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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 24 novembre 1860

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1860-1861)

(page 54) (Présidence de M. Vervoort.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Florisone, secrétaire, procède à l'appel nominal à une heure et un quart ; il donne lecture du procès-verbal delà séance précédente.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Moor, secrétaire, présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre :

« Le sieur Tummers, maréchal des logis de la gendarmerie pensionné, prie la Chambre de lui faire appliquer les dispositions de 1a loi du 4 juillet 1860, relative à la pension des gendarmes. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Bourlard, ancien officier, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir la révision de sa pension. »

- Même renvoi.


« M. E. Pirmez demande un congé pour cause d'indisposition. »

- Ce congé est accordé.


M. le président. - Le premier objet à l'ordre du jour est la discussion du budget de l'intérieur. La Chambre entend-elle aborder cette discussion maintenant ?

- Plusieurs voix : Non ! non !

M. le président. - La Chambre veut-elle que nous remettions cet objet à mardi et que nous commencions par le budget de la dette publique ?

M. Coomans. - Il me semble qu'il n'entre dans les habitudes de la Chambre d'intervertir l'ordre du jour que lorsqu'il y a une circonstance urgente ou de force majeure.

- Une voix. - Le rapporteur est malade.

M. le président. - M. le ministre de l'intérieur est encore indisposé.

M. Vander Donckt. - Non seulement l'indisposition de M. le ministre de l'intérieur et la maladie du rapporteur sont des motifs pour ne pas aborder la discussion, mais encore il n'y a pas de précédent qu'on ait commencé la discussion d'un budget si important que celui de l'intérieur un samedi.


M. le président. - Le bureau a été chargé par la Chambre de nommer des commissions pour examiner les projets de lois déposés dans une précédente séance par M. le ministre de la justice. Voici la composition de ces commissions :

1° Projet de loi portant interprétation de l'article 87 de la loi du 8 mai 1848, sur la garde civique : MM. Orts, Van Humbeeck, Van Overloop, Grosfils, Wasseige, Manilius et Goblet.

2° Projet de loi portant interprétation de l'article 3 de la loi du 29 floréal an X, relative au poids des voitures employées au \roulage et aux messageries : MM. Loos, de Bronckart, de Naeyer, J. Jouret, Tack, Coomans et De Fré.

3° Projet de loi portant interprétation de l'article 69 du Code pénal : MM. Dolez, Pirmez, de Gottal, Ch. Lebeau, de Muelenaere, Muller et Nothomb.

Projet de loi portant le budget de la dette publique de l’exercice 1861

Personne ne demandant la parole, la discussion générale est close et l'on passe à celle des articles.

Discussion du tableau des crédits

Chapitre premier. Service de la dette

Articles 1 à 17

(page 55° « Art. 1er. Arrérages de l'inscription portée au grand-livre des rentes créées sans expression de capital, au nom de la ville de Bruxelles, en vertu de la loi du 4 décembre 1842 : fr. 300,000. »

- Adopté.


« Art. 2. Arrérages de l'inscription portée au même grand-livre, au profit du gouvernement des Pays-Bas, en exécution du paragraphe premier de l'article 63 du traité du 5 novembre 1842 : fr. 846,560. »

- Adopté.


« Art. 3. Intérêts des capitaux inscrits au grand-livre de la dette publique, à 2 1/2 p. c., en exécution des paragraphes 2 à 6 inclus de l'article63 du même traité : fr. 5,502,640 78. »

- Adopté.


« Art. 4. Frais relatifs à cette dette : fr. 1,200. »

- Adopté.


« Art. 5. Intérêts de l'emprunt de 50,850,800 francs, à 3 p. c, autorisé par la loi du 28 mai 1838, et du capital de 7,624,000 francs, à 3 p. c, émis en vertu des lois du 1er mai 1842 et du 24 décembre 1846 (semestres au 1er février et au 1er août 1861) : fr. 1,754,244.

« Dotation de l'amortissement de ces deux dettes (mêmes semestres) : fr. 584,748.

« Ensemble : fr. 2,338,992. »

- Adopté.


« Art. 6. Frais relatifs aux mêmes dettes : fr. 30,000. »

- Adopté.


« Art. 7. Intérêts de l'emprunt de 30,000,000 de fr., à 4 p. c, autorisé par la loi du 18 juin 1836 : fr. 1,200,000.

« Dotation de l'amortissement de cet emprunt : fr. 300,000.

« Ensemble : fr. 1,500,000. »

- Adopté.


« Art. 8. Frais relatifs au même emprunt : fr. 1,500. »

- Adopté.


« Art. 9. Intérêts, à 41/2 p. c, sur un capital de 95,442,852 fr., montant des obligations dont l'émission a été autorisée par la loi du 21 mars 1844 (semestres au 1er mai et au 1er novembre 1861) : fr. 4,294,927 44

« Dotation de l'amortissement de cette dette (mêmes semestres) : fr. 954,428 32.

« Ensemble : fr. 5,249,355 76. »

- Adopté.


« Art. 10. Frais relatifs à la même dette : fr. 13,000. »

- Adopté.


« Art. 11. Intérêts de l'emprunt de 84,656,000 fr., à 4 1/2 p. c., autorisé par la loi du 22 mars 1844 (semestres au 1er mai et au 1er novembre 1861) : fr. 3,809,520.

« Dotation de l'amortissement de cet emprunt, à 1/2 p. c. du capital (mêmes semestres) : fr. 423,280.

« Ensemble : fr. 4,232,800. »

- Adopté.


« Art. 12. Frais relatifs au même emprunt : fr. 10,000. »

- Adopté.


« Art. 13. Intérêts, à 41/2 p. c, sur un capital de 157,615,300 fr., montant des obligations émises en vertu des lois du 1er décembre 1852 et du 14 juin 1853 (semestres au 1er mai et au 1er novembre 1861) : fr. 7,092,688 50.

« Dotation de l'amortissement de cette dette, à 1/2 p. c. du capital (mêmes semestres) : fr. 788,076 50.

« Ensemble : fr. 7,880,765. »

- Adopté.


« Art. 14. Frais relatifs à la même dette : fr. 20,000. »

- Adopté.


« Art. 15. Intérêts à 4 1/2 p. c, sur un capital de 24,382,000 fr., résultant de la conversion décrétée par la loi du 28 mai 1856, et sur un capital de 45,000,000 de fr., montant de l'emprunt autorisé par la loi du 8 septembre 1859 (semestres au 1er mai et au 1er novembre 1861) : fr. 3,122,190.

« Dotation d'amortissement, à 1/2 p. c. du capital (mêmes semestres) : fr. 346,910.

« Ensemble : fr. 3,469,100. »

- Adopté.


« Art. 16. Frais relatifs a cette dette : fr. 8,000.

- Adopté.


« Art. 17. Rentes viagères. Charges extraordinaires et temporaires : fr. 1,386 68. »

- Adopté.


Article 18

« Art. 18. Minimum d'intérêt garanti par l'Etat, en vertu de la loi du 20 décembre 1851 et de lois subséquentes. (Ce crédit n'est point limitatif ; les intérêts qu'il est destiné à servir pourront s'élever, s'il y a lieu, jusqu'à concurrence des engagements résultant de ces lois) : fr. 1,350,000. »

(page 56) M. Guillery. - Messieurs, je ne m'attendais pas à voir commencer aujourd'hui la discussion du budget de la dette publique ; je n'ai même pas sous les yeux le texte du budget, que j'ai fait vainement demander. C'est sur l’article relatif à l'emprunt de 1860 que je désirais présenter quelques observations. (Interruption.) On me dit que l'article est déjà voté ; je prierai néanmoins les Chambres de vouloir bien m'accorder la parole.

Du reste, les observations que j'ai à présenter ne sont pas très étendues. Elles sont uniquement relatives à la manière dont s'est fait le dernier emprunt.

Vous vous rappelez, messieurs, que plusieurs sections et la section centrale, à l'unanimité, avaient émis le vœu que l'emprunt fût fait publiquement. Le gouvernement ne s'était pas expliqué sur ce point, la loi n'en avait pas parlé, mais j'avais cru, pour ma part, qu'il y avait adhésion tacite à ce principe qui est admis maintenant en matière financière dans presque tous les pays et dont nous avons l'honneur d'avoir donné l'exemple à l'Europe.

Déjà plusieurs emprunts, beaucoup plus considérables que celui dont il s'agit, avaient été effectués très heureusement sans l'intermédiaire des banquiers.

L'emprunt de 1860 s'est fait à des conditions très avantageuses pour les emprunteurs, par la manière dont les payements sont échelonnés. Le 4 1/2 p.c. était, si j'ai bonne mémoire, à 98 7/8. L'emprunt se faisant au pair, ressortait, vu les termes de payements, à 93 environ.

Dès lors il n'y a pas de doute que le public n'eût fourni directement au gouvernement tout l'argent que celui-ci aurait pu lui demander, c'est-à-dire le total de l'emprunt de 45 millions. Ce même public qui a consacré à des fonds étrangers offrant peu de garantie, plus d'un milliard aurait parfaitement pu être appelé à souscrire à lui seul l'emprunt total.

Je crois donc qu'il serait sage à l'avenir de montrer plus de confiance dans le crédit public. Il serait sage d'affranchir complètement l'Etat du concours des banquiers, que je trouve au moins superflu surtout lorsque parmi ces banquiers figurent des étrangers. Si le bénéfice qu'on accorde à des financiers rêverait du moins à des établissements nationaux, je contiendrais qu'on pût soutenir que le pays en tire indirectement avantage, mais accorder à M. de Rothschild une part dans un emprunt belge, cela me paraît étrange.

On a dit autrefois que rien ne pouvait se faire en Belgique en matière financière sans la permission de la maison de Rothschild. Ce temps-là est passé, messieurs. La Belgique s'est émancipée financièrement comme l'a dit un habile financier dans cette même enceinte.

Elle aurait dû profiter de cette émancipation qui a été assez pénible pour que nous y attachions quelque prix.

Il est aussi un point sur lequel j'attirerai l'attention de M. le ministre des finances et de la Chambre, c'est la clause qui permet d'anticiper les payements.

Le gouvernement échelonne en général les termes de payement de l'emprunt d'après les besoins du trésor, et, plus il peut les différer, plus il a de chances de trouver des souscripteurs, et plus il peut réduire l'intérêt.

Dès lors il est inutile et même préjudiciable pour le trésor public de permettre le payement par anticipation. Je sais que des clauses analogues se sont trouvées dans les contrats de beaucoup d'emprunts, mais dans la plupart d'entre eux il y avait simplement faculté pour le ministre dos finances de permettre le payement anticipatif moyennant un escompte à fixer ultérieurement.

Dans le contrat de 1860, comme dans celui de 1852 du reste, le payement anticipatif dépend de la volonté du public. Dès lors si le prêteur a de l'argent disponible et s'il n'a pas d'autre placement, il payera évidemment par anticipation et l'argent sur lequel le gouvernement doit payer 2 1/2 p. c. d'intérêt restera parfaitement stérile pour l'Etat du moins dans la caisse de la Banque nationale.

Celle-ci, qui a quelquefois 20, 30 millions appartenant au gouvernement, verra augmenter son encaisse sans profit aucun pour le trésor. Celui-ci payera un intérêt sur des sommes dont la Banque nationale retira seule un bénéfice.

Il y a plus, messieurs, ce payement anticipatif était, en 1852, permis à la Banque Nationale elle-même et le gouvernement a reconnu l'abus qui pourrait en résulter ; aussi l'a-t-il interdit à la Banque nationale, par l'arrêté royal, de janvier dernier, si je ne me trompe.

Cela se comprend assez : la Banque nationale qui a souvent, comme je viens de le dire, des sommes considérables appartenant à l'Etat, pouvait, par une simple opération d'écritures, verser fictivement l'argent de l'Etat dans les caisses de l'Etat, sans que l'argent changeât de place ; et elle pouvait ainsi faire payer au gouvernement un intérêt de 5 p. c. sur de l'argent qui appartenait à ce même gouvernement.

Mais, en interdisant ces sortes de payement à la Banque nationale, on a eu tort, selon moi, de le permettre aux participants de la Banque, c'est-à-dire, aux banquiers, qui, conjointement avec elle, ont eu 15 millions dans l’emprunt parce que la Banque nationale peut parfaitement faire pour ses participants ce qui lui est interdit de faire par elle-meme, et dès lors, il y a là une opération préjudiciable au trésor et qui augmente encore les avantages faits aux banquiers.

Je me résume, messieurs, en disant que je fais des vœux pour qu'à l'avenir les emprunts soient publics. La Belgique est de ces pays dans le crédit desquels il faut avoir foi ; plus on fera appel à la confiance publique, plus le pays y répondra. Il y a, dans notre pays, des capitaux considérables disponibles et je suis convaincu que, pour un emprunt de 80 millions comme pour un emprunt de 45 millions on trouvera toujours beaucoup plus de fonds que le gouvernement n'en pourra demander.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il fut un temps où les emprunts d'Etat se contractaient sans concurrence ni publicité. On traitait alors des emprunts et même des plus importants dans le cabinet du ministre. Souvent, des plaintes se sont élevées de ce chef ; on demandait la concurrence, la publicité.

A entendre l'honorable membre, je dois supposer qu'il a cru que nous étions encore à ce temps passé et que l'emprunt dont nous nous occupons avait été contracté sarn publicité. Il réclame la publicité en faveur des emprunts.

M. Guillery. - Je n'ai pas dit cela.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Vous avez répété dix fois ce mot.

M. Guillery. - Si vous voulez me le permettre, je m'expliquerai immédiatement pour éviter un malentendu.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Volontiers !

M. Guillery. - En parlant de publicité, je n'ai nullement, voulu dire que 1'empruint eût été contracté à huis clos ; j'ai voulu dire que, selon moi, l’emprunt devait être donné tout entier au public et non pas en grande partie à la Banque nationale et à d'autres banquiers.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Voilà donc l'histoire de la publicité expliquée, et c'est un grief de moins : il faut donner au public et non pas aux banquiers. Mais je voudrais bien savoir ce que cela fait au trésor. Le trésor, quelle que soit sa manière d'opérer en ceci, ne subit aucune espèce de perte.

L'honorable membre me paraît s'imaginer que les banquiers, que la Banque. Nationale et ses coparticipants ont obtenu des conditions plus favorables que le public ; mais il n'en est rien du tout : les conditions ont été exactement les mêmes pour tout le monde. La Banque Nationale et ses coparticipants ont accepté les mêmes conditions que le public. Je me trompe, ils ont accepté des conditions plus onéreuses que le public : le contrat a obligé les premiers vis-à-vis de trésor pendant tout le délai accordé au public pour souscrire.

De telle sorte que si, dans l'intervalle de l'annonce de l'emprunt à la souscription, des événements politiques étaient survenus qui eussent déprécié le cours des fonds publics et rendu les conditions de l'emprunt onéreuses, le trésor était assuré de recevoir la participation promise par les banquiers à des conditions extraordinairement avantageuses. Or, je m'étonne qu'on vienne critiquer dans cette enceinte une opération aussi favorable.

Et en fait, à peine le jour de la fermeture de ta souscription arrivé, des événements politiques sont survenus, des inquiétudes d'une telle nature se sont présentées, que personne n'aurait souscrit aux conditions offertes, cela est incontestable. Aussi, vous avez pu remarquer qu'au premier moment de l'annonce de l'emprunt, quelques critiques s'étaient fait jour ; mais le lendemain de la fermeture de la souscription, le silence se fit, personne ne fit plus entendre de critique. Je crois avoir fait une opération très favorable au trésor.

L'honorable membre pense que si l'on donnait toute la souscription au public, le trésor, courant toutes les chances de l'opération, serait assuré d'abord d'obtenir toute la somme dont il a besoin et s'assurerait tout le profit ; sur ce second point l'allégation de l’honorable membre est inadmissible, du moment que les mêmes conditions étaient faites aux banquiers et au public.

Quant à être plus assuré de la réalisation de l'emprunt, il n'en est rien. Quand, après coup, on consulte l'état des souscriptions à un emprunt public et qu'on voit que les souscriptions donnent une somme supérieure à celle qui est demandée, l’on croit pouvoir conclure que (page 57) si on avait demandé, non pas 45 millions, mais 100 millions, on les aurait obtenus ; mais on se trompe ; on ne remarque pas que les souscriptions sont en grande partie fictives ; dans la crainte de ne pas avoir la somme qu'on veut prendre, on souscrit pour des chiffres bien supérieurs à ceux qu'on pourrait accepter ; c'est ainsi qu'il y a eu des souscriptions très considérables, dont une même pour la totalité de l'emprunt faite par un seul particulier. Je demande si, à part des opérations à faire par des banquiers, il est dans le pays des particuliers disposés à souscrire pour la totalité de l'emprunt ? Ainsi, sous ce rapport, il ne faut pas tirer de conclusion de ce qu'on voit dans les listes de souscription à ce qui pourrait se réaliser.

Cependant, je n'exclus pas l'idée de demander la somme complète de l'emprunt au public ; cela dépend des circonstances. Si, dans celles où nous nous trouvions, j'ai eu recours à l'intervention des banquiers, cela importait beaucoup au succès de l'opération au milieu des circonstances qui se sont produites ; dans d'autres temps, je pourrais faire appel au public exclusivement, mais au risque de faire subir des pertes au trésor.

Vous avez fait allusion à des emprunts ainsi réalisés ; vous ne savez pas quelles conditions on a dû subir, dans quel embarras on s'est trouvé pour avoir ainsi contracté. Je ne veux pas rappeler que pendant de longues années les conséquences de cette situation ont pesé sur le trésor.

Je me borne à soutenir que l'opération que j'ai faite a été favorable et qu'elle était prudente dans les circonstances où l'on se trouvait.

L'honorable membre a critiqué les conditions de l'emprunt, la faculté d'anticiper les payements ; mais on n'obtiendrait pas un emprunt au taux de l'émission de celui dont on parle, sans cette faculté d'anticiper les payements.

L'emprunt serait impossible dans de pareilles conditions, à moins que le trésor ne payât l'obligation de garder les fonds. Cette faculté d'anticiper a presque toujours été stipulée. En France, cette faculté d'anticiper a été donnée. C'est là ce qui constitue une des bases de l'opération, un des moyens de couvrir la différence entre le taux auquel ou émet l'emprunt et le taux réel de la rente dans le même moment.

Le 4 1/2 p. c. étant alors à 97 ou à 98, je n'ai pas le souvenir exact des chiffres, j'émettais l'emprunt au-dessus du pair ; il est évident qu'on devait payer de quelque façon cette condition onéreuse que j'imposais aux prêteurs.

Un des modes de compensation, c'est précisément cette anticipation pour ceux qui ont des fonds disponibles. Il n'y avait, en réalité, aucune autre manière d'opérer dans les termes où l'emprunt était offert au public. Si l'on s'était adressé complètement au public sans lui donner la faculté d'anticiper, l'opération n'aurait pas réussi.

M. Guillery. - Messieurs, l'honorable ministre des finances croit que le système qu'il a adopté est infiniment supérieur à celui que j'ai défendu. Suivant l'honorable préopinant, mon système aurait un très grand danger : c'est que si dans l'intervalle qui sépare le jour où l'arrêté royal décrète les conditions de l'emprunt, du jour où l'emprunt doit être réalisé, il survient des événements politiques graves, l'emprunt échouera.

Mais s'il échoue pour l'Etat, il échouera aussi pour les banquiers. Si M de Rothschild en accepte les risques, nous pouvons aussi les accepter sans crainte.

Le système qui vient d'être défendu n'irait à rien moins qu'à supprimer le système des emprunts publics, tel qu'il est admis aujourd'hui dans toute l'Europe.

Dans des circonstances bien plus graves que celles où nous nous trouvions le 14 janvier14860, le Piémont a fait un emprunt public ; a-t-il échoué ? Vous rappellerai-je tous les emprunts publics qui ont été faits en Angleterre et en France, depuis l'emprunt des Indes jusqu'aux emprunts faits pour la guerre de Crimée et la guerre d'Italie ?

Le 4 1/2 français est de deux à trois francs au-dessous des nôtres, et le Piémont s'adressait au public avec un 5 p. c. à 86.

Le système défendu par M. le ministre des finances lui paraît d'autant plus justifié qu'il a pour lui l'expérience, et que le lendemain du jour où il a décrété les conditions de l'emprunt de 1860, c'est-à-dire le 15 janvier de la même année, la situation était telle que personne n'aurait souscrit l'emprunt.

Je suis bien fâché de ne m'être pas trouvé alors dans le cabinet de M. le ministre des finances, parce que moi, qui ne suis ni millionnaire, ni financier, j'aurais très volontiers souscrit l'emprunt.

Quelle était la situation si désastreuse dans laquelle M. le ministre des finances prétend que nous étions alors ? Notre 4 1/2 était à 98 3/4 ou 98, Voilà les circonstances si désastreuses dans lesquelles on dit que personne n'aurait voulu souscrire l'emprunt le 15 janvier. Le 4 1/2 était descendu de 98 7/8 à 98 3/4, si j'ai bonne mémoire, et pendant les mois de janvier et de février il n'est jamais descendu au-dessous de 97.

Il est bien vrai que M. le ministre des finances croit qu'il aurait fait l'emprunt dans des conditions peu favorables, et qu'il avait donné un intérêt b en moins grand à ceux qui souscrivaient l'emprunt qu'à ceux qui achetaient le 4 1/2. M. le ministre a dit tout à l'heure que s'il n'avait pas accordé la faculté de payer anticipativement, il n'y aurait eu aucun avantage à prêter, puisqu'il émettait l'emprunt au pair et que le 4 1/2 était à 98.

Il faut bien compter sur notre naïveté, pour nous dire de semblables choses. Quoi ! l'emprunt était au pair, quand le 4 1/2 était à 98 ?

Voici comment vous avez fait l'emprunt au pair. En calculant tous les intérêts d'après l'époque des versements, on arrive à ceci : c'est que l'emprunt' e faisant à 95, alors que le 4 1/2 était à 98 (Interruption). Voilà la vérité.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est inexact.

M. Guillery. - Il est très facile de dire que c'est inexact. Voyons donc les conditions de l'emprunt. Je viens de faire chercher le Moniteur, et voici ce que dit l'arrêté du 12 janvier dernier, article 10 :

« Le payement du prix des obligations de l'emprunt sera effectué chez le caissier de l'Etat (Banque nationale), à Bruxelles, ou chez ses agents dans les divers chefs-lieux d'arrondissement, en huit termes, comme il suit :

« 1er février 1860, deux dixièmes ;

« 1er mai 1860., un dixième ;

« 1er août 1860, un dixième ;

« 1er novembre 1861., un dixième ;

« 1er mai 1861, un dixième ;

« -1er novembre 1861., un dixième ;

« 1er mai 1862, un dixième ;

« 1er novembre 1862, deux dixièmes. »

Or, le 1er novembre 1860, on avait versé 40 francs, à savoir, 20 fr. le 1er février, 10 le 1er mai, et 10 le 1er août et on a eu 4 francs 50 c. d'intérêts. Calculez l'intérêt de l'argent à 4 1/2 et voyez si cela ne fait pas de l'argent parfaitement placé.

Je sais bien qu'il faut que l'emprunt qu'on émet obtienne des conditions plus favorables que les fonds existants. Mais je dis que lorsque l'on touche, la première année, 4 francs 50 c. pour 40 fr. versés quelques mois avant le payement de l'intérêt, il y a là une prime énorme. Par conséquent, l'emprunt se faisait dans des conditions beaucoup plus avantageuses que le 4 1/2 qui se vendait à 98 7/8, puis à 97 3/4 d'après la cote officielle, telle que la constate le Moniteur de l'époque que j'ai sous les yeux.

Vous voyez, messieurs, que cette situation n'avait rien de désastre. Le lendemain du jour où l'emprunt a été émis, le 4 1/2 était à 98 3/4, le surlendemain, à 98. C'est donc une grave erreur de dire que le lendemain personne n'aurait souscrit l'emprunt ; la situation était aussi bonne qu'on pouvait le désirer.

On vous dit : « Qu'est-ce que le trésor a perdu à cela ? »

Mais n'aurait-ou pas eu de meilleures conditions du public que des banquiers ?

Il ne faut pas d'ailleurs voir seulement l'intérêt immédiat du trésor, il faut encore voir les principes. En matière de crédit public, il est une (page 58) doctrine défendue par tous les économistes et les financiers les plus considérables.

Le grand principe, mais c'est de faire appel au public parce qu'il est démontré qu'on aura toujours de meilleures conditions en s'adressant directement à lui. Mais les circonstances dont j'ai parlé tout à l'heure et dans lesquelles d'autres pays l'ont fait étaient moins favorables que celles dans lesquelles nous étions le 14 février 1860 et leur 4 1/2 était loin de 98.

Il était impossible de croire en 1860 qu'on ne pût obtenir 45 millions en procédant de la sorte, car en 1844 c'est 80 millions qu'on avait demandés, et la souscription a été deux fois plus forte.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Cela a coûté fort cher.

M. Guillery. - On a émis, si j'ai bonne mémoire, l'emprunt de 1844 à 104 et moyennant les avantages résultant des termes de paiement, il dépassait encore 100 francs.

C'est au-dessus du pair, non pas en apparence, mais en réalité.

La clause que M. le ministre des finances actuel juge indispensable pour appeler les capitaux n'existait pas en 1844, le payement anticipatif n'était pas permis.

Le ministre des finances se réservait la faculté d'autoriser le payement anticipatif si les besoins du trésor l'exigeaient, parce que c'est une bonne opération de pouvoir en certains moments emprunter à 3 pour cent, ou deux et demi.

En 1856 l'emprunt était fixé à 30 millions et les souscriptions se sont élevées à 20 ou 25 fois le capital demandé.

On dit qu'il y a des souscriptions fictives ; mais quand on est obligé de déposer 10 p. c. de cautionnement et que ce cautionnement atteint le chiffre de l'emprunt, cela devient une fiction qui approche de la réalité. Si j'ai bonne mémoire, la souscription à l'emprunt de 1860 a été de 450 millions, de sorte que la somme déposée à la Banque nationale ou chez les autres agents chargés de recueillir les souscriptions devait excéder 45 millions.

Il n'y avait là rien de fictif, mais bien une réalité.

Qu'est-ce qui empêche qu'un simple particulier souscrive pour une somme de 30 millions s'il a des commissions et s'il vient souscrire au nom de ses mandants comme cela se fait tous les jours, alors surtout que ce particulier est un agent de change ?

Cela prouve encore qu'il a eu confiance dans l'emprunt, qu'il a été convaincu que le public donnerait plus de fonds qu'on n'en demandait

Je ne crois donc nullement que la clause qui permet d'anticiper les payements soit nécessaire pour attirer le public. Elle ne l'a pas été en 1844 ; elle ne l'était pas en 1860, et de plus elle ne l'était pas en 1860, parce que les conditions de cet emprunt étaient déjà assez avantageuses sans qu'on y ajoutât celle-là.

J'ajoute qu'elle est dangereuse, parce qu'elle peut permettre des opérations que l'Etat ne peut ni approuver ni encourager, comme on peut le démontrer par les comptes rendus mêmes de la Banque Nationale.

Si l'emprunt était public, je le comprendrais jusqu'à un certain point ; mais il n'en est plus ainsi lorsque les banquiers sont intéressés dans l'opération.

On dit que le trésor public n'est pas intéressé à se passer des banquiers. Je crois au contraire qu'il y est très intéressé, parce que si l'on n'habitue pas le public à ces sortes d'emprunts, on retombera insensiblement sous un joug dont on a eu tant de peine à s'affranchir ; et je ne comprends pas comment nous ne le ferions pas maintenant, puisque nous nous en sommes affranchis en 1844, en 1836 et même en 1823, époque à laquelle le gouvernement a fait un emprunt de 80,000,000 de florins qui a été couvert par le public.

Il y a un autre mode qui nie paraît réunir tous les avantages de la publicité à celui du bon marché, c'est celui qui consiste à mettre l'emprunt en adjudication.

Il permet aux particuliers de souscrire pour une somme déterminée et de faire les conditions de leur souscription. L'emprunt est adjugé alors à ceux qui offrent les meilleures conditions. Par ce moyen on se passe d'intermédiaires. Le ministre des finances est affranchi de l'obligation de déterminer les conditions ; il suffit de choisir le moment favorable.

Je reconnais, du reste, que ce moment a été très habilement choisi, en 1860.

En réalité lorsque les banquiers, lorsque la Banque nationale, lorsque M. de Rothschild souscrivent un emprunt, qui paye, qui réunit les fonds ?

Sont-ce les banquiers ? Non c'est le public. .

Le lendemain du jour où le banquier a fait un contrat avec M. le ministre des finances, il ouvre une souscription au public, et c'est le public qui, à des conditions moins avantageuses que celles obtenues par le banquier, fournit 2 ou 3 fois le total du capital demandé, de manière que le banquier conserve la prime et ne conserve pas les fonds.

Nous pouvons nous en assurer par les comptes-rendus de nos banques. En 1855, la Banque Nationale ne conservait plus rien de l'emprunt de 1854. Mais il lui restait une somme de 700,000 à 800,000 fr. représentant le bénéfice provenant du payement anticipatif.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Elle avait bien fait.

M. Guillery. - Elle l'avait fait au préjudice du trésor.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Vous parlez de la vente, mais cela ne fait rien au trésor. «

M. Guillery. -Je parle des versements anticipatifs.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Vous dites qu'elle avait vendu son emprunt, c'est à quoi j'ai répondu qu'elle avait bien fait.

M. Guillery. - Nous sommes d'accord en cela. Je n'ai pas dit qu'il y eût lieu d'infliger, de ce chef, un blâme à la Banque nationale, pas plus qu'aux banquiers, mais j'ai dit et je répète que ce fait prouve que c'est le public qui apporte les fonds et j'aime autant qu'il les apporte directement en laissant au gouvernement le bénéfice qui entre aujourd'hui dans les caisses de M. de Rothschild.

Je ne vois pas pourquoi nous devrions encourager le commerce de la maison de Rothschild.

Je parlais, lorsque j'ai été interrompu, des versements anticipatifs qui peuvent représenter un si grand bénéfice, je dis que c'est un abus que la Banque nationale puisse se faire payer par le gouvernement l'intérêt de l'argent que le gouvernement lui prête. Le gouvernement autorise à verser de l'argent dont il n'a pas besoin et qui lui est prêté une seconde fois par la Banque.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ne sais pas précisément pourquoi nous discutons. Je comprendrais que si l'on avait à démontrer que le trésor a essuyé un préjudice dans l'émission de l'emprunt dont il s'agit, je concevrais qu'alors on présentât les observations que l'on vient de faire ; mais l'honorable membre reconnaît que les conditions ont été favorables. Il ne prétend pas qu'on ait fait aux particuliers, qu'ils s'appellent banquiers ou simplement Pierre ou Paul, qu'on leur ait fait des conditions trop avantageuses. (Interruption.) Ainsi l'opération est bonne pour le trésor ; que critique-t-on alors ? (Interruption.)

Osez donc dire : « Cela est défavorable au trésor » et n'usez pas de réticences. (Interruption.) Vous ne sauriez pas le dire. L'opération a été favorable au trésor et elle a été faite au moment opportun, au seul moment opportun. L'honorable membre s'occupe donc de théories, de simples spéculations sur ce qu'il conviendrait de faire dans telle ou telle circonstance donnée. Je n'ai pas fait, moi, de théories. Ai-je dit qu'il ne fallût jamais faire d'emprunt en mettant toute la somme en souscription publique ?

Cela peut-être bon dans certains cas, mais cela peut aussi entraîner des inconvénients, et il est des circonstances où ce mode serait impraticable, à moins de faire une opération désastreuse. L'honorable membre s'élève-t-il contre cette doctrine, qui n'a rien d'absolu ?

J'ai dit pourquoi je l'ai fait, pourquoi j'ai fait patronner en quelque sorte l'emprunt offert au public, pourquoi j'en ai offert une petite partie à quelques personnes connues par leur expérience en ces matières.

Qu'est-ce qui démontre à l'honorable membre que, sans le patronage de la Banque Nationale et de ses coïntéressés, l'emprunt eût eu le même succès ?

S'il fallait tirer une conclusion des souscriptions, j'ose dire qu'on n'aurait pas obtenu les conditions actuelles sans le patronage dont je viens de parler.

(page 59) L'honorable membre paraît beaucoup plus expert que moi en matière de spéculations sur les fonds publics ; quant à moi, je l'avoue, je n'y entends absolument rien.

L'honorable membre nous dît : Le cours des fonds publics était à tel taux, et le nouvel emprunt a été émis à des conditions beaucoup plus favorables aux prêteurs.

Je demande comment il a pu se faire que les détenteurs d'un fonds qu'ils pouvaient vendre à 98, tandis que le nouvel emprunt ne devait leur coûter que 93, ne se soient pas empressés de réaliser cette opération ?

Si l'honorable membre avait un peu mieux consulté le cours des fonds publics, il aurait vu qu'il y avait, en définitive, une très légère différence entre l'emprunt nouveau et l'emprunt ancien.

C'est précisément ce qui a empêché beaucoup de personnes d'entrer dans la nouvelle opération, et c'est pourquoi ceux qui avaient souscrit dans le but de revendre avec un certain bénéfice, n'ont pas trouvé à réaliser le bénéfice qu'ils avaient espéré.

Voilà comment je comprends les choses ; je ne m'y connais guère, je le répète, mais voilà comment le bon sens me les fait envisager.

L'emprunt a été fait à d'excellentes conditions pour le trésor, et il a été fait au moment opportun. Voilà l'essentiel. Maintenant, je ne m'engage pas le moins du monde à ne jamais donner un emprunt tout entier à la souscription publique : quand le temps est très beau, quand l'horizon est d'une sérénité parfaite, il peut être bon de procéder de cette manière ; mais si la politique est fort incertaine, et si d'autre part il est extrêmement important que le trésor s'assure une somme déterminée dans un temps donné, alors je suivrai le mode que j'ai suivi, et qui n'a rien de commun avec ce qui a été justement critiqué dans les temps passés, mais qui consiste à obtenir que certaines personnes s'engagent pendant un certain temps pour une partie de l'emprunt. Je crois que cette façon d'opérer est très prudente, très convenable selon les circonstances.

Je ne vais pas au-delà, et par conséquent la théorie que combat l’honorable membre n'a rien à faire dans cette discussion.

M. Guillery. - On peut mettre l'emprunt en adjudication.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est la même chose.

M. Guillery. - Je commence par déclarer que je n'accepte pas la manière dont M. le ministre des finances pose le débat entre nous. Si, pour faire des observations sur des actes posés par l'honorable ministre des finances, il fallait avoir plus d'expérience que lui et même démontrer qu'il n'entend rien à la question, je renoncerais à tout jamais à des discussions où l'on pourrait m'attribuer de pareilles inconvenances, de semblables contre-vérités.

M. H. de Brouckere. - On a parlé de matières de bourse.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Sans doute.

M. Guillery. - Je suppose toujours à mes adversaires ou plutôt à mes contradicteurs (car il n'y a pas ici d'adversaire) un argument qui réponde au mien.

M. le ministre des finances m'a répondu que je prétendais en savoir beaucoup en matière de bourse et que lui n'y connaissait rien ; or, il ne s'agit pas ici de spéculations sur la bourse ni de paris de bourse ; il s'agit d'emprunts. Du reste je ne demande pas mieux que de passer condamnation, tout ce que je tiens à déclarer, c'est que dans mes paroles il n'y avait rien de désobligeant pour M. le ministre des finances. Je n'ai entendu discuter que des principes.

Vous reconnaissez, me dit M. le ministre des finances, que l'emprunt a été émis dans des conditions favorables. C'est une erreur ; il n'était pas dans ma pensée de reconnaître que l'emprunt eût été émis à des conditions favorables. J'avoue que l'appréciation de ce point est excessivement délicate, mais je ne me suis pas du tout porté caution de ce qui s'est fait.

Lorsque je vois des financiers accepter ces conditions pour eux et parvenir à faire accepter leur souscription par le public à des conditions moins avantageuses, je suis certainement autorisé à croire qu'on aurait obtenu de meilleurs résultats du public, car ils ne feraient certainement pas l'opération s'ils ne trouvaient pas à y gagner.

Je crois donc que toutes les fois qu'on voudra se passer du concours des banquiers on obtiendra des conditions plus avantageuses.

Je ne demande qu'une chose, c'est que le gouvernement profite lui-même du bénéfice que réalisent les banquiers.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est impossible ; c'est le prix de la souscription.

M. Guillery. - Comment ! la même chose ? On peut mettre en adjudication, comme cela s'est fait en Angleterre pour l'emprunt des Indes. On accorde l'emprunt au plus offrant comme en matière de travaux publics.

Ainsi, s'il me convient de souscrire pour 100,000 fr. à 98, tandis que le reste de la souscription se sera fait à 97, ma souscription sera nécessairement acceptée ; voilà déjà une part placée très avantageusement ; ensuite viendront les autres.

La libre concurrence donne évidemment les meilleures conditions, il n'y a plus là de contrats privés, plus d'arrêté déterminant les conditions ; il y a la libre concurrence qui révèle elle-même la situation financière.

M. le ministre des finances dit : Je ne sais pas pourquoi nous discutons. Mais, messieurs, voici pourquoi : J'ai commencé, la première fois que j'ai pris la parole, par émettre le vœu qu'à l'avenir les emprunts fussent toujours publics. M. le ministre des finances ne partage pas cette opinion et croit que, dans certains cas, il est nécessaire de recourir à la Banque, parce que, dit-il, le public, en voyant que des maisons importantes acceptent les conditions de l'emprunt, est nécessairement porté à souscrire, et il pense même que, pour l'emprunt dont il s'agit, sans ce concours de maisons de banque belges et même de banquiers étrangers, l'emprunt n'aurait pas réussi.

Eh bien, c'est ici que nous nous séparons complètement ; voilà le point sur lequel il y a dissentiment entre nous. J'avoue que mon opinion personnelle a fort peu d'autorité, tandis que celle de M. le ministre des finances en a beaucoup ; mais je ne fais ici que défendre une théorie soutenue par des hommes qui, en matière financière, jouissent également d'une grande autorité.

M. le ministre des finances fait une distinction suivant les époques, suivant les situations financières. Mais j'avais répondu d'avance à cette objection ; c'est que, dans les situations financières assez critiques on a, dans d'autres pays, obtenu jusqu'à cinq fois la somme de l'emprunt. Par conséquent la question est jugée ; elle est jugée par l'expérience. Quant à l'emprunt en lui-même, j'ai eu l'honneur de le dire déjà, il s'est fait à des conditions que je considère comme excessivement favorables aux banquiers. Ces conditions sont telles, que la première année on a obtenu 4 fr. 50 pour 40 fr. versés et de ces 40 fr. il n'y en avait même que 20 de versés au 1er février, c'est-à-dire à peine 9 mois avant le payement de l'intérêt.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Oui, mais on devait verser au pair des fonds qu'on pouvait acheter à 98.

M. Guillery. - Je sais qu’il y a des payements subséquents ; mais on a bien certainement encaissé au 1er novembre une somme supérieure à l'intérêt annuel et quand tous mes payements seront effectués après trois ans (je demande la permission de mettre les calculs au Moniteur, la somme de l'intérêt aura, en réalité, réduit le taux de la souscription à 93 francs et quelques centimes, Par conséquent, je suis autorisé à dire que l'emprunt s'est fait à des conditions extrêmement avantageuses pour les prêteurs.

Pourquoi, dit M. le ministre des finances, les fonds publics n'ont-ils baissé davantage ? J'avoue que je suis peu au courant de ce qui se passe à la Bourse, mais il me semble que, sans être un financier ou un boursier de profession, on peut fort bien expliquer ce fait. L'émission d'un emprunt fait toujours baisser les fonds publics ; c'est ainsi que la baisse a oscillé qul'que temps entre un quart et trois quarts pour cent. Il y a des personnes qui ont vendu du 4 1/2 pour acheter du nouvel emprunt ; mais toutes n'ont pas agi de la sorte. Pourquoi ? Parce qu'il y avait énormément de fonds disponibles dans le pays, parce que toutes les personnes qui ont des fonds ne sont pas disposées à prendre part à un emprunt, parce que ces opérations exigent des soins, des démarches qu'elles préfèrent ne pas s'imposer ; c'est ainsi qu'il n'y a ordinairement qu'un nombre très restreint de détenteurs qui se livrent à des spéculations sur les fonds belges.

Je termine ici mes observations, Je regrette d'avoir été aussi long, mais je n'ai pas cru pouvoir m'abstenir d'exprimer mon opinion sur l'opération financière dont il s'agit et qui pose un fâcheux précédent.

- L'article 18 est mis aux voix et adopté.

Articles 19 à 23

« Art. 19. Frais de surveillance à exercer sur les compagnies au point de vue de cette garantie, en exécution des conventions : fr. 5,500. »

(page 60) « Art. 20. Rente annuelle constituant le prix de cession du chemin de fer de Mons à Manage (loi du 8 juillet 1858) : fr. 672,060. »

- Adopté.


« Art. 21. Intérêts à payer aux anciens concessionnaires de la Sambre canalisée, sur une somme de 10,317 fr. 31 c. Charges extraordinaires et temporaires : fr. 515 87. »

- Adopté.


« Art. 22. Redevance annuelle à payer au gouvernement des Pays-Bas, en vertu des articles 20 et 23 du traité du 5 novembre 1842, pour l'entretien du canal de Terneuzen et de ses dépendances : fr. 105,820 10.

« - Adopté.


« Art. 23. Rachat des droits de fanal mentionnés au paragraphe 2 de l'article 18 du traité du 5 novembre 1842 : fr. 21,164 02. »

- Adopté.

Chapitre II. Rémunérations

Article 24

« Art. 24. Pensions ecclésiastiques ci-devant tiercées. Charges extraordinaires : fr. 15,000.

« Pensions civiles et autres accordées avant 1830. Charges extraordinaires : fr.42,000

« Pensions civiques. Charges extraordinaires : fr. 85,000.

« Pensions des veuves et orphelins de l'ancienne caisse de retraite. Charges extraordinaires : fr.430,000

« Pensions militaires : fr. 3,432,000

« Pensions de l'Ordre de Léopold : fr. 30,000.

« Marine. Pensions militaires. : fr. 9,000.

« Pensions civiles. Affaires étrangères. Marine : fr. 17,000.

« Pensions civiles. Affaires étrangères. Affaires étrangères : fr. 65,000.

« Pensions civiles. Justice. Ecclésiastiques : fr. 140,000.

« Pensions civiles. Justice. Civiles : fr. 140,000.

« Pensions civiles. Intérieur : fr. 200,000.

« Pensions civiles. Travaux publics : fr. 226,000.

« Pensions civiles. Guerre : fr. 34,000.

« Pensions civiles. Finances : fr. 1,510,000.

« Pensions civiles. Cour des comptes : fr. 13,000.

« Pensions de militaires, décorés sous le gouvernement des Pays-Bas. Charges extraordinaires : fr. 7,000.

« Secours sur le fonds dit de Waterloo. Charges extraordinaires : fr. 7,000.

« Arriérés de pensions de toute nature : fr. 5,000.

« Ensemble :

« Charges ordinaires : fr. 5,821,000.

« Charges extraordinaires : fr. 586,000. »

- Adopté.

Article 25

« Art. 25. Traitements d'attente (wachtgelden). Charges extraordinaires : fr. 14,928 24.

« Traitements ou pensions supplémentaires (toelagen). Charges extraordinaires : fr. 4,338 62.

« Secours annuels (jaerlyksche onderstanden) : fr. 825 40.

« Ensemble : fr. 20,092 26. »

- Adopté.

Chapitre III. Fonds de dépôt

Articles 26 et 27

« Article 26. Intérêts, à 4 p. c, des cautionnements versés en numéraire dans les caisses du trésor, par les comptables de l'Etat, les receveurs communaux et les receveurs de bureaux de bienfaisance, pour sûreté de leur gestion, et par des contribuables, négociants ou commissionnaires, en garantie du payement de droits de douanes, d'accises, etc. : fr. 475,000.

« Intérêts arriérés du même chef, se rapportant à des exercices clos : fr. 3,000. »

- Adopté.


« Art. 27. Intérêts des. consignations (loi du 26 nivôse an XIII), ainsi que des cautionnements assimilés aux consignations par l’article 7 de la loi du 15 novembre 1847 : fr. 150,000.

« (Les crédits portés au présent chapitre ne sont point limitatifs.) »

- Adopté.

Vote de l’article unique et vote sur l’ensemble

(page 61) M. le président. - Je vais mettre aux voix, par appel nominal, l'article unique du budget, qui est ainsi conçu ;

« Le budget de la dette publique est fixé, pour l'exercice 1861, à la somme de 40,616,724 fr. 47 c., conformément aa tableau ci-annexé. »

- Il est procédé à l'appel nominal.

Le projet de budget est adopté à l'unanimité des 68 membres qui ont répondu à l'appel. Il sera transmis au Sénat.

Ont répondu à l'appel nominal : MM. Rodenbach, Rogier, Royer de Behr, Saeyman, Taek, Tesch, Thienpont, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Leempoel de Nieuwmunster, Van Overloop, Van Renynghe, Van Volxem, Verwilghen, Vilain XIIII, Allard, Ansiau, Coomans, Dautrebande, de Baillet-Latour, de Boe, de Bronckart, de Brouckere, Dechentinnes, de Florisone, De Fré, de Gottal, de Haerne, de Mérode-Westerloo, de Moor, de Naeyer, de Paul, de Portemont, de Renesse, de Rongé, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Smedt, de Terbecq, de Theux, Devaux, d'Hoffschmidt, H, Dumortier, Frère-Orban, Grandgagnage, Grosfils, Guillery, Hymans, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Landeloos, Lange, Laubry, le Bailly de Tilleghem, C. Lebeau, Magherman, Manilius, Mercier, Moreau, Mouton, Muller, Nothomb, Orban et Vervoort. »

Prise en considération de demandes en naturalisation

Il est procédé à l'appel nominal. En voici le résultat :

Nombre de votants, 65

Majorité absolue, 33

Le sieur d'Arripe, Louis-Théodore, propriétaire, né à Amsterdam (Pays-Bas), le 5 novembre 1822, domicilié à Biourge (Luxembourg), a obtenu 56 suffrages.

Le sieur d'Arripe, Edouard-Dominique-Joseph, propriétaire, né à Amsterdam (Pays-Bas), le 15 juin 1826, domicilié à Biourge (Luxembourg), 56.

Le sieur Barridez, Jean-Baptiste, caporal au 3ème régiment de ligne, né à Bruxelles, le 1er mai 1806, 54.

Le sieur Bennert, Joseph, négociant et armateur, né à Materborn (Prusse), le 17 janvier 1817, domicilié à Anvers, 55.

Le sieur Herben, Jacques, négociant en tabac, né à Maestricht, le 25 mars 1805, domicilié à Liège, 54.

Le sieur Braun, Pierre, cultivateur, né à Dippach (grand-duché de Luxembourg), le 30 juin 1810, domicilié à Habergy (Luxembourg), 54.

Le sieur Steinsiepen, Jean-Joseph, armurier, né à Werden (Prusse), le 26 février 1809, domicilié à Louvain, 55.

Le sieur Delame, François-Théodore, négociant, né à Borain (France), le 4 septembre 1819, domicilié à Liège, 55 —

Le sieur Quiriny,Jeaa-Baptîste-Napoléon, fabricant de gants, né à Luxembourg, le 2 février 1821, domicilié à Bruxelles, 55.

Le sieur Molitor, Jean-François-Adolphe, adjudant-sous-officier au 4ème régiment d'artillerie, né à Luxembourg, le 26 mai 1828, 54.

Tous les demandeurs ayant réuni la majorité des suffrages, leurs demandes sont prises en considération.

Elles seront transmises au Sénat.

Rapport sur une demande d’exemption du droit d’enregistrement en matière de naturalisation

M. le président. - Nous avons à statuer sur un rapport de la commission des naturalisations relatif à la demande du sieur Kliemann d'être exempté du droit d'enregistrement auquel est assujettie la naturalisation qui lui a été accordée.

Ce rapport est ainsi conçu :

« Par deux pétitions successives datées de Mons, fin avril et 18 juin 1860, le sieur Kliemann, sergent-major au 3ème régiment de ligne, prie la Chambre de l'exempter du droit d'enregistrement auquel est assujettie la naturalisation qui lui a été conférée par décision législative, en date du 10 mars dernier, ou tout au moins de prolonger de six mois le délai fixé pour le payement de ce droit.

Le pétitionnaire n'invoquant à l'appui de sa demande que la pénurie de ses ressources financières, votre commission des naturalisations est d'avis qu'il n'y a pas lieu de dispenser le sieur Kliemann des obligations que lui impose la loi du 15 février 1844 (Bulletin officiel, n°23) et a l'honneur de vous proposer de passer à l’ordre du jour. »

- Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées.


M. le président. - M. le ministre de l'intérieur nous adresse une demande d'augmentation du crédit de l'article 68 de son budget. Cette pièce sera imprimée et distribuée.

- La séance est levée à trois heures.