeté de profondes racines dans les sympathies publiques.
Aussi, je le répète, l'utilité des courses n'est-elle plus discutée en France aujourd'hui. Elle l'était cependant il y a bien peu d'années encore.
La question des courses fut traitée incidemment à l'assemblée nationale, en 1849. Il se trouva alors un membre qui contestait aussi, comme vient de le faire l'honorable M. de Smedt (mais par des raisons puisées ailleurs que dans l'économie politique) qui contestait, dis-je, l'utilité des courses.
Or, voici ce que lui répondait un représentant d'un département qui renferme une des meilleures races de chevaux de France.
« Je crois, disait-il, que si l'on voulait voir au fond des foyers de production, on rencontrerait ceci ; c'est que partout où, depuis fort longtemps, il existe des courses, les races se sont améliorées.
« On a dit, par exemple, que dans la race des Pyrénées il y a eu dégénérescence et je déclare précisément au nom des départements pyrénéens que la race de la plaine de Tarbes ne s'est véritablement améliorée que le jour où l'on a commencé à instituer des courses et où l'on a persévéré précisément dans le but de former des chevaux de course. »
Après ces mots, messieurs, l'orateur fut interrompu et il ajouta :
« Je crois qu'on en pourrait dire autant des chevaux du Limousin. »
Je me permettrai, messieurs, de lire, en terminant, l'opinion de la plus haute autorité qu'on puisse consulter en cette matière. Voici comment s'exprime le directeur général des haras dans un rapport récent au ministre d'Etat :
Les courses seules, dit-il, par l'émulation qu'elles excitent, par l'appât des bénéfices qu'elles peuvent procurer en échange d'un coûteux élevage, les courses seules font produire dans le pays le type indispensable à l'amélioration. Sous l'apparence d'un spectacle frivole, elles sont l'encouragement le plus sérieux, le plus efficace que l'on puisse accorder à la reproduction. »
C'est là, messieurs, l'opinion d'hommes qui ont consacré de longues années d'étude à la science hippique, à l'amélioration du cheval ; d'hommes qui ont été éclairés par une longue suite d'observations et d'expériences. Eh bien, devant l'opinion de pareils hommes et devant les faits éclatants qui justifient leurs préceptes, je m'incline. Et c'est pour cela que j'ai signé l'amendement qui vous a été soumis par quelques-uns de nos honorables collègues.
(page 739) M. Vander Donckt. - L'honorable préopinant qui vient de se rasseoir a insisté longuement sur l'utilité d'établir et de favoriser les courses de chevaux de race. Personne n'a contesté l'utilité des courses dans l'intérêt des chevaux de sang, personne n'a contesté et ne conteste ; quoique le gouvernement n'ait plus subsidié les courses, que l'Etat ne soit plus venu en aide aux courses, elles n'en ont pas moins lieu, elles n'en prospèrent pas moins dans le pays. Le Journal des Haras énumère les localités où les courses ont eu lieu. En 1860, il y en avait à Mons, à Tournai, à Gand, à Namur, à Waereghem et à Spa. Voilà six localités qui ont eu des courses sans subsides du gouvernement ; en 1861, trois localités sont venues s'adjoindre à celles que je viens de citer, ce sont Bruxelles, Saint-Nicolas et Bruges ; en 1862, nous voyons Liège, Saint-Trond, Grammont organiser des courses.
Je le demande n'est-ce pas là l'argument le plus solide à objecter aux partisans des courses qui veulent que l'Etat intervienne par des subsides ? Si je devais répondre à l'honorable membre qui est si grand partisan de l'intervention du gouvernement, je demanderais ce que serait cette bagatelle de 30,000 francs à répartir entre douze localités.
Aujourd'hui, quand je vois les honorables membres de cette Chambre, M. de Montpellier défendre les courses de Namur, M. Tack celles de Waereghem, M. de Vrière celles de Bruges, je me demande s'il n'y a pas là un peu d'esprit de clocher, un peu d'intérêt de localité. Cela est évident à mes yeux ; en soutenant cette thèse, je crois être dans le vrai.
L'honorable M. de Montpellier m'a reproché d'avoir été sévère en disant, dans mon rapport, que subsidier les courses c'était dépenser l'argent des contribuables pour le plaisir des riches, pour le plaisir de quelques grands éleveurs propriétaires, amateurs de courses, qui voudraient faire payer leur plaisir, leur jouissance par le trésor public.
D'abord, cette assertion n'est pas de moi, nous verrons tout à l'heure quels en sont les auteurs. Ce sont les orateurs qui, en 1847, en 1848 et en 1849, ont pris part à la discussion de cette question, et dans la séance du 26 mai 1849, l'honorable M. H. de Brouckere, résumant les débats, disait : « J'ai relu toute la discussion, qui peut se résumer en un seul argument, c'est que ce subside n'est destiné qu'à favoriser le luxe et le plaisir des riches. Si je me suis fait l'écho de cette idée, c'est parce que je l'approuve, et que je la crois juste et vraie. »
Mais, n'en déplaise à l'honorable membre, la vérité est quelquefois bien dure à entendre.
On a répliqué à ce que M. le ministre de l'intérieur avait dit en 1848, que puisque les riches prospèrent ils devaient avoir leur part légitime des ressources du trésor.
Les riches doivent payer, et payer beaucoup, mais pour cela ils n'ont pas le droit de venir puiser dans le trésor public pour payer leurs dépenses de luxe et de fantaisie.
Les tendances vers un système de prodigalité qui se manifestent au sein de cette Chambre, ont lieu de m'étonner. Autrefois il y avait la plus grande peine pour les ministres d'obtenir les allocations nécessaires à leur budget ; ce n'était pas sans une certaine appréhension qu'ils en abordaient la discussion. Aujourd'hui, ils n'ont plus rien à craindre de ce chef.
On les engage, on les convie à majorer les allocations de leur budget et à en introduire des nouvelles, on veut les leur imposer, on les leur jette à la tête, et, en effet, ne l'a-t-on pas fait en demandant 100 mille francs pour la garde civique. Le ministre a répondu courageusement : « Je ne sais quel usage je pourrais faire en ce moment de ces 100 mille francs ; quand j'aurai eu le temps d'aviser sur ce qu'il y a à faire, il faut que je connaisse d'abord le résultat des expériences, j'aurai peut-être plus tard le moyen d'utiliser un subside semblable, mais pour le moment je ne pourrais en faire usage à un autre article du budget. » Viennent les partisans des courses qui demandent un subside de 50,000 fr., le gouvernement ne les demande pas et on veut les lui imposer ; il les refuse, il a raison ; je vais prouver qu'il a deux fois raison ; une troisième augmentation c'est celle qui résulte de l'amendement de M, Guillery, ce n'est plus de 30,000 ou de 100,000 francs qu'il s'agit, mais bien de plus de 700,000 fr., qu'on demande que le gouvernement augmente son budget pour l'instruction primaire.
Je dis moi que c'est à faire des économies qu'il faut songer, les budgets grossissent tous les ans à vue d'œil ; au lieu de proposer des économies ce sont toujours des augmentations ; qu'on demande quand on les discute, nous remarquons une étrange tendance des honorables membres à augmenter les budgets et à pousser les ministres plus loin qu'ils ne veulent aller.
Je comprends qu'on propose quelquefois d'introduire des allocations nouvelles quand elles sont justifiées nécessaires et indispensables, mais il me semble qu'en bonne logique, en bonne administration, il est prudent, il est sage de s'en rapporter à l'initiative du gouvernement.
Quand il s'est agi des fonctionnaires publics qui sont trop peu rétribués, les ministres ont été invités à rechercher les moyens d'améliorer la position des fonctionnaires, mais à la condition que ce serait en faisant des économies sur d'autres articles de leurs budgets.
Au lieu d'économies, vous ne cessez d'imposer de nouvelles charges. Ces honorables membres se mettent en contradiction avec eux-mêmes. Soyons logique : nous voulons des économies, faisons-en.
La seule réduction qui a été proposée, c'est celle de l'honorable M. Coomans, qui avait proposé la suppression d'une allocation qu'il ne croyait pas nécessaire ; cette suppression a été repoussée ; d'un côté on repousse les économies et d'autre part on ne cesse d'insister près des ministres pour faire augmenter, à tort ou à raison, les allocations de leur budget.
Messieurs, l'honorable préopinant a beaucoup insisté sur l'utilité des courses, sur les avantages immenses que l'on en avait retirés en France et en Angleterre.
Les honorables membres qui tiennent ce langage oublient un peu trop qu'ils sont en Belgique. Je n'accepte qu'avec une certaine défiance toutes ces grandes phrases que l'on nous débite pour vanter ce qu'on fait dans d'autres gouvernements. Nous sommes en Belgique et c'est en Belgique qu'il faut voir quel est le degré d'utilité que peuvent avoir les courses.
L'honorable membre nous a dit qu'il fallait encourager le cultivateur à se livrer à l'élève du cheval de luxe, et il lui a fait de brillantes promesses, il lui a dit que ses produits atteindraient un chiffre fabuleux.
Messieurs, ne perdons pas ici de vue que, pour notre agriculture, l'élève du cheval de trait est la seule qui peut être utile au campagnard, et cela par cette raison : c'est que le poulain, à l'âge de deux ans, lui sert déjà par son travail à augmenter la richesse et le bien-être de son exploitation, tandis que les chevaux de luxe, les chevaux de pur sang doivent être nourris et entretenus, non pas avec la nourriture ordinaire, mais avec une nourriture beaucoup plus substantielle et beaucoup plus recherchée, pendant quatre ans, avant que le cultivateur puisse en retirer la récompense de ses soins et de dépenses considérables.
C'est donc une très grande erreur de la part de l'honorable membre, d'engager le cultivateur à élever des chevaux de course. Ce serait, je l'ai dit tout à l'heure, à leur détriment.
D'ailleurs, veuillez le remarquer, ce n'est pas d'aujourd'hui que les cultivateurs se sont adonnés à l'élève du cheval de course et du cheval de race et qu'ils en sont revenus avec une perte considérable. Il y a une observation à faire : c'est que sur ces produits, il n'en est pas un sur cent qui réponde à l'attente de l’éleveur.
Messieurs, je comprends l'élève des chevaux de course, des chevaux de sang, dans certaines contrées où la nourriture est à bon marché, où l'on peut élever ces chevaux, comme en Allemagne, dans les steppes où ils ne coûtent presque rien, où la terre ne produit presque rien en bail. Là cela est possible.
Mais en Belgique, dans nos Flandres, où la plus petite parcelle de terre paye un prix énorme de bail, il est impossible que le cultivateur élève avec avantage des chevaux de course, des chevaux de sang.
Nos poulains indigènes sont nourris d'herbages et de trèfles secs ou verts, et ils possèdent toujours les qualités nécessaires au cheval de labour ; les chevaux de luxe exigent une nourriture choisie, substantielle et coûteuse, et beaucoup plus de soins, et s'ils ne sont pas parfaits, ils n'ont aucune valeur et ne sont littéralement bons à rien. N'entraînez donc pas nos cultivateurs à courir les chances et les paris de l'hippodrome ; les jeux de hasard et les loteries sont prohibées par nos lois, et le cultivateur n'est déjà que trop exposé aux mauvaises chances à courir pour ses récoltes.
Voilà ma réponse aux observations de l'honorable préopinant.
Messieurs, dans le rapport que j'ai eu l'honneur de vous présenter il y a quelques jours et que l'honorable M. de Brouckere a taxé d'un long plaidoyer contre les courses, je me suis attaché à vous exposer les différentes phases qu'avait subies l'allocation du subside qui a été inséré pendait quelques années au budget.
D'abord en 1848, comme j'ai eu l'honneur de le dire, les honorables MM. Bricourt et Desaive ont demandé la suppression du subside et j'appuie sur ce nom, parce que c'est celui d'un agronome distinguée, d'un homme qui était sincèrement attaché à tout ce qui est d'intérêt agricole. (page 740) Eh bien, lui tout le premier venait demander la suppression de cette allocation.
L'honorable ministre de l'intérieur, à cette époque, insistait aussi pour qu'on maintînt l'allocation ; il disait qu'il y avait des engagements pris avec des particuliers, avec des détenteurs de chevaux de race et que l'on ne devait pas supprimer ainsi et sans examen une allocation. A force d'insistance, l'honorable ministre parvint à faire retirer pour cette fois l'amendement présenté par MM. Bricourt et Desaive, sur l'engagement pris par M. le ministre d'examiner l'affaire. Mais, l'année suivante, la section centrale demandait elle-même la suppression du crédit, et à une grande majorité, la Chambre a voté la suppression de cette allocation.
A ce propos, je tiens à vous donner lecture de quelques passages des discours des honorables membres qui ont parlé dans cette affaire. Feu notre regrettable président M. Delfosse que je me plais à citer souvent parce que sa parole était d'une grande autorité.
Il disait : « En admettant même que les courses de chevaux aient un côté réellement utile, toujours est-il que cette utilité n'a pas une importance assez grande pour qu'elle l'emporte sur le besoin d'économie qui se fait vivement sentir.
« Le maintien de ce chiffre au budget serait un acte injustifiable.
L'honorable M. Jullien prit aussi une part active à cette discussion. Alors qu'en 1850, l'honorable M. de Brouckere, revenant sur la décision de 1849, voulait faire rétablir au budget, par un amendement, une allocation de 10,000 fr., l'honorable M. Jullien disait :
« La Chambre a rejeté l'allocation, après une discussion approfondie ; il y aurait peu de dignité, de la part de la Chambre, à rétracter sa première décision, qu'elle a prise après mûre délibération ; il y aurait peu de dignité à déclarer bon et utile ce qu'on a déclaré hier mauvais.
« La Chambre ne peut mieux faire que persister dans sa résolution, qu'elle a prise à la grande satisfaction du pays. »
Messieurs, j'insiste sur ces paroles et je le déclare, si, contre mon attente, l'allocation était portée au budget, ce serait une allocation des plus impopulaires, qui entraînerait la réprobation générale des contribuables, et qui serait vivement critiquée par ceux-là mêmes qui viennent assister à vos courses.
Oui, elle est aujourd'hui très impopulaire et je regretterais beaucoup un vote de la Chambre qui admettrait de nouveau une allocation qu'elle a rejetée après deux années consécutives de discussion, par cette considération fondamentale : c'est que les courses de chevaux, telles qu'elles ont été organisées n'ont pas profité à l'agriculture, et cette résolution a été corroborée et pleinement confirmée en 1848 par le congrès agricole qui, à une immense majorité, s'est prononcé contre le subside comme n'étant d'aucune utilité pour l'agriculture, comme je l'ai dit dans mon rapport.
Il ne faut pas, messieurs, aller chercher ni en France, ni en Angleterre les motifs qui militent en faveur des courses. Il ne faut pas non plus, comme le Journal des Haras, alléguer comme modèles les cirques de la Grèce et de Rome et comme d'autres vanter les courses des thessaliens de l'Epire, Mycènes et Argos, nous citer les haras en Orient, même avant que l'islamisme y fût introduit ; ces arguments qu'on va chercher bien loin et dans les siècles passés ne prouvent qu'une chose, c'est la pauvreté des moyens de défense et le défaut de bons arguments que l'on a à faire valoir en faveur des courses.
S'il y avait un véritable intérêt pour le pays à introduire ces allocations, on ne trouverait personne qui s'y opposerait.
Par tout ce qui précède je suis autorisé à dire et je pose en fait que les courses n'ont aucune utilité réelle pour l'agriculture, que le principal but consiste en paris, en spectacle et divertissement pour les classes aisées de la société.
C'est une dépense de luxe, c'est une dépense faite en faveur de quelques grands propriétaires, de quelques amateurs de chevaux, et il ne faut pas, dans un moment où le budget est encore à la veille de subir des aggravations de dépenses en faveur des fonctionnaires publics, en faveur des classes ouvrières, en faveur de l'instruction, en faveur d'une foule d'autres intérêts, infiniment plus respectables et mieux justifiés, ce n'est pas dans un pareil moment qu'il faut introduire des dépenses de luxe. Si cela était, ce n'est pas au chapitre agriculture qu'elles devraient trouver leur place.
S'il fallait les caser quelque part, il faudrait plutôt ajouter aux différents budgets un chapitre nouveau intitulé : « Dépenses de luxe et gaspillage. »
M. Coomans. - C'est une idée.
M. Vander Donckt. - Messieurs, une fois l'allocation reproduite au budget, vous savez tous combien il serait difficile de la déraciner. Une fois introduites dans le budget, ces allocations prennent racine, augmentent et se développent comme les mauvaises herbes dans le champ. Tous les ans vous auriez de nouvelles pétitions et des demandes d'augmentation de ce subside.
Et, en définitive, messieurs, je vous le demande, qu'est-ce que c'est que cette bagatelle de 50,000 fr. pour les douze localités où il y a des courses ?
On a déjà fait cette objection en 1848 : « Que ferez-vous de cette somme ? nous a-t-on dit, et c'était cette fois l'honorable M. Orts qui faisait l'observation, ou bien vous réserverez les 30,000 fr. à la ville de Bruxelles seule, et alors ce sera une seule localité qui sera favorisée, ou bien vous partagerez la somme et alors vous arriverez à donner à chaque localité un subside de 2,000 fr. pour des courses qui coûtent 10,000 à 15,000 francs par jour.
Vous comprenez, messieurs, que c'est là une absurdité.
En terminant, messieurs, je pose ce dilemme aux partisans des courses : ou bien votre amendement est sérieux et sincère, et dans ce cas le subside est si minime pour chaque localité qu'il n'en vaut pas la peine ; ou bien il y a une arrière-pensée d'accepter pour le moment la minime somme de 30,000 francs, sauf à demander successivement des augmentations jusqu'à ce qu'on soit arrivé à un chiffre considérable, et suffisante pour satisfaire les demandeurs.
J'espère que la Chambre prendra ces observations en sérieuse considération et qu'elle repoussera l'amendement.
(page 730) M. Snoy. - Messieurs, les courses de chevaux contribuent à l'amélioration de la race chevaline, je le reconnais volontiers ; ces courses sont aussi un spectacle fort intéressant, fort amusant, et dont certaines villes, qui en sont le théâtre, tirent un grand profit, par la masse de curieux qu'elles attirent ; elles donnent lieu à des dépenses considérables quelquefois, et qu'on estime, pour certaines villes de province, à 20,000, 30,000, peut-être même 40,000 francs. Mais si ces courses sont une source de bien-être pour quelques villes, (page 731) ce n'est pas une raison pour le gouvernement de puiser dans la bourse commune pour les subventionner.
On oublie trop qu'en définitive les fonds de l'Etat sont le produit des contributions de tous, et que le gouvernement ne doit en disposer que dans l'intérêt de tous.
N'oublions pas que nous avons au budget une somme de 93,500 francs, inscrite pour l'amélioration de la race chevaline ; cette question est donc hors de cause ; et, si elle ne l'était pas, on pourrait se demander si ce n'est pas avant tout le jugement, le tact et les connaissances de l'éleveur qui doivent amener principalement l'amélioration de la race.
Mais je n'ai pas à examiner ce point en ce moment, et il me suffira de vous dire que chaque fois que, dans cette Chambre, on viendra nous proposer une dépense ayant le caractère d'une nécessité publique, et qu'on me prouvera que l'initiative privée est impuissante à la réaliser, je voterai cette dépense de grand cœur.
Mais, chaque fois aussi qu'on me demandera d'employer l'argent de tous les contribuables à favoriser telle industrie plutôt que telle autre, je vous demanderai de quel droit vous voulez favoriser l'une au détriment de l'autre ; et lorsqu'il n'y aura pas une nécessité bien démontrée, je combattrai la proposition.
M. Coomans. - Messieurs, l'impôt est prélevé en partie sur le nécessaire des citoyens, d'où, selon moi, ce principe que l'impôt n'est juste et légitime que lorsqu'il est nécessaire.
Tel est le texte du discours en plusieurs points que j'ai à vous faire.
Si j'y mets un peu de vivacité, la Chambre voudra bien l'excuser eu égard à l'indignation réelle que me fait éprouver cette mendicité persistante, périodique, chronique en faveur des bêtes les plus riches, les mieux nourries, les mieux logées et les plus inutiles de toute la Belgique (Interruption.)
Messieurs, je l'avoue humblement et tristement, nous, partisans des économies, nous jouons de malheur ; nous sommes bien loin des beaux jours, beaux jours financiers de 1848 et de 1849 ; alors la Chambre tout entière exigeait des économies ; alors le gouvernement, spectacle plus rare, ne se bornait pas à en promettre, mais en réalisait ; alors le pays unanime nous approuvait ; alors le gouvernement nous promettait de la façon la plus solennelle de ne pas s'arrêter en si beau chemin, mais de faire beaucoup mieux dans l'avenir, ajoutant que s'il n'avait pas fait davantage jusque-là, c'était parce qu'il ne pouvait pas tout improviser.
Depuis lors, messieurs, au lieu de continuer à faire des économies, on n'a pas cessé de nous proposer des dépenses nouvelles que la Chambre a bénévolement votées.
Le budget de l'intérieur, par exemple, ce budget déjà si scandaleusement gonflé, s'arrondit sans cesse dans toutes les occasions, sous tous les prétextes, et je commence à croire, ce sera une de mes dernières illusions que je verrai s'évanouir, je commence à croire qu'il n'y a pas moyen de faire des économies. Je proteste contre cette tendance et contre ces procédés.
Il me semble, messieurs, que les honorables signataires de l'amendement ont oublié que nous discutons le chapitre de l'agriculture. Disons la vérité ; au point de vue de l'agriculture, les chevaux de course sont des rosses dont aucun paysan bien avisé ne donnerait deux sous. Si encore vous les placiez au chapitre des beaux-arts dans les attributions de M. Romberg, en supposant qu'ils aient une certaine valeur plastique, ce dont je doute fort, ou si vous les insériez dans le programme des fêtes de septembre, parmi les mâts de cocagne, les courses des pauvres femmes dans le sac, officiellement rétribuées ; si vous faisiez cela, je vous comprendrais à la rigueur ; mais mettre au chapitre de l'agriculture, au seul chapitre, pour ainsi dire, du budget qui intéresse les paysans, y mettre, dis-je, nos chevaux de course et les faire payer par les paysans, c'est trop fort, c'est une mauvaise plaisanterie. (Interruption.)
Messieurs, savez-vous ce que pense le paysan de vos chevaux de course ? Je m'en vais vous le dire : il les compare à ces demoiselles de haut parage, ayant reçu une très jolie éducation, faisant bonne figure dans les bals, les concerts, etc., mais dont aucun campagnard ne voudrait pour être gardeuses de dindons. (Interruption.)
Que chacun reste à sa place, la demoiselle au salon, la gardeuse de vaches à l'étable, et vos chevaux de course dans les hôtels que vous leur construisez, hôtels cent fois plus beaux, plus confortables que les milliers de pauvres masures où végètent tant de contribuables. (Interruption.)
Nos miliciens sont plus mal logés que vos chevaux. (Interruption) L'honorable général Chazal l'a reconnu l'autre jour, il a avoué que beaucoup de nos casernes sont en quelque sorte pestilentielles. (Interruption.) Du reste, je n'avais pas prémédité cet argument. Je n'en ai pas besoin. C'est l'interruption d'un honorable collègue qui vient de me l'arracher.
M. Guillery. - C'est mettre en avant un malheureux sentiment que de comparer les hommes à des chevaux et la manière dont les uns et les autres sont nourris. Ce n'est pas là un sentiment démocratique.
M. Coomans. - Tant pis pour ceux qui m'obligent à faire de semblables comparaisons.
Les défenseurs de l'amendement sont en plein aveu ; ils ont fait un bilan superbe de l'opération, écoutez-les : la ville de Namur a gagné 20,000 francs à ses courses ; eh bien, que la ville de Namur paye les frais de ses courses ; Waereghem s'en est bien trouvé, ajoute-t-on ; eh bien, que Waereghem s'impose aussi les sacrifices nécessaires ; la ville de Bruxelles a vu accourir 50,000 spectateurs à ses courses ; ces courses ont donc été lucratives. Evidemment ces 50,000 spectateurs ont fait gagner quelque chose aux commerçants de Bruxelles, aux petits industriels, aux grands peut-être ; et la ville de Bruxelles juge bon de faire cette spéculation, j'y consens ; je l'approuverai même.
Remarquez qu'il est injuste de nous dire que nous sommes les adversaires des courses de chevaux ; l'honorable M. de Vrière s'est grandement trompé, nous ne les combattons pas ; nous ne vous gênerons pas dans l'organisation de vos courses de chevaux ; au contraire ; vous userez pleinement de votre droit ; comptez même sur notre souscription.
Vous nous prouverez, tant que vous voudrez, que vous les faites ces courses dans l'intérêt du paysan ; j'en douterai un peu, mais je vous le laisserai dire. Ce que nous ne voulons pas, c'est rétribuer vos courses.
Quoi ! l'autre jour encore, et nous allons voir si c'est un mauvais sentiment qui m'inspire ; l'autre jour, nous vous avons démontré, nous nous sommes démontré les uns aux autres que pour les logements militaires vous préleviez un impôt injuste, inconstitutionnel sur un grand nombre de familles belges, et vous ne trouviez pas de quoi les indemniser ! Je vous ai démontré que vous mainteniez illégalement sous les drapeaux une foule de miliciens, que vous-exerciez contre eux la contrainte par corps pour des dettes de 25 à 50 francs, et vous n'avez pas ouvert le budget pour réparer ces injustices ! Eh ! messieurs, si vous avez de l'argent de trop, commencez par là.
On a fait aussi un grand étalage de la foule qu'attirent les courses. Ai-je jamais nié cela ?
Mais, messieurs, les badauds ont été de tout temps en majorité ; il est si facile d'avoir une foule ! Que signifie donc cet argument qui se retrouve dans tous les discours que j'entends ?
Hélas ! la foule aime les monstres et c'est pour cela qu'elle court à vos courses ; il y avait foule aux dernières assises de Mons pour la bande noire, il y avait foule encore aux assises de Bourg. Croyez-vous que si vous pouviez exhiber à Bruxelles, à Namur, fût-ce à Waereghem, n'importe où, Dumolard avec ses servantes mortes et vivantes, vous n'auriez pas autant de monde qu'à vos fêtes hippiques ? Que signifie dès lors votre argument ? Effacez désormais la foule de vos discours.
Messieurs, on a beaucoup parlé de l'Angleterre. Je dois le dire, on use et abuse étrangement de l'Angleterre dans nos débats. Je ferai observer que l'exemple de l'Angleterre est contraire à vos prétentions.
On vous assure, je n'ai pas vérifié le point, qu'il y a eu en Angleterre des courses de chevaux de temps immémorial, qu'il y en avait dès le XIIème siècle ; c'est possible ; mais je suis bien persuadé qu'aucun budget anglais n'a jamais subsidié ces courses. (Interruption.) J'en suis sûr ; les Anglais ont trop de bon sens pour se livrer à de pareilles dépenses.
M. de Vrière. - En Angleterre, les souverains ont largement subsidié les courses, à l'origine.
M. Coomans. - Avec leur argent, soit. On a dit une chose semblable dans un mémoire qu'on nous a distribué hier. On a parlé d'encouragements officiels ; je n'en crois rien, à moins que ce ne soit sous Richard Cœur de Lion (interruption) qui s'occupait de ses chevaux plusque de ses sujets.
Je prierai l'honorable M. de Vrière, qui paraît connaître mieux que moi l'histoire d'Angleterre, de me citer un seul acte royal ou parlementaire qui justifie son assertion.
M. Hymans. - Il n'y a pas eu de subsides officiels en Angleterre.
M. Coomans. - Vous avez raison. Veuillez-le redire à l'honorable. M. de Vrière.
J'ajoute que la perfection du cheval anglais est contestée au point de vue militaire, ou du moins exagérée, puisque la cavalerie anglaise se recrute au Hanovre, tout comme la nôtre. Et puis, prenez-y garde, au XIIème siècle ! C'était un temps furieusement rétrograde ! Si vous devez remonter si haut pour trouver vos arguments et les bons exemples, je vous trouve assez imprudent ! Il se faisait au XIIème siècle bien des choses que vous ne voudriez pas faire aujourd'hui.
Du reste, j'aime à croire qu'au XIIème siècle cette sottise ne figurait dans aucun budget.
(page 732) J'ai déjà reconnu, à diverses reprises, qu'au chapitre de l'agriculture, il se trouve beaucoup de dépenses qui ne devraient pas y figurer. Si les partisans du commerce et de l'industrie veulent y mettre un peu de bonne volonté, et s'exécuter libéralement avec moi, j'en montrerai aussi. Qu'ils effacent au chapitre de l'industrie des dépenses qui peuvent sans inconvénient en disparaître ; pour ma part, je suis prêt à prendre l'initiative de la suppression des trois quarts des dépenses qui figurent au chapitre de l'agriculture.
Je crois avec d'honorables collègues que ce qu'il faut surtout à l'agriculture, c'est de la liberté, de l'ordre, une bonne répression du vagabondage, beaucoup de chemins vicinaux, le moins d'impôts possible, c'est de laisser aux agriculteurs le soin de gérer leurs bourses, de créer leurs chevaux ; ils ne vous demanderont pas votre concours.
Ensuite, quand même vous parviendriez à démontrer qu'il y a une certaine utilité dans le subside que vous demandez pour les courses de chevaux, ce ne serait pas un motif pour moi de le voter.
Je reconnais volontiers que toutes les dépenses que fait le gouvernement profitent à quelque chose ou à quelqu'un. Cela est évident ; mais, pour moi, je n'admets de dépenses que lorsqu'elles sont nécessaires, ou du moins lorsqu'elles sont d'une utilité incontestable.
Vous me prouverez facilement qu'il y a, je le répète, une certaine utilité à l'élevage luxueux des chevaux. Je ne le nierai pas, mais je dirai que c'est votre affaire. Si l'industrie est bonne, fiez-vous à elle ; donnez-lui la liberté et elle n'aura pas besoin de subsides. Si elle en a besoin, elle ne vaut rien.
Décidément je ne veux plus de primes ; je l'ai dit depuis une douzaine d'années, mais je vois que l'on revient à chaque instant ici sur des décisions antérieures, ce qui fait que je reste souvent seul de mon avis. (Interruption.)
C'est encore de l'histoire ancienne, non pas du XIIème siècle, mais de 12 ans. Il y avait alors à la Chambre un toile général contre les primes. « A bas les primes ! » disait-on et disait aussi M. le ministre des finances dont la voix était naturellement prépondérante.
« A bas les primes ! » Hélas ! les primes rentrent peu à peu dans le budget sous toutes sortes de formes. Nous avons, il y a une douzaine d'années, à la sueur de notre front, expulsé les chevaux anglais du budget et voilà qu'ils y rentrent par la porte dérobée de l'amendement.
Le gouvernement n'ose pas leur ouvrir à deux battants les portes de son initiative.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Le gouvernement combat l'amendement.
M. Coomans. - Je suis charmé de l'apprendre. Si l'honorable ministre des finances me l'avait dit plus tôt, j'aurais beaucoup raccourci mon discours, car je suis maintenant presque certain que l'amendement ne passera pas et c'était mon seul but.
Remarquez bien, messieurs, que les partisans du subside avaient en 1849 un argument sérieux qu'ils n'ont plus aujourd'hui.
En 1849 il y avait en quelque sorte des droits acquis aux sociétés existantes, qui pouvaient compter sur la continuation du subside.
C'est un argument qui a produit sur moi un certain effet à cette époque.
Ces sociétés, en effet, avaient pu opérer en vue de subsides. Eh bien, nous n'avons cependant pas été arrêtés par cette considération. La prime pour les courses a été supprimée à une forte majorité.
Aujourd'hui le nombre des sociétés a doublé, elles se sont développées, j'espère, sans espoir de subsides, et j'aime à croire que les honorables signataires de l'amendement ne leur ont pas garanti le subside de 30,000 francs demandé aujourd'hui.
- Un membre. - Non certes.
M. Coomans. - Vous avez agi sagement, car il m'est avis que la Chambre n'aurait pas fait honneur à votre signature.
Or, si les sociétés se sont formées et se sont multipliées sous un régime de liberté, il est clair que ce n'est pas le manque de ces 30,000 francs qui les fera tomber.
D'ailleurs, hélas ! ces choses-là ne tombent pas si vite. Il y a toujours assez d'amateurs pour les maintenir sur pied.
Messieurs, je veux être court, cependant je dois vous faire observer encore que les chevaux mangent déjà au budget pour plus de 200,000 francs.
L'industrie belge tout entière ne reçoit que 219,000 fr. au budget.
Les lettres, etc., ne reçoivent qu'une centaine de mille francs.
Les aveugles et les sourds-muets, qui sont plus nombreux en Belgique que vos coursiers factices, n'ont en tout que 20,000 francs.
Les écoles normales, qui sont d'excellentes institutions, n'en ont que 67,000, et à ce propos il me vient une idée qu'avec ma franchise habituelle je dois exprimer, au risque de déplaire à quelques amis ; j'ai été assez étonné de voir plusieurs de mes honorables amis signer cet amendement, alors que je les crois presque tous décidés à voter contre l'amendement qui a pour but d'augmenter l'allocation pour l'enseignement primaire et qu'a été présenté par un honorable membre de la gauche.
J'avoue, messieurs, que je ne comprends pas bien qu'on puisse voter un subside pour des chevaux de luxe, qui jouissent et jouiront toujours d'un patronage précieux et puissent, alors qu'on se refuse à voter des fonds nouveaux pour l'enseignement.
Quant à moi, je veux être logique. Je ne voterai pas les fonds pour l'enseignement parce que je veux réaliser des économies en tout et pour tous. C'est la principale raison qui me fera repousser l'amendement de l'honorable M. Guillery, mais je repousserai aussi votre amendement pour les courses.
Je vous ai lu, messieurs, quelques chiffres du budget qui prouvent que nous n'appliquons guère les principes de la justice distributive ; 230,000 francs aux chevaux, et 20,000 fr. seulement aux sourds-muets, cela n'est pas équitable.
Je voterai donc centre l'amendement ; je trouve qu'il y a déjà assez des bêtes qui vivent du budget.
Messieurs, j'aurais encore beaucoup de choses à dire, mais je compte, pour remplir les lacunes de mon discours, sur le concours de mon honorable ami M. de Naeyer qui a tant contribué, il y a une douzaine d'années, à renvoyer les chevaux de courses dans leurs écuries privées. Qu'ils y restent aux frais de leurs maîtres, qui n'ont pas besoin des deniers du public.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Messieurs, je ne regrette pas d'avoir attendu pour faire connaître mon opinion en cette matière ; j'aurais pu, en parlant plus tôt, priver la Chambre du discours que vient de prononcer l'honorable M. Coomans.
Messieurs, la discussion actuelle a un cachet tout particulier.
Pendant deux séances nous nous trouvons en plein jockey Club. On n'entend parler que de dressage et d'autres termes du turf.
On m'a fait de gracieuses avances pour me déterminer à appuyer l'amendement.
Je ne me laisserai cependant pas entraîner... (interruption), et je crois devoir déclarer immédiatement que le gouvernement ne peut se rallier à la proposition qui lui est faite.
Messieurs, qu'on veuille en être bien convaincu, si je m'oppose à l'adoption de cet amendement, ce n'est point, comme on l'a dit, parce que les courses sont le plaisir des riches et des classes élevées de la société.
Pour moi, cet argument n'en est pas un. Je crois que tous les Belges sont égaux devant la loi, et que les riches, comme les bourgeois et comme les pauvres, ont droit à la protection du gouvernement. Si jamais les classes riches avaient besoin du concours de l'Etat, je serais le premier à le leur prêter. On m'accusera peut-être aussi de ne pas comprendre les mystères du sport, de ne pas apprécier à leur juste valeur les grâces, les beautés des chevaux de course et des jockeys qui les montent, en d'autres termes d'être un Béotien en cette matière, comme en beaucoup d'autres peut-être.
Il n'en est rien ; tout en m'opposant à la proposition qui vous est faite, je puis déclarer à la Chambre que j'apprécie hautement ces fêtes, ces spectacles et que j'ai depuis longtemps l'honneur de faire partie d'une société de courses, de la société de Waereghem.
Chaque année je paye religieusement et avec le plus grand plaisir ma contribution, fort peu élevée du reste, je l'avoue. Je doute que tous les membres qui ont signé l'amendement puissent en dire autant et fassent partie de l'une ou de l'autre société de courses.
M. de Naeyer. - Très bien !
- Un membre. - Il y en a quelques-uns.
M. Allard. - Moi je paye une rétribution à Tournai.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Je vous en félicite et je veux bien croire que quelques membres sont dans le même cas que moi, mais je dis que, parmi ceux qui ont signé l'amendement, et parmi ceux qui le voteront, il en est un bon nombre qui ne peuvent pas dire qu'ils font quelques sacrifices en faveur des courses de chevaux.
Il est très facile d'encourager par sa parole, par son éloquence, ce genre d'exercices ; mais quand il s'agit de prêter un concours plus efficace, on s'abstient. Quant à moi, je fais le contraire.
Je crois, messieurs, que ce n'est pas le gouvernement qui doit subvenir à des dépenses de ce genre, mais bien les particuliers, et je prêche d'exemple. Si ma contribution jusqu'à présent a été minime, c'est parce qu'on ne m'a pas demandé davantage ; je me déclare prêt à intervenir personnellement pour une somme plus forte.
(page 733) On a parlé de l'Angleterre, mais il est certain que, dans l'état actuel des choses, le gouvernement anglais n'intervient pour rien dans l'encouragement des courses de chevaux.
Serait-il plus difficile en Belgique qu'il ne l'est en Angleterre, de trouver un nombre suffisant de personnes riches disposées à souscrire chacune pour une centaine de francs, en faveur de ces fêtes hippiques ? Je ne le pense pas.
Plusieurs des membres qui ont pris la parole avant moi, messieurs, ont fait connaître les principaux motifs pour lesquels il est utile de rétablir au budget une allocation pour les courses de chevaux.
Vous n'ignorez pas qu'il y a quelques années, en 1850, je pense, cette allocation a été supprimée. J'ai contribué à cette suppression, sinon par ma parole, du moins par mon vote. Ce ne serait pas un motif, sans doute, pour persister encore dans cette opinion, si j'eusse cessé de la croire fondée ; mais je dois dire que jusqu'à présent je n'ai entendu alléguer aucun motif de nature à modifier mon opinion première.
On se base sur des considérations de deux ordres différents : l'utilité des courses et l'attrait qu'elles ont pour les nombreux amateurs qui s'y rendent. En ce qui concerne l'utilité des courses au point de vue de l'amélioration de la race chevaline, plusieurs orateurs ont, ce me semble, démontré que cet argument est dénué de toute valeur. Et quant à l'attrait qu'offre ce spectacle, ces fêtes profitant aux villes ou elles se donnent, il est juste que ces villes contribuent pour une part dans la dépense.
Le gouvernement l'a compris ainsi ; et lorsqu'il s'est agi de fêtes nationales, des fêtes de septembre, entre autres, il n'a pas hésité un instant à mettre à la disposition des sociétés qui contribuaient à les embellir, des subsides qui se sont élevés jusqu'à la somme de 6,000 francs.
Vous le voyez, messieurs, je ne fais que résumer en quelque sorte le débat ; je ne veux pas m'étendre longuement sur ce chapitre. Cependant, il est un dernier argument qui m'a frappé et qui prouve que les sociétés de courses peuvent marcher et progresser sans le concours de l'Etat. A l'époque où le gouvernement subsidiait les courses de chevaux, il existait quatre sociétés de courses ; depuis lors, sous le régime de la liberté, le nombre de ces sociétés s'est constamment accru ; et, en 1862,nous en comptons 12, si mes renseignements sont exacts.
On me dit que ces sociétés ne répondent pas complètement au but qu'on veut atteindre. Cependant il est certain qu'elles sont en voie de progrès et qu'elles s'améliorent sensiblement. Aussi est-ce surtout en matière de courses, qu'il est vrai de dire qu'il n'y a que le premier pas qui coûte.
En résumé, messieurs, et sans vouloir suivre les honorables MM. de Smedt et Coomans dans les considérations qu'ils ont présentées, je crois qu'il y a des dépenses à faire par l'Etat, beaucoup plus urgentes et beaucoup plus nécessaires que celles relatives aux courses de chevaux ; pour ce motif encore je suis obligé de combattre l'amendement qui nous est proposé.
- Plusieurs membres. - Aux voix ! Aux voix ! La clôture !
M. le président. - Il y a encore cinq orateurs inscrits. La parole est à M. de Haerne.
M. de Haerne. - On demande la clôture, je renonce à la parole si la Chambre veut clore la discussion.
M. le président. - La clôture est-elle demandée ?
- Plusieurs membres. - Oui ! oui !
- D'autres membres. - Non ! non !
M. Coomans. - Je n'ai plus rien à dire, mais je désire que cette discussion sur les courses de chevaux soit la dernière et qu'elle s'épuise naturellement. Je demande donc que les cinq membres inscrits veuillent bien prendre la parole pour en finir. Quant à moi, je m'engage à ne plus parler.
M. le président. - Insiste-t-on pour obtenir la clôture ?
- Voix diverses. - Oui ! oui ! Non ! non !
- M. le président constate que la clôture est demandée par plus de dix membres.
M. Guillery (sur la clôture). -Je demande la clôture par la raison bien simple que la Chambre a encore à s'occuper de questions bien plus importantes et parmi lesquelles il en est de très urgentes.
Or, quelque intérêt, quelque bienveillance que l'on puisse avoir pour l'amendement relatif aux courses, on ne peut pas considérer cet intérêt comme pouvant être mis en balance avec les autres, qui sont en souffrance à l'heure qu'il est.
La question a été élucidée, elle a été discutée beaucoup plus que telle ou telle grande question, emportant une dépense de plusieurs millions, sur laquelle nous avons voté sans débat approfondi.
Je demande donc formellement la clôture, parce que la Chambre n'a pas le temps de s'occuper plus longtemps des courses de chevaux.
- La clôture est mise aux voix et prononcée.
M. le président. - L'amendement est ainsi conçu :
« Encouragements aux sociétés ayant pour objet l'extension des courses, comme moyen d'améliorer la race chevaline au point de vue de l'agriculture : fr. 30,000. »
- Plusieurs membres. -L'appel nominal !
- Il est procédé à l'appel nominal.
En voici le résultat :
61 membres répondent à l'appel.
40 répondent non.
21 répondent oui.
En conséquence, la Chambre n'adopte pas.
Ont répondu oui : MM. de Brouckere, de Haerne, de Montpellier, de Pitteurs, de Rongé, Devaux, de Vrière, Dolez, H. Dumortier, d'Ursel, Faignart, Goblet, Guillery, Tack, Van Bockel, Van Humbeeck, Van Volxem, Allard, Ansiau, Crombez et de Baillet-Latour.
Ont répondu non : MM. de Bronckart, Dechentinnes, de Lexhy, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Naeyer, de Paul, de Renesse, de Ruddere de Te Lokeren, de Smedt, de Terbecq, de Theux, B. Dumortier, Frère-Orban, Grandgagnage, Grosfils, Hymans, Jacquemyns, Jamar, M Jouret, J. Lebeau, Magherman, Muller, Nélis, Orban, Rodenbach, Sabatier, Savart, Snoy, Tesch, Thibaut, A. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Leempoel de Nieuwmunster, Van Overloop, Vervoort, Coomans, Coppens, de Boo et E. Vandenpeereboom.
L'article 56 du gouvernement est mis aux voix et adopté.
- M. Vervoort remplace M. E. Vandenpeereboom au fauteuil.
« Art. 57. Amélioration de la race chevaline indigène ; exécution des règlements provinciaux sur la matière, exécution des règlements provinciaux pour l'amélioration de la race bovine ; amélioration des espèces bovine, ovine et porcine : f. 93,500. »
- Adopté.
« Art. 58. Conseil supérieur et commissions provinciales d'agriculture ; subsides pour concours et expositions ; encouragements aux sociétés et aux comices agricoles ; achats d'instruments aratoires nouveaux, destinés à servir de modèles ou à être distribués aux commissions d'agriculture, aux comices et sociétés agricoles ; achat de graines nouvelles à répartir par l'intermédiaire des commissions d'agriculture ; dépenses diverses : fr. 108,700. »
- Adopté.
« Art. 59. Enseignement professionnel de l'agriculture et de l'horticulture ; traitements de disponibilité ; frais de conférences agricoles et horticoles : fr. 98,000.
« Charge extraordinaire : fr. 3,000 »
- Adopté.
« Art. 60. Service des défrichements en Campine ; charge extraordinaire : fr. 25,100. »
- Adopté.
« Art. 61. Mesures relatives aux défrichements, dépenses et indemnités nécessitées par le contrôle établi pour assurer l'exécution de la loi du 25 mars 1860 ; charge extraordinaire : fr. 60.000. »
- Adopté.
« Art. 62 Personnel enseignant, administratif, et gens de service de l'école de médecine vétérinaire : fr. 60,800. »
- Adopté.
« Art. 63. Matériel de l'école de médecine vétérinaire de l'Etat ; travaux d'entretien, de réparation, de construction ; jury vétérinaire : fr. 56,700.
« Charge extraordinaire : fr. 12,500. »
- Adopté.
« Art. 64. Subside à la Société d'horticulture de Bruxelles : fr. 24,000. »
M. Coomans. - Messieurs, à propos du gros subside que nous allouons à la société d'horticulture de Bruxelles, j'ai émis au moins deux fois une idée que l'honorable M. Rogier, alors ministre, a trouvée bonne et que je m'étonne de ne pas encore voir pratiquée ; il s'agissait de demander à la société d'ouvrir le jardin au public tous les jours, au lieu de trois fois par semaine, et de construire une deuxième porte près de la rue des Plantes sur le boulevard.
(page 734) Quand l'Etat paye 24 mille fr. par an à une société, il a le droit de dire son mot.
Ce que je demande est raisonnable et juste. Le public n'est admis que trois fois par semaine pendant quelques heures à ce jardin qui lui appartient dans une certaine mesure... (interruption) dont il paye l'existence ; quand il y entre il se trouve dans une impasse, dans un labyrinthe qui n'a qu'une sortie, il doit entrer et sortir par la porte de la rue Royale extérieure.
Aujourd'hui qu'il n'y a plus d'octroi, il est facile de tenir compte de l'observation que j'ai l'honneur de rappeler et de recommander à l'attention de M. le ministre de l'intérieur.
- L'article 64 est mis aux voix et adopté.
M. De Lexhy. - La députation permanente du conseil provincial de Liège vous a adressé, messieurs, une pétition concernant l'entretien de la voirie vicinale, qui se rattache au chapitre du budget en discussion.
La création d'une bonne voirie a contribué puissamment au développement de la richesse publique et de la civilisation. Aussi, la loi du 10 avril 1841 marquera-t-elle parmi nos lois les plus fécondes. Il serait oiseux d'insister sur ce sujet, en présence de la dotation qui figure au budget pour la voirie vicinale. L'Etat, les provinces et les communes ont fait de grands sacrifices pour améliorer ce service public. Mais, messieurs, il ne suffit pas de créer une bonne voirie, il faut l'entretenir en bon état de réparation.
L'entretien incombe naturellement aux communes qui sont dotées de chemins vicinaux améliorés.
Malheureusement, les ressources des communes sont souvent insuffisantes pour pourvoir à l'entretien non seulement des chemins vicinaux proprement dits, mais surtout des chemins appelés de grande communication.
On a pu constater que dans beaucoup de localités, l'état des chemins laisse tellement à désirer, qu'il est à craindre que le défaut d'entretien ne ramène l'état de barbarie.
En présence de ces faits, le conseil provincial de Liège s'est ému et a pensé qu'il était urgent de prendre des mesures énergiques pour empêcher l'anéantissement de l'énorme capital engagé dans l'amélioration de la vicinalité et pour empêcher le renouvellement de dépenses considérables.
Plusieurs moyens ont été préconisés pour atteindre ce but ; mais aucun n'a paru satisfaisant au conseil provincial de Liège.
Néanmoins, à cause de l'urgence, le conseil a voulu poser un principe et a voté un centime et demi additionnel à toutes les contributions directes, pour créer un fonds destiné à l'entretien. des chemins de grande vicinalité.
Toutefois, cette allocation provinciale est subordonnée à l'intervention de l'Etat, dans une égale mesure.
C'est l'intérêt général qui a inspiré cette résolution généreuse au conseil provincial de Liège. Le devoir de l'Etat découle du même principe. L'obligation est la même pour la province et pour l'Etat.
La nécessité impérieuse d'assurer la conservation de travaux si considérables, la grandeur du but à atteindre, nous donnent le droit de réclamer le concours de l'Etat.
Nous comprenons qu'il serait difficile d'introduire un crédit spécial dans le budget actuel.
Nous nous contenterons d'attirer la sérieuse attention de la Chambre et du gouvernement sur cette grave question, afin qu'elle puisse recevoir une solution dans le prochain budget.
M. Muller. - La voirie vicinale constitue une des branches les plus importantes des services publics, celui qui touche le plus près aux intérêts de l'agriculture.
Comme vient de le dire l'honorable M. de Lexhy, la loi de 1841 a été un bienfait ; depuis lors la voirie vicinale a pris des développements qui ne doivent pas s'arrêter, la législature ne doit pas perdre de vue une chose qui a déjà été signalée dans cette assemblée, c'est qu'il ne suffit pas de créer des chemins vicinaux, il faut veiller à ce qu'ils soient entretenus en bon état, car il est à craindre que les sommes considérables employées pour les créer ne soient perdues si on ne les entretient pas bien. Je parle spécialement des grands chemins de vicinalité.
D'après le système de la loi actuelle, c'est aux communes seules qu'incombe l'entretien de ces chemins, le gouvernement n'intervient à l'aide de subsides que quand il s'agit de création ou de transformation d'un chemin de terre en route pavée ou macadamisée. Je crois qu'il est urgent que ce service soit surveillé activement. Je pense qu'il faut une sorte de concentration de direction si l'on veut maintenir nos chemins vicinaux en bon état.
Pour que cette concentration de direction existe, il faut qu'à côté des dépenses qui incombent aux communes viennent se placer des subsides des provinces et de l'Etat, c'est-à-dire qu'un crédit soit porté au budget et distribué en subsides aux communes pour l'entretien des chemins vicinaux, sauf à subordonner l'allocation de ce crédit à des conditions de surveillance que le gouvernement imposerait.
C'est pénétré de cette pensée, que le conseil provincial de Liège, dans sa dernière session, avait voté, indépendamment du subside annuel qu'il alloue pour la création des chemins vicinaux, une somme de 42,000 fr., dans l'espoir que le gouvernement consentirait aussi à allouer la même somme pour alléger les charges incombant aux communes.
Je comprends très bien que dans l'état des précédents de la Chambre, le gouvernement n'a pas pu faire droit au vœu du conseil provincial de Liège. Il n'avait pas à sa disposition les fonds nécessaires pour contribuer à l'entretien des chemins de grande vicinalité.
Le gouvernement, du reste, avait à présenter cette observation contre laquelle il n'y avait pas d'objection possible ; c'est qu'il ne pouvait pas faire pour une province ce qu'il ne ferait pas pour d'autres provinces.
Je demande donc à M. le ministre de l'intérieur de bien vouloir examiner très sérieusement s'il ne serait pas convenable de faire figurer au budget de 1863, indépendamment du chiffre que nous discutons, une allocation spéciale, pour subsidier, d'accord avec les provinces et proportionnellement avec elles, l'entretien des chemins vicinaux, en laissant toujours une forte partie de ces dépenses aux communes.
Je pense, quant à moi, qu'il y a nécessité d'entrer dans cette voie ; que c'est là une de ces dépenses qui seront reconnues indispensables pour la conservation de la bonne voirie vicinale en Belgique. Car, je le répète, si l'état de choses actuel se maintient, nous verrons les chemins auxquels on a consacré beaucoup d'argent, tomber dans un état de dégradation complet et alors il faudra encore des sommes énormes pour en revenir au point de départ.
M. Jamar. - Depuis que j'ai l'honneur de siéger dans cette enceinte je n'ai vu que deux fois la présentation d'un projet de loi amener, sur tous les bancs de la Chambre, des signes manifestes de satisfaction.
II s'agissait, la première fois, d'une grande réforme économique, impatiemment attendue, l'abolition des octrois.
Quant au second projet déposé dans la séance du 21 mars dernier, il avait une portée beaucoup plus modeste ; il s'agissait simplement d'approuver les statuts d'une société fondée à Verviers pour la construction de cités ouvrières.
Malheureusement les travaux de la Chambre l'empêchèrent de s'occuper de ce projet de loi avant la fin d'une session dont les dernières séances furent consacrées forcément à la discussion du traité de commerce avec la France ; nous n'avons eu que le temps de voter sans discussion un projet de loi qui avait été accueilli sur nos bancs avec tant de faveur.
Pour moi, messieurs, il me semble qu'il y avait, dans l'expression spontanée des sentiments qui nous animaient tous, l'indication précise du désir de la Chambre de prêter aux généreux efforts de quelques citoyens un concours plus efficace que celui de ses vœux et de l'approbation demandée.
C'est ce qui m'engage à appeler l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur l'appui que le gouvernement devrait prêter à ces utiles entreprises.
Le gouvernement pourrait, sur le crédit qui figure au littera C de l'art. 65 du budget, accorder à la société verviétoise un subside destiné à l'érection d'établissements d'utilité publique comme bains, lavoirs, voies de communication, en imposant bien entendu à la société l'obligation de vendre ces habitations au prix de revient.
C'est ce qu'a fait le gouvernement français en accordant à la première société qui a été fondée à Mulhouse pour la construction de cités ouvrières, un subside considérable à la condition de vendre ces maisons au prix de revient et de ne pas les louer au-dessus de 8 p.
Les résultats obtenus ont dépassé toutes les espérances ; sur 600 maisons construites jusqu'à ce jour, 420 ont été achetées.
Voilà donc dans une seule ville 420 familles d'ouvriers propriétaires de leur habitation ou en train de le devenir et soustraites pour toujours aux funestes influences de la misère et de la débauche. Est-il possible de faire plus de bien avec des moyens plus simples et avec plus de chances de (page 735) succès et de durée, et n'est-ce point le cas de nous répéter ce que nous disait l’honorable M. Vandenpeereboom en 1839, dans une question qui n'est pas sans analogie avec celle-ci ? « A ce point de vue, disait l'honorable membre, nous ne pouvons faire moins que la France, nous sommes dignes, je pense, de faire autant que l'Angleterre. »
Pour moi, je l'avoue, je serais heureux de voir le gouvernement belge imiter, dans cette question, le gouvernement français, afin que le succès couronnant les efforts de la société verviétoise, nos grands centres industriels soient amenés bientôt à créer de semblables institutions qui ont une influence immense sur les mœurs, sur la santé et sur le bien-être de nos populations ouvrières.
Le gouvernement peut prêter également un concours qui serait très efficace et qui ne lui coûterait guère : ce serait d'affranchir de tout droit de transmission, la première vente faite par la société à un ouvrier.
L'expérience a prouvé qu'il était souvent difficile à un ouvrier d'arriver à économiser la somme qui est nécessaire pour payer ces frais de transmission et qui est exigible à la signature du contrat, tandis qu'il acquittait facilement le loyer à l'aide duquel il devenait propriétaire au bout de dix ou quinze ans.
Si le trésor ne pouvait faire le sacrifice de ces droits en considérant cet abandon comme une prime d'encouragement aux ouvriers qui deviendraient propriétaires de leur habitation, je crois qu'il serait possible d'accorder aux ouvriers les mêmes facilités pour le payement de ces droits que celles accordées par la société pour le payement du prix d'achat.
Je m'en rapporte au reste avec confiance aux généreux instincts de M. le ministre des finances pour concilier dans cette question les intérêts du trésor avec ce grand intérêt social qui réside dans l'amélioration du sort des classes ouvrières.
M. Rodenbach. - Parmi les chiffres qui figurent au budget, celui de 1,150,000 fr., que nous discutons, est sans contredit le plus utile au pays.
Le gouvernement, depuis 1842, a alloué pour la voirie vicinale 14 millions. Les provinces ont accordé 2 millions et les communes ont voté 24 millions ; total 40 millions en 20 ans.
Aussi depuis cette époque l'on a fait en Belgique plus de routes pavées, plus de chemins vicinaux que partout ailleurs.
Sous le gouvernement de Napoléon, en 15 années on avait construit 50 ou 60 lieues de routes pavées ; sous le gouvernement hollandais on en a construit 100 à 150 lieues ; or, nous en avons actuellement environ 4,000 lieues de 5 kilomètres.
On n'a pas construit tout cela depuis vingt ans, mais on en a construit depuis la révolution par milliers.
Cela prouve bien, messieurs, que le chiffre de un million 150 mille fr. pour les chemins vicinaux a été éminemment utile.
Messieurs, je partage à peu près l'opinion des honorables députés de Liège. Cependant je dois dire que dans les Flandres les chemins vicinaux paraissent être mieux entretenus que dans la province de Liège. Cela dépend peut-être, dans une certaine mesure, des commissaires voyers ; quoi qu'il en soit, j'appelle sur ce point l'attention de l'honorable ministre de l'intérieur ; cette question est ardue et difficile parce que la loi porte que les communes doivent entretenir leurs chemins. Mais puisque les communes ont donné 24 millions pour les chemins vicinaux, elles ne refuseront pas les sommes nécessaires pour l'entretien de ces chemins.
Messieurs, sous le ministère de l'honorable M. Rogier, on a alloué à la ville de Roulers une somme de 82,000 fr. pour travaux d'assainissement et pour faire des réservoirs ou bassins, afin de procurer de l'eau aux usines de cette ville manufacturière qui progresse constamment. En attendant qu'on fasse la canalisation de la Mandel, qu'on me fait espérer depuis 28 ans, je demanderai où en sont les travaux d'assainissement et les réservoirs de la ville de Roulers. J'ajouterai que, lors de la discussion du budget des travaux publics, je reviendrai sur la question de la canalisation de la Mandel.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - L'honorable M. de Lexhy et, après lui, l'honorable M. Muller se sont faits ici les interprètes d'une demande adressée au gouvernement par la députation permanente de la province de Liège.
Il a été constaté, dans la dernière session du conseil provincial de Liège, qu'une partie des chemins vicinaux est en très mauvais état et qu'il est difficile aux communes de se procurer les ressources nécessaires pour entretenir ces chemins comme ils devraient l'être.
En présence de cette situation, le conseil provincial a voté un subside de 42,000 francs, somme égale au produit de 1 1/2 centime additionnel aux contributions directes : cette somme était destinée à être distribuée aux communes pour faciliter l'entretien de la voirie vicinale, mais le conseil a décidé que ces subsides ne pourraient être distribués aux communes qu'à la condition expresse que le gouvernement interviendrait pour une pareille somme.
Une décision à peu près du même genre a été prise par le conseil provincial du Limbourg, qui a reconnu aussi que la vicinalité était en mauvais état dans cette province, et que les communes pourraient difficilement l'entretenir convenablement.
La différence entre les propositions faites pa rla province du Limbourg et celles faites par la province de Liège consiste en ce que cette dernière demande un subside extraordinaire à l'Etat pour l'entretien des chemins, tandis que le Limbourg demande seulement qu'on puisse distraire une partie des fonds destinés à la construction des routes nouvelles pour l'affecter à l'entretien des routes existantes.
Il m'a été impossible, messieurs, d'adhérer à ces propositions. Il avait été question d'autoriser la province de Liège à faire ce que demande le Limbourg ; mais en présence de la résolution du conseil, la députation permanente n'a pas cru pouvoir accepter cette offre, faite avant mon entrée au ministère. Quand j'y suis arrivé, j'ai donc pu déclarer à la province de Liège que l'offre était retirée.
Je pense, en effet, que l'Etat ne doit pas intervenir dans la dépense d'entretien des chemins vicinaux, cet entretien est une charge des communes, aux termes de la loi communale.
Cette loi impose aux communes l'obligation d'entretenir leurs chemins, et celle de 1841 indique de quelle manière ils doivent être entretenus et par quels impôts on peut trouver les ressources nécessaires pour couvrir cette dépense.
D'autre part, si la commune n'entretient pas ses chemins, l'autorité supérieure a le moyen de l'y forcer ; il ne peut y avoir sous ce rapport aucune difficulté.
Ne voulant donc pas laisser d'illusions aux honorables préopinants, je crois devoir leur déclarer qu'il n'est pas possible de porter au budget de l'année prochaine un crédit pour cet objet.
Je ferai remarquer, messieurs, que les communes doivent se trouver aujourd'hui dans une position beaucoup meilleure qu'autrefois ; par suite de la création du fonds communal, les communes toucheront à peu près 4 millions de francs, ce qui représente une partie notable du montant de tous les impôts communaux qui existaient avant la loi qui a supprimé les octrois.
D'un autre côté, si le gouvernement entrait dans la voie qu'on lui indique, il en résulterait une charge très lourde : ce qu'on donnerait à la province de Liège, par exemple, il faudrait le donner dans la même proportion aux autres provinces. Or, à raison de 1/2 centime additionnel, ce serait une somme d'un demi-million environ, 480 mille francs, à porter au budget.
D'ailleurs, messieurs, on absorberait la commune et il faut que la commune, la province et l'Etat restent dans le cercle des attributions que la loi leur a conférées.
L'honorable M. Jamar a demandé si, sur le crédit de 150,000 francs destinés à l'hygiène publique, il ne serait pas possible de donner certains subsides à des sociétés qui construiraient des maisons d'ouvriers.
Je ferai remarquer que les demandes de subsides à imputer sur ce crédit de 150,000 fr. sont si considérables qu'il est déjà presque impossible aujourd'hui d'accorder des sommes même minimes aux communes qui en sollicitent.
J'ai été obligé, afin de pouvoir mettre les subsides quelque peu en rapport avec l'importance des travaux à exécuter de ne donner en 1861 des subsides qu'à la moitié des communes et de renvoyer les autres à l'exercice 1862. Sans cela je n'aurais pu assurer le concours de l'Etat que jusqu'à concurrence d'un dixième et même moins de la somme à dépenser, ce qui aurait été tout à fait insuffisant et illusoire.
Mais en dehors de cette question financière, il y en a une autre. Si le gouvernement subsidiait des sociétés de ce genre, il en résulterait que celles de ces sociétés qui ne jouiraient pas de pareils avantages seraient placées dans des conditions défavorables au point de vue de la concurrence.
Messieurs, j'arrive à la Mandel dont l'honorable M. Rodenbach vous a entretenu. J'ai le plaisir de pouvoir faire connaître à mon honorable collègue de la Flandre occidentale que cette affaire est en bonne voie : les travaux vont commencer.
Le département de l'intérieur a distrait du crédit qui lui a été alloué une somme de 80,000 fr. pour la consacrer à la Mandel, dans un intérêt d'hygiène et de salubrité publiques, et aussi pour distribuer de l'eau aux nombreux fabricants de Roulers. La commune est intervenue pour une part considérable dans la dépense.
(page 736) A l'heure qu'il est, les expropriations de terrains sont déjà faites, ou sont à la veille de se faire ; les projets sont arrêtes, et dès le printemps, les travaux pourront commencer.
J'espère que l'honorable membre sera satisfait.
M. B. Dumortier. - Messieurs, j'avais demandé la parole pour rencontrer les observations des honorables MM. Muller et de Lexhy. Je ne puis assez féliciter M. le ministre de l'intérieur des principes qu'il vient d'émettre en cette matière et qui sont bien réellement ceux que contient la loi.
Je trouve étrange que le conseil de la province de Liège vienne ici en quelque sorte ordonner à l'Etat de voter telle ou telle dépense au budget. Quand la province de Liège dit : « Je vote telle somme, à condition que vous voterez telle somme », c'est vouloir se mettre à l'égal de la législature. Je n'admets pas un rôle pareil de la part des institutions inférieures au parlement.
Au fond, qu'arriverait-il si le système de voter des fonds pour l'entretien des chemins vicinaux était mis en pratique ? C'est que la partie du budget, concernant les chemins vicinaux, serait employée au profit des localités qui ont eu jusqu'ici l'avantage d'y puiser au détriment de celles qui n'ont encore rien obtenu. Parce qu'une commune a obtenu de l'Etat des subsides pour faire des chemins vicinaux, ce serait un motif pour que l'allocation affectée à la voirie vicinale fût à perpétuité grevée d'une charge en faveur de cette commune. Ce serait là une criante, une scandaleuse injustice, un véritable privilège.
Il faut que toutes les communes de la Belgique puissent tour à tour améliorer leur vicinalité ; il faut pour cela que toutes puissent profiter du crédit porté au budget. L'intérêt public exige que le gouvernement multiplie sur tous les points du territoire ce genre de dépenses ; car il serait à désirer que toutes les communes eussent des chemins vicinaux pavés ; mais comment parvenir à ce résultat, si les subsides dont l'Etat peut disposer en faveur de la vicinalité étaient de leur affectation, et devenaient à perpétuité le lot des communes qui ont bénéficié jusqu'ici du budget ?
Messieurs, je dois rappeler maintenant une observation que j'ai eu l'honneur de présenter à la Chambre dans d'autres circonstances.
Maintenant que les chemins de fer sillonnent la Belgique, il faut reconnaître que les anciennes grandes routes sont devenues d'un intérêt tout à fait secondaire. Avant l'établissement des chemins de fer, la création des routes pavées, des routes de grande communication était une affaire de grande importance, et le budget comprenait des sommes considérables pour la construction de routes de grande communication.
Mais aujourd'hui pourquoi continuer ces subsides ? Il est évident que la Belgique n'a plus à faire de routes de grande communication ; ce que le pays réclame aujourd'hui, ce sont des chemins de fer et puis des routes communales.
A mon avis donc, il serait à désirer, et j'ai déjà exprimé plusieurs fois ce vœu dans cette enceinte ; il serait à désirer qu'on réunît en un seul et même crédit le crédit voté dans le budget de l'intérieur et le crédit porté au budget des travaux publics, et que l'on reportât ce crédit unique à l'un ou à l'autre des deux budgets.
Pourquoi avoir pour une seule et même chose deux crédits qui sont soumis à un régime différent ?
S'agit-il d'un subside sur le crédit du budget de l'intérieur, il faut que la commune et la province interviennent ; s'agit-il d'un subside sur le crédit du budget des travaux publics, on n'exige l'intervention ni de la commune, ni de la province ; l'Etat donne tout. Ce sont là deux conditions différentes qui doivent cesser d'exister.
II y a là deux poids et deux mesures. Cet état de choses doit avoir une fin.
II est nécessaire, à cette fin, je le répète, qu'on réunisse les deux crédits en une seule et même allocation, de manière à faire faire le plus de travaux possible, sans aggraver les charges du budget.
J'exprime de nouveau le vœu que MM. les ministres s'entendent pour opérer la réunion des deux crédits ; je déclare formellement que si dans le budget de l'année prochaine, cette réunion, demandée plusieurs fois par un grand nombre de membres de la Chambre, n'est pas accomplie, je proposerai à la Chambre de se prononcer catégoriquement à cet égard.
Messieurs, je ne terminerai pas sans dire un mot du canal de la Mandel dont l'honorable M. Rodenbach a entretenu la Chambre.
Vous savez, messieurs, que depuis longtemps la ville de Roulers réclame à grands cris la canalisation de la Mandel, et que des promesses formelles ont été faites à cet égard dans cette Chambre par le gouvernement. M. le ministre des travaux publics, au mois d'avril dernier, a pris l'engagement formel de faire faire le canal de la Mandel, aussitôt que les plans seraient levés.
Eh bien, les plans sont levés. Il existe trois plans différents, l'un dressé par M. Dutreux, l'autre par M. de Sermoise, le troisième, par M. Pierard, si je ne me trompe.
Or, que va-t-il arriver ?
C'est que le canal de la Mandel qu'on va faire aura, pour nécessité absolue, l'établissement d'un grand bassin à Roulers, et que la création de ce bassin doit remplacer les petits réservoirs dont on a parlé, et qui n'avaient d'autre but que de donner de l'eau aux industriels de cette ville, comme vient de vous le faire connaître M. le ministre de l'intérieur.
S'il en est ainsi (et je crois être bien informé), il serait parfaitement préférable d'employer le crédit voté en 1859, à creuser le bassin destiné à la fois à la navigation et au service de l'industrie, puisque ce bassin fait partie du projet de canalisation de la Mandel. Je rappelle au gouvernement les engagements qu'il a pris depuis longtemps et spécialement la promesse faite en avril dernier de faire commencer les travaux aussitôt les plans arrêtés et d'en porter la dépense au budget. Le moment est venu de réaliser cette promesse et ce n'est pas la réaliser que de faire des petits réservoirs que le grand bassin du canal doit remplacer. Agir de la sorte, ce serait donc faire deux fois la même dépense.
Au surplus, je déclare de la manière la plus formelle que lorsque nous arriverons au budget des travaux publics, je présenterai un amendement pour autoriser un transfert à ce département des fonds votés par la loi de 1859, et qui, restés sans emploi, peuvent être affectés à faire le grand bassin que tous les systèmes de canalisation de la Mandel font créer à Roulers.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Messieurs, je croyais jusqu'ici que les travaux à décréter et à exécuter sur le budget de l'intérieur étaient complètement distincts de ceux qui devaient s'exécuter pour la canalisation de la Mandel.
L'honorable M. Dumortier m'assure que les travaux qui vont être entrepris à Roulers font double emploi avec d'autres et seront inutiles. S'il en était ainsi, je les ferais arrêter.
M. B. Dumortier - Je me garde bien de dire qu'ils sont inutiles.
- Un membre. - Vous n'avez pas la parole.
M. le président. - M. Dumortier, vous devez attendre votre tour de parole.
M. B. Dumortier. - Si l'on m'avait laissé continuer, j'aurais déjà fini.
Je n'ai pas dit que ces travaux étaient inutiles. J'ai dit simplement qu'il ne fallait pas faire deux genres de travaux ayant le même but et que d'après ce que j'entends dire de tous côtés le bassin du canal est destiné à atteindre le même but.
M. Hymans. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour exprimer ma surprise de la réponse que M. le ministre de l'intérieur a faite à mon honorable ami M. Jamar.
Si j'ai bien compris M. le ministre de l'intérieur, il a dit qu'il est impossible au gouvernement d'accorder des subsides pour la construction de maisons d'ouvriers.
Or, je rappellerai à l'honorable ministre, qu'il y a 5 ou 6 ans, des subsides ont été formellement promis pour la construction de ces maisons ouvrières, par des circulaires émanées des départements de l'intérieur et de la justice.
En 1857, un congrès de bienfaisance a été tenu à Bruxelles.
Dans ce congrès, qui était présidé par l'honorable M. Rogier et auquel assistaient plusieurs des philanthropes et des économistes les plus distingués de l'Europe, on a voté tout un programme de résolutions en vue de la construction de maisons d'ouvriers.
On a émis le vœu que des subsides fussent accordés pour ces constructions, que le gouvernement accordât des exemptions d'impôt, qu'il facilitât les expropriations, qu'il garantit l'intérêt des capitaux employés, qu'il désignât des architectes chargés de diriger les constructions de maisons d'ouvriers dans les diverses localités, qu'il favorisât la constitution de sociétés dans le genre de celle qui existe à Mulhouse.
De tout cela, qu'est-il résulté ? Chose singulière. C'est précisément du gouvernement que sont venues les entraves à l'accomplissement et à la mise en œuvre de ces idées utiles.
Quelques mois à peine après la session du congrès de bienfaisance, une société s'est constituée à Bruxelles pour la construction de maisons ouvrières, sous le patronage de S. A. R. le Duc de Brabant. Le conseil d'administration se composait des hommes les plus recommandables de la capitale.
Le gouvernement leur refusa l'autorisation de se constituer en société (page 373) anonyme, sous le prétexte qu'ils ne faisaient pas d'opérations commerciales.
La société fit tout ce qui était en son pouvoir pour modifier ses statuts ; elle voulut y insérer une clause aux termes de laquelle elle s'occuperait d'opérations commerciales, de vente et d'achat de matériaux, dans le but d'obtenir l'autorisation ; elle ne l'obtint pas, et ce fut d'autant plus regrettable que tous les efforts qu'on a tentés depuis lors pour tâcher de reconstituer une société nouvelle n'ont pu aboutir.
Pourquoi ? Parce que le gouvernement, qui avait fait tant de belles promesses, au lieu d'encourager les efforts des personnes charitables, des hommes bien intentionnés qui voulaient tenter ces entreprises, s'est montré d'abord très avare de son concours pécuniaire et en outre, très peu disposé à accorder un concours moral.
Je regrette vivement que les personnes qui ont voulu dans ces derniers temps réaliser les idées préconisées au congrès de 1857, au lieu de rencontrer de l'appui, n'aient trouvé qu'obstacles, entraves, lenteurs de tout genre, de la part de l'administration.
J'espère que M. le ministre des finances voudra bien donner un mot de réponse à l'honorable M. Jamar et qu'il ne mettra pas empêchement tout au moins à ce que des exemptions d'impôt soient accordées aux personnes qui voudraient se charger de la construction de maisons d'ouvriers dans les conditions indiquées par le congrès de 1857.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, il arrive bien souvent que des personnes, trouvant leurs idées excellentes, veulent à toute force les imposer aux autres, et surtout au gouvernement. Ainsi, quelques personnes ont pensé que la constitution en société anonyme pouvait être utile à ceux qui voudraient s'occuper de la construction de maisons destinées à la classe ouvrière.
Il est vrai, comme l'a dit l'honorable M. Hymans, que le gouvernement n'a pas partagé cette opinion, et s'est même opposé à l'opération conçue dans ces conditions. Cette résolution a été prise par nos prédécesseurs et non par nous. C'était une question difficile à résoudre, que celle de savoir si, en effet, l'anonymat pouvait être appliqué à une société purement immobilière.
Le conseil qui siège au département des affaires étrangères, consulté par l'honorable vicomte Vilain XIIII, n'a pas pensé que cela fût possible. Le département de la justice a été consulté également sur la question, et tous les ministres de la justice, les uns après les autres, ont été d'avis que la forme anonyme ne pouvait être donnée à une société de ce genre.
Mais était-ce là une impasse ? Y avait-il impossibilité d'atteindre complètement le but poursuivi ? Pas le moins du monde. Au lieu de demander un arrêté royal accordant la forme anonyme, il suffisait de s'adresser au gouvernement pour obtenir qu'il présentât un projet de loi, et en effet, dès que l'on a pris cette voie, le gouvernement s'est empressé de déférer aux demandes qui lui ont été adressées. C'est ainsi, messieurs, que dans votre dernière session vous avez autorisé la constitution d'une société de ce genre à Verviers.
Le gouvernement est tout disposé à soumettre à la Chambre de nouvelles propositions dans le même sens, à l'égard des autres demandes qui lui seraient faites pour constituer des sociétés dans les mêmes conditions.
Maintenant, la question des subsides à accorder à ces sortes de sociétés, n'est ni moins grave ni moins délicate. Il est évident, comme l'a dit tout à l'heure mon honorable collègue, qu'allouer des subsides à des sociétés ou à des particuliers, parce qu'ils construisent des maisons ayant une certaine destination, même philanthropique, c'est faire réellement, il faut en convenir, une espèce de concurrence à la propriété privée ; et voici le danger d'une pareille chose : remarquez bien, messieurs, que la propriété d'une foule de maisons, et précisément de maisons occupées par la classe ouvrière, constitue généralement le seul patrimoine d'une série de petits rentiers, de particuliers, qui n'ont guère pour vivre que les ressources qu'ils tirent des loyers de ces maisons. Eh bien, sous prétexte d'améliorer la condition d'une catégorie d'individus, on s'expose bien certainement à empirer la position d'une autre catégorie de citoyens qui ont des droits égaux à la sollicitude de l'Etat.
Mais on peut atteindre parfaitement le résultat que l'on désire (l'expérience l'a prouvé dans différents pays) sans sortir des conditions normales, impartiales, qui doivent être garanties à la propriété. Ainsi, des particuliers peuvent très bien s'associer et faire une opération sociale en construisant des maisons d'ouvriers qu'ils livreront ensuite dans les conditions régulières de la concurrence, qu'ils mettront sur le marché comme d'autres peuvent le faire, au moyen de leurs propres forces et avec leurs propres capitaux.
Cependant, il est certains ménagements qui peuvent être consentis en faveur des sociétés qui se constituent pour construire des maisons destinées à la classe ouvrière. Déjà mon attention a été appelée sur ce point, et je me suis empressé d'étudier la question avec toute la bienveillance qu'elle mérite ; je crois qu'on peut opérer un grand bien sous ce rapport en faveur de la classe ouvrière, en accordant, non pas l'exemption de l'impôt, ce qui serait peut-être un privilège, mais en décidant que cet impôt ne sera exigible que par annuités. Ainsi, l'impôt de mutation serait payé par ces propriétaires comme par les autres citoyens, mais on leur accorderait une certaine facilité pour son acquittement ; la faveur se réduirait ainsi à une question d'intérêt tout à fait insignifiante. Le payement par annuités, par dixième, je suppose, serait une grande facilité accordée aux sociétés qui construisent, pour l'acquisition même des terrains et des immeubles qu'elles voudraient comprendre dans leurs opérations, et pour la première vente des maisons aux ouvriers acquéreurs.
Je crois que le gouvernement pourra, dans le cours de la présente session, soumettre aux Chambres des propositions dans ce sens. Il témoignera ainsi de ses bonnes intentions, qui sont tout à fait conformes à celles qu'ont exprimées les honorables préopinants.
M. de Theux. - Messieurs, j'avais aussi demandé la parole pour combattre la demande d'un subside, à charge de l'Etat, pour l'entretien des chemins vicinaux.
II faut, pour observer la justice distributive, qu'avant tout le système de nos chemins vicinaux soit complété, c'est-à-dire que les localités qui en sont encore dépourvues en soient dotées avant qu'on accorde de nouvelles faveurs à celles qui en jouissent déjà depuis longtemps.
Ainsi qu'on l'a dit, l'entretien des chemins vicinaux est une dette que l'on a contractée en obtenant les subsides de l'Etat et des provinces ; et, cette dette doit être acquittée comme toutes les autres.
Il est à remarquer, en outre, que, d'année en année, les voies de communication se multiplient : chaque année de nouveaux chemins de fer, des routes, des canaux augmentent les moyens de transporter facilement les matériaux, de manière que le motif qu'on allègue pour démontrer la difficulté d'entretenir les chemins vicinaux existe bien moins aujourd'hui qu'à l'époque où les subsides ont été alloués pour la construction de ces chemins et où l'on a pris l'engagement de les entretenir. Je n'en dirai pas davantage.
- Plusieurs membres. - A mardi !
La séance est levée à quatre heures et demie.