(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1860-1861)
(page 433) (Présidence de M. Vervoort.)
M. de Boe fait l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. Snoy lit le procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est approuvée.
M. de Boe lit l'analyse des pièces adressées à la Chambre.
« Des habitants de Saint-Gérard demandent que les deux métaux soient employés à la confection des monnaies belges ; qu'on batte celui des deux métaux qui est le plus abondant ; que le rapport légal soit conservé dans toute son intégrité et qu'on admette l'or français sur le même pied que la France admet l'or belge. »
« Même demande d'habitants de Braine-le-Château, Etichove, Malines, Mons, Horrues, Ways et Bruxelles. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner la proposition de loi relative à la monnaie d'or.
« Des habitants de Puers demandent qu'il soit donné cours légal à la monnaie d'or de France. »
« Même demande d'habitants de Borsbeke. »
- Même renvoi.
« Le sieur Thiry demande que la loi qui rétablit l'examen pour le grade d'élève universitaire ne soit pas applicable aux élèves entrés aux universités avant le 1er janvier 1861. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif à l'examen du grade d'élève universitaire.
« Le sieur De Bois, brigadier de la gendarmerie pensionné, demande qu'il lui soit fait application de la loi du 21 juillet 1860, relative à la pension des gendarmes. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Gay, gendarme pensionné, demande que la loi du 21 juillet 1860 soit rendue applicable aux gendarmes pensionnés avant sa publication. »
- Même renvoi.
« Des habitants et industriels à Stekene prient la Chambre d'accorder à la compagnie Bauwens la concession d'un chemin de fer de Malines vers Terneuzen. »
- Même renvoi.
« L'administration communale de Saint-Amand-lez-Fleurus réclame l'intervention de la Chambre pour que le propriétaire exploitant d'une fabrique de liquide alcoolique à Waguelée, soit contraint à exécuter les mesures qui lui ont été prescrites dans l'intérêt de la santé publique. »
- Même renvoi.
« Des négociants à Seraing, Jemeppe, Tilleur et Liège, prient la Chambre d'empêcher les sociétés anonymes de se livrer à des opérations autres que celles qui sont déterminées par leurs statuts et de décréter une loi qui défende le payement des salaires en nature. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Des habitants d'une commune non dénommée demandent la construction des chemins de fer de Louvain à Bruxelles, de Hal à Ath et de Tournai à la frontière française ou du moins l'exécution de la ligne de Hal à Ath avant celle de Louvain à Bruxelles. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« M. le ministre de la justice transmet, avec les pièces de l'instruction, trois demandes de naturalisation. »
- Renvoi à la commission des naturalisations.
« Le sieur Durant adresse à la Chambre 120 exemplaires de l’Union médicale du 15 janvier et la prie de s'occuper du projet de loi sur l'art de guérir. »
- Distribution aux membres de la Chambre et dépôt à la bibliothèque.
M. le président. - Messieurs, nous sommes arrivés à la partie de l'article 3 concernant les matières soumises à l'examen.
Je soumettrai successivement à la discussion et au vote de la Chambre les différents numéros de l'article 3.
Cet article, est ainsi conçu :
« L'examen de gradué en lettres comprend :
« 1° Une traduction du français en latin ;
« 2° Une traduction du latin en français ;
« 3° Une traduction du grec en français ;
« 4° Une composition française ;
« 5° L'algèbre jusqu'aux équations du second degré ;
« 6° La géométrie plane ou la géométrie à trois dimensions, au choix du récipiendaire.
« Les récipiendaires qui se destinent à la candidature en sciences seront toujours interrogés sur la géométrie à trois dimensions.
« L'examen préalable à celui de candidat eu pharmacie comprend :
« 1° Une traduction du latin en français ;
« 2° Une rédaction française ;
« 3° L'algèbre jusqu'aux équations du second degré.
« L'examen préalable à celui de candidat notaire comprend :
« 1° Une traduction du latin en français ;
« 2° Une rédaction française ;
« 3° L'algèbre jusqu'aux équations du second degré ;
« 4° La géométrie plane.
« 5° La trigonométrie rectiligne.
« Ces examens ont lieu par écrit. »
Par amendement, l'honorable M. Van Humbeeck propose la suppression du numéro 1.
M. Van Humbeeck. - J'ai demandé la parole pour présenter une simple observation.
Je crois qu'il faut mettre immédiatement en discussion le premier objet qui figure à mon programme amendé, c'est-à dire l'explication d'auteurs latins à livre ouvert aux exercices littéraires.
En voici les motifs : cet article de mon programme remplace à la fois une traduction du français en latin et une traduction du latin en français, indiquées au programme du gouvernement et de la section centrale.
Mettre d'abord aux voix la suppression de la traduction du français en latin, ce serait s'exposer à faire triompher un système qui ne serait ni le mien, ni celui de la section centrale, ni celui du gouvernement.
Il pourrait arriver qu'après avoir supprimé la traduction du français en latin on n’augmentât pas les difficultés de la traduction du latin en français.
Ce qu'il y aurait de plus dangereux, ce serait d'adopter un système boiteux.
Je pense donc que la discussion doit d'abord porter sur le n°1 de mon programme.
M. le président. - M. Van Humbeeck demande que la discussion porte en même temps sur les n°1 et 2 du projet du gouvernement et sur le n°1 de son amendement.
M. de Naeyer. - Cela est impossible, l'article forme un ensemble ; il faut qu'il soit mis en discussion tout entier en même temps.
M. le président. - La Chambre a décidé le contraire.
M. de Haerne. - La Chambre a décidé que l'on séparerait les matières qui concernent le programme, la question de savoir si l'examen serait écrit ou oral ; mais je ne crois pas qu'elle ait décidé de séparer les diverses parties du programme dans la discussion.
Cela me paraît difficile, car dans l'opinion de plusieurs honorables membres il y a connexité entre plusieurs branches ; c'est ce que vient de faire ressortir l'honorable M. Van Humbeeck.
Je crois qu'il faut embrasser dans la même discussion toutes les matières du programme écrit, car les uns veulent élargir le programme sous le rapport littéraire ; d'autres, sous le rapport scientifique ; d'autres veulent adopter un moyen terme.
Il me semble donc qu'il serait impossible de prendre séparément l'une ou l'autre partie du programme.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, à la fin de la discussion de la dernière séance j'ai proposé de remettre la discussion et j'ai promis de donner des explications sur l'amendement que j'avais proposé avec l'honorable M. Van Humbeeck, amendement qui consistait à substituer à l'examen écrit l'examen oral et l'examen écrit.
(page 434) .
Que nous reste-t-il à régler ? Ce sont les matières qui font l'objet de l'examen oral et de l'examen écrit. L'examen écrit comprend les matières qui sont indiquées dans le programme du projet ; l’examen oral comprendra la traduction du latin en français, une traduction du grec en français et les mathématiques. L'examen écrit s'appliquerait aux thèmes : traduction du français en latin, ou si l'on vent, discours latin, ou composition latine. En outre, traduction du latin en français, examen écrit ; traduction du grec en français, examen écrit ; composition française, nécessairement examen écrit.
Voilà, messieurs, les matières qui sont comprises dans l'examen oral. De ces matières quelles sont celles qui feront l'objet de examen écrit ? Il y aura la traduction du latin en français à livre ouvert. Quant à la traduction du grec en français, j'attendrai la discussion pour me fixer définitivement sur ce point. De même pour les mathématiques, j'attendrai aussi la discussion pour savoir si je dois demander à la fois l'examen écrit et l'examen oral. Je crois que l'examen oral suffirait pour les mathématiques : les élèves ont l'habitude de répondre oralement, au tableau, aux questions. Si l'on exige ici à côté de l'examen oral un examen écrit-on compliquera peut être trop l'examen.
Quant à l’amendement de l’honorable M. Van Humbeeck, je ne puis m’y rallier. L’honorable membre veut que l’on substitue à la composition latine et à la version des explications d'auteurs latins et grecs. Ceci rentre plutôt dans l'examen de candidat en lettres que dans l'examen de gradué. On a fait ressortir les inconvénients qui résultaient de ces mots : « explications d'auteurs grecs et latins ». Il est arrivé, en effet, dans des examens que des élèves qui n'étaient pas très forts et que les professeurs voulaient ménager, trouvaient le moyen de n'avoir à traduire que quelques lignes faciles, tandis que la plus grande partie du temps fixé pour l'examen se passait en dissertations, en espèces de hors-d'œuvre qui dispensaient en quelque sorte l'élève d'avoir à répondre sur les parties essentielles de l'examen, d'avoir à donner une bonne traduction d'auteurs grecs et latins.
Je ne puis donc pas admettre la substitution proposée. ; je demande une composition latine, une version grecque, une traduction du latin en français et une composition française. L'honorable M. Van Humbeeck retranche, lui qui veut des exercices littéraires, qui veut relever la partie littéraire du programmé, retranche la composition française. Nous voulons conserver le caractère littéraire du programme, c'est pour cela que nous maintenons la composition française ; c'est là qu'on pourra apprécier la capacité littéraire de l'élève. Nous maintenons avant tout la composition française comme matière d'examen.
M. Devaux, rapporteur. - Nous avons décidé qu'il y aurait deux examens, une épreuve orale et une épreuve, écrite ; nous sommes d'accord là-dessus. Maintenant je crois qu'il faut s'occuper séparément de ce qui fera l'objet de chacun des deux examens ; l’examen écrit étant le plus important, l'autre n'en étant qu'une contre-épreuve, il convient de régler d'abord ce qui doit faire l'objet de l'examen écrit ; après, quand on aura déterminé les matières qui doivent faire partie de cet examen, on pourra se décider plus aisément sur ce qui devra constituer l'examen oral.
Je demande donc qu'on commence par discuter la partie du programme qui fera l'objet de l'examen écrit dans les termes que vient d'indiquer M. le ministre de l'intérieur.
M. le président. - Il faudrait revenir sur les décisions prises par la Chambre, à l'exception de la première partie qui a reçu une solution. La Chambre a décidé qu'elle s'occuperait d'abord de la question de savoir s'il y aurait un examen écrit et un examen oral et qu'elle discuterait ensuite successivement chacun des numéros du programme.
M. Devaux. - Je ne m'oppose pas à ce qu'on suive l'ordre que vient d'indiquer M. le président, mais je demande que l'on commence par les numéros qui doivent faire partie de l'examen écrit.
M. le président. - Je prie M. le ministre de l'intérieur de me faire passer l'indication des numéros qu'il propose de comprendre dans l'examen écrit,
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Ce sont les quatre premiers numéros.
M. le président. - Ainsi l'examen écrit comprendrait, d'après la proposition du gouvernement, la traduction du français en latin, la traduction du latin en français, la traduction du grec en français et une composition français.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Sauf rédaction en substituant la composition latine à la traduction du français en latin.
Ce sont les quatre premiers
M. le président. - Je demanderai à M, Van Humbeeck de s'expliquer sur son amendement, afin que je puisse le mettre en rapport avec les différentes parties du projet du gouvernement.
M. Van Humbeeck. -J'ai d'abord une explication à demander à M. le ministre de l'intérieur. Entend-il que la traduction du latin en français, qui fera l'objet de l'examen écrit, ait lieu sans dictionnaire ? S'il en était ainsi, la traduction se faisant dans l'examen oral à livre ouvert ; cela suppléerait à l'article premier de mon amendement ; je renoncerais même aux explications et aux exercices littéraires.
M. le président. - M. le ministre de l'intérieur propose de substituer la composition latine à la traduction du français en latin.
M. de Naeyer. - Je crois que le premier programme du gouvernement était bien conçu. Je ne sais pas pourquoi M. le ministre veut y introduire un changement. Voici, je pense, quelle était l'économie des premières propositions qui nous ont été soumises.
On veut, dans cet examen, constater la capacité de l'élève sons un triple point de vue : d'abord en ce qui concerne ses connaissances littéraires proprement dites ; ensuite en ce qui concerne ce que j'appellerai les connaissances linguistiques, et en troisième lieu en ce qui concerne ses connaissances mathématiques.
Quant aux autres matières qui font généralement partie de l'enseignement moyen tel qu'il est donné dans notre pays, les connaissances géographiques, historiques, cosmographiques, physiques et autres, on s'est contenté d'une présomption, et je crois qu'on a bien fait, parce que la preuve directe entraînait de très graves inconvénients ; inconvénients que l'expérience a révélés et qui consistent en ce que l'enseignement moyen perd son véritable caractère, devient une affaire de mémoire.
Je crois donc que, sous ce rapport déjà, le programme du gouvernement était bien conçu.
Maintenant le moyen indiqué pour faire cette constatation était-il bon ?
D'abord, quant aux connaissances littéraires, que propose-t-on ? De faire une composition. C'est le moyen le plus clair, le plus logique ; il est impossible d'en indiquer un autre aussi concluant. On veut savoir si l’élève a acquis une certaine valeur littéraire. On lui fait faire un travail de composition. On lui laisse le choix de la langue. Il emploiera celle qui lui est la plus familière.
M. de Haerne. - C'est le fond.
M. de Naeyer. - Ne discute-t-on pas le fond ?
M. le président. - Non, nous devons avant tout établir l'ordre de la discussion.
M. de Naeyer. - J'espère, M. le président, qu'on ne discutera pas séparément chacun des numéros ; car, comme vous venez de l'entendre par les explications que j'ai données, il me serait impossible de renfermer mes observations dans un seul numéro.
M. le président. - Il importe de fixer clairement l'ordre de la discussion.
M. le ministre de l'intérieur propose de soumettre d'abord à la discussion de la Chambre les quatre premiers numéros qui doivent former la matière de l'examen écrit, et il demande aussi qu'au lieu d'une traduction du français en latin, on dise : une composition latine. J'ai demandé et je demande encore à M. Van Humbeeck si, sur ce premier point, il maintient son amendement.
M. Van Humbeeck. - J'ai déclaré que j'avais besoin d'une explication de M. le ministre de l'intérieur. Entend-il que la traduction du latin en français se fasse, pour l’examen écrit, avec ou sans dictionnaire ? Si c'est sans dictionnaire, en admettant la traduction à livre ouvert pour l'examen oral, on se rapprocherait beaucoup de l'article premier de mon amendement.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je pense qu'en discutant paragraphe par paragraphe, on irait plus vite. Dans le projet du gouvernement, on interdit le dictionnaire pour la traduction du français en latin, pour le thème. La section centrale a retranché cette réserve. Si nous substituons les mots « composition latine » au mot « thème », il peut encore moins être question de dictionnaire.
Pour la version, le projet du gouvernement admet le dictionnaire et nous devons le maintenir d'autant plus que l'examen oral, portant sur une traduction du latin en français, se fera nécessairement sans (page 435 dictionnaire. L'examen oral se fait sans dictionnaire, c'est un motif de plus de conserver le dictionnaire pour la version écrite.
Voilà la réponse que j'ai à faire à l'honorable M. Van Humbeeck, en appelant son attention sur la modification qui résulte de l'introduction de l’examen oral, cet examen se faisant nécessairement sans dictionnaire.
M. le président. - M. Van Humkeeck maintient-il son amendement ?
M. Van Humbeeck. - Les explications de M. le ministre de l'intérieur démontrent que la proposition nouvelle conduit à une transaction honorable entre les systèmes en présence. Je ne maintiendrai donc pas mon amendement en ce qui concerne le premier numéro, mais je persiste à demander pour le moment la suppression d'une composition française et la suppression d'une traduction du français en latin.
M. de Theux. - Je voulais faire la proposition qui a été faite par M de Naeyer, et par conséquent je l'appuie. Elle est tout à fait conforme au règlement. Je ne m'oppose pas à ce qu'au moment du vote on échange quelques observations sur chaque numéro, mais je crois qu'on ne peut pas priver la Chambre d'une discussion générale et je ne pense pas qu'il y ait le moindre avantage à le faire.
M. le président. - M. de Naeyer propose une discussion générale sur les matières qui doivent être comprises tans l'examen écrit.
- Cette proposition est adoptée.
M. le président. - La discussion s'ouvre sur ce qui doit faire l'objet de l'examen écrit, c'est-à-dire, sur les 4 premiers numéros de l'article 3 et sur les deux parties de l'amendement de M. Van Humbeeck qui consistent à supprimer la composition française et la traduction du français en latin.
Je dois ajouter que M. le ministre substitue par amendement une composition latine à la traduction du français en latin et que M. de Naeyer combat cet amendement et propose de maintenir la traduction du français en latin.
La parole est à M. de Haerne.
M. de Haerne. - Messieurs,, je demanderai pendant quelques instants l'attention de la Chambre, pour appuyer la proposition que vient de faire l'honorable ministre de l'intérieur et qui a pour objet de substituer une composition latine à la traduction du français en latin. J'avais fait moi-même cette proposition dans la 6ème section où j'ai eu l'honneur de me trouver avec M. le ministre.
Je n'insisterais peut-être pas sur cette partie du programme si nous n'étions pas en présence d'une proposition qui tend à supprimer tout à la fois la composition latine et le thème, c'est-à-dire la traduction du français en latin.
C'est l'amendement de l'honorable M. Van Humbeeck qui tend à retrancher cette partie de l'examen, selon moi essentielle.
Je trouve, messieurs, que l'amendement de M. Van Humbeeck simplifie un peu trop le programme au point de vue littéraire ; mais que, de l’autre côté, il l’aggrave au point de vue scientifique. J’ai toujours pensé que pour conserver les bonnes études, il fallait fortifier l’examen littéraire et simplifier l’examen scientifique. Plusieurs membres, dans la discussion générale et même dans la discussion de quelques articles, ont indiqué comme but à atteindre, dans un avenir plus ou moins éloigné, un jury professionnel semblable à celui qui fonctionne en Angleterre, où les diplômes sont conférés par des corporations indépendantes des universités et du gouvernement.
Pour tendre à ce but, on voudrait aussi, dans un avenir plus ou moins éloigné, donner aux diverses universités le droit de conférer les grades académiques.
Lorsque cette question a été soulevée pour la première fois, je ne l'ai pas combattue ; mais je l'ai toujours considérée comme une question d'avenir, pour la solution de laquelle l'opinion n'était pas mûre en Belgique.
C'est donc un principe de tendance que j'admets comme tel, et si ceux qui s'y rallient veulent être conséquents avec eux-mêmes, ils doivent faire ce qui est possible pour déblayer la voie qui doit nous y conduire. Mais au heu de déblayer la voie, on semble vouloir l'obstruer, en compliquant l'examen qu'il s'agit d'organiser.
Ceci étant dit comme observation préalable, j'arrive à la proposition même qui nous est soumise.
Un grand nombre de partisans du jury d'élevé universitaire ont demandé un examen écrit et un examen oral, et nous avons décidé qu'il y aura à la fois un examen oral et un examen écrit. Pour l'examen écrit dont nous nous occupons maintenant, il s'agit de savoir s'il faut retrancher la composition latine proprement dite ou le thème latin, et y substituer des exercices littéraires à faire de vive voix.
Je ne puis partager cette opinion, quoique je sois partisan de l'examen oral, et que je veuille lui donner une signification sérieuse.
Il est vrai que l'honorable M. Van Humbeeck, dans le discours très sensé, à son point de vue, qu'il a prononcé dans la séance de vendredi dernier, dit qu'il considère cet examen comme un dédoublement de l'examen de candidature en philosophie et lettres : c'est là le point de départ de l'honorable membre.
J'admets cette opinion jusqu'à un certain point ; je veux aussi un dédoublement de l'examen de candidat en philosophie et lettres. Mais il y a différentes manières de procéder à ce dédoublement, et l'on peut retrancher une partie plus ou moins considérable, plus ou moins importante de l'ancien examen de candidat en philosophie et lettres.
Toute la question est là, il s'agit de savoir quelle partie il faut détacher de cet ancien examen pour avoir un dédoublement convenable et qui soit en rapport avec le progrès des études d'humanités. Eh bien, c'est en cela que je diffère de l'honorable M. Van Humbeeck : je pense que nous devons, dans l'examen écrit, appuyer sur la partie littéraire.
Il est décidé, il est vrai, et je pense que ce vote sera maintenu lorsque la Chambre procédera à la seconde épreuve ; il est décidé que l'examen pour l'obtention du titre de gradué en lettres ne doit pas se faire immédiatement au sortir du collège ; on pourra entrer à l'université, avant de subir l'examen.
Sous ce rapport, nous entrons dans le système hollandais, tel que je l'ai expliqué dans la discussion générale ; mais, comme l'a très bien fait remarquer l'honorable M. Van Humbeeck, il s'établira entre les divers établissements une certaine émulation pour que leurs élèves subissent l'examen au sortir de la rhétorique.
Or, c'est précisément pour cela qu'il faut que l'examen soit plus littéraire, qu'il soit plus conforme à ces études humanitaires qu'on viendra de terminer.
Je soutiens que les humanités, comme le dit l'honorable M. Van Humbeeck aussi, ont un grand rapport avec la philosophie. Mais il envisage la philosophie comme faisant partie des humanités ; je dis, au contraire, qu'à mon point de vue, les humanités font partie de la philosophie, parce que la philosophie embrasse toutes les connaissances humaines.
L'honorable membre dit aussi que, selon lui, l'enseignement humanitaire est un enseignement sans conclusion, à moins qu'on n'y joigne la philosophie, à moins qu'on ne fasse faire un examen comme l'examen de maturité qui existe en Prusse, par exemple.
Ce sont là, sinon les expressions, au moins ses idées. Messieurs, je ferai remarquer que l'examen de maturité qui existe en Prusse n'est pas non plus une œuvre achevée.
Ce n'est pas un enseignement complet qu'embrasse cet examen, du moins en ce qui concerne la philosophie ; car, d'après l'honorable M. Van Humbeeck lui-même, cet examen comprend pour branches de philosophie d'abord une simple introduction à la philosophie, en second lieu la religion, 3° la logique pour la partie formelle ou la dialectique, 4° la psychologie expérimentale.
Eh bien, messieurs, s'il y a dans ce programme quelque chose d'achevé, pour autant qu'une chose puisse être achevée dans un examen philosophique et littéraire, je n'y vois de complet que l'article qui comprend la religion, parce que la religion présente un ensemble. Pour tout le reste, je n'y vois qu'une introduction aux études supérieures. Par conséquent l'examen de maturité qui existe en Prusse est un dédoublement de l'examen en philosophie dans le genre de celui que nous proposons, sauf que c'est un dédoublement un peu plus fort que celui que j'ai l'honneur de proposer et qui correspond à l'enseignement des collèges belges.
Je suis d'accord avec d'honorable membre pour dire que la philosophie complète l'intelligence, surtout en ce qu'elle initie l'homme aux nombreux systèmes qu'on y rencontre et qui le ramènent aux connaissances positives qu'on trouve dans la société.
On connaît l'opinion de Bacon : un peu de philosophie éloigne de la religion, tandis que beaucoup de philosophie y ramène. Selon moi la littérature fait partie de la philosophie. Si le style est l'homme, comme l'a dit Buffon, s'il fait connaître l'homme, il donne une idée de la psychologie expérimentale à celui qui sait étudier les auteurs à fond.
Qu'y a-t-il de plus instructif, par exemple, au point de vue de la connaissance du cœur humain, des opérations, des sentiments, des passions de l'âme que la lecture des lettres de Mme de Sévigné ? Qu'y -t-il de plus important, au même point de vue, que l'étude des (page 436) ouvrages de Fénelon, de Bossuet, pour apprécier les caractères révélés dans les chefs-d'œuvre de ces grands hommes ?
C'est une psychologie expérimentale ou du moins c'est une étude littéraire qui conduit le philosophe, le bon étudiant à la connaissance des sentiments et des passions de l’âme.
Donc il y a quelque chose de psychologique dans ces belles études
Si la littérature en général est, comme l'a dit de Bonald, l'expression de la société, elle se rapporte aussi, sous ce rapport, à la philosophie, elle se rattache aux sciences sociales, en ce qu'elle résume la société tout entière. Ou découvre encore là un horizon philosophique.
Ainsi, nous n'admettons pas que les humanités soient un enseignement sans conclusion.
La société ou l'humanité se meut, en dehors des systèmes philosophiques, dans un cercle de croyances, d'idées, d'opinions, de mœurs et d'usages. C'est la littérature qui nous initie à toutes ces connaissances, et on l'appelle l'étude de l'humanité, parce qu'elle est le tableau vivant de l'humanité !
Messieurs, tels sont les arguments qu'a fait valoir en faveur de sa thèse l'honorable M. Van Humbeeck, qui seul est en opposition avec nous sous ce rapport.
Ce que je viens d'avancer est vrai surtout pour les nombreux établissements où il existe des cours de philosophie ou de catéchisme philosophique, comme on dit, établissements religieux dans lesquels on enseigne la connaissance positive de la religion dans ses rapports avec la philosophie, comme en Prusse par exemple.
J'ajouterai, messieurs, que, dans nos meilleurs collèges, il y a, parmi les étudiants appartenant aux cours supérieurs, des sociétés littéraires dans lesquelles, sous la présidence du professeur et en présence d'un certain nombre d'élèves des classes inférieures, et en présence d'autres professeurs, il se fait des exercices sur des matières religieuses et philosophiques, ainsi que sur d'autres sujets purement littéraires ou historiques.
On y fait des analyses littéraires et oratoires, des discours et même des essais d'improvisation.
Je dois le dire, messieurs, si le programme dont il s'agit n'est pas suffisamment littéraire, vous vous exposez à faire tomber ces bonnes institutions, auxquelles nous attachons une très grande importance ; c'est pour cela que nous tenons à ce que l'examen de gradué en lettres ne vienne pas
Maintenant, messieurs, il s'agit de savoir s'il suffit d'un thème, comme on l'appelle, ou d'une traduction du français en latin, ou bien s'il vaut mieux avoir une composition latine. C'est la seconde question.
Messieurs, la composition latine que j'ai eu l'honneur de proposer dans ma section n'a pas pour but de former des orateurs latins, ce serait une erreur de s'imaginer que c'est le but de la proposition.
Cette idée n'a été émise que dans le but de mieux faire apprécier les chefs-d'œuvre de l’antiquité, que l'on n'analyse pas assez bien, qu'on n'approfondit pas suffisamment, lorsqu'on ne se livre pas à des exercices en rapport avec ces grands modèles.
Les jeunes gens chez les anciens Romains s'exerçaient à des compositions, à des déclamations en langue grecque, comme on les appelait. Cicéron se livrait à ces sortes d'exercices ; « Cicero ad prœturam usque graece declamavit. » Il n’avait certes pas l'intention de devenir un orateur grec ; mais, par l'étude approfondie et la connaissance pratique des chefs-d'œuvre d'Athènes, il briguait l'honneur de devenir le Démosthène latin.
C'est dans ce sens que nous voulons la composition latine. Telle est la valeur que nous y attachons. C’est en identifiant pratiquement les élèves avec les auteurs latins que nous voulons former des orateurs, des littérateurs eu langues modernes.
Si l'on n'a pas exercé l'élève sur ce qui se rapporte à l'invention, à la distribution, à l'élocution, si on ne l'a pas obligé à se livrer à des exercices littéraires, on peut y suppléer jusqu'à un certain point, je l'admets, par des discours français, par des discours dans une des langues nationales ; mais on abandonne alors l'étude approfondie des auteurs anciens, on ne fait plus que du mot à mot dans les collèges, et la seconde, comme la rhétorique deviennent des répétitions de la classe de troisième. C'est là un système qui tend à amoindrir la partie littéraire de l'examen, à abaisser le niveau des études classiques.
L'honorable M. Van Humbeeck, par son amendement, proposait des exercices littéraires.
M. Van Humbeeck. - En présence des explications de M. le ministre de l'intérieur, je renonce à cette partie.
M. de Haerne. - Donc je n'ai point à insister sur ce point ; mais je dirai en passant qu'en demandant une composition latine on force les élèves à des exercices littéraires dans les cours du collège, et l'on atteint ainsi le but de l'honorable membre ; c'est encore une raison pour laquelle j'appuie sur la composition latine. On n'est pas apte à faire une bonne composition latine, lorsqu'on ne s'est pas livre à de fortes analyses des auteurs latins. Les historiens mêmes, tels que Sallustre, Tite-Live, Tacite, abondent eu morceaux oratoires, eu discours appartenant à tous les genres d'éloquence.
La composition latine, messieurs, initie à la connaissance approfondie des auteurs de l'antiquité, qui sont évidemment les premiers, les anciens étant nos maîtres dans les arts en général ; si nous avons des chefs-d'œuvre en littérature par exemple, si nous avons un Bossuet, qu'on peut comparer aux plus grands auteurs anciens, nos auteurs modernes n'ont pas la consécration du suffrage universel de la république des lettres.
Les auteurs français ne sont pas classiques en Angleterre, par exemple, pas plus que Shakespeare, Milton, Pitt et Fox ne le sont en France ou chez nous. Les grands écrivains de l'antiquité sont classiques dans l’enseignement de tous les peuples civilisés. On ne peut mettre sur la même ligne que quelques pères de l'Eglise, tels que saint Chrysostome, saint Basile, saint Grégoire de Nazianze, qu'on explique aussi chez nous, particulièrement pour christianiser les études.
il faut donc ramener les études littéraires à leurs sources, aux sources anciennes, qui sont reconnues comme les meilleures partout. Telle est la signification que nous attachons à la composition latine.
Quant au discours français, que je demande avec le gouvernement, parce qu'il est essentiel, parce qu'il tend à développer et à constater les connaissances, les facultés intellectuelles et morales des jeunes étudiants ; quant au discours français, dis-je, l'honorable M. Van Humbeeck a fait contre cet exercice une objection, à laquelle je tiens à répondre. Il a dit : il est difficile d'apprécier les compositions littéraires tant en français qu'en langues anciennes ; et pour ce motif l'honorable membre n'aime pas, dit-il, le discours français.
Je reconnais, messieurs, que sous ce rapport comme sous bien d'autres, il peut y avoir des divergences d'opinions, des appréciations différentes dans la correction. C'est là un inconvénient qui se présente aussi pour la traduction ; on peut également différer d'opinions sur une bonne traduction, attendu qu'il ne s'agit pas d'une traduction quelconque, mais d'une traduction qui se recommande par une certaine élégance, par une tournure convenable.
Pour répondre à cette objection je ferai remarquer qu'il ne faut pas perdre de vue que le jury se composera de plusieurs membres, de sept, je pense ; de sorte que les divergences qui pourront se présenter se neutraliseront et disparaîtront par la moyenne des points accordés par les divers membres au même travail.
Voilà ce que la pratique enseigne, et jamais je n'ai entendu formuler des objections de ce chef, ni énoncer des plaintes de la part des élèves ou de la part des professeurs qui faisaient partie de l'ancien jury.
Il importe donc de bien régler le système des points, et, à cet égard, je dirai en passant (quoique ceci ne soit pas en discussion) que le plus grand nombre de points me semble devoir être accordé à l'examen écrit. Sans cela, l'examen écrit n'aurait pas l'importance qu'il doit avoir.
On doit cependant attribuer à l'examen oral un nombre de points assez important, pour que ce examen soit sérieux.
Quant à la distribution des points entre les diverses branches de l'examen, l'ordre dans lequel ces branches se trouvent classées, d'après le programme du projet de loi, prouve suffisamment que le gouvernement saura donner à chaque branche sa véritable importance relative.
Il serait bien difficile, sinon impossible, de fixer par la loi le nombre de points, qu'il faut attribuer à telle ou telle matière ; on peut s'en rapporter à la loyauté du gouvernement, qui comprendra ce qu'il faut faire à cet égard. Mais la bonne distribution des points est essentielle.
Messieurs, en m'énonçant comme je viens de le faire en faveur de la composition latine, j'ai en vue les progrès des lettres et des bonnes études.
C'est là, soyez-en persuadés, le principal stimulant qu'on puisse donner à la rhétorique, le meilleur moyen de relever le niveau des études classiques.
N’oubliez pas, messieurs, que la composition latine faisait partie de l'examen sous la première institution du grade d'élevé universitaire. Je dois dire que j'ai rencontré à cette époque des élèves d'athénées (page 437) aussi bien que des élèves de collèges privés, qui se sont distingués dans cette partie. Je pourrais citer, entre autres, le fils d'un de nos anciens collègues dont nous déplorons tout la perte, et qui a passé son examen en composition latine de la manière la plus brillante, devant le jury dont je faisais partie à Bruges. Ce jeune homme était élève de l'athénée de cette ville. Je ne suis donc pas guidé, vous le voyez, par le désir de favoriser certains collèges particuliers ; non, je n'ai en vue que le progrès des bonnes études.
Je n'ai pas de préférence, quant à l'examen, pour telle ou telle institution ; mon unique but est d'encourager les études classiques et, par conséquent, d'en relever le niveau.
- M. Guillery renonce à la parole.
M. Van Humbeeck. - Je demande à faire une déclaration en deux mots. En disant, il y a quelques instants, que je renonçais à une partie de mon amendement, je demandais le temps de la réflexion pour me prononcer sur les autres parties.
Sur la question littéraire la divergence entre M. le ministre de l'intérieur et moi ne concernait plus que la composition latine et la composition française ; ces deux matières, d'après moi, étaient d'une appréciation trop arbitraire.
Je persiste à croire cette objection très sérieuse ; cependant, je ne veux pas maintenir un débat qui ne porterait que sur un point, à propos duquel l'opinion de la Chambre me paraît dès maintenant faite et contraire à la mienne. Sur la partie des mathématiques, comme je l'ai toujours considérée comme accessoire, la transaction est encore plus facile ; j'adhère donc à la formule proposée par M. le ministre de l'intérieur au commencement de la séance.
M. le président. - M. Van Humbeeck renonce donc à son amendement sur l'article 3.
M. de Naeyer. - Je disais tout à l'heure que ce que je trouvais de meilleur dans l'examen, c'était le programme proposé par le gouvernement avec les modifications peu importantes introduites par la section centrale ; cependant je n'insiste pas sur la question qui a été tranchée par un vote précédent et qui décide qu'une partie de l'examen se fera par écrit, et l'autre oralement.
L'avantage du programme qui nous a été soumis d'abord, le voici : c'est qu'il porte le moins d'atteinte possible à la liberté des méthodes. En effet, on s'attache uniquement à constater les résultats, en faisant abstraction de la marche suivie pour les obtenir, ou laisse à chaque établissement, à chaque professeur la liberté de suivre la méthode qui lui paraît la meilleure. On se borne absolument à constater quelle est la capacité du récipiendaire 1° au point de vue littéraire, 2° en ce qui concerne les langues anciennes, 3° en ce qui concerne la géométrie et l'algèbre. Je ne m'occupe pas en ce moment de cette dernière partie qui, suivant les nouvelles propositions du gouvernement, ferait l'objet d'un examen oral.
Je crois qu'on donne aussi à l'examen officiel son véritable caractère ; car il ne faut pas confondre cet examen avec les examens qui se font dans l'école, qui doivent servir tout à la fois d'instruction aux élèves et de direction aux professeurs, ils servent d’instruction aux élèves en développant et en rectifiant leurs idées, en faisant entrer plus profondément dans leur esprit les explications données par le professeur ; ils servent en même temps de direction au professeur eu lui permettant d'apprécier quelles sont les parties de son enseignement qui ont été bien comprises par les élèves, quelles sont celles qui exigent des développements et des éclaircissements ; mais l'examen officiel a un tout autre caractère, il ne s'agit plus ici ni d'instruction pour l'élève ni de direction pour le professeur, il s'agit uniquement de constater si le récipiendaire a acquis l'aptitude nécessaire pour faire des études universitaires ; en d'autres termes, s'il a fait convenablement ses humanités.
Pour apprécier sainement le programme, il importe donc, avant tout, de se fixer sur le véritable but des humanités ; or, je pense qu'aujourd'hui on est généralement d'accord pour admettre que l'enseignement moyen, considéré comme enseignement préparatoire aux hautes études, n'est pas destiné essentiellement à entasser dans l'esprit de l’élève une foule de notions historiques, géographiques, mathématiques, philologiques et autres, à peu près sur toutes les sciences inventées jusqu'à ce jour ; cet enseignement a un but plus spécial, mais en même temps plus grand et plus élevé ; on l'a caractérisé parfaitement par la dénomination de gymnastique intellectuelle, il s'agit, en effet de rendre l'élève capable de cultiver la science proprement dite, il s'agit de développer les plus précieuses facultés de l'intelligence, l'imagination, le jugement, la raison, la sensibilité morale et esthétique ; il s'agit par conséquent d'habituer les élèves à manier les deux grands instruments de la culture intellectuelle, la réflexion et la méditation.
M. de Haerne. - Je n'ai pas dit autre chose.
M. de Naeyer. - Nous sommes d'accord sur le but, mais non sur les moyens de constater si ce but a été convenablement atteint. J'ai voulu d'abord fixer le but pour discuter plus facilement les moyens.
Le but le plus noble et en même temps le plus utile des humanités, c'est d'apprendre à l'élève à penser et à exprimer sa pensée. Tout devrait être subordonné à cette partie principale de l'enseignement. Maintenant il est bien évident que pour constater, sous ce rapport, la capacité de l'élève, le moyen le plus certain et le plus concluant c'est évidemment un travail de composition ; car un travail de ce genre met en action les grandes facultés de l'intelligence tout en faisant appel à la spontanéité de l'élève ; il est donc de nature à fournir la preuve la plus convaincante des progrès dans l'art de penser et d'écrire, qui constitue en réalité la valeur littéraire de l'individu. Voilà pourquoi, dans ma manière de voir, le travail de composition devrait figurer en tête du programme. Mais je voudrais qu'on laissât à l'élève le choix de la langue, c'est-à-dire qu'on lui laissât la faculté de composer en français ou en flamand.
Je crois que cela serait parfaitement juste. On veut savoir si le récipiendaire sait penser et écrire, pourquoi le forcer à penser et à écrire dans telle langue plutôt que dans telle autre ? Pourquoi ne pas lui laisser le choix de l'instrument qu'il veut employer pour prouver sa capacité ? Mais ce qu'il m'est impossible d'admettre, c'est que l'élève, ayant fait preuve de capacité littéraire proprement dite, par une composition en français ou en flamand, soit encore oblige de faire un discours latin, c'est-à-dire, d'écrire dans une langue dont il ne doit plus faire usage pour exprimer sa pensée.
Il y a évidemment un double emploi, et il y a en même temps une véritable confusion entre les connaissances littéraires proprement dites et les connaissances linguistiques. Si l'élève a prouvé par la composition dans la langue qu'il a choisie, qu'il est assez avancé dans l'art de penser et d'écrire, pourquoi lui imposer encore l'obligation de faire une composition latine qui, au point de vue littéraire, sera nécessairement inférieure ?
Le but réel, l'épreuve qu'il doit subir quant au latin, est évidemment de prouver qu'il connaît cette langue, en ce sens qu'il est à même de comprendre les chefs-d'œuvre de la littérature latine, et d'en apprécier les beautés ; il s'agit là de connaissances linguistiques proprement dites, et sous ce rapport le thème est au moins aussi concluant qu'une composition.
Il faut peut-être plus de connaissance de la langue latine pour faire un bon thème, que pour faire une composition, car dans la composition on a le choix des phrases, on peut tourner les difficultés soit en prenant une autre idée, soit en recourant à la périphrase ; dans le thème, la difficulté qu'on rencontre il faut la vaincre et on ne peut la vaincre qu'autant qu'on connaît bien la langue.
M. de Haerne. - C'est pour cela que je préfère la composition.
M. de Naeyer. - Cependant vous voulez qu'on sache le latin, ce n'est pas du latin de cuisine que vous voulez, et cependant on vous en fera si vous demandez des compositions latines à des élèves qui ne seraient pas en état de faire un bon thème latin ; je crois donc que cela n'est avantageux ni au point de vue littéraire ni au point de vue linguistique.
Vous disiez qu'en exigeant une composition en latin, vous forcerez les élèves à mieux approfondir les auteurs anciens. C'est là une question de méthode qui ne doit pas être tranchée par un programme d'examen.
Tout le monde n'est pas d'accord là-dessus.
Il y a des professeurs qui croient qu'il n'est pas nécessaire d'imposer aux élèves en général des compositions latines, pour leur faire saisir les beautés de la littérature latine, et qui pensent que l'art de penser et d'écrire, dans une seule langue, présente assez de difficultés pour qu'on dispense les élèves d'exprimer en outre leur pensée dans une langue morte qu'ils n'auront plus à manier ultérieurement. Cette question, nous voulons la laisser entière, nous n'entendons interdire à personne de faire des discours latins et même des vers latins, mais nous ne voulons pas donner tort à ceux qui croient que cela n'est pas nécessaire pour comprendre parfaitement la langue latine et apprécier les beautés littéraires des ouvrages écrits dans cet idiome. Or tout ce que vous avez le droit d'exiger ici des récipiendaires, c'est qu'ils prouvent qu'ils savent le latin, et vous n'avez pas à vous enquérir de la manière dont ils ont acquis cette connaissance. Sous ce rapport, il me paraît (page 438) évident que la première proposition du gouvernement respecte davantage la liberté des méthodes.
- Une voix. - Si on lui donnait le choix.
M. de Naeyer. - Si on voulait laisser le choix à l'élève, je n'y verrais pas grand inconvénient. Cependant, il faut une certaine uniformité dans les examens, sinon on créerait des bigarrures. Du reste, je ne fais ici que reproduire les excellentes raisons qui ont été données dans le sein de la section centrale, pour écarter la composition latine et maintenir le thème latin.
Du reste, je comprends d'autant moins l'importance extrême que l'honorable M. de Haerne attache à la composition latine que cet honorable membre nous a fait observer l'autre jour avec beaucoup de raison qu'aujourd'hui les langues modernes avaient acquis un très grand comme degré de perfection, et que le latin cessait naturellement d'être employé comme moyen d'exprimer sa pensée.
Je crois que cette raison est excellente, d'autant plus que l'expérience est conforme à cette appréciation.
Je demande donc qu'on maintienne le thème comme remplissant le but qu'on s'est proposé.
M. le président. - Vous reprenez donc le n°1 tel qu'il avait été formule d'abord par le gouvernement ?
M. de Naeyer. - Oui, M. le président.
M. de Theux. - Je demanderai d'abord à M. le ministre de l'intérieur s'il entre dans la pensée du gouvernement d'établir des distinctions relativement à l'examen de gradué en lettres. C'est une question préalable, qui doit influer nécessairement sur la composition du programme.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Le projet de loi n'établit pas de distinction.
M. de Theux. - Messieurs, si le système des distinctions admis pour les grades académiques avait été établi également pour celui de gradué en lettres, j'aurais mieux compris la composition latine, parce que cette composition étant faite avec succès, aurait pu exercer une grande influence sur l'obtention de la distinction.
Mais, s'il n'y a pas de distinction, c'est que le gouvernement veut abandonner les encouragements aux établissements eux-mêmes, qui distribuent des prix de diverses catégories. Alors la loi, me semble-t-il, n'a qu'à s'occuper d'une chose positive : Les élèves, en général, sont-ils aptes à suivre les cours de l'université ? Eh bien, je pense qu'un thème convenablement fait et une traduction latine suffisent pour constater une connaissance suffisante du latin, préparatoire aux études de la faculté des lettres. Il faut remarquer que, dans la faculté des lettres, vous avez pour le latin ce qu'avait proposé l'honorable M. Van Humbeeck ; pour le grade de candidat, il faut l'explication d'auteurs latins à livre ouvert et des exercices philologiques et littéraires sur la langue latine.
On aurait donc, pour l'épreuve de gradué, la traduction du latin en français et la composition d'un thème. Ce serait le premier degré. Le second degré serait réservé à l'université.
Si le gouvernement avait établi le système des distinctions, je crois qu'alors le discours eût été préférable, parce que ces distinctions auraient pu être accordées selon que ce discours eût été plus ou moins parfait.
Mais je ne vois pas non plus la nécessité d'établir ces distinctions qui, souvent, sont l'objet de tiraillements entre les établissements. Je comprends le but pour lequel M. le ministre ne le propose pas ; mais pour les élèves qui veulent s'adonner aux études des lettres, il y a la concurrence entre les établissements eux-mêmes.
Voilà, me semble-t-il, la manière pratique d'apprécier la position.
Quant à la composition française, on peut être plus sévère, parce que nous n'avons pas cet exercice dans le grade de candidat en lettres.
Je bornerai là mes observations sur ce paragraphe, qui ne me semble pas demander des développements extraordinaires.
M. Muller. - Je demanderai une explication à M. le ministre de l'intérieur.
Je n'ai pas très bien compris si, dans son nouveau système, le dictionnaire sera applicable à tout ou partie des matières renfermées dans l'examen écrit ; si, par exemple, l'emploi du dictionnaire sera autorisé pour la composition latine, s'il sera en même temps autorisé pour la traduction.
Jusqu'à présent nous connaissons pas d'une manière bien nette l'opinion de M. le ministre de l'intérieur sur ce point.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, dans le système du thème, de la traduction du français en latin, je maintenais le dictionnaire.
Dans le système de ce que nous avons appelé la composition latine, je crois que l'on peut retirer le dictionnaire à l'élève. A mon sens, la composition latine, substituée au thème latin, donne en quelque sorte un vernis plus littéraire à notre programme, une enseigne plus littéraire, si l'on veut. Si l'on veut pénétrer au fond des choses, je reconnais qu'il est plus difficile pour un élève de faire un bon thème latin que de faire une bonne composition latine, une bonne narration, un discours, parce que l'élève peut avoir la tête meublée d'un certain nombre de mots latins, qu'il agencera d'une manière plus ou moins convenable. Il n'est pas renfermé dans la phrase française qui quelquefois même est choisie pour susciter une difficulté. C'est un combat entre les deux langues. Lorsque l'élève est maître de la pensée, il peut trouver vingt tournures différentes pour échapper à la difficulté ; le thème avec le dictionnaire est plus nécessaire, parce que l'élève est renfermé dans le texte qui lui est soumis.
Quant à la question en elle-même, elle n'a pas une très grande portée, il ne faut pas se le dissimuler.
J'ai dit pourquoi je proposais de substituer la composition latine au thème latin. Mais je l'avouerai à la Chambre, je le faisais dans un autre but, je le faisais spécialement pour être agréable à l'honorable M. de Haerne, qui a souvent fait des observations à cet égard, et qui a soutenu cette proposition dans ma section. Je pensais que son opinion était partagée par ses honorables amis. Mais qu'on adopte l'une ou l'autre chose, j'avoue que j'y reste à peu près indifférent. L'important, c'est que nous constations que l'élève sait le latin, qu'il sait manier la langue latine.
Quant à la version latine, nous maintenons le dictionnaire, attendu que l'élève ne fait pas usage du dictionnaire, lorsqu'il est obligé de traduire à livre ouvert un auteur latin.
Tout à l'heure j'ai dit que, quant à la traduction d'un auteur grec à livre ouvert, j'attendais les lumières de la Chambre. Je ne vois pas que personne ait soutenu la traduction à livre ouvert d'un auteur grec. Je crois, en effet, que ce serait une grave difficulté pour l'élève que d'être soumis à un semblable travail, ou qu'il faudrait descendre à un auteur d'un ordre élémentaire. Mon intention n'est donc pas de forcer les élèves à subir un examen supérieur à leurs forces. La version grecque restera donc renfermée dans l'examen écrit.
En un mot, messieurs, les matières qui rentreront dans l'examen écrit sont celles des n°1, 2, 3 et 4.
Dans l'examen oral sera comprise la version du latin en français, qui se fera à livre ouvert, et les mathématiques.
L'examen oral aura une valeur dans la supputation des points à obtenir par l'élève ; il complétera en quelque sorte le nombre de points obtenus dans l'examen écrit.
Si un jeune homme n'obtenait pas le nombre de points requis, dans l'examen écrit, il aurait encore la ressource de l'examen oral.
Si, au contraire, il obtient un nombre de points suffisants dans l'examen écrit, l'examen oral ne lui sera pas absolument nécessaire pour obtenir son grade.
J'espère avoir répondu à l'observation de l'honorable M. Muller. Si le thème est maintenu, je le maintiens avec la faculté d'employer le dictionnaire ; si on substitue une composition latine au thème, il n'y a pas de dictionnaire.
M. Muller. - Je crains bien que le système du gouvernement, d'accorder pour l'épreuve écrite le dictionnaire dans certains cas, et de le refuser dans certains autres, n'amène des complications. La composition latine doit être, comme le faisait remarquer l'honorable M. de Naeyer, une appréciation, en quelque sorte, de l'intelligence et des études proprement littéraires de l'élève, plutôt que d'une connaissance correcte de la langue ; je ne comprends donc pas qu'on refuse le dictionnaire pour la composition et qu'on l'accorde pour le thème.
On s'expose ainsi à ce que l'élève soit forcément amené à sacrifier sa pensée, à abandonner ses inspirations, parce que le mot propre qui les traduirait ne sera pas présent à sa mémoire. Selon moi, le dictionnaire est au moins aussi nécessaire pour faire une bonne composition latine que pour faire une bonne traduction.
J'ai parlé de la complication du système : en effet, il est présumable qu'il pourra fixer au moins deux séances pour l'épreuve écrite, car le jury surveillant ne peut passer son temps à donner des dictionnaires, puis à les reprendre. Il me semble, en résumé, qu'il vaut mieux (page 439) accorder la latitude du dictionnaire pour toutes les parties de l'épreuve écrite, et cela offre d'autant moins d'inconvénient, que vous avez un supplément de garantie dans l'épreuve orale.
M. de Haerne. - Je ferai une observation en réponse à ce qu'a dit tout à l'heure l'honorable M. de Naeyer. Il suppose que, si nous demandons une composition latine, c'est pour obtenir un travail parfait ; mais j'avais déclaré le contraire : j'avais dit que la composition latine avait surtout pour but de ne pas amoindrir les études des classes dans les classes supérieures, parce que, si l'on ne doit faire qu'un thème dans l'examen, il en résultera que dans ces classes on ne s'occupera plus d'explications littéraires des auteurs anciens ; on se bornera à des explications grammaticales, à des traductions mot à mot, et philologiques, et encore en consultant les auteurs qui donnent les traductions « interlinéaires ».
Par conséquent la seconde et la rhétorique servent de doublures de la troisième. Voilà le mal que nous voulons éviter.
Pour ce qui concerne la valeur de la composition latine, l'honorable membre la rabaisse un peu trop. Lorsque j'ai eu l'honneur de faire partie du jury d'élève universitaire, nous avons assez souvent rencontré des compositions latines, qui n'étaient pas, il est vrai, tout à fait dignes de Cicéron, mais qui étaient très belles et que nous admirions ; cela se voit encore dans les bons collèges ; j'en ai cité tout à l'heure un exemple, puisé dans un athénée ; il y en a beaucoup d'autres ; les membres de l'ancien jury pourront attester ce fait avec moi.
Mais le but principal, c'est de ne pas amoindrir les études classiques qui doivent porter principalement sur les auteurs anciens. Je demande aussi un discours en langue nationale ; comme je le disais tout à heure, la langue, française sera généralement employée pour ce discours.
Dans la discussion générale, j'avais demandé aussi la faculté de faire ce discours en allemand ou en flamand, pour les élèves dont une de ces langues est la langue maternelle.
Je n'insiste pas sur ce point, parce que je pense que cela m'écarterait trop, pour le moment, de l'objet principal que je traite. Mais cette faculté serait quelquefois le meilleur moyen de constater la véritable valeur littéraire de l'élève.
Il est évident, pour que l'élève puisse faire connaître son aptitude à cet égard, qu'il faut avant tout une composition dans la langue dans laquelle il pense et qui est souvent sa langue maternelle. Quant à la composition latine, elle a pour but de relever le niveau des études d'humanités, qui doivent nécessairement porter sur les auteurs anciens.
M. de Naeyer. - Messieurs, lorsque j'ai proposé de substituer le thème latin à la composition latine, mon intention n'était nullement d'amoindrir les études d'humanités. Je crois que le vrai moyen de relever ces études, c'est de les rendre surtout littéraires ; et, à cet égard, je me suis exprimé dans des termes tels, que l'honorable préopinant a dû comprendre que j'appréciais parfaitement ce qui doit dominer dans l’enseignement des collèges.
Mais j’ai ajouté que ces études littéraires doivent avoir lieu surtout dans la langue dont l'élève aura à se servir plus tard ; il est assez inutile, effet, de l'obliger à exprimer ses idées dans un idiome qu'il n'aura plus désormais occasion d'employer.
Maintenant, il n'est pas du tout vrai que, si la composition latine n'est pas prescrite par le programme, le professeur devra s'attacher, par préférence, dans les explications des auteurs, à la partie grammaticale ; car, d'abord, nous laissons le professeur parfaitement libre ; ensuite, de l'aveu même de l'honorable préopinant, en demandant un thème nous supposons des connaissances an moins aussi étendues de la langue latine, qu'en exigeant une composition.
II est donc évident que dans notre hypothèse les explications grammaticales seront probablement moins nécessaires et que le professeur pourra certainement se placer à un point de vue plus élevé et faire ressortir particulièrement les beautés littéraires.
Je ne veux donc pas du tout proscrire les auteurs latins ou grecs. Je veux que l'élève fournisse la preuve qu'il connaît ces deux langues et comme, d'un autre côté, je fais de la littérature proprement dite la base de l'enseignement, l'élève sera nécessairement entraîné à étudier les auteurs anciens parce c'est là qu'il trouvera les sources du vrai beau littéraire.
Donc, sous ces deux rapports, l'honorable préopinant a mal interprété ma pensée.
Je ne sais si l'honorable ministre de l'intérieur a répondu à l'interpellation de l'honorable M. Muller, à savoir si l'usage du dictionnaire sera permis dans tous les cas.
Le moyen le plus simple de résoudre cette difficulté, c'est de s'en tenir au programme tel qu'il est proposé par la section centrale qui admet l'usage du dictionnaire pour le thème et la version. Je crois que cela est infiniment préférable.
Quant à la composition latine qu'on veut substituer au thème latin, je ne veux pas répéter ce que j'ai dit. Mais pourquoi la composition latine ? Est-ce pour que l'élève fournisse la preuve des connaissances littéraires proprement dites ? Non, la véritable pierre de touche à cet égard, c'est, vous devez l'avouer, sa composition française. Pour apprécier s'il sait le latin, un thème latin est un moyen aussi bon qu'une composition latine, et même plus efficace, au dire de M. le ministre de l'intérieur. Pourquoi dès lors substituer la composition latine au thème latin ?
M. de Theux. - Messieurs, je crois que si l'on introduisait une « distinction » dans la loi, il serait possible de concilier les opinions divergentes des deux honorables préopinants, opinions qui ont chacune quelque chose de fondé !
Il y aurait là un encouragement, et d'autre part, le jury comprendrait parfaitement que, par le moyen d'une distinction, on a voulu admettre une différence entre le récipiendaire qui répond parfaitement sur toutes les branches du programme, et celui qui ne répond que d'une manière suffisante.
(page 443) M. Coomans. - Messieurs, au sujet du flamand je désire adresser une demande à M. le ministre de l'intérieur. Les élèves auront-ils le choix de la langue pour répondre au jury ? L'élève qui sera plus fort en flamand qu'en français (et plusieurs seront dans ce cas), pourra-t-il faire sa version en flamande ? Pourra-t-il répondre en flamand sur l'algèbre et la géométrie ?
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - L'honorable membre perd de vue que l'examen de gradué en lettres est le premier degré des études» universitaires. Dans l'examen de candidat, qui suit l'examen de gradué en lettres, personne n'a demandé la facile pour l'élève de répondre en flamand. La réponse se fait en français parce que le français est le langage universitaire, dans toutes les universités.
Si l'on veut préparer les jeunes gens aux études universitaires qui se font en français, il fait qu'ils répondent en français dans l'examen à la suite duquel ils doivent entrer à l'université.
Ainsi, messieurs, il va de soi qu'il faudra répondre en français. Quant au flamand, il a sa place dans les concours organisés pour l'enseignement moyen.
M. Coomans. - L'honorable ministre ne peut pas m'attribuer une prétention qui serait ridicule, c'est de ne pas exiger la connaissance du français de ceux qui veulent devenir avocats ou médecins. J’admets cette connaissance comme nécessaire, mais je dis que le cas peut se présenter d’un élève beaucoup plus fort en flamand qu’en français et que si vous interrogez cet élève en français, il sera dans une positon désavantageuse relativement à l’élève wallon.
Je dis donc, messieurs, qu'il serait juste de permettre à l'élève, je ne dis pas encore dans la composition écrite, je réserve ce point, mais dans les traductions et dans l'examen oral de permettre à l'élève de répondre en flamand.
Cela n'est pas seulement raisonnable et juste, cela me semble encore légal et constitutionnel.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je demanderai à l'honorable M. Coomans s'il connait un établissement d’instruction moyenne, libre ou officiel, du clergé ou de l’Etat, où les cours de rhétorique se donnent en flamand ? Je lui demanderai s'il connaît un seul professeur, libre ou officiel, qui fasse traduire, Homère, Virgile et Horace en flamand ? (Interruption.)
J'en conclus que si les élèves de l'enseignement moyen ont l'habitude de traduire les auteurs grecs et latins en français, il leur sera très facile de répondre en français devant le jury.
Ainsi, messieurs, ne compliquons pas les opérations du jury : avec la proposition de l'honorable M. Coomans, il faudrait introduire dans le jury des membres versés dans la langue flamande ; il faudrait même exiger de tous les jurés la connaissance du flamand, sans laquelle ils ne pourraient apprécier les réponses des récipiendaires.
Je tiens le système de l'honorable M. Coomans pour exagéré et impraticable. Je ne pense d'ailleurs qu'il ait chance de rencontrer un grand appui dans cette Chambre.
M. Coomans. - Messieurs, comme je n'ai pas été long, la Chambre me permettra de prendre la parole une troisième fois. (Parlez ! parlez !)
Je ne veux pas abuser des moments de l'assemblée, mais je dois insister. Plusieurs honorables membres, et aussi, si je ne me trompe, M. le ministre de l'intérieur, ont reconnu que le but de ces examens est de s'assurer si l'élève sait le latin et le grec, ou plutôt du latin et du grec. Ce but étant avoué, de quel droit imposez-vous à l'élève l'emploi d'une certaine langue pour prouver qu'il possède suffisamment ces deux langues anciennes ?
Si l'élève peut prouver en flamand qu'il sait le grec et le latin, vous n'avez pas le droit de lui en demander davantage quant au grec et au latin, sauf à prendre vos précautions au sujet du français.
Veuillez remarquer que l'élève qui est habitué à penser, à parler ou à écrire en flamand, sera dans une situation d'infériorité notable à l'égard de l'élève qui pense, parle et écrit en français ; le premier élève sera, je le répète, dans une situation d'infériorité notable dans l'examen sur le latin et particulièrement sur le grec ; si vous lui permettez de répondre en flamand, il pourra vous donner des réponses plus satisfaisantes ; il vous fera même souvent des traductions littérales.
Maintenant, M. le ministre de l'intérieur objecte qu'il ne connaît pas de collège où l'on enseigne le latin et le grec au moyen de la langue flamande...
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - En rhétorique !
M. Coomans. - Je ne sais jusqu'à quel point il en est ainsi ; mais cela fût-il, il n'en serait pas moins désirable de voir, dans la Belgique flamande, enseigner les langues anciennes en flamand. Pour mon compte, je ne les ai pas apprises autrement...
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Faites une proposition.
M. Coomans. - Je ne manque jamais de conclure. C'est le devoir de quiconque a des convictions. On m'a donc enseigné les langues anciennes en flamand et, modestie à part, je m'en suis bien trouvé. On n'a jamais employé le français en ce qui me concerne.
S'il est désirable de voir les méthodes se développer, se perfectionner, ne créez pas au moins un obstacle à ce qu'il s'établisse des écoles où les langues anciennes s'enseignent en flamand. Ce serait un progrès de plus. Nous comptons déjà des littérateurs-qui ont démontré qu'il est possible de faire d'excellentes traductions de grec, et de latin en flamand. Chacun connaît les savants de la Flandre, et de la Hollande auxquels je fais allusion.
Je me place volontiers au point de vue de la justice. Je dis qu'il serait injuste, inique de ne pas admettre les élèves dans des conditions égales devant le jury d'examen.
L'honorable ministre me fait encore une objection étrange. Mais vous me forcez, dit-il, à mettre au moins un Flamand dans le jury.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Tous.
M. Coomans. - Il n'y aurait pas d'inconvénient à ce qu'un, deux ou trois et même tous les jurés connussent le flamand.
On ne serait pas embarrassé de trouver des hommes très compétents connaissant les deux langues.
Du reste les élèves et les examens ne sont pas faits pour le jury, c'est le jury qui est fait pour les élèves. Vous composerez les jurys comme vous voudrez. Pour ma part je n'avais pas voulu d'examen ni de jury parce que je suis très convaincu que vous n'atteindrez pas le but louable que vous avez en vue par l'examen et vos jurys.
Je suis convaincu que vous arriverez à un résultat opposé et que nous sommes en train d'abaisser le niveau des études ; mais puisque l'examen est décrété, je demande au moins que l'examen et le jury soient conformes au bon sens, à la justice et à la Constitution.
M. le président. - Messieurs, voici l'amendement qu'on vient de déposer sur le bureau :
« Nous avons l'honneur de proposer de dire : en français (erratum, page 465) ou en flamand
« (Signé) Coomans, Janssens, Henri Dumortier, de Naeyer, Verwilghen et Vander Donckt.”
Je demanderai à l'honorable M. Coomans si l'amendement s'applique aux 4 paragraphes dont nous nous occupons ?
M. Coomans. - A tous, sauf au premier, où il s'agit d'une traduction en latin.
M. le président. - Il veut donc aussi une composition française et flamande ?
M. Coomans. - Oui.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - L'honorable M. Coomans ayant formulé sa proposition, je dois insister pour que la Chambre se prononce sur cette question.
(page 439) M. Devaux. - Je n'ai que quelques mots à dire sur cette proposition.
Nous établissons, messieurs, un examen tout pratique aussi simple que possible. Faut-il le compliquer à raison d'hypothèses qui ne se réaliseront probablement pas ?
Il faudra que la composition du personnel soit modifiée en conséquence.
Remarquez-le bien, quels seront les juges que vous placerez de préférence dans le jury ? Ce sont des professeurs de rhétorique. Or, parmi les professeurs, les uns sont wallons, les autres flamands.
Il y a des professeurs de rhétorique wallons dans les provinces flamandes comme il y a des professeurs flamands dans les provinces wallonnes.
- Une voix. - Et des allemands.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Vous avez aussi des Allemands évidemment.
(page 440) M. Devaux. - L'enseignement universitaire auquel cet examen prépare n'est pas flamand, ni les examens universitaires non plus.
Vous invoquez la liberté de l'enseignement. Mais alors vous devrez demander que tous les examens universitaires se fassent également en flamand.
Soyons pratiques. Au fond la langue de l'enseignement supérieur n'est pas le flamand.
Je ne connais dans tout le pays, dans les universités et en dehors des universités qu'une seule chaire de flamand dans cet enseignement, c'est celle de littérature flamande, tout autre enseignement supérieur se donne en français.
Croit-on par des mesures pareilles, qui ont un air aussi forcé, propager la langue flamande ? C'est tout le contraire ; l'enseignement du flamand se propage aujourd'hui, il n'y a pas de doute à cela, et sans nuire à celui du français. Mais si on veut forcer les choses, on l'arrêtera, et on provoquera une réaction,
M. Coomans. - Je ne force pas, c'est vous qui forcez.
M. Devaux. - Vous nous forcez à composer le jury de professeurs sachant le flamand et vous excluez ainsi d'excellents professeurs de rhétorique.
Pour être sérieuse, la proposition devrait répondre à un besoin réel. S'il était vrai un jour que des jeunes gens flamands désirassent étudier la philosophie, la médecine, la jurisprudence dans des livres flamands, plutôt que dans d'autres, alors nous modifierions l'examen dans le sens de ce besoin pratique ; comme il n'existe rien de ce genre, je crois que nous n'avons pas besoin de nous arrêter à la proposition de l'honorable M. Coomans.
M. Janssens. - Quant à moi, de même que mes honorables collègues, j'ai entendu signer une proposition que je considère comme sérieuse et comme pratique.
La chose eut été plus difficile si l'on avait maintenu le jury unique ; mais puisqu'on a établi le jury par province, je ne vois pas pourquoi dans les provinces flamandes on ne composerait pas les jurys de professeurs connaissant le flamand.
Est-ce donc une prétention si exorbitante que d'avoir des professeurs qui comprennent la langue du pays ?
Les Flamands constituent la majorité de la population et des contribuables et je crois qu'ils ne figurent pas dans la même proportion parmi ceux qui jouissent des bénéfices du budget.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je ne voudrais rien dire de désobligeant à l'auteur de l'amendement, mais je ne sais quel profit il entend tirer de pareilles propositions.
En fait, les provinces flamandes aiment mieux, comme professeurs de rhétorique, des professeurs français ou wallons que des professeurs flamands.
En fait, afin d'imprimer plus de sincérité, plus d'impartialité aux jugements des jurys, on se propose d'envoyer des professeurs des provinces wallonnes dans les provinces flamandes et des professeurs des provinces flamandes dans les provinces wallonnes.
Dans le système de l'honorable M. Coomans, il faudrait partout et exclusivement des professeurs de rhétorique sachant le flamand. Car du moment que les réponses se font en flamand elles doivent pouvoir être appréciées de la même manière par tous les jurés, elles doivent être comprises par tous.
Je dis que si cette proposition était adoptée, elle rendrait l'exécution de la loi radicalement impossible. L'honorable M. Coomans doit le reconnaître.
M. Coomans. - Le jury est provincial.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je demande que cette proposition soit soumise au vote par appel nominal, afin qu'il soit bien établi que l'opposition ne vient pas exclusivement du gouvernement, et afin qu'on ne fournisse pas des arguments à ce préjugé qu'on cherche à répandre, qu'il y aurait, dans les régions gouvernementales, une certaine hostilité contre la langue flamande.
Je demande que la Chambre elle-même en décide, et je propose l'appel nominal sur la proposition de l'honorable M. Coomans.
- Voix nombreuses. - Aux voix ! aux voix !
M. le président. - La discussion est close.
M. Thibaut. - La discussion est-elle close sur l'ensemble de l'article ?
M. le président. - Sur la partie qui vient de faire l'objet de la discussion, c'est-à-dire sur les quatre paragraphes renfermant les matières de l'examen écrit.
M. Thibaut. - Je désirerais cependant dire quelques mots.
M. le président. - La Chambre veut-elle rouvrir la discussion ?
- Voix nombreuses. - Non ! non !
M. le président. - Voici ce qui doit être soumis au vote.
La section centrale et le gouvernement proposent de régler comme suit le programme de l'examen écrit : Une traduction du français en latin ; Une traduction du latin en français ; Une traduction du grec en français ; Une composition française.
M. le ministre de l'intérieur a proposé de substituer à la traduction du français en latin, une composition latine. M. le ministre persiste-t-il dans cette modification ?
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Oui, M. le président.
M. le président. - M. le rapporteur de la section centrale se rallie-t-il à cette modification ?
M. Devaux, rapporteur. - Je ne puis pas me prononcer au nom de la section centrale ; mais quant à moi, je me rallie à cette modification.
M. le président. - M. de Naeyer, au contraire, propose la traduction du français en latin.
M. de Naeyer.—Et la question du dictionnaire soulevée par l'honorable M. Muller.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Cette question est résolue par l'absence du mot « dictionnaire » ; du reste, la question ne me semble pas avoir une grande importance.
M. Coomans. - Si l'on rouvre la discussion, je demanderai la parole.
M. le président. - On ne rouvre pas la discussion ; nous nous occupons de la position de la question.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je n'ai pas ajouté le mot « dictionnaire » ; de manière qu'il est fait droit à l'observation de l'honorable M. Muller.
M. le président. - Par leur amendement, MM. Coomans et consorts demandent que l'on ajoute « en français ou en flamand. »
M. de Naeyer. - Cette proposition ne se rapporte qu'à l'examen oral, si je ne me trompe.
M. le président. - En est-il ainsi, M. Coomans ?
M. Coomans. - Il s'agit au n°1 de s'assurer que l'élève sait le latin ; par conséquent, c'est en latin que cette traduction doit se faire ; cela est bien évident. Ainsi notre amendement ne s'applique pas au numéro 1.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - C'est une erreur. M. Coomans oublie quelque, chose ; pour être conséquent, il faut exiger une traduction du flamand en latin.
M. Coomans. - Qu'importe ?
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - A votre point de vue cela importe certainement. Remarquez qu'il s'agit du thème ; or, si vous voulez obtenir satisfaction il faut que l'élève soit admis à traduire du flamand en latin.
M. Coomans. - Cela m'est indifférent.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Quelle est donc l'importance que vous attachez à votre proposition ? (Interruption.)
M. le président. - M. Coomans, appliquez-vous au n°1° votre amendement qui, dans la pensée de M. de Naeyer, ne doit porter que sur les numéros suivants ?
M. Coomans. - C'est cela, nous sommes d'accord. (Interruption.)
M. le président - Je vais mettre, aux voix le n°1° ; l'amendement ne s'applique donc pas à ce numéro ?
M. Coomans. - Non.
M. le président. - Les autres signataires de l'amendement sont-ils de cet avis ?
- Quelques voix. - Oui.
M. le président. - Je vais donc mettre ce premier numéro aux voix tel qu'il est proposé par M. le ministre de l'intérieur.
M. de Haerne. - M. le ministre de l'intérieur a proposé d'introduire au programme une composition latine ; c'est un amendement ; il faudrait donc voter d'abord ce paragraphe.
- Plusieurs voix. - C'est évident.
M. le président. - Je mets aux voix la question de savoir si la Chambre admet la composition latine.
- Ce paragraphe est adopté.
M. le président. - Nous avons maintenant n°2°, traduction du latin en français ; n°3°, traduction du grec en français ; n°4, composition (page 441) française.
M. Coomans propose d'ajouter « ou en flamand » aux deux premiers numéros et les mots « ou flamande » au n° 4°.
C'est donc sur cette proposition de M. Coomans qu'il va être procédé à l'appel nominal qui est demandé.
- Il est procédé à cette opération.
En voici le résultat :
80 membres répondent à l'appel.
23 répondent oui.
57 répondent non.
En conséquence, l'amendement est rejeté.
Ont répondu oui : MM. de Florisone, de Haerne, de Liedekerke, de Mérode-Westerloo, de Montpellier, de Naeyer, de Paul, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Smedt, B. Dumortier, H. Dumortier, Janssens, le Bailly de Tilleghem, Magherman, Rodenbach, Snoy, Tack, Vander Donckt, Verwilghen, Wasseige, Coomans et de Boe.
Ont répondu non : MM. de Bronckart, de Brouckere, Dechentinnes, De Fré, de Gottal, de Moor, de Renesse, de Ridder, de Rongé, de Terbecq, de Theux, Devaux, Dolez, Frère-Orban, Goblet, Grandgagnage, Grosfils, Guillery, Hymans, Jacquemyns, Jamar, M. Jouret, Julliot, Lange, Laubry, J. Lebeau, Loos, Mercier, Moncheur, Moreau, Mouton, Muller, Nélis, Neyt, Orban, Orts, Pirmez, Rogier, Royer de Behr, Saeyman, Savart, Tesch, Thibaut, E. Vandenpeereboom, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Leempoel de Nieuwmunster, Van Volxem, Vermeire, Vilain XIIII, Carlier, Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Bast et Vervoort.
M. le président. - Je mets aux voix les trois numéros présentés par le gouvernement ;
« 2° Une traduction du latin en français ;
« 3° Une traduction du grec en français ;
« 4° Une composition française. »
- Ces trois numéros sont mis aux voix et adoptés.
M. le président. - Nous en venons aux matières qui doivent faire partie de l'examen oral. Je prie M. le ministre de les indiquer.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je me suis expliqué : les matières de l'examen oral seront une version latine à livre ouvert et la partie du programme qui concerne les mathématiques.
M. le président. - L'examen oral comprendra donc une traduction du latin en français à livre ouvert ;
L'algèbre jusqu'aux équations du second degré ;
La géométrie plane ou la géométrie à trois dimensions, au choix du récipiendaire.
Les récipiendaires qui se destinent à la candidature en sciences seront toujours interrogés sur la géométrie à trois dimensions.
M. de Haerne. J'ai une seule remarque à faire sur l'examen oral ; Tel qu'il est proposé, il présentera une lacune, si on n'y introduit par le grec. Sous l'ancien régime d'élève universitaire, le candidat traduisait aussi du grec oralement ; il faut l'introduire dans l'examen oral, sans cependant y donner la même importance qu'au latin. Telle est du moins l'opinion que je me suis formée de l'importance relative des deux langues anciennes par la pratique de l'enseignement de la rhétorique. D'après les explications données à l'appui de l'épreuve orale on y cherche surtout une garantie contre la fraude ; cette garantie doit exister pour le grec comme pour le latin,
M. Devaux. - Il serait très difficile d'exiger une traduction du grec à livre ouvert ; bien peu d'élèves pourraient satisfaire à cette condition ; et si on se contentait d'une traduction préparée, c'est-à-dire d'une partie d'auteur déjà expliquée en classe, alors on retomberait pour le grec dans les inconvénients dont on s'est plaint pour la traduction d'auteurs latins expliqués en classe et indiqués par l'élève.
Pour le latin, l'inconvénient eût été le même s'il s'agissait de traduire oralement des auteurs de la force de ceux qu'on explique en rhétorique ; mais il est bien entendu que l'auteur latin offrant la même difficulté que ceux qu'on explique en rhétorique, ce sera la version écrite. La traduction latine orale se fera sur des auteurs plus faciles à comprendre.
Je ne pense pas que le grec ait assez d'importance dans l'examen pour qu'on puisse craindre la fraude.
M. de Haerne. - Si on n'admet pas le grec dans l'examen oral, je demande qu'on le comprenne dans les matières à certificat. Le grec, il est vrai, est représenté dans l'examen écrit ; mais comme il peut y avoir fraude dans cet examen, il est bon de constater que l'élève a suivi convenablement les cours grecs ; c'est ce qu'on prouverait par le certificat.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - On fera une version grecque par écrit, et si le jury suppose la fraude dans une version, il peut interroger, l'élève pour s'assurer qu'il n'y a pas eu fraude.
M. de Haerne. - C'est tout ce que je demande.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il va de soi que le certificat portant sur l'ensemble de l'enseignement moyen, le grec doit s'y trouver compris.
M. B. Dumortier. - Du moment que l'examen oral sur le grec aura lieu dans le cas où le jury aurait des doutes, je n'ai plus d'observations à faire.
- L'examen oral, tel qu'il a été proposé par M. le ministre de l'intérieur est mis aux voix et adopté.
M. le président. - L'examen préalable à celui de candidat en pharmacie comprend :
1° Une traduction du latin en français.
2° Une rédaction française.
3° L'algèbre jusqu'aux équations du 2ème degré.
M. Jacquemyns. - Je demande si cet examen sera écrit ou oral.
M. le président. - La décision prise à l'égard de l'examen écrit et de l'examen oral s'applique à l'article tout entier.
- Ce qui concerne l'examen préalable à celui de candidat en pharmacie est mis aux voix et adopté.
M. le président. - L'examen préalable à celui de candidat notaire comprend :
1" Une traduction du latin en français ;
2° Une rédaction française ;
3° L'algèbre jusqu'aux équations du second degré ;
4° La géométrie plane ;
5° La trigonométrie rectiligne.
- Adopté.
La séance est levée à quatre heures et demie.