(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1859-1860)
(page 1592) (Présidence de M. Dolez, premier vice-président.)
M. de Florisone, secrétaire, procède à l'appel nominal à deux heures et un quart.
M. de Boe, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.
- La rédaction en est approuvée.
M. de Florisone, secrétaire, présente l'analyse des pétitions adressées à la Chambre.
« Les curés du canton la Roche demandent une augmentation de traitement. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les régisseurs des wateringues de Blankenberghe et Eyenshuys-Grootreigartvliet prient la Chambre de voter dans la présente session les fonds nécessaires à la reconstruction de l'écluse de décharge à Blankenberghe. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le budget des travaux publics.
« M. d'Hoffschmidt, retenu chez lui par une indisposition, demande un congé. »
- Ce congé est accordé.
M. Desmaisières. - Je demande que la commission des pétitions soit invitée à faire un prompt rapport sur la pétition qui nous a été envoyée, il y a deux jours, par les secrétaires communaux du district d'Eecloo.
- Cette proposition est adoptée.
•DITS DB M DISCUSSION SUR LES ARTICLES DE LA LOI PORTANT SUPPRESSION DBS OCTROIS.
M. le président. - La discussion continue sur l'article 2 et sur les amendements de MM. Coomans, de Naeyer et Tack.
M. de Naeyer. - Messieurs, l'article 2 est plus important qu'il ne le paraît au premier abord. Cet article a pour objet la formation d'une caisse qui doit fournir aux communes la plus grande partie de leurs voies et moyens nécessaires pour faire face aux dépenses communales, et qui cependant sera alimentée exclusivement du produit d'impôts votés par la législature, sans l'intervention des conseils communaux.
C'est là une grande innovation, et je crois qu'il serait très difficile de rencontrer quelque chose d'analogue dans notre législation.
Quelques membres ont prétendu même que la révision de ce fonds commun était contraire à la Constitution. Je crois que c'est une erreur, une erreur évidente. Il est vrai que l'article 110 de la Constitution dit qu'aucune charge, qu'aucune imposition communale ne peut être établie que du consentement du conseil communal. Mais le même article ajoute immédiatement : « La loi détermine les exceptions dont l'expérience démontrera la nécessité, relativement aux impositions provinciales et communales. » Il est donc clair comme le jour, me paraît-il, que le pouvoir législatif a le droit de voter des impôts communaux. Mais il faut pour cela deux conditions : il faut d'abord qu'il y ait nécessité de le faire ; il faut ensuite qu'on ne le fasse que d'une manière exceptionnelle. Ces deux conditions sont écrites clairement dans l'article dont je viens de donner lecture.
Quant à la nécessité, elle est ici évidente, dans le cas actuel, car les octrois étant abolis, les communes se trouvent dans l'impossibilité la plus absolue d'établir aucun impôt local de consommation. Cela est de toute impossibilité, parce que les octrois seuls leur permettaient de constater la consommation locale.
La première condition existe ; quant à la seconde, pour que cela se fasse exceptionnellement, il faut nécessairement que le fonds communal ne prenne pas des proportions démesurées, et il faut qu'on le dégage absolument des ressources générales de l'Etat, sans quoi l'exception deviendrait la règle et l'autonomie communale serait détruite dans un de ses éléments constitutifs. Mon amendement a pour but de remplir cette seconde condition prescrite par la Constitution, c'est-à dire, de rendre au fonds communal son véritable caractère en le composant exclusivement d'impôts communaux, quoique votés par la législature d'une manière générale, et puis en le dégageant complètement des ressources générales de l'Etat.
En effet, messieurs, dans le chapitre II nous avons voté des centimes additionnels au profit des communes. Voilà réellement la nature du vote que nous avons émis.
Nous avons voté des centimes additionnels au profit des communes sur 4 droits d'accises : sur le sucre, sur les vins et eaux-de-vie venant de l'étranger, sur les eaux-de-vie indigènes et sur les bières. Eh bien, ces centimes additionnels, voici quelle en est l'importance. Pour les sucres nous avons voté une augmentation de 700,000 fr. relativement à un produit de 4,500,000 fr. Cela se résume en 16 centimes additionnels à l'ancien droit, et calculé en quote-part sur le nouveau produit, cela fait 13 p. c. en négligeant même une fraction au profit de l'Etat.
Pour les vins et eaux-de-vie venant de l'étranger nous avons voté une augmentation de 800,000 fr. sur un produit qui était de 3,022,210 fr.
Cela forme 28 1/2 centimes additionnels, et calculé sur le produit nouveau cela fait 22 p. c.
Il en est de même des centimes additionnels votés sur le genièvre. Nous avons voté 63 centimes additionnels, qui font sur le produit nouveau 38 p. c. De même pour les bières, nous avons voté 94 centimes additionnels et, calculé sur le produit nouveau, cela fait 48 p. c.
Voilà, messieurs, tout le sens de mon amendement. Il signifie que le fonds communal se composera exclusivement des centimes additionnels que nous avons votés en vue de procurer des ressources aux communes. C'est excessivement simple.
Je demande que les ressources actuelles du trésor n'entrent pas dans le fonds communal ; pourquoi ? Parce que ces ressources proviennent évidemment d'impôts votés dans un autre but, dans le but de faire face aux dépenses générales de l’Etat. Ces impôts, messieurs, votés dans un autre but, ne pourraient être abandonnés aux communes sans porter une véritable perturbation dans notre système financier.
D'après l'article tel qu'il est proposé par le gouvernement, voici ce qui aurait lieu.
Le fonds communal prendra 34 p. c, du produit de l'accise sur les sucres, qui s'élèvera au minimum à 5,200,000 francs. Eh bien. ces 54 p. c. donneraient une somme de 1,768,200 francs.
Sur les vins et eaux-de-vie venant de l’étranger le produit sera de 3,882,000 francs ; en abandonnant aux communes 34 p. c., vous obtenez une somme de 1,319,951 francs.
Ensemble donc sur les sucres, sur les vins et eaux-de-vie étrangères ; on abandonnerait une somme de 3,087,951 fr., tandis qu'en réalité les centimes additionnels votés par la Chambre ne donnent que 1,560,000 fr.
Par conséquent \i gouvernement ferait au fonds communal un cadeau de 1,527,951 fr.
Vous me direz : « tant mieux ; le fonds communal en sera d'autant plus riche. » Mais vous allez, voir qu'en donnant un million et demi d'une main, le gouvernement entend reprendre à peu près 2 millions et demi de l'autre, et un pareil procédé n'est guère propre à enrichir le fonds communal.
En effet, examinons ce qui se fait pour les eaux-de-vie indigènes et les bières. . -
En prenant la moyenne de la fabrication des trois dernières années, nous arrivons à ce résultat pour les genièvres : c'est que l'impôt a frappé sur 4,474,000 hectolitres de cuve-matière ou plutôt de vaisseaux imposables.
J'admets que du chef de l'augmentation de l’impôt, il y a lieu d'opérer une réduction de 10 p. c. ; reste donc comme quantité imposable 3,997,000 hectolitres, laquelle, à raison de 2 fr.4 5, montant du nouveau droit, donnerait un produit de 9,865,170 fr.
(page 1593) Eh bien, si je perçois sur cette somme la totalité des centimes additionnels qui se résument en 38 p. c. du nouveau produit, j'aurai 3,748,764 fr. Si je ne prends que 34 p.c. d'après la proposition du gouvernement, j'aurai 3,554,157 fr., donc une différence, au préjudice du fonds communal, de 400,000 fr. environ du chef des eaux-de-vie.
Voyons maintenant pour les bières.
Pour les bières, la moyenne de la fabrication des trois dernières années est de 3,685,437 hectolitres de cuve-matière. Je déduis encore une fois 10 p. c. à raison d'une diminution plus ou moins probable dans la consommation, par suite de l'augmentation du droit, et il me reste 3,316,838 hectolitres de cuve-matière qui me donneront, à raison de 4 fr. par hectolitre, un produit de 13,177,573 fr.
Mais les centimes additionnels sur la bière que nous avons votés équivalent à 48 p. c. du nouveau produit ; par conséquent, en calculant d'après ce prorata, les bières donneraient au fonds communal 6,325,255 francs, et le gouvernement ne prenant que 34 p. c, ne donne en réalité au fonds communal, du chef des bières, que 4,480,374 fr.
Dès lors il y a, du chef des eaux-de-vie et des bières, un déficit de 2,239,000 fr. au préjudice du fonds communal.
Si vous déduisez ce que le gouvernement a donné en trop, du chef du sucre, des vins et des eaux-de-vie étrangères, il reste encore à peu près une perte de 750,000 francs pour le fonds communal.
Mais il y a ceci à remarquer : c'est que cette perte, dans la suite, sera beaucoup plus considérable. Vous allez comprendre pourquoi.
Elle est calculée sur une dépression dans la fabrication des bières et genièvres ; mais cette dépression ne sera que momentanée. Il est beaucoup plus probable que le fonds communal s'accroîtra, du chef des bières et genièvres que du chef des sucres et vins. Car d'abord pour le sucre, c'est une espèce d'impôt de contingent qui ne paraît guère susceptible d'accroissement. Puis pour les vins, c'est un objet de luxe, tandis que les bières et les eaux-de-vie indigènes étant un objet de consommation vulgaire doivent prendre beaucoup plus d'accroissement que la consommation d'un objet de luxe. De manière qu'il est très facile de prévoir l'époque où cette perte, qui n'est aujourd'hui que de 750,000 fr., s'élèvera à 1 1/2 million ; peut-être 2 millions ; il ne faudrait pour cela qu'une seule chose, c'est que la fabrication reprit définitivement les proportions qu'elle a atteintes aujourd'hui.
Vous voyez donc, messieurs, qu'il est de la plus haute importance, dans l'intérêt même du fonds communal, de le dégager absolument des ressources de l'Etat et d'empêcher cette confusion qui existe dans l'article 2. C'est là le véritable sens de mon amendement : je veux que l'on donne au fonds communal tout ce qui lui appartient légitimement en vertu des votes que nous avons déjà émis et je veux qu'il reste propriété communale, composé exclusivement d'impôts décrétés et crées dans le but de procurer des ressources aux communes.
Messieurs, on me dira probablement que, s'il y a perte de ce côté-là, elle est composée par l'abandon que fait le gouvernement du produit de la poste et des droits d'entrée sur le café.
D'abord, je demanderai pourquoi donner ainsi d'une main pour reprendre de l'autre ; et si le gouvernement croit pouvoir intervenir avec les ressources du trésor pour la formation du fonds communal, pourquoi ne détermine-t-il pas tout simplement la somme à laquelle il peut fixer cette part d'intervention ; pourquoi il ne se borne cas à donner aux communes un subside sur la caisse de l'Etat ; pourquoi abandonne-t-il tel produit plutôt que tel autre ; pourquoi n'abandonne-t-il pas d'abord l'intégrité du produit des nouveaux impôts en fixant ensuite le sacrifice qu'il veut faire sur les ressources du trésor ?
Remarquez, messieurs, que l'allocation des subsides serait plus logique, plus franche et plus conforme à la vérité ; car il y a une différence notable entre l'allocation de subsides et l'abandon d'une partie du revenu public : la collation de subside se déterminerait par des considérations particulières, en tenant compte, pour chaque cas, de l'intérêt général ; tandis que, en abandonnant telle ou telle branche de revenu, pli produit une véritable perturbation dans le système des impôts. Il est impossible, en effet, d'abandonner certains revenus sans rompre l'équilibre quant à la participation des différentes parties du pays aux dépenses générales. Ainsi, par exemple, en abandonnant des impôts payés principalement par les villes, vous dérangez nécessairement l'équilibre dont je parle, attendu que vous faite contribuer les campagnes pour une plus forte part dans les dépenses générales ; que si, au contraire, vous abandonnez des impôts payés en général par les campagnes, encore une fois vous dérangez cet équilibre, mais en faisant contribuer les villes pour une part plus considérable dans les dépenses générales.
Je dis donc que, s'il fallait l’intervention du gouvernement dans ce fonds, c'était sous la forme de subside qu'elle devait se produire et non pas sous forme d'abandon de telle ou telle branche de revenu.
Mais, messieurs, dans ma manière de voir, le fonds communal n'a pas besoin de subsides : le fonds communal, formé des centimes additionnels que nous avons votés, centimes portant sur ces quatre grands objets de consommation : la bière, le genièvre, le vin et le sucre, ce fonds communal peut suffire pleinement à sa destination, pourvu qu'on le répartisse d'une manière juste, équitable, pourvu qu'on le répartisse comme M. le ministre des financer a reconnu qu'il devait l'être, en disant que si le fonds communal était composé comme je viens de l'indiquer, c'est-à-dire tel qu'il devrait l'être conformément aux augmentations d'impôts que nous avons votées, il y aurait lieu d'adopter la proportion de 55 p. c pour les communes sans octroi et de 45 p. c. pour les communes à octroi. Et en effet, messieurs, voici en deux mots comment il est clairement prouvé que ce fond communal serait suffisant pour sa destination ; il s'élèverait à 11 millions et demi. Je pensé que ces calculs ne seront pas contestés ; du reste, j'ai des documents pour démontrer que ces évaluations sont au-dessous de la réalité.
Il reviendrait aux communes rurales six millions et quelque chose, et cinq millions trois cent mille francs environ aux communes à octroi, ou plutôt il n'y aurait plus, quant au partage. du fonds communal proprement dit, aucune différence entre les communes, il n'y aurait plus deux catégories de communes, et ainsi viendrait à disparaître un des vices les plus déplorables du projet de loi, partout dans les communes rurales comme dans les communes urbaines, le partage se ferait sur le pied de 82 3/4 centimes par tête d'habitant et 45 5/4 p. c. du montant des trois impôts adoptés pour bases ; or, voici le résultat de ce partage juste et équitable. Les cotisations personnelles disparaîtraient dans toutes les provinces, excepté dans la Flandre occidentale où elles seraient également réduites à des proportions relativement faibles, c’’est-à-dire, un quart ou un tiers de leur montant actuel.
Il y a plus, dans cinq provinces non seulement les cotisations seraient abolies, mais en outre les centimes additionnels aux contributions directes, seraient supprimés. Ces cinq provinces sont le Hainaut, la province de Liège, la province de Limbourg, celle de Luxembourg et celle de Namur où le fonds communal de 11 millions et demi, composé exclusivement des augmentations d'impôts que nous avons votées, et partagé comme il devrait l'être dans telle supposition, d'après l'aveu formel de M. le ministre des finances, suffirait pour supprimer, non seulement les cotisations personnelles, mais les centimes additionnels. Je suis donc en droit de dire que le fonds communal n'a pas besoin de subside.
Pourquoi veut-on lui accorder des subsides, en lui abandonnant une partie des ressources actuelles du trésor ? Mais la raison saute aux yeux de tout le monde ; c'est uniquement afin d'avoir un prétexte pour exercer ensuite un préciput d'une injustice révoltante en faveur des villes à octroi ou plutôt des grandes villes. Mais n'est-ce pas une opération oiseuse, je dirais même ridicule, de verser au fonds communal trois à quatre millions en apparence, et moins en réalité, pour prélever immédiatement plus de six millions ? Mais pourquoi ne pas remettre directement, aux villes à octroi, la somme qui représente l'intervention du gouvernement ? Est-il raisonnable de faire passer cette somme par le fonds communal afin d'avoir ainsi l'occasion d'entamer les ressources de ce fonds tout en annonçant qu'on veut le favoriser ?
Il serait plus franc et plus loyal, puisqu'il est nécessaire d'intervenir au moyen de subsides, de les donner directement aux communes qui en ont besoin. Ainsi la confusion de ressources que consacre l'article 2 manque de franchise, elle est contraire à la vérité des faits, et, sous ce rapport, elle fait naître nécessairement les interprétations les plus déplorables. C'est un des côtés les plus fâcheux du projet de loi.
Messieurs, je ferai quelques observations sur les diverses branches de revenu que le gouvernement veut absolument abandonner au fonds communal, savoir les postes et le café.
Quant au revenu des postes, il y a un inconvénient qui frappe tout le monde, c'est qu'il y aura là un obstacle soit à la réforme postale, soit aux améliorations de service dont il s'agit, c'est un inconvénient incontestable qui du reste a frappé tout le monde. Nous restons maîtres, dit-on, nous faisons ce que nous voulons ; cela n'est pas exact, nous le voyons chaque jour, il y a des circonstances qui exercent un très grand empire sur nos délibérations ; quand le produit des postes sera lié aux ressources des communes, nous serons gênés pour modifier la taxe, ou apporter des améliorations dans le service, alors surtout qu'on accorde aux communes une quote-part dans la recette brute.
Quant au café, il y a une chose qu'on n'a pas assez remarquée. On parle toujours de l'élasticité du fonds communal. On dit : Il va croître et embellir d'une manière ravissante. Il n'est que de 11 millions ou de 14 millions par suite des changements qu'on a introduits dans le projet ; mais il va s'élever comme un jeune arbuste et bientôt il aura atteint la taille de 20 millions. Mais s'il prend de l'accroissement, ce ne sera pas du chef du café. Si le café est un produit élastique, il est élastique dans le sens d'une dépression. Cela est écrit en toutes lettres dans l'exposé des motifs, à la page 24. Aussi en 1857 le droit d'entrée sur le café produisait 3 millions environ, En 1859, il n'est plus que de 2,367,000 fr.
Vous voyez qu'il n'y a pas à compter de ce chef sur un grand accroissement du fonds communal. Le gouvernement, en abandonnant ceci entièrement au fonds communal, paraît faire un grand cadeau. Mais il trouve une compensation énorme sur le genièvre et sur la bière. Ce sont là réellement les éléments élastiques du fonds communal, et je voudrais que toute l'augmentation dont ces deux articles ont été frappés restât acquise exclusivement au fonds communal, toujours dans l’intérêt du fonds communal. Et, en effet, s'il y a eu dépression dans le produit du café, il y a eu augmentation constante dans le produit de la bière et du genièvre.
(page 1594) L'honorable rapporteur de la section centrale nous a cité un tableau du Moniteur qui indique le résultat du dernier trimestre. Ce résultat prouve qu'il y a progression pour la bière et pour le genièvre ; mais il n'y a rien pour le café.
Je dis donc que ces observations tendent à confirmer ce que je disais tout à l'heure que, dans l'intérêt du fonds communal, il faut qu’il reste dégagé des ressources de l'Etat, qu'il vive de ses propres ressources, et il peut très bien de cette façon se développer, il peut prospérer, et acquérir tous les revenus nécessaires pour les besoins auxquels il est destiné à satisfaire.
Messieurs, le gouvernement nous a dit assez formellement qu'en faisant cet abandon de deux branches de revenus au fonds communal, il avait un but.
Ce but, c'était de justifier son mode de partage, proposé à l'article 3. On a reconnu que, sans adjoindre au fonds communal ces deux branches de revenu, le mode de répartition proposé n'est pas justifiable.
On a dit et répété à satiété que ce choix de deux branches de revenus était absolument arbitraire, que le gouvernement aurait tout aussi bien pu prendre deux autres branches de revenus, par exemple, une quotité quelconque de l'impôt sur le sel ou de l’impôt sur la propriété foncière des terres labourables.
Maintenant, je me demande comment il peut appartenir au gouvernement de changer les conditions de partagé par le choix tout à fait arbitraire de deux impôts. Cela n'est pas admissible.
Pour régler les conditions de partage, il faut évidemment s'attacher aux éléments essentiels, aux éléments réels du fonds communal. Il faut voir ce qui l'a fait naître, ce qui le fait subsister. D'ailleurs la raison que l'on donne n'est pas même fondée. Ainsi je défie l'honorable ministre de me prouver que, quant au café, la consommation est plus considérable dans les villes qu'à la campagne. J'admettrais qu'il y eût un excédant de consommation par tête ; mais prouver qu'il y a une consommation plus forte dans les communes à octroi qui se composent de 1.300,000 habitants que dans les campagnes qui comprennent 3,400,000 habitants, cela est impossible, et je dirai qu'alors que, comme je le démontrerai à l'occasion de l'article 3, la consommation est beaucoup plus considérable à la campagne que dans les villes pour les bières et les eaux-de-vie, je puis dire qu'il n'y a pas de raison plausible pour qu'il n'en soit pas de même quant au café.
Et puis, que font ces deux branches quant à la composition du fonds communal ? Cela ne fait presque rien, alors que vous en déduisez ce qui doit en être déduit, c'est-à-dire ce que vous avez repris d'une autre main sur le genièvre et sur la bière.
Quant à la poste, on en a beaucoup parlé et je crois qu'on a prouvé assez clairement que l'on ne peut soutenir que cette charge est supportée par les villes.
Mais il y a une autre observation à faire : c'est que le produit de la poste n »est pas un impôt ; c'est la rémunération d'un service rendu. Si les villes payent plus que les campagnes, c'est qu'elles reçoivent de la poste plus de services que les campagnes.
D'ailleurs, on ne peut ici porter en compte que le revenu net de la poste, et le revenu que l'on indique n'est pas encore réellement un revenu net. C'est le revenu net dans le sens de la loi de 1849 ; mais on néglige de porter en compte une foule de frais, une foule de dépenses faites par l'Etat et qui devraient figurer dans un compte régulier. Ou calcule que le revenu est d'un million et demi sur la base adoptée implicitement par la loi de 1849 ; mais, je le répète, ce n'est pas un revenu net proprement dit, et l'honorable M. Vandenpeereboom, le grand promoteur de la réforme postale, a toujours repoussé les prétentions de 1 administration chaque fois qu'elle voulait établir un revenu net en portant en dépense les frais faits par l'Etat pour locomotion, etc.
On a dit : Ce n'est pas ainsi qu'il faut entendre le revenu net ; il faut l'entendre comme l'a entendu le législateur de 1849. C'est donc un revenu net d'une nature toute spéciale que vous ne pouvez porter en ligne de compte pour soutenir qu'il y aurait là un bénéfice acquis au fonds communal et fourni exclusivement par les villes.
Sous ce rapport, d'ailleurs, il s'élève une question extrêmement grave et sur laquelle je me permets d'attirer toute votre attention.
Pour abandonner au fonds communal des ressources qui prétendument, et non en réalité, proviendront des villes, que vous dit-on ? C'est qu'il s'agirait de reconstituer ici implicitement, incidemment le système financier de 1822, dont faisaient partie la mouture et l'abattage. Et pourquoi veut-on reconstituer ce système ? Parce qu'on soutient formellement que dans le système financier qu'existe aujourd’hui, les villes sont surtaxées. Eh bien, je vous le demande, pouvons-nous trancher cette question ? Avons-nous les éléments nécessaires pour nous décider à cet égard ? Est-ce sérieusement qu'on nous demande de décider ici implicitement que les villes sont surtaxées ? Il ne nous a été donné, pour la solution de cette question, aucun renseignement positif.
L'honorable ministre a cité quelques chiffres dans un de ses premiers discours ; mais ces chiffres ne disent rien, parce qu'il faudrait qu'ils fussent décomposés et qu'ils fussent appuyés de pièces.
Il est donc impossible d'arriver à une solution de cette nature, et je ne vois dès lors aucun motif raisonnable, aucun motif fondé pour vouloir constituer ce fonds communal tel que le propose le gouvernement, c'est à-dire composé en partie seulement des centimes additionnels que nous avons votés, alors qu'une autre partie resterait dans les caisses de l'Etat qui y verserait de son côté le produit de certains impôts généraux afin d'avoir un prétexte pour établir un mode de partage absolument injuste.
Messieurs, je crois avoir suffisamment justifié l’amendement que j'ai l'honneur de vous proposer et qui n'a d'autre objet, je le répète, que de décider que le fonds communal se composera de centimes additionnels aux impositions directes que nous avons votés uniquement et exclusivement dans le but de procurer des ressources aux communes ; que le fonds communal se composera de l'intégrité de ces centimes additionnels, et que, quant aux subsides à fournir par l'Etat, ils seront accordés directement aux communes qui en auront besoin.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, la proposition de l'honorable M. de Naeyer, qui se présente à l'article 2, se lie cependant, comme il le reconnaît, à l’ensemble de son système ; si bien qu'il a été obligé de toucher à chacune des questions que soulève son plan. Ainsi, la question de la répartition qui doit se discuter à l'article 3, la question de la distribution transitoire qui ne peut venir qu'à l'article 14. J'avais prévu que cette difficulté naîtrait de l'ordre de discussion qui a été adopté, quoiqu'il parût le plus naturel à suivre.
Mais il n'est guère possible d'apprécier cette disposition isolement. Il faut voir les dispositions dans leur ensemble.
Je suis obligé de caractériser d'un mot la pensée qui dirige l'honorable M. de Naeyer et à laquelle je ne puis, à aucun prix, m'associer ; c'est un point fondamental. Le projet de loi est attaque par l’honorable membre dans son caractère essentiel ; il est attaqué, si je puis le dire, dans son principe, dans sa moralité.
Le principe essentiel du projet de loi, ou l'un de ces principes essentiels, c'est que les bases de répartition définitive et transitoire sont parfaitement justes.
Selon l'honoraire membre, il faut diviser ce fonds ; il faut le répartir d'après certaines bases qu'il indique ; et comme il en résultera du mode qu'il préconise un déficit dans les ressources des communes à octroi, le trésor de l'Etat allouera un subside i ces communes. Elles seront affichées au budget de l’Etat...
M. de Naeyer. - Elles y figureront avec honneur.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Elles seront affichées au budget de l'Etat comme prélevant sans droit, sans titre, simplement comme subside, comme faveur, la somme nécessaire pour pourvoir à leurs ressources.
Eh bien, dans ces conditions, je n'accepte en aucune façon et ne puis accepter la pensée et par conséquent l'amendement de l'honorable membre. Si j'avais eu cette même pensée, je n'aurais pas proposé le projet de loi ; je ne serais pas venu demander à cette Chambre un subside pour les villes, un subside pour les communes à octroi.
M. de Naeyer. - Il est dans votre projet de loi.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Pas du tout ; voilà où nous différons d’une manière radicale, d'une manière absolue. Voici ce que je viens dire à cette Chambre, les octrois constituent une charge pour la généralité des habitants.
La généralité des habitants y contribue aujourd'hui dans une mesure plus ou moins forte. Je vous propose un plan qui, en supprimant les octrois, laisse les charges peser sur la généralité des habitants, mais qui, en outre, pose le principe de l'affranchissement des campagnes de toute contribution ultérieure au profit des villes. Voilà ce qu'il y a de juste, d'honnête et de moral dans mon système.
Mais quant à venir dire que les octrois ne constituent pas une charge pour les campagnes ou que s'ils sont une charge pour les campagnes, il faut les faire disparaître immédiatement en accordant un subside aux villes, c'est là, messieurs, un système que je ne puis admettre ; je ne puis consentir à ce qu'on pose dans la loi le germe d'un antagonisme qui serait fatal.
Je ne veux pas que l'on puisse dire tous les ans, à chaque budget : nous prenons sur le trésor une aumône de 3 ou 4 millions pour les villes. Je ne veux pas, pour l'honneur de la loi, et, si je puis m’exprimer ainsi, pour l'honneur de l'idée que j'apporte à la Chambre, que l'on transforme en faveur ce qui est pleinement justifie au point de vue de la justice et de l'équité. L'idée mère de la loi ne peut être ainsi travesti.
On peut discuter sur l'étendue de la participation des campagnes ; on peut prétendre qu'elles ne contribuent pas à l'octroi dans une proportion aussi forte que celle dans laquelle elles contribuent au fonds communal ; mais l'idée fondamentale est inattaquable et doit rester inscrite au frontispice de la loi. Non, nous n’admettrons pas les villes au pilori.
Ainsi, messieurs, nous n'admettons pas l'amendement dans son principe. Examinons-le maintenant quant aux éléments dont on veut constituer le fonds communal.
L'honorable membre a répété qu'il veut une séparation complète entre le fonds communal et les ressources de l'Etat ; c'est une idée à laquelle il paraît attacher une grande importance ; mais, malgré ma bonne volonté, je déclare qu'il m'a été impossible de la comprendre.
Quelle différence y a-t-il entre les additionnels, pour me servir de l'expression de l'honorable membre, prélevés spécialement sur les bières, (page 1595) sur les sucres, sur les vins, et un tantième pour cent prélevé sur l'ensemble de ces mêmes impôts ?
En quoi, dans un cas, y a-t-il séparation, et en quoi, dans l'autre cas, y a-t-il confusion ? Si je prends 34 p. c. sur l'ensemble des accises, pour former le fonds communal, ou bien si je prélève comme l'honorable membre 48 p. c. sur les bières, 22 p. c. sur les vins et eaux-de-vie étrangères, 35 p. c. sur les genièvres et 15 p. c. sur les sucres, où sera la différence au point de vue de la séparation ?
Il n'y en a pas, il est impossible d'en apercevoir.
Ainsi, sous ce rapport, je ne crois pas que l'honorable membre atteigne son but, et je ne trouverais là qu'une complication parfaitement inutile.
M. de Naeyer. - Il n'y a pas de complication.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Pardon, il y a de la complication en ce qu'il faut calculer le tantième sur chaque article en particulier.
Mais, messieurs, il y a une raison péremptoire contre le projet de l'honorable membre : c'est que l'honorable membre affaiblit ainsi le fonds communal, qu'il lui enlève de sa solidité.
Le prélèvement de 34 p. c. sur l'ensemble des accises fait que la diminution sur un article est compensée par l'augmentation sur un autre article ; tandis que le système de l'honorable membre expose le fonds communal à des dépressions subites et considérables.
Ainsi les accises sur les eaux-de-vie et sur la bière subissent, en cas de crise alimentaire, une forte dépression.
On a vu le produit des bières éprouver tout à coup une diminution d'un million et demi.
Eh bien, avec le système de l'honorable membre, le fonds communal sera affecté dans une proportion notable. Avec le système du gouvernement, au contraire, le fonds communal, qui comprend d'ailleurs des éléments beaucoup plus stables, par exemple le produit des postes, les sucres qui donnent un revenu fixe, puisque la loi assure ici un minimum, le fonds communal formé par un tantième unique pris sur la somme des produits, ne peut pas être affecté au même degré par les crises.
Il est donc infiniment préférable de prélever un tantième sur l'ensemble, que de prélever un tantième sur chacun des éléments qui constituent le fonds communal.
J'ai un mot à dire sur les évaluations de l'honorable membre.
L'honorable membre n'admet plus le mode d'évaluation qu'il a d'abord défendu ; il n'admet plus ses calculs primitifs.
M. de Naeyer. - J'ai calculé sur trois exercices parce que vous avez attaqué les autres. J’entre dans vos idées.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Non, vous n'entrez pas dans mes idées, vous abandonnez celles que vous aviez, pour en prendre d'autres qui ne sont pas encore les miennes.
D'après vos calculs primitifs, vous auriez 13,386,173 francs.
Vous abandonnez ces calculs et vous en faites sur un thème intermédiaire qui vous porte à compter sur une somme de 11,500,000 fr. Eh bien, d'après les bases d'évaluations du gouvernement nous ne pouvons compter que sur 10,500,000 fr. L'honorable membre augmente donc le produit de un million par ses évaluations pour paraître accroître d'autant la part des campagnes. Je ne spas que les calculs actuels puissent être admis plus que les précédents.
M. de Naeyer. - Ils sont cependant incontestables ; si vous voulez voir les éléments vous ne les contesterez plus.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'administration, qui a une longue expérience, fait l'évaluation des produits probables en tenant compte de tous ces mille faits que la pratique seule fait connaître. L'administration estime que vous ne pouvez pas espérer d'obtenir le produit que vous indiquez. D'ailleurs, si vos calculs sont exacts, le fonds communal du projet de loi se trouvera augmenté d'un million au profit des communes rurales.
Par ces différentes considérations, messieurs, je ne saurais me rallier à la proposition de l'honorable membre.
M. Tack. - Messieurs, j'ai également présenté un amendement à l'article 2. J'ai proposé de porter la part des communes, de 34 à 40 p. c.
Cet amendement correspond à celui de l'honorable M. de Naeyer. J'avais cru, comme l'honorable M. de Naeyer, que les communes ne recevaient pas la part qui leur revenait légitimement ; j'avais pensé, comme lui, que l'augmentation ne serait pas de 10,500,000 francs, comme le portent les calculs de l'administration ; mais qu’elles s'élèveraient à 11,500,000 francs. C'était dans cette vue que j'avais proposé de hier le chiffre à 40 p. c.
Maintenant je ne tombe pas dans les mêmes inconvénients que l'honorable M. de Naeyer, et que M. le ministre des finances vient de rencontrer. S'il y a dépression, la dépression ne sera pas générale ou du moins si elle frappe un des produits, elle ne frappera pas l’autre. J'embrasse l'ensemble des produits nouveaux.
Je tiens aussi, comme l'honorable M. de Naeyer, à ce que toutes les augmentations, acquises au fonds communal, profitent à ce fonds, et ne profitent pas au trésor public.
Au point de vue du résultat, mon amendement est le même que celui de l'honorable M. de Naeyer ; il en diffère seulement au point de vue des principes. A ce dernier égard, je suis d'accord avec M. le ministre des finances.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Vous demandes dont 6 p. c. de plus ?
M. Tack. - Oui.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Ce qui serait un nouveau sacrifice de 1,800,000 fr. imposé au trésor public.
Messieurs, j'ai tu l'honneur de dire à la Chambre qu'en acquiesçant aux amendements qui avaient été proposés par la section centrale, j'étais arrivé aux dernières limites des concessions possibles, en fait de prélèvement sur le trésor public ; j'ai dit à la Chambre : J'aime mieux que la loi succombe que de compromettre la situation financière du pays.
L'honorable membre demande au trésor public un nouveau sacrifice de 1,800,000 fr. (Interruption). Vous vous trompez ; ce n'est pas l'augmentation résultant des nouveaux impôts que vous prenez. Toute l'augmentation, telle qu'elle est évaluée, est déjà attribuée au fonds communal. Comment a-t-on procédé ? Ou a pris le produit des accises, tel qu'il figure actuellement au budget des voies et moyens ; on a augmenté ce produit, à raison de l'augmentation des impôts, et sur le produit total on a prélevé 34 p. c ; de telle sorte qu'il ne reste exactement au trésor ni plus ni moins que ce qu'il avait précédemment ; par conséquent, si au lieu de 34 p. c. vous mettez 40 p. c., vous prélevez 6 p. c. de plus exclusivement sur le trésor public.
Maintenant il se peut qu'il y ait une certaine augmentation, résultant de ce que les évaluations du gouvernement seraient un peu affaiblies. Eh bien, pour que le gouvernement obtienne 600,000 fr. de plus seulement, il faut que le produit des impôts, calculé, par exemple, pour les bières à 82 p. c. d'augmentation, s'élève jusqu'à 90 environ, et proportionnellement pour les autres articles, tandis que, pour peu que ces prévisions ne se réalisent pas, le trésor essuiera une perte.
L'expectative d'augmentation est donc insignifiante et se trouve compensée par les pertes éventuelles possibles.
M. de Naeyer. - Messieurs, mon intention n'est pas de prolonger cette discussion en rencontrant toutes les observations de détail que l'honorable ministre vient de développer et qu'il me serait très facile de réfuter ; mais je dois un mot de réponse à ce qu'a dit M. le ministre des finances de la question de justice et de moralité.
Je ne pense pas, quant à moi, qu'une question de justice et de moralité soit une question de forme. Je crois que c'est au fond que nous devons nous attacher, et en définitive tout le mérite du système de M. le ministre des finances consiste dans une forme qui lui paraît très ingénieuse et qui sauve les apparences ; voilà la haute moralité du projet de loi.
M. le ministre ne veut pas que le sacrifice très légitime, suivant moi, que fait le pays, pour être débarrassé des octrois ; il ne veut pas, dis-je, que ce sacrifice figure au budget ; il veut le masquer, tout en le rendant plus considérable, sous les apparences d'une certaine combinaison qu'il admire, de manière qu'on ne puisse pas l'apercevoir. C'est ainsi qu'il sauve la question d'honneur et de dignité.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il est juste de répartir le fonds communal comme je le fais.
M. de Naeyer. - C'est-à-dire que le préciput que vous voulez exercer sur le fonds commun est juste et légitime, en tant que vous en faites subir les conséquences aux communes rurales. Eh bien, je dis que c'est là une souveraine injustice ; je dis que c'est cette injustice qui fait naître l'antagonisme entre les villes et les campagnes, antagonisme que je déplore amèrement ; car je puis le déclarer hautement, je m'épuise en efforts pour le faire cesser cet antagonisme, c'est vous, M. le ministre des finances, qui avec votre système manquant à la fois de justice et de franchise, le faites naître et grandir.
Comment ! en faisant supporter ce sacrifice aux communes rurales, vous entendez sauver la question de justice et de moralité ! Mais pourquoi leur imposez- vous ce sacrifice ? Parce que vous prétendez qu'ils payent 3 millions dans l'octroi. On a nié cela, et je le nie aussi. Cette opinion n'est pas soutenable au point de vue des vrais principes économiques.
C'est une vérité élémentaire que le prix des choses a pour élément pivotant les frais de production et par conséquent que tout ce qui affecte les frais de production ou le prix de revient, tombe en définitive à la charge du consommateur ; et à cette grande loi économique, à cette vérité, devenue élémentaire, vous n'avez opposé que des futilités.
Vous avez comparé tel marché à tel autre marché, comme si les prix des choses ne variaient pas essentiellement d'après les circonstances de lieu et de temps, et comme s'il n'était pas impossible de comparer deux marchés qui ne diffèrent pas sous le rapport du lieu ou du temps et quelquefois sous ce double rapport. S'il vous convenait de reproduire encore de pareils paradoxes économiques, je déclare d'avance que je ne vous (page 1596) suivrai pas sur ce terrain. Le bon sens public doit suffire pour en faire justice. Cependant supposons, par impossible, que ces trois millions soient supputés par les campagnes. Mais vous-même vous dites que c'est là une révoltante iniquité, que voulez-vous donc faire ? Voulez-vous avoir une indemnité pour le rachat d'une iniquité ? L'indemnité suppose nécessairement le rachat d'un droit.
Savez-vous comment on appelle le rachat d'une iniquité ? Cela s'appelle rançon. Il ne devrait pas en être question dans notre Belgique honnête et morale.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable préopinant s'était d'abord montré conciliant ; il semblait disposé à concourir, autant qu'il le pouvait, à assurer le succès de la loi ; il paraît aujourd'hui chercher singulièrement à le renverser.
L’honorable membre revient sur les concessions qu'il avait faites.
M. de Naeyer. - Sur aucunes.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable membre avait reconnu la justice du principe de la loi ; il avait reconnu la justice et l'utilité de la constitution du fonds commun, la justice du partage, sauf la question des bases.
M. de Naeyer. - Encore aujourd'hui.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Non, aujourd'hui il n'en est plus ainsi. D'après ce que vient de dire l'honorable membre, la loi est inique (interruption), la loi est inique, vous venez de le dire.
M. de Naeyer. - Telle que vous l'avez faite.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Et l'iniquité cessera quand on aura substitué un prélèvement sur des articles à un prélèvement sur la masse ! et l’iniquité cessera quand on aura fait entrer la population comme élément de répartition dans les bases de la loi ! et l'iniquité cessera quand vous aurez laissé quelques millions d'impôts à la charge des villes ! voilà pourtant votre système !
A qui ferez-vous accroire que substituer un tantième partiel à un tantième total, c'est substituer une chose juste à une chose inique ? A qui ferez-vous accroire que l'introduction de la population comme base de répartition fait une chose juste d'une chose inique ?
Vous ne vous doutez pas que vous sacrifiez ceux que vous voulez servir ; vous ne vous doutez pas que le système du gouvernement donne aux Flandres, d'après les trois bases de contribution, d’une plus forte somme qu'elles n'auront en y ajoutant votre base prise de la population !
L'introduction de cette base diminue la somme. Vous ne vous en doutez pas ; et vous croyez réparer les iniquités du projet de loi que propose le gouvernement !
Quant aux déficits laissés à la charge des villes, troisième élément qui vous plait fort et grâce auquel la loi cesserait d'être inique, il faudrait prouver d'abord que les villes n'ont pas le droit de percevoir ce qu'elles perçoivent. Elles sont en possession des octrois.
M. Thibaut. - Ils sont injustes.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Et puis ? La question est de savoir s'ils seront maintenus ou supprimés.
Les villes sont en possession de ce mode de perception d'impôt ; elles en tirent un produit et je leur laisse les recettes, ce qu'elles ont aujourd'hui ; je ne leur donne rien, pas un centime de plus ; je laisse aux villes ce qu’elles ont, ce qui est évidemment un peu différent. Je me trompe ; je leur enlève quelque chose : la faculté de s'imposer désormais de cette façon ; je les exproprie de ce chef sans indemnité ; elles seront privées de la faculté de percevoir désormais de pareilles contributions ; de plus on arrête la progression de leurs recettes.
Leurs recettes, comment se les procurent-elles ? En les prélevant sur le tiers et le quart, pour me servir d'une expression vulgaire, dans des proportions que ni vous ni moi, ne saurions déterminer ; les éléments pour cela manquent complètement. Nos tarifs d'octroi sont à peu près tes mêmes dans nos grandes villes, cependant vous voyez une différence considérable dans les produits ; le même octroi représenté par tête une autre somme à Bruxelles, à Anvers et à Liège, parce qu'il y a des causes extérieures qui exercent une certaine influence sur le produit de cet impôt. Des villes qui percevaient leurs impôts sur le tiers et le quart, continueront à les prélever provisoirement sur le tiers et le quart, et vous pouvez prétendre, tout au plus, que sous ce rapport, il n'y a rien de changé. (Interruption.)
L'octroi subsiste et opère ses effets ; dans la pensée du gouvernement, supprimer les octrois et ne pas modifier les charges pour la généralité, c'est un résultat heureux, satisfaisant ; mais si vous ajoutez à cela que cette charge ira s'affaiblissant de jour en jour, c'est alors un avantage immense pour les campagnes. Elles contribuent pour une somme quelconque aujourd’hui, elles contribueront pour une somme équivalente demain.
Mais avec l'octroi maintenu, la charge ira toujours grandissant ; avec la loi et l’octroi supprimé, la charge ira s'affaiblissant, de jour en jour, voilà ce qui justifie le projet de loi. Je maintiens donc de la manière la plus absolue les propositions du gouvernement.
M. Julliot. - Je suis embarrassé pour l'émission de mon vote sur l’amendement de M. de Naeyer, et je ne suis pas seul. Il nous dit que dans son système la dotation pour les communes sans octroi sera plus considérable que dans le système du gouvernement. M. le ministre des finances a contesté ses chiffres ; il a dit que c'était le système du gouvernement qui était plus favorable aux communes sans octroi.
Je désirerais savoir à quoi m'en tenir ; ce serait fort utile pour beaucoup d'entre nous qui représentons plus spécialement les communes sans octroi.
M. le ministre des finances a dit que la première année les communes sans octroi auraient une somme de 4 millions, le désirerais savoir si c'est exact. C'est un point important qui pourrait nous décider à voter, je ne serais plus embarrassé pour mon vote.
Puisqu'il y a encore doute pour beaucoup de membres de la Chambre, on pourrait partir de la proposition de M. Tack, qui voudrait ajouter au fonds communal 1,800,000 francs pris au trésor public. A mon avis, c'est beaucoup trop ; mais si M. le ministre des finances pouvait accorder un million, ce serait un moyen de conciliation.
Je désirerais que M. le ministre nous donnât une réponse sur la question de savoir si, de son côté, il peut faire un pas.
On a objecté que ce serait une tache pour les villes à octroi que de savoir inscrites au budget de l'Etat, que ce serait un reproche permanent»
Mais, messieurs, on oublie donc que toutes les communes à octroi ou sans octroi sont déjà inscrites à ces budgets, et je réponds que si elles sont inscrites à cette occasion, elles ne rougiront pas plus les unes que les autres. Tâchons donc d'aboutir à quelque chose de juste et d'utile.
- Plusieurs voix. - La clôture ! la clôture !
M. de Haerne. - Je sous-amende la proposition de l'honorable M. Tack ; je demande 37 p. c. au lieu de 40 p. c.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Un mot !
M. de Haerne. - Je demande à développer en peu de mots mon amendement.
Je n'insisterai pas sur la qualification d'inique donnée au projet de loi. Je n'entre pas dans ces qualifications, mais je dois dire, après avoir suivi attentivement la discussion en section et dans cette enceinte, que je trouve une grande inégalité entre la part faite aux villes et la part faite aux campagnes : c’est contesté, je le sais, mais malgré tout ce qu'on a dit, ma conviction m'est restée. Ou peut dire qu'il y a dans tous les impôts une certaine inégalité, que la justice absolue est impossible à trouver en matière d'impôts, mais ici l'inégalité, à mes yeux, est grande, elle est choquante.
L'honorable M. de Naeyer a indiqué un remède, mais je ne suis pas assez éclairé pour voter sur sa proposition, à laquelle M. le ministre des finances vient de faire, d’ailleurs, des objections sérieuses.
Mais l'honorable M. Tack obvie à l'inégalité signalée par une autre voix, en respectant le principe de la proportion générale que l'honorable ministre a soutenu, en s'adressant à toutes les bases à la fois, de manière à éviter le déficit éventuel que l’honorable M. Frère a fait entrevoir.
Il est vrai que M. le ministre vient de dire qu'il ne peut faire plus de concessions qu'il n'en a fait. J'avais prévu cette objection, messieurs, et pour vous faire voir que je n'ai pas été systématique dans l'ensemble des votes qui ont été émis dans cette discussion, permettez-moi de vous rappeler que c'est précisément en prévision de l'objection à laquelle je m'attendais de la part de M. le ministre, que j'ai voté pour lest propositions tendantes à créer de nouvelles ressources ; que j'ai voté pour l'amendement de l'honorable M. Carlier dans la prévision d'une diminution de revenu qui eût été peut-être le résultat de la réduction d'impôt proposée sur la bière. J'ai voté hier, dans la même prévision1, en faveur de l'amendement de l'honorable M. Vandenpeereboom qui devait encore donner un demi-million en plus au fonds communal.
Je me suis mis, sous ce rapport, au-dessus des préventions, relativement à cet impôt de consommation, parce que, comme j'ai eu l'honneur de le dire, cette charge nouvelle aurait trouvé sa compensation dans le dégrèvement qui doit résulter pour la houille de la suppression des octrois.
Je sais que ces nouvelles ressources ne sont pas adoptées ; mais comme il est devenu impossible de laisser subsister les octrois, ces voies et moyens seraient repris ou remplacés forcément par d'autres. Le ministère, quel qu'il fût, ne pourrait se soustraire à cette nécessité. Maintenant je m'aperçois que l'amendement de mon honorable ami, M. Tack, va un peu trop loin, dans l'opinion de plusieurs membres de cette Chambre, qui veulent, comme nous, soulager les campagnes dans la position qui leur est faite par le projet de loi. C'est pour cela que j'ai l'honneur de proposer un moyen terme qui consiste dans le chiffre de 37 p. c, au lieu de celui de 40. Tel est l'objet de mon amendement, et à cet égard je suis d'accord avec l'honorable M. de Naeyer.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Un seul mot : c'est pour déclarer qu'il m'est impossible de consentir à une augmentation quelconque du fonds communal, qu'il m'est impossible d’aller au-delà des limites qui ont été indiquées par la section centrale.
J'ai fait tout ce que me permet de faire la situation du trésor. Aller au-delà serait manquer à mes devoirs.
Messieurs, les honorables membres qui insistent le plus vivement pour l’augmentation du fonds communal, sont, en règle générale, ceux qui ont refusé de voter les sommes nécessaires pour le constituer. Ainsi, nous avons eu beaucoup de peine à obtenir que le droit d'accise sur la bière fût porté à 4 fr. Il s'agissait là de 3,400,000 fr., et vous voyez les (page 1597) mêmes membres aujourd'hui insister pour que l'on augmente le fonds communal.
Eh bien ! dans cette situation, vous nous permettrez de garder la position que nous avons pise ; vous nous permettrez de rester avec le projet tel qu'il a été présenté à la Chambre. Nous ne pouvons aller au-delà.
M. Tack. - Je déclare me rallier au sous-amendement de l'honorable M. de Haerne et retirer mon amendement.
- La discussion est close.
M. le président. - Le premier amendement à mettre aux voix est celui de M. Coomans. Il est ainsi conçu :
« Art. 2. Tous les six mois, le gouvernement fera verser dans la caisse de chaque commune une somme égale au produit net du principal de la contribution personnelle et des patentes perçu sur son territoire. »
- Cet amendement est mis aux voix ; il n'est pas adopté.
M. le président. - Je mets aux voix l'amendement de M. de Naeyer. Il est ainsi conçu :
« Art. 2. Remplacer comme suit :
« Il est attribué aux communes une part dans le produit des droits d'accise par le chapitre II.
« Cette part sera de 13 p. c. du produit de l'accise sur les sucres, elle sera calculée sur les bases des autres impôts au prorata de l'augmentation de la quotité du droit.
« En ce qui concerne l'exécution de la présente disposition, la proportion de cette augmentation est fixée à :
« 1° 22 p.c. pour les vins et les eaux-de-vie provenant de l'étranger ;
« 2° 38 p. c. pour les eaux-de-vie indigènes ;
« ° 48 p. c. pour les bières. »
- L'appel nominal est demandé.
Il est procédé au vote, par appel nominal, sur l'amendement de M. de Naeyer.
108 membres sont présents.
29 votent pour l'amendement.
70 votent contre.
9 s'abstiennent.
En conséquence, l'amendement n'est pas adopté.
Ont voté l'adoption : MM. Rodenbach, Royer de Behr, Snoy, Thienpont, Van Dormael, Van Overloop, Verwilghen. Vilain XIIII, Wasseige, Beeckman, Dechamps, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Mérode-Westerloo, de Montpellier, de Naeyer, de Pitteurs-Hiegaerts, de Portemont, de Ruddere de Te Lokeren Desmaisières, de Smedt, de Theux, d'Ursel, Faignart, Janssens, Mercier, Moncheur, Notelteirs et Nothomb.
Ont voté le rejet : MM. Orban, Pirmez, A. Pirson, Prévinaire, Rogier, Sabatier, Saeyman, Savart, Tesch, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Van der Donckt, Vanderstichelen, Van Humbeek, Van Iseghem, Van Leempoel de Nieuwmunster, Van Renynghe, Van Volxem, Vervoort, Allard, Ansiau, Carlier, Crombez, Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Bast, de Boe, de Breyne, de Bronckart, H. de Brouckere, Dechentinnes, de Florisone, De Fré, de Gottal, de Lexhy, Deliége, de Moor, de Paul, de Renesse, Deridder, de Rongé, de Terbecq, Devaux, de Vrière, H. Dumortier, Frère-Orban, Frison, Goblet, Grandgagnage, Grosfils, Guillery, Hymans, Jacquemyns, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Julliot, Koeler, Lange, C. Lebeau, J. Lebeau, Lesoinne, Loos, Manilius, Moreau, Muller, Nélis et Dolez.
Se sont abstenus : MM. Tack, Thibaut, Vanden Branden de Reeth, Vermeire, de Decker, de Haerne, de Muelenaere, le Bailly de Tilleghem et Magherman.
Les membres qui se sont abstenus sont invités à faire connaître les motifs de leur abstention.
M. Tack. - Je n'ai pas voulu voter contre l'amendement de l'honorable M. de Naeyer, parce qu'en définitive il arrive à peu près au même résultat que le mien.
Je n'ai pas voulu voter pour l'amendement, parce que je désire éviter les complications qu'il entraînerait et écarter de cette manière une objection qui vous a été présentée par M. le ministre des finances.
M. Thibaut. - Entre les deux systèmes, celui du gouvernement et celui de l'honorable M. de Naeyer, je n'hésiterais pas à donner la préférence au dernier. C'est pour cela que je n'ai pas voté contre.
Je n'ai pas voté pour, à cause de ce que ce système a de commun avec le système du gouvernement. Je ne puis pas consentir à la formation d'un fonds communal au moyen d'impôts de consommation qui pèseraient sur tous les habitants du pays.
M. Vanden Branden de Reeth. - Je me suis abstenu parce que si d'une part la proposition de l'honorable M. de Naeyer fait aux commues sans octroi une position meilleure et plus équitable que celle du projet de loi présenté par le gouvernement, ce que j'ai prouvé complètement, d'autre part elle place les villes et communes à octroi dans une position trop défavorable pour que je puisse voter l'amendement.
M. Vermeire. - Je me suis abstenu pour les mêmes motifs que l’honorable M. Tack.
M. de Decker. - Au point de vue du principe de justice, il me semble que le système proposé par l'honorable M. de Naeyer est préférable au système du gouvernement. Mais, en pratique, avec la position faite aux villes par le projet, il me semble que le système de l'honorable M. de Naeyer ne serait pas appliqué sans danger pour la conservation de l'unité nationale.
M. de Haerne. - Je me suis abstenu par les motifs que j'ai énoncés tout à l'heure à l'appui de mon amendement.
M. de Muelenaere, M. le Bailly de Tilleghem et M. Magherman se sont abstenus pour les mêmes motifs que l'honorable M. de Decker.
M. le président. - L'amendement de MM. de Haerne et Henri Dumortier, auquel se rallie M. Tack, consiste à substituer à l'article 2 du projet le chiffre de 37 p. c. à celui de 34 p. c.
Je le mets aux voix.
- L'appel nominal est demandé.
Il est procédé au vote par appel nominal sur cet amendement.
110 membres prennent part au vote.
33 votent pour 1 amendement.
77 votent contre.
En conséquence, l'amendement n'est pas adopté.
Ont voté pour l'amendement : MM. Rodenbach, Royer de Behr, Tack, Thienpont, Vanden Branden de Reeth, A. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Iseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Vermeire, Verwilghen, Wasseige, de Baillet-Latour, de Florisone, de Haerne, de Montpellier, de Muelenaere, de Pitteurs-Hiegaerts, de Portemont, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Smedt, de Terbecq, de Theux, H. Dumortier, d’Ursel, Faignart, Julliot, le Bailly de Tilleghem, Magherman, Moncheur et Notelteirs.
Ont voté contre l'amendement : MM. Orban, Pirmez, A. Pirson, V. Pirson, Prévinaire, Rogier, Sabatier, Saeyman, Savart, Snoy, Tesch, Thibaut, E. Vandenpeereboom, Vanderstichelen, Van Dormael, Van Humbeek, Van Leempoel de Nieuwmunster, Van Volxem, Vervoort, Vilain XIIII, Allard, Ansiau, Beeckman, Carlier, Crombez, Dautrebande, David, de Bast, de Boe, de Breyne, de Bronckart, de Brouckere, Dechamps, Dechentinnes, de Decker, De Fré, de Gottal, de Lexhy, de Liedekerke, Deliége, de Man d'Attenrode, de Mérode-Westerloo, de Moor, de Naeyer, de Paul, de Renesse, de Ridder, de. Rongé, Devaux, de Fré, B. Dumortier, Frère-Orban Frison, Goblet, Grandgagnage, Grosfils, Guillery, Hymans Jacquemyns, Jamar, Janssens J. Jouret, M. Jouret, Koeler, Lange, Ch. Lebeau, J. Lebeau, Lesoinne, Loos, Manilius, Mercier, Moreau, Muller, Nelis, Neyt, Nothomb et Dolez.
M. le président. - Il nous reste à voter sur l'article 2 du projet de la section centrale, auquel s'est rallié le gouvernement.
Cet article est mis aux voix par appel nominal.
109 membres sont présents.
86 votent pour l’article.
22 votent contre.
1 (M. de Naeyer) s’abstient.
Ont voté l’adoption : MM. Orban, Pirmez, A. Pirson, V. Pirson, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Sabatier, Saeyman, Savart, Tack, Tesch, Thienpont, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vanderstichelen, Vau Humbeek, Van Iseghem, Van Leempoel de Nieuwmunster, Van Overloop, Van Renynghe, Van Volxem, Veimeire, Vervoort, Verwilghen, Vilain XIIII, Allard, Ansiau, Beeckman, Carlier, Crombez, Dautrebande David, de Baillet-Latour, de Bast, de Boe, de Breyne, de Bronckart, de Brouckere, Dechentinnes.
Ont voté le rejet : MM. Royer de Behr, Snoy, Thibaut, Vanden Branden de Reeth, Vander Donckt, Vau Dormael, Wasseige, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Mérode-Westerloo, de Pitteurs-Hiegaerts, de Portemont, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, B. Dumortier, H. Dumortier, Faignart, Janssens, Mercier, Moncheur, Notelteirs et Nothomb.
Le membre qui s'est abstenu est invité à faire connaître les motifs de son abstention.
M. de Naeyer. - Je n’ai pas voté contre l'article parce que j'admets en principe la formation d’un fonds commun composé de la plupart des éléments qui figurent dans l'article 2, mais je n'ai pu donner mon adhésion à l'article, parce que je n'admets pas ia confusion entre les (page 1597) ressources de l'Etat et les ressources du fonds communal qoe cette disposition consacre.
M. le président. - Nous passons à l'article 3 auquel M. Henri D.imortier a présenté un amendement.
M. H. Dumortier. - M. le président, après les différents votes qui ont été émis, je crois inutile de prolonger h discussion, je retire mon amendement.
M. le président. - L'article 3 est ainsi conçu :
« Art. 3. § 1er. Le revenu attribué aux communes par l'article 2 est réparti chaque année entre elles, d'après les rôles de l'année précédente, au prorata du principal de la contribution foncière sur les propriétés bâties, du principal de la contribution personnelle et du principal des cotisations de patentes, établies en vertu de la loi du 21 mai 1823 et des articles 1 et 2 de la loi du 22 janvier 1849 (Journal officiel, n° 34 et n°14, et Moniteur, n°24). Déduction faite, pour chacune des trois contributions, des côtes irrécouvrables imputées sur le fonds des non-valeurs du dernier exercice clos.
« § 2. Une somme égale au quart présumé de sa quote-part dans la répartition annuelie, est versée au commencement du deuxième, du troisième et du quatrième trimestre à la caisse de chaque commune, à titre d'à-compte.
« § 3. Le quart présumé est fixé d'après les prévisions du budget des voies et moyens, quant aux droits d'accise mentionnés à l'article 2, d'après le produit net actuel des recettes de toute nature du service des postes, et le produit moyen des trois années précédentes en ce qui concerne le droit d'entrée sur le café.
« § 4. Le solde du décompte de l'année est payé aux communes, après l’achèvement de la répartition définitive, dans les premiers mois de l'année suivante. »
M. de Naeyer a proposé l'amendement suivant :
« Art. 3, § 1er, modifié comme suit :
« Le revenu attribué aux communes par l'article 2 est réparti chaque année entre elles, savoir :
« A concurrence : 1° d'un tiers, suivant la population officielle de l'année précédente ; 2° de deux tiers, d'après les rôles de l'année précédente, au prorata du principal de la contribution foncière sur les propriétés bâties, du principal de la contribution personnelle et du principal des cotisations de patentes (le reste comme à l'article). »
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, il me semble que d'après les résolutions prises par la Chambre, l'amendement de l'honorable M. de Naeyer, ayant pour objet d'introduire comme une des bases de la répartition, la population, vient à tomber. Cet amendement se justifiait dans le système de l'honorable membre ; car, en composant le fonds communal de certains éléments consommés en plus grande quantité dans les campagnes que dans les villes, il se trouvait obligé à changer les proportions de la répartition.
Les bases du gouvernement sont 55 pour les villes et 45 pour les campagnes ; en introduisant la population au nombre des bases de répartition, l'honorable mnibre, mettant tout en concordance, a donné 55 aux campagnes et 45 aux villes. Avec les éléments dont se compose le fonds communal, il serait impossible de justifier la base de la population.
Il y a une deuxième raison qui ne me permet pas de l'admettre.
L'honorable membre n'a pas pris garde, en formulant son amendement, que l'accroissement de population que l'on constate dans notre pays existe dans quelques provinces seulement, tandis que la population est stationnaire ou décroît dans deux de ces provinces.
- Un membre. - Plus maintenant.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'augmentation n'est que dans quelques villes et pas du tout en proportion de ce qu'elle est dans les autres provinces.
Il en résulterait donc que la proposition de M. de Naeyer serait défavorable à ces deux provinces. (Interruption).
L'honorable membre n'a pas fait la répartition Je suppose une somme de trois millions, par exemple, répartie, d'une part, d'après les bases du projet de loi et, d'autre part, d'après les bases de l'honorable membre. C'est un moyen très simple de vérifier, de contrôler chaque système. Eh bien, la première répartition donnera aux deux Flandres une somme plus forte que la répartition faite d'après les bases de l'honorable M. de Naeyer.
- Un membre. - Il y a d'autres provinces dans le pays.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je crois, en effet, qu'il y a d'autres provinces que les deux Flandres ; mais il me semble que l'un des griefs opposés au projet de loi consistait à dire que les deux Flandres, qui ont les capitations les plus considérables, sont mal traitées par le projet de. loi.
Je croyais que c'était là un grief que j'avais entendu et il me semblait par conséquent, que je pouvais dire à l’honorable membre : Votre proportion va aggraver cette position ; vous allez donner moins aux deux Flandres que ne leur donne le gouvernement ; ne vous semble-t-il pas que ceci est assez bien dans la question ?
L'honorable membre peut faire immédiatement le calcul. Je l'ai chiffré ce matin ; la somme destinée aux communes sans octrois, étant de 3 millions, il y aurait, dans le système de l'honorable M. de Naeyer, un tiers distribué d'après la population et deux tiers d'après le produit des contributions. Le tiers attribué à la population donnerait 29 centimes et une fraction par tête d'habitant et par conséquent la Flandre occidentale, qui a une population de 480,343 habitants, toucherait de ce chef 139,812 fr., et les deux tiers, répartis d'après le montant des contributions, donneraient à cette province 299,850 fr. En tout pour la Flandre occidentale 439,062 fr. Combien doit-elle recevoir dans la répartition, d'après le projet, du gouvernement ? 449,775 francs. Le système de l'honorable membre a donc pour conséquence de diminuer de plus de 10,000 francs la part de la Flandre occidentale. Il en est de même pour la Flandre orientale.
Ce motif suffirait, je pense, pour faire repousser la proposition de l'honorable membre.
M. de Naeyer. - Messieurs, je crois que si le ministre des finances a touché un peu à ce que j'appellerai le petit côté de la question. Je ne me suis pas demandé si l'application de mon système serait plus utile à telle province qu'à telle autre, à tel arrondissement qu'à tel autre. Je me suis placé à un point de vue un peu plus élevé, au point de vue de la justice.
IIlm'est impossible de contrôler en ce moment ies calculs que vient de faire M. le ministre des finances ; s'il a signalé une différence pour une seule de nos provinces, elle doit être extrêmement minime ; il est incontestable que pour les communes rurales en général le mode de partage que je propose est essentiellement favorable, puisque je lui attribue 55 p. c. au lieu de 45 p. c, et cela est évidemment vrai pour toutes les provinces sans exception quand il s'agit d'un partage général entre toutes les communes à octroi et sans octroi ; or c'est à ce partage général que s'applique l'article 3 et non à un partage partiel entre les seules communes rurales. M. le ministre des finances a dit que ce système sera défavorable aux provinces où la population ne s'accroît pas dans une proportion aussi forte que dans d'autres.
Messieurs, tout système quelconque de répartition serait défavorable à ces provinces ; car remarquez que si la population s'accroît dans une proportion, les impôts pris pour base s'accroissent dans une proportion souvent plus forte. Si ou voulait faite une récapitulation des accroissements d'impôts dans le Hainaut, par exemple, et comparer ces accroissements à ceux d'autres provinces, vous trouveriez que les impôts admis pour la répartition ont suivi une progression parallèle à l'augmentation de la population. Cette objection n'est donc pas sérieuse.
Je disais que je me suis placé au point de vue des principes de la justice et de l'équité.
Je crois qu'il a été admis, dans tout le cours de la discussion, par tout le monde que, pour avoir une bonne base de répartition, il fallait s'attacher à trouver quelque chose qui représentât le mieux possible la consommation de chaque commune, c'est là le problème à résoudre.
On a dit que c'était la pierre philosophale ; d'autres ont dit que c'était la quadrature du cercle. Quant à la pierre philosophale, c'est une sottise dont nous n'avons pas à nous occuper. Mais prenons comme terme de comparaison la quadrature du cercle. Les géomètres, se trouvant en présence de ce problème, savent fort bien qu'ils ne peuvent trouver une surface carrée exactement équivalente à celle du cercle. Mais ils ne restent pas, pour cela, les bras croisés. Ils s'attachent à trouver des évaluations approximatives ; voilà ce que nous devons faire aussi, et sous ce rapport, la formule du gouvernement est tout à fait dénuée de fondement ; elle ne repose en réalité sur aucune investigation sérieuse sur les faits qui doivent nous donner la solution du problème, et le simple bon sens nous dit qu'elle ne saurait être qu'inexacte ; car enfin voici en quoi cela consiste : on prend pour base de la répartition du produit d'un impôt de consommation les bases de trois impôts directs. Il est impossiblea que cela soit exact. Il y a nécessairement entre ces deux choses toute la différence qui existe entre les impôts indirects qui frappent tous ies consommateurs quelconques, sans distinguer quelle est leur position de fortune, et les impôts directs qui ne frappent que celui qui possède. Cette base est donc essentiellement fautive.
J'admets que cela puisse être exact, pour apprécier le degré d'aisance des contribuables dans certaines localités ; j'accorde encore, jusqu'à un certain point, comme le disait l'honorable M. Pirmez, que cela pourrait être exact, s'il s'agissait de la consommation générale, y compris tous les objets de luxe.
Mais qu'est-ce qui formé les grandes ressources du fonds communal, qu'est-ce qui lui donne de la vie et des éléments de prospérité ? Ce sont avant tout les bières et genièvres ; ils y figurent enu réalité pour 70 à 80 p. c.
Je dis que quand il s'agit principalement de ces deux objets, je pourrais y ajouter le café, il est impossible d'admettre que le degré d'aisance des habitants vous donne la mesure de la consommation. Il y a une foule de gens qui font une prodigieuse consommation de bière et de genièvre et qui ne sont pas dans l'aisance ; je dirai même que c'est à raison d'un excès de consommation qu'ils ne sont pas dans l'aisance.
Je crois que partout et toujours il a été a admis que, quand il s'agissait d'un impôt de consommation, la population devait former le premier élément d'appréciation, la première base.
L'honorable ministre des finances, au début de la discussion, a (page 1599) rappelé ce qui a été fait en Allemagne pour la répartition des revenus du Zollverein. On y a admis en principe que le partage aurait lieu par tête, mais qu'il y aurait un préciput là où un excédant de consommation serait dûment constaté. Ce sont encore des principes que nous admettons. Partage par tête ; voilà notre premier principe ; préciput pour les communes où il y a un excédant de consommation constaté, voilà notre second principe.
Maintenant quant à la bière, il est prouvé par les documents mêmes du gouvernement, que la consommation est beaucoup plus considérable à la campagne qu'en ville, dans les communes rurales sans octroi, que dans les communes à octroi. En effet, le gouvernement nous donne exactement le chiffre de la fabrication qui a lieu dans les villes, et celui de la fabrication qui a lieu à la campagne. Eh bien, quelle est ici la proportion ? C'est que la fabrication dans les communes sans octroi est de 55 p. c. et que par conséquent elle n'est que de 45 p. c. dans les antres communes, c'est à-dire dans les villes et communes à octrois., Voici maintenant un fait constant, de notoriété publique ; c'est que les exportations des villes vers les campagnes, quant aux bières, sont beaucoup plus considérables que les exportations des campagnes vers les villes.
M. le ministre a cru qu'il y avait sous ce rapport compensation. Cela n'est pas exact, et la raison en est fort simple. C'est que les brasseurs des villes sont protégés. Ils ont des droits protecteurs, non seulement contre les importations venant du dehors mais encore dans beaucoup des villes ils reçoivent une espèce de prime pour l'exportation.
D'un autre côté ne perdez pas de vue (c'est un fait de notoriété publique) qu'en fait de bière, le mouvement du commerce à grande distance est peu considérable. Ce qui se fabrique dans une localité se consomme dans cette même localité ou dans un très petit rayon. Il n'y a d'exception que pour quelques catégories de bières, pour la bière de Bruxelles, pour la bière de Louvain, pour la bière de Diest et je pense, pour celle de Malines et un peu aussi pour la bière de Gand. Or ces bières qui sont transportées à des distances assez considérables se fabriquent dans des villes, ce qui par conséquent, comme vous le voyez, doit encore augmenter la quantité de bière consommée par les campagnes au-delà des quantités qui y sont fabriquées.
Il y a un autre moyen de tirer cette question au clair. Il suffit de la débarrasser d'une foule d'éléments qu'on y a introduits, je ne dirai pas pour la compliquer, mais qui ont eu réellement pour conséquence de la compliquer et de l'embrouiller.
Ainsi, l'on a confondu dans un même chiffre les 78 communes à octroi, dont plusieurs ont une importance moindre que d'autres communes sans octroi.
Suivant le système de répartition proposé par le gouvernement, un habitant des communes à octroi consommerait comme 3 1/2 habitants des communes sans octroi. C'est là la moyenne.
Il serait d'abord absurde de soutenir que cette moyenne se vérifie partout. Vous avez 15 communes rurales, 15 villages où il y a des octrois. Il y en a 7 ou 8 autour de Mons. Direz-vous que dans ces villages-là la consommation est dans la proportion que vous indiquez par rapport aux habitants d'un autre village sans octroi ?
M. Tack. - Il y a des villes sans octroi.
M. de Naeyer. - Direz-vous qu'en moyenne, chaque habitant de ces communes-là consomme tout autant que 3 1/2 habitants d'une autre commune des charbonnages du centre ou de Charleroi où il n'y a pas d'octroi ? Cela n'est pas soutenable. Pour les villes même, il y a des villes sans octroi qui ont une importance supérieure à celle de certaines villes à octroi. En adoptant votre moyenne, il faudra dire que chaque habitant de Bastogne consomme, en fait de bière, 3 1/2 fois autant qu'un habitant de Neufchâteau ou de Marche. Cela n'est pas soutenable.
M. Lesoinne. - Cela est soutenable.
M. de Naeyer. - Tout est soutenable quand on est décidé à tout admettre.
Ainsi encore à Binche, qui a un octroi, chaque habitant consommerait autant que 3 1/2 habitants de Thuin qui n'a pas d'octroi.
La même chose se présente à peu près dans toutes les provinces. Ainsi dans la Flandre occidental vous avez Thielt qui n'a pas d'octroi et Roulers qui en a un. Un habitant de Roulers consommerait donc 3 1/2 fois autant qu'un habitant de Thielt !
Je ferai la même observation pour une foule d’autres communes à octroi, comparées à d'autres communes sans octroi, mais dont l'importance est au moins égale et souvent supérieure.
Et cependant pour avoir votre moyenne vous devez admettre toute les absurdités que je viens d'indiquer, ou forcer considérablement la moyenne des grands centres de population, et alors un habitant de Bruxelles consommerait autant que peut-être dix habitants des communes sans octroi, en général. Ce système n'est pas admissible.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Cela n'a rien d'impossible.
M. de Naeyer. - Je vais vous prouver directement que cela n'est pas soutenable.
Voici ce qui n'est susceptible d'aucune contestation, c'est que si votre moyenne est vraie ce serait surtout dans les grands centres de population. Si je prouve qu'à Bruxelles, que dans les 4 grandes villes du pays, cette moyenne n'est pas exacte, si un habitant de ces villes ne consomme pas 3 1/ 2 fois autant qu'un habitant des villes sans octroi, il faudra bien en conclure que si cette moyenne n'est pas exacte pour Bruxelles et les autres grandes villes du pays, à fortiori elle n'est pas vraie pour les autres localités d'une importance moindre.
Messieurs, je crois que ce serait la première fois (quoiqu'on ait déjà fait entrevoir cette intention), que quand il s'agit d'apprécier les consommations d'une ville on prétendrait que l'octroi ne peut donner aucun renseignement.
S'il en est ainsi, à quoi servent les renseignements donnés par la douane, la statistique commerciale ?
Si la statistique des octrois n'a aucune valeur quelconque, la statistique commerciale ne signifierait rien non plus.
Je crois qu'on a toujours admis que quand il s'agissait d'apprécier les consommations d'une localité à octroi où il y a une enceinte susceptible d'être surveillée, l'octroi pouvait donner des indications très approximatives assez exactes.
Eh bien, j'ai compulsé les renseignements fournis par les octrois ds Bruxelles et des trois autres grandes villes du pays.
Voici d'abord pour les bières les résultats auxquels je suis arrivé. Ils sont assez curieux, ils font complètement justice de ces excédants ds consommation réellement exagérés qu'on veut attribuer aux villes à octroi.
J'ai calculé par hectolitre de cuve-matière. J'ai pris cette base parce que c'est la base de l'impôt. Que nous importe qu'un hectolitre de cuve-matière vous donne 2, 3, 4 ou 5 hectolitres de bière ? Ce rendement plus ou moins considérable est sans influence sur la perception de l'impôt basé exclusivement sur la contenance des cuves. Or, nous n'avons à nous occuper ici que de la répartition de l'impôt, et dès lors nos évaluations, pour être vraies, doivent reposer exclusivement sur le nombre d'hectolitres de cuve-matière.
Je sais que votre manière de calculer est excellente pour compliquer la question. Mais il est évident que pour arriver à une solution raisonnable il est juste au contraire de simplifier la question en éliminant toutes les données sans valeur réelle.
Pour Bruxelles, la fabrication s'est élevée à 387,000 hectolitres de cuve-matière. On n'accorde pas de décharge à Bruxelles pour les bières exportées, si ce n'est quand elles vont en pays étranger. Ceci est peu important ; mais il est admis généralement par des personnes que j'ai consultées que 1/8 au moins s'exporte, et cela n'est pas exagéré quand on considère qu'on rencontre les bières de Bruxelles presque partout en Belgique ; en faisant la déduction de 1/8 il reste 338,000 hectolitres de cuve matière pour les bières fabriquées à Bruxelles et consommées à Bruxelles.
Les importations de bière à Bruxelles sont peu considérables, et quand il s'agit d'importation de bière dans Bruxelles, vous n'admettrez pas qu'il puisse y avoir de fraude tant soit peu sensible, la bière occupant trop de volume pour qu'elle puisse donner lieu à une fraude un peu considérable. Ces importations ne vont qu'à 6,557 hectolitres. Dans ces 6,657 hectolitres il y a déjà une certaine quantité de bière venant de l'étranger, de pays étrangers, et qui dès lors n'est pas de nature à fournir un contingent au fonds communal.
Ensuite, comment réduire ces 6,557 hectolitres de bière en hectolitres de cuve-matière ?
Je crois que je n'exagère pas dans le sens de mon argumentation en le réduisant à 4,000 hectolitres ; ce serait un hectolitre et demi par cuve-matière. Il y aurait, en outre, à déduire les bières venant de l'étranger. J'arrive pour Bruxelles à 342,000 hectolitres de cuve-matière.
La question de savoir quel est pour le chiffre total des matières mises en œuvre le rendement en hectolitres de bière, est sans importance, car c'est sur l'hectolitre de cuve-matière que vous percevez l'impôt ; et vous devez le répartir sur cette même base.
A Gand, c'est plus facile encore. La fabrication s'est élevée à 417 mille hectolitres cuve-matière ; ou accorde à Gand la décharge à l'exportation ; l'exportation constatée est de 15 mille hectolitres ; reste pour la consommation intérieure 102 mille hectolitres. Les importations ne sont pas considérables, 4,442 hectolitres, cela représente 3 mille hectolitres cuve-matière.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Qu'en savez-vous ?
M. de Naeyer. - Voulez-vous avoir ce nombre entièrement ? Cela ne fait pas uue grande différence, mais j'en sais ce que l'administration en sait. Suivant elle, c'est moins que le minimum qu'on tire d'un hectolitre de cuve-matière ; elle prétend, elle, que le rendement est double, triple et même quadruple ; je reste donc même au-dessous du miniminn adopté par l'administration. Je ne prends qu'un hectolitre et demi de bière par hectolitre de cuve-matière, mais on trouverai la chose ridicule, on prétendrait que cela n'est pas possible, j'arrive ainsi à 105 mille hectolitres pour la ville de Gand. A Anvers, la fabrication est peu importante, elle est de 56,274 hectolitres cuve-matière.
L'exportation constatée est de 19,000 hectolitres, reste 37,900 pour ia consommation ; par contre, les importations de bière à Anvers sont très considérables, la ville en perçoit un revenu de 295,000 fr. Ces (page 1600) importations s'élèvent à 104,970 hectolitres. Opérant de la même manière, restant au-dessous même du minimum indiqué par l'administration, je dis que ces 104,070 se résument en 70,000 hectolitres cuve-matière, ce qui fait 107,000 hectolitres pour la consommation d'Anvers.
Pour Liège, la fabrication n'est que de 51,000 hectolitres, l'exportation constatée est de 12,000 à 13,000 ; reste donc 38,124 hectolitres. Nous avons à ajouter les importations ; elles s'élèvent à 4,861. Toujours opérant d'après les mêmes réductions, j'arrive à un résultat de 41.000 hectolitres cuve-matière pour la consommation totale de la ville de Liége.
Nous avons là la consommation de quatre grandes villes du pays. Quel total avons-nous ? Nous avons un total qui est constaté par la statistique des octrois sans qu'il soit possible de faire une objection sérieuse, et il en résulte que pour les quatre grandes villes du pays la consommation des bières est représentée par 595 mile hectolitres cuve-matière. Cela ne forme pas même le sixième de la consommation totale du pays qui s'élève à plus de 3 millions 700 mille hectolitres de cuve-matière.
A quel résultat arrivez-vous quant au partage ? Je fais abstraction de l’article 14 et du préciput du régime transitoire ; je parle de la situation normale. Vous arrivez, avec les trois bases proposées par le gouvernement, à donner à ces quatre villes à peu près le tiers du fonds communal.
En effet, le principal des trois impôts servant de base, s'élève pour Bruxelles, Gand, Anvers et Liège, à 5,370,000 fr., c'est-à-dire près du tiers de 16,000,700 et autant, qui est le chiffre du principal des trois contributions pour tout le pays.
Ainsi, d'après leur consommation qu'il est impossible de révoquer en doute, nos quatre grandes villes auraient droit à moins d'un sixième, et d'après vos bases elles auraient à peu près le tiers. S'il en est ainsi pour Bruxelles et nos trois autres grands centres de population, comment voulez-vous qu'il en soit autrement pour les villes de deuxième et troisième ordre, pour les communes qui ne se distinguent que parce qu'elles ont ou n'ont pas d'octroi ? .
Voilà pour les bières, mais pour les genièvres, c'est encore plus fort.
L'heure est avancée ; j'en ai encore pour quelque temps, je suis de plus un peu fatigué, je demanderai à la Chambre de me permettre de continuer demain.
- La Chambre consultée renvoie la continuation de la discussion à demain.
M. le président. - Le bureau a composé de la manière suivante les commissions que la Chambre l'a chargé de nommer.
Pour l'examen du projet de loi portant une demande de crédit de 347,500 fr. au département des finances, MM. Moreau, Pirmez, de Naeyer, Vermeire, B. Dumortier, Thienpont et Sabatîer.
Et pour l'examen du projet de loi relatif à la cession de terrains militaires, MM. David, Van lseghem, Julliot, de Gottal, Guillery, Allard et Van Leempoel.
- La séance est levée à 4 heures trois quarts.