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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 7 décembre 1860

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1860-1861)

(page 160) (Présidence de M. Vervoort.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Moor, secrétaire, procède à l'appel nominal à deux heures et un quart.

M. Snoy, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Moor, secrétaire, présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Les habitants d'Ingoyghem demandent qu'il soit donné cours légal à la monnaie d'or de France. »

« Même demande d'habitants de Hoogstade, Oostvleteren, Vichte, Zoutenaey, Steenkerke et Woesten. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner la proposition relative à la monnaie d'or.


« Le sieur Theys demande que, dans le traité de commerce à négocier avec la France, l'industrie bronzière soit traitée sur un pied d'égalité »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur de Saint-Charles, colonel d'artillerie en non-activité, présente des observations sur l'interprétation à donner à l'article 17 de la loi sur les pensions militaires et demande qu'à l'avenir les officiers en non-activité soient admis à justifier de leurs droits au bénéfice de l'article 17 en conformité de l'article 14, comme ils sont admis à le faire pour la justification de leurs droits à la pension de retraite proprement dite. »

- Même renvoi.


« Le sieur Destrée se plaint de ce qu'un membre du conseil communal de Fosses est souvent adjudicataire de travaux communaux. »

- Même renvoi.


« Le sieur Jean-George-Abraham Kerstien, caporal-fourrier au régiment des grenadiers, né à Amersfort (Pays-Bas), demande la naturalisation ordinaire, avec exemption du droit d'enregistrement. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« M. le ministre de l'intérieur adresse à la Chambre un exemplaire du recueil des procès-verbaux des séances des conseils provinciaux de 1860. »

- Dépôt à la bibliothèque.


M. le président. - M. le ministre de la justice a présenté hier un projet de loi interprétatif de l'article 69 de la loi du 22 frimaire an VII relative à l'enregistrement.

La Chambre a décidé que ce projet de loi serait renvoyé à une commission. Veut-elle que cette commission soit nommée par le bureau ?

- Un grand nombre de voix : Oui ! oui !

M. le président. - il sera fait ainsi.

Prompts rapports de pétitions

M. le président. - L'ordre du jour appelle les prompts rapports.

M. J. Jouret. - Je demanderai s'il ne serait pas convenable de continuer la discussion relative aux ateliers d'apprentissage, à laquelle tout le monde est préparé.

M. le président. - On reprendra cette discussion immédiatement après les prompts rapports, qui ne prendront pas beaucoup de temps.

- Plusieurs voix. - M. le ministre de l'intérieur n'est pas présent.


M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Veltwezelt, le 21 mai 1860, les membres du conseil communal de Veltwezelt demandent la construction d’un chemin de fer de Tongres vers Bilsen. »

« Même demande des membres du conseil communal de Meeswyct, Eysden, Hex, Grand-Spauwen, Horpmael. »

Conclusion : renvoi à M. le ministre des travaux publics.

« Par pétition datée d'Alken, le 27 avril 1860, les membres du conseil communal d'Alken demandent la construction d'un chemin de fer de Liège à Hasselt, par Ans, Tongres et Cortessem. »

« Même demande des membres du conseil communal de Bommershoven, Exel, Hechtel, Tessenderloo, Stevoort, Kormpt-Spalbeck. »

« Par pétition datée de Herstal, le ... 1860, des industriels et des propriétaires de charbonnages à Herstal et dans les environs présentent des observations contre la création d'un chemin de fer direct d'Ans à Tongres, et prient la Chambre d'autoriser seulement la construction d'une ligne reliant le quartier du nord de Liège, Herstal et Glons au réseau national.

Conclusion : renvoi à M. le ministre des travaux publics.

« Par pétition datée de Liège, le 9 mai 1860, le sieur Carlier adresse à la Chambre copie d'une pétition d'industriels et commerçants du quartier du nord de Liège, au ministre des travaux publics, concernant le chemin de fer liégeois-limbourgeois. »

Messieurs, votre commission a cru que, dans l'intérêt même des travaux de la Chambre, il convenait de comprendre toutes ces pétitions dans un même rapport et sans examiner le fond de ces pétitions, en présence d'une convention déjà conclue entre M. le ministre des travaux publics et une société concessionnaire de ce chemin de fer, votre commission a cru que ce qu'il y avait de mieux à faire était de vous proposer, sans rien préjuger, le renvoi de toutes ces pétitions pour et contre à M. le ministre des travaux publics.

- Ces conclusions sont mises aux voix et adoptées.


M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Vonêche, le 22 novembre 1860, le conseil communal de Vonêche réclame l'intervention de la Chambre pour être autorisé à faire vider judiciairement une contestation au sujet de la propriété du terrain sur lequel est bâtie l'église de cette commune.

Messieurs, la pétition de Vonêche tend à obtenir de la Chambre l'autorisation de plaider contre un propriétaire qui se prétend en possession du terrain sur lequel l'église de Vonêche est bâtie. La députation permanente, à laquelle les pétitionnaires se sont adressés d'abord a refusé l'autorisation demandée. Je ferai observer que le dossier n'est pas complet ; les pétitionnaires adressent à la Chambre simplement une copie de la pétition qu'ils ont adressée à Sa Majesté, enfin d'obtenir la même autorisation, de manière qu'il s'agit d'une question de propriété.

Quant au fond, c'est une affaire qui ne concerne pas la Chambre.

M. De Fré. - Je demande la parole.

M. Vander Donckt, rapporteur. - Quant à l'autorisation de plaider, la Chambre, après 'que la députation permanente a déjà statué dans cette affaire, ne peut, à moins de se mêler d'administration, réformer cette décision. C'est le Roi seul qui pourrait le faire.

Or, comme la pétition a déjà été adressée au Roi, que le cabinet de Sa Majesté, avec la bienveillance accoutumée, a fait savoir aux pétitionnaires que leur pétition est renvoyée à l'honorable ministre, le renvoi de la pétition au ministre par la Chambre ne pourrait faire qu'un double emploi.

Comme cette pétition est, du reste, incomplète, que les plans et d'autres pièces manquent, la commission a cru pouvoir conclure à l'ordre du jour.

M. De Fré. - Messieurs, je demande à faire une observation à la Chambre. Je crois qu'il n'y a pas lieu de voter l'ordre du jour, mais bien d'ordonner le renvoi à M. le ministre de l'intérieur.

Voici de quoi il s'agit :

Le conseil communal de Vonêche a demandé à la députation permanente de Namur l'autorisation d'ester en justice.

La députation permanente a répondu au conseil communal qu'il devait s'arranger à l'amiable avec le grand propriétaire auquel la commune voulait intenter un procès et que, dans tous les cas, l'autorisation d'ester en justice lui serait refusée.

Il en résulte qu'un conseil communal, une administration publique, se trouve dans l'impossibilité d'attraire devant les tribunaux un habitant de la commune, en revendication d'une propriété.

Aux termes de la loi communale, on peut, dans l'espèce, se pourvoir devant le Roi, de la décision de la députation permanente.

Le recours a été envoyé au Roi. Il est certain que le renvoi va en être fait au département de l'intérieur. Ce département aura donc à examiner quels sont les motifs pour lesquels la députation permanente a refusé l'autorisation de plaider.

En renvoyant l'affaire à M. le ministre de l'intérieur, h Chambre appelle purement et simplement l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur le recours qui a été formé contre une décision de la députation permanente.

(page 161) Répondre à une pareille pétition par l'ordre du jour, ce ne serait pas bien apprécier la question, ce serait un procédé désobligeant pour une administration publique.

L'honorable rapporteur vous a dit qu'il s'agit de droit civil. Il ne s'agit pas de droit civil, mais bien de savoir si la députation permanente a bien jugé.

Or, la décision de ce corps doit être examinée par le gouvernement. C'est donc au gouvernement qu'il faut renvoyer la pétition.

La question de droit civil devra être jugée par les tribunaux, et ici je dois faire une observation importante, c'est que si les députations permanentes pouvaient, sans recours au Roi, refuser aux communes le droit d'ester en justice, ce ne seraient plus les tribunaux qui jugeraient les questions de droit civil, mais bien les députations permanentes.

J'appelle donc sur cette pétition toute l'attention de M. le ministre de l'intérieur.

Il pourrait arriver que dans certaines communes des individualités, nobiliaires ou autres, cherchassent à exercer une influence sur une députation permanente, et il n'est pas admissible, dans des circonstances pareilles, qu'une commune ne pourrait pas faire valoir ses droits en justice. C'est peut-être ici le cas.

Je crois donc que répondre à cette pétition par l'ordre du jour, ce serait se placer à côté de la loi et même contre la loi. J'engagerai M. le ministre de l'intérieur à accepter ma proposition, et comme je le disais tout à l'heure, à bien examiner la réclamation.

M. de Moor. - Je ne m'oppose pas à la proposition présentée par l'honorable M. De Fré. J'ajouterai que, pour ma part, je désirerais que la Chambre voulût bien ordonner aussi le renvoi de cette pétition à M. le ministre de la justice qui, je crois, a déjà toutes les pièces par devers lui.

La pétition de l'autorité communale de Vonêche a un cachet d'urgence, je l'admets volontiers. Car cette commune se trouve dans un véritable état de perturbation. Il y a là des conflits des plus regrettables qui se représentent à chaque instant et qu'il faut faire cesser au plus tôt.

J'engage vivement M. le ministre de l'intérieur à s'enquérir de ce qui a lieu dans cette commune où il s'est passé, à différentes reprises, je le répète, des faits excessivement graves et regrettables, faits qui ont été tolérés, si je suis bien informé, par le chef de l'administration communale, avec une coupable complaisance.

M. Vander Donckt, rapporteur. -Messieurs, vous venez d'entendre qu'il se passe à Vonêche des choses excessivement désagréables. La députation permanente de la province de Namur a eu connaissance, et parfaite connaissance, du conflit qui existe entre quelques membres du conseil communal et le comte Cornet, propriétaire des verreries de Vonêche. On demande l'autorisation d'attraire le comte Cornet en justice. Mais la députation permanente, soucieuse des intérêts des communes, trouve que l'affaire n'en vaut pas la peine, et qu'il est inutile d'engager la commune de Vonêche dans un procès onéreux.

C'est aussi le principal motif pour lequel votre commission a jugé que la Chambre n'avait rien à voir dans cette affaire, d'autant plus que les pétitionnaires se sont déjà adressés à Sa Majesté et que le Roi a renvoyé à son ministère la pétition du conseil communal. L'honorable ministre est donc déjà saisi de la question. Pourquoi donc la Chambre devrait-elle recommander d'une manière spéciale à M. le ministre d'examiner cette pétition ?

La Chambre doit avoir quelque confiance d'abord dans les députations permanentes, et ensuite dans l'honorable ministre. Je crois que cela suffit.

Si l'honorable ministre trouve qu'il y a quelque chose à critiquer ou à réformer à la décision de la dépuration permanente du conseil provincial de Namur, il est saisi de l'affaire et il fera justice.

D'autre part, je le répète, la Chambre n'a pas à s'occuper des détails de l'administration ; elle ne doit donc pas se mêler de cette affaire.

C'est pourquoi la commission a cru devoir vous proposer l'ordre du jour, d'autant plus que le dossier qu'elle aurait à envoyer à M. le ministre serait incomplet, les plans y manquent, rien ne s'y trouve régulièrement inscrit. La question au contraire a été soumise avec les plans et détails à Sa Majesté et a été renvoyée aux ministres. Je crois donc devoir persister dans mes conclusions.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, des difficultés assez sérieuses existent entre l’administration communal de Vonêche et un des habitants de la même commune. Les département de l'intérieur et de la justice sont en ce moment saisis de la contestation. Le département de la justice a demandé, il y a à peu près quinze jours, divers renseignements qui lui sont nécessaires pour qu'il puisse former son opinion. Cette affaire fait donc, à l'heure qu'il est, l'objet d'un examen attentif. Maintenant, il importe peu quelle décision la Chambre prendra ; qu'elle prononce l'ordre du jour on qu'elle renvoie les pièces au département de la justice, l'affaire sera examinée : je demande seulement qu'il n'y ait rien de préjugé dans un sens ou dans un autre.

- Voix nombreuses. - C'est cela !

M. Wasseige. - Je ne demande pas la parole sur le fond de la question, soulevée par la pétition de quelques habitants de Vonêche ; que l'ordre du jour soit prononcé ou que la pétition soit renvoyée à M. le ministre de l'intérieur, je n'y attache pas d'importance ; dans l'un comme dans l'autre cas, l'examen du gouvernement sera sérieux et impartial, et j'en attends avec confiance le résultat ; mais je ne puis laisser passer sans protestation certaines insinuations à l'aide desquelles l'honorable M. De Fré a combattu les conclusions de la commission des pétitions ; il a dit qu'il était dangereux de laisser aux députations permanentes le droit d'autoriser les administrations communales à ester en justice, que ces corps remplaçaient ainsi en quelque sorte les tribunaux ordinaires ; mais, c'est là faire le procès à la loi communale, que, quant à moi, je crois très sage. Il est bon que les administrations communales ne se laissent pas entraîner trop facilement, dans des procès, et l'examen auquel doivent se livrer les députations permanentes avant d'accorder ou de refuser l'autorisation d'ester en justice, me paraît de nature à empêcher beaucoup de procès ruineux et d'autant plus dangereux que ceux qui les intentent n'en payent pas toujours les frais.

Mais l’honorable M. De Fré a ajouté qu'il pouvait arriver que des influences nobiliaires fussent assez puissantes pour peser sur les décisions des députations permanentes et que ce pourrait être le cas de l'affaire de Vonêche. Telles ont été les paroles de l'honorable membre, j'en appelle au souvenir de toute la Chambre. Eh bien, messieurs, c'est contre cette insinuation déplacée, malveillante et fausse à tous égards que je ne puis m'empêcher de réclamer de toutes mes forces.

La députation permanente de Namur est un corps trop haut placé dans l'opinion publique et dont tous les antécédents protestent trop énergiquement contre de semblables soupçons, pour que son honneur puisse-être atteint par les paroles imprudentes échappées à l'orateur auquel je réponds. Mais l'accusation ayant été publique, il fallait que la protestation le fût également. Je dénie donc formellement que la députation permanente de Namur ait jamais été capable de subir dans aucun de ses actes d'autre influence que celle de ce qu'elle croit être la justice et le bon droit ; j'en appelle sur ce point à l'opinion de toute la province et à l'opinion du gouvernement lui-même qui peut toujours contrôler les décisions de ce corps honorable.

M. De Fré. - Messieurs, je ne veux pas répondre sur le même ton que l'honorable M. Wasseige. Ce ton est tel, que je ne saurais, que je ne veux pas l'imiter.

Je n'ai pas mis la moindre personnalité dans ce que j'ai eu l'honneur de dire à la Chambre, je ne fais jamais de personnalité et je serais certainement vaincu par l'honorable M. Wasseige, si je luttais avec lui sur ce terrain.

Messieurs, je n'ai point attaqué la députation permanente de Namur que l'honorable préopinant a défendue avec tant de chaleur ; j'ai dit que la loi communale avait permis le recours au Roi contre toute décision qui refuse à une administration communale le droit d'ester en justice, parce que, si la décision de la députation permanente était souveraine, il arriverait que ce ne seraient plus les tribunaux, mais les députations permanentes, qui trancheraient des questions de droit civil. J'ai ajouté qu'il peut arriver que de hautes influences pèsent sur les décisions d'une députation.

M. Wasseige. - Vous avez dit influences nobiliaires.

M. De Fré. - Oui, sans doute, et si cela était, je lutterais contre des influences de ce genre. Ce n'est plus de notre âge...

M. Wasseige. - Tout le monde le fera.

M. De Fré. - Et si dans cette affaire de Wasseige (interruption) ... pardon, si dans cette affure de Vonêche, je flairais une influence nobiliaire, ce serait pour moi une raison de soutenir cette pauvre commune avec plus d’énergie. Je le répète, ces influences, si elles existent, ne sont plus de notre époque ; elles seraient eu contradiction, non seulement avec nos mœurs, mais avec nos lois politiques.

Une influence puissante m'a été dénoncée ; ce n'est pas moi qui l'invente. On m'a dénoncé cette influence et c'est pourquoi j'ai demandé le renvoi à M. le ministre de l’intérieur et que repousse l'ordre du jour qui est (page 162) une espèce de fin de non-recevoir, très désagréable pour une administration publique qui vient frapper à la porte de la Chambre. C'est parce qu'il y a là des influences puissantes que je préfère le renvoi à M. le ministre de l'intérieur.

Maintenant, messieurs, je déclare que s'il a pu m'échapper une parole qui, dans l'opinion de l'honorable préopinant, attaquait le caractère honorable de la députation permanente de la province de Namur, je dois déclarer que cela n'était pas dans mes intentions, et j'ajoute que la protestation de l'honorable M. Wasseige était parfaitement inutile.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, mon collègue de la justice vient de vous dire que le gouvernement est déjà saisi de la question. L'ordre du jour prononcé par la Chambre, alors même qu'elle n'y attacherait aucune signification, pourrait cependant avoir un caractère désobligeant pour les pétitionnaires et l'on pourrait supposer, jusqu'à un certain point, que la Chambre a pris parti contre eux. Je propose le dépôt au bureau des renseignements.

M. De Fré. - Je me rallie à cette proposition.

- La proposition de M. le ministre de l'intérieur est mise aux voix et adoptée.


M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée d'Heylissem, le 21 novembre 1860, le sieur Grevelink se plaint de l'insuffisance du matériel pour le transport des marchandises aux stations du chemin de fer d'Esemael et de Tirlemont, et demande que le matériel du chemin de fer soit mis en rapport avec les besoins du pays.

Messieurs, la commission, tout en émettant le vœu que le matériel du chemin de fer satisfasse aux besoins de nos populations, a cependant cru pouvoir se borner à proposer le renvoi pur et simple à M. le ministre des travaux publics.

- Adopté.


M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition sans date, un grand nombre d'industriels, fabricants et commerçants de Bruxelles et de sa banlieue, demandent le rétablissement de l'étalon d'or et une monnaie d'or belge de 20, 10 et 5 francs, au même titre et même diamètre que les monnaies d'or française et piémontaise.

La pétition est revêtue de plus de 1,200 signatures des hommes les plus éminents et des plus honorables de l'industrie et du commerce de la capitale et partant elle mérite un examen sérieux.

Messieurs, votre commission a mûrement examiné cette pétition, qui propose un système tout autre que celui du projet de loi qui est en ce moment soumis aux sections. Une chose est évidente, c'est que la loi du 28 décembre 1850 a été portée sous l'influence des écrits publiés par un économiste en renom : Michel Chevalier, qui nous a fait comprendre que l'or allait subir une dépréciation complète.

Or, cette dépréciation, depuis dix ans que la loi a été portée, ne s'est pas produite ; et il faut bien en convenir aujourd'hui, la loi de 1850 a été basée sur une erreur matérielle.

M. E. Vandenpeereboom. - Les sections sont saisies de la question.

M. Vander Donckt, rapporteur. - Mais, messieurs, on a demandé un prompt rapport sur cette pétition spéciale ; voulez-vous, oui ou non, entendre mon rapport ? Du moment que la Chambre a adopté la proposition de l'honorable M. Goblet, il en résultait pour nous l'obligation de faire un rapport immédiat. Eh bien, nous nous sommes exécutés ; ayez donc un peu de patience, j'aurai bientôt fini.

Je disais donc, messieurs, que la loi de 1850 a été basée sur une erreur ; j'ajoute que, du moment que cette erreur est devenue manifeste, il y a lieu de la modifier et de rapporter la loi de 1850.

C'est dans ces conditions, messieurs, que votre commission a conclu au renvoi de la pétition à la section centrale qui est chargée de 1 examen de la proposition de loi due à l'initiative de l'honorable M. B. Dumortier.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ne m'oppose pas aux conclusions qui viennent d'être indiquées. Il est tout simple, tout naturel, que les pétitions relatives à cette question soient renvoyées à la section centrale qui est saisie d'une proposition formelle. Mais je ne puis laisser passer sans la relever, l'assertion de l'honorable rapporteur, qui affirme que la loi du 28 décembre 1850 a été basée sur une erreur, et que, par conséquent, l'erreur prétendue (ce que nous examinerons ultérieurement) étant constatée, il y a lieu de rapporter la loi.

Rien de semblable, messieurs, ne s'est passé ; la loi du 28 décembre 1850 n'a pas été le résultat d'une erreur. La loi du 28 décembre 1850 a été une loi nécessaire, inévitable, dans les conditions où l'on se trouvait alors : on avait dû démonétiser les souverains anglais, qui étaient tarifés à un taux beaucoup trop élevé ; la Hollande avait démonétisé ses pièces de dix florins qu'il avait fallu également démonétiser ici ; il ne restait pas d'or dans la circulation. Les pièces de 20 francs seules auraient pu servir de monnaie, mais elles n'existaient pas dans la circulation parce que l'or était à prime, et il était, par conséquent, inutile de maintenir un état de choses contraire aux faits, contraire à la vérité.

Voilà, messieurs, quel a été le motif de la loi de 1830. J'ai dit et répété, dans la discussion de cette loi : De deux choses l'une : ou l'or baissera ou il ne baissera pas ; si l'or ne baisse pas, vous n'en aurez pas, dès lors à quoi bon le maintenir ? Si l'or baisse, vous en aurez parce qu'il y aura préjudice pour vous à le recevoir. Est-ce là ce que l'on peut vouloir ? Tel a été le motif déterminant de la loi de 1850, et les faits prouvent que le législateur ne s'est pas trompé.

- Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l’exercice 1861

Rapport de la section centrale

M. H. Dumortier. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a été chargée d'examiner le projet de budget des travaux publics pour l'exercice 1861.

M. le président. - Ce rapport sera imprimé et distribué.

Ce soir, messieurs, on distribuera le rapport de la section centrale sur le budget des voies et moyens. Je vous propose de le mettre à la suite de l'ordre du jour. Nous pourrions y faire figurer aussi le budget des travaux publics, sauf à en ajourner la discussion si le rapport n'était pas distribué en temps utile.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je pense que la Chambre sera d'avis de ne pas mettre les budgets dont elle est saisie à la suite de l'ordre du jour. Ils doivent y figurer avant les autres objets, attendu qu'il est désirable qu'ils soient tous votés avant le 1er janvier et qu'il ne restera pas trop de temps au Sénat pour les examiner. Le budget de l'intérieur n'est pas encore voté ; il reste à discuter les budgets des travaux publics, des affaires étrangères et des voies et moyens ; le rapport sur le budget des voies et moyens sera distribué ce soir.

- Plusieurs voix. - A mardi.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - A mardi soit, si l'on veut, mais avant tous les autres objets.

M. le président. - Je proposais de mettre les budgets à la suite de l'ordre du jour, parce que la distribution des rapports n'avait pas eu lieu ; je proposerai maintenant de les placer après le second vote du budget de l'intérieur, si les rapports sont distribués. (Adhésion.)

Motion d’ordre

M. Coomans. - Messieurs, on dit que le gouvernement négocie avec la France pour modifier nos relations commerciales avec ce pays. Je demande que les pétitions parvenues à la Chambre et qui pourraient lui parvenir encore sur cet objet, soient renvoyées à la commission des pétitions, avec invitation de faire un prompt rapport.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Y a-t-il des pétitions sur cet objet ?

M. Coomans. - J'ai entendu tout à l'heure faire l'analyse des pétitions relatives aux négociations engagées avec la France.

M. le président. - C'est une pétition relative à l'industrie des bronzes. La commission sera invitée à faire un prompt rapport sur cette pétition.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l’exercice 1861

Second vote des articles

Article 70

M. le président. - La discussion continue sur l'article 70.

M. Tack. - Messieurs, dans votre séance d'hier vous avez décidé que la proposition par laquelle le ministre de l'intérieur demande que le crédit voté annuellement en faveur des ateliers d'apprentissage et qui figurait habituellement à h colonne des charges extraordinaires soit transféré à celle des dépenses ordinaires.

Si je comprends bien la portée de cette proposition, l'intention de l’honorable ministre de l'intérieur est de faire décider en principe par la Chambre, que le concours du gouvernement continuera à être acquis aux ateliers d'apprentissage en tant que de besoin, comme application d'une disposition légale positive, en exécution de l'article 25 de la loi sur l'enseignement primaire.

Est-ce à dire que les crédit- voté ne pourront être modifiés, que la dépense portée à la colonne des charges ordinaires ne pourra plus être diminuée à l'avenir ? Est-ce à dire que les ateliers d'apprentissage qui jouissent aujourd'hui de subsides continueront à en jouir indéfiniment ?

(page 163) Nullement. Telle n'est pas, je crois, la pensée de l'honorable ministre.

Ainsi par exemple, il serait démontré qu'un atelier d'apprentissage qui reçoit des subsides du gouvernement en vertu d'un contrat conclu avec un particulier, est une spéculation privée. Aussitôt que ce contrat sera expiré, on pourra faire cesser le subside alloué par le gouvernement ; de même s'il est établi qu'une commune est assez riche, pour satisfaire à tous les besoins des ateliers d'apprentissage, on abandonnera cette commune à ses propres ressources ; de même encore s'il est reconnu qu'un atelier ne peut pas rendre les services qu'on est en droit d'en attendre, on supprimera l'atelier.

L'honorable M. Wasseige disait dans la séance d’hier que M. le ministre de l'intérieur avait déclaré dans une autre occasion qu'on diminuerait petit à petit les crédits et qu'au bout d'un certain temps on en viendrait à une suppression complète. J'aurais d'après lui abondé dans le même sens. Voici comment s’est exprimé à cet égard l’honorable membre :

« La dernière fois encore que la question des ateliers d'apprentissage a été discutée, l'année dernière, M. le ministre a dit : Il n'est pas question de supprimer le crédit, de faire tomber les ateliers d'apprentissage ; mais on diminuera le crédit petit à petit pour arriver à un état normal ; c'est à-dire à sa suppression complète, s'il y a lieu. L'honorable M. Tack a déclaré en défendant le crédit que les ateliers d'apprentissage n'étaient pas une chose qui dût durer éternellement, qu'ils devaient cesser un jour d'être à charge de l'Etat, mais qu'il y avait des engagements pris, et que ces engagements devaient être respectés ; aujourd'hui, au contraire, on nous propose de passer à un changement complet de système. »

J'en demande pardon à l'honorable membre ; il a mal compris ma pensée et les paroles qu'il a citées ne sont pas les miennes ; j'ai dit que j'étais d'accord avec le gouvernement et que j'espérais, comme lui, qu'on parviendrait à réduire successivement le chiffre des crédits votés. En fait on les a réduits encore dans notre avant-dernière séance ; mais de là à prétendre qu'on arriverait à la suppression complète, totale des crédits, il y a loin ; jamais je n'ai émis pareille assertion.

D'ailleurs, dans quelle circonstance ai-je exprimé l'opinion, dont l'honorable membre a fait contre moi une arme préventive ? On vous l'a dit hier et répété à plusieurs reprises, depuis environ dix ans, chaque fois qu'on discutait le budget de l'intérieur, le crédit pour les ateliers d'apprentissage a été l'objet d'attaques plus ou moins vives, de critiques plus ou moins amères ; plusieurs honorables membres ont demandé la suppression des ateliers d'apprentissage si pas d'une manière directe, du moins d'une manière indirecte, en proposant des réductions telles que ces ateliers seraient inévitablement tombés.

J'ai combattu cette manière d'agir, je me suis opposé à ce qu'on mît le crédit en coupes réglées, malgré le gouvernement, en dépit de l'avis des autorités provinciales et des réclamations des communes, je n'ai rien à retrancher de mon opinion d'autrefois, j'y persiste plus que jamais.

Je crois que je ne serai pas en contradiction avec moi-même en votant la proposition faite par M. le ministre de l'intérieur.

Il est bon que nos communes sortent de l'état d'incertitude dans lequel elles se trouvent et qui les empêche d'introduire dans les ateliers d'apprentissage les améliorations qu'elles jugent utiles ; que celles dont les finances sont prospères, sachent que l'appui du gouvernement pourra leur être retiré lorsqu'il sera constaté qu'elles n'en ont plus besoin ; mais aussi que celles dont les ressources sont insignifiantes ou précaires aient la garantie que le concours du gouvernement ne leur fera pas défaut.

On nous reproche d'avoir changé de système, c'est bien plutôt à nos contradicteurs que ce reproche peut être adressé. Ils ont fait un pas vers nous, et j'en suis très heureux pour ma part.

Autrefois on faisait aux ateliers d'apprentissage deux grandes objections ; aujourd'hui on ne les présente plus ou bien on le fait avec moins de vivacité ; on disait que le patronage que le gouvernement accordait aux ateliers d'apprentissage était une immixtion dans le domaine de l'industrie privée, que les résultats de l'immixtion officielle étaient nuls ou insignifiants ; on ajoutait que ce patronage permettait à certains industriels de soutenir, avec des subsides puisés dans les budgets, une concurrence déloyale, écrasante contre des rivaux moins heureux qu'eux, ne jouissant pas des mêmes faveurs.

J'entends dire que c'est ainsi. Est-il vrai, messieurs, que le patronage que le gouvernement a cru devoir accorder aux ateliers d'apprentissage, que la création de ces établissements furent une usurpation sur le droit d'initiative privée, un empiétement sans résultat utile ? N'est-il pas plutôt vrai de dire que les ateliers d'apprentissage furent la condition sine qua non de la rénovation de l'industrie flamande ? Ces deux propositions sont également trop absolues. Ce qui est vrai, c'est que les ateliers d'apprentissage ont contribué notablement à la régénération des Flandres ; mais ils n'ont pas tout fait, d'autres mesures utiles ont été prises. Je me suis expliqué là-dessus dans une autre circonstance.

Tout le monde se rappelle les difficultés qui surgirent à l'époque où les ateliers furent décrétés. Tout le monde se rappelle la crise des Flandres. Nous savons tous que l'extension donnée aux ateliers d'apprentissage est due à une idée généreuse, patriotique et sage. Qu'a-t-on voulu ? Faire revivre l'industrie flamande. Eh bien, nous dit-on, votre but est atteint. Vous le reconnaissez vous-mêmes, la Flandre a secoué la torpeur passagère dans laquelle elle avait été plongée si longtemps. Vous reconnaissez que vos produits font la concurrence sur tous les marchés d'Europe, et même sur les marchés transatlantiques, aux produits similaires de l'Angleterre, de la France et de l'Allemagne ; et dès lors qu'-avez-vous besoin encore des ateliers d'apprentissage ? Supprimez-les.

Messieurs, la réponse à cette observation est facile. Tous les jours, de nouveaux progrès se réalisent. Chaque jour de nouveaux perfectionnements sont introduits dans l'industrie. Les ateliers d'apprentissage sont d'utiles intermédiaires pour les propager. Il est peut-être vrai de dire que si, à l'époque de la crise des Flandres, les ateliers d'apprentissage avaient existé, la transformation qu'a dû subir cette industrie se serait opérée d'une manière beaucoup plus rapide. Est-il certain que nous ne nous trouverons plus en présence de crises analogues ? Si ce qu'à Dieu ne plaise, de nouvelles calamités nous attendent, les ateliers d'apprentissage serviront à les surmonter énergiquement et promptement.

Remarquons que la chose serait en soi plus difficile qu'elle ne le fut autrefois ; car nos industries sont aujourd'hui beaucoup plus variées. Jadis dans nos Flandres, on ne faisait en général que tisser la toile, sauf toutefois qu'on fabriquait les étoffes mélangées dans le rayon frontière de la France, à Courtrai, à Mouscron et dans les environs.

Je comprends que si les ateliers d'apprentissage n'existaient pas, on ne demandât pas qu'on les établît, que l'on pourrait dire : Les habitudes sont prises ; le progrès s'est fait sans ateliers d'apprentissage. Il n'y a donc pas de raison de les ériger. Mais la situation est toute différente, l'ouvrier a appris à prendre le chemin de l'atelier, on voudrait l'en détourner, est-ce prudent ?

Maintenant se présente la question de savoir s'il faut conserver tous les ateliers d'apprentissage ou s'il faut en supprimer quelques-uns. D'abord tout le monde est d'accord que, quant aux ateliers dirigés par des particuliers, lorsque ces ateliers ne sont au fond qu'une spéculation privée, font concurrence à l'industrie libre, il faut y mettre fin, il faut leur retirer les subsides. Toutes les autorités consultées sur ce point ont émis le même avis. Pour mon compte, je ne veux que des écoles professionnelles, non pas, comme l'a dit l'honorable M. Wasseige, des salles d'asile, mais des écoles de perfectionnement et d'apprentissage.

Nos ateliers d'apprentissage sont-ils autre chose ? (Je parle des ateliers communaux et particulièrement de ceux érigés dans l'arrondissement que j'ai l’honneur de représenter dans cette enceinte.) Non, ils sont de véritables écoles professionnelles dirigées au nom, aux frais, pour compte des communes, sous la surveillance d'une commission directrice.

Ce serait tomber dans une étrange contradiction que de refuser à nos écoles des Flandres des subsides qu'on accorde à d'autres écoles industrielles. Pas plus longtemps qu'avant-hier, nous avons voté un transfert de 6,000 fr. effectué sur l'article « Ateliers d'apprentissage », en faveur d'autres écoles industrielles qui sont aussi des ateliers d'apprentissage.

Il n'est pas juste de dire avec l'honorable M. Wasseige, qu'il n'y a que les Flandres qui ont des écoles d'apprentissage. Il en existe dans la province de Hainaut.

Il existe d'autres écoles professionnelles qui ne sont pas bien différentes de nos ateliers d'apprentissage ; telle est, par exemple, l'école des arts et métiers de Tournai.

Quelle différence y a-t-il entre cette école et nos ateliers d'apprentissage ?

La seule, c'est que, dans les ateliers d'apprentissage, l'enseignement pratique prédomine, tandis que dans l'école des arts et métiers de Tournai, c'est l'enseignement théorique qui l'emporte ; mais dans cette école on ne néglige point l'enseignement pratique. Pour vous en convaincre, je n'ai qu'à ouvrir un document distribué l'autre jour, ou je trouve l'arrêté organique de l'école des arts et métiers de Tournai.

(page 164) L'article premier est conçu comme suit :

« L'atelier de construction et de fonderie servira exclusivement comme atelier d'apprentissage à former des ouvriers mécaniciens et des fondeurs.

« L'atelier de bonneterie établi à la fois comme atelier d'apprentissage et de perfectionnement sera destiné à former de bons ouvriers bonnetiers et à répandre la connaissance des métiers perfectionnés pour la fabrication de la bonneterie.

« Art. 2. Les ateliers sont placés sous la surveillance et la direction de la commission administrative et du directeur de l'école industrielle. »

Si, messieurs, les crédits votés pour des établissements de cette espèce figurent à la colonne des charges ordinaires au budget de l'intérieur, pourquoi le crédit pour les ateliers d'apprentissage des Flandres n'y figurerait-il pas au même titre ?

Messieurs, on ne se fait, généralement parlant, pas une idée exacte de l'organisation des ateliers d'apprentissage, et l'on croit avoir répondu à tout quand on nous a dit : Vos ateliers d'apprentissage qui sont subsidiés provoquent une concurrence redoutable à l'égard des industriels qui ne jouissent pas des mêmes faveurs. Messieurs, il n'en est rien. Cette concurrence est une pure illusion. Entrez dans un atelier d'apprentissage et qu'est-ce qui vous frappera d'abord ? C'est de voir appendu à tous les métiers un tableau sur lequel vous lisez : le nqm de l'ouvrier, son âge, l'époque depuis laquelle il est admis dans l'atelier d'apprentissage, le salaire qu'il gagne, le fabricant pour le compte duquel il travaille.

Si vous poussez plus loin vos investigations, vous apercevrez que dans le même atelier on travaille pour 5 ou 6 fabricants différents. Ainsi dans l'atelier d'apprentissage de Courtrai, on a fabriqué en 1859 divers tissus pour compte de vingt fabricants. Où est ici la concurrence ? Le fait est que le premier fabricant venu a le droit de faire travailler l'apprenti dès qu'il offre à celui-ci les conditions les plus avantageuses.

En un mot, messieurs, les apprentis qui fréquentent l'atelier sont dans la même position que les ouvriers à domicile. Le directeur de l'atelier se borne à faire surveiller l'apprentissage.

On demandera pour quel motif l'industrie privée n'érige pas des ateliers d'apprentissage.

Mais, messieurs, l'industrie privée recherche, avant tout, des ouvriers qui connaissent leur métier et ne se soucie guère d'instruire des apprentis. Au reste, l'apprentissage, lorsqu'il est livré à l'industrie privée, est très onéreux, très dur pour l'apprenti. Souvent les patrons enchaînent pour longtemps la liberté. Qui ne connaît ces abus des contrats d'apprentissage qui sont toujours faits au détriment de l'ouvrier ? Dans les ateliers communaux ces abus ne peuvent se produire.

Est-il possible, d'ailleurs, que les particuliers établissent des ateliers d’apprentissage dans les campagnes ? Je prétends que non. Cela se conçoit dans les grands centres industriels ou à proximité des grandes villes. Comme je l'ai déjà dit, nos industries sont maintenant très diversifiées. Ainsi ce n'est plus seulement la toile qu'on fabrique, c'est la batiste, ce sont les étoffes mélangées, façonnées, les hautes nouveautés, les coutils, les Orléans, les paramattas, etc.

Dans un même village on se livre au tissage d'une foule d'étoffes diverses, pour compte de fabricants habitant différentes localités.

Il y a, messieurs, ici à Bruxelles, des fabricants de toiles qui ont des centaines d'ouvriers éparpillés dans les Flandres ; comment voulez-vous que ces fabricants y établissent des ateliers d'apprentissage ?

Vous le voyez, dans les conditions où se trouve l'industrie, les ateliers d'apprentissage communaux sont devenus une nécessité.

Je ne m'appesantirai pas sur les avantages qu'ils produisent, on les a assez développés, j'en dirai cependant quelques mots.

D'abord il est reconnu par tous que les ateliers d'apprentissage contribuent puissamment à former de bons ouvriers, à enseigner les bonnes méthodes. C'est un fait certain que, dans les ateliers d'apprentissage, l'éducation industrielle des apprentis se fait d'une manière prompte et complète. Il y a, dans chaque atelier, le métier d'essai ; le jour même où un apprenti entre dans l'atelier il commence à tisser sur ce métier, sur lequel se trouve une toile grossière où tous les commençants y travaillent alternativement.

L'enfant acquiert vite ce qu'on appelle le coup de navette et au bout de trois mois il tisse pour le compte d'un fabricant, il commence sa première pièce de toile. Après six mois, 10 mois au plus il quitte l'atelier, il peut alors se tirer d'affaire par lui-même. Les choses se passaient-elles de la même manière autrefois ? Non, à l'époque où l'on ne tissait guère que de la toile en Flandre, l'enfant devait être dirigé par ses parents ou à défaut de parents par un ouvrier-patron qui souvent l'exploitait.

L'apprentissage était le plus souvent long et difficile et si l'enfant tombait entre les mains d'un ouvrier médiocre, il devenait lui-même un travailleur incapable.

Aujourd'hui, comme je viens de le dire, au bout de six mois, dix mois au plus, l'apprenti est initié complètement à sa profession et sort de l'atelier d'apprentissage, plein du zèle qu'il y a puisé, plein de cette émulation qu'il a appris à connaître au milieu de ses camarades, avec le sentiment de sa dignité personnelle, fier de pouvoir apporter son contingent de salaire dans la famille et de lui venir en aide.

Il sera, messieurs, toute sa vie un bon ouvrier. Cet apprenti ne s'abandonnera ni au vagabondage ni à la mendicité ; il n'ira pas peupler les dépôts de mendicité ni les prisons ; ce sera un citoyen utile acquis à tout jamais à la cause de l'ordre et du travail.

On l'a dit avec raison, les ateliers d'apprentissage ont contribué pour une large part, concurremment avec d'autres mesures, à extirper de la Flandre la lèpre hideuse de la mendicité et du vagabondage.

Que des parents se présentent au bureau de bienfaisance pour réclamer des secours, on sera en droit de leur dire, si leurs enfants vivent dans l'oisiveté : Envoyez-les à l'atelier d'apprentissage, là le travail ne manque point.

On ôtera, ainsi tout prétexte à cette spéculation indigne dont se rendent parfois coupables des parents qui ne craignent pa .dans un intérêt sordide d'inculquer de tristes habitudes à leurs enfants.

Au point de vue de l'intérêt des orphelins et des enfants abandonnés, les ateliers d'apprentissage sont encore un grand bien. Autrefois il n'arrivait que trop souvent qu'on les mettait en adjudication au rabais dans certaines communes ; avec les ateliers d'apprentissage l'enfant peut gagner sa vie à 17 ou 18 ans, et dès lors le placement des orphelins et des enfants abandonnés peut se faire dans des conditions beaucoup meilleures pour ces malheureux.

Au point de vue du développement de l'enseignement primaire, les ateliers d'apprentissage exercent également une influence heureuse. Avec ces institutions l'intérêt matériel des parents est mis en harmonie parfaite avec l'intérêt moral des enfants et avec l'intérêt social. Plus vite l'enfant saura lire et calculer, plus vite il sera admis à l'atelier d'apprentissage.

Les enfants dont l'éducation a été négligée se soumettent volontiers, comme condition d'admission à l'atelier d'apprentissage, à l'obligation de fréquenter l'école primaire, pendant une heure ou deux heures par jour ou bien l'école dominicale.

Messieurs, nos ateliers d'apprentissage existent ; ils fonctionnent à la satisfaction générale, ils rendent des services incontestables ; ils ne font aucune concurrence à l'industrie privée ; ils créent l'émulation ; ils favorisent le développement de l'instruction primaire ; ils assurent le progrès de l'industrie pour l'avenir.

Les laisser tomber, ou, ce qui revient au même, retirer les subsides à ceux qui en ont besoin, ce serait commettre une très grande faute, ce serait s'exposer à compromettre les fruits obtenus, ce serait peut-être s'exposer pour la suite à de grands embarras.

Messieurs, je n'ai plus qu'une observation à présenter ; c'est à propos du projet d'arrêté organique des ateliers d'apprentissage. Vous avez entendu, dans la séance d'hier, l'honorable ministre de l'intérieur dire qu'il entendait faire de ces ateliers des établissements purement communaux, qu'il fallait les municipaliser, c'est son expression. Cela signifie, je pense, qu'on laissera aux communes toute leur spontanéité, toute leur initiative, qu'on ne supprimera pas leur liberté d'action. En un mot que ces établissements conserveront leur origine et leur autonomie communale.

Je regrette de trouver dans le projet d'arrêté une disposition qui ne concorde pas du tout avec ces idées. Voici, en effet, ce que porte l'article 3 :

« Art. 3. Les ateliers subsidiés sur les fonds de l'Etat ou de la province, sont dirigés par une commission administrative dont les membres et le secrétaire-trésorier sont nommés par le gouverneur de h province, pour le terme de trois ans.

« Le mandat des membres de la commission peut être renouvelé. »

Sous l'empire de l'arrêté organique du 26 janvier 1847, la nomination des commissions administratives des ateliers d'apprentissage appartenait aux conseils communaux. J'ignore pour quels motifs on songe à leur dénier maintenant ce droit (page 165) pour en investir le gouverneur de la province. On reconnaît que jusqu'à présent les ateliers d'apprentissage ont rendu des services, qu'ils, ont été bien gérés. Pour quels motifs dès lors enlève-t-on aux autorités communales le droit de nommer les membres des commissions administratives ? Si on le fait, les ateliers d'apprentissage ne seront plus des institutions communales, mais des institutions placées sous l'autorité exclusive du gouvernement. La commune ne remplira plus qu'un rôle tout à fait secondaire ; elle sera absorbée, les positions seront interverties, elle se bornera à subsidier des établissements de l'Etat.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Avec le concours de la province et de l'Etat.

M. Tack. - Soit ; mais pourquoi centraliser ces institutions contrairement au principe qui vous sert de point de départ ?

Les communes connaissent mieux leurs besoins que l'Etat ne peut les connaître ; il me semble qu'à cet égard on devrait leur accorder la liberté et l'influence dont elles ont joui jusqu'à présent.

Le gouvernement n'est pas désarmé ; il a la surveillance de ses inspecteurs ; si une commune contrevient aux dispositions réglementaires en vigueur, il pourra facilement la mettre à la raison ; il dispose pour cela d'un bon moyen, c'est de retirer à la commune le subside de la province et celui de l'Etat.

Messieurs, l'article 3 anéantit complètement l'action de la commune ; quant à moi, je désirerais vivement de le voir disparaître du projet d'arrêté organique, pour faire de nouveau place à la disposition de l'arrêté organique du 26 janvier 1847, qui n'a pas donné lieu, que je sache, à des inconvénients sérieux.

(page 168) M. de Decker. - Messieurs, je regrette d'avoir entendu demander la clôture sur certains bancs.

Il avait été entendu hier, me semble-t-il, qu'une discussion sérieuse et approfondie aurait lieu aujourd'hui sur une question qui peut avoir pour l'Etat des conséquences de la plus haute gravité.

Il faut que la Chambre le sache : le vote qu'elle est appelée à émettre, à la suite de cette discussion, d'une part, met fin à la mission temporaire des ateliers d'apprentissage, tels qu'ils ont fonctionné jusqu'à présent, et, d'autre part, tranche, une fois pour toutes, une question d'une extrême importance, celle de la nécessité et de la convenance de l'organisation d'un enseignement industriel primaire en Belgique. Il me semble qu'il y a là matière à réfléchir et à discuter.

Hier, je me suis engagé indirectement envers la Chambre à lui présenter quelques considérations sur cette question, et c'est cet engagement que je remplis aujourd'hui.

J'ai dit, hier, que je suis partisan de l'organisation d'un enseignement industriel élémentaire en Belgique. Je vais examiner rapidement les objections de principe et de fait que l'on produit contre l'organisation de cet enseignement.

La première objection de principe, c'est que nous entrons, gouvernement et législature, dans un ordre d'idées tout à fait nouveau.

Je ne puis, quant à moi, partager cette opinion. Le discours qu'a prononcé hier M. le ministre de l'intérieur a dû vous prouver qu'il ne s'agit pas du tout d'entrer dans un système tout nouveau ; il s'agit simplement d'étendre l'application d'une idée déjà très souvent mise en pratique par nous. Nous sommes entourés d'institutions diverses qui attestent l'intervention intelligente et utile du gouvernement dans les divers enseignements techniques du pays.

Jusqu'à présent je n'ai pas entendu élever de critique sérieuse contre ces institutions ; au contraire, j'ai entendu un concert d'éloges accueillir les établissements de ce genre et célébrer les succès qu'ils obtiennent.

Ainsi, le gouvernement intervient dans l'organisation de l’enseignement littéraire et scientifique à tous les degrés ; il intervient dans l'organisation de l'enseignement artistique, de l'enseignement industriel moyen et supérieur. Eh bien, je me demande si ce n'est pas une (page 169) application très logique de la même idée que de l'étendre à une sphère où la mission du gouvernement, d'après moi, est bien plus positive et plus directe.

Si le gouvernement a une mission pour diriger l'enseignement littéraire et scientifique, s'il a une mission pour diriger l'enseignement artistique, y compris même la musique et la gymnastique, le gouvernement n'a-t-il pas une mission beaucoup plus sérieuse et plus réellement sociale relativement à l'enseignement professionnel à mettre à la portée des classes ouvrières ?

Messieurs, il en est du gouvernement comme du père de famille ; le gouvernement doit certainement, comme le père de famille, justice à tous ses enfants ; mais il doit une protection, une aide spéciale à ceux qui sont plus infirmes, qui ont plus besoin de secours. Voilà comment je comprends la mission du gouvernement.

Du moment que vous reconnaissez au gouvernement la mission de diriger l'enseignement littéraire, scientifique et artistique, vous ne pouvez pas, sans une criante injustice, je dirai même sans un profond oubli de ses devoirs, lui contester le droit de se préoccuper de la défense des classes pauvres et déshéritées, et de les aider, tout en leur donnant le pain de l'intelligence, à s'ouvrir une carrière utile dans la société.

Voilà le point de vue élevé auquel il faut se placer, selon moi, pour résoudre la question de principe qui nous occupe.

D'ailleurs, voyez l'inconséquence. L'organisation de l'enseignement industriel, vous l'avez admise, vous la protégez pour des classes de la société qui pourraient, au besoin, se passer de l'aide du gouvernement, je veux parler de l'enseignement moyen industriel et des écoles spéciales annexées aux universités l'Etat ; et vous voudriez cesser votre intervention précisément lorsqu'elle s'applique à ceux qui ne peuvent pas se passer de l'aide du pouvoir pour se procurer les premiers éléments de l'enseignement professionnel.

Ce serait donc intervertir les rôles que de prétendre que le gouvernement doit remplir, d'abord, la partie accessoire et voluptuaire de sa mission dans la société et qu'il n'a à intervenir que subsidiairement là où il s'agit de l'accomplissement de la partie essentielle de ses devoirs, là où son action est la plus nécessaire et la plus paternelle.

Je le sais, cette intervention du gouvernement effraye à bon droit les esprits. C'est, je l'avoue, une immense question que celle de savoir jusqu'où peut ou doit s'étendre l'intervention du gouvernement.

Beaucoup d'ouvrages ont été écrits sur cette matière. On peut discourir sans fin sur l'indication des limites où doit finir cette intervention dans les affaires sociales.

Je ne pourrais traiter et la Chambre n'attend pas que je traite de pareilles questions d'une manière incidente dans la discussion actuelle.

Tout ce que je puis dire, c'est que lorsque le gouvernement reste dans les bornes dans lesquelles il déclare vouloir se maintenir et dans lesquelles il 's'est maintenu, on ne peut lui reprocher avec raison d'avoir exagéré son intervention. Je n'admets pas la théorie de ceux qui veulent créer un gouvernement-providence ; mais je ne puis, non plus, me ranger à l'avis de ceux qui soutiennent que le gouvernement ne doit s'occuper que des corps et que le soin des esprits et des âmes ne le concerne en aucune manière. A mon sens, le gouvernement a pour mission de veiller à l'amélioration morale, intellectuelle et matérielle de la société qui lui est confiée ; il doit donc se préoccuper aussi de la direction imprimée aux esprits ; il a aussi, sous certains rapports, charge d'âmes. Tel est le sentiment que j'ai de la responsabilité morale qui lui incombe.

On peut différer quant au mode ou à la mesure de l'intervention du gouvernement ; c'est là un point à examiner spécialement dans chaque question ; mais quant au principe même de cette intervention, celui que je viens d'indiquer doit diriger un gouvernement intelligent, comme il dirige aussi un bon père de famille.

Cette intervention du gouvernement est, dit-on, contraire aux principes de liberté sur lesquels repose toute notre Constitution.

C'est ce que je nie. Certainement nous voulons maintenir intacts les principes de liberté sur lesquels repose notre société ; mais cette liberté ne doit pas être synonyme d'individualisme absolu et par conséquent d'anarchie.

Il faut que cette liberté soit telle qu'il s'établisse par l'association des individus ou par l'intervention du gouvernement une certaine organisation d'où résulte la solidarité.

Avec les individus isolés on ne constitue pas de société ; la liberté absolue, sans liens de solidarité, conduirait à la dissolution de toute société.

Il faut donc comprendre les principes de liberté de façon qu'ils ne deviennent pas des éléments de désorganisation et de ruine. C'est ainsi, du reste, qu'on n'a cessé de les comprendre chez nous. Toutes nos libertés constitutionnelles existent, mais, quant à l'application de ces principes, nous voyons se produire, soit par voie d'association des individus, soit par voie d'intervention gouvernementale, une organisation pratique de ces libertés.

Là est le grand problème pour notre société, d'organiser la liberté au sein de notre démocratie.

L'organisation de l'enseignement industriel, en matière d'apprentissage, est, dit-on encore, contraire à nos usages.

Il me semble, messieurs, qu'on a singulièrement oublié l'histoire lorsqu'on vient tenir un pareil langage.

Jusqu'au moment de la grande révolution française, le travail industriel était organisé par les jurandes et les maîtrises.

Les jurandes et les maîtrises qui avaient organisé les industries ont été détruites à bon droit, pour divers motifs qu'il serait trop long d'exposer ici ; mais cette organisation des métiers avait ses bons côtés, et, à leur insu, les gouvernements modernes cherchent à combler, par des institutions appropriées à la constitution des sociétés actuelles, les lacunes laissées par la disparition des anciennes jurandes et maîtrises.

C'est ce que nous faisons nous-mêmes bien souvent ; mais nous ne nous rendons pas toujours bien compte de ce que nous faisons.

L'ancienne organisation de chaque métier reposait sur quatre bases : en première ligne, l'apprentissage, puis la police des produits, la défense des droits des hommes du métier, et l'assurance mutuelle contre les infirmités résultant des maladies ou de la vieillesse.

Nous avons aujourd'hui comme moyen de soulager ces infirmités plusieurs institutions bienfaisantes généralisées, telles que sociétés de secours mutuels et caisses de retraite. Autrefois, chaque métier avait son hospice ; nous avons aujourd'hui les hôpitaux et les hospices où toutes les misères physiques et morales sont soulagées.

Pour la défense des droits des ouvriers, nous avons l'institution des prud'hommes.

Quant à l'apprentissage qui était autrefois si dur, qu'il fallait passer par les conditions les plus sévères, produire des chefs-d'œuvre avant d'être admis à l'exercice d'un métier, cet apprentissage pouvez-vous complètement l'abandonner à l'intérêt individuel ? Et là même où cet apprentissage se fait dans la famille, n'est-il pas à souhaiter que le jeune ouvrier puisse se perfectionner dans un atelier modèle ?

N'y a-t-il pas utilité à ce que le gouvernement assume, pour sa part, une certaine direction à donner à cet apprentissage industriel, dans un but général et essentiellement social ?

Reste cette autre base que nous n'avons pas encore remplacée, la police des produits.

Jusqu'à présent personne n'y songe, parce qu'on comprend que la concurrence doit elle-même se charger de la faire. La concurrence industrielle doit à la longue faire donner la préférence aux meilleurs produits. Mais il n'en est pas moins vrai qu'il y a là une lacune qui a été signalée bien souvent à l'intérieur du pays et au dehors.

Lisez les rapports de nos chambres de commerce et de nos consuls à l'étranger. Vous verrez qu'il y est dit et répété que la Belgique ait plus grand intérêt à confectionner consciencieusement ses produits. La même préoccupation existe, du reste, dans tous les pays : Partout on attache le plus grand prix à cette probité dans le travail, qui assure seule la durée aux relations industrielles et commerciales.

Mais j'en reviens au point qui rattache cette digression à la discussion actuelle, et je soutiens que l’organisation de l'enseignement industriel n'est pas contraire à nos usages ; seulement cette organisation doit se faire aujourd'hui par des procédés en harmonie avec notre constitution actuelle.

Mais, dit-on, en principe le gouvernement doit une égale sollicitude à toutes les parties du pays. On a répondu de différentes manières à cette objection. Personne ne s'oppose à ce qu'il en soit ainsi et à ce que l'autorité publique intervienne pour organiser l'enseignement industriel partout où le besoin en est reconnu. C'est aux communes ou aux principaux centres industriels qu'il appartient de prendre l'initiative. Je ne pense pas que le gouvernement ait jamais refusé d'intervenir dans l'organisation de l’enseignement industriel, là où son concours pouvait être utilement réclamé.

D'ailleurs, comme le disait tout à l'heure l'honorable M. Tack, toutes les provinces participent déjà aux bienfaits de cette organisation. Toutes (page 170) les provinces ont des collèges où se donne l'enseignement professionnel. Dans tontes les académies de dessin, il y a une partie applicable à l’industrie et aux diverses professions ; certaines villes ont des écoles de dessin appropriées à leurs industries locales. S'il y a lieu d'étendre cet enseignement, on le fera, mais toutes les industries ne sont pas susceptibles de recevoir cet enseignement industriel élémentaire.

Dans la plupart des pays on l'a appliqué au tissage et au dessin. Jusqu'ici, en Belgique, on l'a limité généralement à ces deux spécialités.

Il faudra voir si d'autres industries réclament à bon droit une intervention analogue.

Du reste, il est bien entendu que ces institutions doivent conserver leur caractère essentiellement communal. Le gouvernement y intervient par des subsides et se réserve sur elles une inspection qui peut être utile ; mais, pas plus que l'honorable M. Tack, je ne saurais approuver que les gouverneurs soient admis à nommer directement les membres des commissions administratives des écoles d'apprentissage, voire même les contre-maîtres qui y donnent l'enseignement. L'autorité communale est bien mieux placée pour faire ces choix.

J'arrive maintenant aux questions de fait agitées à l'occasion de l'organisation de l'enseignement professionnel élémentaire.

D'abord, est-ce que les établissements d'apprentissage sont utiles ?

Messieurs, vous avez pu voir, par la lecture de l'enquête, que toutes les autorités communales à même d'apprécier les résultats de cet enseignement, se louent de ces institutions et protestent énergiquement contre toute pensée de suppression. Et certes, ce sont là des autorités qui sont particulièrement à même d'apprécier les bienfaits de ces institutions : intervenant elles-mêmes les premières et pour la plus forte partie de la dépense, il faut qu'elles soient bien certaines des bons résultats obtenus pour se résigner à la continuation d'un pareil sacrifice.

Nous pouvons encore juger de cette utilité par analogie avec d'autres institutions.

Ainsi, je ne pense pas que personne ait contesté jusqu'à présent, surtout sur les bancs où j'ai l'honneur de siéger, l'utilité des écoles dentellières ; or, la pensée qui a présidé à la création de ces écoles est, au fond, la même que celle qui a présidé à l'établissement des ateliers d'apprentissage ; c'est la même pensée appliquée au sexe, aux filles qui se consacrent à la fabrication de la dentelle.

Un autre moyen encore de reconnaître l'utilité de ces institutions, c'est l'expérience faite là où elles n'existent pas. Je me rappelle, quant à moi, avoir entendu bien souvent émettre des plaintes fondées sur l'apprentissage tel qu'il se pratique aujourd'hui ; j'ai souvent entendu des industriels intelligents et désintéressés dire que les ouvriers sont fréquemment victimes du mode actuel d'apprentissage ; qu'on les exploite, qu'on les rançonne, si même on ne les démoralise pas. Voilà ce que j’ai souvent entendu. Et ne voyons-nous pas, sur différents points du pays, des personnes dévouées, dans une pensée de charité, de bienfaisance, songer à organiser (et plusieurs ont organisé déjà) des ateliers d'apprentissage ? Ainsi, les conférences de Saint-Vincent de Paul ont déjà, dans différentes localités, des ateliers d'apprentissage. Je loue fort cette initiative. Là où l'esprit d'association peut faire le bien, qu'il le fasse ; mais je ne vois pas qu'il faille proscrire d'autres initiatives ; je ne vois pas pourquoi l'autorité communale n'interviendrait pas pour étendre les bienfaits de ces utiles institutions.

Ces institutions, messieurs, sont tellement utiles que, d'après moi, elles constituent la partie la meilleure et la plus intelligente du système de bienfaisance ou de charité, appliqué à notre société. Il est évident pour tout le monde, pour ceux-là du moins qui ont un peu étudié cette matière, qu'il vaut cent fois mieux prévenir la misère que d'avoir à la secourir. Eh bien, un des plus puissants moyens de prévenir le développement de la misère au milieu de nous, c'est de combiner l'organisation simultanée de l'enseignement primaire littéraire et de l'enseignement primaire professionnel.

Aussi les ateliers d'apprentissage sont-ils en quelque sorte une dépendance des institutions de bienfaisance ; c'est une partie importante des institutions de bienfaisance ; ils ont ce caractère-là dans les communes, et M. le ministre de la justice nous disait lui-même que c'est surtout pour les enfants qui sont à la charge des établissements de bienfaisance que ces ateliers peuvent devenir particulièrement utiles.

Autre question de fait. Ces institutions sont-elles pratiques ? Y a-t-il là une garantie sérieuse de praticabilité ? Eh bien, messieurs, nous avons heureusement déjà une expérience acquise pour résoudre cette question, et c'est là surtout ce qu'il y a de favorable dans la situation où nous nous trouvons. S'il s'agissait d'une expérience encore à faire, d'un essai à tenter ; s'il s'agissait d'organiser a priori l'enseignement professionnel élémentaire, peut-être pourrait-on, avec quelque chance de succès, prétendre que c'est une utopie, une idée irréalisable.

Mais, messieurs, nous sommes en présence des résultats déjà produits par ces institutions qu'il s'agit aujourd'hui de rendre permanentes ; et c'est là véritablement l'avantage de la situation qui nous est faite.

Du reste, de même que les orages dans l'ordre physique ; les crises ont leur utilité dans l'ordre social ; elles font réfléchir aux abus signalés, aux lacunes constatées ; elles font rechercher les moyens de parer aux abus, de combler les lacunes, en un mot de porter remède à des maux qui avaient trop longtemps passé inaperçu, en quelque sorte, dans le grand mouvement social.

Et l'on voit souvent, dans l'histoire, les essais tentés aux époques de crise aboutir à des institutions dont la société recueille des fruits durables.

Messieurs, je me déclare donc, en principe, partisan d'un enseignement professionnel élémentaire en Belgique, faisant naturellement toutes mes réserves quant au mode d'organisation. D'ailleurs, comme on l'a dit déjà dans cette, discussion, la lot de 1842 nous en fait un devoir. Cette loi avait précisément prévu que, dans nos villes et dans nos campagnes, beaucoup d'enfants sont privés des bienfaits de l'enseignement primaire littéraire, parce qu'ils doivent, de bonne heure se rendre matériellement utiles à leurs parents, et que ceux-ci trouvent dans cette circonstance, un prétexte parfois et souvent aussi, il faut bien le dire, un motif sérieux de soustraire leurs enfants aux bienfaits de l'instruction primaire. C'est donc entrer véritablement dans l'esprit qui a présidé à l'organisation de l'enseignement primaire que de fournir aux familles pauvres le moyen de donner à la fois à leurs enfants renseignement primaire littéraire et l'enseignement primaire professionnel. C'est, d'après moi, une excellente manière de compléter notre loi de 1842.

Je finis, messieurs, par une observation générale et qui a un certain caractère politique. Je prie la Chambre de me permettre de m'expliquer avec ma franchise habituelle.

Je suis tellement convaincu que le gouvernement, en organisant l'enseignement industriel, reste dans son rôle et remplit la partie peut-être la plus importante de sa mission sociale, qu'il faut croire à l'existence d'autres motifs que ceux que la discussion a révélés, pour comprendre l'opposition que cette organisation rencontre. Eh bien, ces motifs je les conçois, je le déclare sincèrement ; je conçois que, lorsqu'on se trouve en présence d'un gouvernement qui, par système, se proclame un gouvernement de parti, agissant par un parti et par conséquent pour un parti, les hommes qui sont naturellement le plus portés à soutenir les prérogatives du pouvoir aient une tendance à lui refuser des influences dont il pourrait abuser dans un intérêt de parti. C'est là un des dangers des gouvernements de parti que je n'ai cessé de combattre avec une persévérante conviction. C'est leur destinée de rendre, par leur nature, la défense des grands intérêts permanents du pouvoir plus difficile et de le compromettre même en le mettant au service des intérêts passagers d'un parti.

Je n'ai pas cru, néanmoins, pouvoir méconnaître, dans cette occurrence, la mission légitime du gouvernement, en prévision de l'abus éventuel et momentané que l'esprit de parti pourrait en faire.

(page 165) M. le président. - La parole est à M. Vandenpeereboom.

M. A. Vandenpeereboom. - Puisqu'il y a encore plusieurs orateurs inscrits, ne conviendrait-il pas d'entendre alternativement un orateur pour et un orateur contre ?

M. le président. - Si la Chambre adopte cet ordre de discussion, j'accorderai la parole à M. Coomans. (Aux voix ! aux voix !)

M. Coomans. - Nous pourrions discuter, pendant plusieurs séances, sur les points de savoir si, et dans quelle mesure, les ateliers d'apprentissage du gouvernement sont utiles à l'industrie, si les avantages réels qu'ils procurent ne sont pas compensés par les inconvénients qu'ils produisent, si, en favorisant certains travailleurs et certaines localités, ils n'en découragent pas d'autres, s'ils rapportent ce qu'ils coûtent, enfin s'ils ne devraient pas cesser avec les maux auxquels ils ont servi de remèdes. L'examen approfondi de ces questions nous mènerait loin ; je les négligerai, pour ma part, car, fussent-elles toutes résolues dans le sens le plus favorable à la thèse du gouvernement, je n'en repousserais pas moins les subsides demandés, me fondant sur les raisons supérieures que je vais reproduire devant la Chambre.

Le principe fondamental des sociétés modernes, celui du moins que la Belgique a proclamé en 1830, comme le plus conforme à son histoire, à ses mœurs, à ses aspirations au progrès, c'est la liberté par l'égalité c'est la libre concurrence, la responsabilité personnelle, la suppression de tout privilège, la même loi, le même traitement, le même droit pour tous.

La Belgique espéra se rapprocher ainsi d'un idéal politique longtemps souhaité, à savoir une grande liberté individuelle, un gouvernement impartial et des budgets très modérés. Son amour de l'égalité fut tel, qu'elle n'accorda pas au gouvernement la dispensation des diplômes et qu'elle autorisa à peine la création d'un ordre de chevalerie. Nous avons singulièrement dévié de cette ligne de conduite. Nos budgets civils sont presque triples depuis 1830, notre budget militaire est devenu écrasant et l'intervention minutieuse du gouvernement se fait sentir dans toutes les manifestations de la vie sociale. De même que nos budgets, le nombre de nos fonctionnaires est triplé, la bureaucratie et la paperasserie ont pris des proportions énormes et les contribuables se demandent avec indécision s'ils sont mieux gouvernés que ci-devant.

Il y a deux espèces de gouvernements. Il y a ceux qui se renferment dans les grandes fonctions sociales, qui ne distribuent ni subsides, ni privilèges, qui respectent la liberté et la responsabilité du citoyen, qui ne lui font pas de cadeaux mais qui lui demandent peu de chose ; ce sont les gouvernements libres, faciles, modestes, tranquilles, à mon sens les bons gouvernements. Il y a aussi les gouvernements qui se mêlent de tout, les gouvernements prétentieux, soi-disant providentiels, ministres du bon Dieu, qui veulent réparer tous les maux, récompenser toutes les vertus, faire le bonheur de quelques-uns aux frais de tous, atténuer.au moyen du budget, les inévitables inconvénients que crée le jeu de la liberté et de la concurrence, gouvernements très compliqués, très difficiles, très ambitionnés, très attaqués, qui coûtent fort cher, qui font beaucoup de mécontents et qui dégénèrent fatalement en gouvernements de partis. Ce dernier système de gouvernement peut se défendre, il offre des avantages relatifs que je suis loin de nier, il soulage effectivement des misères, il favorise certains citoyens, si vous voulez même une partie de la population, mais ce système est incompatible avec le principe de liberté générale qui est l'âme de la Constitution belge.

Pour mieux rendre ma pensée, j'ajouterai ceci ; je conçois le gouvernement providentiel, paternel, patriarcal, de droit divin, le gouvernement modérateur, réparateur, distributeur, qui s'attendrit, qui aime à sécher des pleurs, à multiplier les faveurs et les récompenses, à couronner jusqu'à des rosières. Ce mode de gouvernement est vieux : nous l'avons vu à l'œuvre sous Haroun-al-Raschid, le lieutenant-argus de Mahomet, sous saint Louis, sous d'autres Louis plus modernes et moins saints, sous les tzars et les tzarines du XVIIIème siècle. Encore une fois ce mode de gouvernement a des avantages, il produit de grandes choses quand il est dirigé par des génies, et les privilèges qu'il sème autour de lui présentent alors peu d'inconvénients. Mais, Dieu merci, il n'est pas le nôtre. Nous avons voulu être gouvernés selon le droit, secundum jus, selon le droit strict, égal pour tous, comme une vaste société en commandite, dont tous les actionnaires, grands et petits, riches et pauvres, reçoivent un même dividende.

En un mot j'ai horreur de tous les subsides, de tous les privilèges, de toute intervention arbitraire du gouvernement dans les rouages infinis d'une société de travailleurs., parce qu'ils sont inconciliables avec la justice, principe absolu qui devrait dominer en toutes choses. La justice, qui est la vie et l'honneur des nations civilisées, doit passer avant toutes les considérations publiques et économiques imaginables. Je n'admets pas qu'elle puisse jamais être méconnue ou suspendue. Et cependant elle l'est chez nous d'une façon déplorable, en plusieurs matières. Pourquoi ? Parce qu'on s'arroge le droit de favoriser telle ou telle branche du travail national, telle ou telle classe de la population aux dépens des autres, parce qu'on introduit peu à peu en Belgique un gouvernement de privilège.

Ainsi on maintient obstinément depuis 12 ans une forte protection douanière en faveur de quelques industries après l'avoir complètement enlevée à d'autres ; ainsi en dépit de l'article 139 de la Constitution qui prescrit, dans le plus court délai possible, l'organisation de l'armée par une loi nouvelle, on a maintenu depuis 30 ans une législation sur la milice qui est une indigne exploitation des classes inférieures au profil des supérieures. Tous ces abus proviennent de ce que la justice ne prévaut pas sur l'esprit de privilège, lequel est antipathique à nos lois fondamentales.

Toutes ces choses, messieurs, je suis fatigué de les dire, et vous de les entendre. Je ne me fari pas illusion sur le résultat du vote. Il sera favorable au nouveau sacrifice que le gouvernement vous impose. (Interruption.) On me dit que le sacrifice est léger. Je réponds qu'il croîtra si nous laissons faire. Vous venez d'en recevoir la preuve dans le remarquable discours de M. de Decker. Si la pensée de mon honorable ami devait être mise tout entière en pratique, n'est-il pas clair que vos écoles d'apprentissage généralisées coûteraient bientôt des sommes énormes ? Principis obsta, opposez-vous aux petits subsides, car ils grandissent beaucoup en peu de temps : le mouvement qui vous entraîne vous éloigne de jour en jour davantage des principes de liberté et d'égalité de 1830. Permettez-moi cependant de vous le dire : Au milieu de la crise des Flandres, aucun membre de cette assemblée, aucun ministre n'eût osé inscrire au budget la permanence du crédit pour les ateliers d'apprentissage. A cette époque on avait soin de déclarer qu'il en disparaîtrait bientôt avec les autres primes et subsides. Venir nous demander la permanence de ce crédit, aujourd'hui que l'argument de la nécessité n'existe plus, c'est non seulement violer les principes, c'est violenter cette Chambre, c'est la défier, c'est lui arracher une rétractation qui répugnera à plusieurs d'entre vous.

M. A. Vandenpeereboom. - J'avais demandé la parole pour répondre à M. Wasseige, mais si on veut clore la discussion j'y renoncerai bien volontiers. J'avais, dis-je, demandé la parole quand l'honorable M. Wasseige a présenté l'espèce d'amendement que vous savez, un amendement qui n'en était pas un ; je m'étais fait inscrire pour lui répondre, mais il lui a été répondu d'une manière tellement péremptoire, qu'il serait superflu d'ajouter quelque chose aux arguments que M. le ministre de l'intérieur a fait valoir.

(page 166) Je ne répondrai pas davantage à l'honorable M. Coomans, qui a répété pour la vingtième fois...

M. Coomans. - C’est très vrai.

M. E. Vandenpeereboom. - Je ne dirai rien de la revue qu'il vient de faire pour la vingtième fois et que nous aimons toujours à l'entendre répéter parce qu'il s'en tire toujours avec beaucoup d'adresse et d'esprit. La seule réponse que je lui ferai est relative aux derniers arguments qu'il a présentés et qui concernent spécialement les ateliers d’apprentissage.

Il a cru que la Chambre se déjugerait en quelque sorte si aujourd'hui elle admettait la permanence des ateliers d'apprentissage après avoir reconnu qu'on les avait institués dans des circonstances exceptionnelles et que ce ne devait être qu'un remède de circonstance.

Je réponds que c'est l'expérience des faits qui a démontré à tout le monde la nécessité de rendre permanent cet enseignement industriel ; moi-même et beaucoup de mes amis, quand on a institué les ateliers d'apprentissage, nous pouvions difficilement prévoir quels seraient les résultats de ces établissements ; aujourd'hui que ces résultats sont connus, nous avons des motifs pour demander que les établissements soient rendus permanents.

Je crois que l'honorable M. de Decker a beaucoup mieux démontré que je ne pourrais le faire, les avantages que peuvent offrir ces institutions.

Je renonce pour le moment à la parole parce que je crois que nous sommes à peu près tous d'accord. Je la reprendrais cependant si on attaquait de nouveau l'institution des ateliers d'apprentissage, parce que je les regarde comme de la plus haute utilité dans beaucoup de communes, et même comme indispensables dans plusieurs.

M. Janssens. - Il est inutile de vous rappeler, messieurs, quelle fut l'origine des ateliers d'apprentissage. L'industrie des toiles, qui avait toujours été une source abondante de richesse pour une partie des deux Flandres, subissait une transformation rapide. Il en devait résulter un moment de crise que rien ne pouvait empêcher, mais qui de sa nature aussi était temporaire.

C'est dans ces circonstances que le gouvernement a établi des ateliers ayant pour but d'introduire des industries nouvelles et de répandre l'usage d'outils perfectionnés. Je pense que tous nous sommes d'accord sur cette origine, sur cette raison d'être des ateliers d'apprentissage.

Et quand j'examine l'état actuel de l'industrie en Flandre et que je parcours les documents qui nous ont été récemment distribués, je remarque que l'on est d'accord sur un second point très important dans ce débat, c'est que la crise dont je viens de parler, est terminée.

Il se présente deux questions sur la solution desquelles il sera plus difficile de s'entendre, les voici.

Quelle a été l'influence exercée par les ateliers du gouvernement ?

Quel doit être le sort de ceux-ci dans l'avenir ?

Mon intention n'est pas, messieurs, d'approfondir cette première question. IÎ faudrait, pour la résoudre, se livrer à une étude des faits que bien souvent on ne pourrait apprécier que sur les lieux mêmes. Le seul témoignage des parties intéressées me suffit d'autant moins, que pour quelques cas que j'ai été à même de connaître, j'ai trouvé les portraits que l'on nous soumet fort peu ressemblants.

Si j'émets des doutes sur cette question, ce n'est point pour contester l'honneur qui peut en revenir à l'honorable M. Rogier ou à l'honorable comte de Theux ; je veux uniquement faire mes réserves à cause de l'influence, que l'appréciation des faits passés pourrait avoir sur l'avenir.

A ceux de mes honorables amis qui défendent les ateliers, je rappellerai, ce qui s'est passé autour d'eux. Pendant que la crise était à son apogée, on accusait de toute part le gouvernement de ne rien faire, on lui reprochait que ses mesures étaient inefficaces. On était injuste alors, on demandait au gouvernement ce qu'il ne pouvait pas faire.

Aujourd'hui que la crise est passée, on remercie le gouvernement d'avoir tout fait.

A ceux qui sont frappés de voir qu'autour de quelques ateliers des outillages perfectionnés sont devenus en peu d'années d'un usage général, il est bien de rappeler que des transformations pareilles ne sont pas rares dans les industries ; qu'il s'en est fait dans d'autres industries pendant la même période de temps, de bien plus radicales, sans aucune intervention officielle.

Je fais donc toute réserve sur l'influence que l'institution a eue, mais je n'hésite pas un instant à reconnaître la bonne intentions qui l'a fait créer, Je vais plus loin, je reconnais la nécessité dans laquelle on s'est trouvé de tenter quelque chose. Avec les idées les plus nettes et les convictions les plus fortes sur les inconvénients de l'intervention de l'Etat dans les progrès de l'industrie, il eût été difficile encore à un ministre de ne pas donner au moins à ces populations malheureuses la satisfaction morale de voir l'Etat faire des efforts pour venir à son secours.

Je me hâte d'aborder la seconde question que je posais, celle qui est le véritable objet de la discussion : Quel doit être dans l'avenir le sort des ateliers d'apprentissage ?

Ici l'on est d'accord sur un point, c'est qu'il n'y a pas lieu à leur retirer immédiatement et radicalement les subsides de l'Etat. Tout le monde accepte le chiffre porté au présent budget.

Pourra-t-on graduellement réduire celui-ci ? Sur ce point le désaccord est complet. Il existe non seulement entre nous et nos adversaires, il existe encore dans le langage et dans les actes de l’honorable ministre de l'intérieur. En effet, l'honorable M. Rogier a non seulement dans de discussions antérieures reconnu que des réductions successives seraient possibles ; mais il en a lui-même proposé, et cette année encore le chiffre qu'il nous demande est moins élevé que celui qui figurait au dernier budget. A mesure que la crise approchait de son terme, il a cru pouvoir retirer son intervention, et aujourd'hui que l'on est d'accord à la trouver terminée, on veut que cette intervention demeure permanente !

Les avis consignés dans l’enquête dont nous avons les résultats sous les yeux sont presque unanimes pour demander le maintien des ateliers. J'ai déjà eu l'honneur de vous le faire remarquer, c'est la partie intéressée qui parle. Il est toujours agréable de faire arriver à soi quelque parcelle du budget. Puis, messieurs, je vous prie de ne pas perdre de vue ce fait qui est d'observation constante, c'est que l'on fait infailliblement surgir des protestations chaque fois que l'on relire à quelque branche de travail une protection dont elle a joui, cette protection fût-elle devenue superflue. Cette considération est de nature à faire réfléchir ceux mêmes qui croient que l'intervention de l'Etat en cette matière a été de la plus grande utilité. Jamais on ne renonce facilement à la protection. Cela est dans la nature des choses ; l'enfant qui commence à pouvoir marcher seul ne refuse-t-il pas de quitter la main qui l'a toujours soutenu, et la mère qui lui connaît assez de force pour se passer d'appui n'a-t-elle pas besoin de lui faire violence pour lui prouver par le fait qu'il sait marcher ?

Cette comparaison, j'espère, n'est pas de nature à offenser l'honorable M. Rogier, à moins qu'il n'ait donné le jour à des enfants qui ne marcheront jamais.

Si les pièces de l'enquête sont presque unanimes à demander le maintien des ateliers d'apprentissage, les motifs que l'on apporte à l'appui de cette demande sont bien différents.

Dans quelques-unes on les représente comme des foyers permanents de progrès industriels. L'industrie, dit-on, ne saurait pas, sans ce moyen, se tenir à la hauteur du progrès.

Je ne puis, messieurs, m'empêcher de qualifier des propositions pareilles d'absurdes, je les signale à la risée de tous ceux qui sont au courant de la marche de l'industrie belge.

Quoi ! nos populations flamandes ne sauraient se mettre au courant d'aucun progrès industriel que le gouvernement ne le leur ait indiqué : mais je proteste en leur nom contre cette allégation injurieuse et je la déclare contraire à la vérité autant que contraire à leur honneur et à leur intérêt.

Elle est contraire à la vérité, car après tout, les parties les plus prospères des Flandres, celles où l'industrie a, ces dernières années, réalisé les plus grands progrès, sont encore celles où tout est dû à l'initiative privée.

Cette accusation déshonorante n'est donc pas méritée et elle est contraire à l'intérêt de l'industrie parce qu'elle est de nature à étouffer l'esprit d'entreprise. Il vaudrait bien mieux dire aux populations : Ayez confiance dans vos libres efforts. Voyez où d'autres arrivent et soyez sûrs que vous pouvez autant qu'eux.

Mais la pensée sur laquelle on s'appuie le plus généralement pour soutenir la permanence des ateliers, ce n'est pas celle que nous venons de combattre. C'est celle de faire aller l'enseignement professionnel de pair avec l'enseignement primaire. Ceci est une pensée que j'ai toujours considérée comme féconde et dont j'ai cherché l'explication chaque fois que je l'ai pu. C'est cette pensée qui a présidé à la fondation de certains ateliers que je pourrais citer et qui ont été fondés sans aucun secours de l'Etat, et quelle que soit la défiance que l'honorable (page 167) ministre de l'intérieur ait témoigné pour tout ce qui échappe au contrôle du gouvernement, je n'hésite pas à dire que les ateliers auxquels je fais allusion ne le cèdent en rien à ceux que l'Etat patronne et que, par beaucoup de côtés mêmes, ils leur sont supérieurs.

Les locaux sont spacieux et bien aérés, les apprentis ont un salaire relativement élevé, ils deviennent propriétaires d'un outillage complet. Et surtout ils reçoivent l'enseignement primaire en même temps que l'enseignement professionnel. Je suis heureux de voir que le gouvernement veut à son tour entrer dans cette voie. Il n'aurait jamais dû, ce me semble, prêter son appui à des écoles de travail où les enfants étaient privés d'autre instruction. Si j'approuve, dans ces conditions, les ateliers d'apprentissage, c'est comme institution de bienfaisance, destinée surtout à venir au secours de quelques malheureux qui se trouvent dans une position exceptionnelle. Pour la généralité des jeunes ouvriers, l'apprentissage se fait dans de bonnes conditions, le plus grand inconvénient qu'il présente, c'est de se combiner difficilement avec l'instruction proprement dite.

Messieurs, je ne connais pas de problèmes dont la solution offre un plus grand intérêt que celui de procurer en même temps aux enfants de la classe ouvrière le double enseignement dont ils ont besoin. Aujourd'hui, l'éducation de ces enfants, si tant est qu'ils la reçoivent d'une manière satisfaisante, est divisée en deux périodes.

Pendant la première, ils fréquentent l'école et ne travaillent pas ; pendant la seconde, ils travaillent et n'étudient plus. Dans l'intérêt de leur aptitude à un métier, ils doivent y être appliqués le plus tôt possible. Dans l'intérêt de leur instruction, ils doivent le plus longtemps possible fréquenter l'école.

En admettant que les parents n'eussent à considérer que l'avenir de leurs enfants, ils échapperaient encore difficilement à ce double danger : ou de les retirer trop tôt de l'école ou de les mettre trop tard au travail. Puis en occupant les enfants pendant leur première jeunesse uniquement de la culture de leur esprit, ne s'expose-t-on pas à leur donner des goûts qu'ils ne pourront suivre, à les jeter dans une carrière sans issue pour eux, et, d'un autre côté, en leur fermant l'école à l'âge où ils apprennent un métier, n'étouffe-t-on pas chez eux le goût pour les occupations et les jouissances de l'intelligence ? Ces considérations m'ont fait croire depuis longtemps que l'éducation du peuple devait se faire en développant simultanément les facultés physiques et les facultés morales, en ouvrant alternativement aux enfants l'atelier et l'école. De cette façon, le travail fait diversion à la tension de l'esprit, et les heures d'instruction reposent de la fatigue corporelle. C'est là, ce me semble, le moyen de former des ouvriers habiles et intelligents et de leur donner l'heureuse habitude de chercher un noble emploi pour leurs heures de loisir.

Ce problème est beau, sans doute, mais n'est-il pas trop vaste pour que vos ateliers d'apprentissage en soient la vraie solution ? Il ne s'agit pas de le résoudre pour un petit nombre de privilégiés de quelques communes privilégiées, dans une province privilégiée ; c'est pour tous, que le besoin que je signale se fait sentir au même titre. Et ferez-vous des ateliers pour enseigner tous les métiers dans toutes les communes ? C'est à n'y point songer. Du reste, le séjour à l'atelier est trop court pour produire les effets désirés.

Il est un moyen plus général, je pense, pour atteindre le but. L'administration communale d'une de nos ville industrielles en a admis le principe et l'aura, je l'espère, mis sous peu en pratique. Le voici en peu de mots.

Créer des locaux d'école au centre des quartiers les plus habités par les ouvriers.

Y faire donner, à des heures différentes, des leçons d'une heure.

De cette manière on espère rendre l'instruction accessibles à tous les jeunes ouvriers, même aux plus pauvres. Ceux-là ordinairement ne la reçoivent pas et il ne faut pas toujours condamner leurs parents pour ce fait, le devoir de nourrir ses enfants est plus impérieux que celui de les instruire, et la durée des écoles telles qu'elles sont organisées est trop longue pour que certains pauvres puissent faire le sacrifice du salaire que leurs enfants gagnent pendant ces heures. Du reste l'expérience l'a prouvé suffisamment, une leçon d'une heure répétée chaque jour suffit pour faire acquérir aux enfants une instruction très satisfaisante,

Je ne veux pas m'étendre sur ce système, j'ai voulu seulement attirer votre attention sur la nécessité de trouver des mesures dont l'application puisse être générale, si vous voulez produire un bien sérieux.

Je me résume.

Les ateliers ont été érigés pour combattre un mal momentané qui n'existe plus.

Pour les rendre permanents on invoque l'utilité de lier l'enseignement professionnel à l'instruction littéraire élémentaire ; c'est une magnifique thèse, mais qui prouve beaucoup trop.

Si l'on veut conserver l'atelier pour initier au travail quelques malheureux qui se trouvent dans des conditions exceptionnelles, ce peut être une très bonne œuvre ; mais alors laissez faire, à défaut de la charité privée, les bureaux de bienfaisance ou les communes.

Quant à déclarer les ateliers permanents comme fanaux du progrès industriels, je vous conjure, messieurs, d'abandonner cette prétention si vous ne voulez que bientôt les circonstances ne la fassent tomber.

Prenez-y bien garde, l'industrie des toiles, pas plus que d'autres, n'est arrivée au bout des perfectionnements qu'elle aura à réaliser. Il peut s'en présenter que vous seriez fort embarrassés de suivre. Ainsi, par exemple, il n'est pas difficile de prédire que dans un avenir plus ou moins proche, le tissage des toiles se fera à la mécanique. Que ferez-vous alors des ateliers dont vous venez si fièrement décréter la permanence. Y placerez-vous des machines à vapeur ? Ce serait un peu fort. Que direz-vous à vos amis ultra-protectionnistes qui voudront être protégés contre ce progrès importun ?

Et si une partie de la population, assez peu éclairée pour prendre au pied de la lettre les énormités que l'on a débitées à ce sujet, venait vous dire : « M. le ministre, vous qui développez à votre gré les progrès de l'industrie, ceci va un peu vite, arrêtez-vous à la navette volante. » Il serait curieux de vous entendre vous excuser et dire : « Mais ce n'est pas moi, je ne puis absolument rien à tout cela. »

D'après le système que j'ai l'honneur de défendre et qui seul peut s'appliquer à toutes les situations, le rôle du gouvernement dans la marche de l'industrie est bien simple ou plutôt il est nul. Il n'a qu'à laisser faire et si jamais des circonstances exceptionnelles peuvent l'autoriser à sortir de cette règle, ce ne peut être, qu'à la condition d'y rentrer au plus tôt. Que le gouvernement ait le courage de repousser l'encens qu'on lui brûle dans les moments de prospérité et il évitera les malédictions dont on l'accable dans les époques de calamité.

- Plusieurs voix. - La clôture ! la clôture !

- La clôture est mise aux voix et prononcée.

M. le président. - Je mets aux voix la proposition de M. le ministre de l'intérieur : « Article 70, subsides aux ateliers d'apprentissage et écoles de manufacture, distribution de métiers, etc., charge ordinaire 54,000 francs. »

M. Coomans. - Nous demandons la division ; il y a le chiffre et il y a la question de permanence.

M. Wasseige. - Nous avons deux choses à décider, l'allocation d'un subside de 54,000 fr. sur lequel nous sommes à peu près d'accord et la question de savoir si ce subside sera porté aux charges ordinaires ou aux charges extraordinaires. Quand nous aurons décidé si le crédit doit être porté à la colonne des charges ordinaires ou à celle des charges extraordinaires, nous voterons sur le chiffre.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Ces messieurs veulent voter pour le chiffre et ne font d'opposition que quant à la place que je propose de lui donner. Votons d'abord sur le chiffre.

M. Wasseige. -Votons d'abord sur la place. Si on commençait par voter sur le chiffre, on gênerait le vote d'un certain nombre de membres, car il en est qui consentent à voter le crédit comme dépense extraordinaire et le repoussent comme dépense ordinaire. Votons d'abord le caractère de la dépense ; de cette manière ceux qui l'admettent dans la première hypothèse et la repoussent dans l'autre seront à même de voter.

- Un grand nombre de voix. - Oui ! oui ! votons !

- Un grand nombre de membres. - L'appel nominal !

- Il est procédé à cette opération.

En voici le résultat :

96 membres répondent à l'appel.

60 membres répondent oui.

30 membres répondent non.

En conséquence, la Chambre décide que le subside porté à l'article 70 figurera à la colonne des charges ordinaires.

Ont répondu oui : MM. le Bailly de Tilleghem, C. Lebeau, Magherman, Manilius, Mouton, Moreau, Muller, Nélis, Neyt, Orts, Pierre, V. Pirson, Rodenbach, Rogier, Saeyman, Savart, Tack, Tesch, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Humbeeck, (page 168) Van Iseghem, Van Leempoel de Nieunmunster, Van Renynghe, Allard, Ansiau, Crombez, Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Bast, de Boe, de Breyne, de Bronckart, de Brouckere, Dechentinnes, de Decker, de Florisone, De Fré, de Gottal, de Haerne, de Lexhy, Deliége, de Moor, de Paul, de Ridder, Desmaisières, de Terbecq, Devaux, de Vrière, d'Hoffschmidt, H. Dumortier, d'Ursel, Frère-Orban, Grandgagnage, Grosfils, Guillery, Hymans, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Lange, Laubry et Vervoort.

Ont répondu non : MM. Mercier, Moncheur, Notelteirs, Nothomb, Pirmez, Royer de Behr, Snoy, Thibaut, Van Dormael, Van Volxem, Verwilghen, Wasseige, Beeckman, Coomans, Dechamps, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Mérode-Westerloo, de Naeyer, de Pitteurs-Hiegaerts, de Portemont, de Rongé, de Ruddere de Te Lokeren, de Smedt, de Theux, B. Dumortier, Frison, Janssens, Julliot et Landeloos.

M. le président. - Je mets aux voix le chiffre de 54,000 francs.

- Plusieurs membres. - L'appel nominal !

Le chiffre de 54,000 francs est mis aux voix par appel nominal.

94 membres répondent à l'appel nominal.

83 voix votent pour le chiffre.

10 votent contre.

1 s'abstient.

En conséquence, le chiffre est adopté.

Ont répondu oui : MM. le Bailly de Tilleghem, C. Lebeau, Magherman, Manilius, Mercier, Moncheur, Moreau, Mouton, Muller, Nélis, Neyt, Notelteirs, Nothomb, Orban, Orts, Pierre, Pirmez, V. Pirson, Rodenbach, Rogier, Ployer de Behr, Saeyman, Savart, Snoy, Tack, Tesch, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Dormael, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Leempoel de Nieuwmunster, Van Renynghe, Van Volxem, Verwilghen, Allard, Beeckman, Crombez, Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Bast, de Boe, de Breyne, de Bronckart, de Brouckere, Dechamps, Dechentinnes, de Decker, de Florisone, De Fré, de Gottal, de Lexhy, Deliége, de Mérode-Westerloo, de Moor, de Paul, de Pitteurs-Hiegaerts, de Ridder, de Rongé, Desmaisières, de Smedt, de Terbecq, de Theux, Devaux, de Trière, d'Hoffschmidt, B. Dumortier, H. Dumortier, d'Ursel, Frère-Orban, Frison, Grandgagnage, Grosfils, Guillery, Hymans, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Lange, Laubry et Vervoort.

Ont répondu non : MM. Thibaut, Coomans, de Liedekerke, de Man d'Atenrode, de Naeyer; de Portemont, de Ruddere de Te Lokeren, Janssens, Julliot et Landeloos.

S'est abstenu : M. Wasseige.

M. Wasseige. - Je n'ai pas voulu voter contre le chiffre, parce que je ne voulais pas faire fermer dès à présent tous les ateliers d'apprentissage.

Je n'ai pas voté pour, parce que je ne veux pas les faire passer à l'état de permanence.

Articles 71 à 127

Les articles 71, 79, 92, 99, 102, 112, 113, 115, 121 et 127, amendés au premier vote, sont définitivement adoptés.

Article 45

M. le président. - Avant de mettre aux voix l'ensemble du budget, je dois soumettre à la Chambre une. demande de M. le ministre de l'intérieur.

A l'article 45, garde civique, achat, entretien et réparation des armes et objets d'équipement, magasin central, etc., M. le ministre de l'intérieur propose d'ajouter « frais d'impression des états de signalement et des brevets d'officiers. »

- Cette modification est adoptée.

Vote de l’article unique

M. de Theux. - Le ministère a déclaré que, vu l'état politique de l'Europe, le patriotisme l'engage et doit engager la Chambre à s'abstenir de discussions irritantes, tout en réservant les droits et les opinions de chacun.

Nous partageons ces sentiments, et nous nous maintiendrons dans cette réserve, à moins que la nécessité ne nous force d'en sortir.

Quant au vote sur l'ensemble du budget, M. le ministre de l'intérieur étant chef du cabinet, si notre vote était approbatif, pourrait être considéré, soit comme une adhésion à la politique du ministère, soit comme un abandon des griefs de la minorité ; en un mot, comme un vote de confiance. Ne pouvant donner un vote de confiance au cabinet, notre vote sera négatif.

M. le président. - Avant que nous procédions au vote par appel nominal, je dois rappeler à la Chambre que la section centrale propose le renvoi au ministre de l'intérieur des pétitions des employés des commissariats d'arrondissement de Dînant et de Waremme.

- Cette proposition est adoptée.


L'article unique du projet de loi du budget est ainsi conçu :

« Le budget du ministère de l'intérieur est fixé pour l'exercice 1861 à la somme de huit millions neuf cent trente-deux mille cinq cent trente-huit francs soixante est un centimes (fr. 8,932,538-61 c.) conformément au tableau ci-annexé. »

- Cet article est mis aux voix par appel nominal et adopté par 68 voix contre 27.

Ont voté l'adoption : MM. le Bailly de Tilleghem, C. Lebeau, Manilius, Moreau, Mouton, Muller, Nélis, Neyt, Orban, Orts, Pierre, Pirmez, V. Pirson, Rodenbach, Rogier, Royer de Behr, Saeyman, Savart, Tesch, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Leempoel de Nieuwmunster, Van Renynghe, Van Volxem, Allard, Crombez, Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Bast, de Boe, de Breyne, de Bronckart, de Brouckere, Dechentinnes, de Decker, de Florisone, De Fré, de Gottal, de Lexhy, Deliége, de Moor, de Paul, de Ridder, de Rongé, de Smedt, de Terbecq, Devaux, de Vrière, d'Hoffschmidt, Frère-Orban, Frison, Goblet, Grandgagnage, Grosfils, Guillery, Hymans, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Julliot, Lange, Laubry et Vervoort.

Ont voté le rejet : MM. Mercier, Moucher, Notelteirs, Nothomb, Snoy, Tack, Thibaut, Van Dormael, Verwilghen, Wasseige, Beeckman, Coomans, Dechamps, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Mérode-Westerloo, de Naeyer, de Pitteurs-Hiegaerts, de Portemont, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Theux, B. Dumortier, H. Dumortier, d'Ursel, Janssens et Landeloos.


M. le président. - Le bureau a composé de la manière suivante la commission chargé d'examiner le projet de loi interprétatif de l'article 69 de la loi du 22 frimaire an VII : MM. Deliége, Moncheur, Savart, Guillery, Notelteirs, Charles Lebeau et Nothomb.

- La séance est levée à cinq heures.