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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 9 mars 1861

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1860-1861)

(page 781) (Présidence de M. Vervoort.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Florisone, secrétaire, procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.

M. de Boe, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

« M. Thibaut, obligé de s'absenter pour affaires urgentes, demande un congé. »

- Accordé.


« M. de Ridder, retenu chez lui pour affaires de famille, demande un congé. »

- Accordé.

Projet de loi augmentant le personnel de la cour d’appel de Gand

Rapport de la section centrale

M. Guillery. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale sur le projet de loi portant augmentation du personnel de la cour d'appel de Gand.

- Ce rapport sera imprimé et distribué et le projet mis à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi, amendé par le sénat, instituant une caisse de prévoyance pour les secrétaires communaux

Rapport de la section centrale

M. Muller. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale sur les amendements introduits par le Sénat au projet de loi portant institution d'une caisse de prévoyance pour les secrétaires communaux.

- Même décision.

Ordre des travaux de la chambre

M. Hymans, rapporteur (pour une motion d’ordre). - Puisqu'il s'agit d'ordre du jour, je me permettrai de faire une observation sur ce qui s'est passé à la séance d'hier. La Chambre a décidé qu'on mettrait à la suite de l'ordre du jour les projets de loi relatifs à la marine et à la propriété artistique et littéraire. Je crois qu'il est dans son intention de faire passer ces deux projets avant celui qui a trait à la police et à la discipline médicales. Cela doit être. Le rapport sur le projet relatif à la propriété artistique et littéraire est distribué depuis plus de trois mois, tandis que le rapport sur le projet relatif à la police et à la discipline médicales ne l'est pas encore.

Je crois donc que c'est par erreur que, dans le bulletin portant l'ordre du jour, on a fait figurer ce dernier projet vivant ceux qui concernent la marine et la propriété artistique et littéraire. Je demande que cela soit rectifié.

M. Muller. - Je crois qu'il y a lieu de faire droit à la demande de l'honorable M. Hymans.

Je fais seulement remarquer que demain pourra être distribué le rapport sur le projet relatif à la police et à la discipline médicales : ce rapport avait été remis à l'imprimeur le lendemain du jour où il a été déposé.

- La demande de M. Hymans est accueillie.

M. Muller. - Je demanderai aussi la priorité pour le projet de loi relatif à la caisse de prévoyance des secrétaires communaux. Il y a urgence, et la section centrale conclut à l’adoption des amendements introduits par le Sénat ; de telle sorte que si la Chambre adoptait ces conclusions de la section centrale, la caisse de prévoyance des secrétaires communaux pourrait fonctionner immédiatement après.

M. le président. - Le rapport n'est pas encore imprimé.

M. Muller. - Aussi, je ne demande qu'une chose, c'est que la Chambre puisse statuer sur ce projet avant de se séparer.

M. le président. - M. Muller, vous pourriez renouveler ultérieurement votre proposition.

M. Muller. - Soit !

Projet de loi révisant le code pénal (livre II, titre IX)

Rapport de la commission

Article 549

M. Pirmez. - Dans sa séance d'hier, la Chambre a renvoyé à l'examen de la commission plusieurs articles qui avaient fait l'objet d'observations. Le premier de ces articles est l’article 549.

Cet article est ainsi conçu :

« Lorsque les denrées alimentaires, telles que grains, grenailles ou farines, substances farineuses, pain, vin ou autres boissons, auront été pillées à l'aide de violences ou menaces et en réunion ou bande, les chefs et les provocateurs seront condamnés aux travaux forcés de dix à quinze ans et à une amende de cinq cents francs à cinq mille francs,»

L'honorable M. Savart a émis l'opinion que cet article serait mieux placé dans la partie du Code qui traite des destructions et des dommages que dans la partie relative aux soustractions frauduleuses.

Il s'est appuyé sur ce que les pillages souvent n'ont pas pour objet l'enlèvement des choses sur lesquelles ils portent, mais bien leur destruction.

Votre commission, messieurs, a examiné cet article et elle l'a comparé aux articles qui se trouvent au chapitre des destructions et dommages.

Elle a constaté par ce rapprochement que l'article 549, dans l'intention des auteurs du projet, s'applique exclusivement aux faits qui ont bien le vol pour objet.

Le projet contient, en effet, une disposition entièrement semblable dans le chapitre qui concerne les dégradations, destructions et dommages, pour le cas où le crime tend, non à dérober des substances alimentaires, mais à les détruire.

La distinction signalée par l'honorable membre est donc observée par le Code qui satisfait pleinement à ses observations.

On peut cependant se demander si les termes de l'article 549 sont assez clairs pour qu'on ne puisse pas l'étendre au cas où il n'y a pas eu de soustraction frauduleuse.

La réponse à cette question n'est pas difficile.

L'article 549 s'occupe du cas où des denrées alimentaires ont été pillées, or le mot « piller » dans son sens naturel signifie emporter violemment les biens d'une ville ou d'une maison.

Le terme employé dans le texte suppose donc ainsi l'idée d'une soustraction.

D'un autre côté, l'article se trouve placé dans le chapitre des vols et des extorsions ; sa portée est ainsi déterminée par l'intitulé de coete partie du Code.

Comme a dit un jurisconsulte, la rubrique est le drapeau sous lequel toutes les dispositions marchent, elle apprend où elles tendent et ce qu'elles veulent.

Nous ne croyons donc pas devoir apporter de changement à l'article qui nous occupe ; le projet contient un système complet sur la matière qui respecte la nuance signalée par l'honorable M. Savart.

Article 554

M. Pirmez, rapporteur. - Un deuxième article a été renvoyé à la commission, c'est l'article 554. Cet article fait partie d'une série de dispositions qui ont pour objet d'aggraver les peines ordinaires des violences quand elles sont commises pour arriver à la perpétration d'un vol.

II est ainsi conçu :

« La peine sera celle des travaux forcés de 15 à 20 ans, s'il est résulté de ces violences soit une maladie ne laissant pas d'espoir fondé de guérison, soit une incapacité permanente de travail personnel ou si, par l'effet de ces violences, la personne maltraitée a perdu l'usage absolu d'un organe ou qu'elle soit demeurée gravement mutilée.

« La même peine sera appliquée si les voleurs ont soumis les personnes à des tortures corporelles. »

Messieurs, l'honorable M. de Brouckere a critiqué l'emploi de ces expressions : « une maladie ne laissant pas d'espoir fondé de guérison. »

Plusieurs membres ont paru croire que cette rédaction n'était pas satisfaisante ; quelques-uns ont proposé de substituer une autre rédaction à celle de la commission.

M. De Fré a proposé de remplacer les mots critiqués par ceux-ci : « Une maladie dont la guérison est incertaine. »

M. Nothomb demande qu'on dise « maladie grave ».

M. Coomans préfère une « maladie dangereuse ».

M. Guillery enfin propose de ne rien dire du tout et de supprimer les mots qui font l'objet de la discussion.

Messieurs, pour se rendre compte de la portée de l'article, il faut se rappeler que le projet dans la partie qui traite spécialement des lésions corporelles, établit quatre degrés dans la gravité de ces lésions.

Le premier degré est la blessure simple.

Le second degré est la blessure entraînant une incapacité de travail pendant vingt jours.

Le troisième degré comprend les blessures entraînant une incapacité de travail permanente, la perte de l'usage d'un organe, une mutilation grave ou enfin une maladie ne laissant pas d'espoir fondé de guérison.

Le quatrième degré est celui des blessures ayant amené la mort.

(page 782) Vous voyez donc que le troisième degré de cette hiérarchie, celui qui nous occupe, comprend la lésion dont les conséquences sont permanentes et perpétuelles,

Lorsqu'il s'agît d'une mutilation, évidemment aucune difficulté n'existe. Toute mutilation par elle-même peut être considérée comme étant perpétuelle. II n'y a rien d'incertain, tout, au contraire, est parfaitement connu.

Mais on est obligé, pour ne pas laisser une lacune dans la législation, de s'occuper aussi du cas où la lésion ne consiste pas dans la perte d'un membre ou dans l'ablation d'un organe nécessairement irréparable, mais dans une maladie que la nature finit quelquefois par dompter, contrairement aux prévisions de la science.

Il y aurait quelque chose d'incomplet dans notre article s'il ne punissait pas la lésion interne comme la lésion externe, lorsque les conséquences de celle-ci se montrent comme perpétuelles.

Il est donc impossible de supprimer, comme le propose M. Guillery, les expressions qui ont pour objet de prévoir la maladie dont on n'attend pas de guérison.

Mais par quelles expressions faut-il désigner cette maladie qui paraît attachée à la victime à perpétuelle demeure ?

Les amendements de M. De Fré, de M. Nothomb, de M. Coomans ne nous paraissent pas exprimer l'idée qu'il faut insérer dans la loi.

Les amendements de ces messieurs supposent que la lésion dont nous nous occupons est une lésion mortelle ou une lésion faisant courir un danger très grave à la personne qui en est atteinte.

J'avoue qu'à la séance d'hier je partageais cette opinion. Un nouvel examen de l'ensemble des dispositions déjà votées par la Chambre m'a convaincu que je m'étais trompé, je m'empresse de le reconnaître. Ces honorables membres supposent donc, comme je le supposais moi-même, que la maladie dont il s'agit est celle qui entraîne un danger pour la victime.

Or, messieurs, il n'en est pas ainsi, nécessairement du moins. Nous devons punir, dans l'article qui nous occupe, non seulement ces maladies dont l'issue est incertaine, comme le dit M. De Fré, ces maladies dangereuses, comme porte l'amendement de M. Coomans, ces maladies graves, comme l'indique M. Nothomb, mais les maladies qui ont pour conséquence une infirmité, la perte d'une faculté même intellectuelle, sans cependant exposer la vie, pourvu que le mal se montre comme au-dessus des ressources de l'art.

La folie peut être le résultat des violences et de la terreur qu'elles ont inspirée ; on coup sur la tête peut produire une lésion dans le cerveau qui entraîne la perte de la mémoire ; une blessure dans la poitrine peut entraîner une altération des fonctions pulmonaires qui rendent la respiration plus difficile et causeront ainsi une gêne incurable.

Evidemment, tous ces faits dont les conséquences sont permanentes, doivent être compris dans la disposition qui nous occupe, bien que les lésions produites n'exposent pas nécessairement la vie.

Il faut trouver une expression pour rendre l'idée que nous venons d'indiquer comme devant être admise par la loi.

Votre commission a examiné si le texte, tel qu'il est présenté, ne rend pas cette idée.

Les mots « espoir fondé de guérison » paraissent surtout avoir donné lieu aux critiques. On est en effet naturellement disposé à rattacher au résultat le point, de savoir si l'espoir est fondé ou ne l'est pas. Mais il n'en est pas moins vrai que si l'on faisait abstraction de cette préoccupation de l'avenir que l'on trouve dans le mot « fondé », il exprime nettement l'idée de la maladie qui se montre comme incurable.

M. Moncheur avait déjà indiqué hier qu'on pouvait dire : « Une maladie ne laissant pas d'espoir de guérison ; » mais la commission a cru que le mot « espoir » sans aucun qualificatif donnerait un sens trop restrictif à l'article en excluant même la maladie dont la guérison n'apparaîtrait que comme un fait extraordinaire.

On remédiera à ce défaut du texte actuel et à la trop grande restriction de la rédaction indiquée par M. Moncheur en disant « espoir sérieux de guérison ».

Vous remarquerez, messieurs, qu'il ne s'agira pas là de conjecturer l'avenir ; le jury prendra les choses dans l'état où elles sont, et il décidera d'après les renseignements qui lui seront soumis, d'après les témoignages, d'après les affirmations des hommes compétents, si h maladie doit, d'après le cours naturel des choses, être perpétuelle.

Evidemment lorsque la victime sera dans un état tel que, d'après toutes les probabilités, d'après tous les renseignements que l'expérience et la science peuvent fournir ,elle ne doit pas se guérir, il y a là un élément d'aggravation très sérieux.

La justice qui doit être prompte pour être efficace, ne peut attendre un dénouement jusque dans un avenir éloigné ; elle prononce d'après ce qui lui est donné de connaître.

Mais alors même que par un hasard heureux la guérison aurait lieu, on ne pourrait reprocher au législateur d'avoir puni une lésion aussi grave d'une peine plus considérable que celle qu'il commine quand il n'y a eu que simple incapacité de travail pendant vingt jours.

La commission propose donc de dire : « Une maladie ne laissant pas d'espoir sérieux de guérison. »

Article 555

Messieurs, dans la séance d’hier M. le ministre de la justice a proposé deux amendements qui ont une grande importance. Ils ont pour objet de rétablir la peine de mort dans un cas où elle n'était pas admise dans le projet primitif. Ces amendements consistent à supprimer les derniers mots de l'article 555 et à ajouter un article nouveau, après l'article 556.

Pour apprécier ces amendements, il est nécessaire de rappeler les dispositions du Code aujourd'hui en vigueur et celles du projet, dans la matière qui nous occupe.

La législation actuelle n'exige pas, pour prononcer la peine capitale, que la mort d'une personne soit résultée des violences auxquelles s'est livré le coupable ; elle n'exige même pas que des coups aient été portés. Cette peine est comminée lorsque cinq circonstances indiquées par le Code se rencontrent, et aucune de ces conditions n'exige une lésion corporelle.

Le projet a complètement supprimé cette disposition et nous ne proposons pas de la rétablir.

D'après la législation actuelle encore, la peine de mort est toujours encourue lorsqu'un meurtre ou une tentative de meurtre a été accompagné d'un vol.

La Chambre remarquera que d'après le Code en vigueur il y a meurtre dès que la mort est le résultat de violences volontaires que l'agent ait voulu spécialement la mort de la victime, où qu'il n'ait eu qu'une intention vague et indéterminée de faire un mal quelconque.

En d'autres termes, le Code de 1810 n'exige pas, pour qu'il y ait meurtre, une intention positive et déterminée de donner la mort ; il suffit qu'il y'ait eu dol éventuel, sans exiger un dol formel.

Le projet a apporté de très graves changements à cette partie de la législation ; il ne considère plus comme meurtre que l'homicide commis avec l'intention de donner la mort. Lorsque la mort résulte de violences qui n'ont pas eu pour but spécial de tuer, il n'y a plus meurtre, mais une infraction comprise dans la catégorie des lésions corporelles volontaires, qui est réprimée par une peine moindre, celle des travaux forcés à temps.

Le projet admet que les dispositions ordinaires, en ce qui concerne les blessures, doivent être aggravées lorsqu'il s'agit de violences et de blessures commises pour perpétrer un vol.

Il augmente donc toutes les peines qui sont prononcées en général pour les blessures, et dont la gravité varie d'après les conséquences qu'elles ont eues.

Ainsi, les travaux forcés à temps seulement sont prononcés en général, lorsque les blessures ont amené la mort, sans que le coupable ait eu l'intention de la donner.

L'article 555 porte : « Si les violences ont causé la mort, les coupables seront condamnés aux travaux forcés à perpétuité, sans préjudice de la peine de mort en cas d'assassinat. »

Les travaux forcés à perpétuité sont donc prononcés au lieu des travaux forcés à temps pour le cas où les violences ont, sans l'intention directe de l'agent, causé la mort.,

Voilà la seule aggravation que consacre le projet pour le cas où la mort est réellement le produit des blessures qui ont été faites à l'occasion d'un vol. Il laisse le meurtre régi par les dispositions ordinaires en sorte que, dans notre matière, la peine de mort ne serait encourue que s'il y a assassinat, c'est-à-dire meurtre avec préméditation.

Le gouvernement a pensé que cette répression est insuffisante, et il propose de la modifier ainsi qu'il suit :

Le meurtre qui n'entraîne pas la peine des travaux forcés à perpétuité en général, serait puni de mort, lorsqu'il aurait pour but de commettre ou de faciliter un vol à charge de la victime. La tentative de meurtre serait assimilée au meurtre.

Les dernières expressions de l'article 555 qui ne supposent la peine de mort qu'en cas d'assassinat devraient être supprimées et un nouvel article placé après l'article 556 porterait la disposition suivante :

« Le meurtre commis ou tenté pour faciliter l'exécution du vol ou pour assurer l'impunité est puni de mort. »

(page 783) Messieurs, la commission a pensé que cet amendement ne satisfait pas encore aux exigences du maintien de l'ordre social ; après avoir mûrement pesé les faits et les nécessités de la répression, elle vous propose d'étendre encore la peine capitale à deux cas qui, aujourd'hui, sont frappés de cette peine, mais qui d'après le projet, tel qu'il est rédigé, ne donneraient lieu qu'aux travaux forcés à perpétuité.

Messieurs, je viens de dire que, sous la législation actuelle, l'homicide qui résulte de violences commises volontairement, mais sans l'intention déterminée de donner la mort, est considéré comme un meurtre ; mais que, d'après le projet, il n'y a plus là un meurtre, mais un certain genre de lésion corporelle qui donne seulement lieu à l'application delà peine des travaux forcés.

La commission pense que lorsque les violences ont eu pour résultat de donner la mort et pour but de faciliter un vol, et que lorsque, en outre, des circonstances exceptionnellement graves s'y rencontrent, la peine de mort n'est qu'une juste répression et le seul moyen de garantir la sûreté des citoyens, de raffermir la sécurité publique.

Dans les deux cas où votre commission propose de maintenir la peine capitale, il faut que le crime ait produit la mort et qu'il ait été un auxiliaire du vol ; mais elle exige, dans le premier cas, que les violences aient consisté à soumettre la victime à des tortures corporelles, et, dans le second, qu'elles aient été commises la nuit, par plusieurs individus, et dans une maison habitée ou sur un chemin public.

Je crois que, dans ces conditions, on ne peut taxer le Code d'une sévérité outrée quand il prononce la peine de mort.

Messieurs, il n'est pas de faits qui jettent une terreur plus grande parmi les populations, qui inspirent une défiance plus profonde de la protection de l'autorité, que ces vols dans lesquels la cruauté donne la main à la cupidité pour produire des douleurs que celle-ci exploite, ou dans lesquels on voit une réunion de malfaiteurs braver assez les lois, pour procéder à des desseins criminels de vive force et en répandant le sang.

Cette terreur, cette défiance de l'autorité, ce trouble social en un mot, atteint toute sa gravité, lorsque les faits qui le produisent sont commis dans une maison habitée ou sur un chemin public.

Ils troublent en effet, dans le premier cas, la sécurité de l'habitation même ; ils empêchent, dans le second cas, les communications, les rapports indispensables entre divers points du pays.

L'autorité, qui a pour premier devoir d'assurer la paix publique, doit par une éclatante répression raffermir l'ordre social ébranlé par de semblables attentats.

Il faut, pour qu'elle conserve le prestige nécessaire à l'accomplissement de sa mission, qu'elle montre sa force et déploie sa rigueur quand les faits sont plus directement opposés à l'état des sociétés civilisées.

Aussi, toutes les législations, messieurs, ont prononcé des peines exceptionnellement graves pour les faits qui nous occupent.

Une époque viendra-t-elle ou une répression plus douce sera suffisante pour de semblables attentats ? Il est permis d'en douter, messieurs, mais ce qui me paraît bien certain, c'est que cette époque n'est pas arrivée.

La discussion qui s'est élevée il y a quelques jours au sein de la Chambre, les faits si graves, si déplorables qui ont été signalés prouvent que l'autorité ne doit pas être désarmée, que les rigueurs de la justice ont encore leur raison d'être, parce qu'il y a encore des malfaiteurs à effrayer et des parties du pays à rassurer.

Votre commission vous propose donc, messieurs, d'adopter les articles dont je viens de parler, dans les termes suivants :

L'article 555 serait ainsi conçu :

« Si les violences exercées sans intention de donner la mort, l'ont pourtant causée, les coupables seront condamnés aux travaux forcés à perpétuité. »

Un nouvel alinéa serait ajouté en ces termes :

« Si les violences qui ont amené ce résultat sont des tortures corporelles, ou si elles ont été commises la nuit par plusieurs individus dans des maisons habitées ou sur des chemins publics, la peine sera la mort. »

Viendrait ensuite l'article 556 qui traite d'un autre point, et on ajouterait après cet article, l'article 556 bis ainsi conçu :

« Le meurtre commis ou tenté pour faciliter l'exécution du vol ou pour en assurer l'impunité est puni de mort. »

Reste, messieurs, une dernière question qui est tout entière une question de rédaction. Elle porte sur la définition des menaces donnée par le projet.

Les menaces sont définies de la manière suivante ;

« Par menaces la loi entend tous les moyens de contrainte morale par la crainte d'un mal immédiat. »

On a critiqué, dans la séance d'hier, l'emploi du mot « immédiat ».

L'honorable M. Nothomb a proposé d'ajouter les mots « ou prochain » en sorte qu'on dirait « par menaces la loi entend tous les moyens de contrainte morale, par la crainte d'un mal immédiat ou prochain. »

Nous avons pu constater, messieurs, à la fin de la séance d'hier, que nous étions tous parfaitement d'accord sur la portés que doit avoir la loi.

La divergence existe sur le point de savoir si le mot « immédiat » ne restreint pas trop le texte et s'il n'écarte pas ainsi une partie des menaces que nous voulons unanimement prévoir.

Un double écueil est à éviter.

Il faut que la rédaction ne soit pas assez large pour qu'on puisse comprendre dans les vols avec menaces des infractions de menaces ; celles-ci consistent à faire paraître aux yeux de celui dont on veut obtenir quelque chose un mal plus ou moins éloigné, mais que l'agent n'est pas à même de réaliser au moment où il l'annonce, contre lequel par conséquent il est possible de demander le secours à l'autorité.

Il faut éviter, en un mot, que les violences morales qu'on veut prévoir n'aient pas une extension telle qu'on puisse y comprendre des faits qui ne constituent pas une coercition irrésistible de la volonté.

Par contre il faut éviter aussi que cette rédaction ne soit trop étroite et qu'elle n'atteigne pas des faits dans lesquels un mal grave est près de fondre sur la victime sans qu'elle puisse s'y soustraire et qui, par conséquent, exerce sur sa volonté l'influence dominante, que nous voulons assimiler aux violences physiques .

La commission, messieurs, a pensé qu'en remplaçant le mot « immédiat » par le mot « imminent » on satisferait à toutes les exigences.

Ainsi, si j'applique ce mot « imminent » aux faits qu'ont signalés MM. Nothomb et Coomans, je trouve que ces faits seront certainement compris dans les dispositions de la loi qui punissent le vol avec menaces.

L'honorable M. Coomans a signalé le fait d'une menace faite à une mère et qui consistait à lui dire qu'on mettrait à mort son enfant si elle ne donnait une certaine somme ; l'enfant était au pouvoir du malfaiteur ou du moins la mère croyait qu'il en était ainsi.

Il est évident que dans ce cas le mal est imminent ; il peut être commis par suite de l'état de choses qui existe, sans que de nouveaux faits doivent s'interposer et sans que rien puisse ravir au criminel le gage dont il se prévaut et sans lequel il peut exécuter ce qu'il annonce.

A plus forte raison y a-t-il péril imminent dans le cas cité par l'honorable M. Nothomb et où une personne étant au pouvoir de l'agent, est menacée par lui de mort ou d'un autre mal grave si dans un délai très court, comme une demi-heure ou une heure, elle n'a pas exécuté l'ordre qui lui est donné.

Votre commission croit donc que ce mot « imminent » est assez étroit pour éviter qu'on ne confonde les faits dont nous nous occupons avec les menaces ordinaires ; et assez large pour comprendre tous les actes qui méritent réellement d'être considérés comme violences morales.

Telles sont, messieurs, les observations qu'avait à vous présenter votre commission sur les articles que vous lui avez renvoyés.


M. le président. - La Chambre veut-elle reprendre immédiatement la discussion des articles sur lesquels il vient d'être fait rapport ou bien continuer la discussion des autres articles du projet ?

M. Savart. - Je demande que le rapport de M. Pirmez soit imprimé et distribué ; il contient des considérations tellement graves, que nous ne pouvons pas nous prononcer sans plus ample examen.

On propose notamment de prononcer la peine de mort dans deux ou trois cas nouveaux ; nous ne pouvons pas statuer à la légère sur des points aussi importants.

M. Nothomb. - Je voulais présenter une partie des observations de l'honorable M. Savart, mais me borner à demander l'impression de la partie du rapport relative aux articles proposés par M. le ministre de la justice qui ont trait à l'établissement de la peine de mort dans deux ou trois cas déterminés, ce qui est très grave et mérite un sérieux examen. .

Pour le surplus, je pense que nous pourrions passer immédiatement à la discussion et au vote des autres articles qui ont été réservés

M. Coomans. - Je ferai remarquer que les Annales parlementaires contiendront demain le rapport assez long, assez compliqué que vient de faire l'honorable M. Pirmez. Il n'y a donc pas lieu d'ordonner une impression spéciale.

(page 784) Plusieurs membres. - Si ! si !

M. Coomans. - Je faisais cette observation dans un but d'économie.

- La Chambre ordonne l'impression spéciale et la distribution du rapport de M. Pirmez.

Discussion des articles

Chapitre premier. Des vols et des extorsions

Section III. De la signification des termes employés dans le présent chapitre

 

Article 568

« Art. 568. L'effraction consiste à forcer, rompre, dégrader, démolir ou enlever toute espèce de clôture extérieure d'une maison, édifice, construction quelconque ou de ses dépendances, où d'un bateau, d'un waggon ou d'une voiture, ou, après l'introduction dans ces lieux, toute espèce de clôture intérieure et notamment celle des armoires ou des meubles fermés destinés à rester en place et à protéger les effets qu'ils renferment.

M. Coomans. - Je continuerai à exprimer respectueusement les doutes qui me viennent et à demander de même des explications chaque fois que le texte me semblera l'exiger.

Je dois dire, quant à cet article, que la rédaction du gouvernement me paraît très préférable à celle de la commission. Je vais indiquer les raisons de cette manière de voir.

« L'effraction, portait le projet du gouvernement, consiste à forcer, rompre, dégrader, démolir ou enlever, soit toute espèce de clôture extérieure d'une maison habitée ou de ses dépendances, pour s'y introduire, etc. »

Ces derniers mots ont été supprimés par la commission et cependant ils me paraissent utiles ; car on pourrait inférer du texte de la commission qu'il y aurait circonstance aggravante dès que le voleur aurait forcé, rompu, dégradé ou démoli des clôtures sans s'être introduit dans un enclos. (Interruption.) Certainement, dit l'honorable rapporteur ; non, dit M. le ministre de la justice ; vous voyez donc que j'ai bien raison de demander une explication.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Nous sommes parfaitement d'accord, l'honorable rapporteur et moi, sur ce point.

M. Coomans. - Si vous êtes d'accord vous devriez bien faire les mêmes gestes et non des gestes contraires. (Interruption.)

Du reste, je n'ai qu'une prétention, c'est de m'éclairer et c'est pour cela que je demande des explications.

Il est donc bien entendu que, pour qu'il y ait circonstance aggravante, il faut que le malfaiteur se soit introduit dans l’enclos ; car s'il s'était borné à dégrader un mur, ou même à en démolir quelques pierres, à voler du dehors, et s'il ne s'était pas introduit dans l'enclos il n'y aurait pas circonstance aggravante.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il s'agit ici de vols et non de dégradations.

M. Coomans. - Vous ne paraissez pas me comprendre, malgré les efforts que je fais pour être bref.

Je vous prie de remarquer qu'en définitive je défends votre propre rédaction que je trouve préférable à l'autre.

J'ai une seconde observation à présenter. La commission dit « ... ou après l'introduction dans ces lieux, toute espèce de clôture intérieure et notamment celle des armoires ou des meubles fermés destinés à rester en place et à protéger les effets qu'ils renferment. »

Messieurs, je ne crois pas qu'on puisse dire « dégrader, démolir, etc., des clôtures de meubles fermés. »

Pour moi, je ne sais pas ce que c'est qu'une clôture de meubles ni surtout une clôture de meubles fermés. (Interruption.)

Je pense que, dans ce cas, la clôture c'est le meuble même. Le gouvernement ne s'est pas servi de cette singulière expression et il a bien fait.

Du reste, l'article tout entier de la commission est assez vague, assez obscur ; et il ne me semble pas que nous puissions adopter sa rédaction. (Interruption.)

M. Pirmez. - Comment faut-il dire ?

M. Coomans. - Ce que je sais, c'est qu'il ne faut pas dire comme l'article dit. Voyons maintenant ce qu'il faut dire.

Je propose d'abord de supprimer les « clôtures des armoires et meubles fermés » et d'écrire simplement. « L'effraction consiste, à forcer... des meubles fermés. » A quoi bon dire : « forcer des clôtures de meubles fermés ? » (Interruption.) Effacez donc votre clôture. (Interruption. Trouvez mieux, ce sera parfait. (Interruption.) Il n'y a dans tout ceci qu'une chose qui me semble claire, c'est que cette rédaction ne peut pas être adoptée par la Chambre.

, Maintenant, je vous fais l'honneur de croire que vous trouverez à tête reposée plus facilement que moi une meilleure rédaction que celle que vous m'engagez à improviser.

M. Van Humbeeck. - Messieurs, le Code pénal de 1810 et le projet du gouvernement en parlant des effractions de meubles, qui doivent être assimilées à des effractions de clôtures extérieures, ne citaient que les armoires ou autres meubles fermés ; le projet de la commisse ajoute que ces meubles fermés devront être destinés à rester en place ou à protéger les effets qu'ils renferment. Je comprends l'intention qui a dicté cette modification, je la trouve très bonne.

On a pensé que l'effraction de tous les meubles n'avait pas un caractère de gravité suffisante pour en faire une circonstance aggravante, qu'il fallait s'en tenir aux meubles destinés à servir de moyen de sûreté, de défense. Les expressions dont s'est servie la commission pour faire passer son intention dans la loi ne répondent pas à leur but ; elles sont vagues, elles ne rendent pas la pensée qui les a inspirées.

Les meubles destinés à servir de moyen de sûreté, de défense pour des objets précieux ne tomberont pas toujours sous les termes : « meubles destinés à rester en place » ; d'un autre côté, les termes : « meubles destinés à protéger les objets qu'ils renferment », comprennent tous les meubles fermés ; tout meuble fermé est destiné à protéger les objets qu'il contient, sinon contre les voleurs, au moins contre l’étourderie des enfants, la curiosité des domestiques ou d'autres faits moins graves.

Les mots ne répondent donc nullement à la pensée de la commission. Le choix des termes qui rendraient mieux cette pensée, est difficile. Comme l’honorable M. Coomans, je me suis cru obligé d'émettre les observations critiques que me suggèrent les termes employés par la commission, sans cependant être en mesure d'en proposer d'autres. Je me borne à exprimer l'opinion que cet article doit être refondu.

Je propose, en conséquence, de le renvoyer à la commission.

M. Pirmez, rapporteur. - Nous n'avons pas proposé la rédaction, dont la Chambre est saisie, sans l'avoir longuement étudiée.

Nous l'avons examinée dans toutes ses parties, et il me paraît difficile de vous demander de recommencer notre travail sans proposer une rédaction meilleure.

Ce texte a d'abord fait l'objet d'une étude individuelle, par les membres de la commission ; nous l'avons discutée au sein de la commission ; enfin, nous en avons fait un nouvel examen avec M. le ministre de la justice, et M. Haus, auteur du projet, qui tous deux se sont ralliés à la rédaction présentée par la commission.

Nous devons maintenir cette rédaction jusqu'à ce qu'on présente un amendement qui ait la prétention d'apporter à l'article une amélioration.

La critique qu'on en a faite est, du reste, facile à réfuter. L'honorable M. Coomans a dit que nous devions conserver les mots « pour s'introduire », qui déterminent le but de l'effraction extérieure.

Cela me paraît impossible ; nous comprenons en effet dans la disposition l'effraction des waggons, des bateaux, des voitures ; or il est impossible qu'on en opère l'effraction pour commettre un vol sans entrer dans le waggon, le bateau ou la voiture. Serait-il admissible que l'auteur du vol n'encourût pas dans ce cas la même pénalité que s'il était entré dans ces lieux ?

L'honorable membre propose ensuite de supprimer le mot « clôture intérieure ».

M. Coomans. - Je n'ai parlé que de la clôture des meubles.

M. Pirmez, rapporteur. - Si nous devions supprimer ce mot, l'honorable membre supprimerait un cas d'effraction ; il se peut que l'effraction intérieure ne porte pas sur une armoire ou un meuble fermé, mais sur la séparation des deux pièces d'une même maison : il doit y avoir là une effraction de clôture punissable.

La modification de texte que M. Coomans propose aurait pour résultat de supprimer ce genre d'effraction.

- Un membre. - Ce n'est pas cela !

M. Coomans. - Je consens à punir tout ce que vous voulez punir, mais en d'autres termes.

M. Pirmez, rapporteur. - Sans doute, mais la rédaction que vous employez, si je l'ai bien comprise, a un sens différent.

J'arrive à la critique de M. Van Humbeeck.

L'honorable membre trouve que les mots « meubles destinés à rester en place et à protéger les effets qu'ils renferment » ne rendent pas la pensée qui a porté la commission à l'insérer dans la loi.

Nous pensons pouvoir justifier ce texte qui nous a été suggéré par des faits qui se présentent tous les jours.

Il nous paraît impossible de punir jamais d'une peine plus grave (page 785) l'effraction d'un meuble que l'enlèvement de ce même meuble, ni par contre l'enlèvement du meuble si l'effraction ne constituait pas une circonstance aggravante.

Tel est le double principe qu'applique la phrase critiquée. Serait-il raisonnable de punir l'effraction d'une petite cassette dont l'enlèvement ne donnerait lieu qu'à une condamnation pour vol simple, et serait-il possible d'en punir la soustraction d'une manière spéciale, alors qu'elle est aussi facile que celle des objets qu'elle renferme ?

Il faut, pour qu'il y ait dans la vérité des choses une circonstance aggravante, que le voleur ait vaincu les obstacles spéciaux destinés à maintenir dans les mains du propriétaire la chose volée ; quand les meubles par leur fermeture et en outre par leur volume ou leur poids présentent des obstacles aux entreprises criminelles.

Ce serait une grave erreur de croire que tous les meubles ont également une destination fixe ; une malle, par exemple, n'est-elle pas surtout employée pour voyager ?

Le deuxième membre de la phrase n'est pas inutile, comme le pense l'honorable M. Van Humbeeck.

Un cas qui s'est présenté le démontrera.

Un individu, pour s'emparer du vin contenu dans une futaille, a percé cette futaille. La cour de cassation de France a eu à décider la question de savoir s'il y avait effraction. M. Merlin, comme procureur général, a soutenu qu'il y avait vol avec effraction ; la cour a jugé dans un sens contraire parce que la futaille n'est pas destinée à protéger le vin, mais à le contenir.

Pour éviter des interprétations évidemment trop larges et semblables à celle qu'a donnée Merlin, nous proposons de dire que l'effraction, pour être une cause d'aggravation de peine, doit porter fur une chose qui soit une défense contre les tentatives des voleurs.

- Un membre. - Vous dites « protéger ».

M. Pirmez. - Le mot « protéger » doit être entendu, d'après la matière qui nous occupe, dans le sens de garder, de défendre contre des soustractions.

Voilà, messieurs, les raisons qui ont porté votre commission à employer les expressions que vous lisez dans l'article en discussion.

M. Coomans. - Maintient-on la rédaction proposée ?

M. Pirmez. - Oui, si vous n'en proposez pas d'autre.

M. Coomans. - L'honorable membre se trompe quand il pense que je veux innocenter certains faits qu'il a en vue. J'ai voulu comprendre dans la pénalité tous les faits que l'honorable rapporteur avait lui-même en vue.

J'ai fait deux observations, la première avait pour but d'obtenir un éclaircissement, je l'ai obtenu.

C'est qu'il est bien entendu que pour qu'il y ait effraction, il faut qu'il y ait introduction,

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Non, il faut qu'il y ait vol. La simple effraction n'entraînera jamais la peine comminée contre le vol avec effraction.

M. Coomans. - Ainsi, l'individu qui aurait enlevé d'un mur quelques pierres, pierres qui pourraient avoir une certaine valeur, commettrait-il une effraction ?

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - C'est un autre cas ; ce serait le vol de pierres. Ce ne serait plus le vol à l'aide d'effraction.

M. Coomans. - Messieurs, j'ai demandé l'éclaircissement, pourquoi ? Parce que la commission avait fait disparaître des mots que le gouvernement avait introduits dans la rédaction de l'article. Le gouvernement avait dit : « pour s'y introduire ». Cela me paraissait clair. Maintenant M. le ministre de la justice croit que ces mots sont inutiles. S'il est d'accord avec M. le rapporteur, je n'ai rien à ajouter quant à cette observation.

Ma seconde observation était purement grammaticale. J'ai dit que je ne comprenais pas plus la clôture des meubles fermés que la fermeture des meubles fermés, et j'ai engagé la commission, puisque nous voulons faire mieux que le législateur de 1810, à ne pas abandonner même la forme.

L'honorable rapporteur insiste pour que je présente immédiatement une rédaction meilleure. La voici : « Après l'introduction dans ces lieux, toute espèce de clôture intérieure, et aussi les armoires ou les meubles fermés destinés à rester en place ou à protéger les effets qu'ils renferment. »

Je dois enlever le mot « notamment », parce qu'un meuble n'est pas une clôture intérieure, au lieu de « notamment » je mets : « et aussi ».

Veut-on simplement s'en tenir à l'article 390 de l'ancien Code, je n'y verrais pas d'inconvénient. Il est très clair. Cet article, le voici :

« Les effractions intérieures sont celles qui, après l'introduction dans les lieux mentionnés en l'article précédent, sont faites aux portes ou clôtures du dedans, ainsi qu'aux armoires ou autres meubles fermés. »

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Si l'honorable M. Coomans dépose un amendement, il est indispensable qu'il soit écrit et lu afin que nous puissions l'apprécier. Il ne me semble pas possible que la Chambre adopte et même qu'elle discute un amendement dont on ne connaît les termes que d'une manière aussi peu complète.

J'ai deux mots à répondre aux observations de l'honorable M. Coomans.

Ainsi que je l'ai dit tantôt dans une interruption, la confusion que craint l'honorable M. Coomans par la suppression des mots « pour s'y introduire » n'est pas possible. En effet de quoi s'agit-il ? Il s'agit d'une circonstance aggravante du vol, de la circonstance aggravante de l'effraction. Il n'y a donc pas à redouter que l'individu qui se bornera à dégrader des murs ou à commettre une effraction sans que le crime de vol vienne s'y joindre, puisse être poursuivi et puni en vertu de l'article 568, combiné avec l'article 546 ou l'article 550.

Maintenant pourquoi les mots « pour s’y introduire » avaient-ils été compris dans la rédaction du gouvernement, et pourquoi ont-ils été supprimés par la commission ? Parce que dans la rédaction du gouvernement l'on ne parlait pas de waggons, de bateaux. Mais la commission, en ajoutant les bateaux et les waggons, et prévoyant que des vols pouvaient se commettre avec effraction et sans que le coupable ait besoin de s’y introduire, a supprimé les mots et l'a fait avec raison.

Voilà l'explication très simple du changement de rédaction, et voilà pourquoi, sans aucune espèce de contradiction avec ce qui avait été proposé d'abord, le gouvernement peut s'y rallier.

M. Tack. - Je crois avoir compris que l'honorable M. Coomans se tenait pour satisfait par la déclaration de l'honorable rapporteur quant à la première partie de ses observations ; de sorte qu'il ne reste plus que la critique relativement à la finale de l'article. Or, il me semble que, sous ce rapport, il est très facile de s'entendre. Car la modification que propose l'honorable M. Coomans consiste simplement dans la substitution, à la rédaction de la commission, de celle du gouvernement, sauf la fin de l'article. On se bornerait à dire, comme dans la rédaction du gouvernement, « ainsi que les armoires ou autres meubles fermés », et on ferait suivre ces mots des suivants : « destinés à rester en place ou à protéger les effets qu'ils renferment. »

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je demande que l'amendement soit imprimé et que l'article soit tenu en suspens. Il est possible que l'amendement de l'honorable M. Coomans soit bon, mais je ne puis l'apprécier immédiatement.

M. Tack. - Il est le même que la rédaction du gouvernement, sauf la partie complémentaire ajoutée par la commission.

MpV. - Voici l'amendement de M. Coomans. L'honorable M. Coomans propose de dire, après les mots : « clôture intérieure » : « ainsi que les armoires ou les meubles », au lieu de : « notamment de celle des armoires ou des meubles. »

M. Devaux. - Puisque M. le ministre de la justice demande la suspension de l'examen de cet article, je lui soumettrai encore une observation dont on pourrait s'occuper en même temps.

Ne va-t-on pas un peu loin en excluant de l'effraction tout cas de bris d'un meuble qui n'est pas destiné à rester en place ?

On vient de citer une malle. Il me semble 'qu'il y a des cas ou le bris d'une malle est une effraction. Ainsi, le cas s'est présenté. Il est arrivé au chemin de fer que l'on s'est introduit dans le waggon qui contenait les malles, que l'on y a brisé les serrures de ces malles et enlevé des effets qu'elles contenaient.

Il me semble ensuite que parmi les meubles à l'intérieur des maisons, les premiers à garantir sont ceux qui d'ordinaire contiennent de l'argent.

Tous les coffres-forts ne sont pas vissés sur place. Il y a des commerçants, des receveurs qui, tous les soirs, transportent leur coffre-fort, leur caisse, du bureau dans la chambre à coucher.

C'est donc un meuble destiné à être déplacé ; le bris de ce meuble devrait, ce me semble, être compris dans les cas d'effraction.

M. Van Humbeeck. - Je n'ai demandé la parole que pour ajouter une observation à celle de l'honorable M. Devaux. Puisque la suspension de l'article va être prononcée, je demande qu'on appelle l'attention de la commission sur l'observation que j'ai faîte relativement à la finale de l'article.

- L'article est renvoyé à la commission.

Article 569

(page 786) « Art. 569. Est assimilé au vol avec effraction :

« 1° L'enlèvement des meubles dont il est parlé en l'article précédent ;

« 2° Le vol commis à l'aide d'un bris de scellés. »

M. Coomans. - Je propose de dire : « sont assimilés », au lieu de : « est assimilé », puisqu'il y a deux faits distincts qui sont prévus par cet article.

- L'article, ainsi modifié, est adopté.

Article 570

« Art. 570. Est qualifiée escalade :

« 1° Toute entrée dans les maisons habitées ou leurs dépendances, exécutée par-dessus les murs, portes, toitures ou toute autre clôture ;

« 2° L’entrée par une ouverture souterraine, autre que celle qui a été établie pour servir d'entrée. »

M. Coomans. - Il est bien entendu, je pense, messieurs, que les fossés sont compris dans les clôtures dont il est parlé au n°1°. Le mot « fossés » ne s'y trouve pas, mais comme je pense qu'il n'y a pas de doute, je me contenterai d'une simple affirmation de M. le rapporteur, ou de M. le ministre de la justice.

En second lieu, je demanderai qu'on dise : « sont qualifiés » au lieu de « est », puisqu'il y a un pluriel.

M. Pirmez, rapporteur. - Il est difficile de répondre immédiatement et en droit à la question présentée par l'honorable M. Coomans.

Il me paraît cependant que s'il est des fossés qui doivent constituer une clôture, il en est d'autres qui, en raison de l'exiguïté de leurs dimensions, ne doivent pas être mis sur le même rang. Le Code actuel porte le même texte.

Si M. Coomans insiste, nous pourrions examiner la question de plus près.

M. Coomans. - Dans beaucoup de contrées on a l'habitude de se clore par des fossés plus ou moins larges ; s'il n'y avait qu'un fossé large d'un pas, un fossé très facile à franchir, on ne pourrait pas, je le reconnais, assimiler ce fossé à une vraie clôture ; mais si le fossé avait plus d'un mètre, s'il renfermait de l'eau, c'est-à-dire s'il était visiblement destiné à faire l'office de mur ou de haie, il serait juste de l'assimiler à une clôture.

J'avais l'intention de proposer l'addition du mot « fossés », mais s'il y a doute, je demanderai le renvoi à la commission.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je crois qu'il s'agit ici d'une question d'appréciation.et que le tribunal aura toute latitude à cet égard puisque l'article se termine par les mots « ou toute autre clôture. » C'est au tribunal à examiner si c'est réellement une clôture destinée à faire l'office soit de mur soit de haie. Si nous ajoutons le mot « fossés », la moindre rigole, permettez-moi cette expression, pourrait être considérée comme une clôture.

M. Coomans. - Le moindre mur aussi.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). -Le mur est une clôture par sa nature même, par sa destination, tandis que la destination du fossé n'est pas toujours de clore. Je crois que les mots : « ou toute autre clôture » laissent au juge toute latitude pour apprécier si réellement le fossé qui n'aura pas été respecté doit ou non être considéré comme une clôture dans le sens de la loi.

M. Nothomb. - J'appuie les observations de l'honorable ministre de la justice. Il a toujours été reçu en jurisprudence qu'un fossé est assimilé à une clôture quand, fait ou entretenu par la main de l'homme peur préserver la propriété contre l'introduction soit des malveillants, soit des bestiaux, il présente les caractères réels d'un obstacle matériel.

Cette interprétation est d'ailleurs conforme au Code pénal actuel, car dans son article 456 qui réprime la destruction des clôtures il comprend la dégradation et le comblement des fossés.

D'un autre côté, il est de la plus haute importance, en fait, d'adopter cette manière de voir. En effet, dans plusieurs parties du pays, et je citerai notamment la Campine, les fossés constituent le système de clôture le plus usité et sont là ce que sont ailleurs les haies et les murs. Il est donc indispensable pour la sécurité publique que les fossés y soient assimilés aux autres modes de clôture.

Mais le principe une fois maintenu par le Code nouveau, le surplus appartient au juge du fait ; et d'accord avec M. le ministre de la justice, je dis avec lui que le juge appréciera, dans chaque circonstance spéciale, si le fossé qui a été franchi ou dégradé présentait le caractère de clôture véritable.

M. Pirmez, rapporteur. - Je pense que la solution présentée par les préopinants doit être admise.

En reconnaissant qu'il y a là un point de fait laissé à l'appréciation du juge, on a la seule solution possible du point soulevé.

- L'article est adopté.

Article 571

« Art. 571. Sont qualifiés fausses clefs :

« l° Tous crochets, rossignols, passe-partout, clefs imitées, contrefaites ou altérées ;

« 2° Les clefs qui n'ont pas été destinées par le propriétaire, locataire, aubergiste ou logeur, aux serrures, cadenas ou aux fermetures quelconques auxquelles le coupable les aura employées ;

« 3° Les clefs soustraites qui ont servi à commettre le vol.

« Toutefois l'emploi des fausses clefs ne constituera une circonstance aggravante que relativement aux objets dont l'effraction eût entraîné une aggravation de peine. »

- Adopté.

Article 572 (disposition particulière)

« Art. 572. Quiconque aura contrefait ou altéré des clefs sera condamné à un emprisonnement de trois mois à deux ans, et à une amende de vingt-six francs à deux cents francs.

« Si le coupable est serrurier de profession, il sera condamné à la réclusion. »

- Adopté.

Section I. Des vols commis sans violences ni menaces
Article 546

 

M. Nothomb. - Avant de passer au chapitre suivant, je désire soumettre une observation à la Chambre ou plutôt faire une réserve ; j'espère que le règlement n'y fera pas obstacle.

D'après le Code actuellement en vigueur, les vols commis par les domestiques et tous ceux qui leur sont assimilés sont frappés d'une peine criminelle ; ce sont, en termes de palais, des « vols qualifiés ». Suivant le projet que nous discutons, au contraire, ces vols deviennent des vols simples.

J'ai laissé passer l'article sans le combattre, ainsi que j'en avais manifesté l'intention avant la séance d'hier à notre honorable collègue M. Savart.

J'ai été induit en erreur par la numération des articles du projet, différente de celle du Code actuel.

Je demande, messieurs, à pouvoir présenter au vote définitif un amendement ayant pour but de maintenir le vol domestique parmi les faits criminels proprement dits.

Je veux maintenir par la classification et la pénalité, la démarcation qui existe entre le vol ordinaire et le vol domestique, qui, outre son caractère commun avec le premier, implique un véritable et odieux abus de confiance.

Je m'en expliquerai plus amplement au second vote.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, si la Chambre y consent, l'honorable M. Nothomb pourrait présenter ses observations lorsque, la semaine prochaine, l'assemblée discutera les articles sur lesquels l'honorable M. Pirmez a fait un rapport au début de la séance. (C'est cela.)

M. Pirmez, rapporteur. - Je demanderai à l'honorable M. Nothomb, qui se propose sans doute de présenter un amendement, de le déposer sur le bureau ; la Chambre en ordonnerait l'impression, et la commission pourrait l'examiner.

Chapitre II. Des fraudes

Section I. De la banqueroute
Article 573

« Art. 573. Ceux qui, dans les cas prévus par le Code de commerce, seront déclarés coupables de banqueroute, seront condamnés :

« Les banqueroutiers simples, à un emprisonnement d'un mois à deux ans ;

« Les banqueroutiers frauduleux, à la réclusion. »

- Adopté.

Article 574

« Art. 574. Les agents de change et les courtiers qui auront fait faillite seront, pour ce seul fait, déclarés banqueroutiers simples et condamnés à un emprisonnement d'un an à cinq ans.

« S'ils sont convaincus de banqueroute frauduleuse, ils seront condamnés à la réclusion dont le minimum est pour ce cas élevé des deux tiers. »

M. Savart. - Je propose de substituer, dans le deuxième paragraphe, les mots « sera (page 787) de sept ans aux mots est pour ce cas élevé des deux tiers. Il s'agit de mettre cet article en harmonie avec un article précédent qui a été modifié de la même manière.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je me rallie à cet amendement.

- L'article 574, ainsi modifié, est adopté.

Article 575

« Art. 575. Seront condamnés à un emprisonnement d'un mois à deux ans et à une amende de cent francs à trois mille francs :

« 1° Ceux qui, dans l'intérêt du failli, auront soustrait, dissimulé ou recélé tout ou partie de ses biens meubles ou immeubles ;

« 2° Ceux qui auront frauduleusement présenté dans la faillite et affirmé, soit en leur nom, soit par interposition de personne, des créances supposées ou exagérées ;

« 3° Le créancier qui aura stipulé, soit avec le failli, soit avec toutes autres personnes, des avantages particuliers à raison de son vote dans les délibérations de la faillite, ou qui aura fait un traité particulier duquel résulterait, en sa faveur, un avantage à la charge de l'actif du failli ;

« 4° Le curateur qui se sera rendu coupable de malversation dans sa gestion. »

M. Coomans. - Messieurs, je lis au n°1° :

« Ceux qui, dans l'intérêt du failli, auront soustrait, dissimulé ou recelé tout ou partie de ses biens meubles ou immeubles. » Je désirerais avoir une explication sur les moyens de soustraire, de dissimuler ou de receler un immeuble.

M. Pirmez. - C'est bien simple ; au moyen d'actes simulés et frauduleux.

M. Coomans. - Messieurs, j'avais prévu dans mon esprit l'explication de l'honorable rapporteur ; j'étais bien convaincu d'avance que la disposition n'avait pas le caractère singulier qu'elle paraît avoir ; cependant cette explication ne suffit pas ; le texte actuel doit être modifié ; on ne peut pas y laisser subsister dissimuler ou receler des immeubles. C'est une expression singulière qui ne peut être comprise que par des praticiens, des jurisconsultes ; or, nous ne faisons pas la loi pénale pour les praticiens, pour les jurisconsultes ; nous la faisons pour tout le monde, pour les simples esprits comme moi et bien d'autres. Je demande une autre rédaction, par exemple les « titres d'immeubles ».

M. Pirmez, rapporteur. - Les faits qui nous occupent ne sont pas pratiqués par des gens simples ; ils supposent au contraire beaucoup de duplicité. Ceux qui savent qu'une personne ne peut payer ses créanciers, qui feignent d'acheter ses biens pour les leur restituer, qui passent à cette fin des contrats que l'on colore au mieux d'un vernis de sincérité, savent très bien qu'ils commettent des faits coupables. Le sens moral leur révèle très bien la criminalité de ces faits, et s'ils lisent l'article qui nous occupe, ils seront parfaitement convaincus que ce qu'ils font, c'est bien receler, soustraire ou dissimuler l'actif d'un failli.

Je ferai donc remarquer à l'honorable membre que la rédaction qu'il critique n'émane pas de la commission ; elle est la reproduction littérale de l'article 575 du code de commerce révisé il y a peu d'années ; nous nous sommes bornés à copier l'article admis par la Chambre lors de cette révision.

- Personne ne demandant plus la parole, l'article 575 est mis aux voix et adopté.

Article 576

L'article 576 est supprimé par la section centrale, d'accord avec le gouvernement.

Section II. Des abus de confiance

 

Article 577

« Art. 577. Quiconque aura détourné frauduleusement ou dissipé, au préjudice des propriétaires, possesseurs ou détenteurs, des effets, deniers, marchandises, billets, quittances, ou tous autres écrits contenant ou opérant obligation ou décharge, qui ne lui avaient été remis qu'à la charge de les rendre ou d'en faire un usage ou un emploi déterminé, sera puni d'un emprisonnement d'un mois à cinq ans, et d'une amende de vingt-six francs à cinq cents francs. Le coupable pourra, de plus, être condamné à l'interdiction, conformément à l'article 44. »

- Adopté.

Articles 578 à 581

Les articles 578, 579, 580 et 581 sont supprimés par la section centrale, d'accord avec le gouvernement.

Article 582

« Art. 582. Quiconque aura abusé des besoins, des faiblesses ou des passions d'un mineur, pour lui faire souscrire, à son préjudice, des obligations, quittances ou décharges pour prêt d'argent ou de choses mobilières, ou d'effets de commerce ou de tous autres effets obligatoires, sous quelque forme que cette négociation ait été faite ou déguisée, sera condamné à un emprisonnement de deux mois à deux ans et à une amende de cent francs à cinq mille francs. »

- Adopté.

Article 583

L'article 583 est supprimé par la section centrale, d'accord avec le gouvernement.

Article 584

« Art. 584. Quiconque, après avoir produit dans une contestation judiciaire quelque titre, pièce ou mémoire, l'aura détourné méchamment ou frauduleusement, de quelque manière que ce soit, sera puni d'une amende de vingt-six francs à trois cents francs.

« Cette peine sera prononcée par le tribunal saisi de la contestation. »

- Adopté.

Section III. De l’escroquerie et de la tromperie
Articles 585 à 587

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je demanderai le renvoi à la commission des articles 585, 586 et 587. Ces articles devront donner lieu à un examen ultérieur quant à la rédaction. Nous en sommes convenus avec les membres de la commission.

- Cette proposition est adoptée.

Article 88

« Art. 588. Seront punis d'un emprisonnement d'un mois à trois ans, et d'une amende de cinquante francs à mille francs :

« Ceux qui auront argenté des monnaies de billon, de cuivre ou de bronze, ou doré des monnaies d'argent ou d'autre métal, et qui les auront émises ou tenté de les émettre.

« Ceux qui, de concert avec les coupables, auront participé à l'émission ou à la tentative d'émission de ces monnaies. »

M. Pirmez. - Messieurs, nous proposons, d'accord avec M. le ministre de la justice, un changement de rédaction à cet article.

Ce changement consiste à dire, au lieu de :

« Ceux qui auront argenté des monnaies de billon, de cuivre ou de bronze ou doré des monnaies d'argent ou d'autre métal » :

« Ceux qui auront donné l'apparence de l'argent à des monnaies de billon, de cuivre ou de bronze, ou l'apparence de l'or à des monnaies d'argent ou d'autre métal. »

M. Coomans. - Il faut ajouter les mots : « de nickel. »

M. Pirmez. - Le nickel est compris sous la désignation : « ou d'autre métal. »

Voici du reste la raison pour laquelle nous proposons un changement de texte.

Argenter c'est d'après le sens naturel du mot, enduire d'une couche d'argent. Or, la plupart du temps lorsqu'on pratique la fraude prévue par cet article on se borne à donner la couleur blanche de l'argent à des pièces ce bronze ou de cuivre. Or, le nickel a cette couleur blanche.

Nous avons cru qu'il valait mieux dire : donner l'apparence de l'argent.

M. Coomans. - La nouvelle rédaction proposée par l'honorable rapporteur soulève une difficulté.

L'honorable rapporteur dit que le nickel tomberait sous l'application des mots : « ou d'autre métal. » Mais cela n'est pas exact, puisque « l'autre métal > n'est relatif qu'à l'or, de manière que la personne qui donnerait l'apparence de l'argent à une monnaie de nickel n'aurait pas commis un délit. Faites-y attention.

- Une voix. - Mais le nickel a l'apparence de l'argent.

- Une autre voix. - Il peut être compris dans la dénomination de billon.

M. Coomans, — Si, comme on le dit autour de moi, le nickel peut être compris dans le mot « billon », je ferai remarquer que le mot « billon » suffirait seul dans ce cas, et qu'il ne faudrait pas ajouter le cuivre et le bronze.

Vous dites : Ceux qui auront donné l'apparence de l'argent à des monnaies de cuivre ou de bronze.

Pourquoi ne pas ajouter le nickel ?

En êtes-vous honteux ? (Interruption.)

Je n'insisterai pas si le gouvernement veut me promettre de supprimer notre vilaine monnaie de nickel. (Interruption.) Mais aussi longtemps qu'elle existera, je crois que nous devons lui faire les honneurs du Code pénal, pas précisément en faveur du nickel que je n'aime pas, mais contre les malfaiteurs qui pourraient employer le nickel d'une manière très abusive pour beaucoup de Belges, notamment dans les campagnes.

(page 788) L'honorable rapporteur vient de dire qu'il ne sera pas nécessaire de donner au nickel l'apparence de l'argent, attendu qu'il est blanc.

C'est précisément là un des inconvénients du nickel. Nous savons qu'un certain nombre de personnes ont été plus ou moins victimes du nickel.

Du reste, si le nickel est assez blanc pour tromper des gens simples, il ne l'est pas assez pour n'avoir pas besoin d'être dénaturé par les voleurs.

Je demande donc que cette monnaie, qui d'après la loi que nous avons faite doit occuper une place assez considérable dans notre système monétaire, figure dans le Code, à moins que vous ne disiez que le nickel est compris dans le billon et alors qu'on ne supprime, dans l'article, le cuivre et le bronze pour ne garder que le mot « billon » qui deviendrait largement générique.

Dans ce cas je serais satisfait ou à peu près.

M. Pirmez. - J'admets volontiers la solution qu'on vient d'indiquer, mais alors il faut bien entendre que nous emploierons le mot « billon » dans son sens large, dans le sens dans lequel il est employé ordinairement.

Ainsi le mot « billon » a deux sens.

Il indique d'abord la monnaie d'argent avec un très fort alliage de cuivre, ensuite des monnaies quelles qu'elles soient, fussent-elles d'argent pur, qui n'ont pas cours légal pour une somme indéfinie.

Ainsi par exemple la monnaie d'argent anglaise qui est plus pure même que notre monnaie d'argent et dans ce sens c'est une monnaie de billon.

Il est évident qu'on ne tentera pas d'argenter celle-là.

Mais je pense que l'expression de billon s'entendant dans un sens large serait suffisante pour l'objet qui nous occupe.

Je ne verrais donc pas d'inconvénient à supprimer le cuivre et le bronze.

M. le président. - M. le ministre se rallie-t-il à cette proposition ?

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je ne vois pas d'inconvénient à cette suppression, M. le président.

M. Vermeire. - Je n'ai qu'une observation à faire : c'est que, si mes souvenirs sont exacts, d'après la dernière loi. que nous avons faite pour la monnaie de nickel, cette monnaie ne représente pas une monnaie de billon et qu'on est obligé de la recevoir pour une somme indéfinie.

M. le ministre de la justice (M. Tesch) - Non ! non ! il y a une somme fixée.

M. le président. - Voici comment l'article serait rédigé : On supprimerait les mots « de cuivre ou de bronze » et l'on dirait : « Ceux qui auront donné l'apparence de l'argent à des monnaies de billon, ou l'apparence de l'or à des monnaies d'argent ou d'autre métal, etc. »

M. Devaux. - On a découvert le nickel, on peut découvrir d'autres métaux encore, on a fait depuis quelque temps plus d'une découverte de ce genre. Il vaudrait donc mieux se servir d'une expression plus générale et dire : « Ceux qui ont donné l'apparence de l'or ou de l'argent à des monnaies d'un métal de moindre valeur. »

M. le président. - M. le ministre se rallie-t-il à la proposition de M. Devaux ?

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je demanderai alors que l'amendement soit imprime. Il est très difficile de s'expliquer séance tenante sur des matières si graves.

M. le président. - M. Devaux propose de remplacer le second paragraphe par celui-ci : « Ceux qui auront donné l'apparence de l'or ou de l'argent à des monnaies d'un métal de moindre valeur. »

Demande-t-on le renvoi à la commission ?

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - On pourrait adopter l'article ainsi modifié, sauf à y revenir au second vote.

M. Guillery. - Il me semble que le texte actuel répond précisément à l'intention manifestée par l'honorable M. Devaux, puisque les mots ou d'attiré métal s'étendent à toutes les monnaies possibles, à moins que nous ne revenions à la monnaie de Philippe le Bel dont il a été si souvent question dans une récente discussion.

- L'article, tel qu'il est modifié par M. Devaux, est mis aux voix et adopté.

Article 589

« Art. 589. Quiconque, sans être coupable de la participation énoncée au précédent article, se sera procuré avec connaissance des monnaies dorées ou argentées, et les aura remises en circulation, sera condamné à un emprisonnement de quinze jours à un an, et à une amende de cinquante francs à cinq cents francs,

« La tentative d'émission sera punie d'un emprisonnement de huit jours à six mois, et d'une amende de vingt-six francs à cent francs.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Cet article devra êtr mis en harmonie avec la disposition précédente, telle qu'elle vient d'être amendée ; il faudra dire :... des monnaies auxquelles on aura donné les apparences de l'or ou de l'argent.

M. Van Overloop. - Il s'agit, dans l'article 589, des monnaies dont il est question à l'article 588. Il me semble que ces deux articles se combineraient beaucoup mieux si l'on disait « des monnaies dont il est question-dans l'article précédent et auxquelles on aura donné l'apparence de l'or ou de l'argent. »

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - L'article devra être complétement remanié pour concorder parfaitement avec l'article précédent.

M. Savart. - Je désira adresser une interpellation sur cet article 589. On y parle de ceux qui ont donné l'apparence de for ou de l'argent à une monnaie d'un métal de moindre valeur. Mais si je comprends bien l'article, il faut de plus que cette monnaie ait été mise en circulation pour une valeur supérieure à sa valeur réelle.

Or, je suppose qu'un homme, après avoir ainsi dénaturé des pièces de monnaie, dans le but de les mettre en circulation pour une valeur qu'elles n'ont pas, se repente de son action et mette ces pièces de monnaie en circulation pour leur valeur légale, tombera-t-il sous l'application de cet article ? Une explication me paraît indispensable sur ce point.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - A première vue, je suis d'avis que, si un individu, en quelque sorte pour s'amuser, dorait une seule pièce d'argent et la mette ensuite en circulation pour sa valeur réelle, en indiquant lui-même l'altération, l'on pourrait soutenir qu'il n'y a pas là les éléments d'un délit. Mais, dans le cas posé par l'honorable M. Savart, l'auteur du fait faciliterait à d'autres la tromperie que l'on veut éviter, il jetterait une perturbation dans la circulation monétaire, et il tomberait sous l'application de la loi.

M. Coomans. - Il est certain qu'il n'y a pas, dans ce cas, d'intention frauduleuse ; mais pouvons-nous innocenter complètement le fait d'un individu qui s'amuserait à dénaturer des pièces de monnaie et à les jeter dans la circulation ?

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Du tout !

M. Coomans. - Il n'a réalisé aucun bénéfice, mais d’autres pourrait profiler de son fait en repassant ces pièces de monnaie pour une valeur supérieure à leur valeur légale. L'Etat me semble ne pouvoir pas rester indifférent en présence de faits de cette nature. Il ne peut pas permettre que l'on donne, par exemple, l'apparence de francs à des pièces de 2 centimes. La peine ne devrait pas être la même sans doute pour ceux qui ne bénéficient pas de cette action que pour ceux qui en retirent un profit frauduleux (interruption) ; mais, il reste toujours le fait de la falsification d'une monnaie de l'Etat, et ce fait me semble devoir être puni en tout état de cause.

- L'article 589 est adopté avec les modifications qu'il devra subir pour être mis en harmonie avec l'article précédent.

Article 590

« Art. 590. Celui qui, ayant reçu ces monnaies pour bonnes, les aura sciemment remises en circulation, sera condamné à une amende de vingt-six francs à trois cents francs. »

- Adopté.

Article 591

L'article 591 est supprimé.

Article 592

« Art. 592. Quiconque aura trompé l'acheteur, soit sur l'identité de la chose vendue, en lui livrant frauduleusement une chose autre que celle qu'il a déterminément achetée, soit sur la nature des marchandises, en vendant ou livrant frauduleusement une chose d'apparence semblable à celle qu'il a achetée ou cru acheter, sera puni d'un emprisonnement d'un mois à un an, et d'une amende de cinquante francs à mille francs ou de l’une de ces deux peines seulement. »

M. Guillery. - Je ne sais pas si le mot « déterminément » est bien convenable.

M. Pirmez, rapporteur. - Le but que nous nous sommes proposé en adoptant le mot « déterminément » est d'indiquer clairement que la tromperie sur l'identité de la chose n'existe que lorsque la vente porte sur un cops certain.

Nous punissons alors surtout l’attentat à la propriété que renferme le fait du voleur.

M. Nothomb. - Le mot « déterminément » est très peu usité ; on pourrait employer le mot « expressément ».

(page 789) M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il ne rendrait pas l'idée.

M. Pirmez. - On peut tromper de deux manières dans la vente et dans la livraison, en vendant une chose autre que celle qu'on annonce vendre ; et en livrant une chose autre que celle qu'on a vendue.

La tromperie qui se fait dans la livraison de la chose vendue présente deux cas distincts qui doivent être régis par des principes différents.

Si la vente ne porte pas sur un corps certain, mais bien sur des choses désignées par leur genre, le vendeur qui livre d'autres choses ne manque qu'à l'obligation contractée par lui de fournir réellement la chose promise.

Si la chose vendue est un corps certain, la propriété de cette chose est acquise à l'acheteur au moment même de la vente.

Si le vendeur fournit une autre chose, il viole non seulement une obligation personnelle, mais il attente au droit réel, à la propriété de l'acheteur dont il s'empare pour lui substituer un autre objet.

On croit que l'idée qu'il faut rendre, c'est que dans la tromperie sur l'identité de la chose vendue, la vente s'est aussi portée sur un corps certain.

Le mot « expressément » ne rendrait évidemment pas cette idée. La vente est aussi expresse quand elle porte sur des choses indéterminées que lorsqu'elle porte sur des choses déterminées.

M. De Fré. - Je crois qu'on pourrait adopter le mot « spécialement ». Il s'agit d'un objet déterminé. Le mot « déterminément » fait tache dans l'article et c'est, à mon avis, le mot « spécialement » qui rend le mieux la pensée de la commission.

M. Nothomb. - Je me rallie à la proposition de M. De Fré.

M. Pirmez, rapporteur. - Je constate que le mot est « français » et je trouve qu'il est le meilleur.

M. Guillery. - On pourrait adopter provisoirement le mot « spécialement », ou tout autre ; je pense que d'ici au second vote la commission trouvera une expression qui satisfera tout le monde, comme elle l'a fait tout à l'heure en proposant, au lieu du mot « immédiat », le mot « imminent » qui a résolu la question.

On pourrait par exemple dire ici : « en substituant frauduleusement un objet à celui qui a été acheté. »

M. Tack. - Je demande si on ne rendrait pas l'idée de la commission en disant : « celle même qu'il a achetée. »

Ce serait déterminer la chose.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - J'avais des doutes sur la question de savoir si le mot « déterminément » était français ; vérification faite, il est français ; or il est impossible d'en trouver un qui rende aussi bien l'idée qu'on veut exprimer ; il la rend beaucoup mieux que les mots « spécialement » ou « expressément ».

M. Nothomb. - Je pense que la commission trouvera une autre formule.

Le mot est français, mais il n'est pas usité.

M. de Naeyer. - On pourrait adopter le mot « spécialement », sauf à en trouver un meilleur d'ici au second vote.

M. J. Jouret. - Le plus simple, à mon avis, serait de faire disparaître le mot « déterminément » ; la pensée est clairement exprimée en disant la chose qu’il a achetée.

- Le renvoi à la commission de l'article 592 et des amendements qui s'y rapportent est adopté.

Article 593 à 596

« Art. 593. Ceux qui auront falsifié ou fait falsifier, soit des comestibles ou des boissons, soit des denrées ou substances servant à la nourriture des hommes ou des animaux, destinés à être vendus ou débités, seront punis d'un emprisonnement de huit jours à un an et d'une amende de cinquante francs à mille francs, ou de l'une de ces deux peines seulement. »

- Adopté.


« Art. 594. Sera puni des peines portées par l'article précédent :

« 1° Celui qui vendra, débitera ou exposera en vente des comestibles, boissons, denrées ou substances alimentaires quelconques, sachant qu'ils étaient falsifiés ;

« 2° Celui qui, soit par placards affichés, soit par des écrits, imprimés ou non, publiés, vendus ou distribués, aura méchamment donné des instructions propres à faciliter ou à propager des procédés de falsification desdits comestibles, boissons, denrées ou substances alimentaires. »

- Adopté.


« Art. 595. Sera puni d'un emprisonnement de huit jours à six mois et d'une amende de vingt-six francs à cinq cents francs, ou de l'une de ces deux peines seulement, celui qui aura dans son magasin, dans sa boutique ou en tout autre lieu, des comestibles, boissons, denrées ou substances alimentaires destinés à être vendus ou débités, sachant qu'ils sont falsifiés. »

- Adopté.


« Art. 596. Dans les cas prévus par les deux articles précédents, lorsque le coupable sera condamné à un emprisonnement de plus de six mois, la patente lui sera en même temps retirée, et il ne pourra en obtenir une autre pendant la durée de son emprisonnement.

« Le tribunal pourra toujours ordonner que le jugement soit affiché dans les lieux qu'il désignera et inséré en entier ou par extrait dans les journaux qu'il indiquera, le tout aux frais du condamné. »

- Adopté.

Article 597

« Art. 597. Les dispositions qui précèdent seront appliquées sans préjudice de peines plus fortes, s'il y échet, d'après les autres dispositions du présent Code. »

La commission propose la suppression.

- L'article 597 est supprimé.

Articles 598 et 599

« Art. 598. Les comestibles, boissons, denrées, ou substances alimentaires falsifiés, qui seront trouvés en la possession du coupable, seront saisis et confisqués.

S'ils peuvent servir à un usage alimentaire, ils seront mis à la disposition du bureau de bienfaisance de la commune où le délit a été commis ; sinon, il en sera ordonné la destruction ou la diffusion. »

- Adopté.


« Art. 599. Seront condamnés à un emprisonnement de quinze jours à un an et à une amende de cinquante francs à mille francs, ou à l'une de ces deux peines seulement, ceux qui auront trompé l'acheteur sur la quantité des choses vendues, soit en faisant usage de faux poids, de fausses mesures ou de faux instruments de pesage. »

- Adopté.

Article 600

« Art. 600. La disposition de l'article 543 sera applicable aux délits prévus par les articles 585, 586, 592 et 599. »

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je demande que cet article soit tenu en suspens, parce que déjà deux autres articles s'occupent de l'article 543. Nous avons déclaré notamment que, quant à l'abus de confiance, l'article 543 serait applicable.

- L'article est tenu en suspens.

Section V. Des fraudes relatives à la propriété artistique et littéraire

M. Hymans. - Bien que je ne sois pas avocat, je me permettrai de demander la parole dans cette discussion, et cela pour vous proposer de remettre à mardi la discussion de cette section. Les articles proposés dans le Code ne sont pas tout à fait ceux que l'on nous propose dans le projet de loi sur la propriété littéraire, et je désirerais m'entendre avec mes collègues de la section centrale relativement aux amendements à proposer.

- Le renvoi à mardi de l'examen de cette section est prononcé.

Section VI. Du recèlement des objets obtenus à l'aide d'un crime ou d'un délit
Article 607

« Art. 607. Ceux qui auront recelé, en tout ou en partie, les choses enlevées, détournées ou obtenues à l'aide d'un crime ou d'un délit, seront punis d'un emprisonnement de quinze jours à cinq ans, et d'une amende de vingt-six francs à cinq cents francs.

« Ils pourront de plus être condamnés à l'interdiction conformément à l'article 44, et placés sous la surveillance spéciale de la police pendant deux ans à cinq ans. »

M. De Fré. - Je désire savoir de l'honorable rapporteur pourquoi le mot « sciemment » a été supprimé par la commission ?

M. Pirmez, rapporteur. La connaissance et la volonté sont, non les conditions constitutives des infractions spéciales, mais les éléments essentiels de la culpabilité.

Il n'y a d'infraction que lorsque les conditions du fait requis par la loi existent ; mais lorsque ces conditions se rencontrent, l'infraction n'est imputable à l'agent que s'il est coupable, c'est-à-dire s'il a agi sciemment et volontairement.

Votre commission a pensé que le second livre du Code, qui a pour objet de déterminer les infractions particulières, devait se borner à en (page 790) indiquer les conditions, sans rappeler à chaque article que l'agent n'est punissable que s'il est moralement responsable de ces faits. Elle a, en conséquence, supprimé autant que possible les mots « sciemment » ou « volontairement » que l'on rencontrait fréquemment dans le texte.

On voit que cette suppression n'a lieu que parce que les principes généraux consacrent suffisamment ce que les mots retranchés indiquent spécialement.

M. De Fré. - Ainsi il est entendu que le mot « sciemment » a été supprimé comme inutile ?

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Certainement, les conditions ordinaires doivent exister.

- L'article est adopté.

Article 608

« Art. 608. Dans le cas où la peine applicable aux auteurs du crime sera celle de mort ou des travaux forcés à perpétuité, les receleurs désignés dans l'article précédent seront condamnés à la réclusion, s'ils sont convaincus d'avoir eu, au temps du recelé, connaissance des circonstances auxquelles la loi attache les peines de ces deux genres. »

- Adopté.

Section VII. De quelques autres fraudes

 

Articles 609 et 610

« Art. 609. Le saisi qui aura détourné ou détruit des objets saisis sur lui sera puni d'un emprisonnement de huit jours à deux ans et d'une amende de vingt-six francs à cinq cents francs. »

- Adopté.


« Art. 610. Seront punis de la peine portée à l'article précédent, les conjoints et les parents ou alliés du saisi en ligne directe qui auraient détourné ou détruit des objets saisis. »

- Adopté.

Article 611

« Art. 611. Seront punis d'un emprisonnement de huit jours à deux ans et d'une amende de vingt-six francs à cinq cents francs :

« 1° Ceux qui, ayant trouvé ou étant entrés par hasard en possession d'une chose mobilière d'autrui et ayant eu connaissance de la réclamation du propriétaire, ou étant obligés par leurs fonctions de remettre cette chose à leurs supérieurs, l'auront frauduleusement retenue ou livrée à des tiers.

« 2° Ceux qui, ayant découvert un trésor, se le seront approprié au préjudice, des personnes auxquelles la loi en attribue une partie. »

M. De Fré. - Messieurs, sous l'empire du Code pénal de 1810, le fait dont il s'agit à l'article 611 était puni comme vol.

La commission a très bien fait d'ériger en délit sui generis le fait de s'approprier un objet trouvé sur la voie publique.

Mais je dois faire une observation que je crois sérieuse.

Une des conditions exigées par l'article 611, pour que l'inculpé soit puni par le tribunal correctionnel, c'est qu'elle ait eu connaissance de la réclamation du propriétaire de l'objet perdu ; il faut donc que le ministère public établisse à charge de l'inculpé cette circonstance que celui-ci a eu connaissance de la réclamation du propriétaire.

Voici un fait qui s'est passé, il y a quelque temps, devant le tribunal correctionnel de Bruxelles.

Un ouvrier qui ne savait ni lire ni écrire s'était approprié une somme de 500 fr. qu'il avait trouvée sur la voie publique, il a été puni comme voleur. Il ne le serait plus, parce qu'il faudrait lui prouver qu'il a connu la réclamation du propriétaire.

Je prends un autre exemple.

Je suppose qu'un campagnard arrive à Bruxelles un jour de marché, qu'il y trouve un portefeuille, sorte de la ville avec ce portefeuille et se transporte à son village à deux ou trois lieues d'ici. Cet homme est poursuivi. Il faut établir qu'il a eu connaissance de la réclamation du propriétaire.

Je comprends très bien que ceux qui ne savent pas lire sont censés connaître la loi. C'est une fiction légale. Il ne faut pas que quelqu'un puisse venir dire : Vous ne pouvez pas me punir parce que je n'ai pas pu lire la loi à l'aide de laquelle vous voulez me frapper.

Messieurs, en est-il de même lorsqu'il s'agit de l'espèce qui nous occupe ? Il est certain que l'homme qui a trouvé 300 francs, s'il soutient qu'il n'a pas connu la réclamation du propriétaire, ne pourra pas être condamné.

Ne vaudrait-il pas mieux imposer à celui qui a trouvé sur la voie publique un objet perdu l'obligation d'en avertir la police ? Dans ce système on pourrait remplacer les mots : « et ayant eu connaissance de la réclamation du propriétaire » par ceux-ci : « et qui dam les 24 heures n'en aurait pas averti la police. »

Il est très facile de constater si une personne qui a trouvé un objet l'a déclaré ou ne l'a pas déclaré à la police, mais vous ne pouvez pas constater si cette personne a eu connaissance de la réclamation du propriétaire.

M. Pirmez, rapporteur. - Il y a quelque chose de très fondé dans les observations que vient de présenter l'honorable M. De Fré.

Le but qu'on s'est proposé par la restriction qu'il critique, c'est de ne punir la conservation de la chose trouvée que lorsque le détenteur a eu réellement une intention frauduleuse.

Je crois bien que l'article, tel qu'il est rédigé, ne donne pas assez de garanties à la répression, parce qu'il met à la charge du ministère public l'obligation de prouver que celui qui a trouvé l'objet a eu connaissance de la réclamation du propriétaire, preuve qui sera extrêmement difficile à faire.

Mais je crois d'un autre côté que l'honorable membre va beaucoup trop loin lorsqu'il veut punir, dans tous les cas, celui qui a trouvé un objet et qui ne l'a pas déclaré à la police. On peut très bien conserver une chose avec l'intention de la rendre au propriétaire, et négliger cependant, durant un temps plus ou moins long, de faire cette déclaration.

Je proposerai à la Chambre de tenir l'article en suspens. La commission examinera l'observation de M. De Fré ; et elle trouvera probablement un système qui y fasse droit, sans adopter ce qu'il contient d'excessif.

M. Coomans. - Il me semble, messieurs, qu'il résulte des observations très justes présentées par les deux honorables préopinants qu'il y a lieu de graduer les peines, d'établir une peine assez sévère contre le détenteur de l'objet trouvé, qui aura agi très malhonnêtement en ne restituant pas l'objet au propriétaire qui le réclame, et une peine moins sévère, mais une peine contre le détenteur négligent.

Ainsi on frapperait de la peine indiquée dans l'article, 8 jours à 2 ans de prison la personne qui a gardé une montre, par exemple, sachant à qui la montre appartient et on frapperait d'une peine moins sévère celui qui a trouvé un objet, peut-être de peu de valeur, et qui se serait abstenu d'en faire la déclaration à la police.

Je suis convaincu, par exemple, que l'honorable M. De Fré ne voudrait pas condamner à la peine de 8 jours à 2 ans de prison une femme qui aurait trouvé une pièce de cinq francs sur la voie publique et qui n'en aurait pas fait la déclaration à la police.

Cependant, prise dans sa généralité, l'observation de l'honorable membre devrait avoir ce résultat.

Cela prouve, messieurs, qu'il faut renvoyer l'article à la commission, et je demanderai à l'accompagner d'une observation beaucoup moins importante, d'une observation grammaticale.

Il est dit dans l'article :

« Ceux qui ayant trouvé ou étant entrés par hasard en possession d'un objet... »

Evidemment la grammaire se trouve ici lésée. C'est peu important, mais puisque la commission doit examiner de nouveau l'article, je lui transmets cette observation.

M. De Fré. - L'honorable M. Pirmez a dit qu'obliger la personne qui a trouvé l'objet perdu à en faire la déclaration dans les 24 heures, c'est être très sévère. Si la commission trouve qu'il faut un délai plus long, soit. Cependant, je dois faire observer que l'obligation de faire la déclaration dans un bref délai est très souvent un service rendu au détenteur.

L'expérience a démontré que quand on n'est pas obligé de faire une pareille déclaration, que l'objet reste ainsi en la possession de l'inventeur, on a été tenté d'en disposer sur les sollicitations de la femme ou des enfants.

Il est arrivé que de bons pères de famille ont été amenés ainsi à disposer d'objets trouvés. Cela n'aurait pas lieu s'il y avait obligation de faire une déclaration dans un bref délai.

Maintenant, messieurs, il n'est pas absolument nécessaire de faite le dépôt de l'objet, puisque aux termes de l'article 2279 du Code civil on peut devenir propriétaire de l'objet trouvé au bout de 3 ans.

Le rapport de M. Haus le reconnaît, on pourrait se borner à envoyer une lettre au commissaire de police pour lui dire qu'on tient l'objet perdu à la disposition du propriétaire.

Messieurs, mon observation m'a été dictée par cette considération-ci, c'est qu'il ne faut pas inscrire dans notre Code pénal un article qui serait sans effet. Quant au délai de 24 heures, la commission en délibérera.

M. Pirmez, rapporteur. - Je crois, messieurs, que l'honorable M. De Fré s'est placé un peu trop au point de vue de ce qui se passe (page 791) dans les grandes villes ; dans les campagnes, personne ne va déclarer à l'autorité les objets trouvés.

M. Coomans. - Dans les villes non plus.

M. Pirmez. - Sans doute il y a de nombreuses omissions, mais il est admis que cela doit se faire. A l'hôtel de ville de Bruxelles, par exemple, il existe un bureau spécialement chargé de recueillir les réclamations et les renseignements concernant les objets perdus.

Dans les villages il n'existe rien de semblable.

Il me semble qu'il serait bien difficile d'introduire dans le Code une sorte de disposition de police pour obliger tous ceux qui ont trouvé quelque chose à en faire la déclaration.

M. Guillery. - Messieurs, je ne veux pas présenter d'amendement ; mais je soumettrai une observation à la commission.

Le fait vraiment caractéristique de la fraude est le fait de nier d'avoir trouvé un objet, alors qu'on l'a en sa possession. Là il y a délit. Mais si celui qui a trouvé un objet, l'a ostensiblement placé chez lui, et n'a pas eu le loisir ni même la volonté de s'enquérir du propriétaire, le fait de n'avoir pas été au-devant d'une déclaration peut-il constituer un délit ? Ce serait, à mon avis, aller trop loin.


M. le président. - M. Nothomb a fait parvenir au bureau l'amendement à l'article 546 qu'il avait annoncé dans le cours de la séance.

Cet amendement est ainsi conçu :

« Le vol sera puni de réclusion :

« 1° Si le voleur est un domestique ou un homme de service à gages, même lorsqu'il aura commis le vol envers des personnes qu'il ne servait pas, mais qui se trouvaient, soit dans la maison de son maître, soit dans celle où il l'accompagnait ; ou si c'est un ouvrier, compagnon ou apprenti, dans la maison, l'atelier on le magasin de son maître, ou un individu travaillant habituellement dans l'habitation où il aura volé.

« 1°bis. Si le vol a été commis par un aubergiste, un hôtelier, un voiturier, un batelier ou un de leurs préposés, lorsqu'ils auront volé tout ou partie des choses qui leur étaient confiées à ce titre. »

- Cet amendement est renvoyé à la commission.

La suite de la discussion est remise à mardi 12 mars, à 2 heures,

La séance est levée à 4 heures moins un quart.