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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 12 mars 1861

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1860-1861)

(page 797) (Présidence de M. Vervoort.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Snoy procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart. Il donne lecture du procès-verbal de la dernière séance,

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Florisone présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Le sieur Jean-Baptiste-François Capronnier, artiste peintre verrier, domicilié à Bruxelles, né à Paris, demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.


« Le conseil communal de Bouffioulx demande que le chef-lieu de l'un des deux cantons de justice de paix de Charleroi soit fixé à Châtelet. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les membres de l'administration communale de Lauquesaint demandent un secours annuel pour le sieur Chanoine, habitant cette commune, victime de l'ophtalmie qui lui a été communiquée par son frère rentré du service militaire. »

- Même renvoi.


« Le sieur Demeulder, ancien brigadier de la gendarmerie, demande qu'il lui soit fait application des dispositions de la loi relative à la pension des gendarmes. »

« Même demande du sieur Bernaert, gendarme pensionné. »

- Même renvoi.


« Le sieur Baelde, ancien employé des douane, demande la révision de sa pension. »

- Même renvoi.


« Le sieur Debuy, postillon courrier sur la route de Tournai à Courtrai, demande une pension. »

- Même renvoi.

Projet de loi révisant le code pénal (livre II, titre IX)

Rapport de la commission

M. Pirmez. - Messieurs, dans votre dernière séance vous avez renvoyé à la commission chargée d'examiner le projet de révision du Code pénal un certain nombre d'articles.

Votre commission a procédé à l'examen dont vous l'avez chargée ; j'ai l'honneur de venir vous faire rapport du résultat de cet examen.

Article 546

Messieurs, la première disposition qui a été soumise à la commission est un article additionnel proposé par l'honorable M. Nothomb.

Cet article a pour objet de punir de la réclusion le vol commis par les domestiques ou les serviteurs à gages, ainsi que le vol commis par les hôteliers, les bateliers et les voituriers sur les choses qui leur sont confiées.

Voici la rédaction proposée par M. Nothomb ; elle est empruntée au Code actuel.

« Le vol sera puni de la réclusion :

« 1° Si le voleur est un domestique ou un homme de service à gages, même lorsqu'il aura commis le vol envers des personnes qu'il ne servait pas, mais qui se trouvaient, soit dans la maison de son maître, soit dans celle où il l'accompagnait ; ou si c'est un ouvrier, compagnon ou apprenti dans la maison, l'atelier ou le magasin de son maître, ou un individu travaillant habituellement dans l'habitation où il aura volé.

« 1°bis Si le vol a été commis par un aubergiste, un hôtelier, un voiturier, un batelier ou un de leurs préposés, lorsqu'ils auront volé tout ou partie des choses qui leur étaient confiées à ce titre. »

Votre commission, messieurs, dont l'attention avait déjà été appelée sur les avantages et sur les inconvénients qu'il peut y avoir à punir d'une peine spéciale le vol domestique, n'a pu adopter cet amendement.

L'article proposé tire une partie de son autorité de ce qu'il est inséré dans le Code en vigueur.

Mais cette autorité perdra beaucoup de son poids si l'on veut examiner le système de ce Code sur les degrés de criminalité des différents vols.

Nous devons rappeler quelques parties de ce système.

Le Code actuel trouve des causes d'aggravation dans toutes les circonstances qui peuvent entourer le vol.

Certaines soustractions sont punies d'une peine plus grave que la peine ordinaire en raison de la qualité des personnes, d'autres en raison du mode d'exécution, d'autres en raison du temps, et d'autres enfin en raison du lieu où le vol est commis.

Ces distinctions multipliées ont pour effet de conduire le législateur à appliquer la peine capitale bien avant que les faits qui se trouvent au haut de l'échelle de la criminalité se soient produits.

C'est ainsi qu'en admettant un nombre trop grand de circonstances aggravantes, en faisant du concours de plusieurs de ces circonstances aggravantes une cause de redoubler de rigueur, le Code arrive à prononcer la peine de mort alors même qu'aucune violence n'a été exercée sur les personnes.

Lorsqu'on compare d'un autre côté entre eux les différents éléments d'aggravation, on trouve que le législateur de 1810 a érigé en vols qualifiés des soustractions commises dans des circonstances toutes contraires, en sorte que dans un cas la peine s'élève pour un motif et que, dans un autre cas, elle croît pour un motif opposé.

C'est ainsi que les vols de récoltes commis dans les champs sont punis de réclusion à cause de la facilité qu'il y a à les commettre et de la confiance forcée que le propriétaire doit avoir dans la probité publique, et d'un autre côté que les vols avec escalade et avec effraction sont aussi punis d'une peine criminelle, parce qu'ils sont plus difficiles à commettre et que la victime du vol avait opposé des obstacles aux entreprises criminelles. La facilité et la difficulté de commettre l'infraction ont le même résultat : une sévérité plus grande dans le châtiment.

La même contradiction se rencontre, dans le Code de 1810, dans l'appréciation de la cause qui fait ériger les vols des serviteurs en vols qualifiés. Ces vols sont punis d'une peine spéciale parce que le domestique, introduit au sein de l'habitation même, a plus de facilité pour commettre l'infraction et parce qu'il abuse de la confiance placée en lui lorsqu'il dérobe les choses qui se trouvent dans la maison où il a été accueilli.

Mais, par contre, messieurs, ce même Code qui punit par ces raisons le vol domestique, de la réclusion, ne prononce qu'une peine moindre que celle qui est attachée au vol simple, contre l'abus de confiance, c'est-à-dire contre l'acte de celui qui, ayant reçu une chose à charge de le rendre, la détourne au préjudice de celui qui la lui a confiée.

Ainsi cette confiance que le propriétaire a placée dans le délinquant est une circonstance aggravante dans le vol domestique ; elle devient une circonstance atténuante dans l'abus de confiance proprement dit.

Voyez les singulières conséquences qui naissent de ce système : si un domestique s'empare d'une montre qui se trouve dans la chambre de son maître, il doit être, du chef de vol, condamné à la peine de la réclusion ; si la montre, au contraire, lui a été confiée pour être portée chez l'horloger, le domestique n'encourra même pas la peine attachée au vol : il n'encourra qu'une peine ne pouvant s'élever au-dessus de deux ans d'emprisonnement.

La législation française de 1832 a cherché à remédier à cette contradiction ; mais elle ne l'a fait que pour tomber dans une inconséquence juridique.

La peine du vol simple a été maintenue au maximum de 5 ans ; la peine de l'abus de confiance est demeurée au maximum de 2 ans ; mais cette loi prononce également contre le vol et contre l'abus de confiance commis par des serviteurs la peine de la réclusion.

La qualité de domestique a donc pour effet de faire encourir la réclusion quand le fait simple est déjà puni d'un emprisonnement de 5 ans, et de faire élever aussi la peine à la réclusion quand le fait simple n'est puni que d'un emprisonnement de 2 ans.

On arrive, messieurs, nécessairement à des conséquences contradictoires quand on envisage un fait tantôt sous un aspect, tantôt sous un autre, sans se faire une idée complète de son influence sur la criminalité.

La confiance dont jouit l'agent, la possibilité de mal faire qu'elle lui procure portent à augmenter la peine encourue par lui, et parce que son manquement de foi paraît particulièrement coupable, et parce que la sévérité de la peine semble servir de contre-poids à l'entraînement de l'occasion.

Mais par contre les facilités du méfait ne diminuent-elles pas cette même criminalité en ayant rendu inutile la combinaison du vol et la persévérance dans ses préparatifs, et la peine est-elle bien aussi (page 798) nécessaire quanti le discernement dans le choix de ceux à qui l'en se confie peut protéger des infractions ?

La même circonstance a, à deux points de vue différents, des effets diamétralement contraires. Quand on les rapproche pour faire une étude complète du fait, ils doivent se neutraliser.

Lorsqu'il s'est agi de réformer cette partie de la législation de 1810, il a fallu, d'abord, tracer les grandes lignes de démarcation à établir en matière de vol, de manière à écarter ces distinctions du Code de 1810 qui conduisent à des peines excessives et à des résultats contradictoires.

Le système qui est proposé à la Chambre par le gouvernement et qui a été adopté dans tous ses éléments essentiels par la commission évite et cet excès de rigueur et ces résultats disparates.

Si l'on excepte le vol qui est commis par l'abus des fonctions publiques, le projet ne considère comme vols qualifiés que les vols qui sont commis avec violence contre les choses, comme par l'effraction ou à l'aide de fausses clefs, ou avec violence, contre les personnes par la contrainte ou physique ou morale exercée sur les victimes du vol.

Ces faits de violence, messieurs, sont considérés comme des circonstances aggravantes du. vol parce qu'ils en changent profondément la nature ; ils sont essentiellement distincts du fait principal auquel ils viennent se joindre. Il y a donc en quelque sorte un double manquement au droit dont l'un, pour être le moyen d'arriver à l'autre, n'en a pas moins cependant une criminalité bien marquée ; il est naturel dès lors d'élever considérablement la peine.

Le projet est ainsi très sobre de distinctions, mais ce serait une profonde erreur de croire qu'en limitant à un très petit, nombre de cas les causes aggravantes du vol, le gouvernement et la commission aient pensé que les faits que la loi ne mentionne pas doivent être complètement perdus de vue dans la fixation de la peine.

Il ne faut pas oublier qu'à côté des circonstances aggravantes légales se trouvent les circonstances aggravantes judiciaires ; pour chaque infraction la loi laisse au juge un vaste champ qui lui permet de proportionner la peine à la gravité des faits spéciaux que révèle l'instruction.

Or, dans la question qui nous occupe, il s'agit précisément de savoir si on doit décider, comme le propose M. Nothomb, que tout vol domestique doit donner lieu à la peine de la réclusion, ou s'il faut maintenir ce vol au rang du vol simple, en laissant au juge le soin d'apprécier l'influence de la qualité de l'agent sur la criminalité et de proportionner en conséquence la peine à infliger que la loi leur permet d'élever jusqu’à 5 ans d'emprisonnement.

En d'autres termes, faut-il à l’avance déclarer que le vol simple le plus grave est un délit moindre que le vol domestique le plus léger ?

La question étant posée dans ces termes, la solution n'est pas difficile.

Le vol domestique présente deux nuances, nous dit M, Nothomb en déposant son amendement ; il y a vol ; à ce vol se joint un abus de confiance.

Mais ces deux circonstances de vol et d'abus de confiance sont deux circonstances exclusives l'une de l'autre. Le vol est la soustraction ; l'abus de confiance, la rétention frauduleuse de la chose d'autrui ; pour commettre l'abus de confiance, il faut être en possession de la chose ; quand on a la chose en sa possession, le vol devient impossible.

Le domestique se trouve dans une position pour ainsi dire mixte ; la chose ne lui est pas remise, mais elle est placée de manière qu'il puisse s'en saisir.

Le vol se conçoit, mais le fait se rapproche plus de l'abus de confiance pas son caractère moral.

Ce fait participe ainsi de ces deux infractions et emprunte à toutes deux sa criminalité, mais ce qu'il prend à l'une n'existe qu'aux dépens du rôle de l'autre infraction et, partiellement réunies, elles n'élèvent pas la culpabilité au-dessus de ce qu'est un vol ou un abus de confiance nettement caractérisé.

Si le manquement à la foi placée en sa probité que commet le domestique rend son fait digne d'une peine criminelle, n'est-ce pas à plus forte raison qu'il faudrait édicter cette peine contre ceux qui ont reçu le dépôt de l’objet que le coupable s'est approprié ? La confiance n'est-elle pas alors bien plus entière, et celui qui s'en rend indigne bien plus coupable ?

Mais cette disposition qui nous placerait si loin des idées du législateur de 1810 qui punit moins sévèrement l'abus de blanc-seing que le faux, la violation de dépôt que le vol, ne sera pas proposée.

Il faut, en effet et c'est un des points importants du débat, il faut, lorsqu'on envisage la criminalité du fait, tenir un compte notable des facilités qu'a présentées ce fait.

Sans doute quand on se place à un point de vue uniquement utilitaire, on dit : l'infraction est plus facile ; donc il faut la punir plus fort, et dans certains cas ce système a été suivi par le Code de 1810 qui s'en est écarté dans d'autres. Mais ce système, nous le repoussons de toutes nos forces.

Avant d'envisager l'utilité de la peine, il faut juger l'immoralité de l'infraction.

Or, si l'on considère la position dans laquelle se trouvent les domestiques, on est porté à être plutôt indulgent que sévère vis-à-vis d'eux.

Ils n'ont la plupart du temps d'autres ressources que celles d'un travail constant, qui pourra tout au plus, joint à une stricte économie, combinant des privations nombreuses, assurer leur vieillesse contre le besoin ; ils laissent souvent de proches parents dans une position voisine de l'indigence, et ils sont placés avec des tentations d'acquérir facilement, qui doivent être vives, au milieu du luxe, de la prodigalité ; ils voient sacrifier à un caprice vain et passager ce qui serait pour eux une fortune ; la perte pour leurs maîtres se montre insignifiante, le gain pour eux considérable et l'occasion de mal faire se présente à chaque instant.

Ne faut-il pas peser ces considérations avant de décider qu'une peine criminelle seule est une juste expiation de la soustraction que commet un serviteur au préjudice de celui qui a loué son travail ?

Il faut remarquer du reste que le vol domestique est dans le fait un vol ordinaire, que la seule circonstance aggravante que l'on invoque est inhérente non pas au fait, mais à la qualité des personnes. Or, pour être juste il faudrait aussi punir le vol du maître au préjudice de son domestique. Certainement ce fait se présente rarement ; mais une semblable disposition n'en serait pas moins nécessaire, ne fût-ce que poux montrer le respect pour l'égalité de tous devant la loi en prononçant la même peine contre des personnes qu'unissent les mêmes rapports. S'il fallait choisir entre les deux cas pour en faire l'objet d'une aggravation de peine, le vol du maître au préjudice du domestique se montrerait plus haut sur l'échelle de l'immoralité et de la culpabilité que le vol inverse.

En ne recherchant-même que l'utilité de la répression, il est impossible d'accueillir l'amendement proposé.

Les vols domestiques ne portent d'ordinaire que sur des objets d'une valeur très minime ; la réclusion serait pour ces faits, et c'est le très grand nombre, hors de toute proportion avec le trouble social produit par l'infraction. La comminer serait exposer gravement la répression même.

C'est une erreur assez répandue de croire que l'abaissement des peines n'est dictée que par l'intérêt qu'inspirent les coupables. Presque toujours, cependant, c'est le maintien de l'ordre social qui l'exige. Les peines d'une sévérité exagérée ne sont pas appliquées, et pour avoir voulu une répression trop complète, la législation n'obtient qu'une répression très imparfaite ; l'excès de la peine est évité par l'impunité.

Dans le genre d'infraction dont il s'agit de déterminer la peine, nous venons de voir que dans le très grand nombre de cas, les objets dérobés sont d'une insignifiante valeur. Si vous traduisez devant la cour d'assises les individus qui ont commis ces vols, vous arriverez à un résultat regrettable.

Ou le jury condamnera, et alors, aux yeux du public, la peine aura perdu son influence morale. Elle ne pourvoira pas à ce besoin impérieux des sociétés de voir la justice se faire ; la conscience publique sera non pas satisfaite, mais blessée.

Mais ce résultat n'est pas à craindre, ces faits ne peuvent se présenter souvent. Le jury reflète la conscience publique ; quelque prescription que lui impose la loi de se cacher à lui-même les conséquences de son verdict, elles se montreront pour influencer sa décision, et toujours il préférera violer la loi que ce qui lui paraîtra la justice. Si pour un vol de peu d'importance la réclusion doit être prononcée, le jury acquittera malgré l'évidence des faits.

La pratique elle-même nous montre l'excès de la peine proposée.

Aujourd'hui, dans presque tous les cas, les cours d'appel correctionnalisent les vols domestiques. Ce que fait le projet c'est, comme on le disait dans une discussion récente, mettre la loi en harmonie avec les faits.

La seconde partie de l’amendement de l'honorable M. Nothomb (page 799) propose de punir de la réclusion le vol commis par les aubergistes, hôteliers, voituriers, bateliers, lorsque le vol porte sur des objets qui leur ont été confiés en cette qualité.

Les considérations qui viennent d'être soumises à la Chambre montrent que cette question doit être résolue dans le même sens que celle du vol domestique.

J'ajouterai que la rédaction de cette seconde disposition, qui est du reste empruntée au Code actuel, renferme une contradiction dans les termes.

Le texte parle en effet du vol d'une chose confiée à l'hôtelier, au batelier, etc., mais il est impossible de soustraire une chose que l'on a reçue.

A ce point de vue donc encore cet amendement ne peut pas être accueilli.

M. Nothomb. - C'est la rédaction du Code actuel.

M. Pirmez. -Je le sais ; je l'ai dit ; mais la rédaction n'en est pas moins vicieuse.

Article 568

M. Pirmez, rapporteur. - La deuxième disposition qui a été renvoyée à la commission est celle qui concerne la définition de l'effraction. Cette définition est ainsi rédigée :

« L'effraction consiste à forcer, rompre, dégrader, démolir ou enlever toute espèce de clôture extérieure d'une maison, édifice, construction quelconque ou de ses dépendances, ou d'un bateau, d'un waggon ou d'une voiture, ou, après l'introduction dans ces lieux, toute espèce de clôture intérieure et notamment celles des armoires ou des meubles fermés destinés, à rester en place et à protéger les effets qu'ils renferment. »

M. Coomans a proposé un changement de rédaction qui ne touche qu'à la forme, c'est de ne pas appliquer les expressions : « Clôtures intérieures » aux meubles et armoires, et de dire : « Toute espèce de clôture intérieure, ainsi que les meubles et armoires. »

Cet amendement ne peut donner lieu à aucune difficulté, et la commission a l'honneur, messieurs, de vous en proposer l'adoption.

Dans la discussion de cet article, MM. Van Humbeeck et Devaux ont demandé si la définition de l'effraction n'exclut pas par des termes trop étroits des faits qui devraient constituer des vols qualifiés.

Pour se rendre compte de l'état de cette question, il est nécessaire d'exposer en peu de mots le système du Code actuel et le système du projet sur l'effraction.

Le Code en vigueur donne une définition très large de l'effraction.

Il comprend dans l'effraction non seulement tous les faits qui consistent à rompre ou à briser des clôtures extérieures ou des clôtures intérieures d'édifices, des armoires et des meubles, mais encore l'enlèvement de caisses, boîtes, ballots sous toile ou corde, ou des meubles fermés quelconques.

Ainsi, l'enlèvement d'un simple ballot dû marchandises, d'une cassette ou d'un sac de voyage est considéré comme un vol avec effraction ; mais pour restreindre l’application d'une définition aussi étendue, le Code ne regarde l'effraction comme cause d'aggravation que lorsqu'elle est commise dans une maison habitée.

Cette définition et cette restriction donnent lieu à beaucoup de difficultés.

Ainsi l'on s'est demandé si une église doit être assimilée à une maison habitée, et si les vols qui s'y commettent fréquemment par le bris des portes ou des fenêtres, doivent être frappés de la réclusion.

La cour de cassation de France, par un tour de force juridique, il faut bien le dire, a considéré les églises comme étant des maisons habitées. Il est évidemment impossible d'admettre en jurisprudence une semblable interprétation, surtout quand il s'agit de matière pénale. Mais il n'en est pas moins que les vols dont je parle méritent la peine de la réclusion. Aussi le projet de loi avait-il proposé d'assimiler par un texte formel les églises aux maisons habitées.

Mais sous le rapport de la peine contre les vols avec violence, cette assimilation donnait lieu à de trop graves critiques pour être maintenue.

Il y a quantité d'autres effractions qui se commettent en dehors des maisons habitées et qui doivent donner lieu à une aggravation de peine. Telles sont, par exemple, les effractions commises dans les stations de chemins de fer, dans les établissements industriels, dans les bureaux des maisons de commerce, enfin dans tous autres lieux qui contiennent des valeurs et dans lesquels personne n'habite.

Il est donc nécessaire, pour avoir une répression convenable, de faire disparaître la restriction que le Code actuel apporte à cette circonstance aggravante quant au lieu où le vol est commis.

Mais en donnant cette extension au vol avec effraction, la commission a cru qu'il fallait donner plus de précision à la définition même de l'effraction.

Voici le système qui lui est apparu comme le plus logique.

L'effraction d'un meuble qui contient des objets quelconques et l'enlèvement de ce meuble sont des faits dont la criminalité se relie.

Il est évidemment impossible de punir l'effraction d'un meuble dont l'enlèvement ne donnerait lieu qu'à l'application de la peine du vol simple. La soustraction de la chose entière est évidemment plus grave que le bris de cette chose et que l'enlèvement de ce qu'elle contient.

Mais il est impossible, d’autre part, d'ériger en vol qualifié l'enlèvement d'une chose qui ne présente par sa nature aucune résistance spéciale aux entreprises des malfaiteurs.

Pourquoi, par exemple, la soustraction d'un ballot de marchandises, d'une caisse, d'une malle serait-elle punie plus rigoureusement que la soustraction d'objets de même volume, de même poids, de même valeur ?

D'autre part, l'effraction ne peut être punissable que lorsqu'elle porte sur des meubles qui ont pour objet de protéger contre les tentatives des malfaiteurs les choses qu'ils renferment. C'est en effet la perversité plus grande que dénote la lutte avec les obstacles que veut atteindre la sévérité de la loi, et c'est contre le trouble plus grand que cause un vol qui déjoue les précautions de la prudence que la société doit être spécialement rassurée.

Ces motifs ne se rencontrent évidemment que lorsque le meuble brisé devait assurer au propriétaire la possession de sa chose.

C'est en combinant ces deux circonstances que la commission restreint la définition de l'effraction légale.

L'effraction doit, pour être une circonstance aggravante,, porter sur des meubles dont l'enlèvement est spécialement coupable, et qui sont destinés à protéger les objets qu'ils renferment.

Ce système est consacré dans le texte par ces mots : « Quiconque aura brisé, etc., des meubles fermés, destinés à rester en place, et à protéger les effets qu'ils renferment. »

On voit que, dans ce système, il est impossible de punir criminellement le fait qui a été signalé par l'honorable M. Devaux.

L'honorable membre a supposé que, dans un waggon du chemin de fer, on force une malle, pour enlever les objets qu'elle renferme.

S'il y a à cause de cette effraction vol qualifié, l'enlèvement de la malle doit aussi être un vol qualifié ; nous venons de dire en effet que cet enlèvement est un fait plus grave que l'effraction.

On arrive ainsi à un résultat beaucoup trop étendu, et il faudrait décider pour suivre la logique et ne pas s'arrêter sans un motif sérieux que la soustraction d'un sac de voyage et même d'une très petite valise donnerait lieu à l'application de la peine de la réclusion et on se demande pourquoi on appliquerait dans ces cas une peine plus grave que la peine de vol simple.

Le vol ne se montre en effet ni avec de plus grands dangers ni avec plus de perversité.

Nous ferons en terminant observer, du reste, qu'en n'adoptant pas une modification que paraissait désirer M. Devaux, la commission ne fait que maintenir, quant aux résultats, ce qui existe aujourd'hui. En effet, d'après le Code, le bris d'une malle dans un waggon ne donnerait pas lieu à l'application d'une peine criminelle. Il y aurait bien effraction mais elle ne serait pas punie d'une peine spéciale, parce qu'elle ne serait pas commise dans une maison habitée.

Autres articles

M. Pirmez, rapporteur. - Le troisième article dont la commission a eu à s'occuper est celui qui concerne l'escroquerie. Elle n'a pu encore examiner cet article, sur lequel elle n'était pas entièrement d'accord avec le gouvernement ; elle attend, pour vous soumettre un rapport à cet égard, qu'elle ait pu conférer avec M. le ministre de la justice pour s'assurer si l'on ne pourrait arriver à présenter à la Chambre une rédaction arrêtée de commun accord entre le gouvernement et la commission.


M. Pirmez, rapporteur. - Le quatrième article concerne la rédaction de l'article qui punit la tromperie.

Cet article est ainsi conçu :

« Quiconque aura trompé l'acheteur, soit sur l'identité de la chose vendue, en lui livrant frauduleusement une chose autre que celle qu'il a déterminément achetée, soit sur la nature des marchandises, en vendant ou livrant frauduleusement une chose d'apparence semblable à celle qu'il a achetée ou cru acheter, sera puni d'un emprisonnement d'un mois à un an, et d'une amende de cinquante francs à mille francs, ou de l'une de ces deux peines seulement. »

(page 800) Le mot « déterminément » a soulevé des scrupules.

J'ai eu l'honneur de le dire à la Chambre, le but de la commission, en rédigeant dans la partie de l'article où se trouve ce mot, a été d'indiquer que, pour qu'il y ait tromperie sur l'identité de la chose vendue, la vente doit avoir eu pour objet un corps certain, une chose déterminée dans son individualité.

Le mot « déterminément » est français. Il l'est, dans le sens où nous l'employons, et l'on cherche vainement un mol qui rende d'une manière aussi claire la pensée qui doit être exprimée.

Pourquoi, dès lors, ne pas employer ce terme ?

L'honorable M. De Fré propose de mettre le mot « spécialement. »

Je crois que ce mot, par les commentaires qu'il reçoit de la discussion qui a eu lieu, rend aussi l'idée qu'on veut exprimer, quoique d'une manière moins complète que le mot « déterminément. »

La commission, messieurs, maintient la rédaction proposée d'abord, parce qu'elle la croit plus claire ; cependant elle n'attache pas d'importance au mot « déterminément », et elle croit qu'il n'y a pas d'inconvénient à employer le mot « spécialement ».


M. Pirmez, rapporteur. - Enfin, messieurs, reste le dernier point qui a été soumis à la commission. C'est celui qui a pour objet de préciser quelles doivent être les conditions de criminalité nécessaires pour que le fait de s'approprier une chose trouvée soit punissable.

Voici la rédaction proposée par le gouvernement et la commission :

« Art. 611. Seront punis d'un emprisonnement de huit jours à deux ans et d'une amende de vingt-six francs à cinq cents francs :

« Ceux qui, ayant trouvé ou étant entrés par hasard en possession d'une chose mobilière d'autrui et ayant eu connaissance de la réclamation du propriétaire, ou étant obliges par leurs fonctions de remettre cette chose à leurs supérieurs, l'auront frauduleusement retenue ou livrée à des tiers. »

L'honorable M. De Fré a fait observer que la preuve des éléments constitutifs de l'infraction serait excessivement difficile.

En effet, le ministère public aurait à prouver, pour obtenir une condamnation à charge du prévenu qu'il a eu connaissance de la réclamation du propriétaire, fait extrêmement (deux ou trois mots illisibles) et qui, dans beaucoup de cas où la criminalité n'est pas douteuse, pourrait ne pas être établi et même ne pas exister.

Il est impossible de se dissimuler le fondement de cette critique.

Pour parer au défaut qu'il signale, M. De Fré a proposé de punir dans tous les cas ceux qui, après 24 heures, n'auront pas déclaré à l'autorité, qu'ils ont trouvé une chose perdue.

Cette obligation, qui n'est encore écrite nulle part, serait excessivement rigoureuse.

Si aucune restriction n'était faite à cet égard dans le texte il s'ensuivrait que celui qui aurait trouvé un objet de valeur insignifiante qu'il aurait par négligence conservé, serait sous le coup de la pénalité si, dans le délai très court, indiqué par l'honorable M. De Fré, il n'a pas fait la déclaration à la police.

D'un autre côté il ne faut pas oublier qu'à la campagne surtout, cette déclaration ne se fait jamais, que les hommes les plus probes ne la font pas, mais qu'ils se contentent de faire connaître qu'ils ont trouvé la chose perdue en en informant les personnes avec lesquelles il sont en relations et que c'est ainsi de proche en proche que la nouvelle se répand.

Il y aurait donc excès dans la répression si l'on punissait le fait dans les conditions qu'indique M. De Fré.

Pour résoudre la question qui se présente il faut se demander d'abord dans quel cas on doit punir.

C'est évidemment lorsqu'il y a appropriation frauduleuse, c'est-à-dire quand la personne qui a trouvé une chose s'en empare sachant bien que ce n'est pas une chose abandonnée et en dispose à son profit.

Telle est la solution générale, mais en quels termes faut-il consacrer cette solution, c’est-à-dire quels signes, quels faits la loi doit-elle signaler pour qu'il soit constaté que l'agent a eu l'intention de s'approprier la chose ?

L'honorable M. Guillery a proposé de punir lorsque celui qui a trouvé la chose d'autrui nie avoir trouvé.

Evidemment celle idée est très juste en elle-même, mais elle n'est pas complète parce qu'il se rencontrera que le délinquant n'ait pas été interpellé sur le fait de sa possession de la chose perdue et que par conséquent il n'ait eu ni à le reconnaître ni à le nier.

Votre commission a pensé trouver une solution convenable de la question dans le Code prussien :

« Est assimilé au détournement, porte l'article 226, le fait de celui qui, ayant trouvé une chose mobilière d'autrui, ou étant entré par hasard en possession d'une semblable chose, la vend, la donne en gage ou la consomme, ou la cède au préjudice du propriétaire, possesseur ou détenteur, ou qui, devant l'autorité, nie l'avoir en sa possession. »

Cette rédaction peut évidemment être simplifiée.

Ainsi le fait de celer une chose comprend nécessairement celui de nier la possession de la chose. Il le comprend comme le genre comprend l'espèce.

On peut donc faire disparaître cette expression qui n'ajoute rien au sens des premiers termes employés.

En outre on peut comprendre sous une expression générique tous les actes de dispositions sans entrer dans une énumération inutile, et exprimer par le mot « frauduleusement » généralement employé dans le Code l'intention de s'enrichir aux dépens d'autrui, essentielle au fait dont il s'agit.

Ces diverses modifications faites, l'article serait rédigé dans les termes suivants :

« Seront punis..

« « 1° Ceux qui, ayant trouvé une chose mobilière appartenant à autrui ou en ayant obtenu par hasard la possession, l'auront frauduleusement celée ou livrée à des tiers. »

Ainsi trois conditions seraient nécessaires à l'infraction : 1° d'avoir trouvé une chose ou d'en avoir obtenu par hasard la possession ; 2° de l'avoir celée ou livrée à des tiers ; et 3° d'avoir agi frauduleusement c'est-à-dire dans la vue de réaliser un bénéfice.

Je crois, messieurs, que cette rédaction satisfait à l'objection qu'a présentée l'honorable M. De Fré et qu'elle ne tombe pas dans le défaut d'une incrimination trop large ; elle punit l'improbité, sans flétrir la négligence.

La commission a donc l'honneur de proposer l'adoption de l'article dans les termes qui viennent d'être indiqués.

- L'assemblée décide l'impression spéciale et la distribution de ce rapport.

M. le président. - La Chambre avait décidé d'aborder aujourd'hui la discussion des articles du chapitre consacré à la répression des délits qui concernent la propriété artistique et littéraire.

J'apprends que la commission du Code pénal et la section centrale qui a examiné le projet de loi relatif à la propriété littéraire se réuniront pour se mettre d'accord sur les dispositions relatives à ces délits.

Je propose donc à la Chambre de réserver ces articles et de passer au chapitre III, section première, qui traite de l'incendie, sauf à revenir ultérieurement sur tous les articles réservés,

- Adopté.

Chapitre III. Destructions, dégradations, dommages

Section I. De l’incendie
Article 613

« Art. 613. Sera puni des travaux forcés de quinze à vingt ans, quiconque aura mis le feu à des édifices, navires, bateaux, magasins, chantiers et généralement à tous lieux servant à l'habitation, dans lesquels se trouvent des personnes au moment de l'incendie. »

M. Van Overloop. - Il était indispensable de modifier les dispositions sur l'incendie du Code pénal de 1810, qui, comme l'a dit l'honorable rapporteur, par une « horrible simplicité, sans tenir compte des nuances de criminalité, » punit toujours l'incendiaire de la peine de mort.

Mais le projet de loi que nous discutons tient-il lui-même complètement compte des nuances de criminalité qui peuvent se présenter en matière d'incendie ?

Je ne le pense pas. Un individu met le feu à une construction ; s'il l'a fait dans l’intention de commettre un meurtre ou un assassinat, la peine qu'il encourt est celle qui est comminée contre le meurtre ou l'assassinat, selon les circonstances.

S'il a mis le feu, non pas dans le but de commettre un meurtre ou un assassinat, mais uniquement dans le but d'incendier, le projet fait des distinctions. Je ne veux, messieurs, appeler l'attention de la Chambre que sur une de ces distinctions.

Le feu est mis à une construction servant d'habitation : ou l'incendiaire sait qu'il s'y trouve des personnes, et l'incendie leur cause des blessures ou la mort ; dans ce cas, messieurs, la peine, aux termes de l'article 613, est celle de 15 à 20 années de travaux forcés. (Interruption.)

(page 801) On ne connaît pas encore ma pensée. Je veux dire que la peine, dans ce cas, ne sera jamais moindre. Elle sera supérieure si l'incendie a causé des blessure et que la peine comminée contre le coupable de blessures faites avec préméditation soit supérieure.

L'incendiaire sera puni de mort s'il a occasionné la mort.

Voilà le premier cas. Maintenant, l'incendiaire ne sait pas qu'il se trouve des personnes dans la maison à laquelle il a mis le feu ; mais, en fait, il y en a ; dans ce cas, c'est encore une fois l'article 613 qui est applicable, c'est-à-dire la peine de 15 à 20 années de travaux forcés. (Interruption.)

L'article 613 porte ce qui suit : (L'orateur donne une nouvelle lecture de cet article.)

Par conséquent, si je mets le feu à une construction servant d’habitation et qu'il s'y trouve des personnes au moment où j'y mets le feu, c'est l'article 613 qui est applicable, c'est-à-dire la peine de 15 à 20 années de travaux forcés.

La pénalité est donc la même, soit que l'incendiaire sût que la maison incendiée était habitée, soit qu'il l'ignorât.

Supposons maintenant que l'incendiaire croie positivement qu'il n'y a personne dans la maison à laquelle il met le feu ; eh bien, dans ce troisième cas encore c'est toujours la même pénalité qui est applicable.

Or, messieurs, il est incontestable qu'il y a entre ces différents cas des nuances de criminalité très sensibles ; et il me semble qu'on n'y a pas appliqué cette échelle de pénalités dont l'honorable rapporteur lui-même a constaté avec raison la nécessité.

A mon avis, l'individu qui met le feu à une maison sans se demander si cette maison est ou n'est pas habitée, est infiniment plus coupable que celui qui met le feu à une maison croyant qu'il ne s'y trouve personne.

Il y a là des nuances très tranchées et, par conséquent, je crois que la critique que j'adresse ici au projet est une critique parfaitement fondée ; c'est à-dire que le projet ne tient pas assez compte des différentes nuances de criminalité qui se rencontrent dans les cas que je viens d'indiquer.

Il est à remarquer que, en fait d'incendies surtout, tout doit dire prévu et assez exactement prévu, car ce crime est assez ordinaire. J'ai relevé dans la statistique qu'il y a eu en 1840 40 incendies, 10 en 1841, 18 en 1842, 11 en 1843, 17 en 1844, 18 en 1845, 18 en 1846, 27 en 1847, 18 en 1848 et 20 en 1849. Soit 160 incendies en 10 ans.

Je crois ne pas devoir insister davantage sur ce point. Il me semble que j'aurais manqué à mon devoir si je n'avais pas fait ressortir à la Chambre la différence qu'il y a entre les divers cas que je lui ai signalés ; et la nécessité, selon moi, si l'on veut persévérer à être logique, de faire la distinction que je viens d'établir entre ces différents cas.

M. Pirmez, rapporteur. - Il est évident que toutes les nuances de la criminalité ne doivent pas être indiquées par le législateur ; il faut en laisser un certain nombre à l'appréciation des tribunaux.

Il s'agit de savoir si les nuances, signalées par l'honorable membre ont assez d'importance pour faire l'objet de distinctions légales.

L'incendiaire, nous dit-il, peut mettre le feu à une habitation, ou en sachant qu'elle contient des personnes, ou en le croyant, ou en l'ignorant.

M. Van Overloop. - Il pouvait croire que la maison était inhabitée, bien qu'il y eût des personnes.

M. Pirmez, rapporteur. -- Soit. Mais rendons-nous bien compte du système de la loi.

Il est nécessaire de préciser les infractions par des faits irrécusables, et dont la constatation soit aisée.

Pour arrivera ce résultat, le projet a fait une distinction entre les édifices qui servent et ceux qui ne servent pas à l'habitation.

Quant aux premiers, il a admis, ce qui résulte de la nature des choses mêmes, que l'agent a dû prévoir la possibilité de la présence de (page 801) personnes dans l'habitation, et par conséquent que si ces personnes ont été atteintes par l'incendie, le coupable est responsable du mal qui est résulté pour elles ; il serait raisonnable de permettre à l'incendiaire qui met le feu à un édifice destiné à être habite qu'il ignorait que l'édifice fût habité ?

Quand la nature même de la construction incendiée révèle à l'incendiaire et le danger auquel son fait expose des personnes et le mal qu'elles peuvent en éprouver, il est impossible que ce danger et ce mal relui soient pas imputables.

Le projet s'occupe aussi des édifices qui ne doivent pas, par leur nature, contenir des personnes ; pour ceux-là, il admet la présomption contraire à celle qui régit l'incendie des édifices destinés à servir d'habitation ; l'agent sera présumé n'avoir voulu causer et n'avoir accepté dans sa volonté que l'éventualité d'un dommage matériel ; il ne sera responsable du mal arrivé aux hommes que quand une circonstance quelconque lui aura révélé qu'il y avait des personnes dans le lieu incendié.

Le projet satisfait ainsi à toutes les exigences de la justice morale, comme à celles de la répression. Admettre dans la loi les trois degrés de criminalité que voudrait introduire l'honorable membre alors que déjà l'incendie est puni de quatre ou cinq manières différentes selon la gravité des faits, ce serait sans améliorer la théorie du projet créer un embarras immense dans la pratique.

M. Van Overloop. - Je répète la lecture de l'article :

« Sera puni des travaux forcés de 15 à 20 ans, quiconque aura mis le feu à des édifices, navires, bateaux, magasins, chantiers et généralement à tous lieux servant à l’habitation, dans lesquels se trouvent des personnes au moment de l’incendie.» C'est donc le fait matériel seul de la présence de personnes au moment de l'incendie que le législateur veut punir ; vous ne tenez plus compte de la criminalité de l'intention, cependant quel est le but de la loi pénale ? C'est de punir la volonté criminelle de l'homme. Je crois devoir maintenir mes observations.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je crois que l'on a fait dans la loi la seule distinction qu'il fût possible de faire en cette matière ; c'est la distinction entre la maison habitée et celle qui ne l'est pas. Si l'inculpé a incendié une maison habitée, il a pu et dû prévoir toutes les conséquences du fait qu'il perpétrait ; il doit donc en supporter la responsabilité, car l'on ne peut pas dire que sa volonté ait été étrangère au crime commis.

Exiger que l'on prouve qu'il savait qu'il y avait des personnes dans la maison, c'est exiger une preuve impossible. Comment voudrait-on imposer à la partie poursuivante l'obligation de prouver que l'individu savait que la maison contenait des personnes au moment où il l'incendiait ?

Quand une maison est habitée, il y a une présomption qu'il y a des habitants et il est impossible qu'on vienne prétendre, pour obtenir une atténuation de peine, qu'on ne savait pas que la maison renfermait des personnes dont on compromettait l'existence.

M. Van Overloop. - Si je prouve que j'avais la croyance qu'il n'y avait personne.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il est impossible d'admettre ici la preuve de la croyance personnelle d'un accusé. Pareille croyance ne peut être admise contre l'évidence des faits. Du moment qu'il est établi d'une manière pertinente qu'une maison était habitée, l'accusé ne peut venir invoquer une croyance personnelle pour échapper à la peine qui frappe celui qui, par un incendie, compromet l'existence des personnes.

M. Pirmez, rapporteur. - Ce qui trompe M. Van Overloop, c'est que le texte exige qu'il se trouve des personnes dans l'édifice incendié, au moment de l'incendie. L'honorable membre en conclut à tort que nous ne nous attachons qu'à la matérialité du fait.

La criminalité morale consiste dans la connaissance qu'a nécessairement l'agent de la possibilité de la présence de personnes dans l'habitation incendiée ; moralement il est coupable, qu'il y ait ou qu'il n'y ait pas de personnes dans l'habitation.

Mais la loi ne punit jamais que les faits matériels. Si, contrairement à la prévision même de l'incendiaire, l’habitation est déserte, la loi lui en accorde le bénéfice.

Il en est de même pour les infractions. Quand le fait qui constitue l'infraction matérielle fait défaut, l'agent profite de l'absence d'un des éléments de l'infraction même quand il l'ignore.

Celui qui met le feu à une maison servant d'habitation doit être condamné comme ayant incendié une maison habitée ; mais si les habitants sont absents au moment de l'incendie, il est déchargé de la peine (page 802) plus grave qu'il eût encourue dans le cas contraire, parce que la matérialité du fait de l'habitation manque, quoique la criminalité morale existe.

M. Nothomb. - Je demande la parole pour faire une simple modification de rédaction à l'article 614.

Cet article porte : « Sera puni de la même peine quiconque, etc. »

Il serait mieux de rétablir la rédaction du gouvernement et de dire :

« Sera aussi puni des travaux forcés de 15 à 20 ans quiconque aura mis le feu à des édifices, etc. »

Les articles 613 et 614 s'appliquent à des hypothèses, pour que le juge ne soit pas obligé de lire et de reproduire dans l'arrêt les deux dispositions si on conservait la rédaction de la commission...

M. le président. - Nous en sommes à l'article 613.

M. Nothomb. - Je le sais, mais j'ai fait mon observation parce que l'article 614 se référait à l'article 613.

- L'article 613 est mis aux voix et adopté. .

Article 614

« Art. 614. Sera puni de la même peine, quiconque aura mis le feu à des édifices servant à des réunions de citoyens, pendant le temps de ces réunions, ou à tous autres lieux inhabités, s'il s'y trouve des personnes et que l'auteur du crime ait su, par suite de l'usage on autrement, qu'il pouvait s'y en trouver.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je me rallie au changement proposé par M. Nothomb qui consiste à dire : « sera aussi puni des travaux forcés de 15 à 20 ans quiconque aura mis le feu à des édifices, etc. »

- L'article 614, ainsi modifié, est mis aux voix et adopté.

Articles 615 à 621

« Art. 615. Si, dans les cas des deux articles précédents, le feu a été mis pondant la nuit, la peine sera celle des travaux forcés à perpétuité. »

- Adopté.


« Art. 616. Quiconque aura mis le feu soit à des édifices ou autres objets désignés aux articles 613 et 614, mais hors les cas prévus par ces articles, soit à des forêts, bois taillis ou récoltes sur pied, sera puni des travaux forcés de dix à quinze ans.

« Si ces objets appartiennent à l'un des participants à l'incendie, mais que le feu ait été mis méchamment ou frauduleusement, la peine sera un emprisonnement de deux ans à cinq ans et une amende de deux cents francs à mille francs. »

- Adopté.


« Art. 617. Si le feu a été mis pendant la nuit, le coupable sera condamné, dans le cas prévu par le premier paragraphe de l'article précédent, aux travaux forcés de quinze à vingt ans, et, dans le cas du second paragraphe, à la réclusion. »

- Adopté.


« Art. 618. Quiconque aura mis le feu à des bois abattus, sciés ou non sciés, réunis en certaines quantités, ou à des récoltes coupées, sera puni de la réclusion.

« Si ces bois ou ces récoltes appartiennent à l'un des participants à l'incendie, mais que le feu ait été mis frauduleusement ou méchamment, la peine sera un emprisonnement de six mois à trois ans, et une amende de cinquante francs à cinq cents francs. »

- Adopté.


« Art. 619. Si le feu a été mis pendant la nuit, le coupable sera condamné, dans le cas prévu par le premier paragraphe de l'article précédent, aux travaux forcés de dix à quinze ans, et dans le cas prévu par le second paragraphe, à un emprisonnement de deux ans à cinq ans, et à une amende de deux cents francs à mille francs. »

- Adopté.


« Art. 620. Dans le cas où l'incendie emporte, conformément aux articles 616 et 619, la peine d'emprisonnement, la tentative d'incendie sera punie de trois mois à deux ans d'emprisonnement et de cinquante francs à deux cents francs d'amende. »

- Adopté.


« Art. 621. Le coupable condamné à l'emprisonnement pourra de plus être condamné à l'interdiction conformément à l'article 44, et placé sous la surveillance spéciale de la police pendant deux ans à cinq ans. »

- Adopté.

Article 622

« Art. 622. Lorsque des objets appartenant à l'Etat ont été incendiés ou autrement détruits, dans l'intention de favoriser l'ennemi, les coupables seront punis des travaux forcés de quinze à vingt ans. »

M. Van Overloop. - Je ne comprends pas pourquoi cet article fait une distinction entre les objets appartenant à l'Etat et ceux qui appartiennent à des particuliers.

Ce que l'article veut punir, c'est l'incendie dans l'intention de favoriser l'ennemi, par exemple, en lui donnant des signaux.

Si telle est sa portée, pourquoi l'article ne frappe-t-il que l'incendiaire d'objets appartenant à l'Etat ? Il me semble qu'il doit atteindre également l'incendiaire d'objets appartenant à des particuliers. Dès que le feu est mis dans l'intention de favoriser l'ennemi, l'article 622 doit être applicable, que les objets appartiennent à l'Etat ou à d'autres personnes. (Interruption.)

Si je comprends mal l’article, je prie l’honorable rapporteur ou l’honorable ministre de la justice de dire en quoi je me trompe. Quant à moi, dès qu’ l’incendie a lieu dans l’intention de favoriser l’ennemi, il ne m’importe aucunement de savoir à qui appartiennent les objets incendiés.

M. Pirmez, rapporteur. - L'article actuellement en discussion doit faire partie du titre premier, et il comprend non seulement l'incendie, mais tous les genres de destructions.

La première condition de l'infraction est qu'il s'agisse de propriétés de l'Etat, et pas d'autres propriétés.

La seconde condition, c'est que le fait soit commis dans le but de favoriser l'ennemi.

Or, il est évident que l'article sera applicable, quel que soit le mode employé par le coupable pour favoriser l'ennemi. S'il a mis le feu à des objets appartenant à l'Etat, pour que l'incendie serve de signal à l'ennemi, il commet un acte tout aussi condamnable que s'il a mis le feu à ces mêmes objets, dans le but d'en priver l'armée et d'amoindrir ainsi la résistance contre l'ennemi.

Le projet ne punit pas d'une peine exceptionnelle le. crime d'incendie des choses appartenant aux particuliers commis pour favoriser l'ennemi ; il se contente des dispositions générales contre l'incendie et de celles qui punissent les crimes contre la sûreté extérieure de l'État.

M. Van Overloop. - Je ne comprends pas la distinction.

M Pirmez.— Quand il s'agit des biens de l'Etat, vous avez un double fait : la privation pour l'Etat de choses qui peuvent lui être utiles, et en second lieu l'assistance donnée à l'ennemi. C'est la réunion des deux éléments qui fait qu'une peine plus sévère est prononcée.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - L'exposé des motifs et le rapport de la commission indiquent clairement quel est la sens de l'article. Il suppose la destruction d'un objet appartenant à l'Etat, ce qui favoriserait l'ennemi. Ainsi la commission cite comme exemple une vieille muraille qui, pouvant favoriser la défense du pays, serait détruite par l'explosion d'une mine pratiquée par un individu qui voudrait favoriser l'ennemi.

Voilà un fait qui tombe sous l'application de l'article ; l'Etat a un magasin de vivres qui est nécessaire à l'armée en campagne. Un individu l'incendie. Le fait est puni d'une manière plus sévère que s'il s'agissait d'un incendie ordinaire.

Tels sont, entre autres, les cas que l'article est destiné à prévoir.

M. Coomans. -- Je comprends très bien qu'il y ait une circonstance aggravante, lorsque l'ennemi se trouve favorisé par un incendie. Ainsi le cas cité par l'honorable ministre de la justice est évident. Un individu détruit un mur ou incendie un magasin de vivres appartenant à l'Etat, soit dans une place forte, soit en campagne. Au fait d'avoir porté dommage à l’Etat, s'ajoute la criminalité très grande de l'assistance perfide donnée à l'ennemi.

Nous sommes parfaitement d'accord sur ce point. Aussi la pensée de l'article 622 doit-elle être généralement adoptée.

Mais il me semble que l'intention de mon honorable ami a été de poser cette question-ci : Pourquoi n'ajoutez-vous pas la même circonstance aggravante au fait d'un individu qui a incendié ou détruit, en vue de favoriser l'ennemi, des propriétés particulières ?

Je m'explique.

Dans une place forte, à Anvers, par exemple, se trouvent des magasins de pain, de farine, de paille, de foin, appartenant non à l'Etat, mais à des particuliers, adjudicataires pour le service de l'Etat. Le cas peut se présenter. Il est bien clair que le mauvais drôle qui incendiera ces magasins de foin ou de vivres, en présence de l'ennemi, aura commis un crime bien plus grand, bien plus préjudiciable à l'Etat que s'il avait commis ce même crime dans d'autres circonstances, en temps de paix, par exemple. (Interruption.)

Je ne sais si l'assemblée me comprend bien.

- Des membres. - Si, si.

(page 803) M. Coomans. - Mais il me semble que l'incendiaire est en même temps un détestable citoyen, et qu'il mérite, dès lors, une punition supplémentaire.

Or, quand vous voyez une circonstance aggravante, et avec raison, dans le fait de l'incendie, au profit de l'ennemi, d'objets appartenant à l'Etat, pourquoi ne pas voir aussi cette circonstance aggravante dans le même acte, alors que la propriété est celle d'un particulier ?

Il me semble, messieurs, que nous serions tous d'accord si nous supprimions les mots « appartenant à l'Etat », en sorte que la même peine serait appliquée à l'incendiaire traître qui détruirait des richesses publiques ou privées, en vue d'aider l'ennemi.

- Des membres. - Appuyé !

M. Coomans. - En présence de l'appui qu'on me donne, je vais rédiger un amendement dans ce sens.

M. Van Overloop. - La circonstance aggravante est la même des deux côtés.

M. Coomans. - C'est ce que je crois avoir démontré. Il faut donc de deux choses l'une : ou supprimer les mots « appartenant à l'Etat », ou bien y ajouter ceux-ci : « ou à des particuliers ». La suppression me paraît préférable à l'addition.

M. Pirmez, rapporteur. - Sauf à y revenir au second vote, je ne vois pas d'inconvénient à adopter la proposition de M. Coomans ; je crois bien que si quelqu'un se met dans le cas prévu par l'honorable membre, on ne recourra pas au Code pénal pour savoir quelle peine doit être appliquée.

Il est bien entendu, messieurs, que cet article doit être transféré au titre premier.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - On peut adopter l'amendement sauf à examiner d'ici au second vote.

- L'article est adopté tel qu'il est modifié par M. Coomans.

Article 623

« Art. 623. Celui qui aura mis le feu à des objets quelconques, dans l'intention de le communiquer à d'autres choses placées de manière à être incendiées par communication, sera condamné comme s'il avait mis ou tenté de mettre directement le feu à ces choses.

« Lorsque, dans les cas prévus par les articles précédents, le feu s'est communiqué à d'autres choses placées de manière à être incendiées par communication, le coupable sera aussi condamné comme s'il avait directement mis le feu à ces choses. »

M. Van Humbeeck. - Messieurs, je crois qu'il faut modifier la rédaction de cet article.

Mettre « le feu à des objets quelconques dans l'intention de le communiquer à d'autres choses, » voilà le fait que prévoit le texte, mais ces mots ne définissent point un délit. Il faut dire qu'il s'agit des choses déjà énumérées dans les articles précédents.

Cela se trouvait dans le projet de loi du gouvernement et cela se trouve également dans le Code pénal français de 1832.

Les mots : « autres choses » ne peuvent évidemment pas être maintenus isolément.

Si l'article était pris à la lettre, on ne pourrait plus même allumer un poêle ; c'est là, en effet, mettre le feu à des objets quelconques dans l’intention de le communiquer à d'autres choses.

Après cette observation de forme, je crois devoir présenter une observation relative au fond.

Elle s'applique au deuxième paragraphe de l'article. A la lecture il m'a été d'abord impossible de comprendre ce paragraphe ; mais j'y suis parvenu grâce au rapport où je lis :

« Toute la difficulté se concentre sur le point de savoir ce qu'il faut décider lorsque l'agent a voulu brûler certaines choses, et que le feu s'est communiqué à d'autres biens dont l'incendie est frappé de peines plus graves

En combinant le texte de l'article avec cette phrase du rapport, on comprend qu'il s'agit d'un agent criminel qui veut mettre le feu à certains objets dont l'incendie est punissable, mais le fait s'étend plus loin que sa volonté et le feu se communique à d'autres objets, dont l'incendie est puni plus sévèrement.

Ce n'est plus l'acte de la volonté, c'est l'œuvre du hasard, qu'on veut punir. Je comprends parfaitement que le résultat d'une infraction entre en ligne de compte, comme circonstance aggravante, mais les circonstances aggravantes de cette nature doivent être abandonnées à l'appréciation du juge et la loi ne doit pas s'en occuper. Elles amèneront le juge à se rapprocher du maximum ou même à l'appliquer.

Elles ne doivent pas avoir d'autre influence. C'était du reste l'opinion du gouvernement, dont le projet ne prévoyait pas ce délit spécial.

Je crois donc, messieurs, que, indépendamment du changement de rédaction que j’ai signalé en premier lieu, il faut supprimer le paragraphe 2 de l'article proposé par la commission.

Permettez-moi de revenir un moment au premier paragraphe. J'avais l'intention de proposer tout simplement la reproduction du texte primitif du gouvernement, mais je n'aperçois que le texte primitif ne permet pas de punir la tentative ; il ne punit l'incendie indirect que lorsque le feu a été réellement communiqué. Je crois que la commission a bien fait en punissant non seulement l'incendie consommé par voie indirecte, mais aussi la tentative.

Je me réserve de formuler un changement de rédaction.

M. Pirmez, rapporteur. - Je crois, messieurs, que l'article ne prête pas à la critique présentée par M. Van Humbecck.

Voici le texte ;

» Celui qui aura mis le feu à des objets quelconques dans l'intention de le communiquer à d'autres choses placées de manière à être incendiées par communication, sera condamné comme s'il avait mis ou tenté de mettre directement le feu à ces choses.

Appliquant cet article à un fait il signifie simplement que celui qui a mis le feu à une grange, par exemple, et qui incendie ainsi la maison joignante sera puni comme s'il avait mis le feu directement à la maison.

Vous dites : Mais on ne détermine pas la peine qu'entraîne l'incendie de ces choses incendiées successivement. Mais cette peine est indiquée dans les articles précédents.

M. Van Humbeeck. - Je critique le vague des mots « autres choses. » Je dis qu'il faudrait mettre comme dans le projet du gouvernement « une des choses énumérées dans l'article précédent. »

M. Pirmez, rapporteur. - Il sera puni, disons-nous, comme s'il avait directement mis le feu à ces autres choses ; il faut donc qu'il soit puni en vertu d'une disposition de la loi. Or, cette disposition est celle de l'article précédent.

Vous voyez que nous arrivons au résultat que vous avez en vue et par un texte très clair.

J'arrive à la critique du fond de la disposition.

L'article comprend deux cas qu'il importe de distinguer en principe.

C'est le cas du dol formel et le cas du dol éventuel.

Si, en mettant le feu à la grange dont j'ai parlé, j'ai voulu brûler la maison, je dois évidemment être condamné comme coupable de cet incendie s'il se réalise, comme coupable de tentative si, par des circonstances indépendantes de ma volonté, le feu est arrêté dans ses progrès.

Il y a, dans cet état de faits, dol formel ; c'est le cas que prévoit le premier alinéa de l'article.

Si au contraire je n'ai recherché que l'incendie de la grange, évidemment je ne pourrai dans aucun cas, si la maison n'a pas été atteinte par le feu, être condamné comme coupable de tentative d'incendie de cette maison.

Mais si la maison brûle, cet incendie doit cependant m'être imputé si j'ai prévu cet incendie, et si j'ai cependant commis le fait qui le cause.

Il y a là un dol éventuel. L'agent a vu la conséquence imminente de son fait criminel ; il ne l'a pas recherchée, il ne l'a pas désirée, il l'a même regrettée, mais il l'a certainement acceptée, et c'est assez pour qu'il en soit moralement responsable.

Indiquer les deux positions distinctes, telle est la portée de l'article.

M. le président. - Voici l'amendement de M. Van Humbeeck à l'article 623 :

« § Ier. Celui qui aura mis le feu à des objets quelconques placés de manière à communiquer l'incendie à l'une des choses énumérées dans les articles précédents, et dans l'intention de communiquer ledit incendie, sera condamné, etc.

« § 2. (Supprimé.) »

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, je crois que l'honorable M. Van Humbeeck a commis une erreur lorsqu'il a dit que le délit prévu dans le second paragraphe ne l'était pas dans le projet primitif ; il n'a pas lu attentivement la rédaction proposée d'abord. Voici le texte du projet :

« Celui qui aura mis volontairement le feu à des objets quelconques appartenant à lui-même ou à autrui et placés de manière à communiquer le feu à l'une des choses énumérées aux articles précédents, sera puni comme s'il avait directement mis le feu à cette chose, si l'incendie s'est communiqué à celle-ci. »

(page 804) La Chambre remarquera que dans ce paragraphe on ne s'occupe pas de l'Intention de l'agent ; il n'en est pas tenu compte ; on déclare simplement que celui qui aura mis volontairement le feu à des objets quelconques, appartenant à lui-même ou à autrui, et placés de manière à communiquer le feu à l'une des choses énumérées aux articles précédents, sera puni comme s'il avait mis directement le feu à cette chose, si l'incendie s'est communiqué à celle-ci.

La commission a divisé l'article en deux paragraphes.

Dans le premier, elle prévoit le cas où l'agent met le feu avec intention de le communiquer à d'autres objets.

Dans le second, elle établit une présomption d'intention en raison de la manière dont les objets étaient placés.

Quand on lit l'exposé des motifs de l'article 623, on voit que le projet faisait tomber sous l'application de l'article les deux cas qui ont été prévus par la commission.

L'honorable M. Van Humbeeck s'est donc trompé sur ce point.

M. Coomans. - Messieurs, il me semble qu'un léger amendement pourrait nous mettre d'accord.

Le gouvernement et la commission veulent que l'incendiaire porte la peine du mal qu'il a fait, même involontairement, et j'avoue que dans beaucoup de cas il est juste qu'il en soit ainsi.

Par exemple, un incendiaire n'a voulu détruire qu'une meule de foin, voisine d'une ferme ; mais si le feu s'est communiqué à la ferme et l'a détruite avec plusieurs habitants qui s'y trouvaient, évidemment il ne peut pas encourir la même peine que celle qu'il aurait encourue si la meule seule eût été incendiée.

D'autre part l'honorable M. Van Humbeeck pense qu'il est bien dur de condamner, dans tous les cas, à la même peine l'homme qui aurait commis un fait dont les conséquences auraient dépassé considérablement ses prévisions et l'assassinat prémédité au moyen d'un incendie.

Ainsi, je pose un autre cas. Un malfaiteur, par esprit de vengeance, met le feu à un de ces fours qui sont souvent dans le voisinage des fermes ; son intention est de brûler seulement le four, mais il arrive qu'à cause du vent, ou d'autres circonstances non prévues, le feu se communique à la ferme et que toute la ferme est incendiée avec ses habitants, contrairement à l'intention du malfaiteur.

Reconnaissez, messieurs, qu'il y a une grande différence de criminalité entre l'individu qui incendie un four ou une grange, avec la quasi-certitude de mettre le feu à la maison voisine, et l'individu qui incendie un four plus éloigné avec l'espoir fondé que l'incendie n'ira pas plus loin.

C’est donc pour concilier les intentions, également bonnes, de M. Van Humbeeck et de M. Pirmez, que je propose de substituer, dans le second paragraphe, aux mois : « sera aussi condamné » ceux-ci : « pourra être condamné. »

La justice appréciera. Dans certains cas, elle ne verra pas de circonstances aggravantes, parce qu'il n'y en aura réellement pas ; dans d'autres cas, elle verra une circonstance aggravante, et avec raison...

- Une voix. - La loi est impérative.

M. Coomans. - Oui, la loi est impérative quant aux peines ; mais elle ne l'est pas quant au degré.

Je veux, en d'autres termes, que le tribunal puisse apprécier à la fois le degré de culpabilité du malfaiteur et les conséquences de son méfait.

Quant aux conséquences, c'est l'intention du gouvernement et de la commission.

Quant à la culpabilité, c'est précisément ce point que l'honorable M. Van Humbeeck a eu en vue.

Quant au mot « pourra, » il se trouve dans beaucoup de lois pénales.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Dans très peu.

M. Coomans. - Mais chacun de vos articles est un « pourra ». Une aggravation de peine est un « pourra ». De 25 à 500 francs, c'est un « pourra ».

Eh bien, il y a ici pénalité dans tous les cas, mais avec mon amendement elle varie. Je pose en d'autres termes une circonstance atténuante.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il y a un article général pour les circonstances atténuantes.

M. Coomans.— Je dois dire que si vous voulez appliquer dans tous les cas cette peine très forte, si vous voulez l'appliquer indifféremment à l'individu qui a cru sincèrement qu'il n'avait pas incendié une maison en incendiant un four et un individu qui a incendié une mai son presque volontairement, je suis de l'avis de M. Van Humbeeck et je ne puis y consentir.

M. Van Humbeeck. - Je regrette infiniment de ne pouvoir adhérer à la formule de conciliation proposée par l'honorable M. Coomans, mais il m'est impossible d'admettre une pénalité qui soit facultative.

J'admets la faculté dans la gradation de la peine pour le juge, mais je n'admets pas que le législateur donne au juge le droit de punir ou de ne pas punir.

La faculté de gradation existe pour le juge entre le maximum et la minimum de la peine.

Aussi ma proposition tend-elle-simplement à supprimer ce second paragraphe, à laisser examiner par le juge, si le coupable sera condamné au maximum ou à une quotité moindre de la peine comminée contre le fait dont il a été l'auteur, sans l'exposer à aucune peine pour un incendie plus grave, mais occasionné par le hasard. Je veux que les conséquences de son fait influent jusqu'à un certain point sur l'appréciation du degré de sa culpabilité, mais dans une juste mesure et sans permettre de dépasser le maximum de la peine qu'il a réellement encourue.

Je prends un exemple dans les articles précédents, auquel l'article en discussion se réfère.

Qu'un individu mette le feu a des objets quelconques dans l'intention de communiquer l'incendie à un bois taillis, il commet un crime qui, d'après l'article 616, l'expose à subir de 10 à 15 ans de travaux forcés.

Voilà l'intention, voilà le fait qu'il pose, voilà la peine qu'il encourt !

Le hasard veut que le feu se communique à un château voisin de ce bois taillis, le château servant d'habitation et dans lequel se trouvent des personnes au moment de l'incendie.

Au lieu de lui appliquer l'article 616 qui commine 10 à 15 ans de travaux forcés, on lui appliquerait l'article 613 qui porte de 15 à 20 ans de travaux forcés.

Je dis qu'il est impossible d'admettre qu'un fait entièrement étranger à la volonté de l'agent puisse l'exposer à une pareille aggravation.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Ce n'est pas le hasard.

M. Van Humbeeck. - Je sais bien que, d'après vous, ce n'est pas le hasard. Mais la nuance qu'indique le rapport me paraît excessivement subtile et peu saisissable.

Selon le rapport, il faut que l'agent ait pu avoir la prévision des conséquences presque certaines de son fait. Il faut que ces conséquences, qu’il n'a pas recherchées, il puisse être censé les avoir acceptées.

Voilà les termes du rapport ; et de même que ceux de l'article, ils me paraissent trop vagues pour permettre de passer d'une pénalité à une autre.

Je crois qu'il suffira, dans le cas que je cite et dans des cas analogues, que le juge puisse appliquer le maximum de la peine applicable au fait qu'on a voulu poser. Il y a donc lieu de supprimer le deuxième paragraphe.

M. le président. - M. Coomans propose de remplacer les mots : « celui qui aura mis volontairement le feu à des objets quelconques etc. sera puni » par ceux : « Celui qui aura mis volontairement le feu à des objets quelconques etc. pourra être puni. » Cet amendement est-il appuyé ?

- L'amendement est appuyé.

M. Pirmez. - Je crois que l'honorable M. Coomans n'a pas bien pesé les conséquences de son amendement.

La plupart des faits dont il s'agit dans notre article sont des faits criminels, soumis par conséquent aux cours d'assises. Le jury constate les faits, et la cour prononce la peine. Sera-ce au jury ou à la cour à décider si, eu égard aux circonstances, on appliquera la peine ?

Après avoir fait constater les faits par le jury, lui demanderez-vous s'il lui convient qu'il soient punis ?

Laisserez-vous au contraire à la cour d'avoir égard ou de ne faire nulle attention aux faits constatés par le jury ?

Les deux alternatives sont également inadmissibles, et n'ont aucun précédent dans la législation.

Je ne sais si l'honorable M. Coomans a réfléchi à cette position. Elle mérite qu'il nous apprenne comment il la résoudra.

Je crois que les honorables membres qui critiquent la disposition que nous discutons ne se rendent pas bien compte de la portée de cette disposition.

Ce que nous voulons, c'est consacrer un résultat analogue à celui dont il a été question tantôt lorsqu'il s'agissait des maisons habitées.

De même que celui qui incendie une habitation doit nécessairement prévoir qu'il peut s'y trouver des habitants, ainsi celui qui met le feu à des objets quelconques qui, d'après le cours naturel des choses, (page 805) doivent communiquer le feu aux choses voisines, ne peut être déchargé de l’imputabilité de l'incendie consécutif.

Si l'on rejette cette disposition, il sera le plus souvent impossible, en fait, de prouver qu'on a voulu incendier les choses qui se trouvent à côté de celles auxquelles le feu a été mis directement.

Remarquez que très souvent on trouve à côté d'une habitation des matières combustibles. On met le feu à ces matières et de là l'incendie en communique à l'habitation. Comment prouver que celui qui a commis le fait a eu l’intention d'incendier l'habitation ? Si l'agent n'a révélé son intention à personne, s'il n'y a pas de témoins qui assurent avoir entendu le coupable exprimer cette intention, vous devez l'acquitter ou lui appliquer pour toute peine 2 ou 3 ans de prison ! Cela n'est pas possible.

Au point de vue purement moral, d'ailleurs, la disposition ne mérite pas le reproche qui lui est fait.

L'incendiaire ne sera pas puni pour l'incendie secondaire dans tous les cas où le feu se sera communiqué à d'autres choses, mais seulement lorsque l'état des lieux a dû lui montrer cet incendie consécutif comme le résultat du cours naturel des choses.

Le texte porte : « lorsque le feu s'est communiqué à d'autres choses placées de manière à être incendiées par communication. »

Voici comment le rapport de la commission explique ces termes :

« Le projet ne s'occupe que du cas où les matières brûlées d'abord sont placées de manière à communiquer le feu, et ces expressions constituant un élément essentiel de l'infraction, signifient évidemment que la communication doit être dans le cours normal des choses ; elles n'auraient sans cela aucun sens, puisque la possibilité de l'incendié consécutif est dans tous les cas démontrée par l'événement même, qui seul soulève la difficulté. »

Ainsi donc, à peine de ne donner aucun sens à ces mots de l'article il faut le restreindre au cas où le feu a été mis à un objet dans des circonstances telles que, d'après la marche ordinaire des faits, ils devaient avoir les conséquences qu'on impute au coupable

Or dans ce cas on les lui impute à juste titre puisqu'il les a nécessairement prévues, et qu'en commettant le fait dont elles devaient découler, il les a acceptées.

M. Coomans. - Ce qui me répugne dans le système de l'honorable M. Pirmez, c'est qu'il ne tient pas compte de l'intention, qui est cependant un des principaux éléments de criminalité. Ainsi, l'honorable M. Pirmez met sur la même ligne l'individu qui a manifestement voulu incendier une ferme, puisqu'il y met directement le feu, et l'individu qui en réalité n'a voulu incendier qu'un four ou une meule de foin plus ou moins voisine de cette ferme.

Voilà ce qui nous sépare l'honorable M. Pirmez et moi : il ne tient aucun compte de l’intention, tandis que je crois, moi, que c'est un des éléments d'appréciation auxquels il importe beaucoup d'avoir égard pour établir le degré de criminalité du fait.

La différence est grande cependant entre ces deux genres de malfaiteurs : l'un, dans le seul but de causer un dommage purement matériel à incendié un four, ou une grange, ou une meule qui se trouve à 50, 60 mètres de l'habitation. (Interruption.) Mon Dieu ! je n'insiste pas sur la question de la distance.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - C'est toute la question.

M. Coomans. - Je dis qu'un incendie peut s'étendre à un objet qui se trouve à 15, 20, 50 mètres et au-delà de l'endroit où il a pris naissance. Eh bien, d'après les auteurs de la disposition, laquelle est assez obscure d'ailleurs, le second incendie sera toujours considéré comme étant la conséquence volontaire du premier, et l'on appliquera la même peine que si l'auteur de ce double incendie avait agi avec l'intention d'incendier directement une habitation en mettant le feu à un objet qui en est plus ou moins éloigné. Voilà ce qui n'est pas juste.

Maintenant on me fait une observation secondaire ; on me dit que ce n'est pas employer le style pénal que de dire : « pourra être condamné ». Mais, messieurs, il est évident qu'il y aura toujours lieu d'appliquer une pénalité dans les cas d'incendie dont je parle, quelles qu'en soient les conséquences ; il n’y a pas ici pour le juge faculté de condamner ou de ne pas condamner ; mais je voudrais laisser au juge l'appréciation de la criminalité du fait.

En deux mots, l'intention est un élément principal d'appréciation de la criminalité et je suis surpris que l'honorable rapporteur n'en tienne aucun compte. J'engage la Chambre à ordonner le renvoi de cet article à la commission et je suis persuadé que l'honorable M. Pirmez, qui s'est si bien tiré des difficultés qui se sont présentées depuis le commencement de cette discussion, trouvera encore moyen de nous satisfaire d'une manière plus ou moins complète.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je ne pense pas qu'il y ait lieu de renvoyer cet article à la commission ; car, déjà la commission l'a examiné et, bien qu'il soit divisé en deux paragraphes, cet article consacre la même disposition que celle qui a été proposée primitivement par la commission qui a élaboré ce projet de loi, On vous dit que nous ne tenons aucun compte de l'intention. Mais remarquez bien qu'il est impossible de descendre dans la conscience d'un homme pour savoir exactement et dans tous les cas quelle était son intention. Ici l'intention et la volonté se manifeste par la situation même des lieux, si je puis ainsi dire ; et l'on perd complètement de vue la rédaction mène de l'article. Dans quel cas la peine sera-t-elle appliquée ?

« Quand on aura mis le feu à des choses placées de manière à communiquer le feu aux objets qui ont été incendiés. » Cela suppose donc nécessairement une certaine contiguïté qui n'a pu échapper à l'inculpé et dès lors on peut dire qu'il connaissait les conséquences de son fait et qu'elles n'étaient pas étrangères à sa volonté.

Maintenant prenons les exemples qui ont été invoqués, l'un par l'honorable M. Coomans, l'autre par l'honorable M. Van Humbeeck. L'honorable M, Coomans suppose un individu mettant par exemple le feu à un four contigu à une habitation. Or, comment admettre que l'on mette le feu à un four sans avoir l'intention d'incendier l'habitation elle-même, sans être certain au moins que ce sera le résultat du fait que l'on pose ? (Interruption.)

A moins donc qu'il n'y ait pas cette contiguïté que la loi suppose ; à moins que les choses ne soient point placées de manière à être incendiées par communication, l'auteur de l'incendie sera certainement et à bon droit supposé avoir eu l'intention d'incendier l'habitation.

L'honorable M. Van Humbeeck a parlé d'un individu mettant le feu à un bois et le feu se communiquant à un château. Il est évident que si ce château est placé au milieu du taillis, sans aucune solution de continuité, l'auteur sera encore une fois, et avec raison, censé avoir eu l'intention d'incendier à la fois le bois et le château qui se trouve au milieu de ce bois.

M. Van Humbeeck. - Il peut être à proximité sans se trouver au milieu.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Sans doute, mais ce sera-là une question de fait à apprécier par le juge. Les choses étaient-elles placées de telle manière que le feu pût s'y communiquer ? Là est toute la question : dans l'affirmative, l'auteur de l'incendie tombera sous l'application de la disposition ; que si au contraire le feu n'a été communiqué à une habitation qui se trouve éloignée qu'à cause de la violence des vents, il n'y aura pas lieu d'appliquer l'article.

Je pense donc que l'on peut sans inconvénient adopter la disposition telle qu'elle est rédigée.

M. Nothomb. - Je pense qu'il y a lieu de refondre l'article 623 de la commission et de ne pas parler de l'intention dans le premier paragraphe, tandis qu'il n'en est point parlé dans le second. C'est de là que provient toute cette divergence. Déjà la Chambre a ordonné le renvoi d'articles beaucoup moins importants, et il est désirable que la rédaction de celui-ci soit révisée.

- La Chambre ordonne le renvoi de cet article et des amendements qui s'y rattachent, à la commission.

Article 624

« Art. 624. Si le crime d'incendie a causé des blessures à une ou à plusieurs personnes qui, à la connaissance de l'auteur, se trouvaient dans les lieux incendiés, au moment du crime, le coupable sera condamné à la peine portée à raison de ces blessures commises avec préméditation, si elle est plus forte que celle qu'il a encourue à raison de l'incendie.

« Si le fait a causé la mort de ces personnes ou de l'une d'elles, la peine sera la mort. »

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je proposerai une nouvelle rédaction d'accord avec M. le rapporteur de la commission.

Elle est ainsi conçue :

« Si le crime d'incendie a causé des blessures à une ou plusieurs personnes qui, à la connaissance de l'auteur, se trouvaient dans les lieux incendiés au moment du crime, le coupable sera condamné comme si ces blessures avaient été commises avec préméditation.

« Si cette peine est plus forte que celle qu'il a encourue à raison de l'incendie, si le fait a causé la mort de ces personnes ou de l'une d'elles, la peine sera la mort. »

- L'article 624 ainsi rédigé est mis aux voix et adopté.

Article 625 à 627

(page 806) « Art. 625. L'infraction prévue par les articles précédents et d'après les distinctions qui y sont établies est réputé consommé lorsque le feu a fait des progrès tels qu'il n'était plus au pouvoir de l’auteur de s'en rendre maître. »

- Adopté.


« Art. 626. Seront punis des peines portées par les articles précédents ceux qui auront détruit ou qui auront tenté de détruire, par l'effet d'une mine, des édifiées, navires, bateaux, magasins, chantiers, on autres constructions. »

- Adopté.


« Art. 627. Sera puni d'un emprisonnement de huit jours à trois mois et d'une amende de cinquante francs à cinq cents francs, ou de l'une de ces deux peines seulement, l'incendie des propriétés mobilières ou immobilières d'autrui, qui aura été causé, soit par la vétusté ou par le défaut de réparation ou de nettoyage des fours, cheminées, forges, maisons ou usines prochaines, soit par des feux allumés dans les champs à moins de cent mètres des maisons, édifices, forêts, bruyères, bois, vergers, plantations, haies, meules, tas de grains, pailles, foins, fourrages, ou de tout autre dépôt de matières combustibles, soit par des feux ou lumières portés eu laissés, ou par des pièces d'artifice allumées ou tirées sans précaution suffisante. »

- Adopté.

Article 612

M. le président. - Avant de passer à la section II, je dois Taire remarquer que le procès-verbal ne porte pas que l'article 612 est supprimé.

- Cet article est supprimé.

Section II. De la destruction des constructions, des machines à vapeur et des appareils télégraphiques
Article 628

« Art. 628. Quiconque aura détruit ou renversé, par quelque moyen que ce soit, en tout ou en partie, des édifices, des ponts, digues, chaussées, chemins de fer ou autres constructions appartenant à autrui, sera puni de la réclusion. »

- Adopté.

Article 629

« Art. 629. Seront aussi punis de la réclusion, ceux qui, par quelque moyen que ce soit, auront volontairement inondé tout ou partie des travaux d'une mine. »

- Cet article est transporté à la section IX.

Articles 630 à 633

« Art. 630. La disposition de l'article 624 sera applicable au crime prévu par l'article précédent. »

- Adopté.


« Art. 631. Quiconque aura détruit des machines à vapeur sera condamné à un emprisonnement de quinze jours à trois ans, et à une amende de cinquante francs à cinq cents francs.

« La tentative de ce délit sera punie d'un emprisonnement de huit jours à deux ans, et d'une amende de vingt-six francs à deux cents francs.

« Il y a destruction lorsque les effets de la machine sont empêchés en tout ou en partie, soit que le fait porte sur les appareils moteurs, soit qu'il porte sur les appareils mis en mouvement. »

- Adopté.


« Art. 632. Ceux qui auront empêché la correspondance sur une ligne télégraphique établie d'un lieu à un autre, soit en rompant, détruisant ou dégradant des fils, des poteaux ou d'autres appareils, soit par tout autre fait de destruction, seront punis d'un emprisonnement d'un mois à trois ans, et d'une amende de cinquante francs à cinq cents francs. »

- Adopté.


« Art. 633. Lorsque les faits prévus par les deux articles précédents ont été commis en réunion ou bande, et à l'aide de violences ou de menaces, les coupables seront punis conformément à l'article 642.

« Les chefs et les provocateurs seront condamnés à la peine portée par l'article 643. »

- Adopté.

Article 634

L'article 634 est supprimé.

Section III. De la destruction ou dégradation des tombeaux et monuments
Article 635

L'article 635 est supprimé.

Articles 636 et 637

« Art. 636. Sera puni d'un emprisonnement de huit jours à un an et d'une amende de vingt-six francs à cinq cents francs, quiconque aura détruit, abattu, mutilé ou dégradé des monuments, statues et autres objets destinés à l'utilité ou à la décoration publique, et élevés par l'autorité publique ou avec son autorisation. »

- Adopté.


« Art. 637. Les peines portées par les articles précédents seront applicables à ceux qui auront détruit, abattu, mutilé ou dégradé des monuments, statues, tableaux ou des objets d'art quelconques, placés dans les églises, temples ou autres édifices publics. »

M. Pirmez, rapporteur. - Un article doit être ajouté à cette section pour prévoir le cas où la destruction porte sur des statues et objets d'art appartenant à des particuliers. Je demanderai à la Chambre de lui présenter une rédaction demain à l'ouverture de la séance.

- L'article 637 est mis aux voix et adopté.

Section IV. De la destruction de titres et autres papiers ou documents
Article 638

« Art. 638. La destruction d'une manière quelconque de registres, minutes ou actes originaux de l'autorité publique, des titres, billets, lettres de change, effets de commerce ou de banque, contenant ou opérant libération, disposition ou décharge, sera punie comme la soustraction des mêmes pièces, et d'après la distinction établie au premier chapitre du présent titre. »

M. Pirmez. - Cet article doit être rédigé d'une manière plus correcte.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - J'ai proposé une nouvelle rédaction : je reprends la rédaction primitive du gouvernement jusqu'au mot « sera puni » : et je termine l'article par ces mots :

« Comme s'il avait soustrait les mêmes pièces et d'après la distinction établie au premier chapitre du présent titre. »

L'article 638 serait ainsi rédigé :

« Quiconque aura méchamment ou frauduleusement brûlé, détruit, d'une manière quelconque, des registres, minutes ou actes originaux de l'autorité publique, des titres, billets, lettres de change, effets de commerce ou de banque, contenant ou opérant obligation, disposition ou décharge, sera puni comme s'il avait soustrait les mêmes pièces et d'après la distinction établie au premier chapitre du présent titre.

« La destruction est assimilée à la soustraction. »

- L'article 638, rédigé comme le propose M. le ministre de la justice, est mis aux voix et adopté.

Articles 639 à 641

Les articles 639, 640 et 641 sont supprimés.

Section V. De la destruction ou détérioration de denrées, marchandises et autres propriétés mobilières
Article 642

« Art. 642. Toute destruction, tout dégât de denrées ou marchandises, effets ou autres propriétés mobilières, commis en réunion ou en bande, et à l'aide de violences ou de menaces, sera puni d'un emprisonnement de six mois à cinq ans.

« Les chefs et les provocateurs seront punis de la réclusion. »

M. Savart. - Je demande la parole sur cette section, parce que j'ai à signaler à M. le ministre de la justice une lacune qui me paraît exister dans la loi.

Il arrive parfois que méchamment des personnes détachent l'ancre ou la corde qui retient un bateau, et laissent aller celui-ci à la dérive. Le bateau naviguant ainsi, et ordinairement la nuit sans pilote, peut causer divers accidents. Il y a collision quelquefois avec un autre bateau, ce qui cause des dommages à l'un et à l'autre. Le bateau va se briser contre les piles d'un pont. Le bateau, dans un fleuve comme l'Escaut, rencontre un bas-fond, il tombe en travers de la rivière, il sombre et interrompt pendant plusieurs jours, quelquefois pendant plusieurs semaines, la navigation.

C'est donc un fait qui peut causer des dommages de toute espèce, et cependant je ne trouve nulle part, dans le projet, de disposition qui lui soit applicable.

Je demanderai à M. le ministre de la justice ou à M. le rapporteur de la commission s'ils ne croient pas qu'il serait prudent de prévoir le cas qui s'est déjà présenté, et nous n'avons trouvé nulle part de loi applicable à ce fait.

Cet acte, messieurs, non seulement peut causer des dommages à la propriété, peut amener l'interdiction du commerce, mais il peut aussi causer mort d'homme. Ainsi une famille se trouvant dans le bateau peut être noyée pendant la nuit. Je ne crois pas que l'on pourrait condamner comme assassin celui qui, en enlevant une ancre ou une corde, aurait amené ce résultat, car il aurait agi peut-être dans l'intention de (page 807) détruire le bateau et non une famille. Peut-être n'y aurait-il lieu que d'appliquer la peine d'homicide par imprudence.

Je crois en avoir dit assez pour faire voir les cas qui peuvent se présenter et faire comprendre la nécessité de les prévoir par une disposition du Code.

- L'article est adopté.

Article 643

« Art. 643. Si les denrées détruites ou détériorées sont des grains, grenailles, farines, substances farineuses, pain, vin ou autres boissons, les chefs et les provocateurs seront condamnés aux travaux forcés de dix à quinze ans, et à une amende de cinq cents francs à cinq mille francs. »

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - J'ai déjà communiqué à la commission l'observation de l'honorable M Savart, et dans une de ses prochaines réunions elle s'en occupera.

M. Savart. - Dans cet article, qui est la reproduction de l'article 442 du Code de 1810, on a effacé le mot « instigateurs ». Cet art. 442 était ainsi conçu :

« Si les denrées pillées ou détruites sont des grains, grenailles ou farines, substances farineuses, pain, vin ou autre boisson, la peine que subiront les chefs, instigateurs ou provocateurs seulement, sera le maximum des travaux forcés à temps, et celui de l'amende prononcée par l'article 440. »

Puisqu'on a effacé le mot « provocateurs », on a pensé que les provocateurs étaient des instigateurs.

Je ne puis partager cette opinion. La provocation est quelque chose de direct. L'instigation est quelque chose de frauduleux, et peut-être de plus dangereux que la provocation. Je ne regarde donc pas ce mot « instigateurs » comme inutile, et je demande pourquoi on l'a supprimé.

M. Pirmez, rapporteur. - Dans différent articles du Code, il y a des peines plus graves prononcées contre les chefs d'une infraction. Ils sont fréquemment désignés par le mot : « provocateurs. »

Je doute que ce mot ne soit pas assez étendu. Le premier livre du projet considère comme coauteur d'une infraction celui qui y provoque directement ; il paraît résulter de là que la loi reconnaît aussi la provocation indirecte. Si le mot « instigateur » devait encore entraîner une incrimination plus large, je crois qu'il serait dangereux. Il faut craindre aussi que de simples propos ayant un rapport plus ou moins éloigné aux faits de pillages ou aux préjugés qui y poussent ne puissent être incriminés.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Voici l'explication que donnent les auteurs du projet : « Nous avons déjà fait observer que toutes les fois qu'il frappe les provocateurs, le projet comprend dans ce terme tous ceux qui ont provoqué au crime ou au délit par des moyens quelconques. »

Tel est le sens que l'on donne au mot « provocateurs », ce qui comprend nécessairement les instigateurs dont s'occupe le Code actuel.

M. Savart. - Vous donnez au mot « provocateurs » un sens qu'il n’a pas pour pouvoir supprimer le mot « instigateurs », et des coupables pourront se mettre à l'abri des lois.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Nullement.

- L'article est adopté.

Article 644

« Art. 644. Quiconque aura, par quelque moyen que ce soit, méchamment ou frauduleusement altéré ou détérioré des marchandises ou des matières servant à la fabrication, sera puni d'un emprisonnement d'un mois à deux ans et d'une amende de vingt-six francs à trois cents francs.

- Adopté.

L'article 645 est supprimé.

- La séance est levée à 4 heures trois quarts.