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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 2 mai 1861

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1860-1861)

(page ) (Présidence de M. Vervoort.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Snoy, secrétaire, procède à l'appel nominal à une heure et un quart et donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

- La rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Moor, secrétaire, présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre.

« Le sieur François-Jean-Laurent Hegh, fabricant à Malines, né à Tilbourg (Pays-Bas), demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.


« Le sieur Pierre Gelhausen, gendarme à pied à Arlon, né à Differdange (grand-duché de Luxembourg), demande la naturalisation. »

- Même décision.


« Des habitants de Willebroeck et l'administration communale de Malines prient la Chambre d'autoriser la concession da chemin de fer de Malines à Terneuzen. »

« Même demande d'habitants du pays de Waes. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif à l'exécution de divers travaux publics.


« Le conseil communal de Waerendonck déclare se rallier à la pétition du conseil communal de Westerloo, en faveur d'un chemin de fer de Louvain à Herenthals, par Aerschot et Westerloo. »

« Même adhésion du conseil communal d'Eynthout. »

- Même décision.


« Les membres du conseil communal, de la fabrique de l'église, du bureau de bienfaisance et des habitants de Bolland demandent le rétablissement du traitement de 500 fr. en faveur d'un vicaire pour la chapelle de Noblehaye, dépendante de cette commune. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le budget de la justice.


« L'administration communale d'Aerschot demande que le concessionnaire du chemin de fer de Louvain à Herenthals soit tenu de suivre le tracé par Aerschot. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet relatif à l'exécution de divers travaux publics.


« Les sieurs Massez et Rose, anciens pharmaciens militaires, présentent des observations sur la répartition des grades dans le corps pharmaceutique de l'armée. »

- Renvoi à la commission des pétitions.

Composition des bureaux de section

Les bureaux des sections, pour le mois de mai 1861, ont été constitués ainsi qu'il suit :

Première section

Président : M. Muller

Vice-président : M. de Bronckart

Secrétaire : M. de Gottal

Rapporteur de pétitions : M. de Rongé


Deuxième section

Président : M. Julliot

Vice-président : M. Laubry

Secrétaire : M. Thibaut

Rapporteur de pétitions : M. Janssens


Troisième section

Président : M. Loos

Vice-président : M. J. Jouret

Secrétaire : M. Orban

Rapporteur de pétitions : M. Vander Donckt


Quatrième section

Président : M. le Bailly de Tilleghem

Vice-président : M. David

Secrétaire : M. Mouton

Rapporteur de pétitions : M. Thienpont


Cinquième section

Président : M. d’Hoffschmidt

Vice-président : M. Ansiau

Secrétaire : M. Van Iseghem

Rapporteur de pétitions : M. Van Humbeeck


Sixième section

Président : M. de Renesse

Vice-président : M. Magherman

Secrétaire : M. Tack

Rapporteur de pétitions : M. Verwilghen

Projets de loi approuvant le traité de commerce, le traité de navigation et une convention de garantie de la propriété littéraire et intellectuelle, conclus entre la Belgique et la France

Dépôt

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Vrière). - D'après les ordres du Roi, j'ai l'honneur de déposer :

1° Un traité de commerce conclu, le 1"" mai, entre la Belgique et la France ;

2° Un traité de navigation conclu le même jour ;

3° Une convention pour la garantie réciproque de la propriété des œuvres de littérature et d'art, des marques, des dessins ou modèles de fabrique.

M. le président. - Il est donné acte à M. le ministre des affaires étrangères de la présentation de ces projets de loi, qui seront imprimés et distribués.

Il importe, messieurs, que la Chambre se livre à un prompt examen de ces projets, le traité actuel expirant le 12 mai.

Plusieurs membres éprouvent une légitime impatience de rentrer dans leurs foyers. Il n'en est aucun, cependant, qui consente à ce que nous nous séparions avant d'avoir terminé l'examen et le vote relatif aux traités avec la France. D'un autre côté, la discussion des travaux d'utilité publique absorbera encore quelques séances.

Nous n'avons donc pas de temps à perdre. Les traités seront, m'a-t-on dit, imprimés et distribués ce soir. MM. les présidents des sections se proposent de convoquer les sections pour demain.

- Plusieurs membres. - Samedi !

- D'autres membres. - Non, demain !

M. le président. - Rien n'empêchera les sections de siéger samedi, si elles n'ont pas terminé leur travail demain.

M. H. Dumortier. - Il s'agit de questions trop graves, pour que nous puissions examiner de semblables conventions, sans avoir même eu le temps de les lire. Je demande que les sections ne soient appelées à s'occuper de cet examen que samedi ou lundi, si l'on veut siéger ce jour-là.

M. de Brouckere. - J'insiste, comme l'honorable M. Dumortier, pour que les sections ne se réunissent que samedi. Il est impossible que l'examen de trois traités comme ceux qui nous sont soumis soit sérieux, si l'on n'a pas eu le temps de les lire et de les étudier. Je demande formellement que la convocation n'ait lieu que samedi.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Nous appuyons également cette demande. Il est tout simple que l’on doit avoir le temps de lire et d'examiner les traités avant d'entrer en sections. La convocation pour demain serait sans fruit, puisque les sections ne pourraient se livrer à l'examen. Il est donc plus convenable qu'elles se réunissent seulement samedi.

Je demande aussi, M. le président, que les sections soient invitées à nommer une section centrale pour chacun des traités. Ce sera un moyen d'aller beaucoup plus vite.

M. le président. - Il sera tenu compte des observations qui viennent d’être faites. J'engagerai MM. les présidents des sections à ne convoquer les sections que pour samedi.

Je propose à la Chambre de siéger lundi prochain.

- Plusieurs membres. - Et à une heure tous les jours.

M. le président. - Ainsi nous siégerons tous les jours à une heure jusqu'à la fin de la session, sauf le dimanche.

Projet de loi relatif à l’exécution de certains travaux d’utilité publique

Discussion générale

M. le président. - A la fin de la séance d'hier, la Chambre a porté à l'ordre du jour la partie réservée du projet de loi de 1859, relatif à des travaux d'utilité publique ; voici quelle en est la conséquence.

L'ancien projet comprenait un crédit de 4 millions pour la construction d'un chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain par Cortenbeg, et un crédit de 600,000 francs pour la construction d'un port de refuge à Blankenberghe.

La section centrale, constituée en 1859, s'est prononcée contre ces deux crédits, et a proposé de les remplacer par les projets suivants :

Pour premier crédit d'un palais des beaux-arts, à Bruxelles, 1 »000,000

Canal de Turnhout à Anvers, 1,500,000

Chokier à la frontière de France, 1,000,000

Travaux vers Wandre, 1,300,000

La discussion porte maintenant et sur les crédits qui avaient été demandés par le gouvernement et sur les propositions que la section (page 1298) centrale y avait substitués. Les propositions sont confondues dans la discussion, mais si leur état n'est pas modifié il y aura lieu de voter séparément sur la partie réservée de l'ancien projet et à la formuler en un projet spécial de loi.

M. Ch. Lebeau. - Messieurs, j'ai parlé hier de deux grands travaux d'utilité publique qui ne sont pas compris dans le projet de loi :

De l'élargissement du canal de Charleroi à Bruxelles et ses embranchements

Et de la construction du chemin de fer de Marchienne à Baume.

Depuis plusieurs années il y a de la part du gouvernement promesse formelle de le faire exécuter. La compagnie concessionnaire ne s'exécutant pas, se trouvant en demeure de remplir ses engagements et ne le faisant pas, elle est, par le fait même de l'échéance du terme, aujourd'hui tout à fait déchue de tous ses droits.

Dans ces circonstances, messieurs, je crois que le gouvernement a pour devoir de concéder la ligne à une autre compagnie, en s'en réservant l'exploitation au lieu de l'exécuter et de l'exploiter lui-même. Voilà la position où se trouve le gouvernement, et j'espère qu'il prendra une décision dans un très bref délai.

L'utilité de la ligne n'est pas et ne peut pas être contestée. Les avantages qui doivent en résulter pour l'intérêt général et le trésor public ne peuvent pas être niés.

D'un autre côté, messieurs, cette ligne doit servir de prolongement à celle de Mons à Manage que le gouvernement a rachetée il y a quelques années.

Elle établira une communication plus directe.

Le gouvernement a posé un précédent, en rachetant la ligne de Mons à Manage ; il a compris l'utilité qu'il y avait de racheter les lignes qui se trouvent enchevêtrées dans son propre réseau.

Il vient de poser un deuxième précédent en autorisant la ligne de Braine-le-Comte à Gand. Il a traité pour cette ligne avec les entrepreneurs en se réservant l'exploitation de la ligne.

Le gouvernement pourrait donc traiter aussi avec un entrepreneur pour l'exécution de la ligne de Baume à Marchienne eu se chargeant de l'exploiter.

Mais, s'il s’agit de l'exécuter lui-même, le gouvernement prétend qu'il n'a pas de fonds à sa disposition pour tous les travaux qu'on lui réclame, puisqu'on lui réclame des travaux publics de tous les points du pays. « Je n'ai, dit-il, que 8 millions à ma disposition ; je reconnais qu'il y a d'autres travaux publics très importants ; qu'il faudrait aussi les exécuter ; mais parmi les travaux, j'ai dû faire un choix. »

Malheureusement, nous devons le dire, nous n'avons pas été favorisés. L'arrondissement de Charleroi et même toute la province de Hainaut sont privés des faveurs du gouvernement.

Je ne veux pas récriminer sur le choix qui a été fait par le gouvernement ; seulement j'aurais voulu que le gouvernement fût plus large, et qu'il exécutât beaucoup plus de travaux publics. A mon avis, il aurait bien fait de dresser un tableau d'ensemble des divers travaux publics utiles, nécessaires et surtout productifs pour le trésor, qu'il reste à exécuter dans le pays ; il aurait pu commencer par les travaux les plus urgents. S'il n'avait pas eu les moyens de les exécuter, il aurait pu recourir à un emprunt.

En 1859, on a fait un emprunt pour les travaux des fortifications d'Anvers, qui ne doivent rien rapporter au trésor.

Les travaux publics dont je parle seraient bien accueillis partout le pays ; ainsi que je le disais hier, ils ne feraient pas naître ces rivalités de province à province, de localité à localité.

Messieurs, on prétend que Charleroi a tort de se plaindre, qu'il est doté de canaux et de chemins de fer.

Cela est vrai. Nous avons en effet des canaux et des chemins de fer. Mais vous allez voir comment ils ont été exécutés. En fait de canaux nous avons la Sambre canalisée, et le canal de Charleroi.

La Sambre sort au transport de nos charbons vers la France ; le canal de Charleroi sert au transport de nos charbons dans l'intérieur du pays.

Eh bien, jusqu'ici la Sambre canalisée ne s'est pas trouvée dans de très bonnes conditions. C'est au point qu'en 1860 ou a dû voter une somme d'un million pour l'approfondissement, le tirant d'eau étant insuffisant pour pouvoir naviguer avec des bateaux de 220 à 250 tonneaux, comme cela a lieu sur les autres canaux.

Nous sommes encore, pour ces transports, dans des conditions d'infériorité avec nos concurrents.

Ainsi le gouvernement français a abaissé récemment les péages sur les canaux qu'il a rachetés, canaux qui se trouvent sur la ligne de Mons à Paris. Mais le gouvernement français n'ayant pas racheté les canaux qui se trouvent sur la ligne de Charleroi à Paris, les péages sur ces derniers canaux sont demeurés les mêmes.

Quant au canal de Charleroi, j'en ai déjà signalé les vices.

Maintenant croyez-vous que ces deux canaux ont été construits aux frais du trésor ? Non, messieurs, ils l'ont été par concession, et les péages étaient tellement élevés qu'ils ont enrichi les concessionnaires, qu'ensuite les concessionnaires ont revendu la concession au gouvernement qui, en maintenant les péages élevés, a fini par se rembourser deux fois et même trois fois du capital qu'il avait payé pour ce rachat.

Voilà la position qui vous a été faite pour les canaux.

Quant aux lignes de chemin de fer, une seule a été construite par l'Etat, c'est celle de Bruxelles à Namur par Charleroi, ligne qui laisse beaucoup à désirer, puisqu'elle nous fait faire un détour inutile de 22 kilomètres ; en effet, il n'y a que 50 kilomètres de Charleroi à Bruxelles et le parcours est de 72 kilomètres.

Quant à la ligne de Charleroi à Louvain, à la ligne de Charleroi à Erquelinnes et vers Paris, à la ligne de l'Entre-Sambre et Meuse, ces lignes ont été construites par voie de concession, de sorte que le trésor public n'a absolument rien donné pour ces voies de communication.

Qu'on ne dise donc pas que le trésor public a fait des sacrifices pour Charleroi. Ceux qu'il a faits, il en a été remboursé en principal et intérêts, et cependant on ne veut pas exécuter de nouveaux travaux qui seraient également productifs.

Messieurs, il est autre travail sur lequel je crois devoir attirer l'attention de M. le ministre dos travaux publics. Lors du vote de la loi de septembre 18S9 sur les travaux publics, et la construction du camp retranché, d'Anvers, il a été dit que, comme conséquence de l'exécution de ce grand travail de défense nationale, on démantèlerait certaines places fortes.

Au nombre des démolitions à faire se trouve celle du rempart de la ville basse de Charleroi. Ce travail est devenu de plus en plus nécessaire parce que le rempart entoure la station du chemin de fer. Or, l'honorable ministre le sait, l'étendue de la station n'est que le quart de ce qu'elle devrait être,

II n'existe presque pas de bâtiments et ceux qui existent sont en mauvais état. Par suite de l'exiguïté de la station, on doit faire des frais considérables en manœuvres qui sont tout à fait inutiles. Je suis persuadé que ces frais s'élèvent à plus de 150 fr. par jour.

La station de Charleroi n'a ni gare couverte pour abriter les voyageurs lors des changements de train, ni salle d'attente, ni magasins pour abriter les voyageurs et les marchandises, de sorte que tout est à faire dans cette station.

Je sais que l’honorable ministre nous répondra qu'il n'a pas de fonds à sa disposition. Toutefois dans le dernier projet de loi on a voté les sommes nécessaires pour la démolition du rempart de la ville basse de Charleroi, rempart qui entoure la station, mais je ne vois jusqu'ici aucun fonds porté soit dans le projet de loi actuel, soit dans le budget des travaux publics pour l'agrandissement delà station.

Je connais les vues du gouvernement. Il croit que les terrains de l'ancienne station et ceux à provenir de la démolition des fortifications étant vendus au profit de l'Etat, le produit suffira à l'exécution de tous les travaux projetés. C'est une erreur. D'ailleurs je crois que cette marche n'est ni rationnelle ni profitable au trésor et que le gouvernement devrait d'abord commencer par demander les crédits nécessaires pour l'exécution des travaux et, une fois les travaux exécutés, faire procéder à la vente des terrains devenus inutiles. Il les vendrait alors plus facilement et plus cher.

La section centrale s'est occupée d'un projet de chemin de fer non concédé et d'un autre dont la concession avait été accordée, sans cependant avoir été exécuté, je veux parier du chemin de fer de Tamines à Landen par Fleurus.

Ce chemin de fer a été concédé, il y a un certain nombre d'années déjà. Une partie du cautionnement a été versée, et cependant les concessionnaires n'ont pas mis la ma n à l'œuvre.,

Dans ces circonstances on a projeté d'exécuter au lieu et place du chemin de fer de Tamines à Landen par Fleurus un chemin de fer de Namur à Landen avec un embranchement de Tamines à Fleurus.

Jo crois qu'il n'est pas possible, dans la position où se trouve cette (page 1299) affaire, de prendre aucune espèce de mesure. On ne peut pas ainsi substituer une ligne à une autre, alors que celle-ci est concédée et qu'une partie du cautionnement est versée.

On le doit d'autant moins que, pour l'exécution de la ligne nouvelle que l'on projette, on vient demander au gouvernement d'accorder un minimum d'intérêt de 1 1/2 p. c. Ce qui vous prouve combien ces demandeurs en concession ont peu de confiance dans la ligne nouvelle qu'ils viennent proposer au gouvernement en remplacement de l'ancienne.

Je crois qu'en ce moment les concessionnaires de la ligne de Tamines à Landen par Fleurus font des efforts pour chercher à réunir une partie du capital nécessaire, et qu’il est bon d’attendre avant de prendre une résolution.

La section centrale s’est également occupée de plusieurs autres lignes, entre autres de celle de Malines à la frontière hollandaise par Terneuzen et de celle de Gand vers le même point. Je crois savoir que les demandeurs en concession se bornent à demander cette concession purement et simplement, c'est-à-dire sans aucun sacrifice pour le trésor.

Dans de telles conditions il me semble que le gouvernement ne devrait pas hésiter un seul instant à accorder cette concession, du moment qu'elle n'est pas de nature à nuire aux lignes de l'Etat ou à des lignes déjà concédées.

Pour mon compte, je désire voir multiplier le plus possible nos voies de communication. Le gouvernement français a pris, dans ces derniers temps, une mesure qu'il serait bon de suivre jusqu'à un certain point en Belgique : il a racheté les canaux qui avaient été concédés et il a abaissé, d'une manière considérable, les péages sur tous ces canaux. Il paraît même qu'il se proposé d'arriver, dans un temps donné, à la suppression des péages sur tous les canaux, comme il a réalisé déjà la suppression des péages sur les routes.

Je crois que c'est là un bon exemple à suivre et que la Belgique devrait s'efforcer d'arriver progressivement au même résultat ; car il est bien évident que, pour un pays industriel et de production comme la Belgique, il faut, de toute nécessité, que nous ayons des voies de communication nombreuses, faciles et à bon marché. C'est le meilleur moyen pour notre pays de soutenir la concurrence avec les pays étrangers.

M. de Theux. - Quoiqu'il s'agisse principalement de l'article 2 du projet, je crois cependant qu'il est nécessaire d'en dire quelques mots dans la discussion générale : parce que j'ai à signaler l'intérêt de quatre provinces qui s'y rattachent.

Le gouvernement, messieurs, nous propose de garantir, par une somme de 75,000 fr. les intérêts de la section de Tongres à Bilsen ; c'est 7 p. c. du capital. Cette ligne évidemment serait sans objet, elle serai à peine exploitable même si elle devait se borner là. Aussi, M. le ministre a-t-il soin d'annoncer qu'il réserve les 40,000 fr. votés par la loi de 1851, pour la ligne de Tongres à Ans, dernière station vers Liège, et qu'il espère en outre de raccorder la section de Tongres à Bilsen vers la Hollande. Ces voies, messieurs, sont très bonnes.

D'autre part, le gouvernement nous propose de raccorder Diest avec le chemin de fer. Je regrette que les bonnes intentions du gouvernement n'aient pas été connues plus tôt, et que M. le ministre des travaux publics n'ait pas examiné ces travaux à un point de vue plus général.

Il aurait pu satisfaire de plus en plus aux intérêts spéciaux de Tongres, en même temps qu'à ceux de Liège, de Hasselt et de Diest. Je crois qu'il eût suffi d'annoncer que le gouvernement était dans l'intention d'accorder 75,000 francs et 40,000 francs, c'est-à-dire, 115,000 fr. au concessionnaire d'une ligne d'Ans par Tongres à Hasselt et Diest, et que le concessionnaire se serait trouvé. Il y aurait eu à cela d'énormes avantages : les intérêts des diverses provinces seraient satisfaits et on aurait une ligne internationale par suite du projet qui nous est soumis. Car arrivé à Diest, Liège serait en communication avec le chemin de fer de Turnhout à Breda, et ainsi l'on toucherait à un point important de la Hollande. De plus, la ligne de Diest à Aerschot eût profité des affluents de la ligne de Liège à Diest, et il est évident que cette ligne eût été tellement fructueuse que la garantie de 115,000 francs n'eût été que nominale. Cette ligne doit se suffire à elle-même. Ce n'est que pour attirer la spéculation dans cet ordre d'idée que la garantie aurait dû être offerte.

Ceci, messieurs, aurait encore cet autre avantage qu'il est évidemment dans les intentions du gouvernement de prolonger la ligne de Diest au camp, et du camp à Eindhoven, qui est un point central des lignes hollandaises, alors la Belgique se trouvait réunie à la Hollande par Bréda, par Eindhoven et par Maestricht, on avait toutes les communications désirables. C'était un magnifique réseau, et que l'on obtenait sans majoration de dépense ; au contraire, avec une économie certaine dans la garantie à payer.

Je disais, messieurs, que le tronçon de Tongres à Bilsen, tant qu'il n'aura pas d'extension, est réellement inexploitable Aussi, le cahier des charges prévoit-il l'exploitation par chevaux et la possibilité de n'avoir qu'un convoi dans la direction de Tongres à Bilsen. Ce serait peut-être encore trop pour les besoins du commerce. Mais nous prévoyons, et cela ne peut être autrement, que le gouvernement complétera la ligne. Mais, en voulant la compléter, il pourra se trouver embarrassé, parce qu'il aura placé un intermédiaire dans cette ligne. Le concessionnaire de la ligne de Tongres à Bilsen peut devenir très exigeant et cependant le gouvernement peut avoir besoin de son concours pour faire une ligne d'ensemble.

Il y a, messieurs, un avantage immense à avoir une grande ligne appartenant à la même compagnie : c'est la bonne exploitation. C'est ce que l'expérience a prouvé ; sur ce point, nous avons une brochure extrêmement remarquable, publiée par un honorable collègue, M, Malou, il y a environ un an, dans laquelle il fait voir tous les avantages d'une grande ligne au point de vue financier et au point de vue de l'exploitation et le désavantage des petites lignes, des tronçons aux mêmes points de vue. Cela est devenu aujourd'hui une vérité incontestable. Aussi, fait-on partout des efforts pour réunir toutes les ligues éparses et en faire de grandes lignes.

Je sais, messieurs, que M. le ministre des travaux publies s'est engagé par convention à soutenir le projet qu'il vous a soumis. Je sais combien la ville de Tongres et ses honorables députés tiennent à saisir immédiatement l'occasion et à n'admettre aucun délai.

Sans cette circonstance j'aurais peut- être proposé cet amendement que, tout en acceptant la convention proposée par M. le ministre des travaux publics, il eût été accordé au gouvernement le délai d'un an pour appeler le public à soumissionner la grande ligne. C'eût été un petit retard, et à défaut de soumission, la ligne de Tongres à Bilsen eût été exécutée suivant la convention faite par M. le ministre.

Mais il y a encore une autre ressource sur laquelle j'appelle l'attention de M. le ministre des travaux publics. Le cahier des charges prévoit que le concessionnaire de la ligne de Tongres à Bilsen pourra constituer une société anonyme avec l'autorisation du gouvernement. J'engage M. le ministre à s'entendre, si c'est possible, avec le demandeur en concession pour constituer une société anonyme en vue du plan d'ensemble que je viens d'indiquer..

Ce serait évidemment le plus grand service qu'on pourrait rendre à la ville de Tongres en particulier, et aux villes de Liège, de Hasselt et de Diest. Elles auraient une communication avec la Campine anversoise et avec Bréda. Ce serait une très belle et très bonne exploitation.

Je n'en dirai pas davantage sur ce point en ce moment. Il me suffit d'avoir appelé, autant qu'il était en moi, l'attention du gouvernement et l'attention des honorables députés de Tongres sur des avantages qui, pour moi, sont évidents, au triple point de vue des intérêts commerciaux,a u point de vue des intérêts financiers, et surtout au point de vue de la bonne exploitation. Car rien ne serait plus malheureux que de voir diviser cette ligne.

Je sais que la ligne de Diest à Hasselt se fera inévitablement. Mais il importe d'avoir une grande ligne et de n'avoir pas besoin du concours d'une compagnie intermédiaire, comme cela existera tant que la ligne ne sera pas établie dans les conditions que j'ai dites. Il y aura là des embarras qu'on n'a pas prévus et qui peuvent être très considérables.

Un mot maintenant sur quelques points du projet d'ensemble.

L'honorable M. Lebeau se plaint beaucoup de ce que l'arrondissement de Charleroi soit oublié dans le projet de loi. Je lui ferai remarquer que la canalisation de la Meuse jusqu'à Namur, se reliant à la Sambre, constitue un avantage évident pour le Hainaut, avantage presque équivalent à ceux que reçoivent les provinces de Liège et de Namur. Il faut être juste, même dans ses plaintes.

L'honorable membre désire que le canal de Charleroi soit établi à grande section. Je le voudrais aussi, mais il y a deux points à observer. D'abord le petit batelage, qui est établi actuellement sur ce canal, serait complètement perdu. On a voulu sauver cette industrie en abaissant successivement les péages sur le canal de Charleroi. Je crois qu'il y a eu jusqu'à trois réductions successives. Si, au lieu de solliciter ces réductions, on avait, en dernier lieu, demandé ce qu'on réclame aujourd'hui, l'établissement du canal à grande section, on aurait pu peut-être, en conservant les péages au taux où il était avant la dernière réduction, payer une grande partie de la dépense et cela n'eût été que raisonnable, (page 1300) puisqu'on prétend que le fret doit être réduit de moitié. C'est un point que je soumets à l'attention du gouvernement et de la Chambre,

La ligne navigable de la Meuse est d'une immense importance. Tout le monde le reconnaît. Provisoirement, le gouvernement s'arrête à Namur. Je crois cependant qu'il y aurait moyen, si le gouvernement s'y prenait à temps, de parfaire cette ligne jusqu'à la frontière de France. Il suffirait pour cela de s'entendre avec le gouvernement français et avec le gouvernement des Pays-Bas pour être autorisé par ces deux gouvernements à établir un péage sur cette partie de la Meuse canalisée. Ces puissances y auraient évidemment le plus grand intérêt, car aujourd'hui la Meuse, de Namur à la frontière française, n'est réellement pas navigable ; ce serait une navigation nouvelle que l'on créerait.

Remarquez, messieurs, que l'on ne contreviendrait même pas à l'esprit du traité. C'est seulement à cause de la lettre du traité qu'il est nécessaire de s'entendre ; mais si l'on s'entendait, je crois que le gouvernement pourrait doter le pays d'une ligne de navigation admirable sans grever considérablement le trésor.

Je pense que la France et la Hollande se prêteraient avec empressement à une semblable combinaison.

Messieurs, je bornerai là mes observations. J'en aurais beaucoup d'autres à présenter, mais la Chambre est pressée, et je crois qu'il se présentera d'autres occasions, car ce n'est pas le dernier projet de travaux publics qui est soumis à la Chambre.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Après les nombreuses observations que la chambre a entendues, il est temps que j'intervienne dans le débat pour qu'il ne se perde pas dans trop de détails.

La discussion a été ouverte par l'honorable M. Landeloos, qui a entretenu la Chambre, en premier lieu, du tracé du chemin de fer de Louvain à Herenthals, en second lieu de la ligne directe de Bruxelles à Louvain. Je parlerai tout à l'heure de la ligne directe entre Bruxelles et Louvain. C'est le point auquel je donnerai le plus de développement.

Quant au tracé de la ligne de Louvain à Herenthals, voici, messieurs, comment les choses se présentent depuis le dépôt de l'amendement que vous connaissez.

Dans la concession accordée au sieur Riche, en 1858, si je ne me trompe, il était stipulé que le chemin de fer de Louvain à Herenthals passerait par Aerschot.

Lorsque j'ai eu à stipuler avec une autre compagnie, j'avais connaissance de ce détail et j'ai voulu reproduire la même clause ; mais la société de l'Est s'y est obstinément refusée et la conclusion du contrat a dépendu d'une concession du gouvernement sur ce point.

Dans cet état de choses, je n'ai pas hésité, dans l'intérêt de l'arrondissement de Louvain, dans l'intérêt des populations que la nouvelle ligne est appelée à desservir, je n'ai pas hésité, dis-je, à passer par l'exigence de la compagnie de l'Est. C'est donc de cette exigence que vient la clause qui a été l'objet des critiques de l'honorable M. Landeloos.

J'ai déclaré, messieurs, à diverses personnes qui sont venues réclamer, postérieurement au dépôt du projet de loi qui se discute devant la Chambre, que, quoiqu'il y eût un contrat signé, j'étais prêt, si les autres contractants y consentaient, à modifier la convention à cet égard.

Cette déclaration que j'ai faite à plusieurs reprises, je la réitère encore aujourd'hui, et il ne dépend pas du gouvernement que l'honorable M. Landeloos n'obtienne satisfaction.

Lorsque l'honorable membre a déposé avant-hier son amendement, je me suis adressé à M. Bischoffsheim et à la compagnie de l'Est ; voici d'abord la réponse que j'ai reçue de cette dernière :

« M. le ministre,

« En réponse à votre dépêche en date de ce jour, relative au tracé de la ligne de Louvain à Herenthals, nous avons l'honneur de vous informer que notre compagnie consent, pour ce qui la concerne, à ce que le tracé principal de cette ligne passe près d'Aerschot, et à l'ouest.

« Agréez, etc. »

De son côté, M. Bischoffsheim m'a écrit ce qui suit :

« En réponse à votre dépêche en date de ce jour, relative au chemin de fer de Louvain à Herenthals, permettez-moi d'avoir l'honneur de vous faire remarquer, M. le ministre, que les études que j'ai fait faire jusqu'ici ont naturellement porté exclusivement sur le tracé de la ligne, tel que le prévoyaient nos conventions, c'est-à-dire, avec embranchement vers Aerschot.

« N'étant donc pas à même d'apprécier en ce moment quel serait le sacrifice que m'imposerait la direction indiquée par l'amendement dont le texte est joint à votre dépêche, je ne puis y donner mon assentiment définitif.

« Je n'hésite cependant pas à déclarer que, sauf la question du coût et des difficultés d'exécution, je n'ai, en ce qui me concerne, aucun motif pour ne pas adopter le tracé par Aerschot.

« Veuillez agréer, etc. »

En présence de cette dernière communication, voici la position de l'affaire :

Je ne suis pas autorisé à accepter l'amendement, avec la certitude qu'il sera définitivement agréé par M. Bischoffsheim. Cependant, il paraît aujourd’hui certain que le tracé sera établi par Aerschot.

Je ne puis donc que prier l'honorable auteur de l'amendement de ne pas insister pour qu'il soit voté par la Chambre, et de s'en référer aux excellentes intentions qui ont toujours existé chez le gouvernement et aux intentions que viennent de manifester encore les autres parties contractantes.

Je crois qu'en fait vous aurez pleine et entière satisfaction ; et si j'insiste quelque peu pour que vous ne provoquiez pas un vote décisif sur cette question, c'est qu'il y a beaucoup d'autres points à traiter. Il ne suffit pas que le chemin de fer passe par Aerschot, il y a encore, sur le parcours de la ligun à construire, d'autres localités extrêmement importantes.

M. Rodenbach. - Heyst-op-den-Berg.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Entre autres, Heyst-op-den-Berg, comme le dit l'honorable M. Rodenbach.

Je le répète, messieurs, la meilleure décision à prendre, c'est de voter la convention telle qu'elle est soumise à la Chambre.

Si toutefois l'auteur de l'amendement insistait, je ne pourrais faire qu'une chose, ce serait de provoquer, de la part de M. Bischoffsheim, une réponse catégorique.

L'honorable M. Moreau a interpellé le gouvernement sur le chemin de fer de Liège à Aix-la-Chapelle et sur le chemin de fer de Spa et Stavelot vers le Grand-Duché.

II est vrai que jusqu'ici les demandes concernant le chemin de fer de Liège vers la frontière allemande par Herve n'ont pas été accueillies par le gouvernement, qui a dû se préoccuper de cette considération que toute concurrence faite au chemin de fer national était de nature à compromettre le principe de l'exploitation par l'Etat.

Aujourd'hui la situation n'est plus absolument la même, parce que l'exploitation de l'Etat donne des résultats très avantageux ; ainsi, l'année dernière le produit net a été de 5.84 p. c.

D'après le compte rendu des opérations de l'année 1860, le chemin de fer n'a pas produit moins de 6 1/2 p. c ; cette année, il produira au-delà de 7. Ce sont là des résultats très satisfaisants, qui permettent de faire, dans l'avenir, certaines concessions.

En ce qui concerne le chemin de fer de Spa par Stavelot vers le Grand-Duché, cette entreprise n'est, à l'heure qu'il est, qu'a l'état d'embryon. Le réseau du Grand-Duché de Luxembourg cherche à se relier au réseau belge.

Eh bien, il y a conflit pour les tracés ; et quant aux conditions, de part et d'autre on demande le concours de l'Etat dans d'assez larges proportions. Je ne pense pas que le principe même du concours puisse être accueilli.

Dans cette situation, il ne nous reste qu'à attendre, à étudier les tracés comparatifs, et à négocier quant aux conditions.

C'est là une affaire de temps, et je ne pourrais pas indiquer une solution.

L'honorable M. Van Humbeeck, rapporteur a parlé de l'allocation proposée pour la canalisation de la Meuse ; il regrette que cette allocation ne soit pas plus forte...

M. Dautrebande. - J'ai demandé seulement que de nouveaux fonds soient alloués l'année prochaine.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Vous parlez d'un nouveau crédit ; c'est, dans ce cas, une question d'avenir sur laquelle je ne puis pas m'expliquer catégoriquement aujourd'hui.

Je regrette, messieurs, de ne pas parvenir à m'entendre avec l'honorable M. J. Jouret, quant aux travaux à entreprendre pour l'amélioration de la Dendre.

Jusqu'ici, cependant, j'y ai fait des efforts très consciencieux. Je vais donc itérativement lui exposer la position, telle que je la comprends, et j'espère que cette fois il pourra me donner son adhésion.

L'honorable membre semble craindre que le crédit de 2,500,000 fr. votés pour la canalisation de la Dendre ne soit détourné de sa destination, qu'on l'emploie à autre chose ou qu'on ne l'emploie pas du tout. L'employer à autre chose, c'est constitutionnellement impossible ; ne pas l'employer du tout, c'est gouvernementalement impossible. Le crédit de 2,500,000 fr. sera donc employé aux travaux de la Dendre.

(page 1301) Mais pourquoi n'a-t-on pas encore commencé les travaux ? Parce qu'on n'est pas d'accord sur les plans, parce que les études ne sont pas terminées.

Je le répète, les études laites jusqu'ici conduisent, malgré l'allégation contraire de l'honorable membre, à des résultats qui ne seraient pas agréés par la législature et que je ne puis non plus agréer pour ma part, car il m'est impossible d'admettre qu'on consacre au-delà d'un certain nombre de millions en travaux d'amélioration de la Dendre.

Je ne veux pas revenir sur la question de savoir si le crédit de 2,500,000 fr. est ou n'est pas définitif ; j'ai déclaré dans une autre séance et je répète ici que si, à la suite d'études consciencieuses, il est prouvé que ce crédit est insuffisant, le gouvernement peut proposer une augmentation, et si cette augmentation n'est pas exagérée, je suis convaincu que la Chambre la votera.

Mais, messieurs, faut-il consacrer dix millions à un travail qu'on peut faire avec cinq millions, par exemple ?

Certainement on peut améliorer la Dendre de façon à mettre la main à l'œuvre ; mais à quel prix ? Encore une fois, moyennant un sacrifice auquel la Chambre ne consentirait peut-être pas, et qui serait hors de proportion avec les résultats bienfaisants que l'on se propose.

Voyons de quelle manière s'est présentée l'entreprise simultanée des travaux du canal de Blaton, dont l'honorable M. de Brouckere a parlé et des travaux de la canalisation de la Dendre.

Une proposition a été soumise au gouvernement pour l'exécution de ce double travail, En ce qui concerne la construction du canal de Blaton, le demandeur annonce des espérances, quant à la formation du capital ; et je suis, tous les jours, mis à même de constater que quand il s'agit de travaux publies, si les espérances de ce genre se réalisent quelquefois, le plus souvent elles ne se réalisent pas du tout.

Messieurs, j'ai dit, dans une autre occasion, que la somme de 2,500,000 francs demandée pour les travaux de la Dendre était la conséquence d'études faites par M. l'ingénieur en chef Wellens, actuellement ingénieur en chef du Brabant. Eh bien, voici en quoi consiste le plan des demandeurs en concession dont je parle.

Pour ce qui concerne les travaux d'amélioration à la Dendre, ils reprennent les travaux indiqués par M. Wellens, mais ils en suppriment une notable partie, et ils réclament, pour cette canalisation ainsi réduite, un million de plus que ce qui a été voté dans la loi de 1859 ; ils voudraient que le crédit de 2,500,000 francs fût porté à près de 3,500,000 francs ; en outre, et cela est naturel, ils sollicitent l'établissement de péages. Ainsi, ils réclament un million de plus pour des travaux beaucoup moindres que ceux qui sont indiqués dans le projet de M. Wellens.

Or, si je m'en rapporte à l'appréciation de l'honorable M. de Naeyer, ce projet était déjà très insuffisant.

M. de Naeyer. - C'est évident.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Messieurs, je vous laisse dès lors à penser quel est le travail soumis au département des travaux publics pour la canalisation de la Dendre concurremment avec la construction du canal de Blaton.

Les résultats que je viens d'indiquer sont renseignés dans un rapport de M. l'ingénieur en chef de la province du Hainaut ; ce rapport est maintenant soumis au comité des ponts et chaussées, et je n'aurais dû en communiquer la substance qu'après l'examen à faire par le comité.

Pourquoi en parlé-je aujourd'hui d'une manière prématurée ? Parce que l'honorable M. J. Jouret suppose que le gouvernement est animé d'un esprit de malveillance, en ce qui concerne la Dendre, et que nous ne demandons pas mieux que de ne pas employer les fr. 2,500,000.

M. J. Jouret. - Je n'ai pas parlé du gouvernement, mais bien des ingénieurs.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Je confonds le gouvernement avec les ingénieurs, je ne puis les séparer. S'ils ont commis des fautes, elles peuvent être imputées au gouvernement.

Voilà donc les résultats de la première instruction.

Que reste-t-il à faire ? C'est que le gouvernement achève ses propres études et lorsqu'elles seront terminées qu'il en expose les résultats à la Chambre ; si ces études comportent un chiffre plus élevé que celui qui a été voté, qu'il en demande le complément ou qu'il indique que ce complément sera pétitionné, et qu'en attendant il commence les travaux dès que les plans seront dressés, au moyen du crédit de 2,500,000 fr. dont il dispose.

N'est-ce pas la véritable position ? Avez-vous autre chose à conseiller ? Je ne pense pas qu'on puisse tirer un meilleur parti de la situation au point de vue même des intéressés.

M. J. Jouret. - Les ingénieurs ne concluaient pas ainsi.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - L'honorable M. Jouret m'a fait une double question. Puisqu'il insiste, je vais répondre de la manière la plus catégorique. L'honorable membre me demande en premier lieu :

« Si c'est le gouvernement qui, sans avoir égard pour ce qui a été décrété par la loi du 8 septembre 1859, et paraissant admettre que les travaux de canalisation de la Dendre puisent être abandonnés, a demandé un avis quelconque aux ingénieurs sur cette question ? »

J'ai déjà répondu, messieurs, à cette question.

La simple hypothèse du fait posé par l'honorable M. Jouret paraît peu bienveillante pour le gouvernement. Elle impliquerait de la part de celui-ci une singulière insouciance des intérêts représentés par l'honorable membre et une singulière insouciance de ses propres devoirs.

La seconde question est celle-ci :

« Si, en supposant que les ingénieurs de l'Etat aient pris, à cet égard, une initiative qu'on ne leur demandait pas, leur conduite qui prouve assez peu de respect pour les décisions de la législature, a été ou sera l'objet d'une désapprobation formelle ? »

Ici, je dois le dire à l'honorable membre, je ne le comprends pas, et s'il désire une réponse je le prie de mieux préciser sa question.

Je suis libre de provoquer des rapports et des avis sur des demandes en concession de la part de mes ingénieurs. Ils m'ont envoyé leurs rapports et ils ont émis leurs avis.

Si personnellement tel ou tel pense que la canalisation de la Dendre n'est pas utile, que les sacrifices à faire ne sont pas en rapport avec les avantages qu'on doit en attendre, je ne puis pas l'empêcher de l'exprimer. Je n'ai pas d'action sur le for intérieur de mes ingénieurs et je leur reconnais le droit d'avoir à cet égard tel avis et telle opinion personnelle qu'il leur convient.

Seulement s'ils exprimaient leur opinion d'une manière désobligeante pour le gouvernement ou pour la législature, j'interviendrais ; mais ce ne serait pas à raison de la manifestation de leur sentiment, ce serait à raison du peu de convenance qu'ils mettraient dans l’expression de leur pensée.

Ceci dit, j'arrive à une question d'une grande importance, c'est l'exclusion par le gouvernement du projet de loi actuel de la ligne de Bruxelles à Louvain.

A la suite de l'honorable M. Landeloos, l'honorable M. Hymans (et ces deux honorables membres sont l'un et l'autre parfaitement, placés pour défendre ces intérêts), l'honorable M. Hymans, dis-je, a fait la critique de la conduite tenue par le gouvernement dans cette affaire. II a beaucoup parlé des promesses faites successivement par le gouvernement aux arrondissements de Bruxelles et de Louvain et de l'inexécution de ces promesses.

En ce qui me concerne, je dirai très loyalement et très franchement à la Chambre quelle est ma position dans cette affaire, et il ne me sera pas difficile de prouver que si le chemin de fer de Bruxelles à Louvain ne figure pas au projet de loi actuel, il n'y a de ce chef aucun manquement de parole de la part du gouvernement.

Je suis partisan, je le déclare sans hésitation et sans réticence, de la ligne directe de Bruxelles à Louvain.

Tout ce que je crois, et je l'ai déclaré à la section centrale, c'est qu'il y a des travaux plus urgents et qu'on peut, après la décision prise par la section centrale en 1859, présenter aujourd'hui à la Chambre de préférence des travaux plus importants.

En 1859, messieurs, lorsque l'affaire de la ligne directe est venue à la Chambre, le gouvernement en a réclamé l'ajournement, à la suite, si je ne me trompe, d'une proposition faite par l'honorable comte de Theux.

L'interprétation que comportait cet ajournement était de prévenir toute discussion qui eût eu lieu à cette époque, c'était d'utiliser le temps qui s'écoulerait entre la discussion de 1859 et la présentation d'un nouveau projet de loi pour examiner de quel côté devait pencher la balance, soit du côté de la ligne directe, soit du côté des travaux publics nouveaux mis en avant par la section centrale.

Par conséquent, messieurs, si le gouvernement vient dire aujourd'hui que dans sa conviction, comme dans celle de la section centrale qui avait pris l'initiative, il faut donner la préférence aux travaux repris au projet actuel, encore une fois le gouvernement n'est pas en contradiction avec lui-même. Il ne s'écarte point de la ligne qui s'est trouvée tracée en 1859.

En 1860, à l'occasion de la discussion de mon budget, l'honorable (page 1302) M. Landeloos a fait une interpellation au gouvernement en ce qui concerne la ligne directe de Bruxelles à Louvain.

Il ne s'agissait pas encore du projet de loi qui est aujourd'hui soumis à la Chambre ; ce projet n'était même pas en préparation.

Voici ce que j'ai déclaré, et certainement cette déclaration je ne l'ai pas faite, il y a un an, pour les besoins de la cause d'aujourd'hui. J'ai déclaré que « le gouvernement avait réclamé lui-même l'ajournement de la discussion de la ligne directe, c'est que de deux choses l'une : ou bien il maintenait sa proposition à cet égard, et dans ce cas il devait désirer le concours des députés de Louvain, ou bien il ne la maintenait pas et dans ce cas il était juste, il était équitable, il était légitime que les députés de Louvain fussent présents, et vous savez qu'à cette époque il n'y en avait pas dans cette Chambre pour se poser vis-à-vis du gouvernement comme ses contradicteurs.

Ainsi l'hypothèse de l'exclusion de la ligne directe a toujours été mise en avant par le gouvernement lui-même.

Voici comment un des partisans de la ligne directe, je le suppose du moins, l'honorable M. Guillery résumait la discussion qui a eu lieu en 1859 à cet égard ; dans la séance du 27 août 1859, cet honorable député de Bruxelles s'est exprimé dans ces termes :

« Le gouvernement ne s'oblige pas à reproduire le projet de loi tel qu'il est aujourd'hui... Le gouvernement nous dit : « Le paragraphe 15 restera à l'ordre du jour. » (Ce paragraphe était relatif, à la ligne directe de Bruxelles à Louvain.) C'est vrai ; je le savais indépendamment de cette déclaration ; mais le gouvernement reprenant ce paragraphe, ainsi que les propositions nouvelles maintenues dans l'ordre du jour, avisera, et de ces travaux il nous présentera ceux qui lui paraîtront les plus utiles ; voilà ce qui se passera dans la session prochaine, »

Et, en effet, messieurs, les prévisions de l'honorable M. Guillery, prévisions tirées de la discussion à laquelle il assistait et à laquelle il a pris part, se réalisent par ce qui se passe aujourd'hui.

J'avais donc raison de dire qu'en 1859 le gouvernement n'a pris aucune résolution en ce qui concerne la ligne directe. Le gouvernement s'est réservé le droit de réfléchir, d'aviser, comme le disait l'honorable M. Guillery, il s'est réservé le droit de présenter soit la ligne directe, soit les autres travaux publics proposés par la section centrale, cela est parfaitement entendu ; ce qui a été non moins entendu, c'est qu'il était impossible de cumuler la ligne directe de Bruxelles à Louvain avec divers autres travaux d'utilité publique. Lorsque la section centrale a pensé à d'autres travaux elle les a substitués à certains travaux qu'elle rayait du projet de 1859. La section centrale n'a pas dit : Maintenons le projet du gouvernement et ajoutons-y tels et tels travaux. Elle a dit : Puisque tels et tels travaux sont non seulement utiles mais encore préférables à d'autres, compris au projet, il faut supprimer ceux-ci et y substituer les autres. D'instinct comme par raisonnement, la section centrale a cru qu'on ne pouvait pas maintenir le projet primitif du gouvernement et y ajouter une série d'autres travaux comportant un sacrifice de plusieurs millions.

La situation a-t-elle changé sous ce rapport ? Ce que la section centrale comprenait si bien en 1859, ce qui résultait pour elle de la situation financière de l'époque, cela a-t-il changé ? Au point de vue financier, peut-on se permettre aujourd'hui des sacrifices qui alors, étaient considérés comme inutiles ? Mais, messieurs, c'est le contraire seulement qui est vrai et si un changement s'est opéré dans la situation, ce changement ne peut qu'imposer une circonspection plus grande au gouvernement, à la Chambre, par conséquent et à tous ceux qui s'intéressent à la sécurité des affaires publiques.

Je n'ai pas l'honneur d'être ministre dis finances et je n'entends pas entrer dans l'examen de notre situation financière en général. Je n'empiéterai pas, pour beaucoup de motifs, sur les attributions de mon excellent collègue, M. Frère-Orban.

Je puis cependant et je dois examiner, en deux mots, notre situation financière au point de vue de mon département, en rappelant seulement deux faits publics, éclatants qui se sont passés depuis 1859 et qui sont certainement de nature à intéresser vivement notre situation financière.

Je veux parler de la loi portant abolition des octrois, qui a imposé un sacrifice assez lourd au trésor public, et de la loi relative à la transformation de notre artillerie, que vous avez récemment votée.

Cela dit, on ce qui concerne mon département, voici la situation et voici en quoi, ainsi que je l'ai répondu à la section centrale, cette situation est aujourd'hui plus lourde qu'en 1859, d'où j'ai conclu encore une fois que nous sommes obligés aujourd'hui même à plus de circonspection qu'à cette époque.

Que faisait la section centrale en 1859 ? Elle proposait de rayer du projet la ligne directe de Bruxelles à Louvain, ligne qui figurait au projet de 1859 pour 6,700,000 fr., elle proposait enfin de rayer également le canal de Gand à Bruges.

La première proposition a été adoptée ; il n'en a pas été de même de la seconde ; mais la Chambre a, de son côté, rayé du projet le port de refuge de Blankenberghe qui y figurait pour un million. Il restait donc disponible une somme de 7,700,000 francs.

Eh bien, que faisons-nous aujourd'hui ?

Est-ce que nous venons vous proposer d'autres travaux à concurrence de cette somme de 7,700,000 francs ? Nous venons, messieurs, nous proposer immédiatement des travaux pour 8,345,000 francs.

Par conséquent, il y a, comparativement aux réductions opérées en 1859, une augmentation de 615,000 fr. Mais veuillez remarquer que pour deux des objets compris au projet de loi actuel, on ne demande maintenant qu'une partie des crédits nécessaires et qu'aussi longtemps que tous les crédits n'auront pas été votés et dépensés, les travaux resteront complétement stériles. Ainsi, pour le port de Nieuport, pour la construction d'une seconde estacade, estimée à 508,000 fr. on ne demande dès maintenant que 200,000 fr. Eh bien, jusqu'à ce que vous ayez voté et jusqu'à ce qu'on ait dépensé les 308 autres mille francs, la première dépense faite restera tout à fait stérile.

En réalité, c'est donc 508,000 fr. et non pas seulement 200,000 fr. qu'il faut faire entrer en ligne de compte, de ce chef ; car si vous votez le premier crédit que nous vous demandons, vous aurez à le compléter prochainement par l'allocation d'un complément de crédit de 300 et des mille francs.

Pour des travaux destinés à relier une série d'usines situées sur la rive droite de la Meuse, on demande 1,400,000 fr. ; mais on nous indique que pour que ce travail soit complet, il faudra établir un petit canal de jonction entre le bief qu'on se propose de créer dans la Meuse et le canal latéral à la Meuse ; et aussi longtemps que ce canal, qui doit coûter 300,000 fr., ne sera pas construit, les 1,400,000 fr. que vous affecterez au travail dont je viens de parler auront, à la vérité, une utilité immédiate, mais n'atteindront pas complètement le but proposé.

Ainsi, en supposant que la législature vote ce crédit de 1,400,000 fr., elle sera amenée ultérieurement à voter encore un autre crédit de 300,000 francs, qui en est le complément nécessaire. En résumé donc la différence entre la somme de 7,700,000 fr. qui a été retranchée du projet de 1859 et les crédits que nous proposons aujourd'hui est de 1,253,000 fr.

Pour l'avenir, est-il vrai de dire, comme je l'ai répondu à la section centrale, que le projet actuel grève notablement plus la situation financière que le projet de 1859 ?

Jugez-en, messieurs, par ce que je vais avoir l'honneur de dire :

Quels sont les faits qui résultent des propositions que nous discutons ? Les faits nouveaux qui se sont produits, je viens de les rappeler : c'est, en ce qui concerne la Dendre notamment, c'est la certitude acquise aujourd'hui que le crédit de 2,500,000 francs sera insuffisant. Et que résulte-t-il de la loi actuelle ?

Vous pouvez, si vous voulez, ajourner plus ou moins la dépense, mais en adoptant le projet de loi qui vous est soumis, vous votez en réalité le principe de la canalisation de la Meuse jusqu'à Chokier ; c'est-à-dire, dans l'avenir, un crédit de 5,400,000 francs d'après les estimations que vous connaissez ; vous votez également, en principe,, une autre dépense de 4,500,000 fr. pour le canal de Saint-Job ; c'est-à-dire, indépendamment de la canalisation de la Dendre, une dépense totale de 9,900,000 francs, chiffres ronds 10 millions.

N'avais-je donc pas raison de dire, messieurs, que le projet actuel grève infiniment plus que celui de 1859 notre situation financière dans l'avenir ? N'avais-je pas raison d'ajouter que si déjà en 1859 le gouvernement s'est cru obligé à beaucoup de circonspection, cette circonspection est infiniment plus nécessaire encore aujourd'hui, et qu'il nous importe de ne point nous départir de la prudence que le gouvernement et la section centrale se sont imposée en 1859 ?

Cela dit, messieurs, il convient d'examiner maintenant, aussi brièvement que possible, quelle peut être l'importance intrinsèque de la ligne directe de Bruxelles à Louvain. Puisqu'on parle de préférence entre divers travaux, voyons quel est, non pas en imagination, d'une manière chimérique, mais en réalité, l'avantage qu'on peut attendre de cette ligne.

(page 1303) On peut, messieurs, envisager cette ligne à divers points de vue.

M. Hymans. - Pourquoi l'avez-vous proposée deux fois ?

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Je l'ai proposée parce que, en tout état de cause, et malgré le revers de la médaille que je viens de vous montrer, cela reste une bonne chose ; mais entre proclamer qu'une chose est bonne et la préférer à toute autre, il y a une très grande différence. Une chose peut être bonne en soi, mais l'être moins cependant qu'une autre.

Voilà comment il se fait que je ne propose plus actuellement la ligne directe de Bruxelles à Louvain, tout en reconnaissant qu'elle peut offrir certains avantages.

Je disais donc, messieurs, qu'il importe d'examiner cette affaire en elle-même.

Le raccourcissement de la distance entre Bruxelles et Louvain produirait, quant aux voyageurs et aux marchandises, un double effet : économie de temps, économie d'argent. Quelle est l'économie de temps, quelle est l'économie d'argent ? Encore une fois, je ne parle maintenant qu'au point de vue des voyageurs et des marchandises ; je me placerai tout à l'heure au point de vue du trésor public.

La distance actuelle entre Bruxelles et Louvain est de 44 kilomètres ni plus ni moins. La distance nouvelle d'après les études faites par l'administration et d'après les études que je suppose avoir été faites par les demandeurs en concession, la distance nouvelle, en empruntant près de Bruxelles et près de Louvain, ce qui est inévitable, une petite section de la ligne, serait de 29 kilomètres. Ainsi, nous avons la différence entre 29 kilomètres et 44 kilomètres, c'est-à-dire un raccourcissement de 15 kilomètres.

M. Hymans. - C'est très joli.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Certainement, c'est très joli. C'est pour cela que je suis partisan de la ligne directe.

M. Hymans. - Mais vous ne la faites pas.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Il y a donc une différence de 15 kilomètres. Payera-t-on 15 kilomètres en moins ? Non : aujourd'hui, pour les voyageurs et pour les marchandises, le prix de Bruxelles à Louvain n'est pas établi sur 44 kilomètres, mais sur 35 kilomètres. On fait une faveur aux voyageurs qui circulent entre Bruxelles et Louvain, et naturellement entre Bruxelles et les localités sises au-delà de Louvain.

Il y aura donc, quant au prix, non pas un avantage de 15 kilomètres, mais un avantage de 6 kilomètres.

En express on paye 10 centimes par kilomètres ; il y aura donc, pour les voyageurs de luxe, un avantage de 60 centimes.

En première ordinaire, on paye 8 centimes, soit un avantage de 48 centimes.

En seconde on paye 6 centimes, soit un avantage de 36 centimes.

En troisième, on paye 4 centimes, soit un avantage de 24 centimes.

Voilà, quant au prix, la vérité. Ce n'est pas contestable ; ce sont des chiffres ; on ne peut pas les discuter ; cela est.

Quant au temps, la vitesse normale d'un convoi est d'un kilomètre par minute et quart. Si on le voulait, on pourrait faire un kilomètre en une minute. Par mesure de prudence et par respect pour la vie des voyageurs, on prend une minute et quart. Ce sera juste, ni plus ni moins, une économie de temps de 20 minutes.

M. Landeloos. - Et le temps d'arrêt à Malines ?

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Oui, cela fait cinq minutes.

Mais n'y aura-t-il pas de temps d'arrêt sur la ligne directe ? L'honorable M. Hymans ne vous a-t-il pas cité toutes les belles villes qui se trouvant sur ce parcours ? (Interruption.)

N'exagérons ni dans un sens ni dans l'autre. Je veux bien admettre, vous voyez que je traite la question de la manière la plus loyale, que pour les exprès vous n'aurez pas l'arrêt de Malines, que vous économiserez de ce chef quelques minutes.

Voilà donc quant au temps et quant au prix.

On a parlé des relations entre l'Angleterre et l'Allemagne. On a dit : Voyez ces belles relations internationales. Quelque courte que soit l'économie de temps, c'est beaucoup.

Mais les honorables membres se trompent, ils croient que si cette ligne était établie, on viendrait par Bruxelles pour aller d’Angleterre en Allemagne. On ne viendrait pas par Bruxelles, on continuerait à aller par Malines.

M. Hymans. - Si l'on ne raccorde pas les deux stations d Bruxelles.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Le raccordement des stations est ici parfaitement indifférent, à moins que vous ne supposiez qu'en même temps on opère le raccourcissement entre Tournai et Lille entre Bruxelles et Ath. Mais voyez dans ce cas où vous allez, voyez quel chiffre de millions il faudrait dépenser.

Et encore dans cette hypothèse, vous n'auriez pas les relations entre l'Angleterre et l'Allemagne par Ostende. Il y aura toujours, pour les voyageurs par Ostende, un trajet plus court en passant par Malines.

Vous voyez donc qu'il n'y a pas mal à diminuer des avantages de ce projet.

Mais examinons l'affaire au point de vue du trésor.

Au point de vue du trésor, vous aurez, j'espère, à servir l'intérêt du capital qui sera employé, car je ne suppose pas que vous commettrez l'énorme faute de donner l'affaire en concession. Or, si le gouvernement fait lui-même la dépense, à quel chiffre celle-ci est-elle estimée ? à 7 millions au minimum.

Certes, je n'oserais pas garantir devant la Chambre que la dépense ne sera pas de beaucoup supérieure à ce chiffre. Mais je prends le chiffre de 7 millions.

Eh bien, vous commencerez, en supposant que vous fassiez un emprunt dans des conditions magnifiques, par payer annuellement, pour intérêt et amortissement, une somme de 350,000 fr.

Voilà une première dépense, il y en a une autre.

Vous établirez entre Bruxelles et Louvain un double service. Car, veuillez-le remarquer, la ligne directe entre Bruxelles et Louvain serait construite demain, que vous n'auriez pas un convoi de moins de Bruxelles sur Malines ou de Malines sur Louvain.

Pourquoi ? Parce que l'organisation actuelle doit être maintenue en vue des relations de Bruxelles avec Anvers, d'Auvers avec l'Allemagne, des Flandres, de la France et des voyageurs arrivant d'Angleterre pour l'Allemagne.

Que payerez-vous de ce chef ? Il est impossible de le dire. J'ai cependant établi certains calculs approximatifs, extrêmement modérés, beaucoup trop modérés, non pas pour les besoins de la cause que je plaide, mais pour ma propre édification, c'est-à-dire d'une manière à coup sûr impartiale. Eh bien, encore une fois je n'oserais entreprendre ce service (en tenant compte des dépenses qui ne se reproduiraient pas, parce que nous avons déjà une administration générale, etc.) pour 300,000 fr. par an.

Le gouvernement payerait donc, du chef de l'établissement de la ligne directe de Bruxelles à Louvain, 6 à 7 cent mille fr. au minimum par année. Voilà la perte pour le gouvernement.

M. Landeloos. - Il y aura plus de recettes.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Je l'admets. J'admets que ce raccourcissement quant au temps, et que cette légère faveur quant au prix, amèneront une certaine augmentation de voyageurs. Mais cette augmentation sera-t-elle proportionnelle à un pareil sacrifice ?

Savez-vous ce qu'il y a de voyageurs entre Bruxelles et Louvain ? Je dois dire que les relations entre ces deux villes sont extrêmement nombreuses. Il n'y a peut-être pas deux villes dans le pays entre lesquelles les relations soient proportionnellement aussi multipliées. Eh bien, il y a eu en 1860, entre Bruxelles et Louvain, j'en ai fait le relevé à un voyageur près, un mouvement de 113,000 voyageurs, qui ont payé, du chef du détour, une surtaxe de 55,000 francs.

On me dit : Pourquoi ne concédez-vous pas ? Des demandes sont faites. Je comprends que vous n'ayez pas 7 millions dans votre caisse à affecter à cet objet ; mais concédez, voici M. Missalle qui fait des conditions magnifiques. Ce sont les dernières et je n'aurais pas cru devoir en entretenir la Chambre, parce que je ne les considère pas comme sérieuses, c'est-à-dire comme acceptables pour le gouvernement. Aussi me serais-je abstenu d'en parler si l'honorable M. Hymans n'avait pas été le premier à soulever ce point.

Eh bien, messieurs, voyons les conditions que l'on propose, et je demanderai à la Chambre, je demanderai spécialement à l'honorable M. Hymans s'il voudrait apposer sa signature au bas d'un contrat qui compromettrait à ce point les intérêts du trésor. Voici, sans parler des points accessoires, la combinaison financière que l'on nous soumet.

Le demandeur en concession construirait le chemin de fer à ses frais ; il en abandonnerait l'exploitation à l'Etat ; sa concession n'aurait qu'une durée de 60 ans ; la recette brute afférente à la ligne serait partagée par (page 1304) moitié, sauf que le concessionnaire aurait la droit de prélever une somme annuelle de 90,000 fr. chaque fois que le revenu dépasserais 33,000 francs pai kilomètre de route.

Ce prélèvement aurait lieu pour indemniser le concessionnaire de 1 réduction do. la durée de la concession à 60 ans.

Voyons, messieurs, où cela nous conduit.

J'ai dit que la longueur de la ligne raccourcie serait de 29 kilomètres. Si j'avais pu prévoir la discussion de ce point spécial j'aurais pris des renseignements exacts sur les produits de la ligne de l'Est ; ne l'ayant pas fait, je suis obligé de ne borner à poser mon hypothèse, c'est que la ligne de l'Est rapporte la moyenne kilométrique du réseau national. Je ne crois pas qu'aucun membre de la Chambre taxe cette hypothèse d'exagérée : la ligne de l'Est est le chemin qui qui nous conduit vers l'Allemagne, elle rencontre sur son parcours des villes importantes, elle traverse des contrées extrêmement industrielles.

Je pars donc de l'hypothèse que la ligne de l'Est rapporte la moyenne des produits du réseau national.

Cette moyenne, messieurs, pour I860, est de 40,000 francs par kilomètre ; nous avons donc pour vingt-neuf kilomètres un produit brut de 1,160,000 fr.

Comme le chiffre de 33,000 fr. par kilomètre est dépassé, le concessionnaire prélèvera d'abord 90,000 fr. et il restera à partager entre lui et l'Etat 1,070,000 fr. soit pour chacun 635,000 fr. et le concessionnaire touchera en tout 625,000 fr. Voilà quelle serait la part du demandeur pendant 60 ans/, n supposant que d'ici à 60 ans la moyenne du produit kilométrique reste à 40,000 fr.

Mais, messieurs ; n'est-il pas certain que cette moyenne est appelée à augmenter considérablement ? Pour moi, qui ai la plus grande foi dans la prospérité et dans l'avenir du chemin de fer national, cela n'est pas douteux ; on peut discuter sur le chiffre de la progression ; quant à nier cette progression, cela me paraît impossible.

Eh bien, je ne tiens pas compte de l'accroissement certain des produits, je prends la situation actuelle, et je dis que le concessionnaire touchera pour sa part 625,000 fr. par an.

Nous avons, messieurs, évalué le chiffre de la dépense de construction et de matériel ; il est de 7 millions ; et savez-vous quelle annuité il faudrait pour payer l'intérêt de cette somme à 4 1/2 p. c. et en opérer l'amortissement en soixante années ? Il faudrait une annuité de 339,000 francs. Or, le concessionnaire percevrait, dès aujourd'hui, 625,000 francs !

Je suppose qu'il y ait des mécomptes sur le chiffre de 7 millions et il y aurait, en effet, du chef de la négociation, un léger déchet si le gouvernement devait emprunter la somme de 7 millions.

Eh bien, supposons que le capital s'élève à 8 millions, à 9 millions, à 10 millions même ; l'annuité serait alors,

Pour 8 millions, de 387,000 francs.

Pour 9 millions, de 436,000 francs.

Et pour 10 millions, de 484,000 francs.

Il est bien certain que, de quelque manière que l'on calcule, on n'arrivera jamais à un chiffre de 10 millions.

L'annuité à payer pour l'intérêt à 4 1/2 p. c. et pour l'amortissement en 60 années n'atteindrait donc, dans aucun cas, la somme de 484,000 fr. et je le répète, le concessionnaire toucherait dès aujourd'hui 625,000 fr. par an.

Je le demande de nouveau à l'honorable M. Hymans, oserait-il apposer sa signature au bas d'une semblable convention ?

Maintenant, messieurs, que représentent les 535,000 fr. qui formeraient la part de l'Etat dans cette combinaison ? Cette somme représente d'abord les frais d'exploitation, que j'ai estimés en gros, mais avec une extrême modération, à 300,000 fr. ; de sorte qu'il resterait 255,000 fr. pour couvrir l'amortissement et les intérêts du capital d'établissement et pour compenser les produits que l'Etat perçoit aujourd'hui sur la ligne de Bruxelles à Louvain par Malines, et qui seraient complètement perdus. (Interruption.)

Mais il est évident que tout le trafic serait immédiatement reporté sur la ligne la plus courte. Tout ce qui se dirige de Bruxelles sur Louvain et sur les localités situées au-delà de Louvain, passerait par la ligne directe, et il ne resterait à la ligne de Malines que les transports vers Anvers et les Flandres. C'est-à-dire, messieurs, que vous perdrez des centaines de mille francs par an.

Voilà, au point de vue du trésor, le résultat de l'opération que vous réclamez.

Je dis que quand une opération aboutit à de pareils résultats, que quand dans de telles circonstances une section centrale qui est l'émanation de la Chambre, qui stipule provisoirement au nom de la Chambre, prend l'initiative d'autres propositions, il doit être permis au gouvernement de suivre cette section centrale, alors surtout qu'elle s'est prononcée par six voix contre une.

Une seule considération pourrait engager le gouvernement à construire la ligne directe ; ce serait une considération de justice et d'équité ; s'il était vrai que les intérêts des deux arrondissements de Bruxelles et Louvain eussent été complétement perdus de vue, comme on le prétend, je concevrais que, par acquit de conscience, !e gouvernement se résignât à cet énorme sacrifice.

Mais cela est-il vrai ?

Parlons d'abord de l'arrondissement de Louvain. Quelle était sa position en 1859 ?

On avait promis aux arrondissements de Bruxelles et de Louvain pour la construction du chemin de fer direct, une somme de 6,700,000 francs ; cela fait 3,350,000 fr. pour chacun des deux arrondissements.

Or l'arrondissement de Louvain a une subvention pour la ligne d'Aerschot à Diest ; d'après les études préalables sérieuses qui ont été faites, cette subvention sera de 2 millions.

Maintenant la ligne de Louvain à Herenthals qui a été rendue possible, d'abord par suite de la construction certaine de l'embranchement d'Aerschot vers Diest, ensuite par suite de l'intervention, comme sous-garantie, du gouvernement vis-à-vis du concessionnaire, cette ligne, dis-je, ne vaut-elle pas 1,500,000 fr. ?

Et qu'avait l'arrondissement de Louvain auparavant ? Il avait une concession sur le papier ; le concessionnaire, car il y avait une concession, était resté en défaut de verser le complément de son cautionnement, et il avait encouru la déchéance.

L'arrondissement de Louvain n'avait donc rien ; et aujourd'hui il est certain d'avoir l'embranchement magnifique vers la Hollande, et l'embranchement de Diest auquel l'arrondissement attache beaucoup d'importance. Donc, avec ce qu'on lui accorde aujourd'hui, l'arrondissement est plus qu'indemnisé.

Voyons maintenant ce qu'il en est relativement à l'arrondissement de Bruxelles ; c'est surtout Bruxelles qui fait entendre les plus vives doléances ; Bruxelles prétend qu'il est traité en ilote, et qu'il est toujours mis à l'écart, lorsque le gouvernement vient proposer aux Chambres l'exécution de travaux publics.

Messieurs, vous connaissez l'histoire de Bruxelles ; moi qui n'habite la capitale que depuis un certain temps, je n'ai pas voulu faire une revue rétrospective de cette histoire.

L'honorable M. Hymans vous rappelait hier que la ville de Bruxelles avait cependant obtenu la colonne du Congrès...

M. Hymans. - Je n'ai pas parlé de la colonne du Congrès.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Si vous n'en avez pas parlé, vous auriez dû en parler ; vous auriez dû parler également de la restauration de l'église de Sainte-Gudule ; le gouvernement y est bien pour quelque chose ; et, si je ne me trompe, il est aussi pour quelque chose dans la restauration de l'hôtel de ville.

M. Goblet. - Ce sont des miettes.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Et moi, qui suis représentant de la ville de Gand, je voudrais obtenir pour elle quelques-unes de ces miettes. Bruxelles a un magnifique hôtel de ville, et le gouvernement intervient dans les frais de restauration ; nous avons aussi un bel hôtel de ville à Gand, et le gouvernement n'est pas intervenu, que je sache, dans les frais de restauration.

Maintenant, pour ne pas trop remonter dans le passé, le premier arrêté que j'ai eu à notifier, lorsque je suis arrivé au département des travaux publics, c'a été un arrêté allouant à la ville de Bruxelles un subside de 300,000 fr. pour l'avenue de la Cambre.

Après le vote de la loi de 1859, je me suis empressé de mettre en adjudication l'achèvement de la station du Nord. Quelque temps après, j'ai mis à l'étude la question de la station du Midi. Cette question est restée quelque temps en suspens ; pourquoi ? Parce que j'éprouvais une très vive répugnance à signer l'acte qui décrétait l'éloignement de la station.

Aujourd'hui la question est résolue, en ce sens qu'on va transférer la station au-delà du boulevard du Midi ; cette nouvelle station donnera lieu à une dépense considérable.

Voilà un premier lot de la ville de Bruxelles dans la loi de 1859.

Qu'est-ce qu'elle aura encore ? Elle aura le transfert des ministères de la justice et des travaux publics dans un nouvel hôtel qu'on va (page 1305) construire : ce qui sera un embellissement pour la ville de Bruxelles ; je pourrais fournir, à cet égard, des détails très intéressants. Je veux parler des augmentations de dépense que nécessite l'exigence des constructions dans la ville de Bruxelles.

La ville de Bruxelles a son palais de justice, c'est un commencement, elle a l'agrandissement da palais royal, et c'est un commencement, elle a eu quelques mois auparavant une réduction de péages sur le canal de Charleroi, c'est un objet qui doit être mis au bilan de ce que Bruxelles a obtenu.

Il s'agit aujourd'hui d'effectuer le raccordement extérieur des deux stations du Nord et du Midi. C'est une dépense de 2 à 3 millions. Cet objet intéresse la ville de Bruxelles, en ce sens qu'elle a élevé les réclamations les plus vives, et selon moi, les plus fondées contre l'existence du raccordement actuel.

Après avoir commis la faute de consentir à l'établissement de ce raccordement, Bruxelles en réclame aujourd'hui l'éloignement, éloignement que je reconnais nécessaire.

Contrairement à ce que pense l'honorable M. Hymans, la question qui a passé, il est vrai, par une commission, pourra recevoir une solution assez prochaine.

Voilà comment : on a discuté à n'en pas finir sur l'établissement d'une station centrale ; pour moi, ce projet est impraticable, et je ne m'en occupe pas davantage.

Je m'occupe du raccordement extérieur.

Mais, messieurs, une fois que le terrain est ainsi déterminé, une solution très prochaine, je le répète, pourra intervenir. Pourquoi ?

Parce que dans ces termes il s'agit uniquement de savoir si un projet qui existe pourra être réalisé ou légèrement modifié. Ce projet fait passer la voie de raccordement au milieu de l'Allée verte.

La ville y a longtemps mis obstacle ; je ne sais pas si elle continuera à s'y opposer, mais le seul point qui reste à décider c'est de savoir s'il faut reporter cette voie de raccordement plus avant vers la commune de Laeken.

Je crois que, dans l'état actuel des choses, si l'on a le bon esprit de renoncer à des hypothèses chimériques, la solution peut être très prochaine.

J'ai également promis à la ville de participer dans une proportion assez forte aux frais d'élargissement de la rue des Fripiers.

Si j'indique cet objet, c'est qu'il est en réalité très important. Les expropriations sont d'un prix exorbitant et ce sera une dépense de plusieurs centaines de mille francs.

La Chambre sera appelée à statuer sur cet objet, soit à propos d'un crédit spécial que je lui demanderai, soit à propos d'une majoration à mon budget.

Il s'agit dans tous les cas de répartir la somme nécessaire sur plusieurs exercices.

Voilà, messieurs, ce qu'on offre à la ville de Bruxelles. Elle a au-delà de la somme de 3,500,000 francs que je lui attribue dans l'avenir.

Je crois donc ne pas faire en vain, pour cette affaire, un appel aux sentiments de prudence, de sagesse et de justice distributive de la Chambre.

Cela dit, je me réserve de répondre aux observations qui pourront se produire ultérieurement concernant cet objet. Je vais dire maintenant quelques mots en réponse à l'honorable M. Lebeau.

L'honorable membre, de même que l'honorable député de Bruxelles, a prétendu que l'arrondissement de Charleroi était méconnu dans la répartition des divers travaux publics. Je trouve que cette appréciation est injuste.

S'il y a un arrondissement qui a été traité avec prédilection, avec amour, c'est certainement l'arrondissement de Charleroi.

- Plusieurs voix. - Oui ! Oui !

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - L'honorable M. Lebeau fait un signe de dénégation. Je vais lui prouver ce que j'avance. Ce que j'ai fait, je le répète, je l'ai fait avec bonheur. L'arrondissement de Charleroi est un arrondissement important et qui mérite les faveurs du gouvernement.

Le premier projet que j'ai soumis à la Chambre était le projet de concession du chemin de fer de Baume à Marchienne.

M. Ch. Lebeau. - Il n'en est rien sorti.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Il n'en est rien sorti, dit l'honorable M. Lebeau. Est-ce ma faute ? Est-ce la faute du gouvernement ? Le gouvernement a appelé celui des demandeurs en concessions qu'il croyait le plus solide. C'était la compagnie du Centre qui avait un intérêt puissant à ce que cette ligne se construisît.

Je ne vois pas qu'à cette époque les honorables représentants de l'arrondissement de Charleroy aient critiqué cette mesure. (Interruption.)

Je constate que l'arrondissement de Charleroi a commencé par obtenir ce chemin de fer. S'il n'est pas exécuté, ce n'est pas la faute du gouvernement, et je reviendrai, du reste, tantôt sur cepoint.

A quelque temps de là, l'arrondissement de Charleroi a obtenu la ligne de Morialmé à Civet. Il est vrai qu'elle n'a pas été exécutée.

- Une voix. - Cela ne coûte rien à l'Etat.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Il y a une foule de travaux qui sont dans ce cas.

Le gouvernement, dans la loi de 1859, a proposé, entre autres, un premier approfondissement de la Sambre. Dans le projet actuel on en' accorde un second.

M. Ch. Lebeau. - Cela rapporte 800,000 fr.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Pardon, cela ne rapporte pas même 400,000 ; il ne faut jamais exagérer, et surtout, à ce point.

L'honorable M. Jouret a prétendu que le revenu du canal de Charleroi s'était maintenu malgré la réduction des péages.

C'est une erreur très grande. Voici les chiffres officiels. Le canal de Charleroi n'a produit que 974,000 francs l'année dernière, au lieu de 1,354,000 fr. qu'il donnait en 1859.

Voilà, messieurs, les chiffres réels. Il n'y a pas à discuter. C'est le relevé officiel. Il y a donc une différence en moins de 380,000 fr.

Ici nous devons encore calculer les sacrifices faits par le gouvernement.

Nous avons, au projet actuel, un travail auquel vous vous intéressez bien un peu, j'espère, la concession de Braine-le-Comte à Gand. Il constitue pour vous un avantage quelconque. Cet avantage n'est pas considérable si vous le voulez, mais il existe cependant dans une certaine mesure, à moins qu'après l'avoir demandé instamment vous ne l'abandonniez aujourd'hui.

M. Ch. Lebeau. - Le Centre est bien plus près de Gand.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Je ne dis pas non. Je ne dis pas que le Centre n'en profite pas, mais je dis que vous en retirez aussi quelques avantages.

Il y a un autre chemin de fer qui prouve que le gouvernement n'a pas complètement oublié l'arrondissement de Charleroi, c'est le chemin de fer de Louvain à Herenthals qui ouvre une magnifique ligne de communication avec la Hollande.

Il me semble que vous seriez éminemment injustes en ne reconnaissant pas que le gouvernement a agi dans cette circonstance avec impartialité.

Un travail qui est essentiellement favorable aux intérêts de Charleroi, c'est la canalisation de la Meuse et de la Sambre. Moyennant cette canalisation, les minerais qui sont répandus à profusion sur les deux rives de ces rivières, arriveront à Charleroi dans des conditions beaucoup plus avantageuses qu'aujourd'hui.

Je porte donc ce travail à l'actif de l'honorable membre, et s'il veut des chiffres, je lui dirai que la navigation totale de la Meuse comporte 800,000 tonnes tandis que les bateaux arrivant par la Sambre ne comportent pas moins de 166,000 tonnes.

L'honorable membre m'a demandé où en était l'affaire de la station. Mais je crois qu'au préalable, je dois lui donner un mot de renseignement sur l'inexécution du chemin de fer de Baume à Marchienne dont j'ai déjà parlé.

Si la chose n'a pas réussi, cela n'a pas dépendu de nous. Bien d'autres concessions n'ont pas été réalisées. Celle-là malheureusement est du nombre.

On nous dit, messieurs, qu'il y avait dans la convention des clauses trop favorables au gouvernement. Eh bien, si l'exécution du contrat tient à cela, je suis disposé à le modifier et à déposer un projet de loi dans ce sens aussitôt que j'aurai la conviction que ce projet changera la situation et qu'elle permettra réellement à la compagnie de s'exécuter. Je crois ne pouvoir pas donner une meilleure preuve de l'intérêt que le gouvernement pore à cette affaire.

M. Pirmez. - Forcez la compagnie à s'exécuter.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Comment ? sous peine d'expropriation ? Je ne dis pas non ; mais j'ajoute que la mesure m'aurait paru un peu dure. Je n'ai point voulu y recourir jusqu'à présent, parce que la compagnie était notoirement dans un état de gêne très grande et que j'ai toujours eu l'espoir que, moyennant les modifications dont je viens de parler, la compagnie, arrivant d'ailleurs à meilleure fortune, parviendrait à s'exécuter. Si cependant, d'ici à (page 1306) quelque temps il n'en était pas ainsi, le gouvernement aviserait ; il chercherait un autre concussionnaire ou bien il prendrait une mesure quelconque qui doterait les charbonnages établis entre Baume et Marchienne d'une voie de communication dont ils ont, je le proclame, incontestablement besoin.

J'arrive enfin, messieurs, aux renseignements que m'a demandés l'honorable M. Lebeau en ce qui concerne la station de Charleroi. Il sait que, sur ce point encore, je me suis vivement intéressé au bien-être de la ville de Charleroi en particulier et que j'ai fait étudier très sérieusement la question de déplacement de la station, déplacement qui, moyennant la démolition des fortifications, permettrait à cette ville de s'agrandir d'une manière notable.

J'ai la satisfaction d'annoncer à l'honorable membre que ces études ont abouti à ce résultat de prouver la possibilité du déplacement sollicité. Seulement ce déplacement ne coûterait même rien à l'Etat, à la condition que l'on pût escompter la valeur des terrains de la station actuelle. Je crois que, sous ce rapport, l'industrie privée peut venir en aide au gouvernement, et si, dans quelque temps, une combinaison acceptable était présentée, l'honorable membre peut être certain que, dans l'intérêt de Charleroi, je m'empresserais de l'accueillir.

Je m'aperçois que j'ai oublié de répondre à une recommandation que m'a faite l'honorable M. de Terbecq, qui m'a demandé pourquoi je n’avais pas compris le chemin de fer de Terneuzen à Gand dans l'enquête que j'ai ouverte, Il y a, messieurs, trois demandes de concession de chemins de fer sur Terneuzen : l'une partant de Gand, la seconde parlant de Malines, et la troisième partant de Lokeren. Les deux premières concessions nous sont demandées purement et simplement ; celle de Lokeren à Terneuzen était demandée moyennant exploitation par l'Etat, et je n'ai pas hésité à rejeter cette proposition.

A la suite de ces demandes et lorsque déjà l'enquête administrative était ouverte, les demandeurs de cette troisième ligne m'ont fait savoir qu'ils accepteraient également une concession pure et simple. Cette réponse est donc arrivée tardivement au département des travaux publics, mais pas si tardivement cependant que je ne puisse encore comprendre la ligne de Lokeren à Terneuzen dans l'enquête dont il s'agit, laquelle consiste à prendre l'avis des députations permanentes, des chambres de commerce et des conseils communaux de Gand et d'Anvers, de toutes les autorités enfin qui sont intéressées dans la question. Je dis donc qu'à la rigueur, je pourrais comprendre encore la ligne de Lokeren à Terneuzen dans l'enquête, n'étaient les conditions financières peu favorables, selon moi, dans lesquelles cette ligne se présente.

Des trois lignes dont je viens de parler, je crois que c'est la plus mauvaise. Je ne pense pas que Terneuzen ait assez d'importance pour mériter d'être relié à Gand, à Lokeren et à Malines. S'il faut exécuter l'une de ces trois lignes, ce n'est pas celle de Lokeren à Terneuzen parce que le trafic y serait moindre que partout ailleurs.

Cependant si l'honorable membre insistait pour que cette ligne fût comprise dans l'enquête, je ne venais aucun inconvénient à déférer à son désir.

Quant aux observations qu'a présentées l'honorable M. de Theux, je lui demanderai la permission d'ajourner ma réponse jusqu'au moment où nous aborderons spécialement l'objet dont il a parlé.

M. le président. - La parole est à M. De Fré.

M. H. de Brouckere. - Je désirerais adresser une simple interpellation à M. le ministre des travaux publics. M. De Fré me permet-il de la faire immédiatement ?

M. De Fré. - Très volontiers.

M. H. de Brouckere. - Si j'ai bien compris les explications que M. le ministre des travaux publics vient de donner à la Chambre, il en résulterait que les études relatives à la canalisation de la Dendre et à la construction d'un canal de Blaton à Ath ne seraient pas terminées et M. le ministre des travaux publics n'aurait pas renoncé à l'idée de donner ces doubles travaux à un même concessionnaire, si cela ne paraît pas défavorable aux intérêts de l'Etat. Je demanderai à M. le ministre si je l'ai bien compris.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen) - C'est bien ce que j'ai dit. Aussi longtemps que le gouvernement n'a pas mis la main à l'œuvre, la question reste ouverte dans son ensemble, c'est-à-dire que le gouvernement est toujours disposé à accueillir un seul concessionnaire qui se chargerait de ces deux travaux.

M. H. de Brouckere. - La Chambre sait que la loi de 1859 donne au ministre pleine autorisation pour réunir ces deux travaux. Je me borne donc à lui rappeler cette faculté, et je ne reviendrai plus dans la discussion sur ce qui concerne le Dendre.

M. le président. - Le bureau vient de recevoir l'amendement suivant qui est signé par tous les représentants de l'arrondissement de Bruxelles.

« Remplacer le paragraphe 15 ajourné du projet de 1859, par le paragraphe suivant :

« Le gouvernement est autorisé à concéder la construction d'un chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain par Cortenberg, l'exploitation réservée à l'Etat. »

M. De Fré se propose-t-il de développer cet amendement ?

M. Hymans. - Il l'a été hier déjà.

M. De Fré. - Messieurs, je félicite le gouvernement d'avoir cédé aux justes réclamations de l'arrondissement de Tongres. Je le félicite d'être venu au secours des pêcheurs de Blankenberghe. Mais je ne le félicite point de ne pas avoir proposé le chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain. Quelles que soient, sur cette question, les opinions des membres de la Chambre, il n'y a personne, ici, qui ne doive trouver étrange la conduite du gouvernement. Pour moi, je croyais que le gouvernement, après avoir demandé et obtenu les crédits nécessaires à l'exécution de ce chemin de fer, aurait jugé que son honneur lui recommandait de le proposer au parlement. Aussi longtemps que le gouvernement n'était pas en possession des 4 millions qu'il a obtenus en 1859, ce chemin de fer était excellent. Ainsi, en 1856, il disait :

« Pour ce qui regarde la construction de la ligne directe entre Bruxelles et Louvain, elle est nécessaire pour empêcher que les transports entre Bruxelles et Liège n'abandonnent le chemin de fer de l'Etat, pour suivre le railway concédé de Bruxelles à Namur et de Namur à Liège. »

En 1856 donc, il réclame la construction de ce chemin de fer, dans l'intérêt de l'Etat. En 1859, il nous dit encore que la nécessité d'un pareil chemin de fer ne devait pas être démontrée En 1859, la Chambre vote un emprunt de 45 millions ; dans cet emprunt était comprise, dans la pensée du gouvernement, une somme de 4 millions pour la construction de la ligne de Bruxelles à Louvain.

Le travail des 4 millions n'a pas été voté ; mais la somme a été votée, et le gouvernement a pu emprunter, avec les autres sommes dont il avait besoin pour les travaux ordonnés, la somme de 4 millions qui se trouve aujourd'hui dans ses caisses. De sorte que le gouvernement a touché l'argent à l'aide duquel il devait faire cette construction ; et aujourd'hui qu'il est en possession des écus, qu'il a pour ainsi dire touché la dot, il ne veut pas épouser la fille. C'est cependant une belle fille, la capitale ! Je ne crois pas qu'il soit prudent, de la pan du gouvernement, de, repousser une pareille alliance.

Aujourd'hui donc que l'Etat a touché les 4 millions pour le chemin de fer de Bruxelles à Louvain, il n'en veut plus, et l'honorable ministre est venu vous le dire, le chemin de fer de Bruxelles à Louvain est une chose détestable, une mauvaise opération. Mais le gouvernement s'est donc trompé depuis 1850 jusqu'en 1859. Quelle humiliation !

Messieurs, je ne veux pas discuter en ce moment l'utilité, la nécessité de ce chemin de fer. L'honorable ministre des travaux publics vous a parlé de la distance, et il a oublié ce grand argument qui avait été produit en 1856, que la concurrence que faisaient les compagnies de chemins de fer concédés était une concurrence nuisible à l'Etat, et que l'Etat était obligé de créer cette ligne dans l'intérêt du trésor, dans l'intérêt du pays en général.

Le gouvernement, messieurs, ne voit pas que chaque nouveau chemin de fer est un nouveau moyeu de production, une cause de richesse nationale, et que s'il faisait une ligne de Louvain à Bruxelles, il est certain qu'il donnerait une impulsion beaucoup plus grande à l'industrie et à l'agriculture qui existent entre Bruxelles et Louvain sur le tracé par Cortenberg.

Il y aurait non seulement une richesse immédiate pour les industries qui se trouvent sur cette ligne mais encore, ce qui est très important pour le gouvernement, des recettes plus considérables, car lorsque la richesse particulière augmente, la richesse générale augmente dans la même proportion,

Le gouvernement ne voit-il pas combien, dans l'intérêt de l'unité nationale, il est bon que Bruxelles soit relié par le plus de chemins de fer possible, au reste du pays, ne voit-il pas qu'il faut faciliter l'arrivée à Bruxelles, des autres habitants du pays, afin de créer cette unité et qu'il faut isoler le moins possible la capitale du reste du pays ?

Mais, messieurs, il y a une grave question de moralité dans cette affaire, c'est que les promesses continuelles du gouvernement, les engagements pris par lui de construire ce chemin de fer, ont fait faire par des particuliers des contrats dont aujourd'hui ils subissent les conséquences.

(page 1307) Ainsi, le chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain ayant été promis depuis deux années, des personnes sont allées s'établir sur la ligne que devait parcourir ce chemin de fer ; ces personnes ont été trompées dans leur attente ; à ces personnes le gouvernement a causé un préjudice. Elles avaient le droit de compter sur la parole du gouvernement, d'autant plus que le gouvernement avait encaissé la somme nécessaire pour construire ce chemin de fer. Il y a là, au point de vue de la moralité politique, quelque chose de très sérieux. Il ne faut pas que l'on puisse dire que le gouvernement manque à sa parole, qu'il manque aux promesses qu'il a faites.

Messieurs, qu'est-ce que l'honorable ministre des travaux publics est venu vous dire ? « La section centrale de 1859 n'a pas voulu de ce chemin de fer. » J'admire ce scrupule de délicatesse à l'égard d'une section centrale. Une section centrale n'est pas la Chambre. Dernièrement la section centrale avait repoussé le projet de loi augmentant le personnel de la cour d'appel de Gand. M. le ministre de la justice n'en a pas moins persisté dans son projet, et la Chambre l'a accepté. Ainsi l'argument tiré du vote de la section centrale n'a pas la moindre valeur.

Et puis, que faisait la section centrale ? Elle proposait en échange des quatre millions qui auraient enrichi la capitale, des travaux d'embellissement, qui établissaient une compensation.

Mais ces travaux, la Chambre ne les a pas votés. Si vous veniez nous présenter les travaux que proposait la section centrale en échange du projet de chemin de fer, votre argument serait parfait ; mais vous ne prenez qu'une partie du travail de ta section centrale et vous rejetez l'autre.

Le second argument de l'honorable ministre des travaux publics, c'est que l'argent manque. L'argent manque ! c'est-à-dire qu'on va l'employer à autre chose. Je ne suis pas hostile aux autres travaux projetés ; mais tout en faisant voter par la Chambre ces travaux, qui seront exécutés en grande partie avec l'argent reçu pour construire le chemin de fer de Bruxelles à Louvain, le gouvernement pourrait très bien concéder, non pas l'exploitation, mais la construction de ce chemin de fer. Il y a, pour les chemins de fer, deux choses, il y a la construction et il y a l'exploitation. On peut concéder la construction et se réserver l'exploitation.

L'honorable ministre des travaux publics nous dit que la concession dont il a donné lecture, et que l'honorable M. Hymans avait indiquée, est mauvaise, qu'il ne peut pas accepter ; mais il n'y a pas que celle-là.

Il y en a d'autres ; et si demain il y avait un vote de la Chambre acceptant la proposition qui vient d'être déposée, il est certain que le gouvernement recevrait d'autres demandes en concession.

Je crois donc qu'après avoir reçu les fonds qui, dans sa pensée, devaient servir à la construction de ce chemin de fer, le gouvernement est engagé, si aujourd'hui l'on applique ces fonds à d'autres travaux, à faire voter par la Chambre la proposition qui vient d'être déposée par les députés de Bruxelles.

C'est le moyen, messieurs, de tout concilier.

Je suppose que la Chambre ne vote pas cette proposition.

Dans ce cas (je le dis dans l'intérêt du gouvernement), sa responsabilité sera déchargée. Mais le gouvernement ne peut pas, après avoir glorifié le chemin de fer de Bruxelles à Louvain pendant dix ans, venir, le lendemain du jour où il a reçu de l'argent pour faire ce chemin de fer, le critiquer et ne plus en vouloir. Il ne faut pas qu'on dise que c'était pour prendre ces 4 millions, que vous avez glorifié ce chemin de fer.

Quel intérêt le gouvernement a-t-il à manquer à sa parole Je comprends qu'il est mû ici par des intérêts qu'il croit majeurs à ceux que font valoir les villes de Bruxelles et de Louvain. Mais enfin il ne faut pas qu'il mette les apparences contre lui.

Je crois donc qu'il est de la dignité du gouvernement d'adopter la proposition qui vient d'être faite et délaisser à la Chambre le soin ou de le rejeter ou de l'adopter. Si la Chambre le rejette, le gouvernement sera déchargé de toute responsabilité.

M. Van Leempoel. - Messieurs, votre troisième section, chargée de l'examen de la loi sur les travaux publics, a appelé l'attention du gouvernement sur les diverses demandes de concession de chemin de fer destinés à relier les chemins de fer du Nord Franco-Belge (Erquelinnes), aux chemins de fer de Chimay et de l'Entre-Sambre et Meuse ; cette question, messieurs, est brûlante d'actualité. D'une part la société du chemin de fer du Nord (de Paris), a fit étudier trois projets de chemins de fer, se réunissant à la frontière belge à Momignies vers Chimay. Ces projets longuement étudies et nivelés ont été soumis au gouvernement impérial ; le ministre des travaux publics de France a fait faire aussi avec le plus grand soin les études de deux lignes vers la même destination ; l'une par le Nouvion et Lacapellc (département de l'Aisne) et l'autre par la vallée de l'Oise. Ces projets ont été soumis à l'empereur. On attend instamment une solution à cette grande affaire si utile à la Belgique. II est bon de remarquer aussi, messieurs, que deux autres lignes importantes seront reliées à celle dont il est ici question. C'est celle de Momignies vers Mézières (ligne de Sedan) et celle vers Laon et Soissons, la ligne la plus directe vers Paris.

Je répéterai, messieurs, que la question est palpitante sous un autre rapport ; deux des projets belges partant de la ligne du Nord (station d'Erquelinnes), ou à proximité et se dirigeant vers la frontière directe de Chimay par la Belgique, traversent des pays riches dont les communes ont de grandes ressources. Une seule offre un subside comptant de 500,000 fr., si la voie ne s'écarte pas de plus d'un kilomètre de Sivry. Peut-on laisser échapper une si belle initiative, qui peut trouver et trouvera, j'espère, des imitateurs ? J'appelle donc très sérieusement l'attention du gouvernement sur ces deux projets, et au point de vue des relations internationales du Midi, de la belle province du Hainaut, c'est une impérieuse nécessité.

Le canton de Beaumont dont le chef-lieu est si haut placé, par son élévation inaccessible aux transports, non viable par les mauvais temps, qu'avec des sacrifices immenses, n'a ni voies fluviales, ni canaux.

Il referme des mines, des carrières de marbres, du zinc, des pyrites, des forêts séculaires ; tous ces intérêts sout gravement compromis, si l'Etat laisse passer une si belle occasion de tirer de l'oubli, et livre au désespoir un pays si riche, si laborieux, qui ne demande qu'à se développer et où la population s'amoindrit ou reste stationnaire.

(page 1311) M. Moncheur. - Messieurs, toutes les dépenses appliquées à la création ou à l'amélioration de moyens de transport ou des voies de communication oui une utilité publique incontestable ; mais il y a, dans cette utilité publique, des degrés très différents.

Ainsi, parmi les travaux de ce genre, il en est dont les avantages et la nécessité sont si éminents, si palpables, que le vote de la dépense qu'ils nécessitent ne peut faire naître dans l'esprit des mandataires du pays aucune espèce de doute et ne laisse dans leur conscience, lorsqu'il est émis, que la satisfaction d'un devoir accompli.

Messieurs, l'achèvement de la canalisation de la Meuse a surtout ce caractère. Et si je tiens à vous le prouver par quelques considérations et quelques chiffres, ce n'est point que je craigne que vous en doutiez et que vous n'accueilliez pas unanimement le projet du gouvernement, relativement à cet objet, mais parce que je crois utile d'établir combien il est urgent que ce travail, une fois commencé, soit achevé dans le plus bref délai possible et, pour ainsi dire, sans désemparer.

Rappelons-nous d'abord, messieurs, que la section centrale qui a examiné le projet des travaux d'utilité publique proposés en 1859, et qui a pesé scrupuleusement alors les divers degrés d'utilité de ces travaux, a proposé à l'unanimité de ses membres et par l'organe de son rapporteur l'honorable M. Vandenpeereboom, d'écarter, pour le moment, certains crédits pour leur en substituer plusieurs autres d'une nature plus urgente, notamment un crédit de deux millions pour l'achèvement de la canalisation de la Meuse.

Cette proposition a été combattue, il est vrai, par le gouvernement, mais seulement parce qu'elle dérangeait l'économie de sa loi, et le gouvernement s'est engagé à plusieurs reprises à satisfaire à cet intérêt majeur. Je le remercie d'avoir tenu aujourd'hui sa promesse, quoiqu'il ne nous propose qu'un crédit de 1,600,000 fr. pour cet objet au lieu de deux millions.

Vous le savez, messieurs, toute la partie de la Meuse depuis Chokier jusqu'à Namur et Mornimont forme une solution de continuité pour une navigation régulière et internationale de Hollande vers la France et vers le Brabant et les Flandres par le canal de Charleroi à Bruxelles. Le mouillage, depuis la Hollande jusqu'à Chokier, est de 2 m 10 et il sera également de 2 m 10 de Mornimont sur la Sambre jusqu'aux canaux français, tandis que de Chokier à Namur, le mouillage descend, pendant une grande partie de l'année, jusqu'à 35 centimètres ; ce qui rend la navigation presque impossible.

Cet état de choses est intolérable.

Il entrave le commerce et l'industrie de la manière la plus déplorable.

Voulez-vous savoir, messieurs, pour la tranquillité de vos consciences quant au vote que vous allez émettre, voulez-vous savoir, dis-je, quelle sera l'économie et par conséquent quel sera le bénéfice au profit de tous, qui résultera de la dépense qui sera appliquée à la canalisation de la Meuse ? Voici, à cet égard, quelques chiffres d'une exactitude sévèrement contrôlée.

Le nombre de tonnes-kilomètres de matières pondéreuses transportées.actuellement entre Namur et Chokier, en amont et en aval, tant par (manque quelques mots$) chemin de fer, est de 29,594,714, et l'on restera de beaucoup (manque quelques mots$) de la réalité si l'on suppose que la moitié de cette masse, (manque quelques mots) pondéreuses est transportée par la Meuse malgré l’état extrêmement défectueux de sa navigabilité actuelle.

Le manque un mot$ tonnes-kilomètres, transportées sur ce parcours de la Meuse, serait$ donc de plus de 15 millions annuellement. Voulez-vous savoir, à présent, qu’elle sera l'économie immédiate qui résultera de l'achèvement de la canalisation de la Meuse ? La voici. Le fret diminuera immédiatement, sur la totalité des transports, de 4 à 5 centimes par tonne-kilomètre à la remonte du fleuve, et de 2 centimes à la descente ; ce qui pour les 29 millions et demi de tonnes-kilomètres dont je viens de parler, et dont 13 millions sont transportées à la remonte et 16 millions à la descente, produira une économie de plus d'un million de francs par an au profit de l'industrie et du commerce en général du pays.

Voilà, messieurs, quels seront les gros, les énormes intérêts que rapportera la dépense de sept millions de francs qui sera faite pour cet ouvrage d'une importance capitale.

Mais pour atteindre ce but, il faut que la canalisation ait lieu sur tout le parcours, depuis Chokier jusqu'à Namur, pour se rejoindre à la Sambre.

Quant à la partie de la Meuse depuis Namur jusqu'à la frontière de la France vers Givet, je pense qu'elle devra faire l'objet d'un travail spécial et j'adhère, à cet égard, aux vues judicieuses que vient d'exposer M. le comte de Theux.

Une seule lacune entre Chokier et Namur enlèverait donc tous les avantages qui seraient la suite de l'ouvrage tout entier.

C'est un tout solidaire et indivisible. Je me joins donc à mon honorable collègue, M. Dautrebande, pour prier M. le ministre de vouloir bien proposer à la législature les mesures propres à terminer le travail dans un bref délai.

J'approuve en outre très hautement la détermination que le gouvernement a prise de construire d'abord les deux écluses les plus rapprochées de Namur.

Cette mesure est fondée sur des motifs d'une nécessité évidente. Ella aura pour résultat de mettre fin à l'état si désastreux de la navigation à l'embouchure de la Sambre et elle se combinera avec le travail d'approfondissement de cette dernière rivière entre Namur et Mornimont.

Qu'il me soit permis à présent, messieurs, de prendre acte de la sollicitude avec laquelle la section centrale a signalé la nécessité de doter d'une voie ferrée la riche contrée qui sépare la Sambre du point de Landen.

Il est évident, en effet, que l'immense triangle compris entre Louvain, Namur et Liège, le pays le plus riche et le plus fertile peut-être de la Belgique et qui est connu sous le nom de Hesbaye et de Brabant, ne peut rester à jamais privé d'un chemin de fer.

Déjà un projet de voie ferrée de Tamines à Landen par Fleurus a été concédé pour satisfaire à cet intérêt majeur, mais ce projet n'a pas abouti et n'aboutira sans doute jamais, quoi qu'en ait dit tout à l'heure l'honorable M. Ch. Lebeau.

Mais un autre projet a surgi ; c'est celui d'un chemin de fer de Namur à Landen, combiné avec celui de Tamines à Fleurus.

Ces chemins de fer se recommandent par les considérations les plus sérieuses.

Partant de Namur, le premier aboutira à Landen et satisfera parfaitement à la plus grande masse d'intérêts du pays qu'il traversera et par une suite nécessaire il se trouvera dans d'excellentes conditions de prospérité.

En sortant de Namur, il traversera une des contrées les plus riches en minerais de fer, de pyrites et de plomb, minerais dont une quantité énorme est transportée vers Charleroi par le chemin de fer de l'Etat.

Avant d'aboutir à Landen, il portera dans tous ce pays essentiellement agricole la chaux si fécondante de la vallée de la Meuse ; enfin faisant suite au chemin de fer de l'Etat de Charleroi à Namur, il portera également dans toute la Hesbaye le charbon de la basse Sambre, si nécessaire aux fabriques importantes qui s'y trouvent, notamment aux sucreries de betterave.

Un tronçon de chemin de fer reliant Fleurus à Tamines fera participer à ce débouché nouveau tous les charbonnages de cette localité.

Il résultera donc de cet état de choses un accroissement considérable de trafic sur le chemin de fer de l'Etat, depuis Charleroi jusqu'à Namur. Voilà, messieurs, une très légère esquisse de l'utilité de ce chemin de fer au point de vue des intérêts locaux.

Sa prospérité sera déjà assurée de ce chef, mais elle le sera bien plus encore par cette circonstance, que ce chemin de fer fera infailliblement parti dans un délai plus ou moins rapproché, d'une grande ligne internationale de la France à la Hollande et à l'Allemagne.

Il suffit en effet de jeter les yeux sur la carte de l'Europe, et des chemins de fer qui la sillonnent déjà, pour voir que le chemin de fer de la Méditerranée combiné avec celui des Ardennes et de l'Est français et avec celui de Givet à Namur, aujourd'hui en construction, ne formera qu'une ligne droite ; d'abord avec celui qui existe déjà de Landen à Hasselt, puis avec celui qui est décrété d'Eindhoven à Utrecht, à Amsterdam et vers l'ouest de l'Allemagne.

Deux lacunes seulement seront donc à combler pour parfaire cette ligne droite, à savoir : celle relativement très petite de Namur à Landen, et celle qui est un peu plus longue, mais qui est plus facile encore à combler, celle de Hasselt à Eindhoven à travers la Campine.

A ce point de vue encore, le chemin de fer de Namur à Landen aura un magnifique avenir.

Mais ce qui lui assurera un trafic considérable et un grand mouvement de voyageurs, c'est qu'à Namur qui, grâce à sa situation topographique admirable, aura la station la plus importante, peut-être, de la Belgique, (page 1312) il se soudera à cinq autres branches de chemins de fer, à savoir, à celle de Namur à Liège ; à celle de Namur à Luxembourg, Metz, Trêves ; à celle de Namur à Givet et l'Est de la France ; à celle de Namur à Charleroi et le nord de la France ; et enfin à celle de Namur à Bruxelles.

Tous ces chemins de fer, pour le dire en passant, ont été construits par l'industrie particulière seule, excepté celui de Namur à Charleroi qui a été exécuté par l'Etat et qui est un des plus productifs de tous ceux qu'il possède.

Je dis donc que le chemin de fer de Namur à Landen aura pour point de départ une des stations les plus importantes du pays ; on sait qu'une des conditions premières d'un chemin de fer pour être prospère et utile, c'est de partir d'une station où se porte le mouvement des voyageurs et des marchandises ; or, je vous laisse à penser quelle est la quantité de voyageurs et quelle est la masse de marchandises qui convergent et convergeront toujours de plus en plus vers la station de Namur, par les divers chemins de fer que je viens d'énumérer et sans compter le confluent des deux voies fluviales, la Meuse et la Sambre.

Namur est donc le point de départ indiqué par la nature des choses, pour un chemin de fer reliant le basse Sambre et la Meuse à Landen, à travers la Hesbaye.

Mais, messieurs, malgré les conditions si spécialement bonnes de ce chemin de fer, pourra-t-il s'exécuter sans aucune espèce d'aide ou de concours de l'Etat ?

C'est là une question douteuse. Et pourquoi est-elle douteuse ? C'est parce que les capitaux ne s'engagent à présent qu'avec beaucoup de timidité dans des entreprises de ce genre ; mais l'aide de l'Etat, soit sous forme de garantie d'un minimum d'intérêt, soit sous une autre forme quelconque, ne peut raisonnablement être refusée à une voie de communication de cette espèce. < '

Je fais ici des réserves formelles contre ce qu'il peut y avoir de trop absolu et de trop général dans la réponse faite par le gouvernement à la section centrale relativement au système delà garantie d'un minimum d’intérêts à accorder par l'Etat pour l'exécution de travaux publics, « Il semble admis, a dit le gouvernement, qu'il n'y a plus lieu pour l'Etat d'intervenir par voie de garantie d'intérêt, que dans des cas exceptionnels » puis il a ajouté que « sa circonspection doit être d'autant plus grande qu'il ne peut pas refuser aux uns ce qu'il accorderait aux autres. »

Mais, messieurs, aussi longtemps qu'il sera admis que le gouvernement doit encourager, dans les limites de ce qui est raisonnable et possible, les travaux ayant un caractère évident d'utilité publique, il sera admis aussi qu'il doit intervenir, soit par voie de garantie d'un minimum d'intérêt soit autrement, pour l'exécution de chemins de fer possédant ce même caractère.

C'est là une question d'appréciation de la part du gouvernement et de la législature.

Sans doute, l'Etat ne doit pas accorder le mode d'encouragement ou de subside qu'on appelle garantie d'un minimum d'intérêt d'une manière aveugle et sais discernement ; mais c'est ainsi que l'État ne construit pas non plus des routes ou des canaux pour tous ceux qui les demandent.

Renoncer à ce mode rationnel, efficace et sans danger pour l'Etat d'encourager la construction des chemins.de fer, reconnus comme réunissant toutes les conditions de viabilité et d'utilité publique et ce, sous le prétexte qu'il faudrait accorder la même chose à tous les chemins de fer proposés, ce serait à méconnaître gravement ce qu'exigent les intérêts généraux de pays.

Et cet oubli d'un des premiers devoirs de l'Etat, on le commettrait au moment même où l'expérience a prouvé que la garantie de l'Etat se dégage beaucoup plus facilement et plus vite qu'on ne le prévoyait 4'abord.

C'est la garantie d'un minimum d'intérêt qui a seule donné naissance en Belgique à une foule de travaux les plus importants et les plus utiles.

Ainsi, sans la garantie d'un minimum d'intérêt, le grand chemin de fer du Luxembourg existerait-il ? Non, cette province serait encore isolée, les valeurs incalculables qui y ont été créées par la seule existence de ce railway seraient encore dans le néant. Eh bien, malgré tous les malheurs du chemin de fer du Luxembourg, malgré les 25 ou 30 millions qu'il a coûté de plus qu'il n'aurait dû coûter, voilà qu'il se suffit déjà à peu près à lui-même et que bientôt les 800,000 francs mis au budget de la dette publique pour la garantie du minimum d'intérêt sur cette ligne vont disparaître.

Et cependant on prédisait que cette somme figurerait éternellement au budget avec cette destination !

Je dirai la même chose du chemin de fer de Charleroi à Louvain qui ne coûte plus un centime à l'Etat à titre de garantie d'intérêt.

Réfléchissez, messieurs, que le système de garantie de minimum d'intérêt a fait construire en Belgique 415 kilomètres de chemins de fer qui ont coûté 139 millions de francs, et que presque tous ces capitaux nous sont venus de l'étranger. N'abandonnons donc pas ce système ; employons-le seulement avec prudence et intelligence.

Pourquoi donc l'Etat ferait-il rentrer dans ses caisses, les sommes qu'il a destinées à ce mode d'encouragement de travaux publics utiles au pays, sommes qui sont devenues disponibles par suite de la situation prospère des entreprises particulières., qu'il a créées de cette manière ? Il n'y a aucun motif pour cela.

Avant de terminer je veux appuyer ce que vous a dit M. Ch. Lebeau de la nécessité d'élargir le canal de Charleroi ; et j'appuierai cette juste réclamation, d'abord, au point de vue de l'intérêt général, et ensuite au point de vue de l'intérêt de la province que je représente.

En effet, le canal de Charleroi aboutissant au canal de Willebroeck à Bruxelles complète le système de navigation de la Hollande vers l'intérieur du pays. Son élargissement est donc lié à la canalisation de la Meuse. La section du canal de Charleroi est réellement si petite qu'il semblerait ridicule aujourd'hui d'exécuter un ouvrage semblable. Les transports de la basse Sambre vers Bruxelles et des matières premières destinées à nos fabriques de produits chimiques venant surtout du port d'Ostende sont grevés de frais considérables par suite de cet état de choses. C'est un devoir pour l'Etat de le faire cesser dès que ses finances le lui permettront.

(page 1307) .M. Dechamps. - Messieurs, dans les discussions sur les projets relatifs à l'exécution de grands travaux publics, presque tous les arrondissements du pays, par leurs organes naturels dans cette Chambre, se lèvent tour à tour, les uns, les satisfaits, pour défendre le projet de loi et applaudir le gouvernement, les autres, les oubliés, pour se plaindre et pour réclamer.

Messieurs, depuis longtemps déjà, dans les débats sur le projet de 1855 comme sur le projet de 1859, et n'en déplaise à M. le ministre des travaux publics, comme dans les débats actuels, nous avons constamment dû nous résigner, nous députés de Charleroi et du Hainaut en général, à accepter le rôle assez triste, et à coup sûr ingrat et stérile, des plaintes et des réclamations.

M. le ministre des travaux publics prétend que nous avons tort, que le gouvernement au contraire, depuis quelque temps surtout, nous a comblés de faveurs et que nous sommes ingrats de ne pas reconnaître l'amour tout paternel dont le gouvernement a été animé à notre égard.

Messieurs, j'aurai à examiner plus tard quel est l'actif de ce bilan de faveurs dont a parlé l'honorable ministre des travaux publics, mais je commence par déclarer que j'ai toujours été opposé à cette manière étroite d'envisager de pareilles questions.

J'ai toujours été hostile à ce système d'équilibre entre les bassins industriels du pays, que l'on veut établir à l'aide de moyens factices, de : péages artificiels, ou d'une pondération exacte et impossible à établir dam les travaux publics à exécuter sur divers points du pays. J'ai toujours été opposé à des vues aussi peu généreuses que celles-là. Je crois que le bien-être de mon voisin n'est pas un mal pour moi-même et que la richesse du pays en profite et s'en accroît.

Cependant, messieurs, il est de notre droit et de notre devoir d'examiner si le gouvernement a été bien conseillé, si l'impartialité a présidé à la conception de ses projets, si la justice distributive a été observée et surtout si l'intérêt général a été respecté et suivi.

Mais en attendant de faire tout à l'heure cet examen, il faut que je réponde directement à ce que vient d'avancer M. le ministre des travaux publics sur les faveurs nombreuses dont les mesures récentes et le projet actuel comblent l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter ici, si tant est que je doive prendre cette prétention trop au sérieux.

Ecoutons M. le ministre :

« Depuis deux ans, a-t-il dit, vous avez été dotés du chemin de fer de Baume à Marchienne. » Mais, messieurs, c'est précisément un de nos griefs dont l'honorable M. Lebeau vous a parlé tantôt : nous nous plaignons de l'inexécution de ce chemin de fer, qui n'est encore qu'une espérance.

Le chemin de fer de Braine-le-Comte à Gand, ajoute M. le ministre.

(page 1308) Mais il sera créé bien plus dans l'intérêt du Centre que dans celui de Charleroi, et d'ailleurs ce n'est encore là qu'une espérance que je ne demande pas mieux que de voir réaliser.

Le chemin de fer de Louvain à Herenthals sera sans doute utile ; mais le bassin de Liège a fait au bassin de Charleroi une concurrence très rude à Louvain et même à Bruxelles ; donc, ce chemin de fer doit être plus avantageux au bassin de Liège qu'à celui de Charleroi.

Mais ce chemin de fer vers Herenthals n'aura d'importance pour les bassins houillers que le jour de sa jonction avec les chemins de fer de Hollande. Ce n'est encore là qu'une espérance assez lointaine.

Messieurs, le chemin de fer de Morialmé à Givet a été concédé sans garantie d'intérêt et sans l'intervention du trésor public. On ne peut appeler cela une faveur.

C'est un bienfait sans doute, mais ce bienfait ne coûte rien à l'Etat.

M. le ministre des travaux publics a voulu même mettre à l'actif de notre bilan de faveurs la canalisation de la Meuse, et a prétendu que la canalisation de la Meuse et de la Sambre allait favoriser les transports du minerai oligiste du bassin de la Meuse vers Charleroi, et l'exportation des charbons de Charleroi vers la vallée de la Meuse.

Messieurs, je ne comprends pas qu'on puisse affirmer un pareil fait.

M. le ministre ignore-t-il que les minerais oligistes sont très peu employés pour la métallurgie de Charleroi ? Les trois quarts du minerai oligiste sont consommés par les hauts fourneaux de Maubeuge.

Pour l'exportation des charbons de Charleroi, il est très vrai que des transports de charbons de la vallée de la Sambre et de Charleroi se font vers la vallée de la Meuse jusqu'à Huy (interruption) et au-delà, et pourquoi ?

Parce qu'aujourd'hui la navigation de la Meuse à la descente se fait à très bon marché, tandis que de Liège, en remonte, les frais de transport sont plus considérables ; mais le jour où la canalisation sera faite, les charbons de Liège chasseront inévitablement les charbons de Charleroi de la vallée de la Meuse.

M. le ministre nous rappelle la réduction des péages sur le canal de Charleroi. Certes c'est un bienfait et je ne veux en aucune façon l'amoindrir, mais M. le ministre des travaux publics n'a pas oublié, je pense, que nous avons dû, pour me servir de l'expérience de l'honorable M. Hymans, emporter cette réduction à la pointe de la discussion et de nos efforts, contre la résistance du gouvernement.

Reste l'approfondissement de la Sambre. Il est vrai qu'on a dépensé 3,500,000 fr. pour l'approfondissement de la Sambre, c'est avec l'élargissement des neuf premières écluses du canal, la seule dépense à la charge du trésor qui a été faite en faveur de notre arrondissement depuis de longues années.

Messieurs, ces plaidoyers pro domo sua, à couleur électorale, trouvent généralement peu de faveur dans cette enceinte ; l'auditoire se montre distrait, prévenu et mal disposé.

Cela doit être. On croit que ce sont des discours de commande, et non des discours de conviction, et généralement on ne prend pas les orateurs au sérieux. Malgré cette position de défaveur, je ne sais si je me fais illusion, mais il me semble que la thèse que je viens défendre, que les observations que je viens soumettre à la Chambre touchent bien plus à des questions d'intérêt général qu'à des questions d'intérêt local.

Quand il s'agit de voies navigables, il me semble que s'il existe un intérêt général, c'est bien celui qui se rattache à la première de toutes nos voies navigables, par l'importance des transports qu'elle crée, par l'intérêt des producteurs et des consommateurs qu'elle dessert, par l'intérêt du trésor public qui se révèle, par le chiffre du revenu que ce canal procure ; vous comprenez, messieurs, que je parle du canal de Charleroi, voie aussi défectueuse qu'elle est importante.

Messieurs, le gouvernement avait à sa disposition une somme de 8 millions, reliquat de l'emprunt de 1859 ; pour dépenser cette somme, il avait à choisir entre un chemin de fer important comme le chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain, par exemple, sur lequel je ne veux pas porter actuellement mon examen, et un grand travail relatif à nos voies navigables.

Parmi ces dernières, il avait à choisir entre les améliorations à apporter à la navigation de la Meuse, les améliorations à apporter au canal de Charleroi pour l'élargissement des écluses de ce canal dont le principe a été posé lorsqu'on a élargi les 9 premières écluses.

Je ne conteste pas du tout la haute utilité des travaux d'amélioration à apporter à la Meuse ; mais, comme le disait tout à l'heure M. le ministre des travaux publics, c'est un travail bon en soi, assurément, comme toute autre espèce de travaux publics, mais la question à examiner aurait été celle de savoir si on n'aurait pas dû donner la préférence à un autre travail présentant un intérêt beaucoup plus général.

Le gouvernement, dans le choix qu'il avait à faire entre le canal de Charleroi et la Meuse, a préféré la Meuse.

Je viens examiner s'il a bien fait, et si c'est bien de ce côté que les motifs d'utilité publique penchaient.

Le gouvernement demande pour la canalisation de laà Meuse un premier crédit de 3 millions ; 1,600,000 francs pour la canalisation de la Meuse, depuis Chokier jusqu'à Namur, et 1,400,000 francs, pour la canalisation de la Meuse depuis Liège jusqu'à Visé. Ce sont là des premiers crédits qui supposent l'exécution du travail tout entier et le ministre vient de le déclarer.

Or, l’évaluation pour la canalisation de Chokier à Namur est de 7 millions ; pour la canalisation de Liège à Visé, elle est de 2 millions, en tout 9 millions, sans compter les imprévus.

Ainsi, on vous demande aujourd'hui de voter en principe une dépense de 9 millions.

Mais, messieurs, on ne pourra pas s'en tenir là ; arrivé à Namur, ilî faudra bien prolonger la canalisation jusqu'à la frontière française, et cela pour deux raisons. D'abord, les transports d'intérêt commercial, le transport des houilles et du fer se font vers la frontière française et non vers la Sambre ; les transports de la Meuse vers la Sambre se composent des minerais oligistes.

Or le minerai oligiste se trouve aux approches de Namur et pour cela il ne faut pas canaliser la Meuse tout entière. Il suffit de construire les deux barrages dont il est parlé dans le projet de loi actuel.

On ne compte pas assurément, en canalisant la Meuse et la Sambre, ouvrir aux charbons et aux fers de Liège le marché de Paris et de Rouen, en concurrence avec Charleroi et Mons, ce serait une illusion ; le but commercial de la canalisation de la Meuse, c'est d'ouvrir au bassin de Liège, d'une manière plus complète, le marché des Ardennes françaises.

Eh bien, messieurs, vous ne pouvez évidemment vous arrêter à Namur ; votre projet serait incomplet. Vous devez aller jusqu'à la frontière et cela pour une autre raison bien plus péremptoire que la première.

Lorsque vous aurez canalisé la Meuse, l'ancien batelage de la Meuse devra disparaître pour faire place à un batelage nouveau, à des bateaux de 200 à 250 tonneaux.

Or comme ces bateaux à grand tirant d'eau chargés dans le bassin de Liège pour la France, arrivent à Namur, que ferez-vous ? Il faudra rompre charge, il faudra transborder le changement sur les petites allèges de la Meuse pour les transporter en France. Cela est radicalement impossible, car vous perdriez tout le bénéfice de la canalisation.

Ainsi, messieurs, c'est de la canalisation de la Meuse tout entière qu'il s'agit ; la section centrale l'a parfaitement compris et elle déclare à l'unanimité qu'elle considère que le principe de cette canalisation est inscrit dans la loi.

Or, la distance entre Namur et Givet, étant un peu plus longue, je crois, qu'entre Namur et Chokier la nouvelle dépense que cette canalisation nécessitera, sera au moins de 8 millions, sans les mécomptes qu'il faut présumer, quand il s'agit d'une rivière aussi capricieuse que la Meuse.

Ce n'est donc pas une dépense de 9 millions qu'il s'agit de voter en principe, mais de 16 à 18 millions. Je ne sais si la Chambre l'avait suffisamment compris.

L'élargissement du canal de Charleroi et de ses embranchements coûterait 8 à 10 millions ; c'est la moitié de la dépense que la canalisation de la Meuse nécessitera. Quand on parle de l'élargissement de ce canal, on hésite, on se récrie, on invoque la pénurie du trésor public ; ce trésor est assez riche pour fournir 18 millions pour la Meuse ; il est trop pauvre pour fournir 10 millions pour le canal de Charleroi.

Ce n'est donc pas une question de dépense, et je récuse toute objection de cette nature. C'est une question d'utilité. De quel côté se trouvent L'utilité, l'intérêt général et l'urgence ? Examinons :

L'importance des transports :

Les transports d'intérêt commercial, je ne parle pas des transports intérieurs à petite distance, d'une localité à l'autre, mais des grands transports commerciaux de Liège vers la Hollande et de Liège vers la France, les seules qui soient ici en cause.

Or, savez-vous quel est le tonnage de la Meuse vers la Hollande ? il est à peine de 60,000 tonnes, et de Liège vers la France, il est dans les bonnes années de 100,000 tonnes. En 1860, il n'a été que de 50,000.

Le mouvement de transport sur le canal de Charleroi est de près d'un million de tonnes. Voilà pour l'importance relative des transports commerciaux.

(page 1309) L'intérêt des consommateurs.

Messieurs, vous le savez, les consommateurs du bassin de Liège sont des consommateurs hollandais et français, tandis que les consommateurs desservis par le canal de Charleroi sont des nationaux, les consommateurs des provinces de Brabant, d'Auvers et des Flandres.

Ne trouvez-vous pas que si dans le bilan que je veux faire, l'intérêt public est quelque part, ce n'est pas du côté des consommateurs étrangers, mais plutôt du côté des consommateurs belges ? Et puis, pour la Meuse où les péages sont nuls, le résultat de la canalisation re peut être qu'une légère réduction dans le prix du fret que la-concurrence du chemin de fer parallèle à la Meuse a abaissé au minimum, tandis que pour le canal de Charleroi où les péages sont restés élevés encore, il s'agit d'une réduction de la moitié d’un fret très cher, par suite de l'élargissement du canal.

Les intérêts du trésor public ?

Vous savez que la recette de la Meuse n'est que de 70,000 fr. La recette du canal de Charleroi, M. le ministre vient de le dire, malgré l'abaissement du péage, est encore d'un million. Pour la Meuse, l'insuffisance des recettes pour couvrir les dépenses d'entretien, amène un déficit annuel de 200,000 fr.

Si le canal de Charleroi était élargi, évidemment personne ne le contestera, les transports doubleraient, tripleraient peut-être, et le revenu du trésor public, qui est aujourd'hui encore d'un million, doublerait, triplerait aussi.

Ainsi d'un côté, dépense double pour la Meuse et déficit annuel pour le trésor, et de l'autre dépense moindre de moitié pour le canal de Charleroi et revenu de plus de deux millions ; voilà le bilan financier que je recommande aux méditations du gouvernement.

Messieurs, l'heure est avancée, je demande à continuer demain.

M. le président. - J'ai reçu un amendement ainsi conçu :

« Ajouter à l'article 4, le paragraphe suivant :

« Prolongement du chemin de fer de Lichtervelde à Furnes jusqu'à la frontière de France. »

- Cet amendement sera imprimé et distribué.

La séance est levée à 4 heures trois quarts.