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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 20 décembre 1860

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1860-1861)

(page 276) (Présidence de M. Vervoort.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Florisone, secrétaire, procède à l'appel nominal à î heures et un quart.

M. de Boe, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

- La rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Florisone, -secrétaire, présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre :

« Le sieur L.-J. Maston, commissionnaire en fonds publics à Saint-Josse-ten-Noode, né à Dordrecht (Pays-Bas), demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.


« Des officiers pensionnés demandent que le montant de leurs pensions soit mis en rapport avec la valeur actuelle de l'argent, de manière à les rétablir au taux où elles étaient proportionnellement en 1814. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants de Deynze demandent qu'il soit donne cours légal à la monnaie d'or de France. »

» Même demande d'habitants de Westroosebeke. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner la proposition de loi relative à la monnaie d'or.


« Par message du 19 décembre 1860, le Sénat informe la Chambre que dans sa séance du même jour il a adopté le budget du ministère de l'intérieur pour l'exercice 1861. »

- Pris pour notification.


« Par lettre du 18 décembre 1860, M. le ministre de la justice informe la Chambre que le sieur Wies, Philippe, professeur, à Bruxelles, a déclaré renoncer à sa demande de naturalisation. »

- Pris pour notification.


« M. Fafchamps fait hommage à la Chambre d'un mémoire intitulé : Combinaison d'armes nouvelles et de travaux d'art pour la défense des places et du territoire, et qui a pour but la défense de la Belgique par les moyens économiques et de facile exécution qui y sont détaillés. »

- Dépôt à la bibliothèque.


« M. Beeckman, rappelé chez lui par une affaire urgente, demande un congé de quelques jours. »

- Accordé.

Ordre des travaux de la chambre

M. Hymans (pour une motion d’ordre). - Messieurs, la Chambre se séparera probablement cette semaine, et laissera en souffrance plusieurs objets de son ordre du jour. Je demande, en conséquence, que la Chambre veuille bien décider qu'elle inscrira, à son ordre du jour, et immédiatement après la loi concernant les étrangers, le crédit destiné à solder une créance de l'architecte Dumont. Cette affaire est urgente. Il serait extrêmement regrettable que le Sénat ne pût pas s'en occuper avant sa séparation.

- La proposition de M. Hymans est adoptée.

Projet de loi portant le budget du ministères des affaires étrangères de l'exercice 1861

Discussion du tableau des crédits

Chapitre II. Traitements des agents politiques

M. le président. - La Chambre est arrivée à l'article 20 du chapitre II (traitements des agents politiques).

« Art. 20. Turquie : fr. 33,000. »

La section centrale, d'accord avec le gouvernement, propose une augmentation de 7,000 fr,, ce qui porterait le chiffre à 40,000 fr.

M. Thibaut. - Messieurs, la section centrale propose d'augmenter de 7,000 fr. le crédit porté dans le projet de budget. Je suis tout prêt à voter la partie de cette somme qui est destinée à élever à 5,000 fr. le traitement du drogman attaché à notre légation de Constantinople. L'éloge que M. le ministre des affaires étrangères a fait hier de ce fonctionnaire, les services qu'il a rendus à l'industrie et au commerce belges, militent suffisamment en faveur de cette augmentation. D'ailleurs, jusqu'à présent il y a eu une différence trop marquée entre le chiffre que nous allouons et celui que d'autres pays accordent à leurs légations.

Mais, messieurs, je ne puis croire que la nomination d'un second drogman soit aussi utile qu'on l'a soutenu hier, et cela pour deux motifs. D'abord, la situation actuelle de nos affaires commerciales à Constantinople paraît très bonne, et je doute que la coopération d'un second drogman puisse l'améliorer.

Voici, en effet, ce que je lis dans une note qui est insérée au rapport de la section centrale : « Il sera très facile de constater que beaucoup de légations étrangères paraissent plus fondées à se plaindre des longueurs de la procédure ottomane que la légation de Belgique, qui est parvenue à se classer parmi les plus favorisées à cet égard, et ce qui est plus, à faire obtenir souvent aux réclamations de ses nationaux des résultats satisfaisants plus promptement que toute autre légation. »

M. le ministre des affaires étrangères nous a énuméré hier le nombre de drogmans que chacune des légations à Constantinople possède ; l'une en a 7, une autre 6, une autre 5, etc. Les traitements de ces drogmans est beaucoup plus élevé que celui qui est affecté au nôtre, et cependant la situation que le zèle et la capacité du drogman belge nous ont faite est telle, que nous pouvons nous considérer comme la nation la mieux traitée près du tidjaret ou tribunal de commerce.

Je crois donc que le drogman que nous avons suffit à tous les besoins.

Un second motif, c'est que M. le ministre des affaires étrangères n'a pas jugé convenable, en proposant son budget, de demander un crédit pour rétribuer un second drogman.

Il est vrai que hier M. le ministre des affaires étrangères s'est accusé avec componction, de faiblesse à cet égard, il nous a dit qu'il avait reculé devant l'idée de la dépense.

Eh bien, je suis convaincu que si M. le ministre avait pensé que la nomination d'un bon drogman était indispensable, comme on l'a dit hier, il n'aurait pas hésité devant la demande d'un crédit de 5,000 fr., qui, après tout, ne constitue pas une énorme dépense. Je pense donc que si la Chambre est de mon avis, elle lui pardonnera facilement une faiblesse que je considère comme trop rare, pour mon compte.

Je trouve même qu'il y aurait eu un certain courage à ne pas accepter un crédit que M. le ministre ne croit pas tout à fait indispensable.

Je pense aussi que la Chambre ne doit pas facilement pousser les honorables membres du cabinet à demander des crédits nouveaux sans de très graves motifs.

Nous sommes, en fait d'économies, bien loin de l'esprit qui régnait dans cette Chambre après 1848.

Alors on ne parlait que d'économies. On disputait quelquefois pendant deux ou trois séances pour réaliser une économie de quelques mille francs.

Aujourd'hui, toute somme demandée est votée avec une facilité presque effrayante.

(page 277) On a dit hier qu'il s'agissait cette fois d'une bagatelle ; que rejeter l'augmentation proposée c'est faire une économie de bouts de chandelle.

Ce reproche me touche assez peu, mais ce qui me paraîtrait plus sérieux ce serait celui, passez-moi l'expression, d'allumer la chandelle par les deux bouts.

Je pense donc que, pour la légation de Constantinople, il y aurait lieu d'augmenter le crédit porté au budget de 2,000 francs seulement et par conséquent de le porter à un chiffre de 35,000 francs au lieu de 40,000 comme le propose la section centrale.

(page 286) C'est précisément parce que l'honorable ministre des affaires étrangères avait laissé passer dans la rédaction de son budget une omission préjudiciable aux intérêts du commerce de la Belgique, que j'ai entendu, à différentes reprises, des plaintes de membres de la chambre de commerce de Liège et d'industriels de Verviers sur l'état fâcheux dans lequel la suppression du deuxième drogman, spécialement attaché au consulat général de la Turquie, place nos nationaux, habitant Constantinople, et ceux de nos compatriotes qui, de la Belgique, entretiennent des rapports de commerce avec l'empire ottoman. J'ai acquis la conviction qu'on a fait là, dans une bonne intention, une économie regrettable, et j'ai demandé à la section centrale de contrôler les renseignements qui m'étaient parvenus en interpellant l'honorable ministre des affaires étrangères sur le point de savoir si des réclamations sérieuses ne lui avaient pas été adressées par la chambre de commerce de Liège.

Il est évident, messieurs, que cette chambre de commence ne s'est nullement préoccupée du plus ou moins de luxe diplomatique dont peut être entourée notre légation à Constantinople, mais elle s'est émue, à juste titre, des graves inconvénients et préjudices qui lui étaient dénoncés par une foule d'intéressés.

On le conçoit : le seul drogman que nous avons aujourd'hui à Constantinople doit ‘ occuper surtout et journellement des affaires de la légation proprement dites. Il ne lui reste guère de temps pour soigner celles du consulat général, qui concernent le commerce et qui sont d'une haute importance.

Je rappellerai à la Chambre qu'elle a toujours tenu à organiser nos consulats de manière à défendre et à propager nos relations industrielles à l'étranger.

C'est dans ce but, et nullement pour obtenir une superfétation diplomatique, que j'ai fait à la section centrale la proposition qui est aujourd'hui soumise à nos délibérations, et si la majorité la repoussait, je ne crains pas d'affirmer que les intérêts du commerce belge resteraient en souffrance, et les plaintes légitimes qui ont eu lieu continueraient à se produire.

Au surplus, quelle et la somme qu'il s'agit d'inscrire en plus au budget ? C'est une somme de 7,000 fr. Voulez-vous, pour réaliser cette faible économie, compromettre les intérêts commerciaux que nous avons en Turquie, alors,que nos relations avec cet empire s'étendent de plus en plus, au grand avantage de la Belgique !

(page 277) M. le ministre des affaires étrangères (M. de Vrière). - L'honorable M. Thibaut a semblé me faire un reproche d'avoir hésité à venir proposer à la Chambre une augmentation pour le drogmanat de Constantinople. J'ai fait hier l'aveu de cette hésitation, mais je regrette que l'honorable membre y ait attaché un sens qui n'était pas dans ma pensée.

Vous savez, messieurs, que le budget se fait ordinairement plusieurs mois avant l'époque où il est discuté devant les Chambres.

Lorsque le budget des affaires étrangères pour 1831 a été déposé, la question n'avait pas été soulevée ; quelque temps après, j'ai appris qu'un conflit d'attributions avait surgi entre le consulat général et le drogmanat.

J'ai pris des informations sur l'objet de la contestation, et il en est résulté pour moi une demi-conviction que le service d'un seul drogman était insuffisant. Vous savez, messieurs, que nous avions antérieurement deux drogmans et que c'est par mesure d'économie que j'ai supprimé le deuxième drogman au budget il y a deux ans. J'ai fait alors une réorganisation de la légation, qui me permettait d'améliorer quelque peu la position du chef de la légation, sans augmenter le chiffre porté au budget.

La chambre de commerce de Liège m'ayant fait connaître que certaines affaires n'avaient pas pu être suivies avec toute la célérité désirable, par suite de l'absence du drogman, j'ai cru devoir attribuer cet état de choses au conflit d'attributions qui m'avait été signalé et j'ai voulu m'assurer que les faits dont se plaignait la chambre de commerce ne résultaient pas d'une négligence ou d'un mauvais vouloir de l'un de nos agents.

Ce n'est, messieurs, que dans les derniers temps que les derniers renseignements me sont parvenus, et que j'ai acquis la conviction complète que la suppression que nous avons faite en 1858 était inopportune et que les besoins du service réclamaient bien réellement deux drogmans. Voici, messieurs, les motifs qui m'ont paru concluants. Il serait extrêmement long et fastidieux pour la Chambre de lui exposer les nombreux travaux auxquels nos drogmans sont assujettis.

Je donnerai cependant quelques indications.

Les drogmans ont dans leurs attributions des affaires politiques et en même temps des affaires commerciales.

Pour les affaires politiques, ils sont obligés de se transporter presque journellement dans les bureaux, d'avoir des relations avec les différents chef d'administration. Il faut le plus souvent que le drogman soit chargé de ces démarches, pour qu'elles soient faites utilement.

Toutes les pièces provenant de l'administration ottomane doivent être traduites par eux. Il faut qu'ils traduisent aussi toutes les pièces qui sont destinées à être remises aux autorités ottomanes.

Ils sont chargés de tout ce qui concerne l'instruction et l'exécution des jugements qui sont portés en appel devant la légation. Vous savez messieurs, qu'en vertu des usages, en vertu des capitulations, tous les jugements portés par les tribunaux consulaires dans toute l'étendue de l'empire, doivent être déférés en appel devant la légation de Constantinople. C'est une besogne très importante, très sérieuse, qui demande les plus grands soins, qui exige la connaissance des lois, des usages et des langues.

La légation doit aussi entretenir une correspondance avec les différentes agences et notamment avec le consulat d'Alexandrie pour toutes les questions qui touchent aux traités, aux capitulations et aux privilèges dont jouissent les Européens dans ces parages.

Ce sont là toutes des affaires politiques qui sont dans les attributions des drogmans.

Ils sont en toute chose les organes des privilèges de la nation. C'est une institution qui jouit à Constantinople de la plus grande considération. Ce sont des fonctionnaires extrêmement importants.

D'un autre côté, ils ont des attributions consulaires, j'en ai dit un mot hier.

Outre toutes les démarches que le mouvement des affaires nécessite auprès des administrations, ils ont un rôle extrêmement important à jouer dans les tribunaux consulaires. Ils y remplissent dans une certaine mesure, à la fois le rôle de l'avoué et celui du ministère public dans nos tribunaux d’Europe. Je ne puis pas définir exactement ces attributions, mais le fait est qu'elles sont très importantes.

Les drogmans doivent aussi veiller à l'exécution des jugements, ils doivent s'assurer que toutes les pièces qui se rapportent aux litiges sont fidèlement traduites, que toutes les formes légales soit observées. Voilà quelles sont en gros les attributions de ces agents.

Maintenant il s'est trouvé que dans des affaires sérieuses, intéressant le commerce, le seul drogman que nous avions à notre disposition ne pouvant pas se trouver en même temps dans différents lieux, a dû négliger certaines de ces affaires, et cette circonstance a justement ému le commerce. Le commerce a demandé si, pour une dépense extrêmement peu considérable, il fallait se passer d'un agent qui pût plus spécialement veiller à l'intérêt du commerce.

Ce n'est, messieurs, que lorsque j'ai eu acquis la conviction entière que le service était réellement impossible avec un seul drogman, et je le répète, je l'ai acquise dans les derniers temps, j'ai lutté en quelque sorte contre la nécessité, ce n'est qu'alors que je me suis joint au vœu qui a été exprimé dans la section centrale.

Voilà, messieurs, comment je n'ai pas pris l'initiative de cette proposition :

Je pense que les explications que je viens de donner satisferont l'honorable membre et qu'il voudra bien se joindre à ceux qui voteront l'amendement.

M. Thibaut. - M. le ministre des affaires étrangères vient de fournir à la Chambre des détails, très intéressants du reste, sur les occupations nombreuses du drogmanat.

Mais je suis persuadé que M. le ministre connaissait parfaitement l'étendue de ces occupations, quand il a proposé la suppression du second drogman.

Le fait est que la situation de nos affaires commerciales à Constantinople est loin d'être mauvaise, comme j'ai eu l'honneur de le faire remarquer tout à l’heure ; elle nous est même présentée par la section centrale comme étant meilleure que celle d'autres nations, à moins que la section centrale ne nous apprenne que la note dont j'ai lu tantôt des fragments se rapporte à un état de choses qui a précédé la suppression du second drogman.

M. le ministre des affaires étrangères reconnaît qu'il n'a pas pris l'initiative d'une proposition pour rétribuer un second drogman, comme il avait pris l'initiative de sa suppression il y a deux ans ; je crois que si l'honorable ministre avait été pleinement convaincu des avantages attachés à la nomination d'un deuxième drogman, il aurait proposé, avant la discussion en section centrale, un amendement à son budget, comme le font souvent ses honorables collègues.

Messieurs, la somme dont il s'agit n'est pas forte, je le sais ; mais il arrive souvent que, pour des sommes minimes, les sections centrales recommandent à MM. les ministres d'user avec beaucoup de réserve des deniers de l'Etat.

C'est encore ce qui a eu lieu pour le budget de l'intérieur ; il ne faut donc pas que nous nous donnions ici en quelque sorte un démenti à nous-mêmes, en augmentant une allocation d'un budget, quand nous voyons que le ministre a hésité si longtemps à demander cette augmentation.

Si la Chambre croit devoir voter le crédit complet, il devrait au moins être entendu que les deux drogmans ne seront pas placés sur la même ligne. Celui dont on nous a parlé hier avec éloge mérite, me paraît-il, d'être maintenu au premier rang, et d'obtenir un traitement plus élevé de 1,000 francs, par exemple, que le traitement qui serait alloué au second drogman.

- L'article 20, avec le chiffre de 40,000 fr., est mis aux voix et adopté.

Article 21

« Art. 21. Indemnités à quelques secrétaires et attachés de légation : fr. 14,000. »

Chapitre III. Consulats

Article 22

« Art. 22. Traitements des agents consulaires et indemnités à quelques agents non rétribués : fr. 161,500. »

M. d'Hoffschmidt. - Messieurs, l'article 27 présente une (page 278) augmentation de 34,000 francs dont 25,000 francs sont destinés à établir un consulat général en Chine. J'approuve entièrement cette proposition ; j'approuve tellement l’augmentation de 25,000 francs proposée à l’article 32 du budget et destinée à accorder des subsides à des jeunes gens qui se proposent de se rendre à l'étranger. Je crois que la Chambre doit encourager le gouvernement quand il prend des mesures de nature à développer notre commerce maritime.

Il est certain que le commerce de la Belgique avec les pays transatlantiques est un des côtés faibles de notre pays : le Commerce reste stationnaire depuis très longtemps. Il est surtout un immense marché, l'extrême Orient, où la Belgique ne fait presque rien.

C'est là cependant le plus grand marché du monde, c'est un marché de 6 à 7 millions de consommateurs, et les relations de l'Europe avec l'extrême Orient grandissent chaque année, tandis que le commerce belge reste stationnaire, s'il ne rétrograde même pas.

Le Journal des Débats donnait dernièrement un article sur le commerce de l'Europe avec les Indes orientales.

Voici comment il établissait le progrès de ce commerce :

« En 1839 le total général des relations européennes avec les Indes orientales représentait seulement 993,000 tonneaux ; en 1853, il a été de 2,600,000 de tonneaux et en 1858 de 2,943,000 tonneaux. »

Ainsi, en cinq ans, les rapports de l'Europe avec le monde indo-chinois se sont accrus de 943,000 tonneaux ou de près de 50 p. c.

Dans une brochure remarquable qu'un de nos honorables collègues a publiée récemment, on trouve aussi d'intéressants détails sur le commerce de l'Angleterre avec les Indes et avec la Chine.

Les exportions de l'Angleterre vers l'Inde, qui étaient en 1853 de 8.185,000 liv. sterl., se sont élevées en 1858 à 16,983,000 liv. ster. c'est-à-dire qu'en cinq ans les exportations de l'Angleterre vers l'Inde ont plus que doublé.

L'extension de son commerce avec la Chine n'a pas été moins remarquable.

Que sera-ce donc, messieurs, quand les travaux qui s'exécutent en Egypte pour le percement de l'isthme de Suez, et dont le succès est assuré, viendront raccourcir la distance entre l'Europe et les Indes de 2,000 à 3,000 lieues ? Il est certain que ce fait exercera son influence naturelle sur la masse de transports et que le développement des relations commerciales sera incalculable.

Eh bien, quelle est la part de la Belgique dans ce grand mouvement commercial ? Je trouve, dans la statistique de 1859, que nos exportations en Asie ne se sont élevées qu'à 934,000 francs, et qu'au lieu de s'accroître, elles tendent à diminuer, car en 1855, elles ont été de 3,500,000 francs.

Eh bien, c'est là un fait qui mérite toute l'attention du gouvernement et de la Chambre. M. le ministre des affaires étrangères s'en est déjà préoccupé dans les circonstances actuelles et après les événements mémorables qui viennent de s'accomplir.la nomination d'un consul général en Chine est parfaitement opportune, de même que l'encouragement à donner à des jeunes gens qui voudraient voyager à l'étranger et y amener l'établissement de maisons de commerce.

A quoi devons-nous attribuer cette torpeur de notre commerce maritime avec les pays transatlantiques ? Est-ce la faute du commerce ? Est-ce la faute du gouvernement ? On a souvent accusé le gouvernement de ne pas faire assez pour le commerce maritime.

Une brochure, intitulée le Complément de 1830, qui a paru au commencement de cette année, et a eu un certain retentissement, accuse les divers ministères qui se sont succédé d'une certaine négligence en ce qui concerne notre commerce extérieur. Je crois que ces reproches ne sont nullement fondés. Toujours les ministères qui se sont succédé, depuis 1840 surtout, se sont grandement préoccupés des moyens d'étendre. notre commerce extérieur.

On doit aussi ne pas oublier que le gouvernement belge, après 1830, a eu beaucoup d'autres préoccupations que celles du commerce extérieur. Il y avait tout à faire en Belgique. Il y avait à établir un système de communications ; il y avait à organiser notre armée, à organiser l'administration communale, l'administration provinciale, et tant d'autres questions à résoudre qui se présentaient naturellement en première ligne après la révolution de 1830.

Mais 1'mportance de ces problèmes qui ont été heureusement résolus par les cabinets qui se sont succédé depuis 1830, n'a pas empêché de songer aux moyens d'activer notre commerce extérieur,

C'est à cette préoccupation qu'est due d'abord la loi des droits différentiels de 1844. C'était dans le but de favoriser nos relations avec les pays lointains, avec les pays transatlantique, et de protéger le pavillon national, que cette loi fut votée après de longues discussions. Malheureusement les résultats n'ont pas répondu à l'attente des promoteurs de cette loi, qui est tombée en présence des tendances libérales des gouvernements voisins et sous le poids des difficultés que cette législation avait fait naître.

Ensuite on a voté la constitution d'une société d'exportation. Cette société, qui devait avoir un capital de 6 millions et ensuite de 15 millions, fut discutée dans la Chambre. Le gouvernement devait prendre le tiers des actions, l’industrie privée les deux autres tiers, et l'Etat garantissait en outre 4 1/2 p. c. d'intérêt. Eh bien, quand on a proposé au commerce et à l'industrie de prendre les deux tiers des actions de cette société, l'industrie et le commerce ont fait défaut. On n'a pu placer les actions. Oh a donc dû abandonner cette idée.

En 1849, le ministère de cette époque proposa aux Chambres un crédit de 500,000 fr. qui était destiné à favoriser l’établissement de maisons belges, précisément dans l'extrême Orient. Cette proposition fut favorablement accueillie par la Chambre. Un arrangement fut fait avec des maisons d'Anvers, avec deux maisons importantes. Au moment de l'exécution ces deux maisons ont renoncé à leur projet.

Vous n'ignorez pas non plus, messieurs, que le gouvernement et les Chambres ont cherché à favoriser autant que possible l'établissement de lignes de navigation avec les Etats-Unis et avec l'Amérique du Sud. Malheureusement cette tentative n'a pas non plus rés-si. Il y a eu, je crois, des fautes de la part de l'administration de la société ou peut-être aussi insuffisance du concours de l'Etat, et ces services de navigation n'ont pu continuer.

Messieurs, les efforts du gouvernement, comme on le voit, n'ont pas toujours réussi. Mais on doit convenir aussi que c'est une tâche extrêmement difficile que d'aller s'implanter sur les marchés lointains et y lutter avec les puissantes nations qui y sont établies depuis longtemps, qui ont d'immenses avantages que nous ne possédons pas, qui ont des colonies, qui ont une marine redoutable, des maisons de commerce sur tous les marchés du globe et des capitaux immenses.

Jusqu'à présent la Belgique n'a pas ces avantages. Elle n'a pas de colonies, elle n'a pas de marine militaire ; et e n'a pas ou elle n'a que très peu de maisons belges établies sur les marchés lointains. On conçoit qu'on ne peut pas alors aller très facilement s'implanter sur des marchés lointains. Mais que doit faire le gouvernement dans cette situation ? Doit-il chercher, par exemple, à fonder une colonie ?

Je ne le crois pas, nous ne sommes plus au XVIème siècle où il suffisait, de quelques aventuriers pour aller conquérir de vastes régions. Il reste maintenant peu de territoires où il serait possible de fonder une colonie, et encore le climat est très peu favorable aux Européens : Pour coloniser, il faut d'abord beaucoup de persévérance, il faut supporter beaucoup de déceptions ; ce n'est qu'à la longue que l'on finit par s'acclimater dans un pays éloigné. Je ne pense donc pas, surtout après ce qui s'est passé pour Santo-Tomas qu'on puisse songer à fonder une colonie belge.

Hier, on a beaucoup parlé de la marine militaire. Je fais toutes mes réserves à cet égard. M. le ministre des affaires étrangères nous a fait espérer que bientôt on discuterait cette question à la Chambre. Je réserve, quant à moi, mon opinion. Mais je dois dire dès maintenant que je ne suis pas très favorable aux propositions du gouvernement. Je suis de l'avis de l'honorable M. Goblet que si la Belgique veut se donner une marine, si elle est en mesure de s'en donner une, cette marine doit être respectable, elle doit être en proportion de l'importance de notre pays. Nous ne devons pas être, sous ce rapport, au-dessous des nations de deuxième et de troisième rang.

Il faut en un mot une marine qui puisse faire respecter notre pavillon sur tous les points du globe, qui puisse aider efficacement notre commerce.

Eh bien, c'est là une très grosse question financière. Une marine proportionnée aux forces de la Belgique coûterait certainement 10 à 12 millions de frais d'établissement et 3 à 4 à porter annuellement au budget. Or, il faudrait, pour me convaincre, que l'honorable ministre des finances, qui m'inspire la plus entière confiance par ses lumières et parce qu'il est fidèle gardien du trésor public, vînt nous déclarer que la situation du pays est tellement brillante, que la Belgique peut déposer 10 à 12 millions pour établir la marine et porter annuellement à son budget un accroissement de charges de 3 à 4 millions.

Alors je serais porté à examiner avec soin une pareille proposition et sans doute à l'adopter. Je ne veux pas me prononcer, mais j'attendrai les explications qui (page 279) seront données dans la discussion du projet relatif à la marine militaire, et je voterai alors d'après mes convictions.

Reste maintenant les comptoirs ou plutôt les maisons à établir à l'étranger.

J'ai rappelé tout à l'heure qu'en 1849 une proposition d'intervention du gouvernement avait été favorablement accueillie par la législature.

Il s'agissait précisément de l'établissement de quelques comptoirs ou maisons belges dans l'extrême Orient, ou à Singapore, un autre en Chine et un troisième dans un autre pays de l'Orient dont je ne me rappelle pas le nom.

Ce qui paraissait bon en 1849, pourquoi ne le serait-il plus en 1860 ?

Le gouvernement doit-il attendre que le commerce par sa seule initiative ait fondé des maisons dans des pays aussi éloignés ?

Nous avons l'expérience de 20 années ; on a toujours engagé le commerce à fonder des maisons dans les pays lointains et jusqu'à présent je ne sache pas que dans l'extrême Orient nous en ayons une seule, et si le gouvernement n'y aide pas je crois que nous attendrons longtemps encore.

Comme c'est un de ces besoins sur lesquels tout le monde est d'accord, que tout le monde réclame l'extension de notre commerce et de nos débouchés et que l'essentiel pour atteindre ce but est d'avoir des maisons belges à l'étranger, je crois que le gouvernement ferait bien d'intervenir. »

Je pense que quand il s'agit d'intérêts généraux et que l'industrie privée est impuissante, le gouvernement peut légitimement intervenir temporairement.

Dans la note que M. le ministre des affaires étrangères a remise à la section centrale, il a dit que le gouvernement ne songe pas à établir des maisons belges à l'étranger aux frais de 1'Etat. En cela je l'approuve entièrement.

Il est évident que le gouvernement n'ira pas agir seul, mais je crois qu'il ferait bien d'aider à l'établissement de ces maisons.

Le projet qui avait été conçu en 1849 n'a pas eu de suite parce que nous étions alors à une époque difficile. La révolution de 1848 avait porté une véritable perturbation dans toutes les affaires, et l'on conçoit que des négociants ne fussent pas disposés à aller tenter des entreprises lointaines dans des circonstances semblables.

Mais aujourd'hui je suis convaincu que si M. le ministre s'adressait au commerce auversois, il trouverait des commerçants disposés à se mettre en avant pour l'établissement de maisons de ce genre.

Du reste, messieurs, je reconnais que le gouvernement ne peut que guider et encourager le commerce et que c'est principalement à l'initiative individuelle à l'esprit d'entreprise de nous ouvrir de nouveaux débouchés et de développer notre commerce maritime.

M. Vermeire. - L'honorable orateur qui vient de prendre la parole, me paraît vouloir atteindre une extension plus grande de nos relations avec l'étranger.

Il semble regretter l'abolition des droits différentiels parce que ces droits avaient, surtout, pour but...

M. d'Hoffschmidt. - Au contraire.

M. Vermeire. - ... Avaient surtout pour but l'exportation ie nos produits.

M. d'Hoffschmidt. - J'ai fait seulement l'historique des mesures qui ont été prises pour favoriser notre commerce maritime et (erratum, page 305) je ne regrette nullement la disparition des droits différentiels.

M. Vermeire. - Il résulte de l'historique fait par l'honorable orateur que, malgré tout ce qu'on a fait pour augmenter nos relations avec l'étranger, l’on n'est point parvenu au but proposé.

Messieurs, je ne crois pas que le gouvernement doive intervenir directement en ce qui concerne les encouragements à donnera nos exportations ; et si ces exportations n'ont pas pris de plus grands développements, c'est peut-être à cause même de l'intervention du gouvernement.

Qu'arrive-t-il en effet lorsque le gouvernement patronne, par exemple, une compagnie d'exportation ? C'est que le public attribue à cette compagnie un caractère de solvabilité et de garantie qu'elle ne comporte pas.

Cette compagnie alors s'adresse aux industriels, les engage avec insistance à exporter des marchandises par son entremise ; fait même briller à leurs yeux des comptes de revient d'où il résulte des bénéfices énormes ; enfin, pour inspirer plus de confiance, elle sollicite des consignations en empruntant la garantie du gouvernement. Je crois que c'est le moyen le plus détestable qu'on puisse adopter pour développer nos relations à l'extérieur.

Le grand mal que nous signalons consiste précisément en ce que les industriels se hasardent trop légèrement à faire des consignations à l'étranger.

Il faudrait que les négociants qui se chargent d'exportations connussent assez bien les marchandises à exporter, pour qu'ils pussent faire l'opération pour leur propre compte et payer, au comptant, les industriels auxquels ils ont affaire. C'est ainsi qu'agissent les maisons de Hambourg qui font le commerce d'exportation et qui achètent pour leur propre compte les marchandises qu'elles envoient dans les pays d'outremer.

Ce commerce n'existe pas en Belgique.

L'on est beaucoup apitoyé sur notre commerce avec l'étranger que l'on dit être dans une situation bien pitoyable. Mais, messieurs, en est-il bien ainsi ? Lorsque nous jetons nos regards sur les faits qui se sont produits, que constatons-nous ?

C'est qu'il y a quinze ans, à peine, nous n'exportions presque pas de produits manufacturés, nos exportations se bornaient à quelques matières premières. Et aujourd'hui quand on examine la statistique commerciale, on reste frappé de ce fait que nous exportons plus de produits manufacturés que de matières premières.

Nous sommes partis sous ce rapport d'un chiffre de 300 millions il y a vingt ans, et nous avons aujourd'hui une exportation qui s'élève à un milliard 742 millions.

D'où la conséquence, messieurs, que, dans un espace de temps aussi restreint, nous avons fait des progrès assez sensibles.

Maintenant, messieurs, quelles sont les industries qui ressentent de plus grands besoins d'exporter leurs produits ? Si nous allons, par exemple, à Gand et que nous nous adressions aux filatures de coton pour leur demander si elles veulent exporter des filés de coton, elles répondront : « Non ; nous avons tant de commandes, ajouteraient-elles, pour l'intérieur que nous ne pouvons pas même parvenir à y satisfaire. » Ce n'est donc pas cette industrie qui doit exporter. Est-ce l'industrie des tissus ? Non, messieurs, elle aussi travaille avec beaucoup d’activité.

En somme, messieurs, je crois que quand nous pouvons progresser à l'avenir, dans la mesure dans laquelle nous avons progressé pendant les 20 dernières années, nous n'aurons pas à nous plaindre. En présence de ces faits dûment constatés, ce que je dois réclamer du gouvernement, c'est que pour tout ce qui concerne les encouragements à accorder au commerce et à l'industrie, il intervienne le moins possible ou plutôt s'abstienne complétement.

Si des sociétés se forment pour favoriser les exportations, qu'elles le fassent à leurs risques et périls ; si des particuliers veulent exporter, qu'ils le fassent également aux mêmes conditions, mais que jamais on ne fasse croire à l'industriel qu'il peut faire de brillantes affaires sous le couvert du gouvernement. Que le gouvernement s'abstienne, et vous pouvez être certains que l'industrie belge se développera dans une proportion plus grande qu'elle ne l'a fait jusqu'à ce jour. En effet, messieurs, les mesures libérales qui ont été adoptées depuis quelque temps par la plupart des nations qui nous entourent prouvent que la voie libérale dans laquelle nous les avons précédées est la seule bonne voie, et que tous les articles qui ont été soumis au régime du libre échange sont précisément ceux dont l'exportation s'est développée dans une large mesure ; à tel point que si, selon moi, les industriels comprenaient leurs intérêts, ils viendraient demander que l'on voulût bien faire disparaître toute entrave, tant à l'importation qu'à l'exportation des produits similaires à ceux qu'ils fabriquent. Pourquoi devons-nous craindre la concurrence ? Est-ce que nos machines ne sont pas aussi perfectionnées que celles des étrangers ?

On dit qu'à l'étranger l'industrie est montée sur une vaste échelle, qu'en Angleterre, notamment, on travaille avec d'immenses capitaux, que dans ce pays, l'intérêt est plus bas que chez nous ; on ajoute bien des choses encore pour démontrer le soi-disant degré d'infériorité dans lequel nous nous trouverions.

Mais, messieurs, les grandes fabriques ne manquent pas chez nous, et je crois qu'en Belgique les capitaux peuvent s'obtenir à des conditions plus favorables que partout ailleurs. Depuis que la Banque nationale a été instituée, nous voyons presque toujours le taux de l'intérêt en Belgique au-dessous de ce qu'il est à Londres et à Paris ; c'est à tel point que le papier fourni sur notre pays est escompté en Belgique même.

Autrefois on fournissait sur Amsterdam, sur Paris, sur Hambourg ; (page 280) aujourd’hui les places sur lesquelles on fournît au meilleur compte sont Bruxelles et Anvers.

Quant aux machines, elles ne nous manquent pas. La main-d'œuvre est ici à meilleur compte que partout ailleurs.

Je ne sais donc pas, messieurs, pourquoi nous ne pourrions pas travailler en concurrence avec les autres pays ?

On disait que l'Angleterre produisait les filés de coton à meilleur marché que la Belgique ; il y a un an j'ai voulu en avoir le cœur net et je me suis adressé à une maison de Liverpool ; j'ai fait venir des échantillons, j'ai comparé les numéros, et j'ai constaté que les filés anglais coûtaient 3 ou 4 p. c. plus cher que les filés belges de qualité correspondante.

Je me résume, messieurs : j'engage avec la plus vive insistance le gouvernement à se maintenir dans la situation dans laquelle il se trouve aujourd'hui, c'est-à-dire à ne pas intervenir davantage soit pour encourager la construction de navires de commerce, soit de toute autre manière, dans les affaires privées.

Je pense qu'en dehors de l'intervention du gouvernement, nous ferons bien mieux notre chemin que par son concours et son intervention.

M. d'Hoffschmidt. - L'honorable M. Vermeire a semblé m'attribuer des idées protectionnistes qui ne sont pas les miennes et que je n'ai certainement pas exprimées. D'abord je ne regrette en aucune manière l'abolition des droits différentiels. Il n'est pas de loi qui m'ait causé plus de difficultés pendant que j'étais aux affaires étrangères, que la loi sur les droits différentiels ; d'ailleurs le maintien de cette loi n'était plus possible en présence des mesures libérales prises dans d'autres pays.

L'honorable M. Vermeire condamne l'intervention du gouvernement dans les affaires industrielles ; je suis entièrement de son avis en règle générale, mais il n'est pas de règle sans exception, et je crois que dans certains cas particuliers le gouvernement peut intervenir. Lorsque l'intervention du gouvernement peut amener un résultat très avantageux au pays, que l'industrie privée ne peut pas obtenir, alors l'intervention du gouvernement se justifie à la condition qu'elle soit temporaire. Tous les économistes approuvent l'intervention temporaire du gouvernement dans les cas où elle peut être réellement utile.

Il ne faut donc pas admettre ces principes absolus qui ne fléchissent jamais devant les faits, devant les besoins du pays.

Dans mon opinion, l'intervention du gouvernement pourrait être utile pour arriver à l'établissement des maisons de commerce dans les pays fort éloignés, par exemple, sur ce grand marché de l'extrême Orient. Si le gouvernement ne fait rien, nous resterons dans la situation actuelle, et d'autres nations exploiteront longtemps ce grand marché sans que la Belgique y prenne la part qui doit lui appartenir.

L'honorable M. Vermeire nous a déroulé le tableau de notre commerce extérieur ; il nous a fait voir que notre commerce avec les pays d'Europe a pris un accroissement extraordinaire ; mais je n'ai point parlé de notre commerce avec les pays d'Europe, j'ai parlé de notre commerce avec les pays transatlantiques et surtout avec l'extrême Orient. Or, ce n'est pas une raison, parce que nous réussissons parfaitement en Europe, que nous ne devons pas chercher à réussir ailleurs ; nous n'aurions déjà, ce me semble, pas trop de débouchés, et il y aurait une coupable imprévoyance à se borner exclusivement aux débouchés européens.

Telles sont les observations ou plutôt les rectifications que j'ai cru devoir présenter après le discours de l'honorable M. Vermeire.

M. de Haerne. - Messieurs, je crois devoir appuyer les observations judicieuses qui viennent d'être présentées par l'honorable M. d'Hoffschmidt ; je pense avec lui qu'on ne peut repousser d'une manière absolue toute protection, et que même dans certaines circonstances une protection au moins transitoire peut devenir nécessaire.

Messieurs, pendant assez longtemps notre commerce extérieur avec les pays transatlantiques et transocéaniques s'appuyait particulièrement sur le système des droits différentiels. Nous avons abandonné ce système d'une manière un peu brusque.

Il est évident que la Belgique n'a pas pu entrer tout à coup dans la voie nouvelle qui lui avait été ouverte, dans la voie qui lui était tracée, non seulement par les nations qui ont prospéré à l'aide de la protection douanière et qui plus tard ont abandonné, en partie du moins, le système protecteur, mais aussi par des nations qui n'ont presque jamais en recours à la protection, qui ont trouvé le développement de leur prospérité commerciale dans leur énergie propre, dans l'énergie individuelle et dans l'esprit d'association.

Je parlerai surtout de la Suisse. Je crois que c'est l'exemple de ce pays que nous devons surtout chercher à imiter. La Suisse, qui est un petit pays, a des établissements commerciaux en Amérique, en Asie et en Afrique.

Comment ces comptoirs se sont-ils établis ? Grâce à l'esprit d'entreprise, d'émigration et d'association qui distingue cette intelligente nation.

Nous pourrions entrer aussi dans la même voie par nos propres efforts, puisque la Suisse a bien pu le faire ; mais pour atteindre le but, elle a travaillé pendant bien longtemps, j'ose dire pendant plus d'un siècle.

Or, si nous voulons attendre un demi-siècle, un quart de siècle, peut-être parviendrons-nous à réaliser ce progrès sans le secours du gouvernement.

Mais je crois que l'appui de l'Etat, traduit en subsides sagement distribués, ces encouragements accordés à des jeunes gens pour aller fonder en maisons de commerce à l'étranger ; que cet appui, dis-je, doit avoir de bons résultats ; je crois que le gouvernement doit être soutenu dans cette voie par tous ceux qui joignent l'esprit patriotique au désir de développer notre commerce et notre industrie.

En un mot, je crois que l'intervention du gouvernement donnera plus d'énergie à la nation, pour qu'elle puisse marcher plus facilement dans la nouvelle voie qui lui est ouverte et qui nous a été si bien indiquée par une auguste autorité dans une autre enceinte.

Les Allemands aussi ont fait de puissants efforts sous ce rapport ; ils ont une masse de compatriotes qui ont émigré à l'étranger. Aux Etats-Unis, il y a des provinces où l'on parle presque exclusivement allemand. Ce sont pour ainsi dire des colonies allemandes.

Ces colonies, fondées par la liberté, ont noué des relations avec la mère-patrie, et ont naturellement attiré en Amérique les produits de leur pays.

Cela peut se faire encore ; mais l'esprit d'émigration n'existe pas en Belgique ; on doit le favoriser. Le gouvernement doit encourager les émigrations dans une mesure sage, dans un but industriel et patriotique.

C'est par ce motif, et en m'appuyant sur l'exemple donné par les nations placées au premier rang en Europe en fait de commerce ; c'est par ce motif que je m'associe aux observations qui viennent d'être présentées par un ancien ministre des affaires étrangères, l’honorable M. d Hoffschmidt.

Je ne crains pas de dire que, pour développer nos relations directes avec les marchés éloignés, surtout avec l'extrême Orient, nous devons faire des efforts dans le sens que je viens d'avoir l'honneur d'énoncer, nous ne voulons pas nous laisser effacer par les nations rivales.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Vrière). - Messieurs, un honorable membre qui a longtemps dirigé les affaires étrangères du pays avec un talent remarquable, a constaté la sollicitude avec laquelle le gouvernement a, de tout temps, consacré ses efforts au développement de l'exportation des produits de notre industrie ; il a conseillé au gouvernement de persévérer dans cette voie.

Je n'aurais pas pris la parole pour répondre à ce discours si l'honorable membre n'avait établi un fait qui, s'il n'était pas expliqué, donnerait lieu à de fausses interprétations, qui ne répondraient pas à sa pensée, je veux parler de la faiblesse de nos exportations vers les contrées transatlantiques.

C'est, messieurs, une erreur dans laquelle on a coutume de verser ordinairement. On juge d'après la statistique, pour déterminer quel est le chiffre de nos exportations vers les différents pays.

Or, la statistique ne donne que le chiffre des exportations directes, l'on considère seulement ce chiffre pour apprécier nos exportations vers les contrées transatlantiques, ces exportations paraissent à peu près nulles ou du moins très faibles.

Cependant, messieurs, nos exportations transatlantiques, quoique relativement faibles, n'en ont pas moins suivi, dans ces dernières années, un progrès tout aussi remarquable que nos exportations en général ; mais ces exportations se font par le port de Hambourg et par les ports français et anglais ; il s'en fait fort peu par le seul grand port que nous possédions.

Il est naturel que dans un petit pays ne possédant qu'un seul grand port, n'ayant qu'un petit nombre d'intermédiaires entre les producteurs indigènes et les consommateurs étrangers ; il est naturel, dis-je, que les exportations directes n'aient pas une importance égale à celle des grands pays maritimes. Quoi que nous fassions, nous serons toujours sous ce rapport dans un état d'infériorité.

(page 281) Mais si vous consultez le chiffre de nos exportations générales, et si vous consultez quelle est le montant des exportations qui se dirigent vers certains ports européens, on ne peut douter que la somme de nos exportations vers les contrées transatlantiques ne soit beaucoup plus considérable que celle qui résulte de vos statistiques. Ainsi nous exportons pour 11 millions de produits à Hambourg seulement. Ce n'est certainement pas l'Etat de Hambourg qui consomme ces produits, et une grande partie de cette exportation est dirigée sans aucun doute de cette place vers les pays d'outre-mer.

Un mot encore sur une idée qui a été émise par l'honorable membre auquel je réponds particulièrement.

L'honorable membre a attaché une importance toute particulière aux encouragements à donner par le gouvernement afin d'obtenir l'établissement de comptoirs à l'étranger et il a rappelé comme un des moyens qui avaient été préconisés une société d'exportation.

M. d'Hoffschmidt. - J'ai dit qu'il avait été question de la formation d'une société semblable.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Vrière). - Messieurs, de tout temps on est préoccupé dans la Chambre et dans le pays des questions d'exportation. De tout temps on a demandé à des moyens factices, dirai-je, des progrès que le commerce par ses seuls efforts, l'industrie par ses seules forces, ne réalisait pas immédiatement. Ainsi vous vous souviendrez qu'à une époque où les événements politiques avaient placé le pays dans une situation très pénible, relativement à ses intérêts industriels, tout le monde se préoccupait de la question des débouchés. A cette époque on fit des enquêtes, on écrivit des volumes sur cette question. Notre commerce en général, peu d'années après 1830, ne s'élevait qu'au chiffre de 374 millions. La situation était déclarée désespérée. On demandait deux choses, la protection à l'intérieur et les moyens d'exporter à l'extérieur, les uns par des sociétés d'exportation, les autres par des subsides, par tous les moyens enfin dont le trésor public peut disposer.

Toutes ces enquêtes, toutes ces discussions qui durèrent pendant plusieurs années, que produisirent-elles ? Rien. Après qu'on eut écrit volume sur volume, on n'aboutit à aucune espèce de moyen pratique. Cependant, on résolut de créer une société d'exportation. On en jeta les bases, on en fit les statuts, et lorsqu'il s'agit de mettre à exécution cette société, lorsqu'il fallut en former le capital, on parvint à réaliser une somme tellement faible qu'il était évident que l'idée succombait sous le bon sens du public.

A l'époque dont je parle, l'industrie se déclarait impuissante à lutter contre l'industrie étrangère sur notre propre marché. Elle déclarait qu'elle ne le pouvait, sans être protégée par des droits de douane énormes et par des droits différentiels ; et c'était alors que l'on demandait des sociétés d'exportation pour aller lutter, à des milliers de lieues, contre la concurrence qu'on prétendait ne pouvoir soutenir chez soi. On demandait à être protégé sur le marché intérieur contre des marchandises grevées par des droits de douane considérables, des commissions et les désavantages de la distance ; et l'on demandait en même temps qu'une société allât lutter dans les pays lointains où l'on allait rencontrer tous les produits similaires des autres nations dans des conditions de concurrence égales.

Ce système, je le répète, est tombé devant le bon sens public. Mais l'industrie, livrée à elle-même, livrée à sa propre énergie, sans le secours de personne, a produit un mouvement d'affaires qui, de 374 millions, s'est élevé à 1,742 millions.

Voilà ce que l'industrie a fait par ses seules forces et sans les moyens artificiels que de fausses théories réclamaient du gouvernement. Eh bien, messieurs, n'est-il pas étonnant que cette intervention administrative que l'on réclamait pour donner à notre industrie les moyens de se faire connaître à une époque où l'on déclarait la position désespérée, et à cause de cette position même, on la demande encore aujourd'hui que l'on constate les immenses progrès que l'industrie et le commerce ont réalisés par eux-mêmes, alors que la situation est reconnue admirable, que le travail abonde partout, que nos produits se font connaître de plus en plus dans toutes les régions du monde et que notre commerce progresse dans une proportion plus forte que le commerce d'aucun autre pays.

L'honorable M. de Haerne vous a parlé des droits différentiels avec une espèce de regret.

M. de Haerne. - Nullement.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Vrière). - Cette allusion, si vous le voulez, me remet en mémoire un document que j'avais hier sous les yeux. Lorsqu'il s'est agi en Angleterre du retrait du Navigation act, alors aussi on a déclaré que la navigation maritime en Angleterre était morte, que c'en était fait de la navigation maritime. Depuis lors, on a donné une situation comparative du mouvement commercial de la navigation pendant une série d'années qui ont précédé ce rappel et de celui des années qui l'ont suivi. D'après ce document, le tonnage anglais a crû de 1846 à 1857 de 59 p. c., les entrées et les sorties de 86 p. c. Le tonnage qui était à la première époque de 12 1/2 millions de tonneaux, est monté à 23 1/2 millions, c'est-à-dire qu'il a à peu près doublé.

Voilà, messieurs, l'effet de la liberté. L'honorable membre a fait allusion à l'utilité de favoriser la création des maisons belges à l'étranger.

J’ai dit, messieurs, dans une autre circonstance, combien il était utile d'appeler l'attention du commerce sur l'institution de pareilles maisons.

C'est en grande partie à l'existence à l'étranger d'un grand nombre de leurs nationaux dans les pays transatlantiques que les nations les plus commerçantes doivent le grand développement de leurs affaires avec les contrées éloignées.

Lorsqu'un négociant transporte sa maison, ses affaires dans un pays lointain ; il conserve dans sa patrie des relations de famille, des relations d'amitié, et par conséquent il choisit de préférence ses correspondants dans son pays, de préférence aussi il établit avec son pays et avec ses compatriotes des relations d'affaires, c'est là une des principales bases de cette immense clientèle que trouvent les négociants anglais dans toutes les parties du monde.

Sous ce rapport, messieurs, l'établissement de maisons à l'étranger est extrêmement utile et l'on ne peut assez conseiller aux jeunes gens qui se destinent au commerce de chercher à appliquer leurs connaissances et leur activité dans cette voie.

Mais, messieurs, ce n'est pas seulement vers les pays transatlantiques qu'on devrait diriger, si l'on peut diriger pareille chose, l'expatriation des jeunes gens.

On dit avec raison que notre commerce direct avec les pays transatlantiques pourrait être considérable, mais il faut ajouter que notre commerce direct pourrait être également beaucoup plus considérable avec les pays d'Europe.

Il y a des pays en Europe, le royaume scandinave par exemple, qui sont à nos portes pour ainsi dire, et avec lesquels nous ne faisons presque pas d'affaires directes.

Voyez le mouvement des importations (erratum, page 305) en Suède ensuite. Vous verrez que sur une importation totale d'environ 80 millions, nous ne figurons que pour 611,000, et c'est là le chiffre de l'année la plus favorable, tandis que les importations directes de l'Angleterre, s'élèvent dans ce pays à 27 millions.

Pourquoi nos exportations directes n'atteignent-elles en Danemark que 900,000 fr. en Portugal, 300,000 fr. en Italie, 1,173,000 fr. en Grèce et dans l'archipel grec, moins d'un demi-million, dans les vastes possessions autrichiennes moins d'un million et demi ? Tous ces vastes marchés, bien plus faciles à aborder et à exploiter, bien plus sûrs et permettant des opérations plus souvent renouvelées, pourquoi sont-ils alimentés en partie de nos produits, par l'Angleterre, les Pays-Bas, la France, et les villes hanséatiques ?

C'est, messieurs, parce que nous ne nous mettons pas par des voyages en communication ave -ces pays.

Vous pourrez voyager pendant un an en Suède et dans les autres pays (erratum, page 305) scandinaves sans rencontrer un Belge. Vous y trouverez des Anglais, des Allemands, des Suisses, des habitants de tous les pays de l'Europe, excepté des Belges.

Le Belge n'est pas voyageur. Il a des habitudes casanières. C'est peut-être le résultat du bien-être, mais le fait est que si l'on prenait l'habitude de voyager davantage, d'aller étudier les ressources et les besoins des pays qui nous environnent, de lier personnellement des relations avec les maisons de commerce étrangères, il en résulterait évidemment un courant d'affaires direct plus considérable. Le commerce direct ne doit pas être le but exclusif des efforts d'un pays. Mais il est incontestable que le commerce direct est une chose désirable parce qu'il prouve en général les bénéfices plus grands que le commerce indirect.

Eh bien, si le commerce (erratum, page 305) direct est désirable, si l'on croit qu'il puisse se réaliser par l'établissement de maisons nationales à l'étranger, il faut avant tout qu'on puisse espérer que des voyages, des explorations, des établissements se feront dans des pays plus rapprochés.

Comment pouvons-nous songer à établir des maisons belges ou à faire voyager nos compatriotes dans le royaume de Siam, par exemple, lorsqu'ils ne vont pas même à Copenhague ou à Stockholm ?

(page 282) Nous avons, messieurs, sous ce rapport, des progrès à faire, nous devons diriger l'éducation commerciale de nos jeunes générations vers les explorations au dehors, et c'est afin d'appeler sur cette carrière féconde l'attention des familles et celle de la jeunesse que nous avons proposé à la Chambre d'instituer des bourses de voyage.

Chapitre IV. Frais de voyage

Article 23

« Art. 23. Frais de voyage des agents du service extérieur et de l'administration centrale, frais de courriers, estafettes, courses diverses : fr. 70,500. »

- Adopté.

Chapitre V. Frais à rembourser aux agents du service extérieur

Articles 24 et 25

« Art. 24. Indemnités pour un drogman, pour un capou-oglan et pour quatorze khavass employés dans diverses résidences en Orient : fr. 10,380. »

- Adopté.


« Art. 25. Frais divers : fr. 75,120. »

- Adopté.

Chapitre VI. Missions extraordinaires, traitements d’inactivité et dépenses imprévues

Article 26

« Art. 26. Missions extraordinaires, traitements d'agents politiques et consulaires en inactivité et dépenses imprévues non libellées au budget : fr. 47,000. »

- Adopté.

Chapitre VII. Perception des droits de chancellerie et bureau de la librairie à Paris

Articles 27 et 28

« Art. 27. Personnel : fr. 5,240. »

- Adopté.


« Art. 28. Frais divers : fr. 360. »

- Adopté.

Chapitre VII. Commerce, navigation, pêche

Articles 29 à 35

« Art. 29. Ecoles de navigation. Personnel : fr. 18,060. »

- Adopté.


« Art. 30. Ecoles de navigation. Frais divers : fr. 8,080. »

- Adopté.


« Art. 31. Chambres de commerce : fr. 12,500. »

- Adopté.


« Art. 32. Frais divers et encouragements au commerce : fr. 38,000 ? »

- Adopté.


« Art. 33. Encouragements de la navigation à vapeur entre les ports belges et les ports étrangers (pour mémoire). »


« Art. 34. a. Service de navigation à vapeur entre aà Belgique et New-York. Remboursements des droits de pilotage : fr. 28,800.

« b. Service de navigation à vapeur entre la Belgique et le Brésil : remboursement des droits de tonnage, de pilotage, de phares et fanaux (pour mémoire).

« c. Service de navigation à vapeur entre Anvers et le Levant, remboursement des droits de tonnage, de pilotage, de phares et fanaux, spécifiés à l'article 9 de la convention du 12 novembre 1855 (crédits non limitatifs) : fr. 20,276.

« Total : fr. 49,076. »

- Adopté.


« Art. 35. Pêche maritime. Personnel : fr. 7,550. »

- Adopté.

Article 36

« Art. 36. Pêche maritime. Primes : fr. 92,050. »

M. Coomans. - Je voudrais demander au gouvernement si son intention est de maintenir les primes pour la pêche.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Vrière). - La section centrale a demandé que les primes pour la pêche nationale fussent successivement diminuées.

Cependant, elle a maintenu dans le budget actuel le chiffre pétitionné par le gouvernement.

Le gouvernement ne pense pas que le moment soit venu de diminuer ces primes.

Nous avons une partie de cette pêche très importante, la pêche des harengs qui a complètement disparu malgré la prime. D'un autre côté la pêche du poisson frais est stationnaire ; c'est, comme vous le savez, messieurs, une industrie extrêmement laborieuse, pénible, difficile, c'est une industrie qui se lie aux intérêts du commerce maritime, c'est une industrie qui se lie aux subsistances publiques ; or malgré la prime et bien que la pêche ne procure pas à ceux qui l'exercent une condition bien heureuse, le poisson est toujours fort cher en Belgique, tellement cher qu'il n'est pas à la disposition du ménage de l'ouvrier. Cette industrie mérite donc certains ménagements, et dans mon opinion il y a des raisons très plausibles pour lui conserver, à l'exemple d'autres Etats, des encouragements particuliers.

L'industrie de la pêche n'a pas suivi, dans notre pays, le mouvement progressif des autres industries. Je crois, messieurs, que sous ce rapport il y a quelque chose à faire, je suis frappé de quelques faits que voici.

Nous sommes tributaires de plusieurs pays étrangers pour les produits de la pêche : l'Angleterre nous fournit du hareng, la Hollande également, la Norvège nous fournit du stockfisch, la Hollande nous apporte de la morue appelée londorium. Je me suis souvent demandé, messieurs, d'où il venait que certains poissons que nos pêcheurs pourraient recueillir tout aussi bien que les Hollandais ne sont pas rapportés par eux, et pourquoi les produits de leur pêche ne sont pas aussi bons, n'ont pas autant de valeur que les mêmes produits fournis par la pêche étrangère.

(page 283) Je me suis demandé, par exemple, pourquoi la morue de notre pêche se vend pendant l'hiver et jusqu'au printemps la moitié moins cher que la morue hollandaise.

Nous ne préparons pas comme les Français la sardine quoique ce poisson ou son équivalent l'anchois abonde sur nos côtes, le saunage, le soufrage et la salaison de certains poissons qui entrent dans l'alimentation publique ne sont pas en usage chez nous, le procédé Appert au moyen duquel la France exporte jour plusieurs millions de poisson conservé est totalement ignoré dans notre pays.

Mon attention a été appelée sur ces matières que je crois digue du plus grand intérêt, je ne fais ici que les indiquer mais peut-être, après avoir entendu sur ces diverses questions 'ds personnes plus compétentes que je ne le suis, serai-je conduit à demander un changement au libellé de l'article « pêche », en y ajoutant : « et autres encouragements pour la pêche. »

En attendant, je prie la Chambre d'adopter le chiffre proposé par le gouvernement.

M. Coomans. - Je regrette, messieurs, que le gouvernement ne donne pas suite à cette promesse si souvent renouvelée de diminuer peu à peu les primes jusqu'à ce qu'elles soient entièrement supprimées. Cette promisse nous a été faite par tous les ministères qui se sont succédé depuis 10 ou 12 ans. Je pourrais en faire l'historique, mais j'y renonce, parce que je crois que l'opinion de la majorité de la Chambre en ce qui concerne les primes, et même l'opinion du gouvernement s'est beau coup modifiée depuis plusieurs années et cela dans un sens rétrograde ; je n’en proteste pas moins contre toute prime, et je continuerai de faire tous mes efforts pour abolir ce détestable moyen de protection.

L'honorable ministre nous dit avec raison que notre pêche n'est pas dans une situation prospère ; je le déplore, mais je suis parfaitement convaincu que ce ne sont pas nos primes qui amélioreront cette situation.

En général toute industrie primée est une industrie ruinée ou bien près de l'être.

M. de Naeyer. - La pêche en est une preuve.

M. Coomans. - La pêche en est en effet une preuve avec beaucoup d'autres.

Un membre a insisté sur la faiblesse de la somme qui est annuellement accordée. Si la somme est faible, ce que je conteste, le principe de liberté que vous froissez est très grave, et j'espère que la Chambre reviendra un jour complètement à ce principe.

Je propose, messieurs, de réduire de 10,000 francs le crédit demandé.

M. Goblet. - Je sous-amende la proposition de M. Coomans ; je propose une réduction de 5,000 fr.

M. Coomans. - Je me rallie à cette proposition.

M. Van Iseghem, rapporteur. - L'honorable M. Coomans vient de présenter un amendement ; je demande qu'une discussion s'établisse sur cette nouvelle proposition.

M. le président. - La discussion est ouverte.

M. Van Iseghem, rapporteur. - Messieurs, je viens m'opposer à la proposition de l'honorable M. Coomans. Je suis convaincu que si on réduit annuellement de 5,000 francs l'allocation demandée, on amènera la ruine de notre pêche maritime.

Personne n'ignore que l'industrie de la pêche est une industrie des plus aventureuses, des plus chanceuses et des plus dangereuses. Il ne suffit pas d'aller en mer, jamais on n'est certain de revenir avec du poisson et encore comment le vend-on ? Il arrive malheureusement quelquefois que les chaloupes sont chassées par le mauvais temps, elles retournent dans le port sans avoir pu pêcher et avec de fortes avaries, et c'est en partie contre ces mauvaises chances que la prime est nécessaire.

Le poisson frais, à Ostende, se vend de 15 à 20 centimes le kilogramme et la morue tout au plus à 30 centimes, souvent moins ; c'est une preuve que le pêcheur a un salaire très minime ; ce n'est pas notre faute si le poisson est si cher dans l'intérieur du pays, nous fournissons une nourriture à bon compte.

Plusieurs nations accordent des primes à la pêche. La France accorde 4 millions.

L'Angleterre va plus loin, elle défend aux pêcheurs étrangers de venir pêcher le long de ses côtes.

C'est ainsi que l'Angleterre a tué et anéanti notre pêche de harengs en chassant des côtes de l'Ecosse nos pêcheurs qu'y s'y rendaient. Ceci est une autre protection que les 92,000 fr. qui figurent au budget.

Si on diminue la prime en Belgique, il est fortement à craindre qu'une grande partie des pêcheurs d'Ostende, de Nieuport et de Blankenberghe, mais principalement des deux premières localités vont quitter notre littoral ; ils se rendront à Dunkerque où ils ont un salaire beaucoup plus élevé.

A Dunkerque la morue se vend le double du prix qu'on obtient à Ostende et à Nieuport, déjà tous les étés il y a de nos pêcheurs qui se rendent en France, et sans la prime le nombre serait beaucoup plus considérable. Nous n’avons aucun intérêt à favoriser cette immigration.

Je le répète, si la prime est diminuée, la pêche reçoit un coup mortel.

La prime se trouve déjà réduite considérablement par suite de l'augmentation des armements. La Chambre sait que le chiffre qui figure au budget est invariable et fixe, et comme la prime est liquidée d'après un règlement, chaque spécialité de pêche est réduite au prorata. Ainsi en 1855 chaque prime a subi une diminution de 16 p. c., en 1856 de 18 p. c., en 1857 de 20 p. c. et en 1858 de 24 p. c.

La Chambre voit donc que par suite de l’augmentation des armements la prime diminue déjà tous les ans, et voilà l'honorable M. Coomans qui veut frapper nos malheureux pêcheurs une seconde fois !

A Ostende, ce n'est que la pêche de morue qui est primée, celle du poisson frais ne jouit sous ce rapport d'aucune faveur, elle attend toujours une diminution sur le prix du transport par le chemin de fer.

N'y a-t-il pas d'autres industries qui reçoivent encore des encouragements en Belgique d'une manière indirecte ?

L'industrie de la pêche est-elle si onéreuse pour la Belgique ? Nos courageux pêcheurs, ne retirent-ils pas du fond de la mer pour une valeur de plus de 2,000,000 de fr. par an, et n’est-il pas préférable de laisser gagner cet argent à nos compatriotes, que d'exporter cette somme à l'étranger ?

La pêche n'est-elle pas la pépinière des matelots, ne rend-elle pas sous ce rapport de grands services à notre navigation ? Sans la pêche on n'aurait jamais non plus pu organiser le service du pilotage des bouches de l'Escaut.

J'espère que la Chambre ne voudra pas jeter la perturbation dans les populations de la côte, anéantir une industrie et qu'elle rejettera la proposition de l'honorable M. Coomans.

M. Goblet. - Messieurs, j'ajouterai seulement quelques mots à ce qu'a dit l'honorable M. Coomans, pour appuyer la réduction de la prime.

En principe, je suis l'adversaire des encouragements donnés à perpétuité à certaines industries. Si, au bout d'un certain nombre d'années, ces industries ne peuvent pas vivre par elles-mêmes, elles doivent disparaître, parce qu'elles sont anomales.

Maintenant, cette protection accordée à la pêche est énorme : elle est de 4 francs pour une valeur de 35 francs, c'est-à-dire de 12 p. c.

La pêche belge est, en outre, protégée par les droits qui frappent l'entrée du poisson de provenance étrangère en Belgique.

Il ne faut pas non plus perdre de vue l'intérêt du consommateur. Le poisson de mer est excessivement cher dans notre pays ; et on ne peut se dissimuler que ce résultat est produit par la double protection accordée à la pêche nationale, c'est-à-dire la protection qui lui est accordée contre la pêche étrangère et la prime qui est inscrite à son profit dans le budget.

Dans de pareilles circonstances, on peut parfaitement, selon moi, entrer dans la voie indiquée par l'honorable M. Coomans ; et réduire successivement la prime, il faut en arriver à faire de l'industrie de la pêche une industrie qui puisse se soutenir sans l'aide du gouvernement. Si elle ne le peut pas, elle doit, je le répète, disparaître.

M. le ministre des affaires étrangères ne s'explique pas pourquoi le poisson belge est moins estimé que le poisson hollandais. Je vais le lui dire ; le poisson belge est pêché par des moyens excessivement arriérés. Pour pécher, nos pêcheurs emploient des filets, au lieu qu'en Hollande, ce sont des hameçons qui servent à prendre le poisson. La prime est encore un encouragement, si je puis m'expliquer ainsi, à cette immobilité de l'industrie de nos pêcheurs. On reste en arrière, parce qu'on est sûr d'un bénéfice. Or, c'est ce que je veux empêcher.

M. Rodenbach. -Messieurs, personne ne demande que la prime soit perpétuelle, et la preuve qu'on n'a jamais demande qu'elle fût perpétuelle, c'est qu'elle a été diminuée. Je soutiens qu'aujourd'hui encore nos pêcheurs ont besoin de protection : la France leur fait une forte concurrence. L'Angleterre et la Hollande nous envoient aussi une (page 284) quantité considérable de poissons. Notre tarif est très bas, et voilà pourquoi nos pêcheurs ne peuvent pas soutenir la concurrence.

Si vous allez brusquement diminuer encore la prime, vous augmentez le nombre des misérables sur la côte ; car la pêche nationale sera anéantie, et sans cette pêche, cette population, déjà malheureuse, sera véritablement aux abois.

Ce n'est pas ici une question de principe, c'est une question d'humanité.

(page 287) M. de Smedt. - Messieurs, adversaire décidé de toute faveur accordée à des industries qui ne sont pas naturelles au pays et qui, au moyen de cette protection, prospèrent artificiellement, au grand préjudice des consommateurs en général, vous ne devez pas vous attendre à ce que je vienne faire ici l'apologie systématique des primes accordées à notre pêche nationale.

Les principes que je professe en ces matières, les convictions que je me suis faites, j'aurai le courage, je l'espère, de les défendre toujours dans cette Chambre, alors même que des intérêts que je représente plus particulièrement sembleraient devoir en souffrir.

C'est en invoquant la liberté qu'on est venu attaquer ici la légère faveur accordée à l'industrie de la pêche, c'est au nom de la liberté, mais d'une liberté complète, que je viens la défendre.

Je dirai donc : Supprimez les primes, j'y consens, mais supprimez-les toutes en même temps. Je ne parlerai pas ici, messieurs, de ces primes innombrables qui avec moins de franchise se distribuent avec tant de largesse à des industries qui ne sont viables eu Belgique que par elles. Ces primes indirectes, qu'on appelle droits de douanes, n'en sont pas moins fâcheuses pour le consommateur belge. L'analyse de pareils faits me conduirait trop loin et je me bornerai pour le moment à demander l'abolition des primes qui neutralisent le bon effet de celles que vous avez accordées jusqu'ici à l'industrie de la pêche nationale.

Comme je l'ai dit en commençant, messieurs, l'industrie de la pêche est une industrie essentiellement naturelle au pays, elle l'est au même degré que l’agriculture, que l'extraction de la houille et du minerai de fer, etc. Les frais de production de cette industrie ne doivent pas nécessairement être plus élevés en Belgique que dans les pays qui nous font concurrence sous ce rapport. En effet, messieurs, la mer baigne 14 à 15 lieues de notre littoral, le poisson s'y trouve en abondance, nous avons nos pêches d'Irlande, de Féroé et d’Ecosse pour la morue.

Nous possédons environ 400 bâtiments de pêche, qui occupent plus de 2,000 marins ; enfin, la nature nous a donné plusieurs ports qui se prêtent admirablement bien à ce genre de commerce.

Dans de semblables conditions, il s’ensuivrait que le prix d’achat de cette marchandise pourrait et devrait être le même qu'en Hollande et qu'en Angleterre.

Si donc des faits contraires se produisent, si la vente du poisson est relativement rare, si le prix en est élevé, cela doit tenir à des causes purement accidentelles.

Il importe donc, avant tout, de rechercher ces causes accidentelles qui tiennent dans l'enfance cette importante industrie. et non pas la condamner, la tuer, avant d'avoir essayé d'appliquer un remède à son état momentané de souffrance.

Ces causes, messieurs, les voici. Aussi longtemps que nous fûmes réunis à la Hollande, celle-ci avait le monopole de cette industrie elle ne négligea rien pour ruiner notre pêche ; aussi à l'époque de notre glorieuse indépendance, fallut-il tout créer ; de grands capitaux furent donc employés et de efforts constants furent faits pour chercher à rendre cette industrie aussi prospère qu'en Hollande même.

Mais ce n'est pas en quelques années qu'on pouvait ruiner un rival qui a sur nous l'immense avantage d'avoir toujours existé et de se trouver même en quelques points dans des conditions plus favorables.

C'est ce que le gouvernement et les Chambres ont sagement compris jusqu'ici ; soutenir le contraire, c'est prétendre, me semble-t-il, que les arides bruyères de la Campine, par exemple, n'ont pas besoin et ne méritent pas plus soins et de sacrifices pour les rendre à la culture qu'un champ qui a toujours été soigneusement amendé.

La mer, messieurs, c'est ce vaste champ qu'il nous est donné d’exploiter, nous pouvons y trouver une source puissante pour l'alimentation publique et une ressource illimitée pour le travail national.

Mais, me dira-t-on, comment donc cette industrie si belle, si féconde en apparence, ne prend-elle pas plus d'extension en Belgique, pourquoi, même sous peine de la voir dépérir, le gouvernement doit-il l'encourager par des primes ?

Je pourrais d'abord demander, messieurs, à mes honorables contradicteurs et surtout aux membres de la section centrale, comment il se fait qu'ils soient devenus tout à coup si puristes en fait d'intervention protectionniste de l'Etat en matière d'industrie, alors qu'ils ont voté, il y a peu de jours, le principe d'intervention permanente de l'Etat en cette matière à propos des ateliers d'apprentissage.

Si c'est l'amour platonique du principe de non-intervention qui leur fait attaquer les primes accordées à la pêche, je ne les en blâme pas, je les en félicite même, et je ne désire, pour ma part, qu'une chose, c'est qu'ils soient à l'avenir d'accord en toute matière avec leur principe de non-intervention.

Est-ce peut-être l'intérêt du consommateur que vous voulez défendre ici ? Vraiment, messieurs, ceci ne serait pas sérieux.

Je ne comprends même pas quelle influence pourrait avoir sur le prix de cet objet important de consommation alimentaire la suppression complète du subside, très insignifiant, du reste, alors que l'on sait que les divers produits de la pêche nationale s'élèvent à la valeur importante d’un million et demi de francs pour environ cinq millions de kilogrammes.

D'ailleurs, messieurs, avant d'enlever la prime accordée comme encouragement à la pêche nationale, commencez par enlever les entraves de tout genre qui paralysent les efforts et les progrès que cherchent à faire nos pêcheurs et nos armateurs. A ce point de vue une amélioration importante a été réalisée dernièrement par suite de l’abolition des octrois. Les droits d'octroi frappaient cet objet d'alimentation d'une manière tout exceptionnelle.

Il s'élevait dans certaines villes à 24 et jusqu'à 50 p. c. de la valeur, alors que ce même droit n'atteignait la viande que dans la proportion de 5 p. c.

Mais il existe d'autres entraves à l'extension de cette industrie sur notre propre marché.

Ainsi, par exemple, les frais de transport sur notre chemin de fer sont relativement à d'autres objets de consommation alimentaire beaucoup trop élevés. L'auteur d'une remarquable brochure sur cette question, M. L. Magne, cite un exemple frappant.

Il dit d'abord : « Le gouvernement peut, quand il le voudra, introduire dans les tarifs de transport des chemins de fer des conditions qui contribuent au bon marché du poisson. Il devrait aussi adopter des waggons-marée qui serviraient spécialement à ces transports. »

Non seulement le gouvernement peut réduire considérablement ces frais, mais la justice distributive semble l'exiger. Une tonne de morue de 140 kil. et de la valeur de 65 fr., paye 4 fr. 60 c. pour transport d'Ostende à Bruxelles. Cela fait en réalité de 12 à 14 p. c. de la valeur, tandis que tout un box de bœufs ou de vaches, venant de Hasselt et d'une valeur peut-être de 3,00 fr. à 4,000 fr. paye un peu plus de 14 fr.

Vous voyez, messieurs, par ces chiffres, combien il est nécessaire de modifier le tarif du transport du poisson sur nos chemins de fer alors surtout qu'il s'agit d'approvisionnements si utiles à l'alimentation publique.

Mais ce qui importe surtout au point de vue des progrès à réaliser pour notre pêche nationale, c'est l'abolition de cette odieuse tracasserie, de cette entrave à la libre concurrence, je veux parler des règlements et des frais de minque.

C'est là une prime accordée au poissonnier qui, aux dépens des consommateurs et surtout des pêcheurs, exercent un honteux monopole que je voudrais voir aboli. Laissez à cette industrie sa liberté complète, n'interdisez plus le colportage du poisson dans les villes, diminuez dans de légitimes proportions le prix relativement élevé du tarif de nos chemins de fer pour le transport du poisson. En un mot, enlevez les primes qui nuisent à cette industrie, et alors, messieurs, mais alors seulement, cette intéressante industrie pourra lever la tête et réclamer fièrement, comme nos intéressants drapiers de Verviers, l'abolition de toute prime, de toute protection à l'intérieur comme à l'extérieur du pays. Lorsque vous aurez réalisé ces progrès, je ne serai pas le dernier, croyez-moi, à voter la réduction successive des primes d'encouragement accordées jusqu'ici à la pêche nationale.

Cette industrie, comme je l'ai dit en commençant, est essentiellement naturelle au pays, elle a sa raison d'être en elle-même, rien, absolument rien, n'autorise à croire qu'elle soit impuissante à progresser en Belgique, tout autant du moins qu'en France ou en Hollande même ; cherchons donc, comme l'a dit très judicieusement l'honorable ministre des affaires étrangères, M. de Vrière, à la tirer de son état momentané de souffrance et ne la décourageons pas avant d'avoir retranché ce qu’à mon avis j'envisage comme les seules entraves à son progrès, c'est-à-dire les droits de minque, la défense du colportage dans les villes, le tarif relativement trop élevé pour le transport du poisson sur nos chemins de fer.

Quand vous aurez réalisé ces perfectionnements, vous serez peut-être en droit d'ériger la diminution progressive de l'intervention gouvernementale par les primes, mais en attendant, agir autrement ce serai la plus fâcheuse inconséquence, ce serai commencer par où il faudrait finir.

(page 284) M. de Brouckere. - Messieurs, j'ai demandé la parole afin que personne ne puisse se méprendre sur la portée du vote qu'on va émettre.

L'honorable M. Goblet ne présente qu'une réduction de 5,000 fr. ; c'est un chiffre très peu élevé ; mais il est évident que l'amendement proposé par cet honorable membre signifie que la prime sur la pêche sera réduite successivement d'année en année, jusqu'à ce qu'on arrive à sa suppression totale ; ou l'amendement signifie cela, ou il ne signifie rien. (Interruption.)

Du reste, l'auteur de l'amendement en convient.

Eh bien, messieurs, je vous demande si le moment serait bien choisi pour réduire les primes en faveur de la pêche et arrivera leur suppression, alors que, de l'aveu de tout le monde, l'industrie de la pêche se trouve dans une position des plus fâcheuses.

Je dis que l'industrie de la pêche est aujourd'hui dans une position très malheureuse et que le moment serait très mal choisi pour réduire les primes et annoncer à ceux qui exercent cette industrie qu'on arrivera dans le plus bref délai à leur suppression totale.

Remarquez-le bien, messieurs, les primes sur la pêche sont établies bien moins au profit de l'armateur à la pêche qu'au profit des pêcheurs eux-mêmes.

La réduction tombera sur eux.

Eh bien, si vous allez aujourd'hui réduire de 5,000 fr. le total des primes en annonçant que successivement vous prononcerez d'année en année de nouvelles réductions pour arriver à la suppression des primes, dès aujourd'hui vous jetteriez dans le découragement le plus triste ces familles malheureuses qui vivent péniblement d'une très pénible industrie.

Je crois que nous ferions un acte de légèreté, un acte imprudent, en venant dès aujourd'hui décréter en quelque sorte, la suppression des primes, bien que la suppression totale ne dût avoir lieu que d'ici à quelques années. Je voterai donc contre toute espèce de diminution.

M. Coomans. - Messieurs, je ne crains pas de l'affirmer, si, il y a 7 ou 8 ans, le gouvernement était venu proposer à la Chambre de voter la prime dont il s'agit pour 7 ou 8 ans, il y aurait eu un vote négatif presque unanime dans cette assemblée ; tant le système des primes était alors discrédité. A en croire l’honorable M. de Brouckere, il s'agirait aujourd'hui, dans notre bouche, d'une chose tout à fait nouvelle ; mais il n'en est rien : on a réclamé et promis 50 fois la diminution successive des primes et leur suppression dans un certain nombre d'années.

L'honorable M. Van Iseghem vient de citer lui-même différents cas dans lesquels nous les avons diminuées non pas de 5 ou 6 p. c. mais de 30 p. c. (Interruption.) Si la diminution des primes devait décourager l'industrie de la pêche, cette industrie eût donc été découragée depuis longtemps ; mais il n'en est rien, : la pêche a été avertie. Elle savait qu'elle ne devait pas compter à perpétuité sur cette prime, que ce sont des circonstances extraordinaires qui nous ont engagés à la voter.

Remarquez bien ce point qui détruit toute l'argumentation que vous venez d'entendre.

Messieurs, l'on a toujours dit que la pêche n'était pas florissante, on a dit même qu'elle était misérable, qu'elle avait besoin de notre aumône.

On assure aujourd'hui que sa pauvreté augmente, malgré nos primes. Cependant, depuis un certain nombre d'années, nous avons accordé à la pêche maritime des avantages bien autrement importants que celui dont nous demandons la suppression actuellement ; nous avons donné à la pêche maritime un vaste réseau de chemins de fer ; c'était la plus belle, la plus grosse prime qu'on pût accorder an poisson, et depuis l'an dernier, n'est-il pas intervenu un fait nouveau de la plus haute importance pour la pêche ?

N'avons-nous pas aboli les droits d'octroi ? J'ai de la mémoire, et je me rappelle qu'on a soutenu maintes fois dans cette enceinte que les primes étaient nécessaires, indispensables, parce que nos grands centres de population maintenaient des droit d'octrois très élevés sur le poisson. Il y avait quelque chose de vrai dans cette plainte de la pêche maritime ; heureusement, elle n’a plus de raison d'être ; le poisson entre gratuitement dans tous les grands centres de population, et j'assure que cet avantage-là vaut beaucoup plus que le montant de la prime dont on demande la réduction. (Interruption.)

On parle du consommateur qui voit ses intérêts trop souvent méconnus par les lois fiscales. On devrait en effet tenir mieux compte de ses besoins. (Interruption.) Il est vrai que la consommation a augmenté considérablement. Mais ce n'est pas grâce à la prime ; c'est grâce au chemin de fer. L'intérêt du consommateur devant une industrie doit avoir le pas sur celui de l'industrie, quelle que soit cette industrie ; or, l'intérêt du consommateur est d'avoir le poisson à bon marché, laissez donc entrer librement le poisson étranger.

- Un membre. - Cela achèverait de tuer notre pêche.

M. Coomans. - Croyez bien que je ne veux pas la mort des pêcheurs ; au contraire, je désire qu'ils vivent, largement et honorablement, mais sans prime et sans prohibition douanière. Abolissez la prime, proclamez la libre entrée du poisson, supprimez l'arbitraire et absurde servitude de la minque, puis je serai tout disposé à faire quelque chose de sérieux pour notre pêche. Je consentirais volontiers à une notable diminution du prix de transport par chemin de fer. Les pêcheurs et les consommateurs profiteraient à la fois de ce sacrifice, peut-être momentané, imposé au trésor.

Je regrette que les honorables députés d'Ostende et de Nieuport ne tiennent pas à leurs électeurs le langage que j'ai tenu aux miens.

Croyez-vous que les Campinois ne désirent pas des primes aussi ? Qui n'en désire pas ?

Ils se sont plaints de la suppression de la grosse prime indirecte dont ils jouissaient par suite du droit assez élevé qu'on percevait en Belgique sur le bétail et sur le seigle de l'étranger.

Le bœuf et le seigle sont les deux grands produits de la Campine et maintes fois on m'a demandé de soutenir le maintien de ces primes et d'en demander le rétablissement.

J'ai déclaré aux électeurs de la Campine que, partisan du droit commun, esclave de mes principes, hostile à toutes les primes, je ne voudrais pas en demander exceptionnellement pour eux ; que je ne le ferais pas et qu'ils n'avaient qu'à élire un autre député qui voulût se mettre en contradiction avec ses principes.

Leur bon sens leur a fait accepter la liberté commerciale ; seulement ils demandent les bénéfices de lal iberté commerciale, puisqu'ils en supportent les désavantages. Ils sont dans la vérité et dans la justice.

Je demande que vous mettiez vos poissons sur la même ligne où je place les bœufs et le seigle.

C'est ce qui n'est pas aujourd'hui, et c'est pourquoi je vous demande de supprimer la prime.

Pour être logique, j'aurais dû demander la suppression des 92,000 fr. qui figurent au budget. J'aurais dû la demander et j'aurais eu le droit de compter sur l'assentiment de l’honorable ministre des finances, qui tient à bien garder les écus du public, et sur l'assentiment de l'honorable ministre de la guerre, ici présent, qui se propose de nous en demander beaucoup dans peu de temps.

Je regrette, messieurs, de trouvera la petite proposition de l'honorable M. Goblet, l'opposition qui se manifeste.

Je fais un sacrifiée, je cède à la demande que me font plusieurs honorables membres de ne pas proposer la suppression de la somme totale. ; je me contente de demander une diminution de 10.000 francs. On a trouvé cette somme trop élevée encore. L'honorable M. Goblet propose 5,000 francs, je me rallie à ce tout petit chiffre et j'espère que vous vous y rallierez également.

Le grand principe que nous soutenons vaut au moins 5,000 francs. Votons cette légère diminution de la prime comme nous avons décrété d’autres diminutions il y a quelques années ; votons pour ne pas en perdre l’habitude.

L'honorable M. Van Iseghem vient de nous apprendre lui-même que depuis 3 ans il n’y avait pas eu de réduction de prime. Nous avons voté plusieurs fois des diminutions. Il est temps que pour le budget de 1861 nous agissions de même.

En définitive ce que je veux, ce que je souhaite, c'est que nos (page 285) pêcheurs prennent des poissons et non des primes. Eux et les contribuables y gagneront.

J'espère, messieurs, qu'en voilà assez sur cette question, au moins pour cette année.

M. Devaux. - La Chambre n'a pas l'habitude de se laisser guider par des principes absolus. Elle a des habitudes plus pratiques, et ne va pas aussi loin d'ordinaire que l'honorable membre qui vient de se rasseoir.

Pour lui, il ne faut plus de primes, il ne faut plus de barrières, il ne faut plus de passeports, il ne faut plus de mesures de police, plus de tirage au sort de la milice, plus de douanes.

L'honorable membre est absolu en tout ; il aime à faire table rase, et ne s'inquiète pas des faits. Mais la Chambre n »a pas coutume de le suivre dans cette voie. J'engage, quant à moi, l'assemblée à procéder comme elle en a l'habitude, à voir les faits aussi bien que les principes, et surtout à ne pas être dupe d'un mot, car il s'agit ici d'un mot, du mot : « Prime. »

Si l'allocation était intitulée « subside » ou « encouragement », elle aurait passé sans la moindre observation. Ce qu'on vous propose, est-ce donc quelque chose d'extraordinaire ?

Est-ce quelque chose que l'honorable M. Coomans lui-même n'a jamais voté ?

Mais, messieurs, ne facilitez-vous pas le développement de plusieurs industries ? N'y intervenez-vous pas à prix d'argent, lorsque vous juger qu'il y a pour cela des motifs suffisants ? Vous subsidiez des lignes de navigation à vapeur ou à voile ; n'est-ce pas intervenir à l'aide d'argent pour faciliter l'écoulement de produits industriels ? Quelle différence voyez-vous là avec ce qu'on appelle ici des primes ? En principe, c'est la même chose, reste la question de fait, à savoir si l'intervention est utile ou non.

Vous intervenez par la garantie d'un minimum d'intérêt dans le chemin de fer de la Campine.

M. Coomans. - Et dans d'autres.

M. Devaux. - Et dans d'autres, sans doute. Mais cette garantie qu'est-elle autre chose, appelez-la subside ou prime, que l'intervention du fisc pour favoriser l'écoulement des produits agricoles ou industriels ? L'honorable M. Coomans a-t-il réclamé contre cette intervention ? Ses principes se sont-ils dressés aussi rigoureux, aussi absolus que tout à l'heure contre la garantie d'intérêt du chemin de fer de la Campine ?

Et il y a à peine une dizaine de jours n'avons-nous pas tous sanctionné par notre vote, M. Coomans n'a-t-il pas sanctionné par le sien, l'intervention pécuniaire de l'Etat à l'effet de procurer de l'eau aux propriétaires des bruyères de la Campine ?

L'honorable M. Coomans a-t-il protesté ? Non : il a reçu, il n'a pas dit : Je veux que mes commettants prennent de l'eau et non pas des primes. Il a trouvé parfaitement juste qu'ils reçussent l'eau et les primes à la fois.

Messieurs, d'autres intérêts industriels obtiennent également l'intervention financière de l'Etat. Ainsi, la Chambre a rétabli les primes pour la chaux, qu'elle a jugées avoir été abolies à tort.

Ces primes, vous les avez votées et vous les voterez encore.

Vous voyez donc, messieurs, que sous ce rapport la Chambre ne s'impose et ne doit pas s'imposer de règle absolue. Elle se décide d'après les faits, n'accorde de subside que pour des motifs tout spéciaux, mais n'écarte pas par une fin de non-recevoir la question de savoir si ces motifs existent.

Or n'existe-t-il pas des raisons toutes spéciales à l'industrie de la pèche pour engager l'Etat à la favoriser par son intervention ?

On vous a déjà dit que cette intervention avait lieu dans tous les pays. Mais elle est motivée plus encore en Belgique qu'ailleurs. Vous voulez favoriser les relations directes de notre commerce avec les pays lointains et par conséquent la navigation directe. Vous voulez des lignes de navigation avec les pays transatlantiques. Mais s'il y a quelque chose indispensable pour la navigation, ce sont les matelots.

Or, comment forme-t-on des matelots ? Ce n'est pas à l'intérieur des terres. La vocation des marins ne se développe que très exceptionnellement à l'intérieur des continents ; c'est sur la côte qu'elle se forme Malheureusement pour la Belgique, nous avons une côte très peu étendue et surtout très peu peuplée. Qu'est-ce qui forme la population côtière ? Ce sont un petit nombre de villages et deux petites villes. Pas une seule grande ville sur notre côte. Il en résulte que les marins doivent se recruter dans une population extrêmement faible, beaucoup moins nombreuse que dans des pays qui ont 200 lieues de côtes comme la France, qui sont entourés de côtes, comme l'Angleterre, ou se composent en grande partie de rivages maritimes comme la Hollande.

Nous avons donc une très grande peine à avoir des marins, non pas seulement pour la pêche, mais pour la marine marchande, et vous n'avez dans celle-ci que ceux qui se sont formés par la pêche. La pêche, c'est l'école, c'est l'atelier d'apprentissage du marin.

Voilà, messieurs, les raisons de l'intervention du gouvernement, raisons toutes spéciales à cette industrie, à laquelle il faut être habitué dès l'enfance et qui, en récompense de la vie, la vie la plus périlleuse et la plus dure, rapporte extrêmement peu.

Voulez-vous supprimer vos matelots de commerce ? Voulez-vous supprimer votre marine marchande ? Eh bien, n'aidez plus au recrutement de vos matelots pêcheurs.

Mais si vous trouvez que la marine marchande est une chose utile pour les relations commerciales, soutenez l'industrie qui sert d'école à vos marins, faites ce que font les pays qui sous ce rapport ont cependant dans leur population côtière plus de ressource que vous n'en avez.

Messieurs, comment se distribuent ces encouragements, vous pouvez le voir ; on vous donne le détail dans le rapport. Les deux tiers vont aux simples marins. Or, quelle est la position de ces marins ? Quel est leur salaire ? Arrivent-ils à l'aide de ces deux tiers de la prime à un salaire exagéré ? Ils reçoivent par jour non férié 1 fr. à 1 fr. 50 c. J'ai entendu dire depuis longtemps à des pêcheurs qui n'avaient aucune raison de m'induire en erreur, que si, tous les jours de leur vie, ils gagnaient I fr. ils s'estimeraient très heureux.

D'après le relevé qu'on nous donne, la prime payée à Blankenberghe est de 200 fr. par chaloupe, et comme les matelots reçoivent les deux tiers, cela leur rapporte environ 133 fr. Il y a 5 hommes par chaloupe.

Vous voyez ce que cela fait, et de cette somme la moitié est donnée en subside à la caisse de prévoyance.

N'y a-t-il pas une sorte de cruauté à disputer à ces pauvres gens qui ont une existence si rude, quelques centimes par jour ?

Dira-t-on qu'il y a dans le pays d'autres industries qui imposent à l'ouvrier une vie dure et périlleuse, l'industrie des mines, par exemple ? Mais voyez la grande différence.

L'industrie des mines s'exerce au foyer de populations très nombreuses. Au milieu de riches villages, près de plusieurs grandes villes, jamais on ne manquera d'ouvriers mineurs. Quelle différence avec la rare population qui longe en Belgique les bords de la mer !

Messieurs, si l'on était décidé à supprimer ces encouragements, il faudrait tout au moins faire une distinction. Il y a deux pêches, la grande et la petite. Le tableau qui se trouve à la suite du rapport semble prouver que depuis douze ans la grande pêche semble s'être un peu développée, mais pour la petite pêche, c'est tout le contraire ; à Blankenberghe, le nombre des chaloupes est diminué de près d'un quart.

Allez-vous retirer les encouragements de l'Etat à cette dernière industrie, précisément au moment où elle est en souffrance ? Evidemment, messieurs, une pareille mesure serait irréfléchie et n'est pas du caractère de celles qui sont dans les habitudes de la Chambre.

Messieurs, on vous l'a dit tout à l'heure, vous n'avez pas besoin de diminuer la prime ; elle diminue d'elle-même parce que la pêche qui emploie les bateaux du plus grand tonnage est celle qui s'étend. Par cela même que cette pêche se développe, le subside pour chaque chaloupe diminue chaque année.

Voilà donc une réduction qui se fait d'elle-même, et si vous craigniez que les encouragements n'eussent pour effet de rendre cette industrie trop prospère, sa prospérité elle-même diminuerait le stimulant, puisque plus le nombre ou le tonnage des bateaux pêcheurs augmentent plus s'amoindrit la part de chacun à une allocation du budget qui n'augmente pas. En conservant donc au crédit les mêmes limites, la prétendue prime se réduit en réalité d'elle-même pour chacun des copartageants, alors qu'il est raisonnable qu'il en soit ainsi. Vouloir ajouter à cette réduction celle qui résulterait d'une diminution de crédit, ce serait agir avec une rigueur, avec une absence de modération qui n'est heureusement pas dans les usages de notre législature.

- La clôture est demandée et prononcée.

Le chiffre de 92,050 francs, demandé par le gouvernement, est mis aux voix par appel nominal et adopté par 54 voix contre 35.

Ont voté l'adoption : MM. Nélis, Neyt, Notelteirs, Orban, Pierre, Rodenbach, Rogier, Sabatier, Saeyman, Savart, Tack, Tesch, Vanden Branden de Reeth, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Iseghem, Van Leempoel de Nieuwmunster, Van Volxem, Allard, Ansiau, Crombez, de Baillet-Latour, de Bast, de Boe, de Breyne, de Brouckere, de Decker, (page 286) de Haerne, Deliége, de Mérode-Westerloo, de Paul, de Pitteurs-Hiegaerts, de Ridder, de Rongé, de Smedt, de Terbecq, de Theux, Devaux, de Vrière, d'Hoffschmidt, Dolez, B. Dumortier, Frère-Orban, Grandgagnage, Grosfils, Jamar, J. Jouret, Laubry, le Bailly de Tilleghem, C. Lebeau, J. Lebeau, Loos, Mercier et Vervoort.

Ont voté le rejet : MM. Mouton, Muller, Nothomb, Pirmez, Snoy, Thibaut, Thienpont, Van Dormael, Van Humbeeck, Van Overloop, Vermeire, Verwilghen, Wasseige, Coomans, Dautrebande, David, de Bronckart, Dechentinnes, de Florisone, De Fré, de Gottal, de Lexhy, de Naeyer, de Portemont, de Renesse, de Ruddere de Te Lokeren, H. Dumortier, d'Ursel, Frison, Goblet, Guillery, Hymans, Janssens, Julliot et Landeloos.

- La séance est levée à 5 heures.