(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1860-1861)
(page 1140) (Présidence de M. Moreau, deuxième vice-président.)
M. de Moor, secrétaire, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. de Boe donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.
- La rédaction en est approuvée.
M. de Moor présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre.
« Les sieurs Deliége et Groulard font connaître que si le gouvernement voulait renoncer à la construction de l'embranchement destiné à relier la ville de Diest au réseau du chemin de fer de l'Etat et leur allouer les deux millions qu'il demande, ils exécuteraient la ligne entière de Louvain à Hasselt par Diest ; ils déclarent en outre que si le gouvernement était disposé à concéder la ligne directe de Bruxelles à Louvain, ils offrent de construire la ligne entière de Bruxelles à Hasselt par Cortenberg, Louvain et Diest, à la condition que l'Etat exploiterait lui-même la ligne de Bruxelles à Louvain et leur abandonnerait la moitié de la recette brute de cette dernière ligne. »
M. Guillery. - La pétition dont on vient de faire l'analyse concerne le chemin de fer de Bruxelles à Louvain, qui a été plusieurs fois promis par le gouvernement ; on offre de le construire à des conditions avantageuses pour le trésor public ; je demande le renvoi de cette pétition à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi de travaux publics.
- Cette proposition est adoptée.
« Le sieur de Tollenaere, pharmacien à Rousbrugge-Haringhe, présente des observations sur le projet de loi relatif à la police et à la discipline médicales. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.
« Des habitants d'Avelghem demandent la construction d'une route d'Avelghem à Otteghem. »
M. H. Dumortier. - La Chambre pourrait renvoyer cette proposition à la section centrale chargée d'examiner le budget des travaux publics. J'en fais la proposition.
- Cette proposition est adoptée.
« Les membres du conseil communal de Houdeng-Goegnies prient la Chambrede comprendre dans le projet de loi relatif à l'exécution de travaux d'utilité publique, la concession d'un chemin de fer de Houdeng-Goegnies à Jurbise par le Roeulx et Soignies.
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.
« Le conseil communal de Putte demande que le concessionnaire d’un chemin de fer de Louvain à Herenthals soit tenu de suivre le tracé par Heyst-op-den-Berg et prie la Chambre de décréter la construction aux frais de l’Etat d’un embranchement partant du chemin de fer à Malines et allant rejoindre la voie principale à la hauteur d’Heyst. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif à l'exécution des travaux d'utilité publique.
« Les employés inférieurs de l'administration provinciale de la Flandre orientale demandent que leur position soit améliorée. »
- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le budget de l'intérieur.
« Le sieur Cosse, instituteur à l'école gardienne de Fleurus, prie la Chambre de lui faire restituer l'enseignement du catéchisme et demande un subside ou une pension. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Henri Hubert Janssen, garde magasin au service des fourrages militaires en récrie de la place à Liège, né à Masniel (partie cédée du Limbourg), demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi au ministre de la justice.
M. Vanden Branden de Reeth (pour une motion d’ordre). - Des devoirs de famille m’ayant appelé chez moi hier, j'avais quitté la séance à quatre heures et demie, pensant qu'on ne voterait pas dans cette séance. Le vote ayant eu lieu en mon absence, je tiens à déclarer que si j'avais pu y prendre part, j'aurais voté pour le crédit demandé.
M. H. Dumortier. - Nous nous attendions, après le vote sur le crédit demandé pour l'artillerie et le matériel du génie, à avoir à discuter le traité de commerce avec la France. On a répandu, au sujet de ce traité, les bruits les p'us divergents.
A plusieurs reprises on a annoncé que le traité était conclu, ensuite on a démenti ces assertions, et en dernier lieu certains journaux ont affirmé que l'ancien traité était de nouveau prorogé pour six mois.
Je demanderai si, au milieu de ces bruits contradictoires, le gouvernement ne jugerait pas utile de faire à la Chambre quelque communication ; les relations commerciales du pays et celles de l'arrondissement que j'ai plus particulièrement l'honneur de représenter sont entravées par l'incertitude où l'on se trouve concernant cet important objet. Cependant je n'entends pas faire une proposition qui pourrait peut-être porter préjudice aux négociations entamées ; je laisse volontiers, aux membres du cabinet l'appréciation de la question de savoir si le gouvernement peut faire quelque communication dans l'intérêt de nos relations commerciales.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je ne pense pas, que dans l'état actuel des choses, le gouvernement puisse donner des explications sur les négociations ouvertes avec le gouvernement français. Toutefois je puis dire que le» bruits dont parle l'honorable préopinant sont inexacts ; le traité actuel n'a pas été prorogé pour six mois, les négociations engagées continuent.
M. le président. - La discussion générale est ouverte.,
M. E. Vandenpeereboom. - Messieurs, je viens appuyer le projet présenté par le gouvernement.
Vous aurez remarqué que ce projet de loi a été rejeté, en section centrale, par parité de voix, 2 contre 2, un membre s'étant abstenu et 2 membres étant absents.
Cette décision est valable, comme toutes celles qui ont lieu, quand on est en majorité, en section centrale.
Cependant, je suis autorisé à dire que des deux membres absents l'un, l’honorable M. J. Lebeau, retenu par une indisposition, était favorable au projet, et que l'autre, l'honorable M. De Fré, empêché par des circonstances majeures, indépendantes de sa volonté, était aussi prêt à voter le projet ; de sorte que, si ces deux honorables membres avaient été présents, le résultat eût été tout autre ; je ne fais cette remarque qu'en passant.
Vous aurez aussi remarqué, en prenant lecture du rapport, rédigé avec tant de soin par l'honorable M. Guillery, quelle hésitation l'honorable rapporteur a éprouvée, en communiquant à la Chambre ce résultat. Il s'est rapporté, pour ainsi dire, à la sagesse de la Chambre, et il est disposé lui-même à reconnaître toute l'importance qui se rattache à ce projet.
Il dit, en débutant : « Tout ce qui touche à l'organisation des tribunaux a droit à votre bienveillante sollicitude : assurer une bonne administration de la justice, faciliter aux magistrats l'exercice de leur haute mission, c'est servir les intérêts les plus précieux de la société. »
Je suis tellement convaincu de la vérité de ces grands principes que je vais appuyer par quelques considérations mon opinion favorable au projet de loi, et ainsi prouver pratiquement ma sympathie pour le pouvoir judiciaire.
Je commencerai par dire que l'honorable M. Guillery a cité quelques chiffres qui, je pense, sont exacts et qui semblent, à première vue, contraires au projet présenté par le gouvernement, parce que le rapporteur ne tient pas compte d'autres éléments. Mais j'ai fait aussi une statistique, et celle-là me paraît, au contraire, favorable à la demande d'augmentation qui nous est faite.
Voici un relevé des arrêts de toute nature, rendus par chacune de nos cours d'appel, pendant la période de 1855 à 1860 :
Bruxelles, 4 chambres.
Affaires civiles terminées par arrêt : 1,212
Chambre des mises en accusation, arrêts : 614.
(page 1141) Appels correctionnels, arrêts : 1,555.
Total : 3,381 = 845 par chambre ; 169 par an et par chambre
Liége, 3 chambre.
Affaires civiles, terminées par arrêt : 747.
Chambre des mises en accusation, arrêts : 298.
Appels correctionnels, arrêts : 792.
Total : 1,837 = 612 par chambre, 122 par an et par chambre.
Gand, 2 chambres.
Affaires civiles terminées par arrêt : 278
Chambre des mises en accusation, arrêts : 827
Appels correctionnels, arrêts : 1,149
Total : 2,254= 1,127 par chambre ; 221 par an et par chambre.
Je crois ces relevés assez exacts et assez significatifs pour les opposer à l'honorable rapporteur et lui prouver que les travaux de la cour d'appel de Gand sont plus nombreux qu'ils ne paraissent l'être à première vue.
Messieurs, j'ai fait la même statistique pour 1859 seul ; j'arrive, a peu près, au même résultat. Mais je ne veux pas insister sur ce point. Je me borne à faire remarquer qu'aux chiffres de l'honorable rapporteur, je puis en opposer de plus complets qui font voir la question à un point de vue d'ensemble.
Je prends tous les arrêts rendus pa rles diverses chambres, et je trouve par année et par chambre :
A Bruxelles, 169 arrêts, à Gand, 221 et à Liège, 122
Mais alors même que le résultat eût été contraire, on pourrait dire encore qu'il faut l'attribuer à l'incomplet de la cour d'appel de Gand ; car cette cour se voit forcée plusieurs fois de chômer, par suite de l'indisposition d'un ou de plusieurs de ses membres.
Comme elle n'a que deux chambres, elle peut, moins facilement que les autres cours, opérer des remplacement-. Deux chambres peuvent moins aisément s'entraider que ne le peuvent trois et quatre chambres ; cela ne me paraît pas contestable.
Anciennement, messieurs, le tribunal de Bruges jugeait, en appel, toutes les affaires correctionnelles des tribunaux de Courtrai, Ypres et Furnes ; toutes ces affaires viennent maintenant devant la cour d'appel de Gand.
C'est un grand surcroît de besogne, et la deuxième chambre de cette cour d'appel, qui siégeait une ou deux fois par semaine, au civil, ne peut plus faire ce service la plupart du temps, parce qu'elle est absorbée par les appels correctionnels.
D'ailleurs, messieurs, il ne suffit pas. de compter les affaires, il faut encore les peser ; et alors même que les chiffres présenteraient un résultat autre que celui que j'ai indiqué, il faudrait encore voir quelles sont les affaires dont une cour a à s’occuper. Or, sans entrer dans de très grands détails, je puis dire à la Chambre qu'il y a, en ce moment-ci devant la cour d'appel de Gand des affaires considérables. Il y a des affaires dont l'origine remonte à un siècle ; d'une complication, dont les annales judiciaires fournissent peu d'exemples. lI y a une affaire qui se traite par mémoires, et on vient de signifier un mémoire de près de six cents pages. On plaide certaines affaires, pendant 12 ou 15 audiences.
Je puis encore invoquer une autre circonstance en faveur de l'augmentation du personnel de la cour de Gand, c'est l'âge moyen du personnel de cette cour.
De la comparaison de l'âge des conseillers des différentes cours, il résulte une moyenne sur laquelle j'appelle votre attention.
J'ai ici un tableau, dont les renseignements ont été puisés à des sources officielles, et qui confirme pleinement la position d'âge que je viens de vous indiquer.
D'après ce tableau, l'âge moyen des conseillers est de 65 ans pour la cour d'appel de Gand ; de 62 pour la cour d'appel de Liège, et de 59 ans pour la cour d'appel de Bruxelles.
Il y a donc, entre la moyenne d'âge à la cour d'appel de Bruxelles et la moyenne d’âge à la cour d'appel de Gand, une différence de 6 années ; eh bien, de 59 à 65 ans, six années de différence, c'est beaucoup ; c'est énorme ; à 65 ans, sans être nécessairement infirme, on est moins en état de suivre un travail aussi assidu qu'à l'âge de 59 ans. C'est aussi un motif qui justifie la demande du gouvernement. On nous dit : Usez de la loi de 1845, faites mettre d'office à la retraite.
Messieurs, d'abord, pour cela, il faut des infirmités continuelles, une incapacité de travail non interrompue. Or, on peut, malgré un âge avancé, n'avoir que des infirmités temporaires et, passé ce temps, s'adonner à un travail fructueux.
On n'a pas le droit, on a encore moins d'intérêt à se défaite prématurément de magistrats qu'un grand savoir et une longue expérience rendent précieux pour la bonne administration de la justice. Il faut tenir compte aussi des difficultés de ce travail d'élimination, confié à des collègues contre d'autres collègues, vieux compagnons de longs et loyaux services.
On nous a dit encore : « Plus vous aurez un personnel nombreux, moins vous serez portés à augmenter le traitement des conseillers dé cour d'appel. »
Je crois, messieurs, que cette considération ne peut être pour vous un motif pour ne pas adopter le projet qui vous est soumis.
Il faut que les cours d'appel aient le personnel nécessaire ; que l'exercice de la justice se fasse complètement, pour que les citoyens qui sont en instance ne puissent pas éprouver des retards qui sont quelquefois très désastreux.
Or, cet avantage d'une prompte administration de la justice, vous pouvez l'obtenir avec une allocation dont le chiffre n'est pas élevé. Et pourquoi faudrait-il que la cour d'appel des deux Flandres fût privée de cet avantage, alors que la cour d'appel de Bruxelles a quatre chambres et que Liège a trois chambres : ce qui permet de pourvoir à tous les besoins et d'éviter de longs retards.
Je ne crains pas de le dire, ce que le gouvernement propose, ce n'est pas trop, c'est trop peu.
Ce serait surtout trop peu, si, comme l'a proposé l'honorable M. Guillery et comme cela paraît désirable, on venait à modifier le système de la tenue des cours d'assises. Toute modification en cette matière ferait que l'augmentation, aujourd'hui proposée pour la cour d'appel de Gand, serait de beaucoup insuffisante,
Je crois qu'il n'y a pas lieu de reculer devant cette petite dépense, par le motif qu'on allègue ; à savoir que, s'il y a moins de personnel, vous augmenterez d'autant plus facilement le traitement des conseillers de cour d'appel.
Les membres de la cour d'appel de Gand n'ignorent pas que, moins nombreux ils sont, plus ils ont de chances d'avoir des traitements plus élevés ; mais, mus par l'intérêt de la bonne administration de la justice, ils ont oublié cet intérêt personnel ; ils sont venus vous demander une augmentation du nombre des conseillers, en vous en démontrant la nécessité. Ce ne sera pas, d'ailleurs, le traitement d'un ou deux conseillers en plus qui nous empêchera de faire ce qui est juste et convenable pour la magistrature.
II est vrai qu'on a dit : « Attendez l'organisation judiciaire ; alors on pourvoira à tout. »
Messieurs, la nouvelle organisation judiciaire est désirée par beaucoup de monde, et je crois qu'elle est nécessaire ; mais c'est là un de ces genres de travaux que la Chambre néglige quelquefois, pour d'autres travaux plus attrayants ; et quoi qu'il arrive, avant que le Code pénal ait passé, avant que toutes les instructions préparatoires soient faites pour cette organisation qui n'est pas une chose facile, il s'écoulera encore un temps considérable.
Il est très probable, d'ailleurs, que l'organisation dont il s'agit se fera dans un ordre d'idées qui prouvera la nécessité d'augmenter le nombre des conseillers de la cour d'appel de Gand, de sorte que ce que vous faites à présent vous ne serez pas obligés de le défaire plus tard. Je le répète, ce que demande aujourd'hui le gouvernement est à peine suffisant pour le présent, et sera probablement insuffisant dans l'avenir.
Messieurs, je bornerai là mes observations ; si d'autres objections étaient faites, je tâcherai d'y répondre.
Mais je pense, avec une entière confiance que, vu l'importance qui s'attache à la bonne administration de la justice, vu les retards qu'éprouvent dans les deux Flandres beaucoup de causes qui sont pendantes devant la cour d'appel de Gand, la Chambre n'hésitera pas à adopter le projet du gouvernement.
(page 1142) M. Wasseige. - Messieurs, je partage, quant à moi, l'opinion de la majorité de la section centrale, et je ne crois pas qu'il y ait lieu, pour le moment, d'augmenter le personnel de la cour d'appel de Gand,
M. E. Vandenpeereboom. - Il n'y a pas de majorité, c'est par parité de voix,
M. Wasseige. - Il y a une résolution de la section centrale, qu’elle soit prise à la majorité ou par parité de suffrages.
Ainsi, messieurs, je répète que je partage l'opinion émise dans le rapport de la section centrale et que je repousse, quant à présent, l'augmentation proposée pour la cour d'appel de Gand.
Remarquez, messieurs, que par l'augmentation qu’on vous propose il n'est pas question, il n'est pas même possible d'organiser une chambre de plus à la cour d'appel de Gand qui serait toujours composée de deux chambres comme actuellement, et par conséquent que le nombre d'audiences ne serait guère augmenté.
Il est question seulement d'augmenter le nombre des conseillers, c'est-à-dire d'avoir un plus grand nombre de conseillers disponibles.
J'ai compris l'augmentation proposée pour la cour d'appel de, Liège. Cette augmentation pouvait avoir un résultat parce que là il s'agissait de créer une chambre de plus, et quand une cour d'appel est composée d'un plus grand nombre de chambres, elle peut évacuer un plus grand nombre d'affaires.
Mais ici d'après la proposition du gouvernement, il ne s'agit que d'avoir un plus grand nombre de conseillers disponibles, c'est-à-dire de rendre la besogne plus facile pour chacun d'eux.
Messieurs, je ne vois pas en quoi cela augmentera, pour la cour d'appel, la facilité d'évacuer un plus grand nombre d'affaires.
D'ailleurs, d'après le rapport présenté par la section centrale, nous ne voyons pas qu'il y ait un encombrement d'affaires tel à la cour d'appel de Gand qu'il faille augmenter le nombre des conseillers.
Pour faire apparaître un plus grand nombre d'arrêts, l'honorable orateur qui m'a précédé a groupé les arrêts de la chambre des mises en accusation, les arrêts en matière correctionnelle et ceux rendus en matière civile.
Il est arrivé ainsi à un chiffre un peu plus élevé pour la cour d'appel de Gand que pour celle de Liège.
Mais, messieurs, on sait qu'en général ce sont les affaires civiles qui ont seules une importance réelle et qui seules demandent beaucoup de temps devant la cour d'appel.
La chambre des mises en accusation et les appels en matière correctionnelle demandent fort peu d'études et fort peu de travail.
Quant aux affaires civiles, d'après le tableau présenté, nous voyons qu'en 1857-1858 la cour d'appel de Gand a rendu 45 arrêts, en 1858-1859, 40 et en 1859-1860, 47.
Il me paraît, messieurs, qu'une cour composée de 15 conseillers pourrait sans trop se fatiguer, rendre un nombre d'arrêts plus considérable.
Quant à l'arriéré, il est de 95 affaires.
Or, quand on a quelque pratique du barreau, on sait combien c'est peu de chose qu'un arriéré de 95 affaires. Lorsqu'on a déduit les affaires transigées, celles que les avoués ont négligé de faire rayer du rôle, celles qui s'ont en terme d'arrangement, il doit rester bien peu de chose.
Je ne vois donc aucun motif pour augmenter quant à présent, le nombre de conseillers de cette cour d'autant plus que, comme je le disais en commençant, il ne s'agit pas de créer une chambre de plus, mais de rendre un plus grand nombre de conseillers disponibles.
Il est possible qu'il y ait momentanément quelques embarras à la cour d'appel de Gand.
La moyenne de l'âge des conseillers, que vient de nous faire connaître l'honorable M. Vandenpeereboom, expliquerait cette circonstance. On comprend que, dans une cour d'appel composée de conseillers dont la moyenne d'âge est de 65 ans, il y ait souvent des indispositions qui empêchent certains conseillers de siéger ; mais si ces empêchements sont assez graves et assez permanents pour entraver la justice, nous avons une loi de 1845 qui prévoit ce cas et qui autorise la mise à la retraite des magistrats que leur âge avancé ou leurs infirmités rendent incapables de remplir convenablement leur mandat.
Je ne sais si c'est le cas pour la cour d'appel de Gand, mais cela pourrait être.
Nous allons donc, pour un empêchement qui n'est que momentané, qui est dû soit au grand âge des conseillers, soit aux infirmités dont quelques-uns d'entre eux sont frappés, nous allons voter un augmentation qui sera permanente.
Eh bien, je suis grand partisan, quant à moi, de voir les magistrats chargés de rendre la justice convenablement rétribués ; je pense qu'en général, non seulement dans nos cours d'appel, mais encore dans nos tribunaux inférieurs, des magistrats sont trop peu payés ; et je crois que nous n'avons qu'un seul espoir d'arriver à élever leurs traitements à un taux en harmonie avec les besoins de l'époque et l'importance de leurs fonctions ; c'est par la diminution du nombre des magistrats.
Ce que je dis pour la cour d'appel de Gand, je le dis également pour un grand nombre de tribunaux. Je crois qu'il serait très utile, pour un grand nombre de tribunaux (et nous aurons à examiner ce point quand nous discuterons l'organisation judiciaire) de diminuer plutôt que d'augmenter le personnel de ces tribunaux, de manière à pouvoir rétribuer convenablement les magistrats qui y siégeront. Si la magistrature était convenablement rétribuée, vous verriez les plus hautes capacités de notre pays chercher à parvenir à ces fonctions qui leur assureraient une position honorable et indépendante ; et dans l'intérêt de la magistrature comme dans celui des justiciables, je suis persuadé que des traitements convenables accordés à des magistrats capables et disposés à beaucoup travailler, vaudraient beaucoup mieux que des augmentations de personnel que je ne trouve nullement justifiée. Nous touchons, d'ailleurs, à l'époque où nous pourrons voter la loi sur l'organisation judiciaire. L'honorable M. Vandenpeereboom vient de nous dire que nous ne sommes pas encore à la veille de discuter cette loi ; mais nous pouvons espérer, je crois, que nous sommes du moins à l'avant-veille et que d'ici à peu de temps une mesure générale pourra être prise relativement à l'organisation judiciaire dans toute la Belgique.
M. Jacquemyns. - Je viens également appuyer l'augmentation du personnel de la cour d'appel de Gand, proposée par le projet de loi.
C'est par une délibération du 3 mai 1860 que la cour d'appel de Gand, réunie en assemblée générale, a décidé qu'il y a nécessité et urgence à augmenter le personnel de cette cour, en attendant la réorganisation judiciaire.
La cour fonde sa demande sur trois motifs, savoir : d'abord les exigences du service de la cour d'assises dans les deux Flandres ; ensuite, les abstentions forcées et des cas d'indisposition naturellement assez fréquentes parmi les magistrats d'un âge avancé ; enfin l'exemple des autres cours d'appel.
Le rapport de la section centrale n'admet aucun de ces trois motifs.
Je prendrai la liberté de suivre les objections élevées contre le soutènement de la cour d'appel de Gand. Je les suivrai très rapidement, très succinctement.
Avant tout, je désire vous faire remarquer, messieurs, quelle est la composition des trois cours d'appel du royaume ; je la trouve dans le rapport de la section centrale.
D'abord, la cour d'appel de Bruxelles ses composa de quatre chambres ; ces quatre chambres exigent, par conséquent, la présence de 20 membres. Eh bien, il y a à la cour d'appel de Bruxelles 28 membres, y compris les présidents. Par conséquent, il est possible de choisir, dans les cas où l'un ou l'autre des membres serait indisposé ; il y a huit membres qu'on peut réclamer pour la formation de l'une ou de l'autre des chambres. A la cour d'appel de Liège, il y a trois chambres, qui réclament la présence de 15 membres, et il y a, à cette cour, 21 conseillers, c'est-à-dire 6 conseillers de plus que le nombre appelé rigoureusement à faire partie des trois chambres. La cour d'appel de Gand compte deux chambres, mais elle n'a que 15 conseillers, soit trois membres seulement de plus qu'il n'en faut pour composer les deux chambres.
Ainsi à Liège au-delà du nombre de conseillers rigoureusement nécessaire pour former les chambres, il y a 6 membres, à Bruxelles 8 et à Gand seulement 5.
Il est à remarquer, et j'arrive au premier argument de la cour d'appel de Gand, que les Flandres ont actuellement le triste privilège de fournir beaucoup de causes à la cour d'assises et beaucoup d'affaires correctionnelles.
Un tiers de la population de la Belgique est compris dans le ressort de la cour d'appel de Gand ; les deux autres tiers sont dans le ressort des deux autres cours d'appel.
D'après ces indications, il devrait y avoir, dans le ressort de la cour (page 1143) de Gand, la moitié des causes criminelles qui se présentent dans les ressorts des deux autres cours d'appel.
Or, les deux autres cours d'appel ont sept cours d'assises, tandis qu'à Gand il n'y en a que deux, de sorte qu'il doit se présenter à chacune de celles-ci deux fois autant de cas à juger qu'aux autres cours d'assises du royaume, si l'on a seulement égard à la population. A part cela, et c'est peut-être le résultat de la fatale influence que la misère a exercée sur l'enfance de ceux qui composent aujourd'hui la classe adulte, les crimes dans les Flandres sont plus nombreux que dans les autres parties du royaume, et devant nos cours d'assises il se présente plus de causes que devant les autres cours d'assises du royaume.
Vous avez à cet égard dans le rapport de la section centrale des indications précises, il y a notamment page 15 une indication de la besogne qui incombe à chacune des cours d'assises du royaume. On trouve que dans le ressort de la cour de Liège, il y a en moyenne 45 heures de séance par cour d'assises et par an, tandis que dans le ressort de la cour d'appel de Gand il y a 227 heures de séance par cour d'assises et par an.
Les conseillers chargés de présider les assises après les 45 heures de séance peuvent siéger dans les chambres de cour d'appel. A la cour de Gand c'est impossible ; cela tient à ce que toutes les séances de cours d'assises sont présidées par deux conseillers, tandis qu'elles sont divisées entre un plus grand nombre de conseillers dans les autres cours d'appel.
Il en résulte que deux conseillers de la cour de Gand sont absorbés par les assises.
Il n'y a donc en réalité qu'un seul membre de plus pour compléter les deux chambres, la chambre civile et la chambre correctionnelle. Mon honorable collègue et ami M. Ernest Vandenpeereboom vous a, d'ailleurs, prouvé que la moyenne d’âge des conseillers appelés à former ces chambres est de plusieurs années plus élevée que celle des conseillers des autres cours d'appel.
A la vérité, l'honorable M. Wasseige soutient que si deux chambres ne peuvent pas suffire, il en faudrait trois, mais que si deux chambres peuvent suffire, il ne faut pas augmenter le nombre des conseillers.
Ce que nous demandons, c'est qu'il y ait constamment deux chambres, que malgré les inconvénients inévitables de l'âge nous ayons constamment deux chambres au complet. Et faut-il attendre de compléter le nombre de conseillers nécessaire pour avoir constamment deux chambres au complet, que l'organisation judiciaire soit votée ? Cette organisation est promise depuis longtemps ; admettons que nous nous en remettions à la promesse du ministre de la justice, que nous comptions avoir à l'examiner très prochainement : ce projet de loi a plusieurs centaines d'articles, et si nous sommes à la veille de le voir présenter, il y aura encore bien des veilles à passer avant que le projet soit voté par les Chambres. Il s'écoulera beaucoup de temps si on en juge par le temps qu'a exigé la discussion du Code pénal, car il s'agit d'un code de procédure complet.
On nous parle aussi d'exiger que les conseillers trop âgés ou maladifs reçoivent leur démission en attendant l'organisation judiciaire. Tout en admettant qu'on applique cette logique sévère à de vieux fonctionnaires qui ont passé leur vie dans des fonctions de dévouement et de désintéressement, qu'on leur applique toute la sévérité de la loi, qu'est-ce qu'on y gagnera sous le rapport financier ? Gagnera-t-on beaucoup ? Nous aurons des conseillers en retraite au lieu de les avoir en activité ; à l'âge où ils sont, il y aura peu de différence entre la pension qu'ils recevront et le traitement dont ils jouissent actuellement.
D'un autre côté ces magistrats sont parfaitement en état de rendre des services, non pas constamment et avec la régularité qu'on pourrait désirer ; mais ils rendent des services publics qui compensent largement les économies qu'on pourrait faire en les mettant dès maintenant à la retraite.
Je suppose qu'on les mette à la retraite, il faudra dès lors inévitablement nommer de nouveaux conseillers. Or, entre la nomination de nouveaux conseillers et la jour où les anciens seront forcément mis à la retraite, il y aura entrave à l'administration de la justice, et l'arriéré augmentera nécessairement.
Si je parle d'arriéré, je sais bien que l'arriéré paraît à première vue moins important à la cour de Gand que dans les autres cours d'appel du pays. Dans le rapport il est dit que l'arriéré à la cour de Bruxelles est de 427, à Liège de 306, et à la cour de Gand seulement de 115 affaires.
Mais remarquons d'abord que, comme il a trois chambres civiles à Bruxelles, il faut diviser le nombre des causes arriérées par 3 pour établir la comparaison.
S'il y a 306 affaires civiles arriérées à la cour d'appel de Liège, comme il y a deux chambres civiles à Liège, il faut diviser ce nombre par deux, si l'on veut comparer cet arriéré à celui de la cour d'appel de Gand.
Nous avons d'après cela, par chambre civile, 113 affaires arriérées à Gand, 142 à Bruxelles et 153 à Liège.
Mais l'on se tromperait étrangement, si l'on jugeait de l'arriéré de la cour d'appel de Gand par le nombre des procès. Comme la cour d'appel de Gand est souvent empêchée de siéger à cause du petit nombre de conseillers qui la composent, on évite de porter les causes devant elle, à moins qu'elles ne soient très importantes.
Lorsqu'une affaire a été jugée en première instance, les parties ayant la conviction que l'affaire traînera pendant très longtemps si elle est portée devant la cour d'appel, transigent toutes les fois que cela est possible.
D'un autre côté, il ne faut pas juger de l'importance d'un arriéré par le nombre seulement des affaires, il faut aussi tenir compte de la complication et de l'importance de ces causes. Ainsi, il y a dans la Belgique judiciaire une note sur trois procès actuellement pendants devant la cour d'appel de Gand. Dans l'un de ces procès, les parties ne sont pas d'accord sur la question de savoir s'il s'agit de 1,548 ou de 1,550 points en litige ; et cela compte pour une seule affaire à l'égal d'un petit procès pour un mur mitoyen.
Je ne sais comment ce procès finira ; mais en réalité, il y a à désespérer de la fin de ce procès qui remonte à quelque chose comme un siècle.
Il y a un autre procès qui a été renvoyé par la cour de cassation à la cour d'appel de Gand. Veuillez remarquer que pour chaque audience dans laquelle ce procès est examiné, il faut les deux chambres réunies ; par conséquent, il faut que sur 11 conseillers il n'y en ait qu'un seul qui soit empêché par les infirmités ou par une indisposition passagère d'assister aux audiences.
Ce procès, renvoyé il y a quelques mois par la cour de cassation à la cour d'appel de Gand, existe depuis 30 ans, et il a occupé récemment un grand nombre d'audiences des chambres réunies. Il serait peu étonnant que le nombre d'affaires civiles jugés par la cour d'appel de Gand fût peu nombreux, alors que des procès de cette importance absorbent son temps en notable partie. Les avocats des parties espèrent que ce second procès dont je vous parle sera terminé dans une couple d'années, mais je pense que voilà 20 à 25 ans que l'on émet l'espoir que cette affaire se videra en un an ou deux.
Messieurs, pendant que ces deux procès étaient pendants devant la cour d'appel de Gand, il en arrivait un troisième.
Ici il s'agit d'un procès qui a déjà été porté devant un grand nombre de cours d'Allemagne, notamment devant la cour de cassation de Berlin, et qu'il faut reprendre en tous points devant la cour d'appel de Gand. En Belgique, il a été jugé d'abord devant le tribunal de Courtrai. J'ai vu les pièces de ce procès chez l'avocat chargé de la défense des intérêts de M. le comte de Montblanc. Il y a une chambre remplie de volumes de documents allemands parfaitement reliés, et ce sera la besogne de la cour d'appel de Gand de discuter sur les nombreux points litigieux qui peuvent se présenter dans une aussi vaste procédure, points litigieux se rapportant tous à des faits qui se sont passés au fond de la forêt Noire, il y a une trentaine d'années.
Cette affaire ne figure encore une fois que pour une unité dans le nombre des procès pendants devant la cour d'appel de Gand.
Messieurs, vous comprenez comment, en présence de procès de cette importance, les affaires d'une importance secondaire souffrent généralement ; et il y a des plaintes unanimes dans les Flandres sur la difficulté d’obtenir des arrêts de la cour d'appel dans les affaires civiles.
On comprend qu'en présence de causes d'une grande importance, les petits procès ont tort. On remet les affaires d'une importance secondaire pour s'occuper d'affaires d'une importance majeure. Nous aurons d'ailleurs, sous peu, si nous n'avons déjà en ce moment, d'autres affaires extrêmement compliquées portées au rôle. Il y a notamment deux affaires de testament qui paraissent inextricables. Les points litigieux se multiplient à mesure que l'on plaide. Il s'agit, dans l'une de ces affaires, de quelque chose comme d'un million et demi, et dans l'autre, de plusieurs millions.
Enfin, il est très probable que devant la cour d'appel de Gand viendra d'ici à peu de temps un autre procès d'une importance majeure qui se plaide actuellement devant le tribunal de Bruges. Or, aucun des grands (page 1144) procès dont j’ai parlé en premier lieu ne sera évidemment vidé avant que ces trois autres viennent encore augmenter les occupations de la cour d'appel de Gand.
Dans ces circonstances, il me semble évident qu'il faut aviser au moyen d'obtenir que la cour d'appel de Gand ait réellement deux chambres. Or, pour qu'on soit certain qu'elle ait réellement deux chambres fonctionnant d'une manière régulière, je crois qu'il faut plus de onze membres dont la moyenne d'âge est de 65 ans.
Cela est d'autant plus équitable, messieurs, que dans les autres cours d'appel le nombre des membres qui peuvent éventuellement être appelés à siéger dans les chambres de la Cour, et qui n'en font pas nécessairement partis, se trouve être double et presque triple de ce qu'il est à la cour d'appel de Gand.
M. Tack. - L'honorable M. Wasseige a étayé les observations qu'il a présentées à la Chambre, sur l'opinion qui a été exprimée par la section centrale et qui tend à faire repousser le projet de loi. Déjà, messieurs, on a fait remarquer qu'il, ne faut pas attribuer à la manière de voir de la section centrale, une importance plus grande qu'elle ne le comporte. En effet, la décision de la section centrale a été prise, comme l'a fait observer l'honorable M. Vandenpeereboom, par parité de voix, c'est-à-dire 2 voix contre 2
L'honorable M. Wasseige me permettra donc de ne pas m'incliner devant l'autorité de la section centrale, d'autant plus qu'elle termine son rapport en abandonnant en quelque sorte la solution de la question à la sagesse de la Chambre.
Il est positif, messieurs, que des plaintes générales surgissent dans le ressort de la cour d'appel de Gand, non seulement au sein de cette cour, nuis aussi de la part des tribunaux inférieurs, de la part du barreau et de la part des justiciables, à propos des lenteurs qu'éprouvent les décisions en degré d'appel ; il ne serait pas difficile, messieurs, de citer des faits à l'appui de cette assertion. L'honorable M. Jacquemyns vous en a cité quelques-uns tantôt. Il est à ma connaissance personnelle, messieurs, que des affaires urgentes n'ont été décidées qu'au bout de 6 ou 7 mois. Ainsi, tout récemment, encore devant le tribunal de commerce de Courtrai, un concordat avait été demandé par la masse créancière et par le failli ; le tribunal l'avait rejeté ; appel fut interjeté devant la cour de Gand ; l'affaire fut portée et maintenue au rôle comme urgent, puis plaidée comme telle ; il s'écoula 6 mois avant qu'une décision intervînt ; le jugement du tribunal de commerce fut confirmé. Qu'en est-il résulté ? Dis pertes de temps et d'argent considérables, des frais de gardiennat, la détérioration des marchandises confiées aux soins du curateur. Il s’agissait d’un passif considérable ; l'actif, qui ne s'élevait qu'à 400,000 fr., s'est trouvé réduit à peu près de 15,000 fr. par suite de ces retards.
Les statistique relatives aux affaires correctionnelles plaidées devant le tribunal correctionnel de Gand constatent que plusieurs causes n’ont pu être terminées en appel qu'au bout de 8 mois, 1 an, 15 mois.
Quelles sont les conséquences de ces retards ? C'est que, comme l'a fait très bien observer l'honorable M. Jacquemyns,. les plaideurs n'osent plus épuiser leur droit ; ils reculent devant les frais et les désagréments qui résultent toujours de procès longtemps prolongés.
Il est cependant, messieurs, une catégorie d'individus auxquels ces lenteurs profitent. Ce sont les plaideurs de mauvaise foi qui trouvent par là le moyen de faire, comme on dit, du bois d'allonge et d'envoyer promener momentanément leurs créanciers.
Au correctionnel presque tout le monde appelle, dans l'espoir d'obtenir dans l'intervalle, par, des démarches de toute espèce, une commutation de peine, si pas grâce entière. On compte sur un événement exceptionnel qui amènera une commutation générale des peines ou sur toute autre circonstance. On a, en tout cas, devant soi le temps. Si l'appel ne réussit pas, de prendre ses mesures pour passer à l'étranger et y purger sa contumace.
Dans tous les cas il arrive de deux choses l'une : ou bien la peine est appliquée, mais elle l'est tardivement, et l'effet de l'exemple est perdu ; ou bien la peine n'est pas appliquée du tout, et la justice y perd son prestige.
L'honorable M. Jacquemyns vous a dit tantôt, messieurs, quelle est la composition de la cour d’appel de Gans (une dizaine de mots sont illisibles) premier président et un président de chambre. Le temps de deux conseillers est absorbé par le service des cours d'assises.
On dit, messieurs, dans le rapport, que les deux cours d'assises ne siègent pas simultanément, ni continuellement ; mais il faut remarquer que le travail de la cour d'assises commence, pour le président, bien avant l'ouverture de la session : il y a des procédures préalables dans lesquelles le président intervient. En outre, il a besoin d'étudier les dossiers avant l’ouverture de la session, afin de pouvoir diriger convenablement les débats.
Le président de la cour d'assises ne peut donc être engagé dans aucune cause pendante devant la cour d'appel, et dès lors les deux membres qui dirigent les débats des deux cours d'appel des Flandres sont perdus pour la cour d'appel.
Les cours d'assises des deux Flandres se sont occupées, en 1859, de 105 affaires, 47 de ces affaires ont été présidées par un membre, 58 par un autre.
Dans le ressort de la cour de Liège il n'y a eu, en 1859, que 27 affaires, 15 devant une cour, 2 devant une autre, 3 devant la 3ème et 7 devant la 4ème.
Vous le voyez, messieurs, les membres de la cour d'appel de Liége qui président les cours d'assises, disposent de la plus grande partie de leur temps pour siéger à la cour d'appel, soit au civil, soit au correctionnel ; il en est tout autrement de la cour d'appel de Gand. Là, le nombre des membres de la cour d'appel se trouve réduit à 11 pour les deux chambres ; c'est un excédant d'un demi-membre par chambre.
Il en résulte que, s'il survient une indisposition, la plupart du temps l'une des chambres est exposée à chômer.
Chaque chambre, comme vous ne l'ignorez pas, doit se composer de 5 membres, et il n'y a pas de conseillers suppléant, comme il y a des juges suppléants.
Si je suis bien informé, il lui est impossible actuellement de siéger en audience solennelle ; or il se présente une affaire sur laquelle les. chambres réunies sont appelées à décider, le cours de la justice est donc en quelque sorte menacé d'être interrompu.
La chambre civile de la cour d'appel de Gand a-t-elle jugé moins d'affaires que les chambres civiles des autres cours ? A-t-elle siégé pendant un nombre moins considérable d'heures ? A-t-elle eu moins d'audiences ? Si vous considérez d'une manière absolue les chiffres que nous fournit le rapport de la section centrale, la réponse doit être affirmative.
Ainsi ce rapport vous apprend qu'en 1856 la première chambre de la cour d'appel de Gand a siégé pendant 339 heures, tandis que la première et la seconde chambre des cours de Bruxelles et de Liège ont respectivement siégé, les chambres de Bruxelles pendant 418 et 343 heures, celles de Liège pendant 544 et 488 heures ; mais pour bien apprécier la valeur de cette statistique, il convient de rapprocher le nombre d'heures d'audience du nombre de conseillers qui composent les chambres de Bruxelles et de Liège de celui auquel est limité le personnel de la chambre civile de la cour de Gand ; or nous avons vu que tandis, les premiers comptes en fait 7 membres, la dernière n'en compte en réalité que 5 ou, si l'on veut, 5 et demi.
L'honorable M. Wasseige vous a dit que l'arriéré de la cour de Gand n'est que de 93 affaires. C'est 113 qu’il eût fallu dire. Au surplus, cet arriéré ne fera que s’accroître et prendra de plus grandes proportions dans l’avenir, car il est à remarquer que ce n’est que depuis peu que la loi de 1849 a produit tous ses effets et que la cour de Gand est réduite à 13 membres.
Si le projet de loi est voté, la cour d'appel de Gand sera au même niveau que les autres cours ni plus ni moins. En effet, Bruxelles a un excédant de 8 membres dans la supposition que 2 conseillers consacrent tout leur temps au service des cours d'assises> et de la haute cour militaire, il reste un excédant de 6 membre, pour 4 chambres ; Liége a un excédant de 6 membres en admettant que le temps de l'un deux est absorbé par les exigences de cours d’assises, il y aura un excédant de 5 membres pour 3 chambres, A Gand il y aurait 5 conseillers de plus que le nombre strictement voulu, mais comme 2 d'entre eux sont par continuation occupes du service de la cour d'assises, il ne restera en définitive qu'un excédant de 3 membres pour les 2 chambres.
Vous le voyez, la proportion serait la même pour nos trois cours d'appel.
Messieurs, on a invoqué la loi du 20 mai 1845 ; l'honorable M. Wasseige a demandé pourquoi on n'appliquait pas cette loi, pourquoi on ne mettait pas à la retraite les conseillers trop âgés. Mais que dit la loi du 10 mai 1845 ? Que la retraite (manque une dizaine de mots) fait-il que ces infirmités se soient prolongées pendant un an avant que la cour à laquelle ils appartiennent ait le droit de statuer. Or ce cas (page 1145) d'infirmité grave et permanente se présente-t-il pour aucun des conseillers de la cour d'appel de Gand ? Est-il possible d'appliquer la loi. En réalité, serait-il vrai que les conseillers de la cour d'appel de Gand rendent moins de services que leurs collègues des autres cours ? Pour ma part je le conteste formellement.
Une chose qu'il ne faut pas perdre de vue, c'est que dans les autres cours, la chambre correctionnelle, notamment à Liège, vient au secours de la chambre civile, tandis qu'à la cour d'appel de Gand c'est l'inverse : la chambre civile y est obligée de venir au secours de la chambre correctionnelle.
De plus, la chambre civile y est plus encombrée que partout ailleurs par suite des arrêts qu'elle est obligée de prononcer en matière de mises en accusation.
En fait, quand bien même tous les magistrats de la cour d'appel de Gaud seraient moins âgés qu'ils ne le sont, encore ne pourrait-on soutenir qu'avec 11 membres, et souvent avec 10, ce qui arrive lorsqu'un décès a lieu dans l'intervalle des sessions des conseils provinciaux, la cour d'appel de Gand puisse rendre les services qu'on est en droit d'exiger d'elle. La justice rendue tardivement ou incomplètement n'est point de la véritable justice ; elle finit par ressembler beaucoup à un déni de justice. C'est pourquoi je voterai, pour ma part, le projet de loi en discussion.
M. J. Lebeau. - Messieurs, jn pe comptais pas intervenir dans cette discussion, qui me paraît déjà avoir pris d'assez grandes proportions ; mais ayant été en quelque sorte interpellé par l'honorable rapporteur et indirectement par l'honorable M. Wasseige, je crois devoir donner quelques explications à la Chambre.
J'ai assisté à la première séance de la section centrale, dont j'avais l'honneur de faire partie, et mes honorables collègues peuvent se le rappeler, je me suis prononcé pour le projet de loi.
La section centrale n'a pas terminé son examen dans la première séance, et une indisposition m'a empêcha d'assister aux séances suivantes, où très probablement, après avoir pris connaissance des objections nouvelles qu'où aurait pu présenter, j'aurais persisté dans mon vote affirmatif.
Je crois encore aujourd'hui, après une nouvelle discussion, que la proportion tendante à augmenter le personnel de la cour d'appel de Gand, doit être adopté.
Je suis heureux d'être à l'abri de tout soupçon de sympathie locale, en défendant le projet de loi.
Je ne saurais comprendre quel motif, sauf l'intérêt même des justiciables, pourrait avoir poussé la cour d'appel de Gand à demander une augmentation de personnel.
Quand on juge les choses avec impartialité, on doit reconnaître qu'il n'y a que le fait d'une justice incomplète, d'une justice tardive, qui ait pu amener la cour d'appel de Gand à prendre l'initiative de la mesure qui est soumise aux délibérations de l’assemblée.
La Chambre comprend qu'il y a plusieurs manières d'obtenir justice ; qu'il y a une justice prompte e une justice lente. Dans certaines de nos localités on l’obtient avec une telle enteur qu’elle équivaut pour ainsi dire à un déni de justice. Les effets de cette lenteur peuvent être de ruiner certains clients, qui ne peuvent pas enter en lice avec des forces égales. Or, il peut se présenter une foule d’incidents par lesquels le lutteur le plus robuste peut espérer d’avoir raison de son adversaire, en e décourageant, en le ruinant.
Je n’insiste pas sur ces considérations qui ont déjà été soumises à l'appréciation de la Chambre.
Messieurs, il y a une circonstance toute naturelle qui peut entraver l’administration de la justice dans nos tribunaux, et que toutes les combinaisons législatives ne feront pas cesser entièrement, c'est la répugnance extrême que chacun de vous, s'il était magistrat, éprouverait à venir faite à l'un de ses collègues le compliment que Gilblas adonnait à l’archevêque de Grenade.
Je défie ceux qui sont les plus opposés au projet de loi, s'ils siégeaient dans une cour de justice, d'avoir aisément le courage de se charger de la triste mission de donner à un de leurs collègues, qui ne serait pas complètement rentré en enfance, le conseil de Gilblas donnait à l’archevêque de Grenade, et lui dire qu’il ne peut plus s’asseoir sur le siège qu’il a longtemps honoré.
Messieurs, si de ces considérations nous passons à une considération générale, il est évident pour tout le monde que si la justice plus lente aujourd’hui avec le personnel que nous avons institué, il y a quelques 20 ou 25 ans, c’est parce que la fortune publique, comme le disait avec raison l’honorable M. Frère-Orban, dans la séance d’hier, c’est, disons-nous, parce que la fortune publique s'est notablement développée chez nous et qu'avec elle les discussions judiciaires se sont aussi développées chez d’une manière extraordinaire dans notre pays.
A l'époque où l'on a fait, la loi de l'organisation judiciaire, à l'époque même où on l'a révisée, est-ce que l'élément industriel, l'élément commercial s'étaient développés comme ils le sont aujourd'hui ? est-ce que les nombreuses sociétés anonymes avaient surgi ? s'étaient-elles multipliées comme aujourd'hui ?
Le procès de l'une de ces sociétés a tenu tout récemment encore à Gand on à Anvers, je ne m'en souviens pas en ce moment, un tribunal pendant quinze ou vingt jours, exclusivement absorbé par les plaidoiries.
S'il en est ainsi, messieurs, si par l’effet d’un développement de l'industrie et du commerce, le recours à la justice est plus fréquent et devient plus coûteux pour l'Etat, il y a, à un point de vue purement, pécuniaire, de larges, d'amples compensations pour le trésor public.
L'enregistrement, le timbre et d'autres droits que perçoit l'Etat couvrent largement l'augmentation de dépenses qui peut avoir exigé l'accroissement du nombre de nos magistrats.
On veut nous renvoyer à l'organisation judiciaire. D'abord, il faudrait dire ce qu'on entend par là. Je crois qu'on grossit singulièrement les quelques améliorations que doit proposer M. le ministre de la justice et qui laisseront intactes les bases de notre système judiciaire.
Je ne crois pas qu'il s'agisse de réorganiser le pouvoir judiciaire. Je crois que cette organisation en somme est très bonne ; il y a peut-être quelques détails à corriger ; il y a surtout une chose que tout le monde comprend, c'est qu'il y a lieu de mettre le traitement des membres de la magistrature en harmonie avec la dépréciation monétaire, de faire sortir les magistrats d'une situation qui pouvait être convenable, suffisante il y a vingt ans, mais qui aujourd'hui n'est plus tolérable pour ceux qui n'ont pas une fortune personnelle.
Je dis donc, messieurs, qu'en nous renvoyant à une organisation judiciaire complète, radicale, c'est ajourner infiniment le but de la discussion qui s'ouvres aujourd'hui, discussion dont l'objet me paraît, en résultat, très peu important, si ce n'est pour un seul de nos sièges judiciaires, pour les localités qui ressortissent à la cour d'appel de Gand.
N'ayant aucun intérêt particulier dans cette question, ayant été en quelque sorte interpellé d'y intervenir, j'ai cru devoir soumettre à la Chambre ces quelques réflexions et prouver que c'est par un pur accident que la section centrale n'a pas conclu à l'adoption du projet de loi auquel j'avais donné mon assentiment en section centrale.
M. H. Dumortier. - Je me proposais de présenter à la Chambre quelques considérations à l'appui du projet de loi en discussion ; mais je remarque que jusqu'ici cî projet n'est pas combattu. Comme y, n'ai pas l'habitude d'abuser des moments de la Chambre, je renonce' provisoirement à la parole, me réservant de parler si dans la suite du débat je le juge utile.
M. Guillery, rapporteur. - Si le projet de loi sur l'organisation judiciaire doit être aussi simple que vient de le dire l'honorable préopinant, nous ne pouvons que regretter d'autant plus vivement qu'il n'ait pas été présenté depuis longtemps.
Quant à la question qui nous est soumise, ce n'est pas, comme a semblé le croire l'honorable préopinant, une question d'économie.
Il ne s'agit pas de savoir si, lorsque l'intérêt de la justice l'exige, il faut pouvoir faire un sacrifice de 6,000 ou de 12,000 fr. par an. Une telle question n'est pas discutable.
Il y a ici une question d'organisation judiciaire ; il y a la question de savoir si, en accordant à la cour d'appel de Gand ce qu'elle demande, on ne se trouverait pas dans la nécessité de faire des concessions analogues aux deux autres cours d'appel du royaume.
Vous avez vu, messieurs, par la statistique qui a été mise sous vos yeux que, proportion gardée, la cour d'appel de Gand juge beaucoup moins d'affaires que les deux autres cours d'appel.
Nous en concluons que le personnel de cette cour doit être moins nombreux.
Si je dis que le nombre d'affaires jugées par la cour d'appel de Gand est moins considérable, ce n'est pas, comme a semblé le croire un honorable préopinant, que j'aie voulu dire qu'une cour qui ne compte que 2 chambres juge moins d'affaires qu'une cour composée de 4 chambres mais que proportionnellement elle a moins d'affaires à juger.
La première chose à examiner lorsqu'il s'agit de savoir s'il faut augmenter le personnel d'une cour d'appel ou d'un tribunal, c'est l'arriéré.
(page 1146) Or l'arriéré de la cour d’appel de Gand est de 93.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il y en a 113. Voyez le chiffre, il est dans la statistique.
M. Guillery, rapporteur. - L'arriéré constaté dans la statistique que j'ai sous les yeux est pour 1859-1860 de 93. Le nombre des affaires pendantes au commencement de l'année judiciaire est de 93.
Il en a été introduit, pendant l'année judiciaire, 88. Reste à savoir quelles sont les affaires parmi celles-là qui auront été jugées ou terminées par transaction.
Mais ce qui est certain, cest que l'arriéré qui était en 1859 de 83 affaires est arrivé aujourd'hui à 93 d'après la statistique que j'ai sous les yeux et qui a été communiqué à la section centrale.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Pardon, la statistique communiquée à la section centrale porte, page 9, comme restant à juger à la fin de l'année judiciaire, 113 affaires pour 1859-1860.
M. Guillery, rapporteur. - Soit, si nous prenons cette colonne, je compare le chiffre de 113 aux autres chiffres de la même colonne qui concernent les autres cours d'appel ; mais le chiffre qui figure au commencement de l'année 1859-1860 est de 93 pour la cour d'appel de Gand alors que pour la cour d'appel de Bruxelles il était de 427 et pour la cour d'appel.de Liège de 306.
Si nous prenons maintenant la colonne dont on vient de parler, le nombre des affaires restant à juger à la fin de l'année judiciaire, nous voyons qu'à Bruxelles, il y en avait 438, à Gand 113 et à Liège 241, c'est-à-dire qu'à Liège il est de plus du double et qu'à Bruxelles il est de beaucoup plus du triple.
Ainsi il y a une chambre civile à Gand, trois à Bruxelles, deux à Liège et l'arriéré est beaucoup plus considérable dans l'état actuel des choses, proportion gardée, à Bruxelles et à Liège qu'à Gand, par la raison que 438 est beaucoup plus du triple de 113 et que 241 est beaucoup plus du double de ce même chiffre de 113.
Que si donc il y avait des motifs pour augmenter le personnel de la cour d'appel de Gand, il y en aurait de plus grands, dans l'état actuel des choses, pour augmenter celui des cours d'appel de Bruxelles et de Liège.
Voilà ce que constate le rapport de la section centrale, voilà le premier motif pour lequel, quant à moi, je crois qu'il n'y a pas lieu d'accueillir le projet de loi.
Quel a été, pendant la période quinquennale pour laquelle on a donné des statistiques, le mouvement des affaires ?
Nous voyons qu'elles sont loin d'augmenter, qu'elles diminuent au contraire, car pendant des années judiciaires où l'on ne rend quelquefois que 40 arrêts en matière civile comme en 1857-1858, nous voyons que l'arriéré a à peine augmenté de quelques affaires.
En 1857-1858 la chambre civile de Gand rend 40 arrêts ; en 1859-1860 elle en rend 47.
Pendant la même période de temps nous voyons que les autres cours eu ont rendu Bruxelles 104. Liège 108 et au minimum 54.
Quant à l'arriéré de 93 ou de 113 affaires, comme l'a fort bien dit l'honorable M. Wasseige, il est impossible que les affaires soient jugées le jour où elles sont introduites en appel. Elles doivent être étudiées par les conseils des parties ; elles sont souvent l'objet d'une instruction très longue et souvent aussi elles se terminent par des transactions.
Il y a des affaires qui continuent de figurer comme arriérées au rôle général et qui sont transigées depuis longtemps.
Il y a tel tribunal où il n'y a pas d'affaires arriérées et où il en figure au rôle parce qu'elles ne sont pas appelées alors qu'elles sont en voie d'arrangement ou qu'elles sont terminées.
L'honorable M. E. Vandenpeereboom nous a dit qu'en additionnant les affaires correctionnelles et les affaires civiles et commerciales, on arrive à un total à l'avantage de la cour d'appel de Gand. Je crois que cela peut être pour certaines années en ce qui concerne la cour d'appel de Liège, mais pas complètement en ce qui concerne la cour d'appel de Bruxelles.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Si ! si ! complètement.
M. Guillery, rapporteur. - Pour les affaires civiles, je vois, par exemple, que la première chambre de la cour d'appel de Bruxelles a jugé, en 1855-1856, 75 affaires ; en 1858-1859, elle en a jugé 75, et en 1859-1860, elle en a jugé 69 ; pendant ces mêmes périodes, la cour d'appel de Gand a jugé respectivement 49, 40 et 47 affaires seulement.
Quant aux affaires correctionnelles, l'avantage est encore, pour le nombre, à la cour d'appel de Bruxelles.
Je ne comprends donc pas comment, en faisant le total de deux nombres moindres, on arrive à un total supérieur.
Peur les appels correctionnels, je trouve en effet les résultats suivants :
1855 cour d'appel de Bruxelles 400 ; cour d'appel de Gand 209 ; 1856 : 310-205 ; 1857 : 224-187 ; 1858 : 314-252 ; 1859 : 307-296.
Ainsi, supériorité continuelle pour la cour d'appel de Bruxelles. Si donc, il y a supériorité, en faveur de la cour d'appel de Bruxelles, pour les affaires civiles, pour les affaires commerciales, pour les appels correctionnels, il est évident qu'en additionnant les chiffres de ces trois catégories d'affaires on doit arriver à un résultat final également favorable à la cour d'appel de Bruxelles.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Vous ne tenez jamais compte de la différence qui existe entre les deux cours quant au chiffre du personnel ; voilà pourquoi vos calculs pèchent par leur base.
M. Guillery, rapporteur. - Je vais y arriver. La cour de Bruxelles n'a qu'une chambre correctionnelle, exactement comme la cour de Gand ; et malgré le grand nombre d'affaires dont cette chambre est chargée à Bruxelles, elle va même juger des affaires civiles.
Elle a trouvé le moyen de vider complètement son arriéré en siégeant depuis dix heures du matin jusqu'à 2 et 3 heures de l'après-midi ; et elle va se trouver en mesure de s'occuper d'affaires civiles.
Le personnel de la cour d'appel de Gand est, dit-on, inférieur à celui de la cour d'appel de Bruxelles.
Cela est vrai, messieurs, mais ne doit-il pas en être ainsi alors que la différence entre le nombre d'affaires jugées par ces deux cours est si considérable ; quand nous voyons que l'une a jugé jusqu'à 400 affaires tandis que l'autre n'en a jugé que 209 ?
D'ailleurs, messieurs, si le personnel est plus nombreux à Bruxelles, n'oubliez pas que la cour d'appel de Bruxelles a trois cours d'assises dans son ressort.
Un des honorables préopinants vous a cité une affaire criminelle qui a tenu un grand nombre d'audiences ; mais cet argument est sans valeur au point de vue de la cour d'appel de Gand, puisque l'affaire s'est plaidée dans le ressort de la cour d'appel de Bruxelles.
La cour d'appel de Bruxelles, qui compte 7 membres par chambre, doit pourvoir à la présidence de trois cours d'assises et à la présidence de la haute cour militaire qui prend encore plus de temps que les cours d'assises ; et si l'on ajoutait les audiences de la haute cour militaire (renseignement qui ne figure pas dans la statistique qu'on nous a fourni) aux audiences des cours d'assises du ressort de la cour d'appel de Bruxelles, on arriverait à un nombre bien plus considérable encore que celui que j'indique ; car, abstraction faite de la haute cour militaire, la moyenne de la période quinquennale est encore en faveur du ressort de la cour d'appel de Bruxelles.
Ce n'est que dans ces dernières années que le nombre d'affaires a quelque peu diminué devant cette cour, mais c'est là, je pense, un fait purement transitoire et sur lequel il ne serait pas rationnel de se baser.
Mais, messieurs, s'il était vrai que je fusse, tombé dans une erreur complète et que les conseillers à la cour d'appel de Gand eussent siégé autant que les conseillers à la cour d'appel de Bruxelles, il en résulterait tout simplement qu'on ne pourrait pas faire valoir en leur faveur cet argument basé sur leur âge, que l'on invoquait tout à l'heure.
Mais je me hâte de dire que je n'accepte pas cet appui à ma démonstration puisqu'il est prouvé que le nombre d'audiences tenues par la cour d'appel de Gand est moins considérable que celui des audiences tenues par la cour d'appel de Bruxelles.
La cour d'appel de Gand a fait valoir un deuxième motif à l'appui de sa demande.
Qu'est-ce donc, a dit l'honorable M. Lebeau, qui a pu pousser la cour d'appel de Gand à demander une augmentation de personnel, si ce n'est l’intérêt des justiciables ?
Mais, messieurs, c'est ce même intérêt sans doute qui animait la cour d'appel de Gand quand, en 1853, elle a formulé la même demande ; et à cette époque, elle n'a pas obtenu ce qu'elle demandait. Or, il me semble qu'on ne s'est pas mal trouvé de n'avoir pas accédé à sa demande en 1853 ; alors qu'en 1853 on demandait cette augmentation de personnel, l'arriéré des affaires se trouvait réduit, en 1857, de 58 à 53 affaires ; l'année suivante, on rendait 45 arrêts et l'année d'après 40 ; ce qui réduisait l'arriéré à 93 affaires.
Ii est donc évident qu'en 1853 la cour d'appel de Gand s'était fait complètement illusion sur les nécessités du service.
Mais j'arrive au second motif contenu dans la délibération de la cour d'appel de Gand, le grand âge de plusieurs membres de cette cour.
(page 1147) Ici, messieurs, je suis amené à répondre à ce qu'ont dit les honorables MM. E. Vandenpeereboom et Lebeau. D'après ce qu'a dit l'honorable député de Gand, la moyenne de l'âge de conseillers serait pour la cour d'appel de Gand, de 65 ans, pour celle de Liège, de 65 et pour celle de Bruxelles, de 59.
Ces chiffres ne sont-ils pas la justification de ce qui se trouve dans mon rapport ? Si la moyenne de l'âge des conseillers à la cour d'appel de Gaud est de 65 ans, ne comprend-on pas qu'il puisse y avoir lieu de leur appliquer la loi de 1845 ? L'honorable M. Lebeau ne croit pas que l'on puisse obtenir d'une cour d'appel qu'elle prenne une mesure aussi rigoureuse ; il ne croit pas que des collègues puissent se faire entre eux le compliment que fit Gilblas à l'archevêque de Grenade.
M. J. Lebeau. - J'ai dit que c'était difficile.
M. Guillery, rapporteur. - Je comprends que c'était difficile pour Gil Blas et l'événement l'a prouvé ; mais ici le ministère public n'est pas, vis-à-vis d'une cour d'appel, dans la position où se trouvait le héros de Lesage vis-à-vis d'un archevêque.
Cela est sans doute pénible, je le reconnais ; mais est-ce une raison pour que cela ne se fasse pas ? La loi de 1845 a-t-elle été faite pour n'être point appliquée ? Quand le gouvernement l'a proposée et quand les Chambres l'ont votée, ont-ils supposé qu'elle resterait une lettre morte ?
Non, messieurs, ils ne l'ont pas cru, et elle n'est pas restée une lettre morte ; elle a été appliquée notamment à l'un des magistrats les plus respectables de la cour de cassation ; à l'un des hommes pour qui, par divers motifs, on devait avoir infiniment d'égards.
Elle a été appliquée à la cour d'appel de Bruxelles et à celle de Liège ; pourquoi donc ne le serait-elle pas aussi à la cour d'appel de Gand ?
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Pardon, quand le cas s'y est présenté, la loi a été appliquée.
M. Guillery, rapporteur. - A Gand ?
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Oui, là comme partout où le cas s'est présenté.
M. Guillery, rapporteur. - J'ignorais ce fait, mais j'en prends note ; il renforce encore mon argument, on a donc fait à Gand ce que l'honorable préopinant considérait comme extrêmement difficile.
Evidemment, messieurs, il faut que le service des tribunaux se fasse, quand des membres sont âgés ou souffrants.
Or, à Gand, où le service des deux chambres qui siègent au nombre de 5 exige 10 conseillers, il y en a 15 ; je suppose que deux soient affectés aux cours d'assises qui siègent simultanément, ce qui n'est pas nécessaire, souvent le même conseiller préside deux cours d'assises. (Interruption de M. le ministre de la justice.)
M. Guillery. - Cela se voit notamment dans le ressort de Liège où il y a quatre cours d'assises.
D'un autre côté, si les deux conseillers ne président qu'une cour d'assises, alors ils ne sont distraits de leur service ordinaire que pendant peu de temps. Quoi qu'il en soit, il en reste 11 pour le service des deux chambres qui en exige 10 ; il y aurait un conseiller malade qu'on pourrait le remplacer ; s'il y en avait plusieurs, les membres d'une chambre peuvent suppléer ceux d'une autre chambre, les deux chambres ne siègent pas simultanément.
La cour de Gand a été réduite au nombre de 13 membres par la loi du 15 juin 1849 ; depuis lors rien n'est venu démontrer que les Chambres s'étaient trompées. Si la législature est revenue sur ce qui a avait été décidé quant à la cour de Bruxelles, c'est qu'il a été démontré qu'il y avait un arriéré considérable, au point que jamais on n'a appliqué la loi. Pour Liège on avait appliqué la loi, mais on est revenu sur cette loi ; le 31 décembre 1857, on a ramené le personnel à 21 membres.
En 1857 l'arriéré de la cour d'appel de, Liège était très considérable il était de 400 affaires.
Vous comprend qu'une cour qui ne possédait qu'une chambre et qui avait un arriéré de 400 affaires pouvait faire valoir des droits à une augmentation de personnel ; et malgré l'augmentation l'arriéré est encore de 306 affaires.
Il fallait porter remède à ce qui constitue une véritable désorganisation de la justice, à l'éloignement des présidents des tribunaux civils de leurs sièges. A Bruxelles, c'est une véritable calamité.
L'emprisonnement préventif d'un individu a été prolongé récemment parce que le président, qui seul pouvait présider l'affaire, était appelé à siéger à la cour d'assises ; les référés sont entravés par l'absence du président ; les plaidoiries des grandes affaires sont souvent interrompues ou ajournées par l'absence du président.
Voilà l'abus qui appelle le plus prompt remède. Comme vous avez pu le voir, messieurs, dans le rapport, c'est depuis 1840 que l'organisation judiciaire est promise.
Le ministère de 1840 l'avait annoncé formellement, le discours du trône en faisait mention.
Le discours du trône de 1858 contenait la même promesse.
Aujourd'hui M. le ministre de la justice promet de présenter ce projet dans le courant de la session. Nous l'attendrons avec impatience, il serait à désirer qu'il pût être présenté assez tôt pour que la commission spéciale qui sera chargée de l'examiner pût se réunir et nommer son rapporteur avant la fin de la session, afin que le rapport, qui demandera beaucoup de temps, fût fait ou du moins préparé pendant les vacances parlementaires.
J'insiste donc pour que, si c'est possible, la présentation ait lieu en temps opportun.
Sans doute, comme l'a dit l'honorable M. Lebeau, la fortune publique augmente, les charges publiques augmentent également, et les devoirs de la législature sont de subvenir à tout ce que demande l'intérêt public, mais il faut faire des deniers publics un emploi sage, utile au pays.
Dans l'intérêt de la magistrature et de tous les fonctionnaires publics, ce n'est pas vers l'augmentation du personnel que nous devons marcher ; ce n'est pas en augmentant le personnel de l'administration et des tribunaux que nous ferons cesser les abus dont ou se plaint. Je crois qu'il ne faut pas qu'on puisse dire que la position de serviteur de l'Etat est la plus mauvaise de toutes ; il faut que l'Etat ne soit pas celui qui paye le moins ses employés, ses fonctionnaires. Pour cela il faut être très réservé quant au nombre des fonctionnaires, afin d'améliorer leur position sans augmenter les dépenses.
Un ancien magistrat plein d'expérience me disait que dans l'intérêt de la magistrature ce qu'il faut, c'est augmenter le traitement plutôt que le nombre des magistrats, dût-on augmenter en même temps leurs travaux.
On m'a opposé la présentation de mon projet de loi sur les cours d'assises ; évidemment son adoption entraînerait l'augmentation du personnel ; mais là elle serait utile. L'administration de la justice est intéressée à ce que les affaires criminelles soient jugées par cinq conseillers comme les affaires civiles ; quand il s'agit de la vie d'un homme ou de son honneur, il faut autant de soin, autant d'études, autant de garanties que quand il s'agit d'une somme d'argent ; les cours d'assises ont d'ailleurs à juger des affaires civiles aussi considérables que les cours d'appel, et d'une appréciation souvent fort délicate.
Elles doivent donc offrir autant de garanties que les cours d'appel.
Je persiste dans la proposition que j'ai faite, qui n'a été ajournée que dans l'espoir que l'organisation judiciaire permettrait de trancher cette question.
Il est évident que si mon système est admis il y aura lieu d'augmenter le personnel de la magistrature et celui de la cour de Gand, c'est une raison de plus pour ne pas adopter le projet de loi qui nous est soumis et pour attendre qu'on règle le personnel de toutes les cours pour voir dans quelle mesure il y a lieu d'augmenter celui de la cour de Gand.
Alors beaucoup d'abus qui ont été signalés seront corrigés. Je signalerai, avec l'honorable préopinant, la position des juges des tribunaux de quatrième classe ; c'est une position peu digne d'hommes chargés d'administrer la justice. Je pourrais en signaler beaucoup d'autres, mais ces observations seraient inopportunes. Je ne puis que renouveler le vœu de voir paraître bientôt un projet tant promis et tant désiré.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, après tout ce qui a été dit, il me reste peu d'observations à faire sur le projet qui est actuellement soumis à vos délibérations.
Je ferai remarquer que le personnel de la cour d'appel de Gand avait été fixe en 1832, lors de l'organisation judiciaire, à 18 membres, y compris le président et deux présidents de chambre. Ce personnel a été (page 1148) réduit à 13 par la loi de 1840. Certainement de 1832 à aujourd'hui, la fortune publique s'est énormément développée et avec la fortune publique le nombre des affaires.
Cependant d'après le projet de loi qui vous est présenté, le nombre des magistrats appelés à siéger à la cour de Gand serait encore inférieur de trois au nombre qui avait déjà été jugé nécessaire en 1832.
En 1849 on a réduit le personnel des trois cours, on a changé le système de composition des cours d'assises.
Autrefois, il est inutile de vous le dire, les cours d'assises siégeaient au nombre de cinq conseillers dans la province chef-lieu de la cour d'appel.
On avait pensé qu'en modifiant le système, en faisant juger les affaires criminelles par un conseiller de la cour d'appel et deux membres des tribunaux, on diminuerait de beaucoup la besogne des cours d'appel et qu'ainsi il serait permis de réduire le personnel.
Mais, messieurs, je crois que l'on ne s'est pas suffisamment rendu compte que d'un autre côté l'on augmentait en même temps et dans une assez notable proportion le nombre des affaires qui devaient être dévolues à la cour d'appel. En effet, jusque-là, les affaires d'appel correctionnel des provinces où ne siégeait pas une cour d'appel étaient jugées par les tribunaux des chefs-lieux de province. Cette organisation a été changée, et les cours d'appel ont eu à juger tous les appels correctionnels des tribunaux du ressort.
C'est ainsi qu'autrefois la cour d'appel de Gand n'avait à juger que les appels correctionnels de la Flandre orientale et qu'aujourd'hui, par suite du changement que je viens d'indiquer, elle a en outre à juger tous les appels correctionnels de la Flandre occidentale ; et ce n'est pas le moindre motif du grand nombre d'affaires soumises aujourd'hui à la cour d'appel de Gand.
Quant aux objections que j'ai entendues, elles se réduisent à trois.
On dit d'abord qu'il ne faut pas augmenter légèrement le personnel des corps judiciaires, qu'il faut plutôt augmenter les traitements des magistrats. C'est la première objection.
Je suis parfaitement d'accord sur ce point, et personne ne me reprochera certainement d'avoir cherché à augmenter le personnel, au contraire ; j'ai très souvent subi, de la part d'honorables membres de cette Chambre et du Sénat, le reproche d'avoir résisté pendant trop longtemps aux augmentations de personnel sollicitées de toutes parts. Ainsi à Termonde, à Dinant, à Liège, à Louvain, à Charleroi, pendant longtemps on a demandé des augmentations de personnel.
A plusieurs reprises, la Chambre elle-même a retenti des réclamations qui se faisaient de ce chef, et ce n'est qu'en présence des incessantes réclamations des tribunaux et des membres de la Chambre, que je me suis décidé à vous proposer d'augmenter d'une chambre différents tribunaux et la cour d'appel de Liège, dont le rôle constatait un arriéré supérieur encore à celui que l'honorable M. Guillery vient de vous citer.
Certainement il faut augmenter le personnel le moins possible et penser à augmenter les traitements. Le projet d'organisation judiciaire prouvera que tel est mon sentiment.
Mais il ne faut pas pousser ce principe jusqu'à rendre la justice complètement illusoire.
Or, c'est ici le cas. Si nous n'augmentons pas le personnel de la cour d'appel de Gand, nous verrons l'arriéré s'augmenter dans de très grandes proportions, et il suffit de voir comment il a grandi pendant les trois ou quatre dernières années pour se convaincre qu'il est tout à fait indispensable d'y porter remède.
Ainsi nous voyous qu'en 1857, l'arriéré était de 53 affaires ; en 1858, il était de 69 ; en 1859, il était de 93 ; en 1860, de 113. C'est-à-dire qu'en quatre ans, l'arriéré a plus que doublé.
Voilà quelle est la véritable situation. Faut-il encore attendre quelques années ? Vous aurez un arriéré tel, qu'il ne suffira plus d'une augmentation d'un ou de deux conseillers, mais on vous demandera une chambre de plus pour satisfaire aux besoins du service.
Il faut donc, alors qu'il en est encore temps, porter remède à cet état de choses et éviter que cet arriéré n'aille toujours croissant, comme cela a eu lieu à la cour d'appel de Liège.
La seconde objection qu'on nous fait est relative à l'organisation judiciaire, et, je n'hésite pas à le dire, elle n'est pas sérieuse. Je ne comprends pas que l'honorable M. Guillery vienne nous dire : C'était le dernier point qu'il fallait toucher ; il fallait remédier à d'autres abus. Et l'honorable membre a signalé entre autres l'organisation des cours d'assises.
Mais le projet de loi que nous discutons ne préjuge aucune question.
Quel que soit le système que vous adoptiez dans l'avenir, vous n'aurez jamais moins de personnel que celui que nous proposons, tandis que la modification que propose l'honorable M. Guillery constitue un changement complet de système. Et admettez que les idées de l'honorable M. Guillery sur la formation des cours d'assises réunissent la majorité de la Chambre, vous augmenterez le personnel de la cour d'appel de Bruxelles, de la cour d'appel de Gand, de la cour d'appel de Liège ; mais par le projet actuel, je le répète, l'ancien principe n'est pas entamé, et rien n'est préjugé.
Si vous admettez le système qui consiste à faire juger les affaires criminelles par trois conseillers qui iront dans chaque province, vous aurez également besoin d'un personnel plus nombreux que celui qu'on vous propose aujourd'hui. Au lieu de deux conseillers occupés par les cours d'assises de Gaud et de Bruges, vous en aurez six, et au lieu d'augmenter d'un ou de deux membres, vous augmenterez de six.
Ainsi quoi qu'il arrive, et j'appelle l'attention de la Chambre sur ce point, le personnel que nous proposons aujourd'hui sera, dans tous les cas et toujours, nécessaire.
Ainsi la loi peut se faire indépendamment de la loi d'organisation judiciaire, à laquelle nous ne touchons en aucune manière.
Et, puisque je parle de la loi d'organisation judiciaire, je répondrai quelques mots à ce qu'ont dit l'honorable M. Guillery et l'honorable M. Lebeau.
La loi d'organisation judiciaire ne sera pas un renversement complet de tout notre édifice judiciaire, ce n'est jamais dans ce sens qu'elle a été comprise. C'est bien plutôt une codification que nous faisons qu'une nouvelle organisation.
Dans tous les cas, messieurs, ce sera un travail assez long, et quelque diligence que l'on y mette, ce ne sera ni dans un an ni dans deux que cette organisation sera votée par la Chambre et par le Sénat. Les lois de cette nature excitent peu d'intérêt et n'ont d'ordinaire pis un grand caractère d'urgence. Il existe une organisation, la justice est rendue ; si elle n'est pas toujours prompte, c'est moins à l'organisation qu'il faut s'en prendre, qu'à l'insuffisance de personnel ; ces lois ne captivent donc pas l'attention de la Chambre et on ne les discute que lorsqu'il n'y a, pour ainsi dire, pas autre chose de soumis aux délibérations.
Ainsi le code pénal a été déposé il y a trois ans, il m'eût été extrêmement agréable de le voir terminer avant notre séparation, mais on l'ajourne dès qu'il se présente un autre objet.
Ainsi dans quelques jours nous aurons la loi sur les travaux publics ; j'espère que nous aurons terminé le premier vote du Code pénal avant que le rapport sur ce projet soit déposé ; sans cela je craindrais beaucoup de voir postposer le code pénal aux travaux publics, et de voir renvoyer encore à l'année prochaine l'examen des derniers articles du code pénal.
Il en sera de même pour l'organisation judiciaire ; faut-il que les justiciables de la cour d'appel de Gand continuent, jusqu'à cette époque, à subir les retards dont ils ont actuellement à se plaindre ?
Quant au rapport de l'honorable M. Guillery, il omet deux choses ; il oublie de tenir compte de la différence de personnel qui existe dans les corps judiciaires qu'il compare, et il ne mentionne qu'une des catégories d'affaires dont les cours ont à s'occuper.
Ainsi voici un de ses calculs et de ses raisonnements. Dans le ressort de la cour d'appel de Bruxelles, porte le rapport, il y a eu 114 affaires criminelles, à Gand il y en a eu 111, la cour de Bruxelles est donc plus occupée par les affaires criminelles que la cour d'appel de Gand.
Mais l'honorable M. Guillery perd de vue que dans le ressort de la cour d'appel de Bruxelles les travaux des cours d'assises sont répartis entre 3 membres, tandis qu'à Gand ils ne sont répartis qu'entre deux membres, de sorte qu'à Gand 2 membres sont complètement absorbés par les affaires criminelles, alors qu'à Bruxelles ces affaires se répartissant entre 3 membres, il reste encore à ceux-ci du temps pour venir en aide à leurs collègues qui siègent au civil ou au correctionnel.
Quant à l'ensemble des affaires, voici des calculs qui établissent fa la dernière évidence que le nombre d'arrêts rendus par la Cour d'appel de Gand est supérieur à celui des décisions rendues par la Cour de Bruxelles.
A Bruxelles, le nombre des arrêts rendus, affaires civiles, mises en accusation et affaires correctionnelles, s'élève, en moyenne, à 676 par an ; cela fait pour chacune des quatre chambres 166 arrêts rendus. A Gand, (page 1149) le nombre des arrêts rendus est en moyenne, de 450, soit 225 pour chacune des deux chambres. Voilà, messieurs, les chiffres exacts.
Maintenant, messieurs, y eût-il moins d'arrêt !rendus et moins d'heures d'audience, cela se comprendrait parfaitement.
La cause en serait à ce que le nombre de membre» qui peuvent siéger à la Cour se trouve en réalité réduit à 10, en défalquant ceux qui sont occupés par la cour d'assises ; or chaque Chambre ne pouvant siéger qu'au nombre de 3 membres, elles doivent chômer chaque fois qu'un conseiller se trouve récusé, indisposé, empêché d'une manière quelconque. C'est précisément pour éviter cet inconvénient que nous proposons d'augmenter le personnel.
On dit qu'il faut appliquer la loi de 1845. Mais on n'y a pas réfléchi. Pour quel cas, messieurs, la loi de 1845 a-t-elle été faite ? Pour le cas où un magistrat est tout à fait incapable de remplir ses fonctions. Il faut une incapacité permanente. Lorsqu'un homme est avancé en âge et que certaines infirmités l'empêchent de temps en temps de siéger, on ne peut pas lui appliquer la loi de 1845.
Le seul remède à la situation dont se plaignent les Flandres est donc dans l'adoption du projet qui vous est soumis.
Personne ne demandant plus la parole dans la discussion générale, la Chambre passe à l'examen des articles.
« Art. 1er. Le personnel de la cour d'appel de Gand est porté à quinze membres, savoir : un premier président, un président de chambre et treize conseillers. »
- Adopté.
« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa publication.
- Adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet, qui est adopté par 62 voix contre 19.
Ont voté l'adoption : MM. Allard, Carlier, David, de Boe, de Bronckart, de Brouckere, Dechentinnes, de Decker, De Fré, de Gottal, de Haerne, de Lexhy, de Liedekerke, de Mérode-Westerloo, de Moor, de Naeyer, de Paul, de Renesse, de Ridder, de Rongé, de Ruddere de te Lokeren, Desmaisières, de Smedt, de Terbecq, Devaux, de Vrière, d'Hoffschmidt, H. Dumortier, d'Ursel, Frison, Jacquemyns, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Lange, C. Lebeau, J. Lebeau, Loos, Magherman, Mouton, Nélis, Neyt, Notelteirs, Orban, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Royer de Behr, Saeyman, Savart, Tack, Tesch, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vanderstichelen, Van Iseghem, Van Overloop, Van Volxem, Verwilghen, Vilain XIIII et Moreau.
Ont voté le rejet : MM. Beeckman, de Montpellier, de Pitteurs-Hiegaerts, de Theux, Goblet, Guillery, Hymans, Landeloos, Mercier, Moncheur, Nothomb, Orts, Snoy, Thienpont, Vanden Branden de Reeth, Vander Donckt, Van Dormael, Van Humbeeck et Wasseige.
- La séance est levée à 4 heures et demie.