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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 5 février 1862

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1861-1862)

(page 609) (Présidence de M. Vervoort.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Thienpont, secrétaire., procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. de Florisone, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Thienpont, secrétaire., présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Le comte d'Yve et le sieur Jacquet, président et membre de la société instituée pour l'encouragement de l'élève du cheval croisé, prient la Chambre de rétablir au budget de l'intérieur le subside pour les courses de chevaux. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget.


« Des ouvriers, à Ixelles, demandent une loi sur l'assistance publique. »

M. Grosfils. - Cette question étant tout d'actualité, je propose le renvoi à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.


« M. J. Jouret, dont l'état de santé ne lui permet pas encore de prendre part aux travaux de la Chambre, demande une prolongation de congé. »

- Accordé.


« M. Laubry demande un congé pour cause d'indisposition. »

- Accordé.

Composition des bureaux de sections

Composition des bureaux des sections pour le mois de février.

Les sections se sont constituées comme suit :

Première section

Président : M. le Bailly de Tilleghem

Vice-président : M. de Moor

Secrétaire : M. Mouton

Rapporteur de pétitions : M. Faignart


Deuxième section

Président : M. d’Hoffschmidt

Vice-président : M. Van Overloop

Secrétaire : M. Tack

Rapporteur de pétitions : M. Van Renynghe


Troisième section

Président : M. Laubry

Vice-président : M. Kervyn de Lettenhove

Secrétaire : M. Orban

Rapporteur de pétitions : M. Van Bockel


Quatrième section

Président : M. de Ruddere de Te Lokeren

Vice-président : M. Magherman

Secrétaire : M. de Bronckart

Rapporteur de pétitions : M. Notelteirs


Cinquième section

Président : M. Van Leempoel

Vice-président : M. Allard

Secrétaire : M. Crombez

Rapporteur de pétitions : M. Braconier


Sixième section

Président : M. Muller

Vice-président : M. Van Humbeeck

Secrétaire : M. Snoy

Rapporteur de pétitions : M. Vander Donckt

Projet de loi portant le budget du département du ministère des affaires étrangères de l’exercice 1862

Rapport de la section centrale

M. Van Iseghem dépose le rapport de la section centrale qui a examiné le budget des affaires étrangères pour 1862.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et le met à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l’exercice 1862

Rapport de la section centrale

M. Jamar dépose le rapport de la section centrale qui a examiné les amendements proposés par M. le ministre de l'intérieur au budget de ce département.

- Ce rapport sera imprimé et distribué.

Discussion générale

M. Wasseige (pour un fait personnel). - Messieurs, ayant été mis en cause hier, par l'honorable M. Joly, dont M. le ministre de l'intérieur a bien voulu se rendre le complaisant interprète, je crois avoir le droit de demander la parole pour un fait personnel.

L'honorable ministre de l'intérieur vous a donné connaissance d'une lettre qui m'avait été adressée, la veille au soir, par M. le commissaire d'arrondissement de Namur ; je croyais avoir reçu une lettre particulière, mais il paraît que je m'étais trompé et que je n'avais reçu qu'une espèce de circulaire envoyée d'avance au ministère avec demande de publication. Toute réflexion faite, cela ne m'étonne pas ; les grands hommes aiment les grands théâtres, et M. Joly a tous les faibles des grands hommes ; et puisqu'il a cru devoir me faire donner à la tribune une seconde édition de sa lettre, il me permettra de lui envoyer ma réponse par le Moniteur ; je suis convaincu que cela lui sera plus agréable. Je répondrai donc à M. Joly... (Interruption.)

M. le président. - Il n'est permis de prendre la parole sur un fait personnel que pour répondre aux orateurs de l'assemblée qui ont pu provoquer une réplique et non point pour adresser une réponse à des personnes étrangères.

M. Wasseige. - Je me renfermerai dans le fait personnel ; je me bornerai à répondre au fait articulé contre moi.

M. Goblet. - Nous n'avons rien à faire avec M. Joly.

M. Wasseige. - J’ai l'honneur de faire remarquer à l'interrupteur que si M. Joly s'était adressé à moi, je n'aurais pas occupé la Chambre de ce fait ; je réponds à M. le ministre de l'intérieur, qui a donné lecture de la lettre de M. Joly.

M. Goblet. - Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. - Je me suis chargé moi-même de rappeler M. Wasseige au règlement.

Le règlement permet de prendre la parole pour un fait personnel, quand on y a été provoqué par un orateur de cette Chambre, mais nullement lorsque les attaques viennent de personnes étrangères à cette assemblée.

Je prie donc M. Wasseige de se renfermer dans le fait personnel en se bornant à répondre à M. le ministre de l'intérieur.

M. E. Vandenpeereboom. - Je demande la parole pour l'observation du règlement.

M. le président. - Je viens d'engager M. Wasseige à observer le règlement.

M. Wasseige. - Je réponds à un fait personnel articulé par M. le ministre de l'intérieur, et je me renfermerai dans le fait personnel.

M. E. Vandenpeereboom. - Messieurs, on accorde la parole pour un fait personnel dans la même séance ; le fait a été contesté ; eh bien, en 1848, le président de la Chambre, M. Liedts, déclarait :

« Qu'il était de jurisprudence, à la Chambre, qu'on n'obtînt la parole pour un fait personnel que dans la séance même. »

Il est vrai qu'une autre pratique a été souvent suivie. J'invoque seulement l'autorité de M. le président de 1848.

M. Goblet. - Je ne m’oppose pas à ce que l'honorable M. Wasseige ait la parole ; mais il me semble qu'on ne doit pas venir ici mettre en question la personne d'un fonctionnaire qui a écrit à son ministre une lettre, lettre dont le ministre nous a donné communication. Qu'on laisse le fonctionnaire en dehors ; M. Joly n'a pas ici de défenseur qui puisse prendre officiellement sa défense, si ce n'est M. le ministre de l'intérieur. Or, M. le ministre de l'intérieur nous a lu hier la lettre de M. Joly ; il l'a faite sienne ; qu'on réponde donc à M. le ministre de l'intérieur ; mais qu'on n'attaque pas M. Joly, qui n'a rien à voir dans les débats de la Chambre.

M. Wasseige. - Je demande que la Chambre me permette de faire connaître ma réponse à M. Joly, puisque M. le ministre de l'intérieur s'est fait l'organe de M. Joly. Hier, je n'ai pas pu demander la parole pour répondre au fait personnel la séance ayant été levée. On ne peut donc pas me refuser la parole aujourd'hui. Je me renfermerai, du reste, strictement dans le fait personnel.

M. Loos. - L'honorable M. E. Vandenpeereboom a fait une proposition ; la Chambre doit être consultée.

M. le président. - M. E. Vandenpeereboom a fait une observation. Je n'ai pas compris qu'elle ait été suivie d'une proposition. S'il en est autrement, je demanderai à M. Vandenpeereboom de la formuler.

M. E. Vandenpeereboom. - Je ne fais aucune proposition. J'ai cité l'opinion, l'autorité d'un ancien et excellent président ; c'est à la Chambre à voir si elle veut s'y conformer. Pour ce qui me concerne, je crois que, quand on est présent et qu'on le peut, il vaut mieux vider le fait personnel, séance tenante. Sans cela, on pourrait faire revivre des discussions closes.

M. Coomans. - Messieurs, cet incident est plus grave qu'il ne paraît à plusieurs honorables membres. Il s'agit en réalité de notre dignité et de notre liberté de représentant.

M. Loos. - De notre dignité.

M. Coomans. - De notre dignité, oui, mais la liberté n'est pas à dédaigner.

(page 610) Je ferai d'abord observer à l'honorable M. Ernest Vandenpeereboom, que le droit accordé aux membres de cette Chambre par le règlement d'avoir la parole pour un fait personnel, ne peut pas être limité aussi étroitement que l'entend l'honorable membre, se basant sur un précédent parlementaire cité par lui.

En effet, si l'on ne pouvait pas prendre la parole pour un fait personnel, relativement à des imputations personnelles formulées dans une séance précédente, on pourrait, dans beaucoup de cas, priver les membres de cette Chambre du droit important qu'ils ont de se défendre et de donner des explications indispensables.

- Un membre. - C'est évident.

M. Coomans. - Il pourrait se faire qu'on attaquât un membre de cette assemblée en son absence.

Vous lui défendriez de répondre le lendemain, le surlendemain ou même un mois après ? Vous ne le pouvez pas, vous ne l'oseriez pas ! (Interruption.)

On me fait remarquer que l'honorable M. de Decker est dans ce cas en ce moment.

On a raison. Mon honorable ami a, je pense, d'après les termes formels du règlement, le droit de demander la parole pour un fait personnel. La motion de l'honorable M. Ernest Vandenpeereboom lui conteste ce droit, contre toute équité et convenance.

M. E. Vandenpeereboom. - Je n'ai pas fait de motion.

M. Coomans. - J'étais autorisé à le croire puisque, l'honorable M. Loos a demandé que la Chambre se prononçât sur votre motion. Soit, mettons que vous n'ayez fait qu'une observation, et permettez que j'y ajoute les miennes.

Vous ne pouvez donc pas empêcher un membre de cette Chambre de prendre la parole pour un fait personnel après la séance où les imputations ont eu lieu.

Vous ne le pouvez pas, pour une première raison que j'ai dite. Vous ne le pouvez pas non plus pour deux autres raisons que voici :

Il pourrait se faire que le membre attaqué ne pût pas répondre dans la même séance ; celle-ci étant levée après le discours accusateur ; il pourrait se faire qu'il ne le voulût pas.

Dans l'un et l'autre cas, vous devez lui laisser la liberté de demander et de prendre la parole le lendemain ou les jours suivants.

Voilà quant à ce qui concerne l'observation de l'honorable M. E. Vandenpeereboom.

Mais il y a quelque chose de plus grave qui me frappe, et c'est pour cela que je me suis levé.

On s'étonne que l'honorable M. Wasseige désire s'expliquer sur la lettre qui a été lue hier par l'honorable ministre de l'intérieur. On dit que cela est contraire à la dignité de la Chambre, que M. Joly doit, être laissé en dehors de nos débats...

M. Goblet. - Cela est évident.

M. Coomans. - Mais, messieurs, prenons-y garde ; comment voulez-vous que M. Joly reste en dehors de nos débats alors qu'il s'agit de répondre à des imputations faites par lui à la tribune, par la bouche d'un ministre.

N'est-ce pas quelque chose déjà d'assez étrange que de voir un ministre lire une sorte de réquisitoire contre un membre de la Chambre ?

Et ce membre de la Chambre ne pourrait pas répondre à des allégations introduites dans cette assemblée par un fonctionnaire public !

Evidemment je n'accuserai pas l'honorable M. A. Vandenpeereboom d'avoir la pensée que je vais énoncer, mais il se pourrait qu'il convînt à un ministre de dicter à un fonctionnaire une lettre contre un membre de cette Chambre, et parce qu'il s'agirait d'un tiers absent qui n'a ni le droit ni la faculté de répondre, le membre de la Chambre devrait garder le silence !

Non, messieurs, cela n'est pas possible, cela serait dégradant pour nous.

Ce n'est pas moi qui ai soulevé ce débat, et je le trouve pour mon compte assez mesquin. Mais dès qu'on accuse de quoi que ce soit un membre de la Chambre, il doit avoir et conserver le droit de répondre à qui que ce soit, et surtout à un fonctionnaire public qui certes ne jouit pas d'une plus grande inviolabilité que les représentants de la nation.

Je regrette, moi, que le gouvernement ait lu la lettre dont il s'agit, mais la lettre lue, il faut bien qu'on puisse y répondre.

Maintenant, le règlement exige, je le sais, que l'orateur s'adresse à la Chambre ou à son président ; eh bien, je crois qu'il sera bien facile à M. Wasseige de se conformer au règlement en ce point.

M. le président. - Puisqu'il s'agit de l'application du règlement, je rappellerai l'article 23. Il dit qu'il est toujours permis de prendre la parole pour répondre à un fait personnel,

Il se peut qu'un membre attaqué par un orateur ne soit pas présent à la séance ; lui refuserait-on le droit de répondre le lendemain ?

Il se peut aussi que la séance soit levée au moment où un membre de la Chambre aurait à répondre à un fait personnel. Dans ce cas encore, force lui serait de renvoyer sa réponse à un autre jour.

On ne saurait donc poser en principe qu'il faut, pour relever un fait personnel, demander la parole séance tenante. Seulement il faut interpréter raisonnablement le règlement et ne pas exagérer la portée de la généralité de ses termes.

M. Wasseige ayant demandé la parole pour un fait personnel, pour répondre au discours prononcé à la fin de la séance d'hier, par M. le ministre de l'intérieur, j'ai cru pouvoir lui accorder la parole. Toutefois je l'engage encore à se renfermer strictement dans le fait personnel et à ne pas profiler de cette occasion pour répondre à des lettres émanant de personnes étrangères à la Chambre.

M. Goblet. - Je ne m'oppose nullement à l'interprétation large et étendue que M. le président vient de donner à l'article 23 du règlement. J'ai demandé la parole pour répondre quelques mots à l'honorable M. Coomans au sujet de la théorie qu'il a exposée dans la dernière partie de son discours.

Je crois que lorsque le gouvernement fait usage d'une pièce, lorsque, surtout cette pièce émane d'un fonctionnaire, il en assume seul toute la responsabilité et c’est, dès lors, au ministre qui l'a invoquée qu'il faut répondre et non à l'auteur de la lettre, quel qu'il soit.

Messieurs, j'entends souvent parler de l'abaissement du niveau des débats parlementaires ; eh bien, je crois que si cette décadence est réelle, il faut l'attribuer surtout à ceux qui viennent mêler à nos débats de mesquines questions de personnes et évoquer des faits indignes d'occuper l'attention de la Chambre.

M. Wasseige. - C'est M. le ministre de l'intérieur qui l'a fait.

M. Goblet. - M. le ministre de l'intérieur a lu une lettre émanant d'un fonctionnaire ; par cela seul il l'a faite sienne, et, dès lors, c'est déplacer la responsabilité de cette communication que de faire intervenir ici l'auteur de cette lettre.

L'honorable M. Wasseige trouve plus convenable de faire intervenir M. Joly, il nous le montre cherchant (ce sont ses expressions) à se placer, pour se grandir, sur un plus vaste théâtre.

Voilà donc M. Joly attaqué personnellement, bien qu'il n'ait rien dit ni écrit à M. Wasseige. (Interruption.) Il a écrit une lettre à M. le ministre de l’intérieur.

- Voix à gauche. Du tout ! Du tout !

M. Goblet. - Ce n'est pas d'une levé adressée à M. Wasseige, mais de la lettre écrite à M. le minore de l'intérieur qu’il est ici question.

- Voix à droite. - Pas du tout ! c’est une erreur.

M. Wasseige. - Il s'agit de la lettre qui m'était adressée.

M. Goblet. - Mais vous avez annoncé tout à l'heure que vous alliez répondre par le Moniteur à une lettre dont M. le ministre de. l'intérieur a donné lecture.

Il s'agit donc bien d'une lettre que M. le ministre a faite sienne, quelle qu'en ait été la destination, et c'est ainsi qu'elle a été introduite dans la discussion. M. Joly disparaît donc complètement de nos débtls. Demandez compte au ministre de la conduite d'un fonctionnaire, si vous croyez que cela soit juste et légitime, soit ; mais ne le mettez pas en cause à propos d'une lettre que le ministre a faite sienne et dont par conséquent il assume toute la responsabilité.

M. Loos. - Je me suis associé à la manifestation de la Chambre qui désirait ne pas entendre l'honorable M. Wasseige pour un fait personnel, quand j'ai entendu l'honorable membre nous dire qu'il allait répondre à une lettre que lui avait adressée M. Joly.

Il me semble qu'il y a eu déjà passablement de scandale dans ce débat ; il me semble que la dignité de la Chambre en a beaucoup souffert ; et quand j'ai vu qu'on voulait faire de la Chambre une sorte d'office postal, cela m'a paru exorbitant.

Aussi, messieurs, s'il existe un précédent dans lequel un orateur n'ait pas été admis à prendre la parole pour un fait personnel, et ce précédent on l'a cité ; je crois que ce précédent doit recevoir son application. La dignité de la Chambre serait compromise si on ne le faisait pas.

Je demande donc que le précédent invoqué soit appliqué en cette circonstance et que la parole ne soit pas donnée à M. Wasseige pour faire la réponse qu'il a annoncée.

M. le président. - Il n'est pas besoin d'une décision de la Chambre pour maintenir un orateur dans le fait personnel pour lequel la parole (page 611) lui a été donnée, c'est une charge du président, le règlement est formel ; le président rappelle l'orateur à la question quand il s'en écarte. M. Wasseige a déjà été invité à se maintenir dans le fait personnel.

M. Loos fait-il une proposition formelle de retirer la parole à M. Wasseige par application d'une décision antérieure ?

M. de Naeyer. - C'est impossible,

M. Loos. - Je ne m'oppose pas à ce que M. Wasseige prenne la parole pour un fait personnel, je ne m'oppose pas à ce qu'il prenne la parole pour se défendre, pour répondre au ministre, mais je m'oppose à ce qu'il la prenne pour répondre, par la voie du Moniteur, à une lettre qui lui a été adressée.

M. le président. - C'est une invitation que j'ai faite à M. Wasseige, dès le début de son discours ; il est parfaitement inutile d'insister sur ce point.

M. J. Lebeau. - La Chambre doit se montrer très large, généreuse même, quand un seul de ses membres luttant, pour ainsi dire, contre elle, demande la parole pour repousser une attaque dont il est l'objet, se fût-elle produite en son absence. La Chambre doit se montrer, en pareil cas, non seulement impartiale, mais, je le répète, généreuse.

Je crois que si, dans une séance à laquelle je n'aurais pas assisté, on avait donné lecture d'une lettre contenant des choses offensantes pour mon caractère, pour mon honneur, peut-être je devrais avoir, ce me semble, le droit, fût-ce deux ou trois jours après, de demander la parole, pour un fait personnel, pour protester contre ces attaques, pour combattre les allégations offensantes dont j'aurais à me plaindre.

Y eût-il même du doute sur le droit, il suffit, me semble-t-il, qu'un membre réclame d'une assemblée la faculté de répondre à une imputation de ce genre pour interpréter ce doute en sa faveur et ne pas lui refuser la parole.

M. le président. - M. Wasseige, la parole vous est continuée, mais ayez égard à mon invitation.

M. Wasseige. - Messieurs, on oublie un peu les faits, si M. Joly s'était borné à m'adresser une lettre particulière, je n'aurais jamais songé à lui répondre dans cette Chambre, mais il lui a convenu de communiquer cette lettre à M. le ministre ; M. le ministre en a donné lecture à la Chambre, elle a été insérée au Moniteur, elle est ainsi devenue publique, je crois devoir répondre publiquement aussi aux allégations contenues dans cette lettre.

Je répondrai donc à M. Joly réédité par M. le ministre de l'intérieur, que je n'ai rien à retrancher de ce que j'ai dit lorsque j'ai déclaré qu'il avait présenté M. de Becquevort en première ligne pour la place de bourgmestre de Sombreffe ; que, quant aux réflexions dont il accompagnait cette présentation, je les ai si peu cachées, que j'ai donné lecture de sa propre lettre, adressée à M. de Becquevort, où elles se trouvent entièrement rapportées et que cette lettre est insérée au Moniteur ; mais ce que je n'avais pas deviné, c'est que ces considérations étaient destinées à détruire l'effet de la présentation. J'avais pensé que la présentation étant maintenue malgré ces considérations, M. Joly ne les trouvait pas de nature à empêcher la nomination qu'il sollicitait du ministre de l'intérieur, car s'il en avait été autrement, M. Joly se serait exposé à induire en erreur le gouvernement qui aurait fort bien pu s'en tenir au texte de jugement, comme on dit au palais, sans avoir égard aux considérants.

Il se serait exposé au moins au reproche de légèreté, presque de ridicule, en présentant un homme qu'en même temps dans la même pièce il déclarait incapable de remplir le poste pour lequel on le présentait ; or, M. Joly n'a jamais voulu tromper le gouvernement, il n'est pas léger, et n'a jamais été ridicule ; c'est son opinion et c'est aussi la mienne.

J'ai parlé de légèreté et de ridicule parce qu'il n'entrera dans l'esprit de personne que M. Joly ait voulu recueillir les bénéfices d'une position double, se donner d'une part des apparences de loyauté et de générosité, et d'autre part les bénéfices d'une élimination politique.

Mais la lettre de M. Joly m'apprend un second fait que j'ignorais complètement, c'est qu'un faux matériel aurait été commis par l'imitation de la signature de l'ancien bourgmestre de Sombreffe. Ce fait est grave, et je dois supposer que M. Joly en est bien convaincu ; car il serait indigne d'un fonctionnaire public d'articuler un tel fait sur sa seule appréciation, et sans aucune autre preuve à l'appui. Quant à moi, malgré ma confiance en M. Joly, les plus grands esprits étant sujets à l'erreur, je me permettrai d'en douter jusqu'à plus ample informé, et je pense que M. le commissaire d'arrondissement aurait bien fait d'agir comme moi.

Quant à l'appréciation que M. Joly veut bien me communiquer sur ma conduite politique, il me permettra de ne pas le prendre pour juge. Si j'ai dans les connaissances administratives de M. Joly presque autant de confiance qu'il en a lui-même, je n'ai, quant à ma conduite politique, que ma conscience pour guide, et ma conscience me dit que dans les reproches que j'ai adressés au gouvernement, je n'ai été ni passionné, ni injuste, et que je n'ai fait que mon devoir en cherchant à éclairer le pays sur une politique exclusive et antinationale. J'en suis tellement convaincu que j'espère que les bourgmestres qui m'ont déjà prêté leur concours, comme me le rappelle M. Joly, penseront comme moi, et que malgré les efforts de M. Joly, venu tout exprès parmi nous pour réformer cet arrondissement de Namur si détestable avant son arrivée, ils voudront bien m'aider à obtenir un nouveau mandat.

Quant aux récriminations contenues dans un mémoire dont il a été également donné connaissance à la Chambre au nom du bourgmestre de Sombreffe, je n'en dirai que deux mots. Quand je lui ai reproché d'avoir donné des certificats à une grande partie des accusés de la bande noir., je n'ai fait que répéter une déclaration faite par M. le procureur générât de Bavay devant la cour d'assises du Hainaut ; cette assertion étant restée sans contradiction, j'ai dû croire qu'elle était exacte, et après examen je le crois encore. Lorsque j'ai dit avec M. de Bavay que le nouveau bourgmestre avait donné des certificats à la plupart des accusés de la bande noire, je n'ai pu parler que des accusés domiciliés à Sombreffe.

Eh bien, vérification faite, sur cinq accusés domiciliés à Sombreffe, le nouveau bourgmestre a donné des certificats de moralité à quatre. Il avait tellement la manie des certificats, qu'il en a même donné à un sixième accusé qui n'est plus domicilié à Sombreffe, et l'on aura beau épiloguer, ces certificats, à différents degrés et avec certaines nuances, sont bien des certificats de moralité.

Sur les cinq individus auxquels les certificats ont été délivrés, quatre ont été condamnés à mort ; un a été acquitté.

Mais il y a une particularité assez piquante dans les explications données par le nouveau bourgmestre de Sombreffe : c'est que sur les quatre individus auxquels il a donné des certificats, trois, d'après ses déclarations personnelles, avaient été ses serviteurs et le quatrième celui de sa belle-mère. Cela prouve pour la candeur du nouveau bourgmestre si cela ne fait pas grand honneur à sa perspicacité

- M. E. Vandenpeereboom remplace M. Vervoort au fauteuil.

M. Thibaut. - Messieurs, quoique l'intention de clore ces débats se soit manifestée hier sur quelques bancs de la gauche et malgré les impatiences de tantôt, j'espère que la Chambre me permettra d'entrer, à mon tour, dans la discussion générale. J'ai d'ailleurs un petit compte à régler avec l'honorable M. de Moor.

La Chambre se rappellera qu'au début de la discussion qui nous occupe, l'honorable M. A. Vandenpeereboom a désavoué un discours par lequel il aurait promis à ses amis d'Ypres, peu de temps après avoir été appelé dans les conseils de la Couronne, une politique intérieure plus accentuée.

Le nouveau ministre de l'intérieur, d'après les déclarations qu'il a faites dans cette enceinte, se bornera à conformer ses opinions politiques à celles de ses collègues, à mesurer ses mouvements sur ceux des autres membres du cabinet et à conserver à son département les traditions que l'honorable M. Rogier y a laissées.

Cette profession de foi de M. le ministre de l'intérieur est un commentaire fidèle de la phrase par laquelle son honorable collègue M. le ministre des affaires étrangères expliquait à la Chambre, le 20 novembre dernier, le choix de l'honorable M. Alp. Vandenpeereboom pour prendre la place qu'il occupe aujourd'hui.

La combinaison consistait en réalité à donner à l'honorable M. Rogier un rôle moins fatigant peut-être, moins militant devant la Chambre et compromettant moins l'existence du cabinet. Il fallait d'un autre côté resserrer, par un changement de personnes et sans porter atteinte au système suivi depuis 1857, les éléments d'une majorité près de se dissoudre.

L'honorable M. de Vrière, qu'on me permette de le faire remarquer en passant, a fait les frais de cette combinaison.

II n'y a donc, messieurs, rien de changé dans la politique du cabinet. Si, d'une part, le nouveau ministre de l'intérieur n'accepte pas la responsabilité de paroles qui avaient reçu une grande publicité, qui avaient été reproduites par les journaux avancés du parti libéral avec une satisfaction visible, d'autre part nous avons appris qu'il renonce à marquer son passage aux affaires par un esprit de modération qui avait acquis au député des sympathies à droite comme à gauche de l'assemblée.

Il est, messieurs, deux ordres de faits par lesquels le ministre de l'intérieur exerce une grande influence sur la situation morale du pays, sur le sort des classes les plus nombreuses de la société, je veux parler de la nomination des chefs des administrations communales et de tout ce qui se (page 612) rapporte à l’enseignement primaire. Quant à ces deux points, qui sont en corrélation intime, j’attendrai de l’honorable M. Vandenpeereboom un changement de système marqué au coin de l'impartialité et d’une sage modération.

Tout le monde reconnaît, en effet, et l’honorable ministre de l'intérieur reconnaît sans doute lui-même que le curé, le bourgmestre et l'instituteur sont, dans les campagnes surtout, les grands agents, les agents les plus puissants de la civilisation.

Tout le monde aussi doit reconnaître que l'harmonie entre ces trois agents, cimentée par une confiance mutuelle, par le respect réciproque de leurs droits et par un dévouement égal à leurs devoirs et aux intérêts qui leur sont confiés, que cette harmonie, dis-je, fait leur force et leur permet seule de maintenir et de diriger le peuple dans cette marche constante, continue et sage vers le progrès, dont parle l'adresse au Roi, dans un paragraphe que nous avons tous voté.

Le gouvernement choisit le second des agents que j'ai nommés ; il forme et nomme souvent le troisième. Quel usage a-t-il fait de ses prérogatives ? S'est-il inspiré des sentiments que je viens d'exprimer ?

Je ne parlerai pas en ce moment de ce qui concerne l’enseignement primaire. On paraît d'accord pour réserver cette question.

Quant aux bourgmestres et échevins, on ne peut nier qu'il n'y ait eu des choix déplorables : déplorables, soit parce que des personnes qui ont été revêtues d'une magistrature communale n'en étaient pas dignes ; soit parce que le gouvernement a écarté des hommes capables, intègres, et dont l'administration n'avait rien laissé à désirer.

Pourquoi ces choix déplorables ont-ils eu lieu ? Ils s'expliquent, à mes yeux du moins, par un fait capital, et sur lequel j'appelle l'attention de la Chambre.

Il est incontestable, messieurs, que les associations libérales sont intervenues puissamment, depuis quelques années, dans les nominations de bourgmestres et d'échevins.

Ces associations ont cherché partout des candidats, et ceux qu'elles ont présentés ont été trop souvent nommés, dans les communes rurales surtout, sans beaucoup de discernement. J'ajoute que ces nominations ont dû se faire souvent aussi, contre l'avis des gouverneurs. En sorte que non seulement les associations ont exercé une influence illégitime, mais que dans les conflits inévitables avec les gouverneurs, cette influence a été quelquefois prépondérante.

Je sais bien que les présentations faites par les gouverneurs ne sont pas divulguées ; mais je soutiens aussi que les associations libérales ne se mêleraient pas de la nomination des bourgmestres et échevins si elles ne prétendaient opposer l'idée politique à l'idée administrative ; et quand les gouverneurs ne s'accordent pas avec elles, elles s'adressent naturellement à une autorité supérieure près de laquelle elles trouvent un accès trop facile.

Je ne soutiens donc pas que les choix du ministre de l'intérieur doivent être toujours conformes aux présentations des gouverneurs, mais je blâme l'intervention des associations politiques pour diriger les choix du ministre de l'intérieur, que cette intervention soit réclamée, acceptée ou subie, peu importe.

Je blâme cette intervention, parce qu'il est impossible qu'elle ne soit pas l'expression de l'esprit de parti.

Et selon moi, c'est renverser les principes d'une bonne administration que de permettre à l'esprit de parti d'étendre son influence hors de la sphère politique et là où elle ne peut être que funeste. C'est ainsi que nous la voyons agir dans les plus humbles communes, ici pour écarter un administrateur probe, actif, intelligent, conciliant, aimé et respecté, qui n'a d'autre tort que d'appartenir, en politique, à l'opinion conservatrice ; là pour récompenser des services électoraux, sans souci des antécédents et de la moralité de l'individu ; ici pour susciter des divisions, des jalousies, des haines entre les hommes professant tous jusqu'alors la même opinion politique et en gagner quelques-uns à la cause libérale ; là pour enchaîner des hommes faibles ou ambitieux, par d'indignes traités ; partout enfin pour faire naître des luttes regrettables sur le terrain religieux ; car c'est là, messieurs, remarquez-le bien, le cachet de l'esprit de parti en Belgique.

L'esprit de parti ! c'est lui, messieurs, qui par ses excès constitue le danger le plus sérieux pour notre pays. C'est lui qui menace le caractère religieux que le peuple belge n'a jamais laissé altérer à travers tant de vicissitudes, ce caractère religieux qui, selon la remarque de l'un de nos hommes d'Etat les plus distingués, et qui a tenu longtemps le pouvoir, forme encore aujourd'hui notre individualité aux jeux des nations étrangères et qui n'est pas la moindre garantie de notre indépendance.

L'esprit de parti, il s'est montré jusque dans cette enceinte, dans toute sa crudité.

Vous l'avez entendu, messieurs, il y a quelques jours, citant à la barre de rassemblée un prêtre qui peut-être n'est pas parfait, mais qui à aucun titre, ne devait être mêlé à nos débats.

Vous avez entendu l'honorable M. de Moor, permettez-moi de répondre maintenant à son discours, vous avez entendu M. de Moor, oubliant toutes les convenances, attaquer violemment un prêtre, sans aucun motif, si ce n'est qu'il est prêtre. Car, quand même on aurait prouvé que le curé de Vencimont est un homme violent, emporté et brouillon, en résulterait-il que Jacquet dont il a été si souvent question dars ces débats, ne l'a pas odieusement calomnié ? En résulterait-il que Jacquet était digne d'être nommé bourgmestre ? En résulterait-il que le gouvernement a bien fait de céder, en le nommant bourgmestre, à des obsessions dont l'auteur s'est trop clairement fait connaître ?

On a essayé, permettez-moi de le dire, de faire du scandale pour le scandale et l'on ne s'est pas aperçu que si un fait doit être énergiquement blâmé parmi tous ceux qui ont été cités, s'il y a un fait scandaleux c'est, messieurs celui qui a été révélé par M. le ministre de l'intérieur. Jacquet a été condamné comme calomniateur, et cependant quelqu'un a osé insister près du ministre, après l'arrêt de la cour de Liège, pour que Jacquet fût admis à prêter serment en qualité de bourgmestre.

Ce fait à lui seul montre l'abîme où conduit l'esprit de parti.

Et à cette occasion je dirai à M. le ministre de l'intérieur qu'il n'a rempli que la moitié de son devoir, en résistant aux instances des protecteurs de Jacquet. Il devait rapporter l'arrêté qui nommait Jacquet bourgmestre, et ne pas attendre la renonciation de celui-ci.

L'honorable M. de Moor a encore suivi les suggestions de l'esprit de parti lorsqu'il accusait un fonctionnaire supérieur d'avoir manqué à tous ses devoirs, en communiquant à l'institutrice de Vencimont, une dénonciation adressée contre elle, par Jacquet, à M. le ministre de l'intérieur.

La preuve de cette communication n'a pas été donnée, mais le fait fût-il vrai, ma raison se refuse à s'associer au blâme formulé par M. de Moor.

Jacquet était déjà sous le coup de la plainte en calomnie, quand, par un trait d'audace et de fourberie, il transmit une dénonciation prétendument confidentielle au département de l'intérieur.

En effet, la dénonciation n'est arrivée au ministère, selon M. de Moor, qu'à la fin de février ; la plainte en calomnie est du 10 février, l'ordonnance de la chambre du conseil renvoya le prévenu devant le tribunal et l'instruction se fit à l'audience dès le 15 mars.

Le procès n'a donc pas été la conséquence d'une communication faite par le commissaire d'arrondissement, comme le prétend M. de Moor.

L'instruction n'a pas porté non plus sur la dénonciation adressée au ministre de l'intérieur, mais sur des imputations révoltantes publiées pendant deux ans avec persistance dans des lieux et réunions publics.

L'honorable M. de Moor a trouvé convenable d'appeler les colères du gouvernement sur les signataires d'une circulaire adressée aux électeurs du district de Dinant.

Je ne qualifie pas ce procédé. Je dirai seulement que les signataires de cette circulaire sont des hommes honorables, indépendants, des hommes dévoués à leur pays et qui s'empressent de lui rendre tous les services dont ils sont capables, mais qui considèrent les fonctions publiques plutôt comme une charge que le patriotisme leur impose, que comme un avantage qu'il faille acheter au prix de l'honneur et de la dignité.

Un seul des signataires de cette circulaire avait pris la qualité de bourgmestre ; circonstance à laquelle on a semblé attacher une grande importance. C'est un homme des plus estimables qui pendant trente ans fût à la tête d'une commune populeuse. Avant les dernières élections, il annonça par une lettre rendue publique, qu'il croyait avoir payé sa dette à la patrie et qu'il rentrait dans la vie privée. Le gouvernement n'a donc pu le frapper. Mais il n'a pas récompensé non plus ses trente années de loyaux services et de dévouement, par une faveur qui est prodiguée à d'autres. (Interruption.)

M. de Moor, qui s'occupe beaucoup trop de l'arrondissement de Dinant, a parlé des élections communales du chef-lieu.

Voici comment il s'est exprimé : « Les élections communales de Dînant ont lieu ; un revirement complet se produit dans cette ville ; les électeurs font table rase de tous les conseillers cléricaux ; l'honorable M. Wala passe en tête de la liste. Eh bien, il n'y a pas de démarches qu'on n'ait faites pour empêcher M. Wala d'être nommé bourgmestre. »

- Un membre. - C'est clair.

M. Thibaut. - Oui, c'est clair ; mais malheureusement pour M. de Moor, il y a dans cette phrase autant d'erreurs que de mots.

(page 613) M. Coomans. - C'est encore plus clair.

M. de Moor. - Rectifiez ce qui n'est pas exact.

M. Thibaut. - C'est ce que je vais faire.

Des six membres sortants du conseil de Dinant, au mois d'octobre 1860, trois ne sollicitaient pas le renouvellement de leur mandat et parmi eux se trouvait l'ancien bourgmestre, membre du conseil communal depuis 32 ans. Un quatrième n'était pas rééligible.

Les deux autres furent élus avec les quatre candidats qui, seuls, se présentaient. Ces quatre candidats appartiennent à l'opinion libérale plus ou moins modérée, je le reconnais, mais M. Wala, bien loin de passer en tête de la liste, n'y figurait même pas.

Plus tard, l'un des conseillers nouvellement élus, celui qui était désigné par l'opinion publique pour les fonctions de bourgmestre, n'accepta pas son mandat. C'est alors, et alors seulement que M. Wala fut nommé conseiller ; il n'avait pas de concurrent.

Quant aux démarches qui ont été faites pour empêcher M. Wala d'être nommé bourgmestre, je ne sais à qui M. de Moor les attribue. Tout ce que j'ai appris, c'est que la place de bourgmestre avait d'abord été offerte officieusement à un ancien échevin appartenant, je crois, à la majorité, et que celui-ci n'accepta pas.

Puisque j'ai été amené à parler de Dinant, je vous signalerai, messieurs, une particularité assez extraordinaire qui me revient en mémoire.

En 1857 des élections communales eurent lieu pour le renouvellement de la moitié du conseil.

Les conseillers sortants furent réélus et parmi eux, se trouvait l'un des échevins. Ils appartenaient tous, si je ne me trompe, à l'opinion conservatrice.

Vous croyez peut-être que le gouvernement continua dans ses fonctions l'ancien échevin, homme honorable à tous égards ? Point du tout. Le gouvernement ne trouva pas même dans le conseil, un homme digne d'être investi du mandat d'échevin, et pendant trois ans, de 1857 à 1860, la ville de Dinant eut une administration incomplète.

Quant à la nouvelle administration, elle est entièrement constituée. Je souhaite qu'elle se montre active, intelligente, impartiale et paternelle.

Messieurs, le discours de l'honorable M. de Moor auquel je devais ces quelques mots de réponse, je le considère comme l'aveu de l'influence et de l'influence funeste que les associations politiques et l'esprit de parti exercent sur les nominations de bourgmestre.

M. de Moor a présenté avec trop de vivacité, avec un trop grand luxe de détails, la défense d'un homme qui a acquis une triste notoriété, de Jacquet, pour qu'il puisse me taxer de témérité, lorsque c'est à lui que je fais remonter la responsabilité de la nomination de cet homme à la place de bourgmestre.

Et cependant je veux croire que M. de Moor ne connaît pas Jacquet. Que s'est-il donc passé ?

Une association libérale quelconque, en quête de bons candidats et se défiant des fonctionnaires supérieurs de la province de Namur, aura, j'imagine, poussé ses investigations jusque dans le village de Vencimont, caché pourtant dans les montagnes et les bois des Ardennes, et tellement à l'écart, que l'honorable M. de Moor, qui habite à cinq lieues de là, n'y a probablement jamais mis les pieds. Là, elle aura découvert un bon candidat et elle aura chargé M. de Moor, qu'elle connaissait comme l'ami intime de MM. les ministres, d'obtenir sa nomination.

M. de Moor affirmait l'autre jour que, dans l'arrondissement de Dinant, « le gouvernement est à chaque instant trompé lorsqu’il s’agit de nominations. » Hélas ! M. de Moor lui-même a fait commettre au gouvernement dans ce même arrondissement de Dinant, une de ces erreurs qui blessent profondément la pudeur et l’honnêteté publiques. (Interruption) J'ose dire que jamais les fonctionnaires accusés par M. de Moor n'ont eu à subir un pareil reproche.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Ce qui blesse la pudeur, ce sont les faits qui ont eu lieu à Vencimont et qui sont révélés dans l'enquête.

M. Thibaut. - L'enquête ! Vous me parlez de l'enquête ! Mais l'enquête prouve une fois de plus une vérité vieille comme le monde : c'est que la calomnie laisse toujours des traces. Voltaire, qui connaissait les hommes, n'a-t-il pas dit : Calomniez, calomniez ; il en restera toujours quelque chose. (Interruption.)

Permettez-moi, messieurs, de conclure.

Je dis que le mal est constaté. L'honorable M. de Moor a contribué lui-même à l'exposer au grand jour. Il faut chercher un remède. Dans l'état actuel de la législation, nous ne pouvons l'attendre que du caractère de M. le ministre de l'intérieur, de ses intentions particulières, de son énergie individuelle.

L'honorable M. Vandenpeereboom doit-il nous inspirer plus de confiance que l'honorable M. Rogier ? Je l'espérais mais l'attitude qu'il a prise dans la discussion ne me laisse plus d'illusions à cet égard. Je pense donc avec d'honorables orateurs qui m'ont précédé, que nous serons obligés de chercher le remède dans un prompt retour à la législation qui fut en vigueur pendant les premières années de notre émancipation politiques ; c'est-à-dire en restituant la nomination du bourgmestre aux conseils communaux.

(page 619) M. de Moor. - Messieurs, je commencerai par exprimer à mes honorables collègues les regrets que nous avons éprouvés, nous, membres de la gauche, de voir soulever, dans cette Chambre, un pareil débat. En ce qui me concerne, ce n'est point sans éprouver un sentiment pénible, que j'ai été obligé de répondre au discours prononcé par l'honorable M. Wasseige et que je me vois en ce moment encore forcé de répondre au second discours de l'honorable député de Namur en même temps qu'à M. Thibaut qui m'a personnellement appelé à venir régler un petit compte avec lui.

Si M. Wasseige s'était contenté de signaler au gouvernement, comme un acte regrettable, qu'un bourgmestre se soit exposé à être condamné par application de l'article 368 du Code pénal ; s'il avait demandé que le gouvernement ne restât pas impassible en présence de cet état de choses, je crois que l'honorable membre aurait eu, sans provoquer de scandale, satisfaction immédiate : le bourgmestre m'avait en effet adressé sa démission pour être transmise au gouvernement, et c'est ce qui avait eu lieu. A ce sujet, M. Wasseige a fait à M. le ministre de l'intérieur certains compliments que je dois m'approprier en partie.

Si j'ai contribué à la réalisation de la détermination prise par M. Jacquet de donner sa démission, je n'éprouve aucun embarras à déclarer qu'au mois de novembre 1860, peu après les élections communales, j'ai recommandé M. Jacquet à la haute bienveillance de M. le ministre de l'intérieur. (Interruption.)

Permettez, messieurs ! Qu'était-il arrivé au mois de novembre 1860 ? Cet homme, dont M. Wasseige a parlé en termes de répulsion, qu'il a représenté comme étant en quelque sorte un étranger dans la commune, tandis qu'il l'habitait depuis 4 ans ; comme ne pouvant pas y trouver de domicile... (Interruption.) Oui, c'est ce que vous avez fait entendre. Eh bien, la personne dont vous avez parlé était fils d'un ancien receveur de l'enregistrement, et petit-fils d'un conservateur des hypothèques de Dinant ; presque toutes ses propriétés sont situées dans la commune de Vencimont.

Aux élections de 1860, ce prétendu étranger s'est mis sur les rangs, cédant aux vives sollicitations des sept huitièmes de la population, et savez-vous ce qu'il a obtenu de suffrages, malgré l'intervention de l'aimable prêtre dont on a parlé ?

Sur vingt suffrages il en a obtenu seize, si je ne me trompe. N'avais-je pas le droit, dans ces circonstances et à cette époque, de recommander un pareil candidat ? Je vais plus loin, je le considérais comme un devoir par suite de la connaissance que j'avais de la situation agitée de la commune ; du reste, l'honorable M. Thibaut ne peut m'en faire un reproche, car c'est lui-même qui m'a appris à m'occuper d'un autre arrondissement que le mien.

En 1854, je pense, M. Thibaut (à peine étais-je arrivé à la Chambre) s'imagine de faire des démarches pour faire réussir un bourgmestre et un échevin de son choix dans mon arrondissement ; et savez-vous sur quelles communes se portent ses démarches ? Sur celle même que j'habite et sur une autre du même canton de Wellin.

M. Thibaut. - Je ne me rappelle pas ce fait.

M. de Moor. - Je vais vous rafraîchir la mémoire : n'y avait-il pas là l'influence d'une association cléricale dont le curé de Resteigne était président ? N'avez-vous pas voulu que le sieur Mahy fils fût nommé au lieu de M. Gilson, le candidat de l'administration provinciale ?

Je dis donc, messieurs, que l'honorable M. Thibaut a été faire personnellement des démarches au ministère de l'intérieur ; il a cherché à obtenir que ma commune fût dirigée par un bourgmestre de son cœur, l'un de mes adversaires acharnés.

M. Thibaut. - Je ne savais pas ce qui se passait dans cette commune.

M. de Moor. - Ah ! vous ne le saviez pas ! Moi aussi je pourrais dire qu'en m'occupant du sieur Jacquet, j'ignorais l'intérêt que les honorables MM. Thibaut et Wasseige portaient au curé de Vencimont.

Quoi qu'il en soit, ce n'est pas dans cette commune seule, comme je l'ai déjà dit, que l'honorable M. Thibaut avait établi ses opérations ; il en existe une autre où il a eu plus de succès dans mon arrondissement, l'échevin qu'il appuyait a été nommé.

Remarquez bien, messieurs, que le candidat proposé pour les fonctions de bourgmestre dans ma commune était recommandé par le gouverneur et par le commissaire d'arrondissement ; l'honorable M. Thibaut a voulu le faire écarter à toute force ; il n'a pas réussi ; j'ai été plus écouté que lui, fort heureusement pour les intérêts de la commune.

Maintenant, messieurs, vous avez pu apprécier le fondement du reproche que m'a adressé l'honorable M. Thibaut, d'être intervenu dans son arrondissement. Il ne s'est pas, sans doute, souvenu qu'il m'en avait donné le droit. Je le préviens très loyalement, très franchement, puis qu'il a voulu régler ses comptes avec moi, que je n'entends pas abdiquer à l'avenir le droit de me mêler de politique dans son arrondissement, et que chaque fois que je croirai pouvoir être utile à mon opinion et aux hommes qui la soutiennent, je m'emploierai avec empressement.

Pour en revenir après cette digression au sieur Jacquet, on comprendra que je ne pouvais certes pas savoir au mois de novembre que plus tard il serait traduit devant le tribunal de Dinant, placé dans l'impossibilité légale de justifier les imputations dont on lui demandait compte ; je ne pouvais pas davantage deviner que ce débat se produirait devant la Chambre pour y causer un effet déplorable dont je décline la responsabilité.

L'honorable M. Thibaut a parlé tout à l'heure des nominations de bourgmestres qui avaient été maintenus, malgré leurs signatures apposées à la fameuse circulaire de l’Union constitutionnelle de Dinant.

Eh bien, je pose cette alternative : ou bien, le gouvernement a été prévenu de cette circulaire et les noms lui ont été indiqués, et alors franchement, comme libéral, je ne comprends pas que le ministre ait maintenu ces fonctionnaires sans manquer à son devoir ; ou bien, il n'a pas été prévenu (je crois qu'il en est ainsi), et alors je dis que le commissaire d'arrondissement et les autorités provinciales n'ont pas rempli tout leur devoir.

Que nous disait hier l'honorable M. Dechamps ? Il nous lisait un discours prononcé par l'honorable M. Rogier au Sénat, en réponse à un membre de cette assemblée ; voici ce que disait l'honorable ministre de l'intérieur.

« Il y a deux manières de faire de l'opposition au gouvernement ; il y a une manière loyale, modérée, que je comprends et que même je ne cherche pas à combattre quand elle est sincère ; mais il y a aussi l'opposition violente, passionnée, outrageante : or, quand une opposition de ce genre se produit, qu'est-ce qu'un gouvernement jaloux de sa dignité doit faire ?

« Si le fonctionnaire qui est animé de ces sentiments ouvertement hostiles à l'égard du cabinet, qui lui jette publiquement l'injure à la face, n'a pas, lui, le sentiment de la dignité assez prononcé pour se détacher d'un pareil cabinet, c'est nécessairement au gouvernement d'agir ; c'est au gouvernement de se séparer de ce fonctionnaire qui l'outrage. A mon avis, un fonctionnaire animé de pareils sentiments ne doit pas continuer à servir un cabinet qui lui convient si peu. »

Eh bien, messieurs, de ces bourgmestres, de ces échevins, dont j'ai les noms sous les yeux, pas un seul, je le répète, n'a été démis de ses fonctions ; ils ont été maintenus en 1857 ; ils l'ont encore été en 1861.

Et vous viendrez dire après cela que le ministère use de tous les moyens de violence qui sont en son pouvoir ! (Interruption.) On me dit que le gouvernement lie pouvait pas faire autrement. Comment ! le gouvernement n'aurait pas pu prendre un autre parti dans la commune de Wavreillc, par exemple, qui est encore dans le voisinage de mon arrondissement ? Là on a maintenu un fonctionnaire qui n'y réside pas, et, circonstance qu'a dû ignorer le gouvernement, il a pour échevin, qui ? Son cousin germain. Voilà un népotisme qui aurait pu être signalé, me semble-t-il, par le gouvernement provincial de Namur.

A la rigueur, cette nomination pourrait s'expliquer, s'il n'y avait pas dans la commune un autre homme capable de remplir les fonctions de bourgmestre ; mais, Dieu merci, il y a dans cette localité plus d'un candidat parfaitement apte à exercer ce mandat.

Je pourrais, à propos des dernières nominations qui ont eu lieu, faire voir comment les libéraux ont été amenés à soutenir dans leur position beaucoup de bourgmestres que nos adversaires voulaient faire évincer.

L'honorable M. Wasseige a parlé du trio Massot, Jacquet et Burette. Eh bien, messieurs, la première plainte dirigée contre le curé de Vencimont a été adressée à l'évêque ; elle ne l'a été ni par Jacquet ni par l'instituteur, ce dernier n'étant arrivé à Vencimont qu'après plainte formulée par le bourgmestre de l'époque. L'autorité ecclésiastique n'y fit pas droit, quoique antérieurement elle eût recueilli d'autres protestations parties de communes où le curé Hart avait été successivement placé, avant d'arriver à Vencimont ; c'était alors à de hautes influences cléricales qu'on avait cédé.

Mais une fois que la plainte est venue des représentants du pouvoir civil, on n'a eu garde de la prendre en considération et on a laissé ce prêtre brouillon dans la commune de Vencimont.

Messieurs, je tiens encore à vous citer un fait qui vous prouvera que la modération de l'ancien ministre de l'intérieur a été même trop grande dans certaine circonstance.

(page 620) Je me souviens d'avoir vu, dans l'arrondissement que je représente, un bourgmestre proposé par le gouverneur et par le commissaire d'arrondissement pour être destitué. Il y a dans cette Chambre un représentant qui se rappellera parfaitement celui auquel je veux faire allusion : c'est l'ancien bourgmestre de Bertrix.

M. Nothomb. - Il est mort ; bornez-vous aux vivants.

M. de Moor. - Il n'a pas été destitué ; soyez tranquille, je n'en dirai pas de mal, quoiqu'il m'en ait fait beaucoup. M. Rogier, au lieu de le destituer, comme le proposaient le gouverneur et le commissaire d'arrondissement, a préféré l'engager à donner sa démission ; c'est ce qui fut fait.

M. Nothomb. - Vous ne savez pas ce que j'ai fait dans cette circonstance...

M. de Moor. - Il est vrai que vous devez en savoir plus long que moi, car je crois qu'antérieurement à l'époque où je me reporte, vous aviez, comme procureur du roi de Neufchâteau, déjà provoqué sa révocation.

Messieurs, si j'ai bien entendu M. Thibaut, il a dit tout à l'heure que la nomination de Jacquet était attentatoire à la pudeur, à l'honnêteté publique !

Je me permettrai, sans vous faire connaître en détail une seule des dépositions qui se trouvent dans le procès-verbal de l'enquête administrative, parce que je respecte la pudeur et l'honnêteté publique, de vous lire simplement ce qu'écrit l'honorable fonctionnaire qui a été chargé de l'instruire.

Voici comment il termine son rapport :

« J'ai cru devoir me borner à entendre les témoins dont je viens de rapporter les dépositions. »

M. Wasseige. - Lisez exactement. Il y a : « Je me suis borné à entendre les témoins du sieur Jacquet. »

M. de Moor. - M. le président, voudriez-vous faire remettre l'enquête à M. Wasseige, afin qu'il puisse collationner tout à l'aise. Il verra que moi, je ne supprime rien et ne tiens rien à l'écart. M. Wasseige aurait bien dû, lorsqu'il a donné lecture du rapport de M. le procureur du roi, faire connaître à la Chambre l'appréciation de ce fonctionnaire sur la violence de caractère et la difficulté de s'entendre avec le curé Hart.

M. le président. - Je ne l'ai pas sous la main, un membre est venu la prendre.

M. de Moor. - Je tiens à ce que l'honorable M. Wasseige collationne. (L'enquête est remise à M. Wasseige.)

M. de Moor. - Quand l'honorable M. Wasseige sera prêt, je recommencerai.

« J'ai cru devoir me borner à entendre les témoins dont je viens de rapporter les dépositions, et avant de vous faire connaître mon opinion dans cette affaire, je crois devoir vous dire, M. le gouverneur, que les habitants de la commune de Vencimont sont dans un état d'exaltation et d'effervescence extraordinaire.

« J'ai cru un instant que je ne pourrais continuer l'enquête. Le desservant, pendant que j'entendais les témoins du sieur Jacquet, allait de maison en maison engager les femmes à se rendre à l'école pour déposer en faveur de l'institutrice. On m'a même dit qu'il leur payait à boire dans un cabaret. Je n'ai pas cru devoir vérifier ce fait ; toutefois, des bandes de 10 et 15 femmes arrivèrent en criant, et bientôt un véritable rassemblement avait lieu dans la rue près de l'école, et comme deux partis divisent profondément la commune, une émeute était imminente. Il a fallu la force de caractère, le calme et le sang-froid du sieur Jacquet, pour calmer la foule et la disperser. C'est dans un état pareil d'agitation que j'ai procédé pendant deux jours à l'enquête dont vous m'avez chargé.

« Maintenant je vais essayer de formuler mon opinion dans cette regret-affaire. Je n'oserais affirmer que Mlle... est coupable, mais comme elle le reconnaît elle-même, elle n'a pas été assez prudente, assez réservée, elle a même été un peu légère ; elle n'a pas assez cherché à sauvegarder sa dignité d'institutrice, de femme même.

« Ses trop fréquentes visites au presbytère à toutes les heures de la journée, car des témoins disent l'y avoir vue s'y rendre à 6 heures, à 7, 8, 9, 10, 11 et 11 et demie du soir et l'avoir vue en revenir à 3, 4, 5, 6 et 7 heures du matin, la protection maladroite que lui accorde le desservant, lui ont fait perdre de son estime et de son autorité. »

M. H. Dumortier. - Que nous importe tout cela, et depuis quand donc sommes-nous ici chargés de faire la police à charge de MM. les curés ?

M. de Moor. - « Toutefois beaucoup de personnes la soutiennent encore, mais aussi beaucoup la repoussent, de sorte que sa position est très difficile, très délicate, impossible même. Elle le comprend bien ; aussi m'a-t-elle supplié elle-même de lui faire obtenir son changement. Elle est réellement malheureuse à Vencimont ; mais elle est aussi digne de compassion, car elle est le seul soutien de sa vieille mère qui demeure avec elle.

« Je suis donc d'avis, M. le gouverneur, que Mlle B... doit quitter Vencimont, où elle ne peut plus bien faire, mais qu'il y a lieu de faire des démarches pour la placer dans une autre localité.

« Quant au desservant, je n'ai pas à m'en occuper. Je dois laisser à l'autorité ecclésiastique le soin de rechercher s'il accomplit bien ou mal son ministère. »

On a, messieurs, beaucoup trop souvent prononcé, dans cette triste affaire, le mot de calomniateur. On a traîné Jacquet sur la claie.

Eh bien, j'essayerai quelque peu de le défendre.

Dans le Code pénal il y a un article 368 qui dit :

« Est réputée fausse toute imputation à l'appui de laquelle la preuve légale n'est pas apportée.

« En conséquence, l'auteur de l'imputation ne sera pas admis pour sa défense à demander que la preuve en soit faite.

« Il ne pourra pas non plus alléguer comme moyen d'excuse que les pièces ou les faits sont notoires ou que les imputations qui donnent lieu à la poursuite sont copiées ou extraites de papiers étrangers ou d'autres écrits imprimés. »

M. Thibaut. -11 y a d'autres articles, lisez-les.

M. de Moor. - J'ai lu l'article 368, M. Thibaut lira les autres, s'il le veut.

Qu'on veuille bien avoir égard aux faits : M. Jacquet se trouvait dans une commune où l'irritation était grande. Elle fut surtout portée au comble de la part de ses adversaires, lorsqu'on sut qu'il était question de lui comme bourgmestre. C'est alors que par tous les moyens imaginables on l'a poussé à commettre, dans un lieu public, une imprudence qu'il a payée bien cher.

Il a été ce que beaucoup d'entre vous peut-être ont été parfois en leur jeunesse : médisant plutôt que calomniateur.

Il ignorait que toute médisance, toute allégation d'un fait vrai, si véridique, si évident qu'il soit, devient calomnie aux yeux de la loi en cas de poursuites, si la preuve n'en est pas apportée par jugement, comme le dit l'article 368.

Le juge aurait vu, aurait touché le fait ; nous eussions tous vu ce qui pouvait se passer, pendant que l'institutrice allait prendre des leçons d'astronomie chez le curé de Vencimont, ou pendant qu'elle disait avec le curé le rosaire, que Jacquet n'en aurait pas moins été condamné.

Il devait l'être ; mais rendons-nous compte des circonstances atténuantes et des motifs qui en ont amené l'admission par la cour de Liège. M. Jacquet attaquait un prêtre, c'est-à-dire un homme revêtu d'un caractère sacré, il attaquait un membre du corps enseignant, c'est-à-dire une personne revêtue d'un caractère respectable, il leur imputait des faits d'une gravité extrême et qui révoltent la pudeur publique ; en supposant ces faits moralement et réellement faux, la cour de Liège devait déployer la plus grande sévérité : loin de là, elle déploie de l'indulgence, elle reconnaît l'existence de circonstances atténuantes !!! et Jacquet n'est frappé ni de prison ni de l'interdiction de ses droits civils. N'est-ce pas là, messieurs, la démonstration de ce que, tout en reconnaissant la calomnie légale, elle n'a pas également reconnu la calomnie réelle et morale, la fausseté absolue des imputations, et n'avons-nous pas lieu de penser que c'est la médisance seulement et non la calomnie qu'elle a voulu punir ?

En résumé, messieurs, on a voulu, je le répète, traîner Jacquet sur la claie et faire de l'opposition passionnée au gouvernement. Je connais personnellement Jacquet, je sais que c'est uniquement par imprudence et non par haine qu'il a été poussé dans la voie où il s'est engagé ; mais je vous déclare franchement que je ne trouve rien dans sa conduite qui le rende indigne de mon estime, et si, au sortir de cette séance, je le rencontrais, je n'hésiterais pas un seul instant, vous pourriez le constater, M. Wasseige, à accepter sa main et même à lui tendre spontanément la mienne.

(page 613) M. Van Overloop - Je crois, messieurs, que, par cela même que nous jouissons de l'inviolabilité parlementaire, il convient d'éviter, autant que faire se peut, de traîner dans la boue, de quelque côté que ce soit, des personnes qui ne sont pas ici pour se défendre.

M. Muller. - Qui est-ce qui a commencé ?

M. Allard. - C'est M. Wasseige qui est la cause de tout.

M. Van Overloop. - M. Wasseige, me semble-t-il, ne s'est appuyé que sur des décisions judiciaires.

Quoi qu'il en soit, je vous exprime ma pensée sans aucune acception de parti.

Aussi suis-je bien décidé à ne pas suivre l'exemple qui nous a été donné.

- Voix diverses. - Très bien !

M. Van Overloop. - Messieurs, j'ai interrompu, hier, un honorable orateur de la majorité pendant qu'il développait une doctrine qui, selon moi, aurait pour conséquence inévitable de mettre les bourgmestre de nos communes sur la même ligne que les maires des municipalités de France.

L'orateur auquel je fais allusion s'exprimait ainsi : « Le bourgmestre est, sous certains rapports, un agent du pouvoir central. » Et il a conclu immédiatement de ce principe que les bourgmestres de nos communes doivent en quelque sorte refléter la pensée du gouvernement.

Eh bien, je crois devoir protester contre cette théorie comme je protesterai toujours, dans toutes les circonstances, contre l'application, en Belgique, de principes qui sont contraires à nos institutions nationales.

Une des plus grandes garanties, messieurs, de l'indépendance des nations, c'est d'avoir des principes propres ; c'est d'avoir des principes qui les différencient entre elles ; et c'est précisément pour cela que je protesterai toujours contre l'application qu'on voudrait faire à notre pays de principes qui, vous viennent de nos voisins du sud ou d'ailleurs et qui ne seraient pas conformes à nos institutions.

Je suis, sous ce rapport, de l'avis d'un homme qui sera longtemps regretté, d'un homme dont on peut ne pas partager toutes les opinions ; mais qui, au point de vue de la liberté, était un vrai libéral, un libéral qui voulait la liberté, l'égalité partout et pour tous ; je veux parler de M. de Potter.

En 1830, lors de la formation du gouvernement provisoire, M. de Potter était à Paris ; il professait alors des opinions républicaines ; pourquoi ? Parce que la France était monarchique ; il trouvait dans la différence de formes gouvernementales une garantie de plus pour le maintien de notre nationalité. Aussi, en 1848, c'est un fait que vous ignorez peut-être, en 1848, quand la France était républicaine, M. de Potter se prononça en faveur de la monarchie. (Interruption.)

II voulait avant tout l'indépendance de son pays. Je partage cette opinion. Je suis même tellement hostile à l'invasion des idées étrangères, que j'éprouve une impression désagréable lorsque j'entends indiquer, nos magistrats communaux sous le nom de magistrats municipaux. Cette qualification me rappelle de trop tristes souvenirs.

Quels sont, messieurs, les principes français en matière communale ? En France, on ne connaît pas de communes indépendantes de l'Etat. Le principe, en France, c'est qu'il existe un corps social, d'une part, et simplement des individus, d'autre part.

Et, pour le prouver (car on pourrait quelquefois en douter), je me permettrai de lire un extrait d'un rapport annexé au décret des 29 et 30 septembre-octobre 1791, sur les sociétés populaires. Voici ce qu'il porte :

« Il n'y a de pouvoirs que ceux constitués par la volonté du peuple exprimée par ses représentants ; il n'y a d'autorité que celle déléguée par lui ; il ne peut y avoir d'action que celle déléguée par lui ; il ne peut y avoir d'action que celle de ses mandataires revêtus de fonctions publiques.

« C'est pour conserver ce principe dans toute sa pureté, que, d'un bout de l'empire à l'autre, la Constitution a fait disparaître toutes les corporations, et qu'elle n'a plus reconnu que le corps social et des individus. »

Aussi, messieurs, en France, sont que les municipalités ?

(page 127) Mais ce sont tout bonnement des agents du pouvoir central ; ce sont des rouages administratifs.

Et qu'en résulte-t-il ?

C'est que les maires, en France, sont tout simplement les très humbles et très obéissants serviteurs de M. le ministre de l'intérieur. Voilà la vérité, quant à la France.

Maintenant, quels sont les principes belges en matière communale ?

Chez nous, la commune est complètement indépendante.

Notre principe est que, entre le corps social, d'une part, et les individus, d'autre part, il y a des intermédiaires indépendants, nos provinces et nos communes.

Aussi, le bourgmestre, en Belgique, n'est-il pas du tout le très humble et très obéissant serviteur de M. le ministre de l'intérieur.

Qu'est-ce que le bourgmestre en Belgique ?

C'est un fonctionnaire investi de deux espèces d'attributions : il est chargé du pouvoir exécutif de la commune ; en outre, il est chargé, comme agent du gouvernement, de l'exécution des lois, des arrêtés et des ordonnances de l'autorité supérieure ; comme pouvoir exécutif, de l'administration communale et comme agent d'exécution, des lois, des arrêtés et des ordonnances ; il ne peut pas même agir toujours seul ; il a souvent besoin du concours des échevins.

Mais, messieurs, autre chose est d'être chargé de l'exécution des lois, des arrêtés et des ordonnances de l'autorité supérieure, et autre chose est d'être chargé d'exécuter les volontés du cabinet et du ministre de l'intérieur.

Il y a là une différence qu'il est aisé de saisir. Le ministre de l'intérieur ou le cabinet peut commander à un bourgmestre de faire exécuter les lois, arrêtés ou ordonnances, il peut même le révoquer au besoin, s'il ne remplit pas son devoir.

Mais M. le ministre de l'intérieur n'a absolument rien à lui commander en dehors de ses attributions administratives. Par conséquent, le bourgmestre belge ne doit nullement, comme le maire français, obéir aux injonctions directes ou indirectes d'un cabinet quel qu'il soit, lorsque ces injonctions portent sur autre chose que l'exécution des lois, des arrêtés ou des ordonnances.

Il est des hommes d'Etat qui admettent (je l'ai entendu dire un jour) que le gouvernement doit avoir des agents répandus dans tout le pays pour faire pénétrer la pensée du gouvernement jusque dans les localités les plus petites, les plus reculées.

Quant à moi, messieurs, je proteste contre cette doctrine, parce qu'elle est anticonstitutionnelle : c'est le gouvernement qui doit recevoir l'impulsion du pays et non le pays du gouvernement.

Le Congrès n'a certes pas voulu que le gouvernement fût, tout à la fois le directeur des intelligences, des volontés et des actions des citoyens. C'est encore là une théorie française, que je renvoie à son pays d'origine.

L'honorable M. Lebeau, car c'est à lui particulièrement que je réponds, l'honorable M. Lebeau, bourgmestre et député de Charleroi, a invoqué, à l'appui de son système, ce qui, selon lui, se passe en Angleterre.

Ce qu'il a dit est vrai quant à l'administration supérieure. Mais il est dans l'erreur lorsqu'il parle des fonctionnaires des villes, des comtés, etc..

Voici ce que je lis dans l'ouvrage de M. Béchard, De l’administration inférieure de la France :

« Le vieux esprit anglo-saxon apparaît aussi dans la loi des villes libres d'Angleterre, publiée le 9 septembre 1835. On y retrouve le droit de cité, la libre élection des aldermen (les anciens de la commune) par les bourgeois, celle du shérif ou du coroner par le corps des aldermen. On y retrouve l'organisation libre et puissante des contés et des juges de paix, tout ce qui constitue, en un mot, l'ancienne autonomie communale. »

Où donc se trouve, dans cette organisation, l'intervention gouvernementale ? Où voit-on que les aldermen doivent avoir des opinions conformes à celles du ministère anglais ?

Je ne partage pas non plus l'opinion que le gouvernement doive toujours nommer les candidats proposés par les commissaires d'arrondissement et les gouverneurs.

En général, les gouverneurs et les commissaires d'arrondissement sont des hommes politiques qui, le plus souvent, font des propositions qu'ils savent convenir au chef sous lequel ils se trouvent.

Je pourrais entrer à cet égard dans des détails, je ne le ferai pas, mais au besoin, je n'hésiterai pas à dénoncer à cette tribune les actes des fonctionnaires supérieurs qui, par esprit de parti, compromettraient la bonne administration des communes.

En principe, le ministère doit, quand il s'agit de procéder à la nomination des bourgmestres et des échevins consulter avant tout la volonté du corps électoral. Ce principe résulte de l'article 108 de la constitution, n°1, qui porte :

« Les institutions provinciales et communales sont réglées par des lois.

« Ces lois consacrent l'application des principes suivants :

« 1° L'élection directe, sauf les exceptions que la loi peut établir à l'égard des chefs des administrations communales et des commissaires du gouvernement près des conseils provinciaux. »

Ainsi donc, d'après la volonté bien expresse du congrès, le gouvernement doit consulter non l'opinion politique des individus à nommer, mais la volonté du corps électoral.

Il est si vrai que l'élection directe doit être la règle, que l'article de la Constitution dit : « sauf les exceptions que la loi pourra établir. »

La volonté du congrès est donc que la volonté du corps électoral de la commune soit consultée. Le congrès n'a pas voulu qu'on examinât si l'opinion du candidat est conforme à celle du cabinet.

Aussi suis-je d'avis, que lorsque la majorité du conseil communal et libérale, le bourgmestre doit être libéral, et que lorsque la majorité du conseil communal est conservatrice, il est nécessaire que le bourgmestre soit conservateur.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est ce que vos amis n'ont pas toujours fait.

M. Van Overloop. - Vos amis encore moins, en supposant que les miens aient violé cette règle.

Je pourrais faire des citations pour le prouver, mais je ne veux pas le faire, je ne veux pas entrer dans des personnalités. Je sais que le prédécesseur du ministre actuel n'a pas toujours suivi ce principe. Et cependant quand on agit autrement, on jette le désordre dans l'administration et le trouble dans la commune.

Voilà ce qu'il faut prévoir, le premier devoir du gouvernement est de faire en sorte que l'administration soit bonne et qu'il n'y ait pas de trouble dans la commune.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - C'est la règle qui a été généralement suivie.

M. Van Overloop. - Je vous rends cette justice que vous avez du moins généralement suivi cette règle dans l'arrondissement qui m'a honoré du mandat de représentant.

Messieurs, je n'ai pris la parole que pour répondre au discours de l'honorable député de Charleroi ; si on poussait à ses dernières conséquences la doctrine qu'il a émise en 1857, on eût dû destituer M. Ch. de Brouckere, bourgmestre de Bruxelles, après le discours qu'il avait prononcé à l'hôtel de ville. Qu'eût dit, dans ce cas, l'honorable membre auquel je réponds ?

Que mon honorable collègue de Charleroi veuille bien faire attention à cette maxime : Il faut respecter la liberté même chez ses adversaires.

C'est un tort de ne vouloir de la liberté que pour soi et de ne pas la défendre lorsqu'elle est compromise chez les autres.

C'est ainsi que, en 1818, l'abbé de Foere fut condamné aux applaudissements d'une partie des écrivains ; on disait : « Cela ne nous touche pas ; » mais, en 1821, on comprit la solidarité, quand on vit confisquer la presse libérale aussi bien que la presse catholique.

Restons donc toujours fidèles aux véritables principes de la liberté ! N'oublions jamais que c'est du gouvernement central que viennent toujours les empiétements ! Ne perdons pas de vue que l'existence d'un parlement n'est pas toujours chose suffisante pour maintenir le gouvernement dans la ligne de ses devoirs. La révolution de 1830, comme celles de 1848 et de 1852, sont là pour le prouver.

Conservons des provinces et des communes autonomes, ce sont les contre-poids nécessaires aux empiétements du pouvoir.

Maintenons l'indépendance et la spontanéité de nos bourgmestres. C'est dans nos institutions communales que nous devons chercher notre point d'appui, la garantie du maintien de notre nationalité, de l'ordre et de la liberté.

M. de Decker. - J'éprouve une profonde répugnance à entrer dans le débat actuel. La Chambre voudra bien reconnaître que j'y suis forcé par les attaques personnelles qu'a jugé convenable de diriger contre moi, à la dernière séance, M. le ministre de l'intérieur, à propos de certains actes de mon administration.

M. le ministre m'a d'abord prêté une pensée que je n'ai pas émise ; il ne n'est pas arrivé de dire que, jamais dans le cours de mou administration, je ne m'étais écarté des présentations des autorités dans les nominations que j'avais eu à faire.

Je n'ai entendu faire cette déclaration qu'en ce qui concernait les (page 615) faits alors en discussion, c'est-à-dire les nominations faites dans les environs de Charleroi. Mais il m'est arrivé, ce qui arrive à tout ministre de l'intérieur qui a un grand nombre de nominations à faire, de ne pas adopter toujours aveuglément les propositions des autorités.

Dans presque tous les cas, je les ai respectées ; dans quelques cas j'ai cru devoir m'en écarter.

- Plusieurs voix. - Vous avez bien fait.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - J'ai dit que je ne blâmais pas cela.

M. de Decker. -La Chambre me permettra de présenter quelques observations et de rencontrer les quelques faits cités.

Messieurs, je n'ai pas même voulu aller à la recherche des dossiers administratifs qui concernent ces faits ; car je ne veux pas accorder une importance quelconque à des questions mesquines de cette nature qui n'ont aucune espèce de portée politique, et qui ne sont pas dignes du parlement.

- Plusieurs membres. - A qui la faute ?

M. de Decker. - Je ne blâme pas ce qui, dans les débats actuels, a pu avoir une portée vraiment politique ; mais ici, dans les faits qui m'ont été reprochés, je tiens à le prouver en quelques mots, ce sont des questions de personnes et nullement des questions de parti que j'ai eu à résoudre. Je les examinerai très rapidement en ne m'arrêtent aux noms propres que pour autant que je dois absolument le faire dans l'intérêt de ma défense.

D'abord la nomination du bourgmestre à Nederhasselt.

Il y avait à Nederhasselt une population profondément divisée, non par esprit de parti, mais par des luttes de famille ou d'influence. Car, au fin fond du pays d'Alost, on voudra bien reconnaître que ce ne sont pas nos grandes luttes de parti qui divisent les communes. Il y avait donc là un état très violent, très passionné.

Celui qui était bourgmestre s'était livré à des voies de fait telles envers quelques-uns de ses administrés, qu'il fut condamné en première instance et que la condamnation fut confirmée en appel. C'est après cette double condamnation, que je jugeai non seulement convenable, mais nécessaire de provoquer sa révocation.

Maintenant pour le remplacer, qui fallait-il nommer ? J'avoue sincèrement qu'il n'y avait pas de bons éléments pour le remplacer. M. le ministre de l'intérieur dit que le gouverneur m'avait proposé un homme convenable sous tous les rapports et que j'aurais pu nommer. J'en doute fort. Car alors je demanderai pourquoi, depuis lors, vous n'avez pas jeté les yeux sur cet homme pour le nommer.

Car remarquez que depuis ma sortie du ministère l'homme condamné que j'avais cru devoir révoquer, a été nommé de nouveau bourgmestre par M. Rogier.

Eh bien, je demande : Si à côté de cet homme, il y avait un candidat excellent pourquoi n'a-t-on pas nommé ce candidat excellent et pourquoi a-t-on renommé l'ancien condamné ?

Pour la commune d'Oultre, il était si peu question de parti que les deux candidats en présence appartenaient au parti conservateur. Il n'y a encore là qu'une question de personnes. J'avais consulté un honorable collègue, homme d'une loyauté parfaite.

Il m'avait dit que tous les deux étaient bons, que seulement l'un d'eux conviendrait mieux que l'autre comme position ; mais il n'y avait là aucune espèce d'esprit de parti.

A Hauthem-Saint-Liévin, venait de mourir l'ancien bourgmestre, notaire, receveur d'un certain nombre de propriétaires et qui, par les influences de la position, exerçait depuis longtemps, depuis plus d'un quart de siècle, dans cette commune, un véritable despotisme.

A sa mort, fallait-il nommer à sa place son fils ? Il était le candidat du gouverneur et du commissaire d'arrondissement, je l'avoue ; mais il était jeune et sans expérience administrative, bien que parfaitement honorable du reste, j'aime à le proclamer.

Des personnes impartiales me disaient que ce serait perpétuer la domination d'une famille généralement redoutée à cause de son influence Tout le monde m'assurait que, si l'on voulait la paix dans cette commune, il ne fallait pas nommer ce candidat.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Qui, tout le monde ?

M. de Decker. - Ce n'étaient pas des curés. Je vous dirai même qu'un seul ecclésiastique, et un ecclésiastique très haut placé, est intervenu dans cette question ; et chose singulière, il recommandait la nomination de M. Verbruggen fils.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Je parle de représentants et de sénateurs.

M. de Decker. - Je crois ne pas commettre d'indiscrétion en disant que l'homme dont j'ai le plus suivi les avis dans cette affaire, c'était l'honorable sénateur, comte d’Hane, homme remarquable par son esprit de paix et de modération, incapable de la moindre injustice, et qui connaissait parfaitement la localité, parce qu'il avait son château à quelques lieues de là.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Donc vous admettez l'intervention des représentants et des sénateurs dans ces nominations ?

M. de Decker. - Certainement, pour éclairer le gouvernement.

A Oordegem, j'ai nommé un échevin qui, d'après les expressions trouvées au dossier, était un homme « qui devait porter le désordre et la violence dans la commune. »

Ce candidat échevin appartenait à une famille des plus honorables que je connaissais, d'ancienne date, de réputation. Cet homme n'avait qu'un tort, c'était de n'être pas l'ami du bourgmestre. Il se présentait ce qui se présente dans beaucoup de communes où une famille est opposée presque traditionnellement à l'autre.

Le bourgmestre ne pouvait rien alléguer contre ce candidat ; seulement il ne lui convenait pas de l'avoir pour collègue dans le collège communal. Eh bien, connaissant l'honorabilité de ce candidat, sachant qu'il n'y avait en jeu que certaines susceptibilités personnelles qu'il fallait vaincre dans l'intérêt de l'administration, je l'ai nommé échevin et il n'a été cause d'aucun désordre ni d'aucune violence.

II y a plus. Voici ce qui est arrivé aux élections suivantes, le bourgmestre et ses adhérents ont succombé ; l'échevin et ses amis ont triomphé.

Messieurs, je le répète, dans tous les cas cités, j'ai eu à traiter, non des questions de parti, mais des questions de personnes, et tous ceux qui connaissent nos campagnes le diront malheureusement, ce sont ces questions de personnes et de familles qui divisent surtout nos communes rurales.

Reste le fait de la nomination d'un bourgmestre dans le Luxembourg. Je ne sais à quelle commune on a voulu faire allusion. Mais, dans tous les cas, il s'agit d'une affaire qui n'a aucun caractère de parti, car je n'en ai pas le moindre souvenir.

Maintenant que j'ai expliqué les faits, je demande la permission de dire pourquoi je n'ai pas tenu compte des présentations des autorités.

Messieurs, je devais subir les inconvénients de la politique que j'ai cru devoir suivre.

J'avais maintenu tous les fonctionnaires politiques. Je savais que l'immense majorité appartenait à une opinion autre que la mienne, et par conséquent, la prudence me commandait, dans certains cas de conflit, de prendre des précautions contre les entraînements, qu'à leur insu peut-être, ces fonctionnaires avaient pu subir par suite de leurs relations précédentes. Cela était fort naturel.

Certainement si l'on devait admettre la doctrine récemment professée dans cette enceinte, si chaque ministère qui prend le pouvoir, devait bouleverser l'administration à tous les degrés, remplacer tous les fonctionnaires, même ceux de l'ordre administratif, par des amis politiques, cette difficulté ne se présenterait pas. Mais je n'accepte pas une semblable théorie.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Le cas est le même aujourd'hui.

M. de Decker. - Les quatre faits cités par l'honorable ministre de l'intérieur appartiennent à l'arrondissement d'Alost. Eh bien, je crois ne pas désobliger l'honorable fonctionnaire qui est à la tête de cet arrondissement, en disant publiquement qu'il est un des hommes les plus militants en faveur de l'opinion libérale.

J'avais donc évidemment, moi, de mon côté, quelques motifs d'examiner à deux fois les propositions qui m'étaient soumises, et j'avoue franchement l'avoir fait. Mais cette nécessité n'existe pas, au même degré, pour ceux qui trouvent des amis politiques dans la plupart des gouverneurs et des commissaires d'arrondissement.

II est certain que les principes de modération que j'ai toujours professés entraînent des inconvénients. Ces inconvénients, j'ai dû les subir.

Mais, messieurs, dans quel esprit ai-je fait les nominations quand je ne pouvais pas me conformer aux présentations des autorités ?

Il y a ici des fonctionnaires qui ont conservé leurs fonctions pendant mon administration et ils peuvent dire que jamais je n'ai opposé à leurs présentations des candidats de parti.

Au contraire, lorsqu'il arrivait qu'un homme politique venait avec une candidature politique, toujours, je le dis sincèrement, je m'en suis quelque peu défié et j'ai cru que mon devoir de ministre était de résister (page 161) également aux présentations dues à l’entraînement de l'opinion libérale et aux présentations que je pouvais considérer comme des recommandations de l'opinion militante opposée.

Ma préoccupation constante était de trouver des candidatures d'un caractère modéré et conciliant.

J'agissais ainsi parce que je savais que, dans l'intérêt bien entendu de l'administration, le gouvernement doit s'efforcer de dominer l'action et l'influence des partis.

Je le répète, cette position que j'ai acceptée librement et par conviction a été parfois fort désagréable pour moi ; je n'ai satisfait aucun parti, mais j'ai consciencieusement rempli mon devoir. J'ai peut-être soulevé des hostilités, voire même des haines. (Interruption.)

M. de Brouckere. - Il n'y a pas de haine contre vous à gauche.

M. de Decker. - Messieurs, une dernière observation. Il y a une différence notable entre les faits que j'ai posés et ceux qui ont été reprochés à l'administration actuelle.

Ce qu'on reproche au gouvernement, ce sont des destitutions déguisées ; c'est la nomination de nouveaux bourgmestres là où les anciens auraient pu être convenablement maintenus, tandis que moi, je ne destituais personne, j'avais le champ libre, les places étaient vacantes.

Le gouvernement actuel a éliminé des fonctionnaires sans motifs et les a remplacés presque toujours par des hommes de parti.

Je pourrais citer un fait qui s'est passé dans mon arrondissement (et M. le ministre sait à quoi je veux faire allusion.)

Un homme honorable était depuis bon nombre d'années à la tête de l'administration d'une de nos villes. Il fût réélu aux dernières élections avec 17 ou 18 voix de moins que son compétiteur, qui a été nommé depuis. (Interruption.)

Ce bourgmestre n'avait jamais été homme de parti ; personne au monde n'est plus paisible que lui, toute la ville lui rend ce témoignage. M. le ministre de l'intérieur a parlé, l'année dernière, au Sénat, de l'impossibilité de conserver des fonctionnaires faisant une opposition systématique et outrageante au gouvernement ; mais l'homme auquel je fais allusion n'a jamais été, je le répète, un homme politique ; il n'a jamais posé aucun acte de parti.

Eh bien, il a été éliminé et remplacé, je l'avoue, par un homme dont les opinions sont en rapport avec celles de la majorité du conseil. (Interruption.) Vous dites : Ah ! ah ! Mais le même principe, si principe il y a, n'a pas été suivi ailleurs.

A Lokeren il y avait un bourgmestre conservateur ayant dans le conseil communal deux ou trois adversaires personnels, tandis que les autres lui étaient dévoués.

A diverses reprises, son maintien a été réclamé par la majorité des conseillers.

Si vous proclamez le principe qu'il faut, de toute nécessité, que le bourgmestre soit en communauté d'opinions politiques avec la majorité de son conseil, pourquoi ne l'a-t-on pas appliqué à Lokeren ?

M. de Rongé. - La majorité du conseil communal de Lokeren est libérale.

M. de Decker. - C'est une erreur ; la majorité du conseil appartient au parti conservateur.

Je me crois en droit de dire que, quand vous invoquez un principe, il faut l'appliquer partout, mais ne pas venir, à deux lieues de distance, poser des faits qui se contredisent complètement. (Interruption.)

Du reste, je n'adhère pas, pour ma part, à ce prétendu principe. Selon moi, quand un bourgmestre ne s'est pas compromis dans les luttes des partis, et quand il est administrateur probe, paisible et intelligent, il peut être très bien conservé, après sa réélection à la tête d'un conseil dont la majorité peut ne pas partager ses opinions politiques.

Dans les plus hautes positions administratives, il y a des hommes qui restent en fonctions sous un cabinet appartenant à une autre opinion que la leur, parce qu'au point de vue administratif ils remplissent complètement leurs devoirs. D'honorables membres qui siègent aujourd'hui au banc ministériel ont autrefois rempli des fonctions sous des ministères catholiques.

Messieurs, je termine en demandant pardon à la Chambre d'avoir été forcée d'entrer dans quelques détails personnels qui me répugnent profondément.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Je regrette également, messieurs, de devoir, dans l'intérêt de ma défense personnelle, prendre la parole dans ces débats, que je considère comme peu dignes de la Chambre.

Nous voici obligés en effet de discuter, nom par nom, les fonctionnaires nommés par le gouvernement, de faire comparaître devant nous un assez grand nombre d'accusés, de braves habitants de la campagne, étrangers, à ce qu'on vient de nous apprendre, à la politique, tout en nous reprochant de faire des choix politiques dans les campagnes.

Quand nous nommons un bourgmestre en dehors de la présentation du gouverneur, nous posons un acte violent, nous posons un acte politique ; ou nous reproche en pleine Chambre de ne pas suivre l'avis du gouverneur ou du commissaire d'arrondissement ; mais quand un ministre de la droite nomme en dehors de la présentation du gouverneur, il est parfaitement dans son droit et il obtient l'adhésion de ses amis.

Quand nous nommons un bourgmestre qui n'est pas présenté par le gouverneur, nous faisons de la politique ; mais quand l'honorable M. de Decker nomme en dehors des propositions des gouverneurs il ne fait pas de la politique !

Les libéraux seuls font de la politique dans les campagnes ; le parti de la droite, se disant le parti conservateur, ne fait jamais de politique nulle part.

Les gouverneurs libéraux consentent à servir le gouvernement sous un cabinet catholique, mais les gouverneurs catholiques se gardent bien de servir le gouvernement, quand l'administration est aux mains des libéraux !

Messieurs, je n'empêche pas la droite de se draper dans toutes ses grandes vertus ; mais ce que je me permets de lui recommander, c'est un peu d'indulgence, un peu de modération, un peu d'impartialité à l'égard de ses adversaires.

Je ne voudrais pas arracher l'honorable M. de Decker aux illusions dans lesquelles il semble se complaire sur son propre compte ; mais l'honorable membre se figure qu'il n'a pas fait de politique, quand il était au ministère de l'intérieur ; qu'il a toujours résisté à la pression de ses honorables amis, quand ils lui recommandaient des candidats, tandis que le ministère libéral cède à la pression qu'exercent sur lui les membres de la gauche ; l'honorable membre a donc seul résisté de la manière la plus héroïque ; jamais il n'a fait sous ce rapport la moindre concession à ses amis ; je ne pense pas que l'honorable M. de Theux ait jamais fait la même déclaration...

M. de Theux. - Je demande la parole.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Messieurs, je crois que tous les ministères, quand ils sont au pouvoir, observent certaines règles de conduite qui seront toujours les mêmes, quelle que soit l'opinion à laquelle ils appartiennent, si ces ministres entendent pratiquer le gouvernement représentatif comme il doit être pratiqué. De récrimination en récrimination, nous pourrions aller loin ; nous pourrions remonter très haut et descendre très bas ; mais je crois que chacun de nous conserve la conviction que les ministres, et avec raison, quand ils sont aux affaires, cherchent à propager, à défendre leur politique par leurs actes, comme par les hommes qu'ils emploient.

Voilà la vraie politique ; et voilà la règle de conduite que chacun suit, qu'on le nie ou qu'on ne le nie pas.

Maintenant je demanderai à l'honorable M. de Decker qui se fait illusion sur son propre compte s'il a toujours agi dans ses nominations avec la modération dont il parle, et sans préoccupation politique.

Je prends la commune de Lokeren, puisqu'on l'a nommée. Eh bien, que s'est-il passé dans-cette commune ? En 1855, onze membres du conseil communal de Lokeren demandent à l'honorable M. de Decker de vouloir bien faire nommer pour bourgmestre un conseiller que le conseil désigne. Que fait l'honorable M. de Decker, lui qui appartient à l'opinion qui voudrait conférer aux conseils communaux la nomination des bourgmestres ? Quel respect a-t-il pour le vœu de la grande majorité du conseil communal de Lokeren ?

Il se refuse à nommer ce candidat ; il en nomme un autre contre le gré du conseil communal, et quand le fait-il, lui qui ne fait pas de politique ? l'avant-veille du jour où doit avoir lieu une élection provinciale ? Qu'arrive-t-il ensuite ? C'est que le candidat du conseil communal repoussé par l'honorable M. de Decker, est nommé conseiller provincial par 232 voix sur 320 votants.

M. de Decker. - Pourquoi ne l'avez-vous pas nommé ?

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Vous qui me reprochez de faire des nominations contraires au vœu de la majorité, pourquoi n'avez-vous pas nommé ce candidat qui vous était présenté par le conseil communal ?

Et ce candidat, je le répète, deux jours après est nommé conseiller provincial à une grande majorité.

Voilà de quelle manière la commune a répondu au choix que vous avez fait.

(page 617) M. de Decker. - Il n'y avait pas de motifs de parti, et la preuve c'est que vous-même vous ne l'avez pas fait nommer bourgmestre.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - L'honorable M. de Decker veut déplacer la question.

Je dis que l'honorable membre qui me reproche de ne pas suivre dans certaines circonstances, l'opinion de la majorité du conseil communal, qui voudrait même remettre au conseil communal la nomination du bourgmestre, n'a pas voulu dans une commune importante, se soumettre au vœu qui était exprimé par la presque unanimité du conseil communal.

On dit qu'en 1861 je n'ai pas fait nommer le candidat de 1855 écarté par M. de Decker.

Il est vrai, je n'ai pas fait nommer en 1861 le candidat qui avait été désigné en 1855 par le conseil communal ; j'en ai fait nommer un autre ; j'ai agi ainsi par esprit de modération.

Cependant j'ai été l'objet des attaques les plus violentes, même les plus sanglantes, pour n'avoir pas maintenu dans ses fonctions l'ancien préféré de l'honorable M. de Decker.

On dit qu'il avait été réclamé par les conseillers communaux.

En effet, huit conseillers communaux ont demandé son maintien dans une pétition écrite en français.

Cela prouve que dans certaines communes flamandes, malgré les attaques dirigées contre la langue française, on sait y recourir au besoin. (Interruption.)

Ce sont des anecdotes, il est vrai, mais nous ne faisons que cela depuis plusieurs jours.

Vient maintenant une contre-pétition en faveur du concurrent de l'ancien bourgmestre.

Cette pièce compte les signatures de sept conseillers, mais elle est rédigée en flamand et je dois croire que cette fois les amis du concurrent de l'ancien bourgmestre savaient ce qu'ils signaient.

Or, quelques-uns de ces noms figuraient au bas de la pétition rédigée en français.

Je puis en conclure qu'ils n'ont pas compris ce qu'ils faisaient quand ils ont signé cette dernière.

M. Van Overloop. - N'y avait-il pas une troisième pétition rédigée en flamand ?

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - J’ajouterai que je ne connais ni l’un ni l’autre des personnages en présence, mais que les deux échevins avaient déclarés qu’il ne pourraient pas continuer d’exercer leurs fonctions si le bourgmestre est maintenu dans les siennes.

Si l'ancien concurrent du bourgmestre n'a pas été nommé, c'est parce qu'on a voulu faire acte de modération. On n'a pas voulu opposer candidat à candidat, concurrent à concurrent ; et infliger à un ancien bourgmestre le désagrément de voir son concurrent nommé à sa place.

Voilà, messieurs, ce qui a déterminé le choix du gouvernement.

Maintenant l'honorable M. de Decker, dont j'ai reconnu la modération, a dû, tout en se défendant d'avoir commis des méfaits du genre de ceux qu'on nous reproche, finir par en avouer 4 ou 5.

L'honorable M. de Decker a eu, sous le rapport des nominations communales, la vie bien facile.

Il n'a eu à en faire qu'accidentellement et malgré cela il s'est plusieurs fois trompé.

Il n'a pas eu, comme moi, à opérer deux fois le renouvellcment complet de l'administration des communes.

Relativement au nombre des nominations qu'il a faites, il a commis des erreurs dans une proportion beaucoup plus considérable que ceux à qui on a adressé des reproches si violents.

J'appellerai encore, en finissant, l'attention de la Chambre sur les inconvénients auxquels de pareilles discussions peuvent donner lieu.

M. Allard. - C'est vrai.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - En faisant figurer ici tous ces noms propres, l'on augmentera encore les difficultés que le gouvernement éprouve déjà aujourd'hui à trouver des magistrats communaux.

Rien n'est plus fréquent que de voir les hommes qui conviennent le mieux aux fonctions de bourgmestre, refuser d'accepter ces fonctions.

Que serait-ce s'ils avaient en perspective le désagrément de se voir discuter publiquement dans cette Chambre, devoir leurs titres contestés, leur personnalité mise en jeu ?

Vous répandriez ainsi de plus en plus cette espèce d'indifférence, de découragement qui peut devenir fatal à l'administration de nos communes.

Partout, messieurs, où il y a un homme estimable qui sait bien administrer, qui exerce ses fonctions avec intelligence, il est conservé.

Le gouvernement désire que la politique reste autant que possible étrangère à l'administration communale des campagnes.

Est-ce que nous ne comptons pas dans les rangs de l'opposition parmi les membres dont l'opinion est la plus absolue, plusieurs bourgmestres.

Je pourrais à première vue en citer 7 ou 8, MM. Rodenbach, Thibaut, le comte de Liedekerke, Vander Donckt, Kervyn de Volkaersbeke, Snoy sont bourgmestres et je ne pense pas que ces messieurs aient été menacés dans leur puissance municipale. Ce sont cependant des hommes politiques.

Au Sénat, messieurs, il y a également beaucoup de bourgmestres appartenant à la droite. Je demande si jamais il s'est agi de leur enlever ces fonctions ?

Quand on rencontra des hommes capables et modérés, on les nomme ; lorsqu'ils sont en fonctions, on les maintient. Je désire qu'il continue d'en être ainsi.

Je m'arrêterai là pour le moment : Je ne sais si l'honorable M. de Theux me forcera à reprendre la parole demain.

M. de Theux. - Je demande la parole.

- Plusieurs membres. - A demain.

- La séance est levée à 4 heures trois quarts.