Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Documentation Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 30 janvier 1861

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1860-1861)

(page 444) (Présidence de M. Vervoort.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Snoy fait l'appel nominal à 2 heures et un quart ; il lit le procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Boe lit l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Des habitants de Tamise demandent que les deux métaux soient employés à la confection des monnaies belges ; qu'on batte de préférence celui des deux métaux qui est le plus abondant ; que le rapport légal soit conservé dans toute son intégrité et qu'on admette l'or français sur le même pied que la France admet l'or belge. »

« Même demande d'habitants de Cerfontaine et de Termonde. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner la proposition de loi relative à la monnaie d'or.


« Des habitants de Gibecq demandent la construction des chemins de fer de Louvain à Bruxelles, de Hal à Ath et de Tournai à la frontière, française, ou du moins l'exécution de la ligne de Hal à Ath avant celle de Louvain à Bruxelles. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants de Stekene demandent que le concessionnaire d'un chemin de fer de Malines vers Terneuzen soit obligé d'établir une station au hameau dit les Trois Cheminées. »

- Même renvoi.


« Le sieur Dubois demande que le gouvernement ordonne des expériences sur l'application de l'électricité à la pêche. »

- Même renvoi.


« Les administrations communales de Lincent, Racour, Pellaines et Wamont prient la Chambre d'accorder à la compagnie concessionnaire du chemin de fer de Tontines à Landen un minimum d'intérêt qui lui permette d'exécuter cette ligne. »

- Même renvoi.


« Les membres du conseil communal de Kemseke prient la Chambre d'accorder à la compagnie Bauwens la concession d'un chemin de fer de Malines vers Terneuzen. »

- Même renvoi.


« Les secrétaires communaux du canton de Waremme demandent qu'il soit pris des mesures pour améliorer leur position. »

- Même renvoi.


« M. Ed. Ducpetiaux fait hommage à la Chambre de la notice qu'il vient de publier sur les écoles de réforme de Ruysselede, de Wynghcne et de Beernem. »

- Dépôt à la bibliothèque.


« M. Allard, retenu chez lui par une indisposition, demande un congé. »

Projet de loi relatif au grade d’élève universitaire

Discussion des articles

Article 4

M. le président. Nous sommes arrivés à l'article 4, qui est ainsi conçu :

«Art. 4. Nul n'est admis aux examens prescrits par les articles 2 et 3 s'il ne justifie par certificat, conformément à la loi du 1er mai 1857, qu'il a suivi un cours d'humanités jusqu'à la rhétorique inclusivement ou s'il ne subit avec succès l'examen supplémentaire dont il sera parlé à l'article suivant et qui remplace l'épreuve préparatoire établie par la loi du 1er mai 1857.

« Le certificat constate spécialement l'étude des matières comprises dans l'examen supplémentaire. »

Le gouvernement propose de substituer aux mots : « examens prescrits par les articles 2 et 3 », ceux-ci : « examens déterminés par l’article 3. »

Je reçois à l'instant de M. Jacquemyns un amendement qui remplacerait les articles 4 et 5 du projet de loi.

L'article 5 du projet de loi est ainsi conçu :

« Art. 5. L'examen supplémentaire a lieu par écrit ; il comprend :

« 1° Les principes de rhétorique ;

« 2° L'histoire grecque et l'histoire romaine ;

« 3° L'histoire de Belgique ;

« 4° La géographie ;

« 5° Le flamand, l'allemand ou l'anglais, au choix du récipiendaire ;

« 6° L'arithmétique ;

« 7° Les notions élémentaires de physique.

« Le récipiendaire qui se prépare au notariat ne sera pas examiné sur les n°1, 2, 5 et 7, celui qui se destine à la pharmacie ne sera pas examiné sur les n°1, 2 et 5. »

Voici l’amendement de M. Jacquemyns :

« Art. 4. A moins que l'élève ne justifie par certificat, conformément à la loi du 1er mai 1857, qu'il a suivi avec fruit un cours d'humanités jusqu'à la rhétorique inclusivement, l'examen oral comprendra en outre :

« 1° Les principes de rhétorique ;

« 2° L'histoire grecque et l'histoire romaine ;

« 3° L'histoire de la Belgique ;

« 4° Un exercice littéraire en flamand, allemand ou anglais, sur un auteur au choix du récipiendaire.

« Et l'examen écrit comprendra en outre :

« 1°La géographie ;

« 2° Les notions élémentaires de physique.

« Le récipiendaire qui se prépare au notariat ne sera pas examiné sur la rhétorique, sur l'histoire grecque, sur l'histoire romaine, ni sur la physique.

« Art. 5. L'examen supplémentaire mentionné à l'article 4 remplace l'épreuve préparatoire établie par la loi du 1er mai 1857. »

La Chambre se rappellera que M. Van Humbeeck a demandé la suppression des articles 4 et 5.

La parole est à M, Jacquemyns, pour développer son amendement.

M. Jacquemyns. - Messieurs, le principal motif qui me porte à proposer cette modification dans la loi dont nous nous occupons en ce moment, c'est de simplifier la pratique de l'examen.

Evidemment presque tous les élèves qui se présentent pour suivre les cours universitaires, ont fréquenté les cours d'un collège ou d'un athénée. Il est très probable qu'une fois la loi actuelle en vigueur, la plupart des élèves fréquenteront les cours de l'athénée ou du collège, jusqu'à la rhétorique inclusivement. Il n'y aura donc qu'un très petit nombre d'élèves qui se présenteront pour suivre les cours universitaires, sans avoir suivi les cours d'un athénée ou d'un collège jusqu'à la rhétorique inclusivement.

Cependant, si restreint que puisse être le nombre d'élèves ayant fait des études privées ou désirant quitter les collèges avant d'avoir fait leur rhétorique, il faudrait une commission spéciale pour les juger. Mon amendement a pour but de supprimer cette commission spéciale.

Si l'élève a suivi les cours jusqu'à la rhétorique inclusivement, il produit un certificat constatant qu'il a fréquenté les cours. Seulement j'introduis ici les mois : « avec fruit, » et je pense que la Chambre sera unanime à reconnaître qu'un certificat constatant que l'élève a tout simplement suivi les cours, alors même qu'il n'en aurait tiré aucun fruit, ne peut lui tenir lieu d'examen.

Ou l'élève produit le certificat constatant qu'il a suivi avec fruit les cours jusqu'à la rhétorique inclusivement, et dans ce cas les examinateurs se bornent aux matières reprises à l'article 3, ou bien l'élève ne produit pas de certificat, et dans ce cas il ne faut pas d'autre examen ni d'autres examinateurs spéciaux pour lui. Il suffit qu'il soit interrogé sur quelques branches de plus.

Par conséquent, c'est plutôt pour faciliter l'exécution de la loi que je présente cet amendement. D'un autre côté j'y supprime l'arithmétique par la raison que je trouve parfaitement inutile d’interroger l'élève sur l'arithmétique d'abord, puis immédiatement après sur l'algèbre et la géométrie.

Autant vaudrait l'interroger sur la grande et la petite figure, sur la grammaire et sur la syntaxe.

Cela est parfaitement inutile lorsqu'on interroge sur la rhétorique.

Je copie du reste la nomenclature des diverses branches de l'enseignement telle qu’elles se trouve à l’article 5 du projet du gouvernement et à l'article 5 de la section centrale. Seulement je remplace l'examen sur les langues flamande et anglaise ou allemande par une dissertation littéraire dans ces langues-là mêmes.

Il y a deux manières d'apprendre les langues, l'une qui s'applique aux langues mortes et se borne à savoir écrire la langue, l’autre qui (page 445) s'applique aux langues vivantes et qui exige que l'on sache écrire et parler la langue.

On ne demande pas à quelqu'un : Parlez-vous le latin ? On dit : Savez-vous le latin ? Mais on dit : Parlez-vous l'anglais ? Parlez-vous l'allemand ?

Il faut que l'enseignement des langues modernes soit poussé jusqu'au point que l’élève puisse parler correctement la langue.

Maintenant, quant au flamand en particulier, on nous objectera peut-être que cet examen ne présentera aucune difficulté pour le Flamand et qu'il en présentera de très grandes pour le Wallon.

Cependant il est à remarquer qu'une partie essentielle de l'enseignement de la langue flamande est négligée même dans les Flandres ; dans beaucoup d'établissements on néglige de faire parler correctement le flamand.

Lorsqu'un élève apprend l'allemand, on lui apprend à parler correctement cette langue.

En France, lorsqu'un Français apprend sa langue, on exige qu'il la parle correctement, de manière à se défaire de cet accent local qui lui donne en quelque sorte un goût de terroir.

On distingue en France, à la manière de parler, le Français qui a reçu une éducation soignée de celui qui ne se trouve pas dans ce cas.

Pourquoi la même chose ne se ferait-elle pas chez nous pour le flamand ?

Je crois que l'enseignement du flamand, là où il est destiné à dispenser l'élève d'apprendre d'autres langues vivantes, doit être porté au point d'habituer l'élève à parler correctement sa langue.

Peut-être que beaucoup de membres de cette Chambre seront étonnés, après mon vote d’hier, que je vienne, dans cette enceinte, prendre parti pour la langue flamande.

En effet, messieurs, hier je ne me suis point rallié à l'amendement de l’honorable M. Coomans par la raison que, dans mon idée, l'examen actuel a pour but, avant tout, de constater que l'élève est capable de suivre les cours universitaires.

Or, la principale chose pour constater que l'élève est capable de suivre les cours universitaires, c'est de l'interroger sur la langue qui est employée dans l'enseignement auquel il devra assister ; c'est, par conséquent, de l’interroger sur le français.

J'ai vu hier une notable partie de cette assemblée voter pour la suppression du français dans l'examen pour le grade d'élève universitaire.

M. Coomans. - Pas du tout.

M. Jacquemyns. - C'est la suppression complète du français.

M. de Brouckere. - C'est évident.

M. Jacquemyns. - Eh bien, cette suppression supposait l'établissement d'une université flamande, et je pense que ces messieurs de la droite, qui ont presque tous voté pour l'exclusion du français, aviseront à l'établissement d'une université flamande, et dès lors je serais très partisan de l'examen en flamand et j'admettrais volontiers que l'élève ne fût plus interrogé sur le français, attendu qu'il pourrait se rendre à cette université pour y faire ses études en flamand.

Mais aussi longtemps que les cours universitaires seront donnés, dans nos quatre universités actuelles, en français, les examens devront avoir lieu généralement en français ; cela ne devra pas, toutefois, dispenser les élèves d'être interrogés tout au moins sur une langue vivante autre que le français.

La connaissance d'une seconde langue vivante est d'autant plus nécessaire que, dans la plus grande partie du pays, on a absolument besoin de connaître deux langues vivantes, soit le flamand et le français, soit l'allemand et le français.

Les nombreuses relations existantes dans ce pays sont telles que, même là où l'on ne parle que le français, il est utile et convenable que l'homme qui se destine à une carrière savante connaisse une autre des deux langues qui sont parlées dans le pays.

Et je ne comprends pas que l'on enseigne une langue vivante sans enseigner à la parler.

Or, rien dans l'examen, tel qu'il est formulé par la section centrale et par le gouvernement, n'est de nature à nous donner la garantie que l'élève qui aura subi cet examen parle d'une manière quelque peu correcte une autre langue que le français.

Tel est le but que j'ai en vue par cette partie de mon amendement par laquelle je propose de remplacer le flamand, le français ou l'anglais par une discussion littéraire en flamand, en français ou en anglais.

- L'amendement de M. Jacquemyns est appuyé.

M. Coomans. - Puisque la Chambre s'est prononcée hier au sujet du flamand et qu'il n'y a pas lieu, je pense, d'après notre règlement, de revenir sur ce vote, je me serais bien gardé, par respect pour l'assemblée de reprendre la parole sur cette question. Mais je ne puis pas permettre que l'honorable M. Jacquemyns dénature, bien involontairement, j'en suis convaincu, le but, la portée, la signification de l'amendement que j'ai soumis à la Chambre.

Il prétend que le but de cet amendement ou, tout au moins, sa tendance équivaut à l'exclusion de la langue française de nos universités.

Messieurs, il n'en est rien ; je l'ai même déclaré hier, j'approuve complétement un examen sur le français. Comme je l'ai dit deux ou trois fois, il ne s'agissait pas, dans notre pensée, de diminuer l'importance de la langue française, de son enseignement, mais de faciliter à l'élève la preuve, qu'il a à fournir, qu'il sait le latin et le grec. La langue française était complètement étrangère à ce sujet. Je soutenais, avec les honorables membres qui m'ont appuyé, qu'il devait être indifférent à la Chambre et au gouvernement que l'élève s'expliquât en flamand plutôt qu'en français alors qu'il s'agissait uniquement de prouver la connaissance des anciennes langues littéraires.

Je persiste dans cette opinion.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Où mettiez-vous le français ?

M. Coomans. - On ne l'oublie pas, on le met partout. Je le laissais où il est, dans l'enseignement de toutes vos écoles, et, si vous le vouliez, dans un examen spécial que j'accepterais sur le français, et même dans une composition française. (Interruption.) Comme on me le fait observer, la langue française restait au n°3.

- Un membre. - Elle n'était que facultative.

M. Coomans. - Je désirais ure composition française ou flamande (interruption) ; le français y était autant que le flamand ; c'était une faculté que je laissais à l'élève ; vous ne pouvez pas nier que l'élève libre ou venant de la Hollande et désirant fréquenter nos cours universitaires aurait bien plus de facilité à s'exprimer en flamand qu'en français par la parole et par la plume.

Le jury aurait à apprécier ; il pourrait admettre aux cours universitaires des élèves qui ne seraient pas très forts en français, mais qui se seraient montrés très forts en grec et en latin et dans une langue vivante.

Il ne s'agissait nullement d'exclure la langue française, c'eût été un acte de barbarie, je n'en ai jamais donné l'exemple.

Voilà ce que j'avais à dire pour rétablir la signification de l'amendement que la Chambre a rejeté hier.

Puisque j'ai la parole, il me sera permis de dire à la Chambre que nous avons encore fait hier un pas rétrograde dans la voie de la liberté.

L'article 6 de la loi de 1857, qui a été voté par mes adversaires et par M. le ministre de l'intérieur lui-même, admettait une composition flamande ; vous l'avez repoussée hier sans en donner de bonnes raisons. J'ai lieu de croire qu'on se repent plus ou moins de ce vote, puisque M. Jacquemyns vient proposer une composition flamande pour l'examen supplémentaire.

Certainement je ne puis qu'approuver cette démarche de l'honorable membre, je m'y associerai volontiers, mais je ne sais pas comment la Chambre, si elle se rallie à cette proposition, prouvera qu'elle n'a pas émis un vote illogique.

Je ne vois pas pourquoi on traiterait avec plus de déférence les élèves qui doivent subir l'épreuve supplémentaire, les élèves plus ou moins suspects que les élèves qui ont, fait des études régulières et en apportent une preuve plus ou moins pertinente devant le jury.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je prie la Chambre de s'expliquer d'abord sur le principe contenu dans l'article 4 avant de déterminer les matières de l'examen supplémentaire, si on entend admettre le principe du certificat.

D'après la loi, avant de se présenter à l'examen de gradué en lettres, il faut que le récipiendaire se présente muni d'un certificat attestant qu'il a fait ses études humanitaires. A défaut de ce certificat, la loi admet l'élève à un examen supplémentaire.

Quelles sont les conditions de cet examen ? C'est l'article 5 qui les détermine.

Avant de nous occuper des matières qui composeront cet examen, je demande qu'on décide s'il y a lieu d'exiger un certificat d'études humanitaires de la part du récipiendaire ? Si la Chambre était d'avis qu'il n'y a pas lieu d'exiger le certificat, alors il faudrait modifier l'article 5 ou le supprimer.

M. le président. - M. le ministre de l'intérieur propose d'examiner d'abord la question de savoir si l'on admettra, oui ou non, le certificat d'études dont il est question dans l'article 4.

(page 446) - Cette proposition est mise aux voix et adoptée.

M. Muller. - Ce n'est pas sur ce point que je voulais parler ; mais, je demande à la Chambre la permission de donner quelques explications sur le vote que nous avons émis hier en ce qui concerne la langue flamande et la langue française. Je ne pense pas qu'aucun de ceux qui' ont rejeté la proposition de l'honorable M. Coomans ait à regretter ce qu'ils ont fait, car sa rédaction allait beaucoup au-delà du but que ses amis politiques et lui avaient voulu atteindre. Leur proposition consistait, d'abord, à permettre d'autoriser tout aussi bien la traduction du flamand en latin que du français en latin.

Ce genre de traduction a été écarté par la Chambre qui y a substitué une composition latine.

M. Coomans. - Mon amendement ne s'appliquait pas au numéro 1°.

M. Muller. - Soit, mais après la substitution d'une composition latine à un thème, qui venait d'être votée, votre amendement a porté sur les trois autres numéros suivants : vous demandiez que l'élève pût faire exclusivement une traduction du grec en flamand, une traduction du latin en flamand ou une composition flamande ; de manière qu'il pouvait, sans qu'il fût légal de s'y opposer, se soustraire à toute espèce d'épreuve sur la langue française. Voilà dans quelle alternative la question a été posée, et c'est pourquoi nous avons voté contre l'amendement.

Je répète qu'évidemment l'intention de la droite n'était pas d'aboutir à un résultat aussi regrettable et tout à fait inadmissible ; mais ce n'en était pas moins la conséquence inévitable de l'amendement ; je tenais à le démontrer comme justification de mon vote, et pour que chacune des deux opinions qui se sont traduites hier porte la responsabilité de ses actes.

M. le président. Nous rentrons dans la question de principe.

M. de Haerne. - Je désire répondre un mot à ce que vient de dire l’honorable M. Muller. Il n’est pas entré le moins du monde dans ma pensée de supprimer le français dans les examens, et tel n’est pas le but qu’on aurait atteint si l’amendement de M. Coomans avait été adopté. Pour ma part, j’avais dans la discussion générale proposé un autre système.

J'avais proposé d'autoriser le récipiendaire à faire un discours flamand ou un discours allemand au lieu d'un discours français. Il y a, en effet, des cas où l'élève est, pour ainsi dire, dans l'impossibilité de bien s'exprimer en français. Je pourrais citer, à cet égard, des exemples pris dans ma carrière de professeur, exemples très frappants et qui s’appliquaient à des sujets distingués.

Alors le français serait devenu ce que le flamand est aujourd'hui ; c'eût été absolument l'ordre renversé.

De même que le flamand n'est pas négligé aujourd'hui dans les institutions, situées dans les provinces flamandes, le français ne l'eût pas été non plus.

Je disais tout à l'heure que j’avais demandé le discours flamand.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Va-t-on discuter de nouveau les articles votés ?

M. le président. - La parole vous est continuée, M. de Haerne ; mais je vous prie de vous renfermer dans l'observation qui a été présentée par M. Muller.

M. de Haerne. - Je m'y renferme, M. le président, et je m'étonne beaucoup que M. le ministre de l'intérieur n'ait pas interrompu l'honorable M. Muller. C'est à M. Muller que je réponds.

Au moment où j'ai été interrompu, j'allais dire qu'il ne serait pas toujours facile de trouver, même en Flandre, des professeurs capables de siéger au jury et disposés à interroger en flamand, sur les langues anciennes, des élèves qui pourraient être plus aptes à le faire qu'eux-mêmes. Dans ce cas. le récipiendaire pourrait avoir à lutter contre l'amour-propre de l'interrogateur. Les termes techniques feraient souvent défaut à l'examinateur.

Il n'est pas d'usage dans les collèges, ainsi que l'a dit hier M. le ministre de l’intérieur, d’employer la langue flamande comme instrument didactique dans les classes supérieures ; mais dans presque tous les établissements moyens des provinces flamandes, il est d’usage de faire des discours flamands et les professeurs ont l’habitude d’en faire la correction. Lorsque les élèves sont plus capables de faire un discours flamand qu’un discours français, je ne vois pas pourquoi ils ne seraient pas admis à faire un discours flamand. Voilà ce que j’aurais voulu introduire dans la loi ; voilà ce que j’avais appuyé dans les discussions des années précédentes, voilà ce que j’ai demandé dans la discussion générale de ce projet de loi. Je craignais aussi qu’en voulant trop je n’eusse obtenu rien, et c’est ce qui est arrivé. Lorsque je me suis aperçu hier de la portée de la proposition qui était faite au sujet de la langue flamande, la clôture était prononcée, et je ne pouvais pas faire la distinction que je viens d'énoncer.

J'ai adopté cependant cette proposition, parce que celle que je voulais faire était comprise dans celle qui venait d'être déposée et parce que je ne pouvais plus modifier celle-ci.

Je le répète, messieurs, il n'y a rien de fondé dans l'objection de l'honorable M. Muller. Nous ne voulions pas exclure le français ; seulement, nous voulions faire du français l'accessoire, comme, le flamand est l'accessoire, aujourd'hui dans les études moyennes. Dans le cas où le français ne serait qu'une branche accessoire pour le récipiendaire, celui-ci en saurait toujours assez pour répondre en français sur les auteurs anciens, mais non pour faire un discours en cette langue. . Pour ce qui regarde le certificat d'humanités, dont il s'agit dans cet article, je crois qu'il est la conséquence nécessaire des dispositions déjà adoptées.

En effet, si l'on n'admettait pas le certificat pour les branches accessoires, pour la géographie et l'histoire surtout, il en résulterait que ces branches seraient négligées dans les collèges, et qu'on désorganiserait en quelque sorte l'enseignement pris dans son ensemble.

Il est de toute nécessité qu'il y ait un certificat, pour constater qu'on a fait un cours complet d'humanités. De plus, le certificat, comme l’expérience des dernières années l'a prouvé, donne une grande action aux professeurs sur les élèves ; c’est un moyen de discipline que tout bon professeur emploie dans l'intérêt du progrès des humanités.

Voilà, messieurs, dans quel sens j'entends le certificat et dans quel sens je voterai pour l'article 4.

M. Van Humbeeck. - Messieurs, dans mon discours prononcé pendant la discussion générale, j'ai fait remarquer à la Chambre que l'examen de gradué en lettres, tel qu'on proposait de le rétablir, reproduisait le système de 1849 en y adaptant les certificats de fréquentation.

Pour remédier à ce défaut, j'avais proposé un programme nouveau, qui n'a pas été adopté par la Chambre.

S'il avait été adopté, les articles 4 et 5 du projet de loi auraient dû tomber. Avec le programma transactionnel qui a été voté, hier, ces articles doivent-ils être maintenus ? Je ne le crois pas.

Je ne le crois pus, d'abord parce que la Chambre ne peut pas accueillir une consécration nouvelle du système des certificats qui a eu des résultats déplorables dans l'enseignement supérieur. Je ne le veux pas, parce, que dans le système des certificats, il y a une contradiction véritable.

Exiger un certificat, c'est proclamer que les branches sur lesquelles il porte ont une utilité, puisque vous voulez une présomption de science ; c'est constater d'un autre côté que cette utilité n'existe pas ; puisque vous ne demandez point une certitude au lieu de la présomption.

D'ailleurs, le système des certificats, dans les articles 4 et 5, présente un défaut spécial : : que les études privées sont dans des conditions moins favorables que les études faites dans des établissements organisés.

L'article 4 exige en effet qu'on justifie par certificat avoir suivi un cours d'humanités jusqu'à la rhétorique inclusivement. Il résulte de la rédaction même de l'article que la fréquentation demandée doit avoir lieu dans des établissements d'instruction moyenne libres ou officiels, régulièrement organisés. Mais si vous avez étudié vos humanités au foyer domestique, vous n’aurez pas suivi un cour d'humanités jusqu'à la rhétorique, comme l'exigent les termes de l’article 4.

Nous ne pouvons donner dans la loi actuelle une nouvelle consécration au système des certificats, précisément par la raison, fondée ou non, qu'on a fait valoir pour en demander le maintien provisoire dans l'enseignement supérieur. L'épreuve n'est pas complète, dit-on ; il faut la laisser continuer pendant deux ans. S'il est vrai que l'épreuve ne soit pas complète, s'il faut m maintenir encore deux ans le système des certificats dans la sphère de l'enseignement supérieur, - ce que je veux bien admettre pour un instant, - par cette raison même que le système n'est pas suffisamment connu, vous ne pouvez pas l'étendre.

Croit-on que, sans le certificat, le programme adopté serait trop faible ; craint-on, comme le disait, il n'y a qu'un instant, l'honorable M. de Haerne, de désorganiser l'enseignement moyen ? A cette objection, j'ai des réponses à faire. La première, c'est qu'en définitive, le certificat ne remédiera pas à la situation, par la raison bien simple que le certificat n’est absolument rien.

Vous aurez beau admettre avec l'honorable M. Jacquemyns qu'il ne (page 447) suffit pas d'un certificat de fréquentation, que le certificat constatera qu'on a suivi avec fruit, vous ne serez pas plus renseignés sur la valeur de cette énonciation nouvelle que sur celle des énonciations contenues dans les certificats universitaires En maintenant le certificat, vous n'empêcherez donc pas la désorganisation, si elle est à redouter.

Une autre raison m'engage à ne pas me rendre à l'objection ; le programme de l'article 3, adopté hier, doit faire l'objet d'un second vote. Si Ion trouve que la suppression des articles 4 et 5 nous amène à un programme trop réduit, on pourra, au second vote, proposer des amendements tendants à renforcer ce programme par de nouvelles matières.

En résumé, je ne crois pas pouvoir me rallier au système des certificats dont le gouvernement me paraît demander, dans les articles 4 et 5, une consécration nouvelle.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Le mot de certificat a le malheur de provoquer des objections que je ne comprends pas.

Le certificat dont il s'agit n'a aucun de rapport avec les certificats universitaires.

Qu'exige le projet ? Il exige que le jeune homme qui annonce l'intention de suivre les cours de l'université, justifie qu'il a suivi des cours complets d'humanités.

On reproche an certificat universitaire cet inconvénient de voir les élèves assister au cours d'un professeur sans prendre la peine de l'écouter, faisant acte de présence matérielle mais ne profitant pas des leçons du professeur.

Il ne s'agit pas de cela ici. Je ne sache pas qu'un élève de troisième, de seconde, ou même de rhétorique puisse dire à son professeur : Je ne vous écoute pas, je me moque de tout ce que vous dites, parce qu'en tout cas j'obtiendrai mon certificat d'études humanitaires à la fin de mes cours.

Si un élève tenait un pareil langage, une pareille conduite, on lui infligerait un pensum et on le forcerait à travailler.

Il n'y a donc aucune espèce de rapport entre le certificat dont il s'agit et le certificat relatif aux cours universitaires.

Avant de recevoir le jeune homme à l'examen de gradué en lettres, on veut s'assurer qu'il a fait un cours complet d'humanités.

Et pourquoi prend-on cette précaution ? Parce que si on ne la prenait pas, il arriverait ce qui est arrivé déjà, en l'absence du titre d'élève universitaire et en l'absence du certificat, il arriverait que des élèves de troisième ou de seconde passeraient à l'université.

Je ne pense pas que tel soit le but de l'honorable M. Van Humbeeck ; mais telle est la conséquence de plusieurs des dispositions qu'il nous a proposées. C'est de dépouiller l'enseignement moyen au profit de l'enseignement universitaire, c'est de faire plonger en quelque sorte l'enseignement universitaire dans l'enseignement moyen, pour lui soustraire une partie de sa substance.

Cela serait fâcheux à la fois pour l'enseignement moyen qui serait dépouillé et pour l'enseignement universitaire qui devrait descendre, si je puis le dire, à cette espèce de métier.

C'est parce que notre projet de loi prévoyait la nécessité pour le récipiendaire de produire le certificat d'études humanitaires que nous avons réduit le programme de gradué en lettres. Nous avons fait la part de l’efficacité du certificat.

Ce certificat doit, en effet, constater que l'élève n'est pas un ignorant, et il tient lieu d'une partie des matières d'examen que nous avons retranchées du programme de gradué en lettres, et l'honorable M. Van Humbeeck le comprend si bien, qu'il dit que si le certificat est retranché il faudra fortifier le programme.

M. Van Humbeeck. - J'ai dit que la Chambre pourra.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il faudra donc revenir sur ce qui a été décidé hier. C'est donc, encore une fois, le système de l'honorable M. Van Humbeeck qui doit être mis et discussion.

Maintenant il y a une objection de l'honorable M. Van Humbeeck qui serait grave si elle était fondée. Il dit : Avec votre système de certificat d'études humanitaires, vous excluez les élèves qui ont fait des études privées.

Il n'en est rien. L'article tel que nous le proposons est la reproduction de l'article 2 de la loi de 1857, et cette disposition n'a en aucune manière écarté les jeunes gens qui n'avaient pas fait des études dans un établissement officiel ou du clergé.

Eh bien, messieurs, c'est le même article que nous reproduisons et sous l'empire de cet article tous les certificats d'études privées ont été généralement admis lorsqu'ils émanaient de professeurs connus, d'hommes capables de faire suivre à un élève un cours complet d'humanités.

Quelquefois il s'en présente qui sont jugés insuffisants, qui sont délivrés par des professeurs qu'on croit incapables ; mais alors il reste à l'élève la ressource de demander l'examen supplémentaire en remplacement du certificat non admis.

L'élève a le choix ou de présenter un certificat ou de subir un examen si le certificat n'est pas présenté ou jugé insuffisant.

Cet examen est rendu assez facile, comme on a pu le voir.

Je le répète, il n'y a aucune espèce d'analogie entre le certificat dont il s’agit et le certificat universitaire proprement dit.

En outre il n'y a rien à craindre pour la liberté des études privées attendu que le certificat délivré dans de bonnes conditions par, des professeurs connus et capables, a la même valeur que celui délivré par les chefs d'établissements complets. Il est d'ailleurs facile de suppléer à ce certificat en se soumettant à un examen qui n'a rien de difficile.

Je n'ai pas saisi les amendements de l'honorable M. Jacquemyns ; il m'a paru qu'ils renforçaient beaucoup cet examen supplémentaire.

S'il en était ainsi, je serais forcé de les combattre, parce que nous devons tenir compte des jeunes gens qui ne font pas leurs études dans les établissements publics.

M. De Fré. - Messieurs, j'avais demandé la parole avant que M. le ministre de l'intérieur se levât, pour faire observer à la Chambre qu'il y a une grande différence entre le certificat dont il s'agit à l'article 4 et le certificat dont il est question dans la loi du 1er mai 1857.

En effet, si l'on n'admettait pas l'article 4 du projet du gouvernement, le rétablissement du grade d'élève universitaire n'aurait aucun résultat.

On a vu des élèves de cinquième passer directement à l'université. C'est cet état de choses qui a produit des examens extrêmement faibles devant le jury ( quelques mots illisibles) le gouvernement a rétabli le grade d'élève universitaire, afin de forcer les jeunes gens qui veulent entrer à l'université, à suivre les classes supérieures d'humanités, la poésie et la rhétorique.

Maintenant il ne suffit pas de dire qu'on doit passer par ces classes, qu'on doit les fréquenter ; il faut une sanction. Il fallait donc mettre, à côté de cette disposition, un moyen de constater qu'en effet l'élève avait fréquenté ; il faut le certificat.

Qu'est-ce, messieurs, que le certificat de la loi de 1857 ? C'est un certificat donné par un professeur qui a fréquenté sans qu'il prouve avoir travaillé.

Mais dans l'espèce, lorsqu'il s'agit de l'élève de l'athénée, c'est tout autre chose. L'élève non seulement assiste aux leçons du professeur, mais il fait tous les jours une besogne que le professeur lui impose.

Il est astreint à des études régulières, à des heures de travail journalières, quotidiennes, de nature à développer son intelligence et à forcer l'acquisition de connaissances utiles.

J'ai voulu, messieurs, faire ces observations, afin que si la Chambre vote le certificat en ce qui concerne les humanités, elle ne soit pas liée en ce qui concerne les certificats pour les études universitaires. Par la déclaration que vient de faire M. le ministre de l'intérieur, il est admis dans la pensée du gouvernement, qu'il y a une grande différence à faire entre ces deux certificats, de sorte que l'adoption de l'un n'entraîne pas l'adoption de l'autre.

M. Van Humbeeck. - Messieurs, mon grand grief contre les certificats des articles 4 et 5, c'était que j'y trouvais un vice de surabondance ; je ne les considérais pas comme bien nuisibles ; ils ne feront ni bien ni mai ; mais je craignais qu'on ne pût s'emparer de la décision prise de la Chambre sur les certificats d'études moyennes, pour soutenir ultérieurement le système des certificats quant aux études supérieures.

Du moment que M. le ministre de l'intérieur, dans sa défense des articles 4 et 5, admet qu'il n'y a pas de rapports entre les certificats pour l'instruction supérieure et les certificats pour l'instruction moyenne, je n'insiste pas sur les observations que j'ai eu l'honneur de présenter à la Chambre.

(page 448) M. de Theux. - Il y a eu, en 1857, de longues discussions sur les certificats, parce qu'on craignait que par là on n'inquiétât les élèves qui avaient reçu leur instruction moyenne en dehors de l'enseignement public.

Mais la Chambre a nettement résolu la question dans l'article 29 où il est dit :

« Les certificats dont il est fait mention dans la présente loi indiquent les noms, prénoms, demeure et qualités de ceux qui les délivrent ; ils sont délivrés exclusivement par le maître qui a donné les leçons ; s'il s'agit d'un établissement d'enseignement moyen, ils sont délivrés exclusivement par le chef ; s'il s'agit d'un établissement d'enseignement supérieur, ils sont délivrés par le professeur du cours et visés par le chef. »

Vous voyez que la distinction est parfaitement admise par la loi et que le certificat ne peut pas être refusé.

Mais il y a quelque chose de mieux encore que le texte de la loi, c'est l'exécution qu'elle a reçue. En effet, depuis 1857, cette loi, en ce qui concerne le certificat, a été exécutée suivant son texte et suivant son esprit.

J'ai lu avec attention le rapport qui a été fait sur l'enseignement moyen. J'ai vu de quelle manière le jury a appliqué cette disposition de la loi, et il me semble être resté à l'abri de toute critique raisonnable. D'après cela, je suis d'avis qu'il vaut mieux maintenir le certificat ; c'est une garantie de fréquentation des collèges ou d'études privées complètes, ce qui est une chose très importante.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Tout cela est réglé par arrêté royal.

M. de Theux. - En effet, et le rapport qui a été fait prouve que tout a été loyalement exécuté.

L'honorable M. Jacquemyns a présenté un amendement sur la matière de l'article 5, relatif à l'examen à défaut de certificat ; il introduit une composition flamande, allemande ou anglaise, au choix du récipiendaire.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Cela viendra à l’article 5.

M. de Theux. - Oui, mais je ferai remarquer, dès à présent, que cette disposition aggraverait notablement la position de l'élève dont le certificat n'aurait pas été admis ou qui n'en a pas produit. C'est évidemment trop exiger. Je crois que quand l'élève fait preuve de connaissances suffisantes en flamand, en anglais ou en allemand, il n'est pas nécessaire d'exiger encore de lui une composition dans l'une de ces langues. Ce serait aggraver beaucoup trop sa position.

M. Hymans. - J'admets parfaitement qu'il y a une très grande différence entre les cours à certificats universitaires et les certificats d'enseignement moyen. Nous n'avons pas à discuter aujourd'hui cette question ; mais il y a un fait certain, c'est que si vous voulez que le certificat d'enseignement moyen serve à quelque chose, il faut que ce certificat soit quelque chose de sérieux et constate quelque chose de plus que la présence de l'élève aux cours de l'athénée pendant sept années. Ainsi, il est à la connaissance de tout le monde qu'il y a, dans les collèges, des élèves qui parcourent toutes les classes, qui sont en quelque sorte abandonnés par les professeurs, parce qu'ils ne sont bons à rien, parce qu'ils n'en savent pas beaucoup plus, à la fin de la rhétorique, qu'à leur entrée en cinquième ou en sixième.

M. de Naeyer. - Ceux-là ne passeront pas.

M. Hymans. - Ils subiront un examen, je le veux bien ; mais alors à quoi bon exiger d'eux un certificat ? Vous pourrez, à l'athénée, les empêcher de passer d'une classe à une classe supérieure ; vous pourrez les obliger à doubler toutes leurs classes, mais non la rhétorique.

Une fois que l'élève sera arrivé à ce point, le professeur n'aura pas le droit de refuser un certificat constatant qu'il a suivi un cours complet d'humanités. Ceci vous prouve bien que le certificat n'a absolument aucune valeur, et une preuve de plus c'est qu'on vous propose de rétablir le grade d'élève universitaire précisément parce que les certificats qui se délivrent aujourd'hui en vertu de la loi de 1857, ne constatent en aucune façon la valeur de l'élève. C'est le meilleur argument qu'on puisse invoquer contre les certificats : c'est précisément à cause de leur existence qu'on révise aujourd'hui la loi.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Les certificats seuls ont été reconnus insuffisants.

M. Hymans. - Insuffisants, soit ! C'est une expression polie pour qualifier la valeur des certificats.

Maintenant, remarquez bien, messieurs, que je ne propose nullement de supprimer les certificats ; mon unique, désir est de les rendre plus sérieux ; et c'est pour cela que je demande que les mots « avec fruit », employés dans l'amendement de l'honorable M. Jacquemyns et sur lesquels M. le ministre de l'intérieur ne s'est pas encore prononcé, soient inscris dans l'article 4. Ces mots me semblent d'autant plus nécessaires que la loi permet à tout professeur, même n'appartenant à aucun établissement, de délivrer des certificats à la condition qu’ils soient homologués par l'autorité locale.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Et acceptés par le jury.

M. Hymans. - On n'aurait pas le droit de refuser un certificat constatant simplement que l'élève a suivi les cours Vous pourrez bien discuter la valeur du professeur qui a délivré le certificat, mais vous ne pourrez pas contester sa bonne foi. Du moment qu'un homme honorable, mais pas savant, vient déclarer qu'un élève a suivi un cours complet d'humanités, pourrez-vous révoquer en doute ce qu'il dit ? Dès lors quel mal peut-il y avoir à insérer les mots « avec fruit » dans l’article 4 ?

M. de Theux. - J'aurais adms sans difficulté l'insertion de ces mots « avec fruit », si l'on n'avait pas institué le titre de gradué en lettres et un examen préalable pour l'obtention de ce grade. Mai» aujourd'hui, voyez à quels tiraillements vous donneriez lieu par l'insertion de ces mots. Un certificat a été délivré constatant que les études ont été fait s avec fruit ; ce certificat a été délivré de bonne foi ; mais l'élève, par une cause quelconque, peut venir à échouer, bien qu'il ait fait d'excellentes études, tandis qu'un autre élève, qui n'aura fait que des études médiocres, passera. L'élève peut échouer sans qu'il y ait de la faute de son professeur qui a délivré le certificat. Vous feriez donc à ce professeur une position tout à fait intolérable.

Mais, dit-on, on pourra produire des certificats mensongers. Cela est possible, sans doute, mais dans ce cas le certificat ne sera pas admis, et l'auteur du certificat pourrait être passible de certaines pénalités. Une garantie de sincérité est attachée aux certificats. Aujourd'hui, comme à l’époque de la discussion de la loi de 1857, on objecte que des certificats peuvent être délivrés par des hommes incapables ; mais il est à remarquer qu'il n'y a guère que les professeurs qui se livrent à l'enseignement privé dont l'aptitude puisse être douteuse. Or, il n'y a, généralement que les personnes jouissant d'une certaine fortune qui se livrent à des études privées. De sorte que ce cas sera extrêmement rare.

Mais il résultera des tiraillements très regrettables du rejet par le jury d'élèves porteurs de certificats qu'ils ont suivi les cours avec fruit. C'est donc une mesure qu'il ne faut pas introduire dans la loi, parce que, je le répète, des élèves très capables pourront échouer tandis que d'autres, d'une capacité beaucoup moindre, pourront passer.

M. Muller. - Je ne comprends plus quelle peut être la valeur du certificat s'il doit y avoir humiliation pour le professeur qui, ayant déclaré que son élève a suivi avec fruit tous les cours jusqu'à la rhétorique inclusivement, le venait échouer. Si le professeur n'est pas humilié, lorsqu'il n'a pas mentionné les mots « avec fruit », c'est donc que la fréquentation matérielle suffira pour que le professeur soit obligé de délivrer les certificats !

Quelle est la valeur d'une telle pièce ? Je le demande. L'introduction des mots « avec fruit » offre, au contraire, cet avantage que l'élève aura beaucoup plus d'égards pour les observations de son professeur, qu'il sera tenu à plus de respect envers lui : il saura, quel que soit son professeur, à quelque catégorie d'établissement qu'il appartienne, fût-il même un professeur prive, l'élève saura, dis-je, que son professeur peut lui demander compte du fruit des leçons qu'il lui a données.

Sous ce rapport, je ne vois pas qu'il y ait quelque inconvénient ; je trouve, au contraire, qu'il y a une grande utilité à ce qu'on attribue au professeur le droit d'apprécier si son élève a suivi ses cours avec fruit.

Je n'en induis pas le moins du monde que le jury sera en droit de trancher la question de savoir si le professeur a bien ou mal apprécié son élève, mais il est incontestable que le certificat d'une fréquentation avec fruit est utile au point de vue de la nature des études et de l'influence que doivent avoir les professeurs sur leurs élèves, influence qui sera d'autant plus salutaire qu’ils seront juges de leurs progrès,

M. de Theux. - L'honorable membre vient d'examiner la question a un autre point de vue, au point de vue de l'autorité du professeur sur les élèves ; cela a été signalé dans la discussion de la loi de 1857. Le professeur d'une classe supérieure n'admet pas d'élève s'il n'est pas (page 449) capable de suivre son cours Ce sont là des moyens de discipline intérieure qui suffisent entièrement.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Par les mesures déjà votées, nous avons rendu l'accès de l'université assez difficile ; nous avons voulu que le récipiendaire présentât certaines garanties de connaissances littéraires et scientifiques ; mais dans notre zèle, il ne faut pas aller trop loin en rendant, pour le plus grand nombre, l'accès à l'université presque impossible ; à force de demander garantie sur garantie, nous rendrions au moins la position des élevés fort difficile.

La loi actuelle renforce considérablement les garanties. Après ce qui s'est passé précédemment, après la suppression du grade d'élève universitaire, tous les jeunes gens pouvaient entrer directement à l'université. Ce régime a duré trois ans ; ensuite on n'a pas rétabli le grade d'élève universitaire, mais on lui a substitué la garantie consistant dans un certificat d'études ; beaucoup de membres se sont opposés à l'introduction du certificat, ils n'en voulaient pas, ils se trouvaient mieux du régime de liberté qui avait précédé.

On a introduit le certificat qui est une gêne ; maintenant on veut une garantie nouvelle, on veut que le certificat porte cette mention : « Avec fruit ».

Quand j'ai proposé d'exiger que l'élève prouvât par un certificat qu'il a suivi un cours complet d'humanités, je craignais qu'on ne trouvât que c'était trop demander ; on propose davantage.

Je crains que ce soit trop, si c'est une disposition dont on veut l'exécution rigoureuse ; mais ou n'aboutira pas parce que chaque professeur sera, dans un temps plus ou moins rapproché, amené à insérer les mots « avec fruit » dans tous les certificats.

M. Muller. - Pas pour les mauvais élèves.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il le fera pour tous ceux qu'il délivrera.

Le jury lui-même, chargé de recevoir les certificats, n'est pas un corps aveugle acceptant sans aucun examen tous les certificats qui lui sont présentés. ; quand il a des doutes sur la valeur d'un certificat que lui présente un élève, il le soumet à un examen, c'est un pouvoir assez considérable qu'on place dans les mains du jury.

Un établissement qui se respecté ne donnera pas un certificat à un élève qui n’aura pas fréquenté assidûment ses cours et n'aura recueilli de ses études aucune espèce de fruit.

Qu'on rende l'entrée de l'université assez difficile, mais qu'on la laisse ouverte pour le plus grand nombre.

- La discussion est close.


M. le président. - Je mets aux voix la question de principe. Y a-t-il lieu de maintenir en principe le certificat d'études humanitaires rappelé dans l'article 4 du projet de loi ?

- La question de principe est résolue affirmativement.


M. le président. - M. Jacquemyns propose que les certificats constatent que les études ont été faites avec fruit.

- Cette proposition est mise aux voix, elle n'est pas adoptée.


M. le président. - M. Jacquemyns propose de soumettre l'élève qui ne produit pas de certificat, à un examen passé devant le jury institue pour l'examen de gradué en lettres.

D'après le projet du gouvernement, cet examen devrait être subi devant une commission spéciale.

M. Jacquemyns demande en outre que l'examen soit oral et par écrit et propose de retrancher du programme l'arithmétique.

M. Jacquemyns. - Messieurs, mon amendement porte sur deux articles, il les réunit et les embrasse ; il m'eût été difficile de remplacer l'article 4 isolément par une disposition qui rendit ma pensée.

Je maintiens également l'article 5 ; je combine les deux plutôt pour faciliter la rédaction.

Mais la principale chose, c'est que je simplifie l'examen Voilà la grande différence.

L'honorable ministre de l'intérieur croit que je rends l'examen plus compliqué. J’en conclus que mon amendement, qui en apparence est très compliqué et qui en réalité est très simple, a été mal compris. Mais je ne complique l'examen sur aucune branche. Au contraire, je propose la suppression de l'examen sur l'arithmétique, et je mets l'élève qui n'a pas obtenu de certificat de fréquentation des cours d'humanité, en contact avec les mêmes examinateurs qui l'auraient examiné s'il avait le certificat.

Mais la différence principale entre mon amendement et le projet du gouvernement et de la section centrale, c'est que j'oblige l'élève à parler correctement l'une ou l'autre des trois langues modernes dont il aura fait choix.

L'honorable comte de Theux m'objecte qu'il faudra une composition laine, une composition française et une composition dans l'une ou l'autre langue vivante. Ce serait là en effet un grave inconvénient, en ce que cela prendrait beaucoup de temps. Mais je me permettrai de faire observer que je ne propose pas du tout une composition par écrit. La composition par écrit ne remplirait pas mon but.

Je propose de faire parler à l'élève d'une manière plus ou moins correcte l, flamand, l'allemand ou l'anglais dans l'examen, et pour lui faire parler l'une de ces langues, il faut bien choisir un sujet quelconque. Eh bien, je choisis pour sujet une dissertation littéraire.

M. Tack. - La proposition de M. Jacquemyns me semble, contrairement à ce qu'il vient d'affirmer, aggraver les difficultés de l'examen supplémentaire sous un rapport, et les atténuer à un autre point de vue.

Ainsi, exiger de la part d'un récipiendaire, dont la langue maternelle est le français, une composition ou une dissertation en flamand, en allemand ou en anglais, c'est trop lui demander, c'est retomber dans l'exagération de l'ancien programme ; il faut en tout ceci laisser quelque latitude au jury qui ne doit pas se montrer trop sévère, et qui jugera quel genre de questions il convient de poser au récipiendaire.

L'amendement de M. Jacquemyns simplifie l'examen supplémentaire en ce qu'il supprime l'arithmétique, ici je suis d'accord avec lui, je ne vois pas pour quel motif on fait passer un examen sur l'arithmétique à l'aspirant qui, pour obtenir le titre de gradué en lettres, doit subir un examen sur l'algèbre et la géométrie ; la connaissance de ces deux dernières branches suppose évidemment celle de l'arithmétique, qui devient de cette manière une superfluité dans l'examen supplémentaire.

M. de Theux. - L'honorable M. Jacquemyns propose d'abord d’établir quelles seront les matières de l’examen par écrit et les matières de l'examen oral en ce qui concerne les matières supplémentaires. A première vue je crois que toutes les matières supplémentaires peuvent être matières de l'examen oral. Si cependant on établit de bonnes raisons pour convertir quelques-unes de ces matières en examen écrit, on pourrait les discuter. Mais provisoirement je pense que cela peut faire l'objet d'un examen oral.

L'honorable membre demande qu'il n'y ait qu'un seul jury pour l'examen principal et pour l'examen supplémentaire. Je crois, messieurs, que c'est rendre la position de ces récipiendaires très difficile, car il est probable, que les matières principales et les matières supplémentaires seraient l'objet d’une seule séance, d'un seul examen devant le même jury. Cela pourrait être très embarrassant.

Je crois qu'il vaut mieux qu'il y ait pour les matières supplémentaires un jury central composé dans le même esprit que le jury principal, devant lequel l’élève puisse se présenter.

Cela simplifie beaucoup les choses. Alors le jury principal n'a qu'à s'occuper des examens généralement prescrits, et l'autre jury s'occuperait spécialement des matières supplémentaires. Je crois que cela serait préférable dans l'intérêt de l'élève aussi bien que dans l'intérêt des opérations du jury.

L'honorable membre désire des exercices sur les langues flamande, allemande et anglaise. Eh bien, je crois que c'est encore trop aggraver la position de l'élève déjà soumis à cet examen supplémentaire. Je crois que cela n'est pas du tout nécessaire. S'il fait des exercices littéraires sur le latin et sur le français, cela me paraît bien suffisant, et pour le reste qu'il constate, de la manière voulue par le jury, la connaissance de l'une des trois langues qui sont indiquées au numéro 5 de l'article 5.

Quant à la composition flamande, il semble que l'honorable membre l'a abandonnée. Mais je ferai une observation dans l'intérêt de la justice, Nous avons hier écarté la disposition de la loi de 1856, qui autorisait les élèves à composer à leur choix en français, en flamand ou en allemand.

Ceci doit avoir pour conséquence de la part du jury un principe d'équité. Ainsi il peut arriver que des élèves qui chez eux n'ont jamais parlé que le flamand, ayant fait des études au collège, ne soient pas arrivés à cette haute intelligence de la langue française, à laquelle (page 450) arrivent plus facilement les élèves dont la langue maternelle est le français. Je crois que si le jury s'aperçoit qu'il y a quelque chose qui manque, quant à l'intelligence de la délicatesse et de la finesse de la langue française au récipiendaire flamand, il peut en tenir compte dans l'appréciation de son travail. Il est à remarquer que le Flamand continue à se perfectionner dans la langue française à l'université et même au sortir de l'université.

Il m'a été assuré que bien des élèves au collège n'arrivaient pas si vite au même degré de connaissance de la langue française. Je crois qu'il est équitable que le jury, dans l'appréciation des compositions faites par les élèves flamands en langue française, tienne un certain compte de la position où se trouvaient ces élevés relativement à leur langue maternelle. Ceci est une observation pratique : je ne demande pas qu'on modifie la loi, mais l'équité ordonne d'agir comme je viens de l’indiquer.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, je dois combattre l'amendement de M. Jacquemyns. Le jury chargé de délivrer le diplôme de gradué en lettres aura des occupations très longues et que nous venons encore d'accroître en ajoutant l'examen oral à l'examen écrit. Voilà, messieurs, comment les choses se passent aujourd’hui, et de l'aveu de l'honorable M. de Theux, elles se passent ainsi sans inconvénient grave.

Il y a un jury spécial chargé de recevoir les certificats, et le même jury examine les élèves qui ne présentent pas de certificat ou qui ne présentent qu'un certificat insuffisant.

Ce jury est composé de dix membres nommés d'après le principe général de la loi, moitié dans l’enseignement libre, moitié dans l’enseignement officiel.

Nous ne pouvons pas, messieurs, multiplier outre mesure les jurys, on éprouve déjà d'assez grandes difficultés à les composer ; mais je pense qu'il est indispensable de conférer à un jury spécial l'examen des certificats et l'examen des élèves qui n'ont pas de certificat ou qui n'ont qu'un certificat insuffisant.

Je demanderai à M. Jacquemyns s'il insiste.

M. Jacquemyns. - J'insiste seulement sur la suppression des mots « l'arithmétique. »

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Cela concerne l'article 5.

M. le président. - Est-ce que M. Jacquemyns se rallie au système de l'article 4 ?

M. Jacquemyns. - Oui, M. le président.

- L'article 4 est mis aux voix et adopté.


M. le président. - La Chambre passe à l'examen de l'article 5 et de l'amendement de M. Jacquemyns qui s’y rapporte.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, je désire que l'on se rende bien compte de la portée de l'amendement de M. Jacquemyns. L'examen dont il s'agit ici n'est pas, à proprement parler, un examen supplémentaire ; c'est un examen que l’on fait subir à ceux qui n'ont pas de certificat ou qui n'ont qu'un certificat insuffisant ; il remplace le certificat.

Il faut tenir compte d'une chose : on exige que l'élève, avant d'entrer à l'université, ait obtenu le diplôme de gradué en lettres, c'est le principe de la loi.

Lorsqu'on a organisé le grade d'élève universitaire par la loi de 1849, on n'a pas exigé de certificat. Il y a donc ici une aggravation du système de 1849. Cette aggravation n'est pas très lourde, mais enfin on exige des élèves un certificat qu'on n'exigeait pas en 1849.

Il ne faut donc pas se montrer trop sévère dans l'examen qui doit suppléer au certificat. Cet examen sera en quelque sorte sommaire.

Si le jury ne trouve pas le certificat suffisant, il voudra s'assurer de la capacité de l'élève, il lui posera un certain nombre de questions et quand il aura reconnu, par un examen rapide, que l'élève présente des conditions suffisantes de capacité, il l'admettra à passer l'examen de gradué en lettres.

Je demande, messieurs, que nous ne nous occupions pas ici de la question de savoir quelles sont les matières qui feront l'objet d'un examen écrit et quelles sont celles qui feront l’objet d’un examen oral. Il faut, sous ce rapport, laisser une certaine latitude au jury.

Il est certaines matières dont le jury pourra faire l'objet d'un examen par écrit, et d'autres sur lesquelles il pourra interroger oralement. Je demande qu'on laisse, sous ce rapport, une certaine latitude au jury.

- Un membre. - Supprimez alors les mots « par écrit » dans le premier alinéa de l’article 5.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - J'en ai proposé la suppression. Ces mots doivent être nécessairement biffés de l'article.

M. le président. - M. Jacquemyns maintient-il la distinction entre les matières de l'examen oral et les matières de l'examen par écrit ?

M. Jacquemyns. - Oui, M. le président, parce qu'à mon avis il est nécessaire que les récipiendaires soient interrogés oralement, sur les langues modernes.

M. De Fré. - Messieurs, le dernier paragraphe de l'article 5 porte notamment que « le récipiendaire qui se prépare au notariat ne sera pas examiné sur les numéros 1, 2, 5 et 7. » Or, le numéro 5, c'est le flamand, l'allemand ou l'anglais, au choix du récipiendaire. Je crois qu'il serait très utile que l'aspirant candidat notaire sût le flamand.


- La Chambre passe au vote de l'amendement de M. Jacquemyns, relatif à la division des matières entre l'examen par écrit et l’examen oral.

- Cet amendement n'est pas adopté.


La Chambre passe au vote de l'article 5 ; elle décide qu'elle votera par numéros.

« L'examen supplémentaire comprend :

« 1° Les principes de rhétorique. »

- Adopté.

« 2° L'histoire grecque et l'histoire romaine. »

- Adopté.

« 3° L'histoire de Belgique. »

- Adopté.

« 4° La géographie. »

- Adopté.


« 5° Le flamand, l'allemand ou l'anglais, au choix du récipiendaire »

M. le président. - M. Jacquemyns demande qu'il y ait un exercice littéraire en flamand, allemand ou anglais, sur un auteur au choix du récipiendaire.

M. Jacquemyns. - La Chambre a déjà voté sur cette partie de mon amendement. J'avais demandé un exercice littéraire verbal. Par conséquent, je dois me rallier à la proposition du gouvernement.

- Le n° 5° de l'article 5, tel qu'il est proposé par le gouvernement, est mis aux voix et adopté.


« 6°. L'arithmétique. »

M. le président. - M. Jacquemyns propose la suppression de ce numéro.

- Le n°6° est mis aux voix et adopté.


« 7°. Les notions élémentaires de physique. »

- Adopté.


M. le président. - Le dernier paragraphe de l'article 5 est ainsi conçu :

« Le récipiendaire qui se prépare au notariat ne sera pas examiné sur les n°1, 2, 5 et 7 ; celui qui se destine à la pharmacie ne sera pas examiné sur les n°1, 2 et 5. »

M. Coomans. - Je ne pense pas que la discussion soit close sur le dernier paragraphe de l'article 5. Je désire présenter une observation.

M. le président. - La discussion a été close.

La Chambre entend-elle rouvrir le débat sur le dernier paragraphe de l'article 5. (Oui ! oui !) La parole est à M. Coomans.

M. Coomans. - Messieurs, nous avons décidé hier, et je ne veux pas revenir là-dessus, que le flamand ne figurerait pas dans l'examen d'élève universitaire ; nous venons de décider que le flamand pourra avoir sa place dans l'examen supplémentaire, et on nous propose de dire que le flamand n'est pas nécessaire aux notaires. Vraiment, je me perds dans ce dédale de contradictions...

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je demande la parole.

M. Coomans. - Si le flamand est nécessaire à l'avocat et au médecin, il l'est à coup sûr aux notaires.

M. Jacquemyns. - Je dois faire observer à M. le président que d’après mon amendement les aspirants candidats notaires seraient examinés sur les langues modernes, comme l'a demandé tout à l'heure (page 451) l'honorable M. De Fré et comme vient de le demander l'honorable M. Coomans.

M. le président. - En effet, M. Jacquemyns demande que les aspirants candidats notaires soient interrogés sur le n°5, c'est-à-dire sur le flamand, l'allemand ou l'anglais, au choix du récipiendaire.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Que les candidats notaires appartenant aux provinces flamandes soient interrogés sur le flamand, rien de mieux ; mais entend-on que l'aspirant candidat notaire appartenant aux provinces wallonnes qui n'aura pas d'actes à rédiger en flamand, soit obligé de répondre en flamand ?

- Des membres. - Non ! non !

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - La disposition finale de l'article 5 a pour objet d'exempter l'aspirant candidat notaire wallon de la nécessité de répondre sur la langue flamande.

L'honorable M. Coomans entend-il qu'un candidat notaire wallon devra répondre sur la langue flamande ?

- Plusieurs voix. - Non ! non !

M. Coomans. - Cela n'est pas dans la loi ; je ne le demande pas.

M. le président. - Le dernier paragraphe exclut le n°5 pour le candidat notaire.

L'honorable M. Jacquemyns demande que le notaire soit soumis à un examen sur le flamand ou sur le français.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - M. Coomans l'exige-t-il du candidat notaire flamand ?

M. Coomans. - Il y a trois langues au choix du récipiendaire.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Nous n'exigeons pas du candidat notaire qu'il soit interrogé sur le flamand, l'allemand ou l'anglais.

Le paragraphe 5 n'est applicable qu'à ceux qui veulent faire des études littéraires. Je crois que tout le monde reconnaîtra que nous avons bien fait.

M. de Theux. - Messieurs, cette question a été très longuement agitée en 1857, et voici la rédaction qu'on a adoptée à l'article 16 qui concerne l'examen du notariat :

« L'examen de candidat notaire comprend :

« Le Code civil ;

« Les lois organiques du notariat et les lois financières qui s'y rattachent ;

« La rédaction des actes en langue française. Les récipiendaires seront en outre admis à justifier de leur aptitude à rédiger des actes en flamand ou en allemand. Il sera fait mention de cette aptitude dans le certificat de capacité. »

Je crois que nous pouvons nous tenir à la disposition de l'article 16 de la lui de 1857. Elle a été discutée, je pense, pendant une ou deux séances en 1857, et l'on est arrivé à cette conclusion qui paraît satisfaisante.

M. Coomans. - L'honorable ministre me demande si je veux forcer le candidat notaire wallon à passer un examen sur le flamand. Je réponds non, mais je ne sais pas pourquoi l'honorable ministre me pose la question, car elle ne se rapporte pas à l'article en discussion.

Ainsi l'article 5 dit que le candidat notaire ne sera pas obligé de passer un examen sur le flamand, l'allemand ou l'anglais.

Voilà ce que dit le projet de loi.

Mats j'avais demandé pourquoi vous obligiez les avocats et les médecins wallons à passer un examen sur l'une de ces trois langues, alors que vous n'obligez pas les candidats notaires ou les candidats pharmaciens à passer cet examen.

C'était là mon observation.

Je trouve qu'il y a une contradiction formelle à exiger le flamand, l'allemand ou l'anglais d'un avocat ou d'un médecin wallon alors que vous ne manifestez pas la même exigence pour les pharmaciens et les notaires wallons.

C'est pourquoi j'ai demandé que nous mettions plus de logique dans la rédaction des lois que nous votons.

Si l'observation que me fait l’honorable ministre est fondée, elle l'est également au sujet des avocats et des médecins.

Je dis que vous ne devez pas plus imposer le flamand au médecin wallon et à l'avocat wallon, qui n’a pas l'intention de s'établir jamais dans les contrées flamandes, que vous ne l'imposez au candidat notaire wallon ou au pharmacien wallon. Si vous affranchissez le candidat notaire et le pharmacien de l’obligation de faire preuve de connaissances dans l'une de ces trois langues, vous auriez dû affranchir de cette obligation le médecin et l'avocat.

Tel était le sens de mon observation.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Quelle que soit la longueur de cette discussion, je ne puis me dispenser de prendre encore la parole.

Je pense qu'on est généralement d'accord pour attribuer au médecin et à l'avocat des obligations littéraires, des conditions de science plus sévères qu'aux notaires et aux pharmaciens.

M. Coomans. - De science, mais pas de langue.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il faut rapprocher les conditions de l'examen supplémentaire du programme de l'enseignement moyen.

Dans cet enseignement il faut que le jeune homme étudie le flamand, l'allemand ou l’anglais, et on lui demande, lorsqu'il n'aura pas de certificat, de répondre sur une de ces trois langues.

Si on n'impose pas cette obligation à ceux qui veulent devenir pharmaciens ou notaires c'est que, de tout temps, et dans toutes les lois d'instruction publique, on a toujours traité les notaires et les pharmaciens avec plus d'indulgence que ceux qui embrassent d'autres professions libérales.

Je le veux bien. Vous voulez relever l'instruction des notaires et des pharmaciens ?

Mais prenez-y garde, en voulant relever l'instruction du pharmacien et du notaire, de fermer la porte de ces professions.

La Chambre s'est déjà prononcée maintes fois d'une manière trop formelle sur le principe du projet de loi pour qu'elle revienne aujourd'hui sur ce principe.

Je maintiens donc ce que j'ai dit.

M. Guillery. - Messieurs, il paraît qu'à chaque article que nous aurons à discuter, la question flamande renaîtra sous une forme ou sous une autre ; et la forme qui lui est donnée dans la discussion actuelle me paraît la plus étrange de toutes celles qui ont été imaginées. Elle consiste à vouloir qu'un notaire wallon, établi dans un canton wallon, sans avoir l'intention d'en sortir jamais, sans en avoir la faculté d'après la loi, apprenne la langue flamande et passe un examen sur cette langue.

- Une voix à droite. - Personne ne demande cela.

M. Guillery. -Vous dites que vous ne demandez pas cela, mais votre amendement le demande. Il y a déjà assez de confusion dans la discussion sans qu'on l'augmente encore.

Vous demandez la suppression, au dernier paragraphe de l'article 5, de la disposition qui exempte les candidats notaires de passer l'examen sur une des trois langues flamande, allemande ou anglaise. Par conséquent, il faut que le candidat notaire wallon, né dans un pays wallon et destiné à y rester toute sa vie, passe l'examen sur une de ces trois langues.

- Plusieurs voix à droite. - Qui demande cela ?

M. Coomans. - Mais vous l'exigez, vous, des médecins et des avocats wallons. Vous venez de le voter.

M. Guillery. - L'honorable M. Coomans me dit : Vous l'exigez bien des médecins et des notaires wallons. Par conséquent il le demande des notaires, lui. Que l'honorable M. Coomans veuille bien répondre à ses honorables amis qui s'écrient : Qui demande cela ? que c'est lui qui le demande.

Je trouve très étrange que depuis un quart d'heure que l'on discute sur une question, la moitié des membres de la droite ne sachent pas de quoi il s'agit. Je commence à croire que nous discutons moitié en flamand, moitié en français.

Vous demandez pourquoi l'on exige, des médecins et des avocats, la connaissance du flamand alors qu'on ne l'exige pas du pharmacien ni du notaire.

Mais pourquoi exige-t-on des médecins et des avocats qu'ils soient candidats en philosophie et pourquoi ne l'exige-t-on pas du notaire et du pharmacien ?

Pourquoi exigez-vous de celui qui se destine à la profession d'avocat et à celle de médecin, l'histoire grecque et l'histoire romaine et les notions élémentaires de physique, et pourquoi n'exigez-vous pas ces connaissances du candidat notaire ? C'est parce que la profession n'est pas la même, parce que les exigences de la profession sont différentes.

Ce sont des examens qui n'ont aucune espèce de rapport : un avocat passe l'examen de candidat en philosophie et de candidat en droit et deux examens de docteur ; le notaire, au contraire, ne passe qu'un seul examen, celui de candidat notaire.

Vous ne pouvez pas surcharger outre mesure un examen qui est déjà (page 452) très sévère ; l'examen de candidat notaire est très sérieux et suffit parfaitement aux exigences de la profession.

Mais imposer à des Wallons d'apprendre la langue flamande uniquement pour satisfaire à une certaine velléité flamande qui se manifeste à droite, cela me paraît tout à fait étrange et inadmissible.

Je comprends qu'on exige d'un notaire flamand qu'il sache le français, parce que le français est une langue que tout le monde a intérêt à connaître. Quant au flamand, ce n'est pas la même chose : un avocat aura très souvent à consulter des chartes et des documents écrits dans une langue étrangère et, dans tous les cas, l'examen qu'on lui fait subir sur la langue flamande fait partie de son éducation littéraire.

Il en est de même d'un grand nombre de matières qui cependant ne touchent pas directement à sa profession. Je crois donc que la Chambre ne peut pas un seul instant hésiter à rejeter l’amendement proposé.

M. de Theux. - Je pense que nous ferions très bien de nous en tenir à la rédaction de la loi de 1857. Voici comment s'exprime l'article 6 relatif à l'épreuve à subir par les candidats en pharmacie et par tes candidats notaires :

« L'épreuve préparatoire pour l'examen de candidat en pharmacie comprend : le latin, le français, le flamand ou l'allemand. Pour le candidat notaire, également le français, le flamand ou l'allemand. Eh bien, je crois qu'on pourrait se borner à substituer le français à l'anglais ; nous resterions ainsi dans les limites des trois langues usitées dans le pays.

Je propose donc de rétablir ici la disposition de l'article 6 de la loi du 1er mai 1857 qui porte : le français, le flamand ou l'allemand, au choix du récipiendaire, et on effacerait l'anglais.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Mais il faut conserver l'anglais pour les autres récipiendaires.

M. de Theux. - Pas d'une manière obligatoire. En disant, le français, le flamand ou l'allemand, d'une manière facultative, cela suffît.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Du moment que la chose est facultative, pourquoi ne pas conserver l'anglais ?

M. de Theux. - L'épreuve préparatoire n'exige pas cela, mais je ne m'y oppose pas.

M. le président. - Je prie M. de Theux de me faire parvenir son amendement par écrit.

M. B. Dumortier. - J'avais demandé la parole pour répondre quelques mots à l'honorable M. Guillery. Il conçoit, a-t-il dit, qu'on exige d'un avocat la connaissance du flamand ; mais il n'admet pas cette exigence pour le notaire. Eh bien, je suis d'avis, moi, que de toutes les professions il n'en est pas une seule qui ait plus besoin que le notariat de la connaissance des deux langues qui se parlent dans ce pays. N'est-il pas vrai, en effet, que les actes posés par les notaires lient les particuliers ? L'honorable membre le sait beaucoup mieux que moi. Eh bien, qu'un homme appartenant aux provinces flamandes et ne sachant pas le français réclame le concours d'un notaire qui ne connaisse pas le flamand et qui rédige son acte en français ; cet homme aura donc signé un acte qu'il n'aura pas compris.

Je dis donc que si la connaissance du flamand offre un intérêt vraiment social, c'est avant tout quand il s'agit de la profession du notariat. Pour mon compte, je n’ai pas un amour platonique pour la langue flamande ; mais je considère comme un malheur que, dans la partie de la Belgique que j'habite, on n'habitue pas plus la jeunesse à l'étude d'une langue teutonique et avant tout d'une langue teutonique qui se parle dans le pays.

Pour vous qui avez le bonheur d'avoir appris dès l'enfance le français et une langue teutonique, vous apprenez avec une extrême facilité toutes les langues de l'Europe. Mais nous qui sommes nés à une époque où l'on prétendait que le français suffisait à tout et qui n'avons aucune connaissance du mécanisme d'une pareille langue, nous éprouvons dans notre existence un vide dont vous ne pouvez vous faire une idée, par ce défaut de toute connaissance d'une langue teutonique, langée qui est, au fond, la clef de toutes les langues orientales de l'Europe.

Pour mon compte, j'attache un grand prix à toutes ces études, mais je dois dire que, dans le cours de la vie, lorsqu'on a quitté les bancs du collège et de l'université, et quand on est entré dans la vie, dans l'humanité à proprement parler, la connaissance dont on retire le plus de fruits est, sans contredit,-celle des langues vivantes. Ce n'est pas sans raison que Charles-Quint disait que la connaissance d'une langue doublait l'existence.

Et pour moi, je désire vivement que, dans une loi comme celle-ci et qui est destinés à une certaine durée, il soit stipulé que, dans un certain nombre d'années, pour obtenir le grade d'élève universitaire, on devra faire preuve de la connaissance de la langue française et d'une langue teutonique qui se parle dans ce pays, c'est-à-dire le flamand. Ce serait rendre service non pas aux simples amateurs de flamand mais aux jeunes gens qui naissent dans les provinces wallonnes et qui jusqu'à présent n'ont fait de cette étude qu'une affaire d'obligation sans y apporter le goût et l'intérêt qu’elle mérite d'inspirer.

M. Van Overloop. - Si les Wallons restaient dans les provinces wallonnes, je n'insisterais pas sur la nécessité de la connaissance de la langue flamande ; mais tout le monde sait que bien souvent des notaires wallons sont nommés dans des provinces flamandes.

Ainsi, à Bruxelles, il y a plusieurs notaires wallons qui ne connaissent pas un mot de flamand. Or, je le demande, que ferait l'un de ces notaires si, appelé chez un moribond flamand, il avait à rédiger son testament en cette langue. Cela serait évidemment de toute impossibilité. La connaissance de la langue flamande est donc indispensable pour tous les notaires qui sont appelés à instrumenter parmi les populations flamandes.

Je me suis expliqué déjà sur ce point lors de la discussion de la loi de 1857, si je ne me trompe, et c'est même par suite des observations que j'ai présentées à cette époque que la disposition citée tout à l'heure par l'honorable M. de Theux a été introduite dans cette loi. Je me souviens même d'avoir, à cette occasion, rappelé un procès qui a eu lieu au sujet d'un testament qui avait été rédigé en flamand dans des termes tels, qu'il était très difficile d'y découvrir ce que le testateur avait voulu dire.

Si cependant le notaire avait connu la langue flamande, il ne fallait pas pour cela qu'il connût la littérature flamande ; s'il avait seulement su quelque peu la langue, il n'aurait pas rédigé le testament de telle façon qu'il a donné lieu à un procès qui a duré trois ou quatre années.

La connaissance de la langue flamande est cent fois plus nécessaire pour les notaires que pour les avocats et pour les médecins qu'on choisit comme on veut, tandis qu’il n'en est pas de même pour les notaires, lesquels sont des fonctionnaires publics qui doivent être à la disposition des personnes qui ont besoin d'eux.

Ainsi, je suppose une personne qui ne connaisse pas le français ; elle est à la mort ; elle appelle un notaire ; le premier venu doit pouvoir recevoir son testament ; le moribond dicte en flamand ; le notaire appelé ne le comprend pas ; il faut en chercher un autre ; on n'en découvre pas comprenant le flamand. ; dans l'intervalle, le testateur vient à mourir ; ce sont là des inconvénients excessivement graves, auxquels il faut parer.

Le notaire doit donc nécessairement, partout où il y a des populations flamandes ou des populations mélangées, connaître leurs langues ; cela me semble indispensable ; cependant on nomme à Bruxelles des notaires qui ne connaissent pas le flamand. C'est un grand vice ; partout où il y a des populations flamandes et wallonnes on ne devrait nommer notaire que des personnes sachant le flamand.

Je n'ai pris la parole, messieurs, que pour répondre aux observations de l'un des honorables préopinants et pour faire ressortir la grande utilité de la connaissance de la langue panée par la moitié du pays.

M. Guillery. - Je suis très favorable à la propagation de la langue flamande sans croire, toutefois, qu'elle puisse mener à la connaissance de la littérature orientale. Je suis de l'avis de M. Van Overloop ; comme lui, je pense que, dans les provinces flamandes, on ne doit nommer que des notaires sachant le flamand ; mais c'est l'affaire du gouvernement et des candidats.

Que ceux qui veulent être nommés notaires dans les provinces flamandes, usent de la faculté qui leur est donnée par l'article 16 de la loi de 1857, et fassent preuve de la connaissance de la langue flamande, ils auront un titre pour être nommés dans ces provinces. Si le gouvernement s'est écarté de cette loi, il a eu tort. On ne peut pas prétendre qu'un testament dicte en flamand soit écrit par une personne qui ne connaît pas cette langue.

Mais l'amendement que je combats ne servirait en rien à atteindre le but que se propose l'honorable membre : je plaindrais beaucoup les héritiers qui auraient pour titre un testament flamand rédigé par un notaire qui n'offrirait d'autre garantie que l'épreuve mentionnée dans le n°5 de l'article 5 ; il en saurait juste assez pour ne pas refuser son ministère et faire un testament inintelligible.

Mais le plus souvent, l'élève aurait oublié le peu de flamand qu'il sait quand il sera nommé notaire.

(page 453) Quant à la réclamation de l’honorable M. Van Overloop, je la trouve très légitime ; les Flamands ont le droit d'avoir des fonctionnaires qui connaissent leur langue ; je suis d'avis que les justiciables et les contribuables doivent pouvoir s'adresser en leur langue maternelle à ceux qui sont chargés de faire les affaires du pays.

Si on cite quelques cas où cette règle n'a pas été observée, ce sont des exceptions blâmables, qui seront blâmées par tout le monde dans cette Chambre.

Néanmoins, il faut reconnaître, l'honorable M. Dumortier en est la preuve, qu'on peut avoir une grande influence dans les provinces flamandes sans avoir la connaissance de leur langue ou des littératures orientales Nous n'avons pas le droit, comme législateurs, d'exiger d'un notaire plus d'études qu'il n'est nécessaire pour l'exercice de sa profession.

Encouragez, je le veux bien, l'étude du flamand ; mais en exiger la connaissance dans les provinces wallonnes, ce serait renouveler un des griefs contre lesquels s'est élevé l'honorable patriote auquel j'ai l'honneur de répondre. (Interruption.)

Et même avant 1830 si l'on a exigé la connaissance du hollandais dans les provinces flamande, on n'a jamais exigé des candidats notaires dans les provinces wallonnes qu'ils connussent le flamand, et encore moins l'anglais ou l'allemand.

M. de Naeyer. - Si j'ai bien compris la proposition de M. de Theux, elle consisterait à ajouter le français à l'article 5. Cela me paraît absolument inutile, car il s'agit ici d'un examen préliminaire ; et le français figure déjà dans l’examen principal réglé par l'article 3 aussi bien pour ceux qui aspirent au titre de gradué en lettres que pour ceux qui se destinent au notariat. Les premiers sont obligés de faire une composition française, les autres une rédaction en français, par conséquent il est inutile de faire figurer en outre le français dans l'examen préalable.

Je dirai un mot de la question flamande ; j'ai beaucoup regretté que nous n'ayons pas réussi hier à obtenir pour les Flamands la faculté de prouver leur capacité littéraire en se servant de leur langue. J'ai appuyé l'amendement de M. Coomans, parce qu'il s'agissait alors d'une question de liberté, il s'agissait pour les récipiendaires du droit de se servir de la langue de leur choix.

Aujourd'hui la question est tout autre, il s'agit de savoir s'il faut imposer notre langue à ceux qui ne veulent pas la parler ; il me serait impossible de voter une semblable disposition.

Je conçois qu’on l'impose à ceux qui se destinent à remplir des fonctions dans le pays flamand ou dans les pays où la population est mélangée ; mais dans l'incertitude si ceux qui se présentent seront appelés à exercer des fonctions dans ces parties du pays, il m'est impossible d'exiger d'eux la connaissance du flamand ; je désire que la connaissance du flamand se propage, mais je veux que ce soit par la liberté. Je ne veux pas recourir à la contrainte qui me paraît un détestable moyen de propagation.

M. de Theux. - D'après les observations qui ont été faites, je voterai pour la suppression du n°5.

On ne veut pas obliger le candidat notaire à subir un examen sur le flamand ; à plus forte raison, on ne doit pas l'obliger à subir un examen sur l'allemand ou l’anglais.

M. Devaux. - Je crois qu'on attache trop d'importance à l'article dont il s'agit. Cet article est une espèce de sanction de la disposition qui prescrit les certificats. Il menace d'un examen supplémentaire celui qui n'aurait pas le certificat d'études complètes. C'est dire qu'il sera très rarement appliqué ; car tout le monde sera en possession de certificats.

Messieurs, j'ai soutenu moi-même, dans le temps, l'opinion qui vient d'être défendue : c'est que les notaires, dans le pays flamand, devraient savoir le flamand. Mais ce n'est pas ici qu'il faudrait placer une disposition pareille.

Si l'on ne veut pas s'en rapporter au gouvernement, c'est dans la loi sur le notariat qu'il faudrait insérer cette prescription, car l'article supplémentaire dont il s'agit ici sera d'une application trop rare pour amener un résultat de quelque importance ; il ne s'appliquera pas à un candidat notaire sur cent.

Je disais tout à l'heure que cet article est une espèce de menace ayant pour but l'observation de la disposition qui prescrit le certificat. Il a un autre but encore ; en vertu de l'article 4, c'est le programme de l’examen supplémentaire qui détermine les matières sur lesquelles doit porter le certificat.

Or, on pose là, comme faisant partie d'un cours régulier d'humanités une de ces trois langues : le flamand, l'anglais ou l'allemand. Ainsi cela rentre dans les idées de l’honorable M. Dumortier. On fait entrer dans un cours régulier d’humanités tel que le certificat doit le constater, une langue teutonique comme le veut l’honorable membre.

Mais je crois qu'il faut laisser le choix entre ces trois langues, il n'en faut retrancher aucune, ni l'anglais, ni l'allemand.

Dans telle province voisine de l'Allemagne, on peut préférer l'allemand ; dans telle province voisine de la mer on peut préférer l'anglais.

Il paraît très simple, messieurs, et très naturel de prescrire le flamand pour les élèves flamandes, mais nos principes sur la liberté d'enseignement tels que nous les avons appliqués dans nos lois d'instruction, défendent de s'enquérir, dans un examen, d'où vient l'élève, où il a fait ses études, s’il est Wallon ou Flamand.

Or, si vous ne pouvez distinguer entre les Wallons et les Flamands, vous ne pouvez faire de prescriptions particulières aux uns ni aux autres.

Vous ne pouvez imposer un examen flamand aux Flamands, sans l’imposer aussi aux Wallons, et dès lors une mesure qui semblerait très naturelle, si vous pouviez la borner aux Flamands devient vexatoire et inadmissible parce qu'il vous faudrait nécessairement l'étendre aux Wallons.

L'honorable M. Coomans a dit, au commencement de la séance, que hier, on avait fait un immense pas rétrograde, qu'on avait retranché la composition flamande ou française dont parle l'article 6 de l'ancienne loi.

Il a oublié que l'examen dont s'occupe l'article 6 n'était pas un examen d'élève universitaire, que c'était tout simplement ce que nous faisons dans ce moment, c'est à-dire un examen à défaut de certificat, avec une application par conséquent extrêmement rare.

Voilà tout ce qu'on a fait dans l'article 6. Quand donc on a repoussé hier l'amendement proposé, on n'a pas fait de pas rétrograde. Ce qui était dans l’article 6 va se retrouver dans l'article que nous votons.

M. B. Dumortier. - Il y a une, chose que je comprends difficilement, c'est que celui-là précisément qui devrait le mieux connaître la langue de la moitié du pays, ne doive pas passer un examen sur le flamand. Comment ! mais n'existe-t-il plus dans la Constitution un article qui porte que l'usage des langues est facultatif en Belgique ?

- Un membre. - C'est cela.

M. B. Dumortier. - Voilà une singulière subtilité. Parce que vous ne voulez pas imposer aux notaires la connaissance du flamand, vous imposerez des notaires qui ni savent pas le flamand à des Flamands, et vous viendrez dire que l'usage des langues est facultatif !

Je dis, pour moi, que l'article de la Constitution n'a pas été fait pour l'usage des notaires, pour dire que les notaires pourront faire les actes dans la langue qui leur plaira ; il a été fait pour l'usage de tous les citoyens.

Il s'agit ici de quoi ? De fonctions privilégiées. On nous parle de la liberté. Mais est-ce que tout le monde a la liberté d'être notaire ? N'est pas notaire qui veut. Il y a beaucoup de solliciteurs et fort peu d'élus.

Comment ! je suis un paysan qui ne sait que le flamand et qui a un acte à passer ; et il faudra que j'aille passer cet acte devant un homme qui ne me donne aucune espèce de garantie !

Si un Flamand se trouve accidentellement dans une localité où il n'y a que des notaires sachant le français, en vertu de la disposition de la Constitution qui porte que l'usage des langues est facultatif, il ne pourra pas faire l'acte qu'il désire dans la seule langue qu'il connaît !

Ce sont de ces choses que je ne puis comprendre, qui passent mon intelligence.

On vient comparer cette situation à ce qui s'est fait sous le roi Guillaume, et l'honorable M. Guillery a bien voulu rappeler que, sous le roi Guillaume, j'étais fort peu partisan du système hollandais. Cela est parfaitement vrai. Mais je prie l'honorable membre de ne pas confondre deux choses. Il y a eu, sous le règne du roi Guillaume, deux situations complètement distinctes.

D'abord le roi Guillaume a ordonné, dans tous les collèges wallons, l'enseignement de la langue flamande. Personne ne s'est plaint, au contraire, tout le monde a compris que c'était développer les intelligences, que c'était donner à la jeunesse la connaissance d'une langue vivante. On ne s'est pas rebellé contre cela.

Mais contre quoi s'est-on rebellé ? C'est contre les arrêtés qu'a pris le roi Guillaume, et en vertu desquels, au bout d'un certain nombre d'années, tous les avocats auraient dû plaider en flamand, tous les notaire auraient dû passer leurs actes en flamand.

M. Guillery. - Dans les provinces flamandes.

(page 454) M. B. Dumortier. - Dans les provinces wallonnes. Il y avait là violence envers les populations, et c'est contre une violence pareille qu'on s'est rebellé. Et c'est parce que nous nous sommes rebellés contre l'obligation dans laquelle on a voulu placer les populations de passer des actes dans une langue qu'elles ne comprenaient pas, que nous serions souverainement injustes à venir en forcer d'autres à passer des actes dans une langue qu'elles ne comprennent pas.

C'est donc précisément en conséquence du principe que nous avons posé alors que nous voulons que les hommes publics qui sont appelés à passer des actes pour tous les citoyens, puissent les passer dans la langue de ces citoyens, ou au moins fassent preuve qu'ils connaissent suffisamment cette langue. C'est une des conditions indispensables des fonctions dont il s'agit, au point de vue de nos institutions, au point de vue de notre Constitution. Car si vous admettez en principe qu'il est bon qu'un notaire sache le grec, le latin, la quadrature du cercle, si vous le voulez, je dis qu'il est surtout nécessaire qu'il prouve qu'il connaît la langue du pays, que cette connaissance est encore plus indispensable que toutes les autres.

- La discussion est close.


M. le président. - Le dernier paragraphe de l'article 5 est ainsi conçu :

« Le récipiendaire qui se prépare au notarial ne sera pas examiné sur les n°1, 2, 5 et 7 ; celui qui se destine à la pharmacie ne sera pas examiné sur les n°1, 2 et 5. »

Par amendement, M. Jacquemyns demande que le récipiendaire qui se prépare au notariat ne soit pas dispensé de l'examen sur le flamand, l'allemand ou l'anglais, au gré du récipiendaire. En d'autres termes, il demande de supprimer le n°5 du dernier paragraphe de l'article 5.

- L'amendement de M. Jacquemyns est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

Le dernier paragraphe est adopté tel qu'il est proposé par le gouvernement.


M. le président. - Voici un amendement qui vient d'être déposé par M. De Fré.

« A partir de la première session de 1862, les récipiendaires seront examinés sommairement, à leur choix, soit par un jury spécial, soit par le jury principal, sur toutes les matières qui sont des matières à certificat, d'après la loi du 1er mai 1857.

« Les récipiendaires peuvent se faire inscrire pour subir ces examens, soit pendant la session de Pâques, soit pendant la session du mois de juillet, et le gouvernement peut former pendant ces deux sessions le jury nécessaire à cet effet (voir loi du 1er mai 1857, art. 23). »

Et pour le cas où cette proposition ne fût pas adoptée, je propose : « Par dérogation à l'article 15 de la loi du 1er mai 1857, et à partir de la première session de 1862, les récipiendaires pour la candidature en droit seront interrogés par le jury sur les principes généraux dm Code civil et les récipiendaires pour le premier doctorat en droit sur le droit public. »

- Cet amendement sera imprimé et distribué.

La séance est levée à 5 heures.