(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1861-1862)
(page 701) (Présidence, de M. Vervoort.)
M. Thienpont fait l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. de Boe donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.
- La rédaction en est approuvée.
M. Thienpont présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.
« Le sieur E. Dubuisson, vannier à Lessines, demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi au ministre de la justice.
M. de Rongé dépose le rapport de la commission d'industrie sur la pétition de négociants de Bruxelles qui se plaignent de vexations de la part de la douane.
- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport etle met à la suite de l'ordre du jour.
M. le président. - La discussion continue sur le chapitre XI. Agriculture.
M. Van de Woestyne. - Messieurs, dans la séance d'hier M. H. Dumortier, député de l'arrondissement de Courtrai, a fait valoir quelques arguments en faveur de l'agriculture, arguments qui sont d'un très grand intérêt. Il a touché incidentellement la question des indemnités accordées pour bétail abattu.
Je regrette qu'il ne soit pas entré dans quelques détails à cet égard, car il est à présumer qu'avec son expérience il aurait pu nous indiquer quelque moyen pour arriver à diminuer la recrudescence do la maladie. Je vais tâcher de remplir cette lacune ; je ne pourrai le faire que d'une manière très imparfaite, mais je crois qu'il est de mon devoir de le tenter.
Messieurs, d'après les documents fournis par le gouvernement, nous constatons qu'une somme de 168,657 fr. a été dépensée, pendant l'année 1860, pour chevaux et bestiaux abattus.
Dans cette somme, les indemnités pour bêtes à cornes, presque toutes atteintes de la pleuropneumonie exsudative, figurent pour 102,575 et la valeur des animaux enfouis de cette catégorie est estimée à 410,875 fr.
Depuis 1855, 549,637 fr. ont été payés en indemnités pour bêtes à cornes abattues, dont la valeur est portée par le gouvernement à deux millions.
Je me suis demandé, messieurs, si, en présence de cette situation désastreuse, il n'y aurait pas quelque moyen d'arriver à diminuer les marges du gouvernement et en même temps à diminuer les sinistres qui sont devenus, dans la province de la Flandre orientale, une véritable calamité publique.
Je demanderai la permission de développer quelques observations qui entreront dans cet ordre d'idées.
Messieurs, la pleuropneumonie exsudative est, de l'avis de tous les médecins vétérinaires, considérée comme une maladie incurable ; quels que soient les soins qu'on puisse apporter à la maladie, quel que soit le traitement, il est certain qu'on arrive rarement à guérir les animaux atteints de cette maladie.
Il est de plus certain (et ceci est confirmé par toutes les personnes qui. s'occupent de cette question) que la viande d'un animal abattu au premier degré de la maladie, peut être considérée comme comestible.
Partant de ces deux idées, messieurs, je crois que l'on pourrait apporter quelques modifications au projet de loi et diminuer en même temps les charges du gouvernement et l'intensité de la maladie.
Voici ce qui arrive actuellement : D'après les prescriptions de la loi, lorsque la maladie se déclare dans une étable, une déclaration doit être faite à l'autorité communale. L'autorité communale, si elle est soucieuse de son devoir, requiert immédiatement la présence du médecin vétérinaire, et le médecin vétérinaire, ayant constaté l'état de la maladie, met l'animal en traitement.
(page 702) Quand le traitement a duré pendant quelque temps, la maladie, au lieu de s'éteindre, ne fait que se propager et bientôt toute l’étable se trouve infectée de la terrible maladie ; la bête meurt, on l'enfouit ; elle est donc retirée à la consommation.
.Messieurs, pour remédier à cet état de choses, voici, selon moi, ce qui devrait être fait : Il faudrait tenir la main à l'observation très rigoureuse de l'article 459 du Code pénal qui dans ce moment, je dois le dire, est parfois négligé dans les communes rurales.
En effet, quand la déclaration est faite, il arrive que par la négligence de l'autorité communale ou par d'autres motifs, que le réquisitoire du médecin vétérinaire de l'Etat n'est pas fourni en temps opportun ; quelquefois, eu égard à la circonscription actuelle des ressorts des médecins vétérinaires de l'Etat, celui qui est requis demeure à 4 lieues de la commune où la maladie se déclare.
Il faudrait donc, dès que la maladie est constatée par le médecin vétérinaire, qu'au lieu de mettre l'animal en traitement, il donne immédiatement l'ordre de l'abattre.
Cet ordre étant donné, au lieu de prescrire l'enfouissement de la bête, il faudrait autoriser le cultivateur à vendre l'animal qui a été abattu, et à livrer à la consommation la viande qui est encore certainement comestible.
Vous obtiendrez par là ce second résultat que le gouvernement, au lieu de devoir accorder de très fortes indemnités, pourra les réduire d'une manière très sensible.
Je ne sais pas si je fais bien comprendre ce système. (Oui ! oui !)
Je vais le résumer en très peu de mots.
Je voudrais qu'avant tout, on veillât avec plus de soin à l'exécution rigoureuse de l'article 459 du Code pénal, et qu'on signalât sans pitié à la justice le cultivateur qui voudrait s'y soustraire ; puis, le vétérinaire requis devrait être autorisé à ordonner immédiatement l'abatage du moment que la maladie est constatée ; la viande en pourrait être livrée sans aucun danger pour la consommation ; et le gouvernement n'aurait plus qu'à allouer une très faible indemnité au cultivateur.
J'ose recommander ces observations à l'attention bienveillante de M. le ministre de l'intérieur ; je crois que le gouvernement est aussi désireux que nous de n'être pas dans le cas d'accorder une forte indemnité ; et en même temps de faire disparaître une maladie qui, comme je l'ai dit, est un véritable fléau pour quelques communes de l'arrondissement de Garni.
J'appelle de nouveau l'attention toute bienveillante de M. le ministre sur ces idées, et si son honorable prédécesseur se trouvait présent à son banc, je me ferais un plaisir et un devoir de dire qu'aussi longtemps qu'il a dirigé le département de l'intérieur, l'agriculture dans nos provinces a trouvé en lui un protecteur très dévoué.
J'espère et je ne doute pas que nous ne rencontrions la même sympathie dans M. le ministre actuel.
M. Vanden Branden de Reeth. - Messieurs, j'ai demandé la parole hier à la fin de la séance, lorsque l'honorable M. Henri Dumortier, s'occupant d'agriculture, attribuait en partie la propagation de la maladie qui sévit parmi les animaux de l'espèce bovine au défaut de surveillance exercée par l'autorité communale de Malines, sur le marché qui se tient aux portes de cette ville.
Je ne conteste pas que des cas de maladie se soient déclarés plusieurs fois chez des animaux qui avaient été achetés à ce marché, mais je crois que l'honorable membre exagère un peu les choses. Je crois que les causes de cette propagation sont ailleurs que là où il croit les trouver.
Les allégations de l'honorable membre étant de nature à porter un préjudice considérable à la prospérité de ce marché qui sans contredit est le plus important du pays, je crois, messieurs, devoir rectifier, ou plutôt expliquer ce qu'il a dit.
Vous comprendrez, messieurs, l'importance que j'attache à cette question lorsque je vous aurai dit - ce que vous ignorez peut-être - que le chiffre d'affaires qui se traitent sur ce marché s'élève à 10 millions de francs par an.
Il se présente toutes les semaines sur le marché du hameau du Neckerspoel et sur celui qui se tient le lendemain à Malines même 600 têtes de bétail, ce qui fait environ 30,000 par an.
Est-il étonnant, messieurs, que sur ce grand nombre d'animaux, il s'en soit trouvé quelques-uns chez lesquels la maladie se soit déclarée plus tard ?
Cela se présente sur tous les marchés du pays.
L'administration communale de Malines, j'en suis informé, prend toutes les précautions nécessaires pour écarter du marché les animaux malades.
Des experts visitent le bétail exposé en vente. Je ne pense pas qu'on puisse prendre d'autres précautions,
M. H. Dumortier. - Je demande la parole.
M. Vanden Branden de Reeth. - Les personnes qui s'occupent de cette partie de l'agriculture, notamment de l'élève du bétail, savent que bien souvent le germe de la maladie se trouve dans l'animal un mois, 5 ou 6 semaines avant de se développer.
Il est impossible alors au praticien le plus expérimenté de constater la maladie. Ce n'est donc pas là un fait qui peut être reproché à l'administration communale de Malines ou un défaut de surveillance.
D'un autre côté il arrive souvent que des animaux en parfait état de santé sont achetés par les cultivateurs et enfermés ensuite dans des étables très insalubres.
Lorsque ces animaux, sortant des gras pâturages de la Hollande où ils ont respiré l'air pur des prairies, sont enfermés dans ces locaux insalubres où ils n'ont qu'une nourriture insuffisante et souvent peu saine, il n'est pas étonnant de voir se développer des germes de maladies qui dans d'autres conditions ne seraient pas arrivés au même degré de gravité.
L'honorable membre disait, et sur ce point je suis d'accord avec lui, que beaucoup de ces animaux qui propagent la maladie provenaient de la Hollande.
Je crois que cela est vrai. Il n'y aurait qu'un seul remède à ce mal, s'il était praticable, ce serait de placer à la frontière de Hollande des experts, des artistes vétérinaires pour empêcher leur introduction dans le pays.
Car une fois la frontière franchie, le mal est fait, la maladie se propage, et dans ce cas il est peut-être préférable que le bétail se rende à un marché que j'appellerai central parce que là la surveillance peut s'exercer d'une manière plus générale et plus efficace.
Voici une des causes qui propagent la maladie et qui est étrangère au marché de Malines :
Lorsque les marchands qui arrivent de l'étranger ont des animaux atteints de maladie, ils ne les mènent pas au marché, ils les placent dans des étables en route et les cèdent aux cultivateurs à un prix inférieur à leur valeur apparente.
Ce cultivateur croit avoir fait un bon marché, tandis qu'au contraire i1 en a fait un fort mauvais.
Dans tous les cas si on pouvait prendre d'autres mesures que celles que j'ai indiquées tout à l'heure, je suis persuadé que l'administration communale s'empresserait de les appliquer. Mais je persiste à dire en terminant qu'il y a eu erreur dans ce qu'a dit l'honorable M. Dumortier en ce qui concerne le manque de surveillance de la part des autorités de Malines.
M. Tack. - Comme vous venez de l'entendre, messieurs, par les observations très pertinentes et très précises qu'a développées tantôt, avec beaucoup de lucidité l'honorable M. Van de Woestyne, les épizooties qui sévissent dans notre pays sont loin d'être arrivées à leur terme. La pleuropneumonie exsudative exerce journellement ses ravages avec une grande intensité.
Et cependant nous votons annuellement des sommes considérables pour combattre ce fléau, et l'extirper même, s'il est possible.
Le chiffre des indemnités payées par l'Etat du chef de bestiaux abattus figure à notre budget pour une somme de 150,000 fr. et, vous le savez, messieurs, ce crédit n'est pas limitatif ; il est au contraire fort élastique, en ce sens que souvent nous sommes amenés à voter des allocations supplémentaires.
D'eu vient, messieurs, que nonobstant les sacrifices que le trésor public s'impose nous n'obtenions pour l'extirpation de la pleuropneumonie que des résultats si insignifiants ?
Le motif en est, que le gouvernement, en cette matière, ne peut pas faire assez ; la chose est au-dessus de ses forces et il n'est point convenablement secondé. En effet, les indemnités payées du chef du bétail abattu ne s'élèvent, dans certaines provinces, qu'à la modique somme de 80 fr., au maximum, par tête de bétail, dont la valeur s'élève le plus souvent à 200, 300, 400 francs et au-delà.
On comprend, dès lors, que les cultivateurs, au lieu d'obtempérer aux prescriptions de la loi, au lieu de faire immédiatement, et dès que l'épidémie apparaît, leur déclaration à l'administration communale, comme ils y sont obligés, dissimulent plutôt la maladie et n'ont rien de plus pressé que de mettre tout leur bétail en vente. De sorte que la contagion, au lieu de se restreindre à une étable, se propage et que bientôt le fléau dévastateur devient général et répand la désolation et la ruine dans toute une contrée.
Au sein du comice agricole de l'arrondissement de Courtrai, qui se distingue par ses travaux si utiles et si nombreux, la question de (page 703) l'indemnité à payer du chef de l'abatage du bétail atteint de maladie, a été dernièrement agitée et un médecin vétérinaire du gouvernement, homme distingué par sa science et sa longue expérience, y a exposé des vues sur lesquelles je me permets d'appeler l'attention de M. le ministre de l'intérieur.
Il existe, dans la Flandre occidentale, une espèce de caisse d'assurances mutuelles, fournie au moyen d'une taxe sur chaque tête de bétail. Dans cette province l'indemnité peut s'élever, le cas échéant, jusqu'à la somme de 250 francs. Mais, messieurs, à quoi sert-il qu'une province isolément fasse des sacrifices, si son exemple n'est pas suivi par d'autres et si l'introduction du bétail infecté y a lieu comme partout ailleurs ?
A quoi bon faire des sacrifices, quand la cause principale de la propagation de la maladie, c'est-à-dire le contact d'animaux atteints avec dos bêtes saines demeure possible ?
Pour remédier à cet inconvénient, l'artiste vétérinaire dont je viens de parler tout à l'heure, a émis l'idée, si on ne veut pas rendre tous les efforts stériles, qu'il faudrait que le gouvernement usât de toute son influence pour tâcher de faire généraliser l'institution qui fonctionne si bien dans la Flandre occidentale.
Il résulte de ses calculs, appuyés sur de nombreuses observations et sur des faits constants, qu'on pourrait au moyen de taxes modérées, prélevées dans tout le pays, arriver à payer intégralemeut le montant du prix du bétail abattu.
Dans le principe, la cotisation serait fixée à 1 fr. par tête pour le gros bétail, 75 centimes pour le moyen bétail et 25 centimes pour le menu bétail.
Au moment où la maladie se déclarerait chez un cultivateur, il devrait faire sa déclaration à l'autorité communale qui chargerait l'artiste vétérinaire de constater la maladie, de prendre le signalement de tous les animaux qui se trouvent dans l'étable et d'en faire conjointement l'évaluation avec deux contribuables de la commune ; les animaux infectés seraient complètement isolés des autres et soumis à un traitement rationnel, traitement qui, pour bien des cas, pourrait faire espérer la guérison, parce qu'on attaquerait la maladie à l'origine.
Je n'admets pas, avec l'honorable préopinant, qu'on ne peut par aucun moyen thérapeutique parvenir à vaincre la maladie une fois déclarée ; il y a sans doute parfois des cas de guérison.
D'autre part, le système de M. Willems, dont il a été tant parlé et qui n'est-pas encore jugé, pourrait être soumis, à cette occasion, à des expériences concluantes et définitives.
M. de Naeyer. - Il n'a pas pour but de guérir, mais de prévenir.
M. Tack. - Comme moyen préventif à l'égard du bétail non encore atteint du fléau et placé dans une étable où quelques cas de maladie ont été constatés, il n'y aurait pas d'inconvénient à essayer du procédé du docteur Willems.
Voici donc sur quoi en définitive se base l'idée que je me permets d'exposer à la Chambre et qui a été accueillie par le comice de Courtrai. En généralisant la mesure qui a reçu dans la Flandre occidentale la sanction de l'expérience et en second lieu en assurant une indemnité complète intégrale pour le bétail abattu, on aurait la certitude d'avoir tari la source principale de la maladie, car ce serait empêcher la contagion par le contact.
En effet, le cultivateur n'aurait plus le moindre intérêt à cacher la maladie, à dissimuler le fléau ; sachant d'avance qu'il sera indemnisé de toute la perte, il n'aurait rien de plus pressé que de faire la déclaration devant l'autorité compétente.
Par suite, plus de bêtes infectées exposées sur le marché, sécurité pour le commerce, sécurité pour l'hygiène publique.
Nous pourrions arriver peut-être aussi à la réduction du subside voté annuellement par la législature ; au moins nous pourrions nous borner à une allocation fixe au lieu d'une allocation variable qui se gonfle souvent d'une façon démesurée. Afin de réaliser le plan recommandé par le comice de Courtrai, le gouvernement ferait chose excellente en examinant la question de savoir si on ne doit pas faire dépendre l'allocation du subside aux provinces de l'adoption de mesures analogues à celles qui ont été prises et qui fonctionnent parfaitement bien dans la Flandre occidentale.
Je sais, messieurs, qu'il existe une difficulté réelle au point de vue de nos relations avec la Hollande. Cependant il ne serait peut-être pas impossible de déterminer la Hollande à entrer dans la même voie, à adopter des mesures analogues.
Il existe en Hollande des caisses provinciales d'assurances. Mais là aussi la mesure n'est pas assez générale. Il en est qui sont tombées, d'autres qui se sont maintenues. Si l'on parvenait à en établir dans toutes les provinces de Hollande et de Belgique, il est évident que l'on aurait empêché en grande partie la contagion et que peut-être, au bout de très peu de temps, on parviendrait à restreindre dans des limites très étroites la maladie qui sévit aujourd'hui si cruellement.
A la suite de ce résultat la taxe qui dans le principe serait fixée d'après les bases que je viens d'indiquer, pourrait être notablement réduite. On pourrait aussi dans les commencements créer un fonds de réserve, comme cela s'est pratiqué dans la Flandre occidentale. Ce fonds de réserve servirait éventuellement à satisfaire à toutes les exigences inattendues, et à répondre à tous les besoins exceptionnels.
Je recommande donc à la sollicitude de l'honorable ministre de l'intérieur l'idée qui a été émise au sein du comice agricole de l'arrondissement de Courtrai.
Je la crois très pratique. L'on ne peut, je le reconnais, forcer les provinces à donner leur adhésion au mode suivi en Flandre, mais par des négociations amiables on parviendrait peut-être à leur faire adopter un projet dont le pays entier ne tarderait pas à recueillir les bénéfices.
- M. E. Vandenpeereboom remplace M. Vervoort au fauteuil.
(page 738) M. Vander Donckt. - Messieurs, l'on vient d'insister beaucoup sur les avantages d'un système d'assurance mutuelle appelé fonds provincial d'agriculture, pour indemniser les détenteurs de bétail affecté de l'épizootie dite pleuropneumonie.
L'honorable préopinant vous a développé ce système dont il est grand partisan et qui consiste en une taxe à faire payer par tête de bétail, pour créer ainsi un fonds au moyen duquel on indemnise les cultivateurs qui perdent un cheval ou une bête à cornes atteinte de l'épizootie.
Messieurs, je crois que c'est parce que le gouvernement accorde des indemnités aux détenteurs de chevaux ou de bétail que ces détenteurs se montrent aussi négligents à dénoncer la maladie lorsque leur bétail est atteint ; ils hésitent à faire leur déclaration, parce que l'indemnité qu'ils reçoivent ne suffit pas et n'est pas une indemnité complète.
Il existe des compagnies d'assurances. Pourquoi n'engage-t-on pas les détenteurs de bétail qui veulent s'assurer à s'adresser à ces compagnies d'assurances ?
Cela vaudrait infiniment mieux, et les détenteurs auraient beaucoup plus de soin de leur bétail. Evidemment ce serait une mesure très sage, et le gouvernement échapperait à toutes les difficultés dont il est aujourd'hui entouré.
Dans mon opinion, faire payer une taxe par tête de bétail, c'est une vexation, c'est un impôt illégal. Cette mesure, dont l'honorable préopinant fait aujourd'hui l'éloge, a été introduite dans la Flandre orientale, il y a peut-être quinze ans. Après quelques années, nous sommes heureusement parvenus à la faire abolir.
- Un membre. - Elle existe.
M. Vander Donckt. - Pendant dix à douze ans, nous avons été délivrés de cet impôt inique, je dirai de ce fléau, et les cultivateurs en étaient très heureux. Il y a deux ans, on l'a de nouveau imposé, et cette fois avec beaucoup plus de rigueur.
Messieurs, il est évident à mes yeux, et c'est après avoir consulté beaucoup d'agronomes et de vétérinaires que je viens vous signaler toute l’iniquité de ce fatal impôt.
Pour qu'une assurance mutuelle puisse être établie sur des bases justes et équitables, il faut surtout que tous les assurés se trouvent dans les mêmes conditions, et soient exposés aux mêmes chances de contracter la maladie dans leurs écuries et leurs étables. Or, dans la pratique, voici comment les choses se passent : les chevaux des charretiers, rouliers, voitures publiques et vigilantes sont assurés ; ces chevaux sont d'autant plus exposés à contracter la morve qu'ils se trouvent fréquemment en contact dans les écuries d'auberges et autres lieux de relais et que les détenteurs sont insoucieux des soins et des précautions à prendre, assurés qu'ils sont de toucher une indemnité quand, le mal devenu incurable, l'abattage est ordonné. Le cultivateur, au contraire, dont les chevaux sont très rarement en contact avec d'autres est très soucieux, prend grand soin d'isoler ses chevaux, de les tenir éloignés des chevaux étrangers ; cependant il est astreint à assurer les autres contre un mal dont il n'est que très rarement atteint.
Cette vérité est plus évidente encore en ce qui concerne les détenteurs de bêtes à cornes. Il est incontestable, et l'expérience l'a prouvé à toute évidence, que la maladie règne plus fréquemment dans les localités où l'on est dans l'habitude d'engraisser le bétail et dans les étables du marchand de bétail que dans celles du simple cultivateur.
La raison en est que le marchand, fréquentant tous les marchés, achète et vend, trafique tous les jours, est par cela même beaucoup plus exposé que le cultivateur ; pour l'engraisseur, la cause est plutôt dans l'excès et la qualité plus nourrissante des aliments et la détention continuelle dans une étable bien fermée, peu aérée et dont son bétail ne sort que pour aller à la boucherie ; tandis que le bétail du cultivateur, nourri d'herbages qu'il va chercher à la prairie, se trouve dans des conditions hygiéniques infiniment meilleures ; il en résulte ce fait incontestable que cette maladie règne surtout dans les étables des engraisseurs et que le petit cultivateur, qui est isolé, qui élève ses jeunes têtes de bétail pour remplacer les autres, qui n'a besoin de venir ni au marché de Malines, ni au marché de Hollande, ou autres marchés que le petit cultivateur, est infiniment moins exposé à cette maladie. (Interruption.)
Vous pouvez niez et dire que c'est une erreur ; mais je soutiens, moi, que cela est parfaitement exact. Dans la commune d'Oostacker, près de Gand, un seul marchand de bétail et engraisseur a touché en une année sur le fonds provincial d'agriculture, au-delà de 3,000 francs, tandis que, dans toutes les autres communes, où les engraisseurs sont en moins grand nombre, on rencontre à peine deux ou trois cas d'épizootie.
Messieurs, après avoir longtemps étudié la question, après l'avoir discuté tant au conseil provincial que dans cette enceinte, mon opinion est qu'il faut laisser à l'industrie privée le soin de l'assurance et au cultivateur la liberté de faire assurer ou de ne pas faire assurer son bétail. Cela serait beaucoup plus logique et plus conforme à nos institutions, que ce qui s'est pratiqué jusqu'ici.
Maintenant, messieurs, comme l'honorable M. Henri Dumortier l'a parfaitement dit hier, pour l'agriculture il n'y a qu'un seul sentiment ; il y a des paroles bienveillantes, des assurances de sympathie sur tous les bancs de cette Chambre ; mais les faits ne répondent nullement à ces belles protestations.
On néglige beaucoup les véritables intérêts de l'agriculture, et quand on s'en occupe, c'est plutôt à son détriment qu'à son avantage.
Je dois signaler surtout les vices de la loi sur l'exercice de l'art vétérinaire.
D’abord cette loi fait table rase de tous les anciens maréchaux vétérinaires ; il leur est défendu de pratiquer, il leur est défendu d'aider le cultivateur et il est établi des peines contre les détenteurs de bétail qui se sont avisés de traiter eux-mêmes leur bétail.
C'est là, messieurs, une monstruosité inconcevable. Comment ! quand on a une tête de bétail, on a le droit de l'abattre, on a le droit de lui couper la queue ou la tête, comme on l'entend, mais si l'on s'avisait de la saigner, on est exposé à être dénoncé et une correctionnellement pour avoir traité son bétail ! Je vous le demande, messieurs, y a-t-il quelque chose de plus absurde, de plus contraire, à la liberté d'user et d'abuser de sa propriété ?
Messieurs, il y a dans cette loi une autre lacune, qui est bien plus grave encore ; l'ancien vétérinaire ne peut plus soigner le bétail, il faut que ce soit un vétérinaire qui ait passé ses examens, qui sorte de l'école vétérinaire ; ces jeunes gens sans expérience viennent se placer dans les campagnes et forcément c'est à eux qu'il faut avoir recours.
Mais ce n'est pas tout, vous n'avez pas le droit d'appeler ce vétérinaire ; si vous voulez être indemnisé pour votre bétail abattu par voie d'autorité, vous devez prendre, vous devez aller chercher ce qu'on appelle le vétérinaire du gouvernement, c'est-à-dire un vétérinaire qui a obtenu une faveur exceptionnelle. C'est encore là une injustice criante envers les autres vétérinaires diplômés.
A tout instant l'on réclame contre les privilèges, contre les primes, contre les exceptions ; eh bien, en voilà une qui est injustifiable. Ce n'est pas ici un abus d'un autre âge, c'est un abus de l'âge actuel, et j'espère bien qu'on y mettra un terme.
Le vétérinaire de l'Etat, institué par le gouvernement, est seul admis à donner un certificat valable pour l'obtention de l'indemnité ; eh bien, ce vétérinaire demeure souvent à 4 lieues de la ferme, tandis que, dans le voisinage, il y a un jeune vétérinaire sorti de l'école du gouvernement, qui a subi de brillants examens ; mais le gouvernement n'accorde pas sa confiance à ce vétérinaire, il n'a confiance qu'en l'homme à qui il a accordé ; par une faveur exceptionnelle, le droit de délivrer les certificats.
Eh bien, je dis que c'est là une injustice criante envers les autres vétérinaires diplômés ;et au lieu de favoriser l'agriculture, ce système l'entraîne à de grands frais et lui cause un préjudice considérable.
On ne se fait pas une idée juste des relations du cultivateur avec le vétérinaire ; on ne permet pas. même au cultivateur de traiter son propre bétail ; on ne se borne pas à ne pas admettre les certificats du vétérinaire qui habite la commune, dans le voisinage de la ferme ; il faut absolument et de toute nécessité employer le vétérinaire désigné par le gouvernement pour délivrer ces certificats.
Je me borne pour le moment, messieurs, à signaler ces abus de la loi sur l'exercice de l'art vétérinaire. Je les signale à l'attention de l'honorable ministre de l'intérieur, et j'espère qu'il les fera cesser dans un bref délai.
(page 703) M. H. Dumortier. - Messieurs, ce n'est pas à la légère que j'ai signalé l'état du marché de Malines comme l'une des causes du développement de la pleuropneumonie. Je comprends parfaitement qu'une telle accusation pourrait porter un dommage à des intérêts respectables. Je crois cependant qu'on ne doit pas pousser la condescendance jusqu'à se rendre soi-même victime de la négligence de certaines autorités.
On répète constamment, messieurs, ce reproche ; c'est parce que je l'ai trouvé dans tous les documents spéciaux, depuis les bulletins du conseil supérieur, jusqu'aux procès-verbaux des commissions provinciales d'agriculture, que je me suis permis de signaler le fait dans cette enceinte. Il est désirable d'y voir mettre un terme, et l'on doit regretter que des mesures n'aient pas déjà été prises pour le faire cesser. (Interruption.)
Nous allons voir si le conseil supérieur, composé certes d'hommes compétents, est de l'avis de l'honorable membre qui m'interrompt.
Dans les bulletins du conseil supérieur d'agriculture de 1858 et même des années antérieures, je trouve des passages qui m'autorisent parfaitement à dire ce que j'ai dit. Voici ce que je trouve à la page 104 du volume de l'année 1858 :
« La pneumonie n'a pas perdu son empire : dans le Brabant on le constate bien souvent dans une étable lorsqu'on y introduit une bête provenant du marché de Malines. »
Il me semble que cela est assez catégorique. Je pourrais faire connaître à la Chambre cinq ou six autres passages ; je me bornerai à en citer un second. Je l'emprunte au dernier bulletin du conseil supérieur de l'agriculture et c'est après avoir recueilli de nombreux témoignages du fait, que l'assemblée a reproduit son accusation :
« La commission d'agriculture de la province d'Anvers, elle aussi, attribue la propagation de la pneumonie exsudative qui a régné dans un grand nombre de communes au marché de Malines. La commission signale ce marché comme un foyer contagieux entretenu par les animaux qui y sont amenés de l'intérieur et de l'étranger. M. le gouverneur a cru devoir s'adresser à l'administration communale de cette ville pour lui demander quelles mesures elle a l'intention de prendre, afin d'arrêter le mal signalé. »
Et plus loin :
« Dans la partie de la province de Brabant qui s'approvisionne au marché de Malines, il ne se passe pour ainsi dire pas de trimestre que les vétérinaires ne signalent des faits de l'espèce. »
Vous voyez donc que ce n'est pas par malveillance que je me suis permis de signaler ce fait, qui est très grave puisque des autorités aussi respectables lui attribuent, du moins en partie, la propagation de la maladie contagieuse dans toutes les parties de la Belgique.
Au reste, ce n'est pas seulement à Malines qu'existe une négligence fort regrettable sous ce rapport ; ce n'est pas seulement à Malines que les animaux malades arrivent sur le marché sans avoir subi une visite sérieuse. Le même fait se produit dans d'autres localités.
J'avais donc raison de dire hier que si le gouvernement ne croit pas le moment opportun pour présenter une réforme complète du code rural tout entier, il serait urgent de reproduire au moins le projet de loi qui a été déjà admis une première fois en 1855 et dont l'article 8 était ainsi conçu :
« Art. 8. Un médecin vétérinaire doit assister à chaque foire ou marché de chevaux et de bestiaux, à l'effet de s'assurer de l'état sanitaire des animaux qui y sont exposés en vente.
(page 704) « Les frais résultant de cotte surveillance sont, par moitié, à la charge de l'Etat et des communes où les foires et marchés sont établis. »
Certainement, malgré une surveillance sérieusement organisée, il y a des cas où le germe de la maladie peut exister, sans qu'il soit possible de le constater, et vous comprenez bien que ce n'est pas de ces cas que je parle. Mais je crois qu'on porterait déjà remède au mal si sur les marchés de bétail on organisait une police sur le pied proposé en 1855.
Messieurs, je ne puis admettre une idée que vient d'émettre l'honorable M. Vander Donckt : je reconnais du reste la sympathie et le dévouement qu'il porte aux intérêts agricoles.
J'ai vu fonctionner la caisse d'assurance provinciale de la Flandre occidentale dont l'honorable M. Tack vient d'entretenir la Chambre ; je crois donc devoir ajouter ma voix à la sienne pour proclamer que cette caisse est une excellente institution ; qu'elle est très populaire dans la province. Grâce à l'indemnité que le cultivateur dont le bétail est abattu, reçoit sur les fonds provinciaux et sur les fonds de l'Etat, le cultivateur se trouve souvent à peu près indemnisé de la perte qu'il éprouve.
Cette caisse aussi est en état de fournir à tous les besoins et d'être en même temps une véritable banque pour la province de la Flandre occidentale qui y a puisé lorsqu'elle s'est trouvée dans le cas de recourir à des moyens financiers extraordinaires.
Je ne veux pas entretenir longuement la Chambre à ce sujet ; mais je tiens en mains le bilan de cette institution, et il suffit s'y jeter un coup d'œil, pour reconnaître qu'il serait très utile qu'elle se généralisât. Je regrette vivement que ce qui a parfaitement réussi dans la Flandre occidentale, n'ait pas pu exister dans la Flandre orientale, où l'administration compte tant d'hommes distingués.
- Un membre. - La caisse existe.
M. H. Dumortier. - Pourquoi ne rend-elle pas les services que rend à l'agriculture celle de la Flandre occidentale ?
L'honorable M. Vander Donckt nous dit : « Pourquoi le gouvernement intervient-il dans cette matière ! Le gouvernement intervient dans tout. » Je suis étonné qu'à ce propos on n'ait pas parlé de socialisme.
Mais si le gouvernement n'intervenait pas en cette matière, s'il n'accordait pas certaines indemnités aux cultivateurs, l'honorable membre croit-il que des sociétés particulières voulussent assurer le bétail ? Evidemment non, ou du moins très exceptionnellement, et cela se conçoit. Il n'y a que le gouvernement qui puisse, encore très imparfaitement, surveiller les cas de fraude, au moyen des administrations communales.
Messieurs, l'Etat peut et doit intervenir lorsqu'il s'agit d'un grand intérêt et que l'initiative des particuliers ne peut satisfaire à un besoin constaté.
L'honorable M. Vander Donckt s'est plaint aussi très amèrement de ce que pour l'abatage des bêtes dont la maladie a été constatée, il faille l'intervention d'un vétérinaire du gouvernement. Mais pouvez-vous admettre qu'un vétérinaire privé, ne relevant ni du gouvernement, ni de qui que ce soit, soit chargé d'une mission qui a pour résultat d'imposer une dépense au gouvernement ?
Comment voudriez-vous qu'un simple vétérinaire, qui n'a aucune responsabilité devant le gouvernement, qui n'aura de compte à rendre à personne, décide qu'un animal doit être abattu et que le gouvernement aura à payer de ce chef telle ou telle indemnité ?
Je dis que si vous admettiez ce système, il résulterait de la grande concurrence qui existe entre les vétérinaires de véritables abus et que l'allocation qui figure pour cet objet au budget serait bientôt doublée et triplée.
Je me rallie complètement aux observations présentées par les honorables MM. Tack et Van de Woestyne, et je repousse celles de mon honorable ami, M. Vanden Branden de Reeth.
M. Rodenbach. - Messieurs, je partage la manière de voir des honorables MM. Tack et H. Dumortier. Je crois que les arguments qu'ils ont fait valoir sont frappés au coin de la vérité, mais je n'ai demandé la parole que pour citer un fait.
Si j'ai bien compris mes honorables collègues, la maladie règne beaucoup plus fortement dans la Flandre orientale que dans la Flandre occidentale.
Eh bien, je sais pertinemment que dans plusieurs grandes distilleries de la Flandre occidentale, on a employé le système d'inoculation de M. Willems.
Donc, puisque la maladie règne le plus fortement dans les étables où l'on engraisse le bétail et qu'il est de fait qu'elle sévit moins dans la Flandre occidentale que dans la Flandre orientale, je suis porté à croire que le système de M. Willems, qui a été appliqué non seulement par des distillateurs de la Flandre occidentale mais par les grands distillateurs du Brabant, devrait être encouragé plus ou moins par le gouvernement, soit par des circulaires, soit par d'autre moyens.
Je sais que des commissions ont fait des rapports défavorables à ce système, mais en France, en Hollande et dans plusieurs autres pays il y a eu aussi des commissions qui se sont prononcées pour ce système. L'honorable député de Hasselt, M. de Renesse, nous a cité l'an passé un grand nombre de commissions qui ont fait des rapports d'où il résulte que le système de M. Willems est praticable et bon.
Je dis donc qu'on pourrait examiner à nouveau.
Quand une nouvelle invention se produit, messieurs, elle a toujours ses partisans et ses antagonistes. Il y a souvent aussi des envieux, des jaloux ; il se peut qu'il y ait des gens intéressés à ce que le système ne se propage pas.
J'engage donc le gouvernement à faire examiner encore la question de savoir si réellement cette méthode est praticable sans danger. Je le répète, l'exemple de la Flandre occidentale où l'on pratique la méthode plus que dans la Flandre orientale et où l'on en obtient de bons résultats, mérite la sérieuse attention du gouvernement.
M. de Renesse. - Je crois aussi devoir présenter quelques courtes observations sur l'invention si utile de M. le docteur Willems, de Hasselt ; je veux parler, comme l'honorable collègue et ami M. Rodenbach, de l'inoculation de la pleuropneumonie des bêtes bovines ; voilà plus de dix ans que ce. savant docteur a fait connaître publiquement ce moyen curatif et surtout préservatif de cette maladie des bêtes à cornes ; depuis 1826 qu'elle existe dans le pays, elle a fait perdre des sommes énormes à l'agriculture, et chaque année un crédit très notable a été voté au budget de l'intérieur, pour accorder une faible indemnité aux agriculteurs, aux distillateurs et engraisseurs pour bestiaux abattus.
Le gouvernement a nommé commission sur commission, à l'effet d'examiner les résultats de l'inoculation ; ces commissions ne sont pas parvenues à se prononcer définitivement sur ce moyen prophylactique.
Cependant, à en juger par des pétitions assez nombreuses qui, déjà, ont été adressées à la Chambre depuis plusieurs années, il paraît résulter que l'inoculation est employée avec le plus grand succès par les nombreux éleveurs, engraisseurs et distillateurs des diverses parties de notre pays, et ils assurent que leurs expériences pratiques de l'inoculation, d'après le procédé Willems, doivent prouver à l'évidence que ce moyen préservatif a fait presque disparaître en totalité la pleuropneumonie de leurs étables.
Je viens de nouveau demander au gouvernement, avec l'honorable M. Rodenbach, pour que ce remède prophylactique soit tout particulièrement recommandé à nos nombreux agriculteurs, et de le propager dans nos campagnes.
M. de Naeyer. - Messieurs, je prends la liberté de recommander à la plus sérieuse attention du gouvernement les observations très judicieuses et très importantes présentées par l'honorable M. Van de Woestyne, et je dois remercier cet honorable membre d'avoir produit dans cette enceinte une opinion ou, si vous le voulez, un système dont l'initiative appartient au comice agricole, institué à Alost.
Jetions à la main un journal agricole flamand l’Akkerbouw, du 22 décembre 1861, et j'y trouve une discussion très intéressante qui a eu lieu au sein du comice agricole d'Alost, au sujet du système que l'honorable M. Van de Woestyne vous a fait connaître parfaitement, et qui consiste tout bonnement à abattre l'animal aussitôt que la maladie est constatée, parce qu'alors ordinairement la viande peut encore être livrée à la consommation sans le moindre danger pour la santé publique.
Ce système, dont l'idée première paraît appartenir à M. de Moor, artiste vétérinaire du gouvernement à Alost, et homme d'étude et de science, est incontestablement le seul logique, s'il est vrai que la terrible maladie dont il s'agit est réellement incurable. Or, c'est ce qui est affirmé de la manière la plus positive par cet artiste vétérinaire, homme instruit, je le répète, et qui a prouvé sa valeur scientifique par plusieurs publications.
En effet voici les paroles qu'il a prononcées dans la réunion que je viens d'indiquer :
« Man heeft vele maetregels genomen in de hoop dat de genezing der ziekte dikwyls kan bekomen worden ; maer het is eene dwaling die men alle dagen kan bestatigen... » (Interruption..)
Je lis, messieurs, une citation flamande.
M. Coomans. - Gy hebt wel gelyk.
M. de Naeyer. - J'ai cité l'original afin que ceux qui comprennent la langue flamande aient la certitude que je reste fidèle à la pensée de l'auteur. Cela signifie donc que toutes les mesures qui ont été prises pour séquestrer les animaux malades et pour les soumettre à un traitement avec l'espoir de les guérir, sont dépourvues d'efficacité, et que l'expérience (page 705) journalière constate que ceux qui s'imaginent le contraire sont dans une profonde erreur. Il y a donc là, de la part d'un homme très compétent, éclairé tout à la fois par la science et par la pratique, il y a là une déclaration bien formelle quant au caractère incurable de la maladie.
On vous a parlé, messieurs, du système de M. le médecin Willems. Je n'entends en aucune manière en diminuer la valeur. Je crois même que ce système peut être excellent. Il a été condamné d'abord par la science, mais il paraît que des faits très nombreux et incontestables lui ont donné raison.
Or, j'ai certainement un grand respect pour la science, mais je pense que la science elle-même doit s'incliner devant les faits bien constatés ; elle doit même accueillir ces faits avec reconnaissance, parce qu'ils la mettent sur la voie du progrès.
Il ne faut pas cependant se faire illusion sur la véritable nature du procédé de M. Willems.
Il est comparable à la vaccine, et l'on ne dira jamais que la vaccine guérit la variole ; elle la prévient, ce qui vaut mieux.
Il en est de même pour le système du médecin Willems, et sous ce rapport il est doublement précieux ; car il vaut mieux prévenir que de guérir, puisqu'en prévenant on rend la guérison inutile.
Mais toujours est-il que ce système ne contredit en aucune façon le système de notre médecin vétérinaire d'Alost, M. de Moor, qui prétend que la maladie non prévenue et une fois constatée est incurable.
Il est évident dès lors qu'il ne faut pas s'amuser à vouloir la guérir, c'est-à-dire faire des dépenses souvent considérables pour poursuivre un résultat impossible ; cela ne doit pas se faire, pour deux motifs également péremptoires, d'abord par ce traitement inutile et inefficace, on crée et on développe un véritable foyer d'infection.
En effet, la maladie se propage partout par les miasmes volatils.
Cela paraît certain. Aussi longtemps que l'animal est en traitement, ces miasmes se produisent, se développent et vont répandre partout l'infection.
Ce système est avantageux à un autre point de vue puisque l'expérience est là pour constater, et nous serions, je pense, tous morts s'il en était autrement, l'expérience est là pour constater que la viande n'est pas dangereuse lorsque la maladie n'est pas arrivée à un grand degré d'intensité.
Je suis certain que tous les membres de la Chambre ont mangé plus d'une fois des viandes de cette espèce sans s'en apercevoir et sans en être incommodés le moins du monde.
Vous voyez donc combien ce système est important et combien il simplifie la question. Il s'agit uniquement d'autoriser les cultivateurs qui abattraient des animaux au premier degré de la maladie, à vendre la viande. Ce n'est plus dès lors qu'une affaire de police ; il n'y a plus, pour ainsi dire, d'indemnité à accorder, puisque l'indemnité se trouverait dans la vente de la viande, au moins en grande partie, surtout après qu'il serait généralement reconnu que la viande des animaux abattus au commencement de la maladie ne présente aucun caractère nuisible.
Par l'adoption de ce procédé on augmenterait d'autant la masse de substances alimentaires, tandis qu'aujourd'hui les bestiaux doivent être enfouis parce qu'on laisse à la maladie le temps de gâter complètement la viande.
Quant au système d'indemnités dont on vous a parlé, j'avoue que je n'en suis pas grand partisan. J'admets que ce système puisse fonctionner avec une grande régularité administrative et qu'alors il donne lieu à de beaux rapports officiels ; mais en fait il entraîne des abus et des injustices par cela même qu'il est basé sur des taxes obligatoires et forcées.
Il y a 18 ou 19 ans, lorsque je siégeais avec mon honorable ami M. Vander Donckt au conseil provincial de la Flandre orientale, j'ai assisté à la création du système. Eh bien, messieurs, les abus qui ont été constatés étaient tels, que nous avons été presque unanimes pour l'abolir.
En effet, les cantons qui ont le triste privilège d'être visités plus spécialement par la maladie, absorbaient la plus grande partie du fonds et les autres cantons ne participaient guère à l'institution que pour alimenter la caisse.
Eh bien, malgré les protestations énergiques d'une grande partie du conseil, ce même fonds provincial qui avait été supprimé vient d'être rétabli il y a un an ou deux.
Mais je suis bien convaincu qu'on ne le maintiendra pas et qu'il ne tardera pas à tomber de nouveau sous le poids des abus qu'il engendrera.
Sous ce rapport, je suis tout à fait de l'avis de l'honorable M. Vander Donckt. Je pense qu'ici comme toujours, quand les intérêts agricoles sont en cause, la liberté pleine et entière vaut bien mieux que la réglementation. Eh, mon Dieu, l'agriculture supporte déjà la liberté douanière ; pourquoi veut-on lui marchander en quelque sorte la liberté dans l'intérieur du pays, pourquoi la réglementer, la gêner, la contrarier par cette déplorable manie de mesures administratives ? Mais qu'on la laisse marcher ; elle est assez robuste pour marcher seule et elle n'a pas besoin des béquilles du gouvernement.
M. Vanden Branden de Reeth. - Je ne comprends pas bien, messieurs, la persistance que met l'honorable M. Dumortier à déprécier le marché de Malines.
Quand nous voyons la maladie sévir dans toutes les parties du pays, depuis le Limbourg jusqu'au fond de la Flandre occidentale, ne serait-il pas étrange que le marché de Malines, où il se vend chaque année 30,000 têtes de bétail, ne fournît pas quelques animaux ayant le germe de la maladie ?
Il serait vraiment prodigieux que ce marché échappât seul à une influence que subissent toutes les parties du pays.
L'honorable membre a parlé de certains agriculteurs du Brabant. Mais, messieurs, comment ces agriculteurs voudraient-ils être exempts d'un fléau qui sévit dans tout le pays ? Quant à moi, j'avoue que je ne comprendrais pas une telle prétention.
Mais puisque l'honorable membre a cru devoir citer des autorités, je me permettrai, à mon tour, d'en citer deux aussi dont personne, sans doute, ne contestera ni la compétence, ni les assertions.
L'honorable M. de Pitteurs me disait, tout à l'heure encore, qu'il a eu un grand nombre de bêtes malades dans ses étables et que cependant il n'en a jamais acheté à Malines.
De son côté, l'honorable M. Faignart m'a affirmé que les plus belles bêtes de ses étables provenaient de Malines et qu'elles n'ont jamais eu de maladie.
M. Magherman. - Je crois de mon devoir de prendre part à ce débat pour appuyer les observations des honorables MM. Vander Donckt et de Naeyer, contre le système d'impôt obligatoire sur le bétail, pour venir en aide aux cultivateurs qui font des pertes dans leurs étables. Si la voix de ces honorables membres restait isolée, on pourrait croire que la généralité des populations est favorable à ce genre d'impôt.
Il n'en est rien, messieurs, et je dois à la vérité de déclarer, pour mon compte, que dans l'arrondissement qui m'a envoyé dans cette enceinte, les cultivateurs ne se soumettent qu'avec la plus vive répugnance à cet impôt.
En effet, comme l'a fait très justement remarquer l'honorable M. de Naeyer, la répartition du produit de cet impôt se fait de la manière la plus inégale, je pourrais dire la plus injuste. Je reconnais que les cultivateurs qui en prélèvent la plus forte part sont précisément ceux qui ont été le plus éprouvés par le fléau ; mais il n'est pas moins vrai qu'il y a une sorte d'inégalité en ce que quelques-uns seulement profitent de sacrifices faits par la généralité.
Si les grands éleveurs en général éprouvent des pertes plus considérables dans leur bétail, cela tient en grande partie aux conditions particulières du régime auquel il est soumis pour provoquer un prompt engraissement à l'étable.
Les bêtes à cornes destinées aux usages ordinaires de l'agriculture ne sont pas exposées aux mêmes dangers et contractent plus rarement la maladie ; de sorte que ce sont les éleveurs en grand qui absorbent presque exclusivement le fonds provincial ; et quand il arrive exceptionnellement que de petits cultivateurs sont à leur tour éprouvés par le fléau, ils n'obtiennent rien, la plupart du temps, parce qu'ils connaissent moins bien les formalités auxquels ces sortes de réclamations sont soumises.
Je dois appuyer aussi les observations de l'honorable M. Vander Donckt en ce qui concerne les certificats que certains vétérinaires désignés par le gouvernement sont seuls autorisés à délivrer.
Ceci encore occasionne les abus les plus graves et les plus fréquents. Le vétérinaire du gouvernement demeure souvent à une très grande distance des fermes ; quand des particuliers vont l'avertir que la maladie a éclaté dans leurs étables, il arrive parfois que le vétérinaire est absent ou bien que, fatigué par de longues courses, il ne peut pas se rendre immédiatement à l'appel qui lui est adressé. En attendant, la maladie se développe, et si la bête meurt avant l'arrivée du vétérinaire, le cultivateur n'est pas même indemnisé. Ce sont là, messieurs, des faits qui rendent l'impôt excessivement impopulaire.
Aussi, suis-je bien convaincu que le fonds provincial de la Flandre orientale supprimé, il y a quinze ou seize ans, après avoir fonctionné pendant une couple d'années, finira par disparaître de nouveau devant la réprobation du public, et j'espère bien qu'après cette nouvelle expérience on ne songera plus à le relever.
(page 706) M. de Theux. - Je pense que le gouvernement doit être maintenant suffisamment édifié sur la valeur de l'inoculation de la pleuropneumonie. Les expériences qui ont été faites, notamment à Hasselt par tous les grands distillateurs ont produit des résultats très satisfaisants, et plusieurs grands industriels du pays ont également appliqué cette méthode avec un véritable succès. Je crois donc que le gouvernement ferait chose utile et favorable à l'agriculture en donnant son approbation à ce système et en encourageant les cultivateurs à le mettre en pratique et je l'engage à réfléchir sérieusement à cet objet.
Une commission a été nommée il y a un grand nombre d'années, cette commission a été dissoute par suite de dissentiments qui ont éclaté dans son sein ; mais il y aurait lieu de reprendre l'examen de cette affaire et de tâcher d'arriver à des conclusions pratiques.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - A la fin de la séance d'hier et dans la séance d'aujourd'hui, un grand nombre d'observations très intéressantes ont été soumises à la Chambre.
J'en tiendrai bonne note, car je désire aussi mériter un jour les éloges qu'un honorable membre vient de donner à mon prédécesseur. Pour ma part, je suis très sympathique à l'agriculture ; je ne négligerai aucune occasion de la favoriser, et je serai même heureux de faire naître moi-même ces occasions.
Je dois reconnaître cependant, messieurs, que les différentes questions qui ont été soulevées ne peuvent pas toutes être résolues en ce moment. Dans la Chambre même, vous l'aurez remarqué, il y a des divergences d'opinions assez grandes, et, en présence de ces diverses manières de voir, le gouvernement doit hésiter, surtout quand il s'agit de questions de cette importance, de questions tout à fait spéciales.
Pour commencer par l'objet dont MM. de Theux et de Renesse viennent d'entretenir la Chambre, l'introduction du système Willems, je dirai qu'il m'est impossible de prendre une décision comme le demandent ces honorables collègues.
La question, malgré tous les soins que le gouvernement y a donnés, n'est pas encore résolue. (Interruption.)
Je ne demande pas mieux que d'aider à la résoudre ; mais il faut le concours des hommes spéciaux et qu'ils soient d'accord entre eux. Jusqu'ici cet accord n'existe pas ; les derniers rapports le constatent. On poursuit les expériences en ce moment.
La maladie sévit avec une grande énergie dans quelques localités de la Flandre orientale ; et l'on a donné à la commission l'autorisation de prendre toutes les mesures qu'elle croirait utiles, de faire toutes les expériences qu'elle jugerait convenables et à cet effet on lui a donné des pouvoirs étendus. Mais n'ayant jamais fait d'études vétérinaires, il est impossible à un ministre de l'intérieur, en présence d'opinions divergentes, de se prononcer, sans en référer aux hommes spéciaux, et quand ces hommes ne sont pas d'accord, on ne peut que laisser poursuivre les expériences.
MM. de Naeyer et Van de Woestyne ont préconisé un système nouveau qui consisterait à faire abattre les animaux atteints lorsque la maladie n'est arrivée qu'au premier degré, et de permettre de livrer à la. consommation la viande provenant de ces animaux. Sur cette question encore il y a divergence d'opinion.
Il serait nécessaire de savoir jusqu'à quel degré la maladie peut avoir sévi sur l'animal sans avoir atteint la viande à en provenir, question très grave ! car dans l'intérêt de la santé du bétail on ne peut pas s'exposer à nuire à celle d'une race beaucoup plus intéressante, à la santé de la race humaine ; il faudrait donc, en tous cas, avant d'admettre ce système, avoir la preuve certaine que la viande des animaux ainsi abattus ne peut pas être nuisible.
Quelques objections ont été faites en ce qui concerne les médecins vétérinaires du gouvernement : on a dit que le nombre en était trop restreint, qu'ils habitaient trop loin des lieux où leur intervention est requise, par exemple, des localités où des certificats doivent être délivrés. Mats il ne dépend pas du gouvernement de faire cesser cet inconvénient ; parfois les vétérinaires diplômés font défaut.
L'administration fait de grands efforts, la Chambre peut s'en convaincre, pour augmenter le nombre des vétérinaires du gouvernement. Vous aurez pu remarquer que souvent on dédouble les sections, le Moniteur en fournit la preuve. Cette marche sera suivie afin d'augmenter autant que possible et dans de justes proportions le nombre des vétérinaires du gouvernement.
Le marché de Malines a donné lieu à une discussion assez vive.
Il est certain que plusieurs documents officiels ont signalé les inconvénients rappelés par l'honorable M. Henri Dumortier. Cependant je dois le dire, il y a quelque exagération dans ces allégations ; l'administration communale de Malines prend toutes les mesures en son pouvoir pour faire cesser le mal dont on se plaint.
Depuis quelque temps aussi le gouvernement est intervenu, il a charge un vétérinaire de surveiller le bétail qu'on présente sur ce marché. J'attends de cette mesure de très bons résultats.
On a considéré le marché de Malines comme un marché général ; à ce titre l'intervention de l'Etat pouvait se justifier.
On a parlé des indemnités partielles accordées par le gouvernement aux cultivateurs pour le bétail abattu en cas de maladie.
L'honorable M. Tack a fait connaître ce qui se pratique dans la Flandre occidentale. La caisse créée par cette province fonctionne très bien, rend de grands services et elle est très populaire.
Si dans d'autres provinces des institutions de cette espèce n'obtiennent pas les mêmes résultats, c'est probablement parce qu'elles n'ont pas été établies sur de bonnes bases ou qu'elles n'existent pas depuis assez longtemps.
Quand la caisse dont on a parlé aura fonctionné pendant six ou sept ans, elle deviendra, j'en suis convaincu, aussi populaire dans la Flandre orientale qu'elle l'est dans l'autre Flandre.
Mais si je reconnais l'utilité de ces caisses d'assurances provinciales, je crois qu'il ne serait pas possible au gouvernement de généraliser la mesure et de décréter la création d'une caisse d'assurances par le gouvernement. (Interruption.)
Ce serait entraîner trop loin l'action de l'Etat ; ce n'est pas la pensée de M. Tack, mais c'est celle de quelques autres personnes.
Quant à l'intervention du gouvernement, pour engager les provinces à adopter la mesure pratiquée par la Flandre occidentale, je crois que cette discussion suffira pour éclairer les conseils provinciaux sur son utilité.
Je suis disposé, messieurs, à faire tout ce qui sera en mon pouvoir pour engager les provinces à prendre cette mesure.
L'honorable M. Vander Donckt a fait la guerre à la loi sur l'exercice de la médecine vétérinaire : il voudrait que celle loi fût révisée ; il demande que l'on confie à tous les vétérinaires le soin de délivrer les certificats, etc. Il me semble inutile de répondre à cette observation : l'honorable M. Henri Dumortier y a déjà répondu ; je ne crois pas devoir prendre le temps de la Chambre, en ajoutant à ce qu'a dit l'honorable député de Courtrai. La loi fonctionne bien ; si des modifications doivent y être introduites un jour, je pense que cette loi ne fonctionne pas depuis assez longtemps pour qu'on puisse songer à le faire maintenant.
Je bornerai là mes observations.
M. Jacquemyns. - Messieurs, je me joins à mon honorable collègue de la députation de Gand, M. Van de Woestyne, pour attirer l'attention du gouvernement sur un fait qui me paraît important quant à la loi concernant le bétail malade de la pleuropneumonie.
Il est hors de doute que la chair des animaux affectés de la pleuropneumonie exsudative à un certain degré peut être consommée par l'homme sans qu'elle soit nuisible en aucune manière, et sous ce rapport, en Allemagne, il paraît qu'on est beaucoup plus avancé que nous ne le sommes en Belgique.
En Allemagne la viande de boucherie est classée en plusieurs catégories et la chair provenant d'animaux souffrant de certaines maladies, bien loin d'être proscrite des abattoirs et. des marchés, peut se débiter comme viande de seconde qualité.
En Belgique, sous la législation actuelle, lorsqu'un animal est malade de la pleuropneumonie exsudative, immédiatement la terreur se répand dans le voisinage.
L'animal affecté est l'objet d'une espèce de réprobation et l'on ne peut plus en tirer aucune valeur. Dès lors, il n'y a plus d'autre ressource pour le propriétaire que de tenter la guérison ou de laisser arriver l'animal à ce degré où on doit l'abattre pour recevoir une indemnité quelconque.
Or, je le répète, au premier degré de la maladie, on pourrait très bien utiliser la chair de cet animal pour l'alimentation de l'homme et réduire ainsi la perte à des proportions insignifiantes.
Aujourd'hui cela ne se fait pas, et le cultivateur doit se soumettre aux exigences du vétérinaire du gouvernement, parce que s'il ne se soumet pas, il n'aura droit à aucune indemnité.
De plus, lorsque l'animal est abattu, très souvent le montant de la prime allouée par le gouvernement est attribué, non au cultivateur, mais au vétérinaire du gouvernement qui perçoit une somme importante pour les soins qu'il a donnés à l'animal, alors qu'on aurait pu utiliser ce dernier avant d'avoir recours à ces soins dispendieux.
J'ai eu à ce sujet une conversation avec l'un de nus vétérinaires les plus instruits. Il a appelé mon attention sur les caractères auxquels on (page 707) distingue la chair provenant de l'animal sain de la chair provenant d'un animal malade.
Je dois déclarer qu'en recueillant mes souvenirs, au moment de cette conversation, je me suis rappelé avoir mangé bien souvent de la viande provenant d'animaux malades, et je ne m'en suis pas porté plus mal, de sorte que je n'en ai aucun regret.
Je demande donc que le gouvernement veuille bien appeler l'attention des corps savants sur la question posée en ces termes : la chair des animaux malades de la pleuropneumonie exsudative est-elle impropre à l'alimentation de l'homme, quel que soit le degré de la maladie ?
Si, comme je n'en doute point, la question est résolue en ce sens qu'à un degré facile à déterminer, la chair peut être débitée sans aucun danger pour l'alimentation publique, comme cela se fait en Allemagne, si les rapports qui me sont parvenus sont exacts, on pourrait arriver à réduire en très grande proportion la somme à donner pour les animaux abattus.
Lorsque la maladie est arrivée à un degré plus avancé, je conçois qu'on abatte l'animal, mais alors on a des reproches fondés à adresser au vétérinaire du gouvernement qui a laissé arriver la maladie à ce degré ; on peut lui reprocher d'avoir laissé dépasser la période de la maladie dans laquelle l'animal pouvait servir à l'alimentation publique, d'avoir ains créé un foyer d'infection et d'avoir soustrait à l'alimentation publique un animal qui pouvait y être utilisé.
J'arrive à un autre point, à l'inoculation de la pleuropneumonie exsudative. Je comprends parfaitement que le gouvernement ne peut rien décider en ce moment, et pour ma part, en présence non pas de théories, il s'en faut, mais en présence des expériences positives, des expériences formelles développées dans les annexes du budget, j'éprouverais un très grand regret de voir le gouvernement approuver d'une manière formelle me système d'inoculation de M. le docteur Willems.
Je n'ai garde cependant de blâmer ce procédé ou d'en contester l'influence ; mais je crois qu'il doit faire encore un objet d'études pour nos médecins vétérinaires. J'en ai fait personnellement l'expérience. J'ai fait inoculer un assez grand nombre d'animaux comme moyen prophylactique contre la pleuropneumonie exsudative, et cette opération a eu des conséquences assez graves pour que je n'aie pas eu à me louer des résultats.
Je ne pars pas de ce fait pour blâmer l'inoculation ; mais je pense que c'est une opération délicate, une opération qu'il faut étudier avec soin, en d'autres termes qu'il se peut qu'elle soit bien ou mal pratiquée.
Ce serait peut-être le cas d'appeler M. Willems à des expériences contradictoires ; car il se peut que, dans le cas où les animaux ont été atteints de la pleuropneumonie, bien qu'ils eussent été inoculés, l'opération n'eût pas été faite dans des conditions convenables. Mais jusqu'à ce que l'on ait des expériences décisives, je crois que le gouvernement ne peut aller à l’encontre des savants qu'il a chargés de l'examen de la question et qu'il ne peut se prononcer.
M. de Renesse. - D'après l'honorable ministre de l'intérieur, les expériences faites sur le système Willems ne seraient pas encore complètes, le gouvernement ne pourrait encore se prononcer actuellement, sur l'efficacité de ce moyen prophylactique ; c'est toujours la même réponse officielle qui paraît être stéréotypée au ministère de l'intérieur ; voilà dix années que l'on fait des expériences officielles, que plusieurs commissions sont nommées successivement, et cependant d'après le gouvernement, malgré les différents rapports, il faut attendre avant de se prononcer sur ce procédé préservatif de la pleuropneumonie, et cependant d'après le dernier rapport qui nous a été présenté, je pense, il y a environ deux ans, il résulte que MM. les artistes vétérinaires membres de cette commission, sont seuls restés dans le doute sur l'efficacité de ce remède, tandis que les hommes pratiques de cette même commission, MM. les distillateurs et agriculteurs, sont tout au contraire d'avis que ce moyen curatif et préservatif a rendu le plus grand service, et ils le recommandent tout particulièrement au gouvernement. Je crois qu'il est plus que temps de sortir de ce provisoire, de ne plus se retrancher constamment derrière les commissions et de prendre enfin une décision.
M. H. Dumortier. - Je désire simplement demander à M. le ministre de l'intérieur s'il ne jugerait pas utile de s'occuper d'un point que j'ai signalé hier, la question des livrets agricoles.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Je ne comprends pas en vérité l’insistance qu’on met à vouloir que le gouvernement déclare que le système de M. le docteur Willems est bon ou mauvais. Je vous le demande, comment est-il possible que le gouvernement se prononce sur cette question ?
Si demain il plaisait à un membre de la Chambre d'engager le gouvernement à se prononcer sur le système hydro-sudopathique, le gouvernement serait-il tenu d'émettre une opinion sur ce point ?
M. Coomans. - Il l'a fait pour la vaccine ; et malheureusement.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Tout ce que le gouvernement peut faire, c'est de publier le résultat des expériences, c'est aux propriétaires de bétail de voir s'ils ont confiance dans telle ou telle méthode.
Quant à la vaccine dont a parlé M. Coomans, c'est tout autre chose : les faits ne laissent plus le moindre doute sur son efficacité. Il est évident, non seulement pour la Belgique, mais pour l'Europe entière, que la vaccine préserve de la variole.
S'il y avait en faveur du système de M. Willems une pareille évidence, je n'hésiterais pas un instant à le recommander aux cultivateurs ; mais dans l'état où la question se trouve, le gouvernement a rempli complètement son devoir en publiant les résultats de toutes les expériences faites. Il ne peut pas aller au-delà. Il ne peut pas faire autire chose que ce qu'il a fait jusqu'ici.
Encore un mot. La question soulevée par l'honorable M. Dumortier, relativement aux livrets à donner aux ouvriers agricoles est fort intéressante, je le reconnais. Cette question est comprise, je pense, dans le projet de loi sur les livrets d'ouvriers. Eh tous cas, elle pourra être utilement discutée à l'occasion de l'examen de ce projet de loi.
M. De Lexhy. - (erratum, page 689Je ne laisserai pas clore cette discussion, sans signaler de nouveau la nécessité de réformer l'article 3 de la loi du 18 janvier 185, sur les vices rédhibitoires des animaux domestiques. J'épargnerai à la Chambre l'ennui d'entendre la répétition d'un discours que j'ai fait l'an dernier sur cette question. Je me borne à la recommander à toute l'attention de M. le ministre de l'intérieur
« Art. 52. Indemnité pour bestiaux abattus : fr. 150,000. »
- Adopté.
« Art. 53. Service vétérinaire : fr. 50,000. »
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Je prie la Chambre de vouloir autoriser l'introduction du mot « bourses » dans le libellé de cet article. Voici le motif de cet amendement.
Le gouvernement accorde parfois une bourse aux élèves de l'école vétérinaire qui passent leur examen avec la plus grande distinction. Cette bourse permet à ces élèves de se rendre en pays étranger, pour y continuer leurs études, cette bourse est accordée très rarement ; elle l'a été l'année dernière, et je crois que c'est pour la première fois depuis plusieurs années. Il est en effet très difficile d'obtenir un diplôme du premier degré.
La cour des comptes a fait des difficultés pour liquider ce subside et elle a demandé elle-même, je pense, qu'on voulût bien ajouter le mot « bourses » dans le libellé de l'article.
- L'article est mis aux voix et adopté avec l'addition proposée par M. le ministre de l'intérieur.
« Art. 54. Traitements et indemnités du personnel du haras : fr. 39,150. »
- Adopté.
« Art. 55. Traitements et indemnités de disponibilité ; charge extraordinaire : fr. 1,600. »
- Adopté.
« Art. 56. Matériel du haras, frais de voyage du personnel et achat d'étalons : fr. 102,000. »
M. de Baillet-Latour. - Messieurs, de concert avec plusieurs membres de cette Chambre, je viens proposer un amendement ayant pour but le rétablissement au budget, chapitre XI, de l'article « Subside pour encouragements à l'agriculture et à l'amélioration de la race chevaline, » qui a cessé d'y figurer depuis plusieurs années. Je prie la Chambre de me permettre d'appuyer ma proposition de quelques considérations exposées brièvement.
M. le président. - L'amendement est ainsi conçu :
« Encouragements aux sociétés ayant pour objet l'extension des courses, comme moyen d'améliorer la race chevaline au point de vue de l'agriculture : fr. 50,000.
« Comte de Baillet-Latour, Louis Crombez, de Vrière, Faignart, Allard, Louis Goblet, comte de Mérode-Westerloo, D. de Haerne, P. Tack, Henri Dumortier, Charles de Montpellier, G. Van Bockel, Guillery, Van Humbeeck. »
(page 708) M. de Baillet-Latour. - Messieurs, je dois féliciter le pays tout d'abord du changement qui s'est opéré dans les dispositions générales à l'égard de l'industrie chevalière. Il y a quelques années, des essais infructueux, des questions mal comprises, le découragement produit par les fâcheux résultats de l'inexpérience, avaient fait croire que la Belgique n'était pas destinée à suivre les progrès accomplis dans les pays voisins. D'une part l'esprit de routine et l'apathie chez les éleveurs des campagnes, d'autre part la passion du jeu substituée à l'intérêt de l'amélioration des races, chez les amateurs des courses, avaient fait naître en pareille matière un sentiment commun de résignation au statu quo.
Alors, on combattit dans cette enceinte, et je combattis moi-même tes crédits dont le budget était chargé en vue de subventionner et de primer les croisements.
Je dois le dire, dans tout le pays, la classe riche semble naturellement désignée pour s'occuper activement de l'amélioration et des progrès de la race chevaline.
Les deux grands pays avec lesquels nous avons les rapports les plus voisins et les plus habituels, nous donnent cet exemple. Les études et les expériences du turf y ont pris une activité et un développement qui a pour ainsi dire transformé la nature primitive du cheval.
Mais l'homme aussi se transforme de jour en jour. Les générations qui se succèdent apportent sans cesse au bien général de nouveaux tributs.
Il est certain, et nous devons nous en réjouir, que la Belgique d'aujourd'hui comprend mieux que celle d'hier l'importance générale et particulière qui s'attache à l'amélioration de nos chevaux. Les tâtonnements, les doutes, les défiances ont fait leur temps.
Les éleveurs, encouragés par quelques bons résultats, stimulés enfin par la vue des progrès accomplis à l'étranger, ont fini par suivre les bons exemples, et déjà l'on peut constater une amélioration progressive dans l'élevage des races en général. Le cheval de course, aussi bien que le cheval de luxe et le cheval de labour, a subi un commencement de transformation.
On peut en juger facilement si l'on considère, quant aux chevaux de course et de pur sang, que ce sont leurs produits qui tous sont primés. Il en est de même, en grande proportion, chez tous les autres élèves.
La cause de ce changement, messieurs, est dans le réveil de la classe sociale qui semble toujours avoir reçu en partage, et comme un privilège, le goût des courses.
Depuis quelque temps nous avons vu ce goût prendre une extension inusitée à Bruxelles, à Gand, à Mons, à Tournai, à Spa, à Waereghem, à Bruges et à Namur.
Les éleveurs et la fashion ont concouru avec un zèle, et des vues sérieuses qu'il est permis de regarder comme du plus favorable augure.
Dans ces circonstances, j'estime qu'il est tout à fait à propos que le subside destiné aux courses soit rétabli.
Quant à l'application, il y a de nombreuses observations à faire. Il est évident que nous sommes très arriérés, que l'élevage et l'encouragement sont, sinon à créer, du moins à régler d'une manière nette, définitive, en tenant compte habilement des résultats et des progrès réalisés chez nos voisins, plus actifs et plus persévérants que nous ne l'avons été.
Je ne reproduirai pas, messieurs, dans toute leur étendue, les conseils que j'ai cru devoir offrir, ici même, sur la matière, dans diverses sessions précédentes. Ils se résument en ceci :
Les bénéfices de la reproduction sont en raison non pas du nombre d'étalons employés, ou de saillies opérées, mais de la manière dont on combine ces saillies, c'est-à-dire que le résultat du croisement doit être cherché dans l'emploi de l'étalon dont la nature est la plus conforme à celle du cheval du canton où il est envoyé, de telle sorte que le reproducteur joigne à ses qualités supérieures celle du cheval qu'il s'agit d'améliorer. Sans cela, point de gain.
Il y a une étude à faire à cet égard, et les agents de l'administration devraient en être chargés, c'est celle de la qualité, de la conformation, du tempérament de l'étalon reproducteur, comparativement aux races indigènes de la station pour laquelle il est désigné.
Il importe aussi de surveiller le choix des juments poulinières. Tout doit tendre à la fusion des races lourdes et des petites races pour obtenir une bonne race moyenne, capable de rendre les plus grands services. C'est chez l'éleveur surtout que la question de l'amélioration doit se résoudre.
Que servirait d'entretenir à grands frais des reproducteurs mal accouplés, qui, par cela même, ne pourraient donner que des produits médiocres ?
Du reste, il importe d'autant plus de hausser la qualité des reproducteurs, que, dans l'état actuel des choses, ainsi que le fait remarquer une brochure qui vient de paraître, le cultivateur de nos jours succédant, avec son exploitation bornée par la division des terres, aux grands exploitateurs fermiers d'autrefois, ne peut faire l'achat d'étalons fins, et se trouve forcé d'avoir recours aux étalons rouleurs dont les possesseurs tirent le plus de profit qu'ils peuvent en les énervant par des saillies multipliées au risque de compromettre à la fois le producteur et le produit. C'est un très grand mal.
La monte qui se fait ainsi étant d'une part une affaire de spéculation et d'autre part une affaire d'économie, il ne peut en résulter que la dégradation de l'espèce, c'est-à-dire le contraire du but désiré. Ces étalons sans naissance authentique, sortant d'écuries inconnues, s'accouplant à des juments de toutes sortes, de la plus commune conformation, ne peuvent exercer sur le croisement qu'une influence nuisible et même fatale.
Que fait cependant l'Angleterre ? Ne vient-elle pas enlever nos belles juments du pays de Furnes ? La Russie n'achète-t-elle pas nos jeunes étalons ardennais, et la France nos étalons de première force ?
Le but de ces importations, surtout en Angleterre, est d'opérer des croisements avec des sujets de pur sang. C'est qu'en effet, si l'on veut soutenir les races et les améliorer successivement, il faut toujours remonter au radical du sang. Tout autre système ne peut que ramener à la dégénérescence.
Qu'il me soit donc permis de revenir sur ce principe, que le cheval de pur sang, sans exclure, dans les fermes, les étalons de bonne provenance ordinaire, doit intervenir le plus souvent possible pour améliorer sans cesse nos espèces.
Quant à l'élevage, nos cultivateurs ont grand besoin d'être éclairés sur ce point.
Des publications pratiques, d'une rédaction simple et claire, pourraient leur être adressées par l'administration, sans qu'il en coûtât rien à l'Etat ; car aucun éleveur ne se refuserait à rembourser le menu coût de ces publications qui peuvent être faites sous la forme la plus modeste, et la plus économique.
Les primes accordées aux éleveurs sont aussi un bon moyen d'encouragement.
L'industrie particulière doit concourir autant que possible à l'amélioration générale des races. Il faut favoriser ce concours par tous les moyens possibles, au lieu de laisser tout à faire à l'Etat. Il peut arriver ainsi que son action devienne superflue, ce qui serait un bien.
Le nombre des reproducteurs de pur sang devrait être réduit. Je le conseillais déjà en 1856. Aujourd'hui je suis plus que jamais partisan de ce système. L'éleveur agriculteur fait peu d'usage de l'étalon de pur sang. Cet étalon doit être réservé pour les produits destinés à l'amélioration de la race et aux courses. Nous avons au haras environ 58 chevaux dont 19 de pur sang.
Dans le nombre de ces derniers on compte plusieurs bons reproducteurs pour les courses. Mais on est autorisé à craindre que leur qualité ne soit pas encore assez fine et que les produits ne manquent, par suite, de cette distinction qui assure le premier rang et permet d'aller lutter sur des hippodromes étrangers. Il serait donc préférable de diminuer le nombre de ces étalons et de répartir la dépense seulement sur quelques sujets provenant de pères et mères éprouvés et signalés par des succès obtenus sur les premiers turfs de l'Angleterre ou de la France, premier choix en qualité tout à fait irréprochable. Quant aux étalons de demi-sang et de trois quarts, ils sont en nombre suffisant.
Il y a toutefois des observations à faire sur leur choix. Là aussi il vaudrait mieux payer plus cher et améliorer la qualité.
Messieurs, l'idée que j'ai émise, il y a cinq ans, et que je reproduis aujourd'hui, de réduire le nombre des étalons de pur sang, et d'en hausser la qualité, je la trouve exprimée et corroborée dans un travail très remarquable que j'ai sous les yeux. Je veux parler du compte rendu de l'administration des haras de France par le directeur général de cette administration.
Je crois que ce travail peut être consulté avec fruit. Il montre par quels moyens la France est arrivée, à l'heure qu'il est, à concourir avec l'Angleterre sur le propre turf de celle-ci, et à y remporter les prix.
Eh bien, comment a-t-on procédé dans ce pays ? Par la réforme. L'administration a diminué notablement le nombre de ses étalons ; mais elle a compensé la quantité par la qualité.
Les sommes économisées sur le nombre seront employées à l'extension du système des primes aux étalons autorisés de l'industrie particulière.
Des primes sont aussi accordées aux poulinières de pur sang, de demi-sang, et aux pouliches de demi-sang. Comme je le disais plus haut, l'Etat (page 709) ne fait pas tout. Il encourage ou laisse opérer l’action particulière, quelque mode qu'elle choisisse. Ainsi, certains départements achètent des reproducteurs, chaque année, et les concèdent à des éleveurs de la contrée, soit à titre gratuit, soit à prix d'argent et par voie d'enchères. Ailleurs, le département s'en rapporte à l'industrie particulière pour introduire des étalons étrangers, et alloue au propriétaire de chaque cheval une prime d'importation, à titre de subside. D'autres départements allouent des fonds aux sociétés d'agriculture qui achètent directement et exploitent elles-mêmes pour la reproduction ou font exploiter par des tiers auxquels elles concèdent les étalons.
Quant aux chevaux coureurs et aux courses, la direction générale ne néglige rien pour en assurer le progrès, pensant avec raison que les courses sont le plus sûr moyen de juger le mérite réel des étalons et de favoriser la reproduction. Elle multiplie les allocations, et crée chaque jour de nouveaux hippodromes. Elle joint à cela des écoles de dressage, plus une école d'entraînement à l'ancien haras du Pin.
Des épreuves spéciales précèdent et éclairent l'achat des étalons. On peut en lire le détail dans le compte rendu que je viens de citer cursivement. Il y a là d'utiles précédents à étudier.
Messieurs, c'est à Bruxelles surtout, comme capitale, ville de cour et de luxe, séjour des grandes familles, des riches étrangers et des hommes à grandes fortunes qu'il appartient de donner l'exemple. Les dernières courses ont certainement constaté un ordre de choses tout nouveau, un empressement sincère et sérieux, un but défini, un parti pris de persister cette fois dans le système des courses qui produit de si heureux résultats chez nos voisins, anglais et français. Il est donc extrêmement désirable que rien ne s'oppose à un progrès si utile, et que tout contribue, au contraire, à le favoriser.
C'est pourquoi j'ai demandé et suis prêt à voter le rétablissement de l'ancienne allocation budgétaire si la Chambre juge à propos de l'accorder.
De son côté, la ville de Bruxelles ne négligera pas sans doute d'apporter sa part d'encouragement. Je laisse à mes honorables collègues les représentants de la capitale le soin de traiter cette question. Qu'il me soit permis seulement de faire remarquer que Bruxelles possède dans son champ de manœuvres un des plus beaux hippodromes connus. Il aurait seulement besoin d'être étendu par quelques achats de terrains ; d'être entièrement nivelé et approprié pour offrir un champ de courses admirable, et d'autant plus précieux qu'il est contigu à la ville, et que la population peut s'y rendre sans frais de voiture,
Le gouvernement, sans doute, ne refusera pas de prêter son concours à la ville au moyen d'un subside.
Il faut considérer qu'il s'agit là d'un intérêt qui s'étend bien au-delà des limites de la capitale, et qui concerne une des plus utiles industries du pays.
En terminant, messieurs, je demande la permission d'attirer un instant l'attention du gouvernement sur un point qui intéresse la province et l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter.
La province de Namur n'a que trois stations : à Jambes-lez-Namur, à Gembloux, à Anthée, ce dernier point est situé sur l'extrême limite de l'arrondissement de Philippeville.
Couvin et Walcourt sont dépourvus comme trop éloignés. Est-ce bien là un partage équitable ? Walcourt avait une station permanente établie en 1854. On l'a supprimée en 1856. Je m'en suis plaint à plusieurs reprisés. Mes réclamations n'ont pas obtenu de résultat.
On a maintenu la station à Anthée, et laissé dans l'oubli Couvin et Walcourt. Je demande au gouvernement de vouloir bien rétablir une station dans l'une de ces localités. A une certaine époque il y a eu des montes sur ce point. On a pris pour prétexte de la suppression le nombre restreint des saillies. Il me semble que ce n'est pas seulement sur le nombre des saillies que doit se régler le placement des étalons. Le but auquel il faut viser, c'est d'encourager les éleveurs des campagnes à faire des élèves distingués.
Voilà la vraie mission de l'administration des haras.
J'ajouterai que, dans mon arrondissement, le choix des étalons a laissé à désirer, ce qui a diminué l'empressement qu'auraient mis les éleveurs à profiter de leur présence.
J'insisterai donc pour que de meilleures mesures soient prises en ce qui touche les cantons de mon arrondissement.
Si on ne peut rétablir en 1862 une station à Walcourt ou à Couvin, qu'on établisse au moins un roulement, et que les étalons stationnés à Anthée puissent séjourner à tour de rôle dans ces localités pour y faire la monte.
M. de Montpellier. - Messieurs, l'honorable M. Vander Donckt, il y a peu de jours, nous a fait un rapport sur une pétition des habitants de Namur, qui demandent que le gouvernement rétablisse au budget le crédit qui y avait été jusqu'en 1848 affecté pour l'encouragement de l'élève du cheval au moyen des courses. L'honorable rapporteur a été, comme toujours, aussi sévère que spirituel ; mais j'ai été fort surpris de l'entendre se faire l'écho d'une idée très fausse, mais malheureusement fort répandue, à savoir que l'encouragement des courses par le budget de l'Etat, c'est tout simplement faire payer par les contribuables le plaisir de quelques riches amateurs de chevaux.
Que cette idée obtienne du succès auprès de certaines personnes qui ne jugent les choses qu'à la surface, cela ne m'étonne pas, mais qu'elle soit admise par un homme aussi pratique, aussi intelligent que M. Vander Donckt, c'est beaucoup plus difficile à comprendre.
Il faut selon moi, messieurs, envisager les courses sous deux points de vue. Sont-elles utiles, constituent-elles un plaisir pour toutes les classes de la société ? On a de tout temps considéré les courses comme le moyen de s'assurer de la supériorité d'un cheval vis-à-vis d'un autre, je parle du cheval de sang ; de tout temps ç'a été et dans tous les pays, c'est là le véritable critérium, et cela est incontestable. Si donc vous voulez améliorer la race de vos chevaux indigènes, il vous faut des courses.
Mais pour que les courses acquièrent un caractère sérieux et qu'elles puissent se perpétuer, il faut offrir aux amateurs des prix en rapport avec les dépenses occasionnées par l'élève du cheval. Quand le cultivateur ou le fermier sauront que de beaux prix sont offerts au cheval indigène, ils élèveront parce qu'ils seront sûrs de les vendre : c'est ici que vous verrez intervenir le riche amateur. Il achètera le cheval élevé par les fermiers, il le fera entraîner, il le fera courir et comme le nombre d'amateurs augmente en raison de la valeur croissante des prix offerts, le fermier se trouvant vis-à-vis d'un plus grand nombre de concurrents vendra sa marchandise plus cher. Il aura donc tout intérêt à bien élever son cheval, à lui donner une bonne nourriture : il faudra pour cela qu'il surveille avec un soin tout particulier sa culture et ses prairies, et c'est ainsi que les courses ont pour résultat immédiat le progrès de l'agriculture. Je ne pense pas que l'on puisse nier cette assertion. Voilà donc pour le point de vue d'utilité.
Maintenant les courses sont-elles, oui ou non, un plaisir populaire ou sont-elles seulement le plaisir des riches ou des aristocrates ? Messieurs, tout homme qui a assisté aux courses sait à quoi s'en tenir à ce sujet, il n'y a point de plaisir, de spectacle qui attire plus de monde ; il suffit pour s'en persuader d'assister aux courses. La plaine est couverte de monde et cela partout et par tous les temps. C'est ainsi qu'aux courses de Bruxelles, il y avait, malgré la pluie, plus de 50,000 personnes sur la plaine de Monplaisir. Je suppose bien que dans cette foule il n'y avait pas seulement des riches et des aristocrates, vous l'admettrez facilement. Le même résultat s'obtient dans les provinces, en un mot partout où il y a des courses.
C'est ainsi qu'à Waereghcm, on voit, le jour des courses, plus de 20,000 campagnards qui viennent jouir du spectacle que leur offrent, les fermiers, les riches et même les aristocrates.
A Namur, mais un commerçant me le disait : Le jour des courses, on dépense pour plus de 20,000 fr. dans la ville, et c'est vrai. Vous voyez donc, messieurs, que si les riches et les aristocrates s'amusent, les commerçants et le peuple ne s'en plaignent guère.
N'oublions pas que l'Etat y prend aussi sa part par le bénéfice que font les chemins de fer.
A l'époque des courses, il y a un grand mouvement de voyageurs. Le chemin de fer transporte un grand nombre de chevaux, et cela ne laisse pas que de rapporter plusieurs milliers de francs dans la caisse du trésor. Si donc vous nous donnez, nous vous le rendons bien.
L'honorable M. Rogier comprend si bien, lui, et je cite cet exemple, dans le but de rallier l'honorable M. Vandenpeereboom à notre proposition, l'honorable M. Rogier comprend si bien la haute utilité des courses, le bien-être qui en résulte pour les localités où elles ont lieu et le plaisir qu'elles procurent à toutes les classes de la société, que l'année dernière, il demanda lui-même à la société des courses de Bruxelles de vouloir en donner, des courses, pendant les fêtes nationales de septembre, et il appuya très spirituellement sa demande de six billets de mille francs.
Plaisir des riches, plaisir des aristocrates, c'est fort facile à dire et cela sonne si bien !
Je crois vous avoir prouvé, messieurs, que si les courses sont un plaisir pour les riches et les aristocrates, l'habitant de la ville, le commerçant, l'agriculteur et le campagnard, le peuple, prennent avec grand plaisir leur part très légitime.
Du reste, messieurs, si vous voulez vous convaincre qu'il n'y a pas que (page 710) les riches et les aristocrates qui demandent un subside pour les courses, jetez un coup d'œil sur les pétitions qui sont déposées sur le bureau. Parmi celles de Bruxelles, il y en a une de la société du commerce et une de la société philharmonique. Celles qui viennent des autres villes sont signées par des commerçants. Il y a une autre pétition qui mérite surtout toute votre attention et qui nous est envoyée par la société d'encouragement pour l'élève du cheval indigène, société qui tous les ans offre au public à Gembloux un concours bien remarquable et dont, j'ose l'espérer, M. le ministre de l'intérieur viendra cette année, par sa présence, rehausser l'éclat et la splendeur. Vous le voyez donc, messieurs, le subside pour les courses est réclamé par toutes les classes de la population.
Mais si pourtant les courses n'étaient une récréation que pour les riches, faudrait-il pour cela ne les protéger en aucune façon ? Je ne le pense pas et j'ai encore ici pour moi l'opinion de M. Rogier. Voici ce qu'il disait dans la discussion du budget en 1848 : « Eh bien, à ne prendre les courses que comme destinées aux classes riches, je dirai qu'il faut que le budget soit juste pour toutes les classes de citoyens : les classes riches concourent à la formation de nos budgets dans des proportions assez considérables pour qu'au besoin elles puissent y prendre directement une légère part. » C'est cette légère part que nous venons réclamer.
Messieurs, c'est en protégeant les courses que le gouvernement français est parvenu à obtenir en France des chevaux supérieurs aux chevaux nés et élevés en Angleterre.
Nous avons vu l'année passée aux courses de Haymarket deux chevaux français battre les meilleurs chevaux anglais. Ayant atteint ce but, le gouvernement français ne s'arrête pas ; au contraire, et cette année aux courses du bois de Boulogne, il offrira aux amateurs un prix de 100,000 fr. Le résultat de ceci, c'est que des sommes d'argent considérables qui sortaient tous les ans de la France pour être employées à l'achat de chevaux, seront utilisées à l'intérieur.
Imitons l'exemple de la France et nous ne serons plus obligés d'aller à l'étranger chercher nos chevaux de luxe, nos chevaux de troupe et même, comme on l'a dit, nos chevaux de vigilantes.
En Angleterre, c'est là que les courses sont considérées comme un plaisir populaire ; mais les courses d'Epsom, le jour du Derby, c'est une fête nationale, et il y a peu d'années, le parlement a suspendu les débats sur les affaires de l'Inde, le jour des courses d'Epsom.
Lord Palmerston, qui passe généralement pour un homme très sérieux, a depuis longues années l'habitude de se rendre le jour du Derby, à cheval, de Londres jusqu'au champ de course, et il reçoit sur son passage les félicitations des Anglais de tout rang. Je ne demande pas que notre honorable ministre de l'intérieur en fasse autant, je ne lui demande qu'une chose et elle est bien plus facile, c'est qu'il veuille se rallier à la proposition que quelques honorables collègues et moi nous avons eu l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre.
M. Tack. - Messieurs, parmi les nombreuses pétitions qui vous ont été adressées, à l'effet de demander le rétablissement, au budget de l'intérieur, de l'allocation qui y figurait autrefois en faveur des courses de chevaux, il y en a une sur laquelle je me permets d'appeler l'attention toute spéciale de la Chambre et de M. le ministre de l'intérieur ; elle émane du cercle hippique de Waereghem. Ce cercle se distingue entre tous les autres, il est composé d'hommes pratiques et compétents qui font depuis longtemps des sacrifices de temps et d'argent dans l'intérêt de l'amélioration de la race chevaline.
Je puis me borner à soumettre à la Chambre un résumé des considérations que la société des courses de Waereghem fait valoir dans la pétition qu'elle a fait parvenir à la Chambre.
Elle fait observer d'abord, et cette remarque concorde avec celle qu'a présentée tout à l'heure l'honorable M. de Montpellier ; elle fait observer, dis-je, qu'au moment où la Belgique rayait de son budget les fonds votés pour l'encouragement des courses de chevaux, la France, au contraire décuplait et au-delà les subsides qu'elle avait l'habitude d'allouer pour cet objet. Aussi les résultats ne se sont-ils pas fait attendre, la France n'a pas tardé à recueillir les fruits de cette mesure, et, comme l'a très bien dit l'honorable M. de Montpellier, déjà elle s'est affranchie en grande partie de tribut qu'elle payait autrefois à des pays voisins ; c'est au point qu'aujourd'hui ses chevaux luttent de vigueur, d'agilité et de bonne organisation avec les premiers chevaux d'Angleterre sur le turf anglais.
Le cercle de Waereghem, au début même de son existence, a compris toute l'utilité qu'il pouvait tirer de la création des courses de chevaux ; il en apprécié immédiatement toute l'importance, il n'a pas ignoré un instant l'influence décisive qu'elles exercent sur l'élève du cheval ; il fallait que sa conviction à cet égard fût bien profonde pour qu'il songeât à organiser des solennités de cette espèce dans une commune aussi modeste que la commune de Waereghem, à d'autres moins dévoués que les membres du cercle de Waereghem aux intérêts de l'agriculture, les difficultés auraient paru insurmontables ; mais rien ne put arrêter la confiance et le zèle des fondateurs de la société, le but à atteindre était trop utile.
Aussi les courses de Waereghem sont devenues les plus populaires de tout le pays, et la commune où elles ont lieu peut être appelée à juste titre l'Epsom de la Belgique. La masse énorme de spectateurs que ces courses attirent frappe tous ceux qui y ont assisté ; la foule des curieux n'y est pas moins nombreuse que celle qui assiste aux courses de Bruxelles.
Le motif de cet empressement est que le public connaît tous les bons résultats qu'obtient la société des courses de Waereghem. Ajouterais-je, messieurs, que cette société doit à elle-même les succès qu'elles a obtenus ; qu'elle s'est élevée par ses propres forces et pour ainsi dire sans l'intervention du gouvernement ? (Interruption.) Oui, elle est devenue par elle-même ce qu'elle est...
- Un membre. - Qu'elle continue.
M. Tack. - Elle continuera, elle n'abdique pas, je vous le garantis. Je disais donc qu'elle a obtenu des résultats que nul ne conteste. Jadis l'élève du cheval était inconnue dans l'arrondissement de Courtrai. (Interruption.)
Il y avait, il est vrai, quelques éleveurs, mais en bien petit nombre. On a beau avoir l'air de douter de mes assertions, je soutiens qu'au point de vue de l'élève et de l'amélioration de la race chevaline, la société des courses de Waereghem a obtenu les résultats les plus satisfaisants ; mais je dois le reconnaître, ces résultats sont trop lents ; le cercle hippique de Waereghem se trouve sous ce rapport dans une infériorité relative si on le compare aux sociétés françaises qui sont mieux encouragées et qui disposent de plus grandes ressources.
Voulez-vous la preuve qu'elle n'est pas inactive ?
Le gouvernement belge a récemment accordé à la commune de Waereghem une station de reproducteurs ; eh bien, la société, exploitant cet avantage dans l'espace de trois ans a répandu dans notre arrondissement au-delà de 200 excellents produits.
Messieurs, je décline volontiers ma compétence en matière de science hippique, et j'aime à me référer à ce sujet au discours de l'honorable M. de Baillet-Latour, qui a présenté tantôt sur l'élève du cheval en Belgique les observations les plus complètes, observations qui doivent avoir, pour vous comme pour moi, une certaine autorité, attendu les connaissances spéciales de l'honorable membre.
Cependant je dirai que j'entends partout proclamer des principes qui semblent généralement devoir être adoptés, l'un c'est que la régénération de nos races indigènes et l'élève du cheval léger n'est possible que par l'infusion du pur sang.
Ce principe, je le vois signalé dans la pétition de la société des courses de Waereghem, et je crois que les hommes qui sont à la tête de ce cercle en savent quelque chose ; point de régénération efficace de nos anciennes races, point d'élève du cheval de luxe, de carrosse, de voiture, sans l'aide du cheval pur sang.
Second principe : point d'élève du cheval pur sang à moins d'avoir des courses de chevaux.
Comme l'a démontré l'honorable M. de Montpellier, l'éleveur du cheval de race doit nécessairement chercher un dédommagement, une compensation à tous les sacrifices qu'il s'impose, à toutes les chances mauvaises auxquelles il s'expose ; cette compensation il ne la trouve que dans l'appât des prix qu'il vient disputer dans l'hippodrome.
C'est là ce qu'on a compris en Angleterre et en France.
On me dira : Vous venez d'avouer vous-même que la société de Waereghem est l'enfant de ses œuvres, que par sa propre initiative, par ses propres efforts, elle a obtenu des succès réels. Pourquoi donc venez-vous solliciter maintenant en sa faveur l'intervention du gouvernement ?
Je l'ai déjà dit, ses succès ne sont que relatifs, et ses progrès devraient être plus rapides. J'ajouterai qu'il est un terme à tout ; la société de Waereghem a fait d'énormes sacrifices et elle ne songe nullement à les restreindre ; mais depuis longtemps il se manifeste une concurrence très sérieuse sur nos frontières, concurrence dont les effets se sont fait sentir aux dernières courses de la Flandre occidentale.
Un très grand nombre de chevaux étaient inscrits pour les courses de Waereghem, mais les cinq sixièmes n'ont pas pris part à la lutte. Les propriétaires avaient cependant déposé leur mise ; ils ont préféré la perdre ; et pourquoi ? Parce que dans l'intervalle, entre la publication du programme des courses de Waereghem et l'époque où elles devaient se passer, d'autres courses devaient avoir lieu, à un temps rapproché, dans le nord de la France, à Boulogne, à St-Omer et ailleurs ; il s'en est suivi que les amateurs qui avaient pris inscription à Waereghem ont mieux (page 711) aimé se rendre aux courses à l'étranger, alléchés qu'ils étaient par les prix considérables qu'on y offrait aux vainqueurs. (Interruption.)
Je sais bien que les courses de Waereghem n'ont pas moins eu lieu, qu'elles ont été brillantes, plus brillantes, si l'on veut, que dans aucune de nos grandes villes ; mais elles ont été bien moins intéressantes qu'elles l'eussent été, si la commune de Wareghem avait pu offrir aux amateurs des prix comme on leur en offrait chez nos voisins.
Je ne vois pas pourquoi les courses de chevaux qui sont organisées avec intelligence, dans l'intérêt de l'agriculture et de l'élève du cheval indigène, comme elles le sont à Waereghem ; je ne vois pas pourquoi ces courses ne pourraient pas obtenir des subsides du gouvernement aussi bien que les concours de chevaux. Où est la différence ? Si on accorde des subsides pour les concours, pourquoi ne pas en accorder pour les courses ? Le but des deux institutions est bon, et chacune d'elles répond à un besoin réel mais différent.
Il convient de les encourager parallèlement.
Ce n'est pas, messieurs, je tiens à le répéter, un vain spectacle que la société des courses de Waereghem vient offrir au public, ce n'est pas un divertissement frivole pour les curieux et les oisifs qu'elle a en vue ; non, elle poursuit un but plus utile, le développement d'une branche importante de l'agriculture et l'amélioration de la race chevaline en Belgique. Ce qu'elle recherche, c'est, si vous le voulez, l'utile joint à l'agréable ; utile dulci, mais avant tout l'utile ; l'agréable vient ensuite subsidiairement et par surcroît.
Il importe à la société des courses de Waereghem, au risque de dépérir, qu'elle puisse se mettre à la hauteur des sociétés de courses de l'étranger. C'est pour cela qu'elle demande l'appui moral et l'intervention pécuniaire du gouvernement. La position de la société de Waereghem, veuillez bien le remarquer, messieurs, est tout à fait exceptionnelle ; seule, elle ne peut pas compter, comme les sociétés de courses établies dans nos grandes villes de Bruxelles, de Gand, de Namur, sur le concours de la commune ; sous ce rapport, elle ne peut rien espérer ; par conséquent elle est plus digne encore d'intérêt que toutes les autres.
Au surplus, messieurs, elle ne vient pas demander que le gouvernement prenne sa place, que le gouvernement se substitue à elle. Non, elle tient à rester à la tête de son œuvre, elle continue de revendiquer le mérite de son entreprise ; elle continuera aussi les sacrifices qu'elle a fait jusqu'à ce jour, elle les augmentera s'il le faut. Mais si en ce moment le patronage du gouvernement devait lui faire défaut, vu les circonstances particulières qui ont surgi depuis peu, il est à craindre, je le dis sans hésiter, qu'elle verrait se perdre tout le fruit des efforts qu'elle a faits jusqu'à ce jour et qu'elle serait peut-être complètement paralysée dans son œuvre pour l'avenir.
M. le président. - Il a été déposé sur le bureau un amendement qui tend à porter à deux millions le crédit de 1,332,189-49 du n°99, ce qui porte le chiffre total de ce numéro à fr. 2,525,220.
Cet amendement sera imprimé et distribué.
- La séance est levée à 4 heures trois quarts.