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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 23 avril 1861

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1860-1861)

(page 1173) (Présidence de M. Vervoort.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Snoy, secrétaire, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

Il lit le procès-verbal de la séance du 20 avril.

- La rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Boe, secrétaire, présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre.

« Le sieur Verbeek, maître maçon à Brecht, réclame l'intervention de la Chambre pour que celui de ses deux fils jumeaux qui a obtenu le numéro le plus élevé au tirage de la milice, soit renvoyé dans ses foyers. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les membres de l'administration communale et des habitants de Sart-Dames-Avelines demandent la construction du chemin de fer grand central franco-belge d'Amiens à Maestricht, qui est projeté par le sieur Delstanche. »

- Même renvoi.


« Des membres du conseil communal et des habitants de Vivegnis demandent qu'il soit pourvu à la place de bourgmestre de cette commune. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal de Schrieck demande que le concessionnaire d'un chemin de fer de Louvain à Herenthals soit tenu de suivre le tracé par Heyst op-den-Berg, et prie la Chambre de décréter en même temps la construction d'un embranchement partant du chemin de fer da l'Etat à Malines, pour aller rejoindre la voie principale à la hauteur de Heyst. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif à l'exécution de travaux publics.


« Des membres du conseil communal et des habitants d'Erps-Querbs demandent que le gouvernement soit autorisé à concéder la construction du chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain et à se réserver l'exploitation de cette ligne. »

- Même disposition.


« Le conseil communal de Turnhout demande que le canal de Turnhout, dont le prolongement jusqu'à Saint-Job in 't Goor est proposé, soit mis en communication avec l'Escaut, à Anvers. »

- Même renvoi.


« Les conseils communaux d'Herzele, Aygem, Woubrechtegem, Ressegem et Borsbeke prient la Chambre d'autoriser la concession du chemin de fer de Braine-le-Cormte à Gand, par Sottegem et Ilerzele. »

- Même disposition.


« Le sieur Missalle transmet copie d'une nouvelle proposition qu'il a adressée à M. le ministre des travaux publics, concernant la construction d'un chemin de fer de Bruxelles à Louvain. »

- Même disposition.


« Le conseil communal de Namur prie la Chambre d'accorder un minimum d'intérêt pour la concession d'un chemin de fer de Namur à Landen et de Tamines à Fleurus. »

M. de Montpellier. - Messieurs, la discussion en sections étant terminée sur le projet de loi des travaux publics, je demande le dépôt de cette pétition sur le bureau. Les motifs qu'on fait valoir à l'appui de la pétition sont d'une telle importance qu'elle mérite cette faveur. »

- La proposition est mise aux voix et adoptée.


M. De Maere, dont l'élection a été validée dans une séance précédente, prête serment.

Projet de loi révisant le code pénal (livre II, titre X)

M. le président. - M. le ministre de la justice se rallie-t-il aux propositions de la commission ?

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je consens à ce que le débat s'ouvre sur le projet de la commission ; je me réserve, comme je l'ai fait jusqu'à présent, de présenter des observations et des amendements sur les articles, à mesure qu'ils seront mis en discussion.

M. le président. - La discussion s'ouvre donc sur le projet de gouvernement.

Discussion des articles

Chapitre I. Première classe

Article 665

« Art. 665. Seront punis d'une amende d'un franc à dix francs :

« 1° Ceux qui auront négligé d'entretenir, de réparer ou de nettoyer les fours,, cheminées ou usines où l'on fait usage de feu ;

« 2° Les aubergistes et autres qui, obligés à l'éclairage, l'auront négligé ;

« 3° Ceux qui auront négligé de nettoyer les rues ou passages, dans les communes où ce soin est mis à la charge des habitants ;

« 4° Ceux qui auront embarrassé les rues, les places ou toutes autres parties de la voie publique, soit en y laissant des matériaux, des échafaudages ou d'autres objets quelconques, soit en y creusant des excavations, le tout sans nécessité, ou sans permission de l'autorité compétente ;

« 5° Ceux qui, en contravention aux lois et règlements, auront négligé d'éclairer les matériaux, les échafaudages ou les autres objets quelconques qu'ils ont déposés ou laissés dans les rues, places ou autres parties de la voie publique, ou les excavations qu'ils y ont creusées ;

« 6° Ceux qui auront négligé ou refusé d'exécuter les règlements ou arrêtés concernant la petite voirie, ou d'obéir à la sommation émanée de l'autorité administrative de réparer ou démolir des édifices menaçant ruine. »

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, la commission propose d'ajouter à l'article 665 la disposition suivante :

« Ceux qui auront négligé ou refusé d'exécuter les règlements ou arrêtés concernant la petite voirie, ou d'obéir à la sommation. »

Je me rallie à la disposition proposée par la commission ; mais je ne pense pas qu'il y ait lieu de la comprendre sous le même numéro que celle qui se trouve sous le numéro du projet du gouvernement ; ces deux dispositions n'ont pas entre elles une relation assez étroite pour être réunies sous le même numéro. La nouvelle disposition proposée par la commission deviendrait le paragraphe 6, et le paragraphe 6 du projet du gouvernement deviendrait le paragraphe 7.

M. le président. - Voici quel serait le paragraphe 6.

« Ceux qui auront négligé ou refusé d'exécuter les règlements ou arrêtés concernant la petits voirie, ou d'obéir à la sommation. »

(page 1174) Le paragraphe 7 serait ainsi conçu :

« Ceux qui auront refusé d'obéir à la sommation émanée de l'autorité administrative, de réparer ou démolir des édifices menaçant ruine. »

- L'article est adopté.

Article 666

« Art. 666. Seront aussi punis d'une amende d'un franc à dix francs ;

« 1° Ceux qui auront jeté ou exposé au-devant de leurs édifices des choses de nature à nuire par leur chute ou par des exhalaisons insalubres ;

« 2° Ceux qui auront laissé dans les rues, chemins, places, lieux publics ou dans les champs, des coutres de charrue, pinces, barres, barreaux ou autres machines, instruments ou armes dont puissent abuser les voleurs et autres malfaiteurs ;

« Seront en outre saisis et confisqués les objets ci-dessus mentionnés ;

« 3° Ceux qui auront négligé d'écheniller dans les campagnes ou jardins où ce soin est prescrit par les lois ou les règlements ;

« 4° Ceux qui, sans autre circonstance prévue par les lois, auront cueilli et mangé, sur le lieu même, des fruits appartenant à autrui ;

« 5° Ceux qui imprudemment auront jeté des immondices sur quelque personne. »

- Adopté.

Article 667

« Art. 667. Seront punis d'une amende d'un franc à dix francs et d'un emprisonnement d'un jour à trois jours ou de l'une de ces deux peines seulement :

« 1° Ceux qui auront violé la défense de tirer, en certains lieux, des armes à feu ou des pièces d'artifice quelconques.

« Seront en outre confisquées les armes à feu et pièces d'artifice saisies ;

« 2° Ceux qui, sans autre circonstance prévue par les lois, auront glané, râtelé ou grapillé dans les champs non encore entièrement dépouillés et vidés de leurs récoltes, ou avant le moment du lever ou après celui du coucher du soleil ;

« 3° Ceux qui, sans en avoir le droit, seront entrés et auront passé sur le terrain ou sur une partie du terrain d'autui s'il est ensemencé.

« 4° Ceux qui auront laissé passer leurs bestiaux ou leurs bêtes de trait, de charge ou de monture sur le terrain d'autrui, avant l'enlèvement de la récolte. »

M. Carlier. - Messieurs, votre commission a proposé au numéro 3 de l'article 667 une légère modification.

Dans le projet de la commission de rédaction l'article était conçu de telle façon que ceux qui passaient sur le terrain prépare se trouvaient soumis à la pénalité infligée par cet article à ceux qui passent sur le terrain ensemencé.

Nous avons cru qu'il n'était pas nécessaire de maintenir cette pénalité pour ceux qui passeraient sur les terrains préparés, parce qu'ainsi qu'on le verra par suite des différentes dispositions qui composent le titre en discussion, on pourrait toujours considérer les prairies comme étant des terrains préparés.

Or, la commission a pensé que pendant une grande partie de l'année le simple passage sur une prairie ne pouvait constituer une contravention.

C'est pour éviter toute confusion à ce sujet que votre commission vous propose de supprimer le mot « préparé. »

M. le président. - L'article tel que je viens d'en donner lecture et tel qu'il est soumis à la discussion, ne contient pas le mot « préparé. »

M. Carlier. - Je retire alors mon observation ; elle se rapporte au projet primitif et je n'avais pas bien entendu la lecture.

- L'article est adopté.

Article 668

« Art. 668. En cas de récidive, l'emprisonnement d'un jour à trois jours pourra être prononcé, indépendamment de l'amende, pour toutes les contraventions prévues par le présent chapitre.

« Dans le cas d'une seconde récidive et de toute récidive ultérieure, la peine de l'emprisonnement pourra être prononcée, outre l'amende, pendant cinq jours au plus. »

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - L'article 668 prévoit le cas de récidive.

Le premier paragraphe prévoit le cas d'une première récidive.

Le paragraphe 2 celui de seconde ou d'ultérieure récidive. La commission propose de supprimer le paragraphe 2, c'est-à-dire le paragraphe qui punit d'une peine plus forte la seconde, la troisième et d'ultérieures récidives.

Je me rallie à cette proposition en partie. Je comprends que lorsque la première contravention ne donne lieu qu'à une amende, ainsi que c'est le cas pour les faits prévus par les articles 665 at 666, je comprends, dis-je, que, dans ce cas, l'emprisonnement comminé pour une première et pour d'ultérieures récidives, soit suffisant ; mais, quand il s'agit de faits qui, commis pour la première fois, donnent déjà lieu à un emprisonnement, je crois qu'il faut, en cas de seconde et d'ultérieures récidives, maintenir une peine plus forte que celle qui est prononcée pour la première contravention. Sans cela, la récidive n'aggraverait pas du tout la position du contrevenant.

Ainsi, l'article 667 porte : « Seront punis d'une amende d'un franc à 10 francs et d'un emprisonnement d'un jour à trois jours, ou de l'une de ces deux peines seulement : 1° ceux qui auront violé la défense de tirer en certains lieux des armes à feu ou des pièces d'artifice quelconques, etc. » Si, maintenant, on supprime le second paragraphe de l'article 668, il s'ensuivra que les contrevenants à l'article 667, dans le cas d'une première, d'une seconde ou d'ultérieures récidives, ne pourront jamais être punis que de la même peine. Cela n'est évidemment pas logique.

Je proposerai donc la modification suivante au paragraphe 2 de l'article 668 : « En ce qui concerne les contraventions prévues par l'article précédent le juge pourra, dans le cas d'une seconde récidive et de toute récidive ultérieure, prononcer, outre l'amende, un emprisonnement de cinq jours. »

En cas de seconde récidive, l'emprisonnement pourra donc être porté de 3 à 5 jours. Cela me paraît infiniment plus logique.

M. Carlier, rapporteur. - Je crois, nonobstant les raisons que vient d'énoncer M. le ministre de la justice, devoir maintenir la décision prise par votre commission en ce qui concerne la disposition qui se trouve maintenant en discussion. M. le ministre de la justice vient de dire que son observation ne se rapportait en rien aux article 665 et 666, où la première peine comminée n'est qu'une peine pécuniaire. Elle se rapporte donc tout entière à l'article 667, et lorsque j'examine les différents cas repris dans cet article, bien que la commission ait cru nécessaire de comminer un emprisonnement facultatif contre les différentes contraventions que ces faits constituent, je ne crois pas que leur récidive soit tellement grave, qu'on doive mettre à la disposition du juge des pénalités autres que celles qui punissent le fait simple qui se produit pour la première fois.

Veuillez remarquer. messieurs, qu'à l'article. 667 il est dit : « Seront punis d'une amende d'un franc à 10 francs et d'un emprisonnement d'un jour à trois jours, ou de l'une de ces deux peines seulement... » les faits que l'article énumère ensuite.

Eh bien, de cette partie de l'article résulte que le juge a à sa disposition, pour punir les différents faits que l'article prévoit, une pénalité qui peut aller jusqu'à 10 francs d'amende et trois jours d'emprisonnement. Or, quels sont ces faits ?

D'abord, de violer la défense de tirer en certains lieux des armes à feu ou des pièces d'artillerie quelconques ; en second lieu, de glaner, de râteler ou de grappiller dans les champs non encore entièrement dépouillés et vidés de leurs récoltes, ou avant le moment du lever ou après celui du coucher du soleil ; en troisième lieu, d'être entré ou d'avoir passé sur le terrain ou sur une partie du terrain d'autrui, s'il est préparé ou ensemencé ; enfin d'avoir laissé passer sur le terrain d'autrui, des bestiaux ou des bêtes de trait, de charge ou de monture.

Je ne vois dans aucun de ces faits une gravité telle qu'il y ait lieu de comminer une pénalité plus grande que 10 francs d'amende et trois jours d'emprisonnement ; et alors qu'une seconde récidive de ces faits se présenterait, je ne vois pas qu'elle présente une malice, une perversité telle qu'une peine supérieure à 10 francs d'amende ou trois jours d'emprisonnement ou 10 francs d'amende et trois jours d'emprisonnement soit insuffisante. Je crois devoir maintenir la disposition proposée par votre commission.

M. Nothomb. - Je crois devoir appuyer la proposition de M. le ministre de la justice tendante à établir une peine plus forte pour le cas où une première récidive est suivie de récidives ultérieures ; cela me paraît de toute nécessité.

Il est évident que dans le fait d'un individu non corrigé par une première condamnation suivie d'une seconde, qui commet une troisième, une quatrième, une cinquième contravention, il y a un danger pour l'ordre public, et il est nécessaire qu'il y a une pénalité plus forte. Le (page 1175) juge ne sera forcé de l’appliquer dans aucun cas, il ne pourra dépasser les peines de simple police, cinq jours d'emprisonnement au maximum.

Je ne vois là aucune difficulté, et pour l'ordre public je vois de grands avantages. Il est utile de pouvoir arrêter des contraventions de police qui se succèdent et sont le prélude d'infractions beaucoup plus graves.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Nous admettons le principe de la récidive en matière criminelle, en matière correctionnelle et aussi en matière de simple police ; nous sommes sous ce rapport parfaitement d'accord avec la commission ; mais du moment que le principe de la récidive est admis en matière de simple police, il faut que ce principe soit applicable à tous les faits, sous peine d'inconséquence.

Dans le cas qui nous occupe qu'arriverait-il ? Que les faits prévus par les articles 665 et 666, bien que moins graves que ceux prévus par l'article 667, seraient de nature à entraîner des peines plus fortes pour les cas de récidive, tandis qu'aucune aggravation ne serait prononcée contre la récidive dans les cas prévus par l'article 667.

Ainsi les faits prévus par l'article 665 ne sont punis que d'une amende d'un à 10 fr., outre l'amende il peut en cas de récidive être prononcé un emprisonnement d'un à trois jours. L'article 667 punît les faits qu'il prévoit de 1 à 10 fr. d'amende et d'un emprisonnement d'un à trois jours, mais en cas de seconde récidive, ces faits ne pourront même être punis d'une peine supérieure à celle mentionnée aux articles 665 et 666 combinés avec le premier paragraphe de l'article 668.

Les articles 665 et 666 tombent sous l'application du principe de la récidive tandis que l'article 667 n'y tomberait pas, cela n'est pas admissible.

L'honorable rapporteur dit : L'article 667 ne s'applique pas à des faits assez graves pour qu'il soit nécessaire de les punir d'une peine supérieure à celle de 1 à 10 francs d'amende et 1 à 3 jours d'emprisonnement. La preuve du contraire c'est que de l'aveu et de l'assentiment de la commission, on punit d'une peine plus forte les faits énoncés à l'article 667.

Or si les faits prévus par les articles 665 et 666 donnent lieu à l'application d'une peine plus forte en cas de récidive, à plus forte raison doit-il en être de même des faits prévus par l'article 667 qui ont un caractère de gravité de plus.

Je demande donc que la Chambre veuille bien voter mon amendement.

La loi serait tout à fait inconséquents si l'on n'admettait pas une semblable disposition.

M. Savart. - J'appuie fortement la proposition de M. le ministre de la justice tendante à laisser au juge la faculté de prononcer un emprisonnement de cinq jours contre les contrevenants qui, après avoir commis deux fois une des contraventions prévues par l'article 667, ne sont pas corrigés par les deux premières condamnations. s'opiniâtrent dans leurs infractions à la loi et commettent une troisième contravention.

J'appelle l'attention de la Chambre sur le paragraphe 2 de l'article 667 qui inflige une peine contre ceux qui se présentent sur les champs, pour glaner avant l'enlèvement des récoltes.

Dans les environs de certaines villes, de certains bourgs, les champs sont envahis par une multitude de glaneurs rapaces avant l'achèvement de la récolte.

Malgré les efforts du propriétaire de la récolte, on soustrait des épis des javelles tantôt à droite tantôt à gauche.

Si, après une première punition pour ces faits, les glaneurs recommencent à agir contre la loi, ils peuvent être châtiés par trois jours de prison ; si, après leur mise en liberté, les glaneurs se rendent une troisième fois coupables de la même contravention, ils ont bien mérité un emprisonnement de cinq jours.

Je suis l'ennemi des lois trop sévères, mais il est des cas où l'opiniâtreté et la persistance dans la désobéissance aux lois méritent une répression assez forte.

Le cultivateur, après une année de longs travaux, ne doit pas être exposé à perdre une partie des fruits qui lui appartiennent.

Il faut qu'il soit sérieusement protégé contre la tourbe des glaneurs qui sont prêts à devenir maraudeurs lorsqu'ils envahissent les champs non entièrement dépouillés.

L'article que nous discutons ne frappe peut être pas assez fort.

J'insiste donc pour l'adoption de l'article tel qu'il est formulé par l'honorable M. Tesch.

- La discussion est close.

Le paragraphe premier de l'article est mis aux voix et adopté.

Le paragraphe 2, proposé par M. le ministre de la justice, est adopté.

Chapitre II. Deuxième classe

Article 669

« Art. 669. Seront punis d'une amende de cinq francs à quinze francs, les aubergistes, hôteliers, logeurs ou loueurs de maisons ou d'appartements garnis, qui auront négligé d'inscrire de suite et sans aucun blanc, sur un registre tenu régulièrement, les noms, qualités, domicile habituel, dates d'entrée et de sortie de toute personne qui aurait couché ou passé une nuit dans leurs maisons ;

« Ceux d'entre eux qui auraient manqué à représenter ce registre aux époques déterminées par les règlements, ou lorsqu'ils en auraient été requis, aux bourgmestres, échevins, officiers ou commissaires de police, ou aux citoyens commis à cet effet ;

« Le tout sans préjudice des cas de responsabilité mentionnés en l'aricle. 62 du présent Code, relativement aux crimes et aux délits de ceux qui, ayant logé ou séjourné chez eux, n'auraient pas été régulièrement inscrits. »

- Adopté.

Article 670

« Art. 670. Seront aussi punis d'une amende de cinq francs à quinze francs ;

« 1° Ceux qui auront fait ou laissé courir les chevaux, bêtes de trait, de charge ou de monture confiés à leurs soins dans l'intérieur d'un lieu habité.

« 2° Ceux qui auront laissé divaguer des fous ou des furieux étant sous leur garde ou des animaux malfaisants ou féroces ;

« 3° Ceux qui auront excité ou n'auront pas retenu leurs chiens, lorsqu'ils attaquent ou poursuivent les passants, quand même il n'en serait résulté aucun mal ou dommage ;

« 4° Ceux qui, le pouvant, auront refusé ou négligé de faire les travaux, le service, ou de prêter le secours dont ils auront été requis, dans les circonstances d'accidents, tumultes, naufrage, inondation, incendie ou autres calamités, ainsi que dans le cas de brigandages, pillages, flagrant délit, clameur publique ou d'exécution judiciaire. »

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, la commission propose de supprimer le paragraphe 5 du projet du gouvernement, qui est ainsi conçu :

« Ceux qui auront refusé de recevoir, soit les monnaies non fausses ni altérées, soit les billets de banque autorisés par la loi, non contrefaits, ni falsifiés, selon la valeur pour laquelle ces monnaies ou billets ont cours légal en Belgique. »

Je ne puis pas, messieurs, me rallier à la suppression complète de cette disposition. Je pense qu'elle est, en quelque sorte, la sanction du cours qui est donné aux monnaies dans le pays. Elle existe dans notre code et je ne pense pas qu'elle ait jamais donné lieu au moindre inconvénient ; je crois qu'elle en a beaucoup évité.

La commission, messieurs, a supprimé ce paragraphe par parité de voix ; deux membres ont admis la suppression, deux l'ont repoussée, et un membre s'est abstenu. La raison invoquée pour faire disparaître la disposition, c'est qu'elle porterait en quelque sorte atteinte à la liberté des conventions. Pour satisfaire à cette objection, je proposerai de dire :

« Ceux qui en l’absence de conventions contraires auront refusé, etc. »

De cette manière nous sauvegardons complètement la liberté des conventions et nous maintenons la sanction du cours légal des monnaies.

En l'absence d'une disposition de ce genre, nous serions exposés à voir tous les jours des individus, par pur caprice, refuser d'accepter les monnaies légales et forcer le débiteur à faire des offres réelles ; lorsqu'il s'agit de fortes sommes, l'inconvénient ne serait pas très grave, mais lorsqu'il s'agit de petites dettes telles qu'il en est dû parmi les classes ouvrières et dans le petit commerce, le mal serait fort sérieux ; il ne faut pas exposer les ouvriers ou les petits marchands à devoir à chaque instant recourir à un huissier.

Je pense, messieurs, que la nouvelle rédaction que je propose donné satisfaction à ceux qui ont vu dans le paragraphe une atteinte à la liberté (page 1176) des conventions et à ceux qui désirent empêcher le refus capricieux de recevoir en payement les monnaies légales.

M. Pirmez. - Messieurs, je crois que la proposition faite par l'honorable minière de la justice satisfait au vœu de la majorité de la section centrale, en consacrant le principe de la liberté des conventions sur les monnaies. Cependant je désirerais avoir une explication sur la portée de cette proposition.

Est-il bien entendu que dans une convention qui se fait au comptant, comme un achat dans une boutique, par exemple, si au moment de payer on présente des pièces que le marchand ne veut pas accepter, parce qu'il aurait entendu vendre contre d'autres, il n'y aura pas contravention.

Tout ce qui se passe dans cette boutique constitue un tout et par conséquent je crois qu'il faut admettre qu'il entre dans la convention de ne pas recevoir les espèces refusées.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je suis parfaitement de cet avis, le marché serait nul.

M. Pirmez. - Je crois dès lors que la section centrale sera entièrement d'accord avec M. le ministre.

M. Nothomb. - La nouvelle rédaction de M. le ministre de la justice ne s'applique pas sans doute aux billets de banque ? (Non.)

Ainsi, on ne punit pas le refus de recevoir un billet de banque, quand les billets n'ont pas cours forcé. La première rédaction laissait quelque doute à cet égard.

M. Pirmez. - Messieurs, je crois qu'il doit être bien entendu aussi que si même les billets de banque avaient cours forcé, on pourrait convenir de ne pas les recevoir.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, j'ai examiné très attentivement le paragraphe 5. Les billets de banque dans ce moment-ci n'ont pas cours forcé ; il n'y avait donc pas lieu de maintenir dans ce paragraphe les mots « les billets de banque autorisés par la loi » ; ces mois pourraient donner lieu à des équivoques.

Si on donne cours forcé aux billets de banque, il est évident que la loi prendra également les mesures pour assurer ce cours. Si les billets de banque avaient simplement cours forcé et si la loi, décrétant ce cours forcé, ne prohibait pas les conventions contraires, il est évident que les billets de banque tomberaient sous l'application du paragraphe 5.

M. Carlier, rapporteur. - Messieurs, comme l'a très bien dit M. le ministre de la justice, la raison principale qui a engagé une partie de la commission à ne pas adopter la disposition telle qu'elle était dans le projet, c'est l'entrave qui eût été apportée aux conventions. Cette entrave disparaissant complètement, puisqu'il est libre de convenir dans le sens de l'amendement de M. le ministre de la justice, la commission se rallie entièrement à cet amendement.

M. Guillery. - Messieurs, il pourrait se présenter à cet égard des questions graves. Par exemple, je fais un bail dans lequel je stipule que je ne recevrai pas de billets de banque, même ayant cours forcé ; arrive une loi qui donne cours forcé aux billets de banque ; est-ce que cette convention est licite ?

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Oui, si la loi qui donne cours forcé aux billets de banque, se tait à cet égard.

M. Guillery. - Nous admettons aujourd'hui le principe en son entier ; mais d'après les réserves faites par l'honorable M. Pirmez, ne dira-t-on pas, dans ce cas, que la loi a un effet rétroactif ?

M. de Theux. - Messieurs, si on est réduit à donner cours forcé aux billets de banque, la loi stipulera ce qui sera jugé nécessaire, selon les circonstances.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - C’est précisément cette raison qui m'a déterminé à proposer la suppression des mots relatifs aux billets de banque. Je me suis dit : Si l'on doit donner cours forcé aux billets de banque, la législature y pourvoira.

M. Nothomb. - Messieurs, la question soulevée incidemment par l'honorable M. Pirmez est extrêmement grave ; quant à moi, je fais toutes mes réserves sur la solution à lui donner.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - La rédaction proposée laisse la question entièrement intacte.

M. Guillery. - Il est bien entendu que la suppression des mots : « soit les billets de banque autorisés par la loi », a pour effet de laisser à une loi ultérieure le soin de trancher complètement cette question.

- Des membres. - Oui !

M. Guillery. - Ainsi, nous ne touchons en rien à la question qui demeure intacte.

M. Pirmez. - Messieurs, l'interprétation donnée par M. le ministre de la justice est bien claire. Si la loi se borne à donner cours forcé aux billets de banque, il est évident que les conventions antérieures seront respectées.

Pour qu'on admît un résultat contraire, il faudrait qu'un texte formel portât que les billets de banque seront reçus, nonobstant les conventions contraires.

Voilà l'interprétation de notre article. Il ne préjuge rien d'ailleurs sur le mérite des dispositions dont on se préoccupe.

M. Carlier, rapporteur. - Messieurs, je crois que ce point ne peut présenter aucun doute, et je m'étonne que l’honorable M. Nothomb ait pu en émettre. L'honorable membre sait parfaitement qu'en cette matière la loi n'a pas d'effet rétroactif, à moins que la loi ne dise formellement qu'elle veut avoir un effet rétroactif.

Si la loi ordonne purement et simplement que cours forcé sera donné aux billets de banque, elle ne le décidera que pour l'avenir ; si au contraire, la loi entend annuler les conventions antérieures, et donner cours forcé aux billets de banque, nonobstant ces conventions, elle le stipulera.

M. Van Overloop. - Messieurs, j'admets difficilement l'hypothèse qu'indique l'honorable M. Carlier, celle de l'effet rétroactif à donner aux lois par le pouvoir législatif. Le principe de la non rétroactivité des lois tient aux bases de la société, c'est un principe que le législateur doit religieusement respecter. Je fais donc toutes mes réserves. Le pouvoir législatif peut avoir la force de faire des lois rétroactives, mais, en principe, je ne lui en reconnais pas le droit.

M. Carlier, rapporteur. - Je ne propose rien quant à la rétroactivité des lois que nous serions dans le cas de voter ultérieurement ; il est clair que chacun de nous se réserve entièrement la faculté de prononcer ou de ne pas prononcer cette rétroactivité.

- L'article est adopté.

Article 671

« Art. 671. Seront punis d'une amende de cinq francs à quinze francs et d'un emprisonnement d'un jour à quatre jours, ou de l'une de ces deux peines seulement :

« 1° Ceux qui, sans en avoir le droit, seront entrés dans le terrain d'autrui et y auront passé dans le temps où ce terrain était chargé de grains en tuyau, de raisins ou autres fruits mûrs ou voisins de la maturité ;

« 2° Ceux qui auront fait ou laissé passer des bestiaux, animaux de trait, de charge ou de monture, sur le terrain d'autrui, ensemencé ou chargé de récolte, en quelque saison que ce soit, ou dans un bois taillis appartenant à autrui ;

« 3° Les rouliers, charretiers, conducteurs de voitures quelconques ou de bêtes de charge, qui auront contrevenu aux règlements par lesquels ils sont obligés de se tenir constamment à portée de leurs chevaux, bêtes de trait ou de charge, et de leurs voitures, et en état de les guider et conduire ; d'occuper un seul côté des rues, chemins ou voies publiques, de se détourner ou ranger devant toutes autres voitures, et à leur approche, de leur laisser libre au moins la moitié des rues, chaussées, routes et chemins ;

« 4° Ceux qui auront contrevenu aux règlements ayant pour objet, soit la rapidité, la mauvaise direction ou le chargement des voitures ou des animaux, soit la solidité des voitures publiques, le mode de leur chargement, le nombre et la sûreté des voyageurs.

« 5° Ceux qui auront établi ou tenu dans les rues, chemins, places ou lieux publics, des jeux de loterie ou d'autres jeux de hasard ;

« Seront en outre saisis et confisqués, les tables, instruments, appareils des jeux ou des loteries, ainsi que les enjeux, les fonds, denrées, objets ou lots proposés aux joueurs ;

« 6° Ceux qui auront jeté des pierres ou d'autres corps durs ou des immondices contre les maisons, édifices et clôtures d'autrui, ou dans les jardins et enclos ;

« 7° Ceux qui dans les lieux dont ils sont propriétaires, locataires, colons ou fermiers, auront volontairement et sans nécessité tué ou gravement blessé un animal domestique autre que ceux mentionnés à l'article 656.

« 8° Ceux qui auront dérobé des récoltes ou autres productions utiles de la terre, qui, avant d'être soustraites, n'étaient pas encore détachées du sol.

« Si le fait a été commis, soit pendant la nuit, soit à l'aide de voitures ou d'animaux de charge, soit enfin par deux ou plusieurs personnes, il sera puni conformément à l'article 544. »

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il y a lieu d'ajouter au paragraphe 7 certaines dénominations qui ont déjà été introduites dans d'autres articles et de dire : « Ceux qui dans les lieux dont ils sont propriétaires locataires, colons, fermiers, usufruitiers ou usagers, auront volontairement, etc.

(page 1177) M. Nothomb. - Je désire obtenir quelques explications sur le paragraphe premier. Il y est dit : « Ceux qui, sans en avoir le droit, etc., auront chassé ou fait chasser leurs chiens, etc. »

Il s'agit sans doute du fait d'avoir fait passer des chiens.

M. Carlier. - Précisément.

M. Nothomb. - Il faudrait le dire alors.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - S'ils y chassent eux-mêmes, ils font chasser leurs chiens.

M. Nothomb. - Mais s'ils chassent sans en avoir le droit, ils commettent un délit de chasse.

Si sans en avoir le droit vous faites passer un chien sur un terrain pour y chercher le gibier, il y a délit de chasse.

J'avoue que je ne comprends pas le but de la commission. Le projet du gouvernement me paraissait beaucoup plus clair. Je demande des éclaircissements.

Il y a le fait de chasse proprement dit, mais le fait d'avoir fait passer le chien ou d'avoir passé soi-même ne peut être considéré comme délit de chasse.

M. Carlier. - Je crois que la rédaction du projet du gouvernement et la rédaction adoptée par la commission donnent toute satisfaction à l'honorable M. Nothomb.

Une satisfaction plus large pourra encore lui être accordée par la suppression de quelques mots du projet de la commission.

Comme il le pense, la commission n'a pas entendu créer un délit de chasse, elle a voulu simplement entraîner une peine contre les chasseurs qui, en faisant passer leurs chiens dans les récoltes, occasionnent un dommage quelconque.

M. Nothomb. - Sans intention de chasser.

M. Carlier. - Ou en chassant.

M. Nothomb. - Alors ils commettent un délit.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Mais si vous avez le droit de chasser.

M. Nothomb. - Il est dit : « sans en avoir le droit. »

La contravention qui consiste à passer sur le terrain d'autrui est alors absorbée par le délit de chasse.

(erratum, page 1197) Je suppose que le chasseur soit sur un terrain où il a le droit de chasser et qu'il fasse passer son chien sur le terrain à côté.

Ce fait constitue bien une contravention spéciale et c'est celui que la commission a voulu prévoir. Je dois donc insister pour le maintien de cette partie de l'article.

Il reste toujours la distinction, si le chasseur fait passer le chien dans un champ où il n'a pas le droit d'être dans l'intention de faire chercher le gibier, il commet le délit de chasse.

S'il fait passer le chien sans que ce soit pour rechercher le gibier, il n'y a plus qu'une simple contravention, c'est le passage d'un animal dans la récolte, et alors je comprends l'inculpation de simple police. Il faut évidemment supprimer ici le mot « chasser » qui s'appliquerait à toute autre chose.

- Une voix. - C'est clair.

M. Carlier. - Je ne vois pas d'inconvénient à donner satisfaction à l'honorable M. Nothomb, et je propose de dire, « ceux qui sans en avoir le droit y auront passé ou y auront fait passer leurs chiens. »

M. Nothomb. - Sans intention de chasser, y auront fait passer leurs chiens.

M. Carlier. - Il est clair que tout autre chien qu'un chien de chasse peut occasionner les mêmes dégradations, et que ce fait doit être puni comme les dégradations commises par le chien de chasse.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Cet article peut donner lieu à des difficultés qu'il est bon, je pense, de lever.

Autre chose est, à mon avis, le droit de chasser et le droit de passer.

On peut avoir parfaitement le droit de chasser et cependant tomber sous l'application de l'article.

Voici dans quel sens j'entends l'amendement. C'est que ceux qui tout en ayant le droit de chasser sur un terrain, mais n'ayant pas le droit d'y passer, quand ils sont couverts de récolte, se permettent d'y passer ou d'y faire passer leurs chiens, tombent sous l'application du paragraphe premier,

Il n'y aurait donc pas délit de chasse, mais une simple contravention de police.

M. Nothomb. - Mais alors ces mots : « sans en avoir le droit », que signifient-ils ?

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Vous appliquez ces mots au droit de chasse tandis que moi je les applique au droit de passer dans les récoltes.

M. Nothomb. - Effacez les mots : « sans en avoir le droit. »

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je n'y vois pas d'inconvénient.

Il s'agirait simplement alors de maintenir en quelque sorte le paragraphe premier en y ajoutant après les mots : « qui auront passé ou fait passer leurs chiens » ceux-ci : » sans en avoir le droit. »

Ces mots : « sans en avoir le droit » doivent s'appliquer au droit de fouler les récoltes, mais non au droit de chasser, parce que je ne puis pas admettre que celui qui a le droit de chasse sur le terrain d'autrui ait, par cela même, le droit de chasser sur ce terrain quand il est chargé de récoltes.

M. Thibaut. - Au n°6, il est dit : « ceux qui auront jeté des pierres ou d'autres corps durs ou immondices contre les maisons, édifices et clôtures d'autrui, ou dans les jardins ou enclos. »

Il serait bon, je pense, d'y ajouter le mot « voitures ». Il arrive fréquemment, tout le monde le sait, que, dans certains endroits, les voitures sont l'objet de voies de fait, en ce sens que de mauvais garnements jettent soit des pierres, soit des immondices dans ou contre des voitures.

Ce fait est assez grave, me semble-t-il, pour être puni ; je propose, en conséquence, par voie d'amendement, d'ajouter le mot « voitures » au n°6° de l'article 671.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Ce mot « voitures » est très large ; il peut s'appliquer, non seulemeut aux équipages, mais encore aux chariots, aux charrettes et autres véhicules. Or, il est, je crois, dans la pensée de l'honorable M. Thibaut de parler ici des équipages.

M. Thibaut. - Il n'y aurait pas grand inconvénient à entendre ce mot dans son acception la plus large ; mais on pourrait restreindre la disposition aux équipages ; et, pour éviter toute équivoque, on pourrait dire : « voitures suspendues ».

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je ne vois pas d'inconvénient à adopter provisoirement cet amendement ; mais je me réserve de l'examiner encore d'ici au second vote.

M. le président. - Il y a donc trois modifications qui sont proposées. Au paragraphe premier on propose de substituer aux mots « chassé ou fait chasser » les mots « fait passer. » Au n°6° on propose d'ajouter les mots « voitures suspendues. » Et au n° 7° on propose d'ajouter les mots « usufruitiers ou usagers. »

- L'article ainsi modifié est adopté.

Article 672

« Art. 672. La peine de l'emprisonnement d'un jour à quatre jours pourra être prononcée, indépendamment de l'amende, en cas de récidive, pour toutes les contraventions mentionnées au présent chapitre.

« Dans le cas d'une seconde récidive et de toute récidive ultérieure, la peine de l'emprisonnement pourra être prononcée, outre l'amende, pendant sept jours au plus. »

M. le président. - La commission propose de supprimer le second paragraphe, et M. le ministre propose de le maintenir dans les termes suivants :

« En ce qui concerne les contraventions prévues par l'article précédent, le juge pourra, dans le cas d'une seconde récidive et de toute récidive ultérieure, prononcer, outre l'amende, un emprisonnement de sept jours. »

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Cet amendement est conforme à ce que la Chambre vient de décider quant à l'article 668 : Je fais subir à l'article 672 identiquement les mêmes modifications et dans ces mêmes circonstances que celles que la Chambre a adoptées à l'article 668. Les mêmes modifications devront, par la même raison, être apportées à l'article 676.

- L'article 672 ainsi modifié est adopté.

Chapitre III. Troisième classe

Article 673

« Art. 673. Seront punis d'une amende de dix francs à vingt francs :

« 1° Ceux qui, hors les cas prévus par le chapitre III, titre IX, du présent Code, auront volontairement causé du dommage aux propriétés mobilières d'autrui ;

« 2° Ceux qui auront causé la mort ou la blessure grave des animaux ou bestiaux appartenant à autrui, par l'effet de la divagation (page 1178) des fous ou furieux, ou d'animaux malfaisants ou féroces ou par la rapidité, la mauvaise direction ou la chargement excessif des voitures, chevaux, hôtes de trait, de charge ou de monture ;

« 3° Ceux qui, par imprévoyance ou défaut de précaution, auront involontairement causé les mêmes dommages par l'emploi ou l'usage d'armes, ou par jet de pierres ou d'autres corps durs ;

« 4° Ceux qui auront causé les mêmes accidents, par la vétusté, la dégradation, le défaut de réparation ou d'entretien des maisons ou édifices, ou par l'encombrement ou l'excavation, ou telles autres œuvres dans ou près les rues, chemins, places ou voies publiques, sans les précautions ou signaux ordonnés ou d'usage. »

- Adopté.

Article 674

« Art. 674. Seront aussi punis d'une amende de dix francs à vingt francs :

« 1° Les boulangers et bouchers qui vendent le pain ou la viande au-delà du prix fixé par la taxe légalement faite et publiée ;

« 2° Ceux qui auront méchamment enlevé ou déchiré les affiches apposées par ordre de l'administration ;

« 3° Ceux qui dans les lieux appartenant au domaine public de l'Etat, des provinces ou des communes, auront enlevé des gazons, terres, pierres ou matériaux, sans y être dûment autorisés.

M. Hymans. - Je ne vois pas pourquoi on crée, par cet article, une protection spéciale en faveur des affiches apposées par ordre de l'administration.

Les affiches de tout genre me semblent avoir droit à une égale protection.

Ainsi, les affiches électorales, par exemple, sont exposées, dans un moment d'effervescence publique, à être lacérées ou arrachées. Pourquoi ne les protégerait-on pas aussi bien que les affiches apposées par ordre de l'administration ?

Maintenant, comme toutes les affiches, pour pouvoir être apposées, doivent avoir été communiquées à la police, il y aurait, je crois, un moyen bien simple de satisfaire à tous les intérêts en disant : « les affiches apposées par ordre ou avec l'autorisation de l'administration, etc. » De cette manière, tous les intérêts obtiennent une égale protection. Je propose cette modification par amendement.

- Cet amendement est appuyé.

M. Van Overloop. - Une explication sur la portée de cet article me paraît indispensable. Aux termes de l'article 674, on punira d'une amende de 10 fr. à 20 francs ceux qui auront méchamment enlevé ou déchiré les affiches apposées par ordre de l'administration.

Je ne pense pas que cette disposition soit applicable à celui qui aura enlevé une affiche qu'on aurait, sans son consentement, apposée sur le mur de sa maison.

Le cas s'est présenté ; il importe donc de le prévoir ; et je proposerai de dire « ceux qui auront méchamment et sans droit enlevé, etc. » à moins qu'on ne soit d'accord qu'il faut que les affiches soient apposées aux endroits où l'administration a le droit de les apposer.

M. Orts. - Je crois qu'il y a quelque chose à faire dans le sens indiqué par l'honorable M. Hymans, mais sa rédaction laisse à désirer.

Je proposerai une modification qui donnera en même temps satisfaction à l'honorable M. Van Overloop.

Cet honorable membre demande s'il reste permis à un particulier de faire disparaître une affiche apposée sur la porte ou les murs de son habitation sans sa permission. Cela est incontestable.

Ainsi le veut le droit de propriété. Et si l'honorable membre a paru croire que cela avait fait question, cette supposition naît sans doute d'une difficulté qui s'est présentée à propos de l'apposition d'une affiche avec l'administration communale de Bruxelles. Cette circonstance m'a permis de connaître l'incident et je vais l'exposer à la Chambre.

Il s'est rencontré un curé à Bruxelles, qui trouvant mauvais que l'administration communale eût fait apposer une affiche sur le mur de son église, l'a enlevée. Un propriétaire aurait eu incontestablement le droit de la faire disparaître de la porte ou du mur de sa maison.

Mais le curé a été poursuivi et condamné parce que les portes et les murs des églises sont précisément, au nombre des lieux indiqués par la loi pour l'apposition des affiches et parce que les curés ne sont pas propriétaires de leur église. Voilà le fait.

Maintenant, on ne peut admettre, selon moi, la rédaction proposée par M. Hymans : les mots « affiches apposées avec autorisation », feraient supposer qu'on n'est pas en droit d'afficher sans autorisation préalable

Telle n'est pas la loi. Si la loi défendait d'afficher sans autorisation préalable, elle établirait une véritable censure sur un mode d'application de la liberté de la presse. Avant d'afficher, on doit sans doute faire une déclaration préalable à l'autorité pour qu’elle soit avertie et puisse contrôler. On ne peut afficher non plus qu'aux lieux indiqués par l'autorité ou la loi. Mais une mesure préventive serait inconstitutionnelle ; ce serait faire pour l'affiche ce qu'on ferait pour un journal, si on exigeait qu'il fût communiqué à l'autorité avant sa publication et ne pût paraître qu'après autorisation.

Je pense qu'il faut introduire dans l’article une phrase équivalente à celle proposée par M. Hymans, mais plus large ; dire, par exemple : « Ceux qui auront lacéré des affiches apposées dans les lieux à ce destinés par l'autorité. »

On donne ainsi satisfaction à l'honorable M. Van Overloop et à tout le monde, et on ne suppose pas l'établissement d'une censure préventive en matière d'affiches.

M. Pirmez. - Je proposerai la rédaction suivante, qui me paraît plus simple : « Ceux qui auront méchamment enlevé ou déchiré des affiches légitimement apposées. »

Il ne peut évidemment y avoir contravention que si l'apposition ne constitue pas une infraction ou une atteinte à' un droit de propriété ou autre.

C'est ce que l'on est d'accord pour vouloir faire dire à l'article. Le texte que je propose rend cette idée, sans d'ailleurs rien préjuger quant aux conditions de l'apposition.

M. Hymans. - Je me rallie à la rédaction de M. Pirmez.

M. Orts. - Je m'y rallie également.

- L'article, ainsi amendé, est adopté.

Article 675

« Art. 675. Seront punis d'une amende de dix à vingt francs et d'un emprisonnement d'un jour à cinq jours, ou de l'une de ces deux peines seulement :

« 1° Ceux qui se seront rendus coupables de bruits ou tapages nocturnes de nature à troubler la tranquillité des habitants.

« 2° Ceux qui mèneront sur le terrain d'autrui des bestiaux de quelque nature qu'ils soient, et notamment dans les prairies artificielles, dans les vignes, oseraies, houblonnières, dans tous les plants ou pépinières d'arbres fruitiers ou autres, faits de main d'homme ;

« 3° Ceux qui auront vendu, débité ou exposé en vente des comestibles, boissons, denrées ou substances alimentaires gâtés ou corrompus ;

« 4° Ceux qui, sans l'intention frauduleuse exigée par l'article 594, n°1, auront vendu, débité ou exposé en vente des comestibles, boissons, denrées ou substances alimentaires falsifiés ;

« Les comestibles, boissons, denrées ou substances alimentaires gâtés, corrompus ou falsifiés, qui seront trouvés en la possession du coupable, seront saisis et confisqués ;

« S'ils peuvent servir à un usage alimentaire, ils seront mis à la disposition du bureau de bienfaisance de la commune où le délit a été commis ; sinon, le tribunal ordonnera qu'ils seront détruits ou répandus.

« 5° Ceux qui auront de faux poids, de fausses mesures ou de faux instruments de pesage dans leurs magasins, boutiques ou ateliers, ou dans les halles, foires ou marchés.

M. Van Overloop. - Le n°1° porte : « Ceux qui se seront rendus coupables de bruits ou tapages nocturnes de nature à troubler la tranquillité des habitants. »

Le Code pénal actuel porte :

« Les auteurs ou complices de bruits ou tapages injurieux ou nocturnes troublant la tranquillité des habitants. »

Avec la rédaction nouvelle on pourrait donner un charivari, sans tomber sous l'application de la loi.

Je ne vois pas pourquoi on a supprimé le mot « injurieux », je voudrais bien qu'on l'expliquât.

M. De Fré. - Il me paraît que la rédaction du Code pénal de 1810 est plus claire que la rédaction nouvelle ; le Code pénal porte : « Les auteurs de bruits ou tapages nocturnes troublant la tranquillité des habitants » ; la commission propose de dire : « Ceux qui se seront rendus coupables de bruits ou tapages nocturnes de nature à troubler la tranquillité des habitants. »

Sous le Code pénal actuel, il faut avoir troublé la tranquillité ; d'après la nouvelle disposition il suffira qu'un bruit ait été de nature à (page 1179) troubler la tranquillité des habitants sans qu'en réalité elle l'ait été.

La rédaction du Code pénal de 1810 en cela valait mieux.

Je propose de dire « troublant la tranquillité des habitants » au lieu de « de nature à troubler la tranquillité des habitants. »

M. Carlier, rapporteur. - Je répondrai à l’honorable M. Van Overloop en ce qui concerne le point de savoir pourquoi l'article que nous proposons ne parle pas des bruits injurieux ; la commission a pensé que les bruits injurieux étaient suffisamment prévus et réprimés par la disposition de l'article 521.

C'est à raison de cette façon de penser de la commission, que le mot « injurieux » n'a pas été repris dans l'article 675, n°1.

En ce qui concerne l'amendement de M. De Fré, la commission ne croit pas pouvoir s'y rallier ; car l'ancienne rédaction laissait surtout difficile la preuve à fournir du fait constituant la contravention.

Ainsi les bruits ou tapages nocturnes de nature à troubler la tranquillité des habitants sont des bruits ou tapages qui ont pour résultat nécessaire de troubler la tranquillité des habitants.

Ce n'est que lorsque ces bruits ou tapages se présenteraient dans de telles conditions, que le trouble de la tranquillité publique devra nécessairement s'ensuivre, que le juge appliquera la peine édictée par cet article.

Dès lors l'amendement proposé par l'honorable M. De Fré ne me semble pas utile. Il n'y aura jamais application de la peine que lorsqu'il y aura conviction pour le juge que la tranquillité a été réellement troublée, et le juge ne se trouvera pas, avec les termes de l'article proposé par la commission, dans la nécessité d'obtenir la constatation exacte que la tranquillité a été réellement troublée.

Je crois, messieurs, que dans la pratique ce que propose la commission a déjà lieu. Ainsi il n'arrive jamais qu'une condamnation soit prononcée pour un fait de bruit ou de tapage nocturne si ce n'est lorsque le juge de paix s'est enquis si la tranquillité a pu être troublée et non pas si la tranquillité a été réellement troublée.

Le trouble réel serait extrêmement difficile à constater, au contraire la possibilité du trouble est excessivement facile à constater. Par ces motifs, je persiste à maintenir la rédaction proposée par la commission.

M. le président. - Voici l'amendement présenté par M. De Fré :

« Je propose de remplacer les mots de nature à troubler par le mot troublant. »

D'un autre côté M. Van Overloop propose de dire : « tapages injurieux ou de nature à troubler ».

M. Van Overloop. - En présence des explications que vient de donner l'honorable rapporteur, je retire mon amendement .Le fait que j'indique étant prévu par un autre article, mon but est atteint. Je crois que M. le ministre de la justice est d'accord sur ce point avec l'honorable rapporteur.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Sans doute. La commission a indiqué sous l'article 675 pourquoi elle n'ajoutait pas le mot « injurieux ».

M. J. Jouret. - J'avais demandé la parole lorsque j'avais entendu l'honorable M. De Fré donner la préférence au texte du Code de 1810. Je lui avais demandé s'il maintenait également la punition des complices que le projet actuel fait disparaître.

M. De Fré. - Non.

M. J. Jouret. - Dès lors nous sommes d'accord, et je n'ai pas d'autre observation à faire.

M. Hymans. - La rédaction proposée par la commission me paraît aller très loin. Il y a des bruits ou tapages nocturnes qui troublent très sérieusement la tranquillité des habitants ; ainsi les cloches sonnant à onze heures, dans des églises ou couvents ; je connais beaucoup d'habitants dont la tranquillité est troublée par la retraite qui se bat à huit ou neuf heures du soir, sur les places publiques de toutes nos grandes villes. Avec le texte de la commission je ne sais où l'on s'arrêterait.

M. De Fré. - L'honorable M. Carlier a dit qu'aujourd'hui on n'exigeait pas toujours la preuve du trouble. Je crois que c'est une erreur.

Ainsi lorsque quelqu'un est poursuivi du chef de bruit nocturne, on doit faire la preuve que la tranquillité a réellement été troublée. Ainsi lorsque aujourd'hui on a fait des bruits nocturnes à la campagne, dans des lieux non habités, le prévenu est acquitté ; mais, avec la rédaction actuelle, l'acquittement ne pourra plus avoir lieu, parce qu'il suffira que le bruit soit de nature à troubler la tranquillité publique.

M. Carlier. - La tranquillité des habitants.

M. De Fré. - Evidemment.

M. Carlier. - Vous parlez de lieux inhabités ?

M. De Fré. - Il est certain qu'aujourd’hui le juge de paix doit constater le trouble quoique la loi l’exige.

La loi ne l'exigera plus, et si vous ne changez pas la disposition actuelle quant à l'esprit, conservez les termes qui sont parfaitement clairs.

M. Thibaut. - Je désirerais que la commission voulût bien nous dire si dans le 2° de cet article sont comprises les prairies naturelles. On donne une protection aux prairies artificielles. Mais on pourrait, en raisonnant a contrario, prétendre que les prairies naturelles ne sont pas l'objet de la protection accordée par l'article. Il me paraît qu'on pourrait supprimer le mot « artificielles. »

M. Carlier, rapporteur. - Messieurs, cette énumération a été prise dans l’article 24, titre II, du Code rural ; et nous avons respecté la disposition bien plus parce que nous prenions le texte complet d'une loi ancienne qu'à raison de son utilité particulière.

Je crois en effet, surtout après la discussion qui vient d'avoir lieu et l'indication des intentions du la Chambre, qu'on pourrait supprimer les mots « et notamment dans les prairies artificielles, dans les vignes, oseraies, houblonnières, dans tous les plants ou pépinières d'arbres fruitiers ou autres, faits de main d'homme. » Le mot « terrain d'autrui » a une signification assez large.

Il suffit que le procès-verbal de la Chambre mentionne son intention pour que le mot « terrain » suffise.

M. Muller. - Je présenterai, à mon tour, une observation sur la disposition dont vient de s'occuper l'honorable préopinant, en demandant quelle est la portée de l’énumération qui termine le paragraphe 2. En lisant que ceux qui mènent sur le terrain d'autrui des bestiaux commettent une contravention, on doit naturellement supposer, d'après les termes que je viens de rappeler, que la défense est absolue, pourquoi donc ajouter : « et notamment dans les prairies artificielles, dans les vignes, oseraies, houblonnières, dans tous les plants ou pépinières d'arbres fruitiers ou autres, faits de main d'homme » ?

L'article, dans l'esprit de la commission et des rédacteurs, ne serait-il pas complet en supprimant toute cette dernière énumération, ou bien, faut-il y attacher une signification spéciale dont je ne me rends pas bien compte, à défaut d'éclaircissements ?

En résumé, que veulent dire les mots : « et notamment » venant à la suite d'une interdiction absolue de mener des bestiaux sur le terrain d'autrui ?

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je pense que la raison qui a fait admettre la rédaction dans la loi, c'est qu'il est certains terrains sur lesquels il est d'usage de mener paître des bestiaux, tandis que quant aux terrains indiqués, tels que vignes, oseraies, etc., cet usage ne peut jamais être toléré. Ainsi dans les campagnes, il est d'un usage général de mener les bestiaux, même en troupeaux communs, sur les terrains qui sont en jachère ; de même aussi, à certains époques de l'année, lorsque toutes les prairies sont dépouillées, après la deuxième herbe, on laisse pâturer partout.

On a voulu jusqu'à un certain point respecter ces usages, en énumérant les terrains auxquels ils ne s'appliquent jamais ; c'est un texte ancien et je crois que nous ferions mal de le supprimer.

M. Nothomb. - Je voulais faire, messieurs, les mêmes observations que vient de présenter M. le ministre de la justice. Je crois, comme lui, que la loi de 1791 a voulu désigner spécialement certains terrains qui de leur nature ne peuvent pas être parcourus par les animaux. D'un autre côté, la loi fonctionne depuis plus de 60 ans, elle est parfaitement comprise et elle n'a donné lieu à aucun inconvénient.

M. Muller. - Il me semble, messieurs, que les explications données par M. le ministre de la justice, restreignent le sens grammatical de la première partie de l'article, qui défend de conduire sur lus terrains d'autrui, sans distinguer, des bestiaux de quelque nature qu'ils soient.

M. le ministre admet une tolérance, qui est passée dans les usages. Mais, dans ce cas, la fin du paragraphe ne se concilie guère avec le commencement, et les mots « et notamment », devraient être modifiés, pour que la disposition fût claire.

Je n'insiste pas, au surplus, après avoir entendu l'observation faite par M. le ministre de la justice, qui depuis un grand nombre d'années l'article n'a pas donné lieu à des contestations. Mais vous conviendrez avec moi, messieurs, qui tout en se bornant à ne mener des bestiaux sur le terrain d'autrui que conformément aux usages généralement admis, on pourrait s'exposer à encourir une pénalité d'après la première partie du paragraphe qui n'établit aucune distinction entre les différentes cultures ou situations de terrains.

(page 1180) M. de Theux. - Il me semble, messieurs, que le premier membre de l'article est limité par le second.

Ainsi que l'a dit M, le ministre de la justice, il y a des tolérances, et les propriétaires qui n'admettent pas ces tolérances placent sur leurs terrains certains signes pour indiquer qu'il est défendu d'y pénétrer. Je ne pense donc pas qu'il faille rendre la disposition pénale applicable dans tous les cas, indépendamment de la faculté qu'a le propriétaire de réclamer des dommages intérêts si le parcours des animaux sur son terrain a causé préjudice.

M. Carlier, rapporteur. - Messieurs, la commission ,en proposant cet article, n'a voulu porter aucune atteinte au droit que pourraient avoir certaines personnes de faire paître leurs animaux sur tout ou partie des terrains d'autrui, par exemple après l'enlèvement de la première herbe ou de la première récolte. Je ne pense pas que pour cela la première partie de la disposition cesse d'avoir son effet. Quand nous avons dit : Ceux qui mèneront des bestiaux sur le terrain d'autrui, nous avons entendu parler de ceux qui le feraient sans en avoir le droit, sans y être autorisés par l'usage.

La première partie de l'article conserve donc toute sa force, nonobstant l'énumération qui vient ensuite. C'est ainsi, messieurs, qu'on a entendu l'article quand on l'a fait passer dans le Code de 1810, et plus tard quand ou l'a fait passer dans le Code français de 1832.

M. Thibaut. - Messieurs, le principe de l'article c'est qu'on ne peut pas mener des animaux, de quelque nature qu'ils soient, sur le terrain d'autrui.

Maintenant il y a une énumération, mais je ne crois pas qu'elle soit restrictive. Revenons donc à ma première observation ; je pense que les prairies naturelles sont aussi une de ces propriétés qui méritent une protection spéciale, et c'est pour cela que j'aurais voulu qu'on supprimât le mot « artificielles ».

Je n'insiste pas, mais je constate que personne n'a soutenu que les prairies naturelles ne méritent pas la même protection que -les prairies artificielles.

M. Moncheur. - Messieurs, il y a un vice de rédaction dans l'article. D'après le texte qui nous est soumis les mots « de quelque nature qu'ils soient » se rapportent aux bestiaux tandis, que, d'après l'esprit de la disposition, ces mots doivent se rapporter aux terrains. (Interruption.)

S'ils se rapportaient aux bestiaux, alors l'observation de l'honorable M. Muller ne me paraît pas fondée, lorsqu'il dit que la seconde partie de l'article détruit la première, puisque celle-ci défend d'introduire des animaux sur les terrains d'autrui de quelque nature que soient ces terrains, et que la seconde partie fait une énumération essentiellement limitative de certains terrains.

M. Muller. - Je ne crois pas avoir dit, messieurs, que l'énumération qui termine le paragraphe, en détruisait complètement la première partie, mais seulement que la première partie contenait la défense absolue de mener des bestiaux sur le terrain d'autrui, qu'il y avait dans mon esprit des doutes sur le caractère de l'énumération venant à la suite. Etait-elle restrictive ou simplement énonciative ? Voilà ce que je désirais savoir.

Maintenant, des explications données il résulte qu'on veut laisser subsister ce qui a été jusqu'ici une tolérance, ce qui ne constitue pas proprement un droit, la faculté de parcourir certains terrains, par exemple ceux qui sont dépouillés de leurs récoltes.

Mais encore une fois, si l'on appliquait d'une manière sévère votre disposition, des condamnations pourraient être prononcées contre des gens n'ayant fait que ce que la commission entend tolérer. Il est déjà arrivé, si mes souvenirs sont exacts, que des procès ont été intentés avec succès par des propriétaires qui se refusaient à laisser jouir leurs voisins de la faculté de laisser parcourir par des bestiaux leurs terrains après l'enlèvement des récoltes.

M. de Theux. - L'article pose d'une manière absolue que pour les terrains cultivés, le passage des bestiaux est interdit sous les pénalités comminées par la loi. Il y a ensuite une énumération, mais cette énumération n'exclut pas d'autres terrains dont le parcours par les bestiaux peut causer préjudice au propriétaire. On peut porter préjudice à des prairies naturelles.

Ainsi, par exemple, quand une prairie artificielle est à l'état d'arrosage, il est évident que le parcours des bestiaux sur cette prairie nuit à cette opération. Il en est de même, quand le pacage a lieu dans une saison extrêmement humide.

Messieurs, il faut laisser aux juges la faculté d'apprécier les circonstances.

M. Orts. - Messieurs, nous discutons sur un assez singulier terrain. L'honorable rapporteur de la commission trouve que la disposition qu'il défend est satisfaisante parce qu'elle se borne à reproduire la disposition législative en vigueur ; d'autres honorables membres ne sont pas de son avis et la critiquent dans ses termes.

Tout le monde est ici dans l'erreur, par suite peut-être d'une faute d'impression. La disposition législative antérieure est l'article 24 de la loi rurale du 19 octobre 1791.

Or, cet article est rédigé de manière à donner satisfaction aux honorables MM. Muller et de Theux, et ne ressemble pas du tout au texte imprimé dans le projet de la commission comme la copie exacte, de sorte que ce que nous avons à faire pour mettre tout le monde d'accord, c'est de rétablir le véritable texte à la place du texte tronqué.

Voici l'article vrai :

Art. 24. Il est défendu de mener sur le terrain d'autrui des « bestiaux d'aucune espèce et en aucun temps dans les prairies artificielles, dans les vignes, etc., etc., dans tous les plants ou pépinières d'arbres fruitiers ou autres faits de main d'homme. »

Ce qui veut dire non pas qu'il est défendu de mener jamais des bestiaux sur le terrain d'autrui ; mais qu'en aucun temps il n'est permis de le faire sur un terrain que la main de l'homme a couvert de plantations.

La vaine pâture est en un mot maintenue là où ce droit existe. Je demande que le paragraphe 2 soit renvoyé à la commission pour qu'elle fasse la besogne de correction que je viens d'indiquer.

- La discussion est close sur l'article 675 et les amendements.

L'amendement de M. De Fré, au n°1° de l'article est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

Le n°1° du projet de la commission est ensuite mis aux voix et adopté.

Le n°2° est renvoyé à la commission.

Les n°3°, 4°, 5°, sont ensuite mis aux voix et adoptés.

Chapitre IV. Quatrième classe

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je demande que l'intitulé « quatrième classe » soit remplacé par les mots : « Contraventions de la quatrième classe », et qu'on apporte le même changement aux chapitres I, II et III de manière que les intitulés seraient respectivement : « Contraventions de la première classe, contraventions de la deuxième classe et contraventions de la troisième classe. »

- La proposition de M. le ministre de la justice est mise aux voix et adoptée.

Article 667

« Art. 677. Seront punis d'une amende de quinze francs à vingt-cinq francs et d'un emprisonnement d'un jour à sept jours, ou de. l'une de ces deux peines seulement :

« 1° Les gens qui font métier de deviner et de pronostiquer, ou d'expliquer les songes. Seront saisis et confisqués les instruments, ustensiles et costumes servant ou destinés à l'exercice du métier de devin, pronostiqueur ou interprète des songes.

« 2° Ceux qui auront volontairement dégradé des clôturés urbaines ou rurales, de quelques matériaux qu'elles soient faites ;

« 3° Ceux qui, sans y avoir été autorisés par la police, auront fait le métier de crieur ou afficheur d'écrits, imprimés, dessins ou gravures, même munis des noms d'auteur, imprimeur, graveur ou dessinateur ;

« 4° Les auteurs de voies de fait ou violences légères, pourvu qu'ils n'aient blessé ni frappé personne, et que les voies de fait n'entrent pas dans la classe des injures ; particulièrement ceux qui auront volontairement, mais sans intention de l'injurier, lancé sur une personne un objet quelconque de nature à l'incommoder ou à la souiller ;

« 5° Celui qui aura volontairement et sans nécessité tué ou grièvement blessé, soit un animal domestique autre que ceux mentionnés à l'article 656, soit un animal apprivoisé, dans un lieu autre que celui dont le maître de l'animal ou le coupable est propriétaire, locataire ou fermier ;

« 6° Ceux qui, par défaut de précaution, auront involontairement détruit ou dégradé des fils, poteaux ou appareils télégraphiques. »

M. Guillery. - Messieurs, le n°1° de l'article 677 punit les gens qui font métier de deviner, de pronostiquer ou d'expliquer les songes. J'avoue que je ne comprends pas très bien l'utilité d'une pareille disposition, bien qu'elle soit empruntée au Code de 1810. S'il y a des gens assez malins pour deviner et pour pronostiquer, et il y en a beaucoup qui se piquent de pouvoir le faire, je ne vois pas à cela grand mal.

Quant à expliquer les songes, ce n'est certes pas une industrie (page 1181) nouvelle qui appartienne à notre siècle corrompu. Si quelqu’un pouvait expliquer les songes avec autant de bonheur qu'on le faisait autrefois, le traduirait-on devant le tribunal de simple police ?

La peine est assez forte, car il s'agit d'une amende de 15 à 25 francs, d'un emprisonnement d'un jour à 7 jours, et de la confiscation des instruments, ustensiles et costumes servant ou destinés à l'exercice du métier de devin, pronostiqueur ou interprète des songes.

Ainsi voilà un malheureux ou un homme qui n'est pas malheureux du tout, qui prétend être magnétiseur, qui prétend pronostiquer ce qui vous arrivera demain, ce qui arrivera dans un an, peut-être dans la vie future ; les voilà tombant sous l'application du Code pénal, condamnés à 7 jours d'emprisonnement et leurs costumes même saisis par la police.

D'après cet article, mademoiselle Lenormand devrait être traduite devant le tribunal de simple police car elle est connu de tout le monde qu'elle a prédit le divorce de Napoléon. Elle a reçu la visite de l'empereur Alexandre, à l'égard duquel elle s'est livrée au métier de pronostiquer l'avenir.

M. Orts. - Elle a été condamnée par le tribunal correctionnel de Louvain.

M. Guillery. - Y eût-il des condamnations encore plus importantes, je ne verrais pas l'utilité qu'il y aurait de maintenir l'article.

Certainement il faut empêcher l'escroquerie, qui est punie par d'autres dispositions du Code pénal, et si c'est le fait d'extorquer de l'argent qu'on veut atteindre, il faudrait le mentionner.

Mais l'article punit simplement le fait de deviner et de pronostiquer ou d'expliquer les songes.

Il me paraît que c'est là une industrie innocente à laquelle il faut laisser toute la liberté possible.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Ce paragraphe n'est que la reproduction d'une disposition qui existe dans le Code pénal actuel. C'est l'article 477, paragraphe 7.

Il est incontestable que c'est l'exploitation de la crédulité publique et pas autre chose. C'est un fait très illicite. Ce n'est pas le punir trop sévèrement que de le frapper d'une amende de 15 à 25 francs et d'un emprisonnement d'un à sept jours.

Il est évident que c'est en définitive un moyen de faire des dupes. Je ne trouve pas cela aussi innocent que veut bien le dire l'honorable Guillery, et je crois que la peine prononcée l'est à très juste titre et qu'elle sera très justement appliquée.

M. Orts. - Je suis parfaitement d'avis, comme le disait l'honorable M. Guillery, que quand des devins, des pronostiqueurs ou des interprètes de songes commettront une escroquerie, on les punisse, mais comme escrocs.

S'ils se bornent à deviner et à expliquer les songes à ceux qui veulent leur payer quelque chose pour cette besogne puérile, s'ils n'emploient aucune espèce de manœuvre frauduleuse pour faire croire à un pouvoir chimérique, je ne vois pas pourquoi on les punirait plus que bien d'autres.

Veut-on punir, soit. Mais alors pas de privilège en fait de sorciers. Je demande, si on maintient l'article, qu'on y inscrive aussi : 1° Les magnétiseurs qui indiquent la manière de trouver une chose perdue.

C'est un métier qui se pratique tous les jours à Bruxelles.

2° Ceux qui évoquent les tables tournantes et les esprits frappeurs pour faire converser les vivants avec les grands personnages des siècles passés et les morts, et toujours, remarquez-le bien, moyennant finance.

3° Ceux qui font métier de découvrir des sources, des trésors et des mines avec la baguette de coudrier.

J'en ajouterais encore bien d'autres si je ne croyais en avoir assez dit pour prouver que cet article n'a pas de raison d'être. Autre motif, c'est encore là une de ces dispositions de loi qu'on n'applique pas.

J'ai vu dans les fêtes publiques, dans des locaux consacrés à l'amusement du public, des sorciers et des devins de toutes sortes, disant la bonne aventure à Bruxelles même.

A Paris il y en a dans tous les casinos, les bals et tous les lieux fréquentes par fa foule.

M. le ministre de la justice doit connaître Paris. Il doit connaître, au moins d'ouï-dire, le sorcier du jardin Mabile, que la police de Paris laissait parfaitement fonctionner. La police de Paris avait raison, faisons comme elle.

M. Hymans. - Messieurs, si j'insiste, après ce que vient de dire l'honorable M. Orts, c'est parce qu'il me semble qu'il y a dans cette disposition une véritable atteinte portée à la liberté des professions. (Interruption).

Ce que je dis est très sérieux, et si on devait punir tous ceux qui font métier d'exploiter la crédulité publique, je ne sais pas où l’on s’arrêterait.

On exploite la crédulité publique à la bourse.

On l'exploite dans les assemblées politiques.

On l'exploite sur le seuil des églises.

Les devins, les pronostiqueurs et ceux qui expliquent les songes pour 5 ou 10 centimes dans une foire de campagne ne sont pas plus coupables que ceux qui colportent dans les rues des morceaux de la vraie croix ou des médailles bénites à Saint-Hubert. C'est pour moi exactement la même chose. (Interruption.)

Qu'on prenne des mesures en cette matière, je le comprends lorsqu'un de ces individus aura porté préjudice à quelqu'un. Qu'on le punisse, mais qu'on ne prenne pas de mesures préventives. Or les mesures inscrites dans cet article du Code pénal ne sont pas autre chose que des mesures préventives de la liberté des professions.

Après avoir frappé ceux qui font métier de deviner et de pronostiquer ou d'expliquer les songes, on frappe plus loin, ceux qui, sans y être autorisés, font le métier de crieur ou afficheur d'écrits, imprimés, dessins ou gravures, parfaitement licites.

J'avoue que je ne puis, pour ma part, trouver un délit dans un tel fait.

Je ne sais pas, encore une fois, où l'on s'arrêtera dans l'application d'une pareille loi. On l'appliquera dans les foires de villages ! L'appliquera-t-on dans les maisons particulières, l'appliquera-t-on dans les palais ?

Mais il n'y a pas bien longtemps qu'un homme faisant profession de deviner, de pronostiquer et d'expliquer des choses bien plus extraordinaires que des songes, car c'étaient des choses qui n'existaient pas, a donné des représentations dans les soirées particulières les plus recommandables de la capitale, dans des maisons particulières et même à la cour, où l'élite de la soirée bruxelloise et de la Chambre a été conviée ; ces représentations étaient données par un individu qui exerce adroitement le métier de devin.

Cet individu exerce son état dans des lieux qui ne sont pas publics. Le punirez-vous ? Evidemment non !

Vous voyez donc que la peine est inapplicable et que le délit est une question de circonstances.

Cela suffit pour que la peine ne reste pas inscrite dans un code qui doit être une œuvre sérieuse. Je propose donc la suppression du paragraphe premier.

M. Carlier, rapporteur. - Parmi les dispositions qui dans le Code sont destinées à réprimer la mauvaise foi et l'abus de confiance, nous avons celles qui ont déjà été votées par la Chambre en ce qui concerne, d'une part, l'escroquerie et, d'autre part, l'abus de confiance.

La composition que votre commission propose d'adopter en ce moment et qui se trouve combattue par les orateurs que vous venez d'entendre n'est qu'une reconnaissance du système que vous avez dû adopter en votant les dispositions que j'ai signalées tout à l'heure. Ce sont celles relatives à l'abus de confiance et à l'escroquerie.

Il est évident qu'appliquer au petit devin de village, à celui qui sur une foire ou un marché se prépare à léser dans une proportion extrêmement légère de pauvres paysans qui l'écoutent attentivement, la peine qui frappe l'escroquerie et l'abus de confiance, ce serait user d'une sévérité outrée, ce serait pousser la punition si loin que les juges hésiteraient à en faire l'application.

C'est en vue d'épargner à l'auteur de cette escroquerie infime, si minime, des pénalités graves que l'on vous propose, dans le paragraphe premier de l'article 677, de frapper d'une peine légère le fauteur d'une contravention qui consiste à tester la confiance publique, que dis-je, à la tenter ? A l'abuser bien plus vivement, puisque nous sommes d'accord que c'est un véritable abus contre la confiance publique que la contravention dont je parle maintenant.

Dans ces conditions, il est indispensable de maintenir la partie de l'article dont je m'occupe en ce moment. A supposer un instant que cette partie d'article disparaisse, qu'adviendra-t-il ?

Evidemment on aura rejeté de notre code une disposition qui, à certains moments, ne sera qu'une disposition préventive ; mais on ne pourra pas biffer les articles relatifs à l'escroquerie et à l'abus de confiance, et il arrivera que lorsque la contravention dont il est ici question se présentera, même dans des limites extrêmement modérées, (page 1182) même pour un lucre extrêmement minime, on sera forcé d'en venir à l'application de pénalités beaucoup plus graves dont je parlais tout à l'heure. On n'aura donc pas atténué, mais singulièrement aggravé la position de ceux qu'on semble défendre en ce moment. Au lieu de les considérer comme de simples contrevenants, on devra les considérer comme des auteurs de délits, les punir comme tels. Je crois donc qu'il y a lieu de maintenir cette disposition et de la voter dans les termes proposés par la commission.

M. Guillery. - Cette manière de venir au secours des malheureux dont on parle, me semble extrêmement peu attrayante pour eux. Je trouve que le meilleur moyen de leur témoigner de l'intérêt, c'est de supprimer l'article. Il y a très loin de l'application de l'article soumis en ce moment à la Chambre, à l'application des dispositions pénales auxquelles on fait allusion. Ils n'est pas dit du tout que les personnes qui s'exposent à l'application de cet article continueront jusqu'à l'escroquerie le métier qu'elles font. Le fait dont il s'agit ici est parfaitement innocent en soi, et je défie bien les juges de décider les questions qui leur seront soumises. C'est là ce qu'il y a de mauvais dans cette disposition, c'est qu'elle appelle la justice à juger des choses qui devraient être laissées dans le domaine de l'appréciation de chacun.

Ainsi, il y a des personnes, il y a des juges qui croient au magnétisme, d'autres qui n'y croient pas ; les uns acquitteront, les autres condamneront. Laissez donc chacun apprécier à sa façon les effets du magnétisme ; laissez chacun croire aux pronostics ou en rire. Il est des personnes qui croient aux miracles ; il en est d'autres qui n'y croient pas ; laissez à chacun sa foi et sa croyance. Dans le domaine du surnaturel on peut aller très loin. Je n'attaque aucune croyance ; je ne veux rien réprimer. Je veux laisser chacun prêcher sa doctrine ; et si un homme croyant au magnétisme vient, au moyen du magnétisme, pronostiquer un fait quelconque, que trouvez-vous là de répréhensible ? Quel mal trouvez-vous à ce que, dans une foire, par exemple, un individu pronostique des maris aux jeunes filles et des millions à leurs fiancés ?

M. le président. - L'amendement de M. Orts consiste à ajouter après « Les gens qui font métier de deviner ou de pronostiquer, ou d'expliquer les songes ».... les mots « de prédire l'avenir ou d'évoquer le passé, de découvrir les trésors, les choses perdues, enfouies ou cachées. »

M. Orts. - Je tiens à faire remarquer que mon amendement n'a de raison d'être que si le paragraphe premier de l'article est adopté.

Si ce paragraphe était rejeté, ce que je désire de tout cœur, je retirerais immédiatement mon amendement.

M. le président. - Il y aurait donc lieu de procéder par division et de voter d'abord sur le paragraphe premier.

- Plusieurs voix. - Oui ! oui ! l'appel nominal !

- Il est procédé à l'appel nominal sur le premier paragraphe de l’article 677.

59 membres y prennent part.

37 adoptent le paragraphe.

22 le rejettent.

En conséquence, le paragraphe premier est adopté. Ont voté pour :

MM. Nothomb, Orban, Pirmez, Rodenbach, Rogier, Snoy, Tesch, Thibaut, Vander Donckt, Van Iseghem, Van Overloop, Verwilghen, Vilain XIIII, Allard, Braconnier, Carlier, de Bronckart, de Gottal, de Haerne, De Lexhy, de Mérode-Westerloo, de Montpellier, de Moor, de Paul, de Pitteurs-Hiegaerts, de Ruddere de Te Lokeren, de Terbecq, de Theux, Devaux, Faignart, Frère-Orban, J. Jouret, Landeloos, J. Lebeau, Moncheur, Moreau et Nélis.

Ont voté contre : MM. Orts, Saeyman, Savait, E. Vandenpeereboom, Van Humbeeck, David, de Boe, Dechentinnes, De Fré, De Maere, de Naeyer, de Renesse, Grosfils, Guillery, Hymans, Jacquemyns, Julliot, Laubry, Loos, Mouton, Muller et Vervoort.

M. le président. - Maintenant vient l'amendement de M. Orts.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - J'avoue qu'il me serait bien difficile de me prononcer à première vue sur cet amendement ; il renferme entre autres une expression que je ne comprends pas. Qu'entend-on par évoquer le passé ?

M. Orts. - Cela s'applique aux esprits frappeurs.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je demande que l'amendement soit imprimé et que la Chambre ne .se prononce pas immédiatement.

- Plusieurs membres. - A demain !

- La séance est levée à 4 heures trois quarts.