(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1859-1860)
(page 1029) (Présidence de M. Vervoort, deuxième vice-président.)
M. de Moor procède à t'appel nominal à 1 heure 1/2 et donne lecture du procès-verbal de la séance d lier.
- La rédaction en est approuvée.
M. de Florisone présente l'analyse des pétitions suivantes.
« Des habitants d'Arlon demandent qu'il soit donné cours légal en Belgique à la monnaie d'or de France. »
« Même demande d’habitants d'Ath. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les membres du conseil communal de Petit-Spauwen demandent la construction d'un chemin de fer de Bilsen à Liège par Tongres, ou du moins du tronçon de Bilsen à Tongres. »
« Même demande des membres du conseil communal de Hoelbeek. »
- Même renvoi.
« Le sieur Dessart, ancien combattant de 1830, demande une pension. »
- Même renvoi.
« Les sieurs du Ruy de Bicquy et Vanden Broeck, membres de la société centrale d'Agriculture de Belgique, présentent des observations sur le projet de loi qui supprime les octrois communaux. »
- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d’examiner le projet de loi.
« M. Frison et M. de Renesse, retenus chez eux par une indisposition, demandent un congé. »
- Ces congés sont accordés.
M. Landeloos. - L'honorable M. Tack a demandé hier quelques documents relatifs au projet de loi sur la suppression des octrois. A mon tour, je me permettrai égal ment de demander certains documents qui me paraissent indispensables pour pouvoir apprécier le projet de loi présenté par M. le ministre des finances.
Parmi les documents qui accompagnent l'exposé des motifs, se trouve un tableau ou spécimen contenant une somme globale du principal de la contribution foncière sur les propriétés bâties, de la contribution personnelle et des patentes. Je crois qu'il est utile qu'un tableau nous soit fourni, indiquant séparément le principal de chacune de ces bases devant servir à la répartition du fonds qui est mis à la disposition des communes, et il me paraît que ce tableau devrait non seulement contenir le montant des contributions perçues dans les communes à octroi, mais qu'il est également nécessaire que ce tableau contienne les mêmes indications pour les communes qui ne sont pas soumises à ce régime. Le même tableau n'indique pas non plus le montant des taxes directes qui sont perçues dans les communes non soumises aux droits d'octroi, taxes cependant qui en tiennent lieu.
Je crois qu'il est également indispensable qu'un tableau nous soit fourni, présentant par chaque commune le montant des taxes directes qui y ont été perçues.
Enfin, messieurs, je crois qu'un troisième tableau nous est encore nécessaire.
On nous a communiqué un tableau présentant pour chaque commune à octroi le montant et le taux des taxes perçues sur les bières et les boissons distillées indigènes. Je crois qu'il est aussi convenable que ce tableau soit complété et que nous connaissions le montant des taxes perçues sur chacun des autres objets assujettis à l'octroi.
Je demande en conséquence que M. le ministre des finances veuille bien mettre à la disposition de la Chambre les tableaux dont je viens de parler.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je regrette que l'honorable préopinant n'ait pas attendu la présence de M. h ministre des finances pour faire sa motion d'ordre.
J'ignore si les différents tableaux dont il parle existent ou n'existent pas. M. le ministre des finances seul pourrait vous dire ce qui en est. S'ils existent, je crois qu'il n'y aura pas de difficulté à eu donner connaissance à la Chambre. Mais s'ils n'existent pas, si les recherches pour les établir devaient retarder l'examen du projet de loi, il serait difficile qu'on pût prendre à cet égard le moindre engagement.
Je crois que ce qu'il y aurait de mieux à faire, ce serait, avant de rien décider, d'attendre la présence de mon honorable collègue, M. le ministre des finances, qui sera ici dans quelques instants.
M. Landeloos. - J'attendrai la présence de M. le ministre des finances.
(page 1037) M. Pirmez, rapporteur. - Messieurs, votre commission vient de se réunir pour examiner les observations présentées hier à la Chambre par M. de Theux, et contenant le germe d'un amendement à l'article 346 du projet.
Elle a entendu l'honorable membre et elle a, de concert avec lui, formulé une nouvelle rédaction de cet article, qui paraît satisfaire au but que la commission s'est proposé dès le principe et écarter las craintes que cette disposition a fait naître.
Empêcher une cessation soudaine de travail à laquelle ni le maître ni l'ouvrier ne sont préparés et à laquelle, par conséquent, ils ne peuvent résister, écarter autant qu'on le peut des grèves sans cause et sans motif, et partant sans résultat possible, tel est le but de l'article 346.
Mais dès la présentation de cet article, une crainte s'est produite dans beaucoup d'esprits : la suppression de la pénalité frappant la coalition et la commination d'une pénalité, pour le cas où la coalition tend à la rupture des contrats, n'aura-t-elle pas pour conséquence de faire prolonger la durée des engagements ?
L'amendement de M. Sabatier a eu pour but de parer à cette éventualité fâcheuse de voir le terme des contrats de travail s'étendre et compromettre peut-être ainsi abusivement la libre disposition du travail.
Votre commission s'est ralliée à cet amendement parce qu'elle a eu la conviction qu'en mettant à l'abri d'atteinte un intérêt respectable, il n'empêche aucun des résultats favorables qu'elle a eu en vue en rédigeant l'article 348. Ce point a été exposé dans le dernier rapport que la commission a soumis à la Chambre.
Les observations de M. de Theux sont exactement dans l'ordre des idées qui ont inspiré M. Sabatier ; le danger à éviter, le résultat à atteindre sont les mêmes ; ces honorables membres sont partis de la même crainte pour arriver à une disposition de même nature.
Seulement M. de Theux croit que la rédaction présentée par M. Sabatier n'est pas assez précise, et qu'elle n'atteint pas complètement le but auquel elle tend.
Evidemment, la rédaction de M. Sabatier suffit dans le moment actuel ; les usages n'ont rien d'exagéré quant à la durée des contrats ; mais si cette tendance redoutée de voir les termes s'agrandir se manifestait malgré la suppression de la peine que l'on a cru voir dans la rédaction primitive, si le mal devenait général et fondait ainsi des usages vicieux, toute garantie ne disparaîtrait-elle pas ?
Cette objection est sérieuse.
En la prenant en considération tout revient à savoir s'il est possible de rédiger l’article de manière à fixer la limite des engagements protégés par la loi pénale, par une démarcation moins variable que celle qui est prise dans les usages locaux.
Votre commission l'a pensé.
Et d'abord aucune difficulté n'apparaît quant au très grand nombre de nos industries.
II est d'un usage constant, pour le très grand nombre des industries du pays, de prendre des engagements pour le terme de 15 jours. Il n'y a donc aucune difficulté, en ce qui concerne la plupart des industries, à adopter ce terme, comme étant celui des contrats dont la violation est protégée, dans certains cas, par une sanction pénale. C'était là un premier point facile à résoudre.
Mais il est cependant quelques autres industries qui demandent des engagements plus longs. On en a cité notamment une : l'industrie (page 1038) verrière, dans laquelle l'engagement des ouvriers est généralement de plusieurs mois.
Est-il nécessaire, quant à l’application de la sanction pénale, de maintenir ces engagements dans toute leur durée ?
La commission a pensé qu'ici encore on pouvait fixer un terme précis ; elle a pensé qu'en mettant la durée d'un mois entre la notification que l'ouvrier ou le maître ont l'intention de ne plus se conformer au contrat, et la cessation du travail, on satisfait aux intérêts qu'on a pour but de protéger.
En effet, si la résolution de rompre le contrat de travail est tellement ferme, et fondée sur des motifs si graves qu'elle persiste pendant un mois tout entier, on peut presqu’affirmer que le maintien de ce contrat de travail n'aura aucun bon résultat. La bonne entente entre les parties est une absolue nécessité dans l'industrie. Cette épreuve d'un mois sert à établir qu'il y a là une cause grave qui fait que le maintien du contrat n'est pas d’un haut intérêt.
S'il m'est permis de faire une comparaison, je dirai que ce délai est un délai analogue à celui que la loi impose aux époux qui veulent se divorcer ; quand cette intention de divorce dure un an,la loi admet qu'elle a une raison d'être.
Au surplus, la commission a pensé qu'en donnant ce délai d'un mois entre l'avertissement dont je viens de parler et la cessation de travail, on mettait, dans la plupart des cas, les parties en cause à même de remplacer, pour le maître, l'ouvrier qui le quitte, et pour l'ouvrier, le maître qu'il doit abandonner.
La loi pénale ne doit protéger que les violations des contrats les plus blâmables et les plus préjudiciables. Or, lorsque l'avertissement a été donné un mois d’avance, la violation du contrat a perdu une grande partie de sa gravité.
La commission croit d'ailleurs que ce délai d'un mois, entre l'avertissement et la cessation de travail, est parfaitement suffisant pour atteindre le but qu’elle a surtout à cœur de réaliser : empêcher les grèves soudaines et irréfléchies.
Messieurs, la commission n'entend pas porter atteinte aux droits qui résultent des engagements, au point de vue purement civil.
Les tribunaux civils conserven leur action dans toute son étendue.
C'est là un point qui doit être en dehors de tout doute.
C'est d'après les considérations que je viens d'avoir l'honneur d'exposer à la Chambre que la commission a admis la rédaction suivante ; cette rédaction ne fait que réaliser les idées que je viens d'émettre ; seulement nous avons modifié la contexture actuelle de l'article pour le rendre plus clair. Ce changement ne touche qu'à la forme.
Voici le premier alinéa de la nouvelle rédaction de l'article 346 :
« Sera puni d'un emprisonnement de 8 jours à 3 mois et d'une amende de 26 fr. à 1,000 fr., ou de l'une de ces deux peines seulement, tout cessation de travail, non notifiée 15 jours à l'avance, et résultant d'une coalition entre ceux qui travaillent ou entre ceux qui font travailler et en violation d'usages locaux ou de conventions ; le délai de notification est porté à un mois pour les industries qui pratiquent des engagements comportant au moins cette durée. »
Vient ensuite, messieurs, le deuxième alinéa, qui se compose de l'amendement de M. Muller, auquel la commission a simplement apporté un changement de forme :
« Sera punie de la même peine toute cessation générale de travail faite par un ou plusieurs chefs d'atelier ou d'usine, même sans coalition, mais en dehors des cas de force majeure et en violation des mêmes contrats. »
Vient le dernier paragraphe qui n'a pas été changé.
« Ces peines pourront être élevées jusqu'au double à l'égard des chefs ou moteurs. »
M. le président. - Nous reprenons la discussion des articles 346 et suivants.
(page 1029) M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, la Chambre comprend que je ne puis pas m'expliquer dès maintenant d'une manière définitive sur la nouvelle rédaction qui vient de lui être soumise par la commission. Dans une matière aussi grave, il est nécessaire d'examiner et de réfléchir mûrement. Cependant, je ne m'oppose pas à ce qu'on la vote, seulement je me réserve de l'examiner plus particulièrement d'ici au second vote Je crois pouvoir me rallier provisoirement à cette disposition, seulement je crois devoir faire une réserve afin qu'on ne me considère pas comme définitivement engagé.
Cela dit, je rentre dans la discussion de l'article 346, auquel on a mêlé bien des choses qui y sont étrangères.
On a parlé de la liberté d'association, de la liberté du travail ; dans mon opinion, la liberté d'association ni la liberté du travail ne peuvent souffrir la moindre atteinte par l'adoption des dispositions qui vous ont été soumises.
L'association, le droit d'association, si je le comprends bien, suppose toujours un objet licite. Pour qu'on ait la liberté, le droit de s'associer, il faut que le fait que l’acte pour lequel on s'associe soit légitime ; la première question à examiner, quand il s'agit de savoir si on porte atteinte au droit d’association, c'est l’objet, le but de l'association Du moment que l’acte pour lequel on s'associe est illégitime, du moment qu'il est proscrit par la lo, il ne peut plus être question de la liberté d’association.
Quel est, dans la matière qui nous occupe, le fait que nous voulons empêcher, proscrire ? C'est la violation des contrats. Je ne pense pas que l'on puisse sérieusement soutenir que l'on peut se constituer en société pour violer des contrats, qu’il ait un droit d'association ayant pour objet la violation des contrats. Si le droit de s'associer contre le droit de demander l'exécution des engagements existait, il y aurait un droit contre le droit, ce qui moralement, légalement, juridiquement, serait une véritable monstruosité.
Je crois donc être dans le vrai en déclarant que, quand une société doit avoir pour objet un acte illicite, contraire aux bonnes mœurs ou condamné par la loi, l'on ne peut pas venir argumenter, pour la défendre, du droit d'association inscrit dans la Constitution.
Prenons un exemple. Je suppose que dans notre pays la mendicité ne soit pas défendue par la loi.
J'admets qu'une association se forme pour exploiter la charité au moyen de la mendicité. Mais qu'intervienne une loi qui prohibe la mendicité, cette exploitation du public ne pourra plus faire, l'objet d'une société.
La liberté d'association a donc sa limite dans la nature de l'objet auquel l'association doit s'appliquer et dans le cas actuel, le but poursuivi est si évidemment illicite qu'il est impossible de soutenir que nous portons atteinte au droit d'association en donnant à l'exécution des contrats une sanction pénale.
Messieurs, la liberté du travail ne peut pas plus souffrir de la mesure que nous proposons, que la liberté d'association.
Le projet ne porte aucune atteinte à la liberté, soit de l'ouvrier pris isolément, soit des ouvriers pris collectivement. Il y aurait atteinte à la liberté du travail si l'on prescrivait quelque chose aux maîtres et aux ouvriers, si on les empêchait de faire quelque chose, si on les gênait dans leurs engagements, si l'Etat intervenait pour régler les conventions à faire entre les ouvriers et les maîtres ; mais il ne s'agit de rien de (page 1030) semblable ; l'ouvrier peut conclure librement ses engagements, il peut se réserver le droit de quitter l'atelier quand il veut, mais ce qu'on demande, c'est que les engagements une fois conclus, ceux qui y sont intervenus ne puissent se concerter, se coaliser avec d'autres pour cesser ou faire cesser le travail au mépris de ces engagements.
On a beaucoup parlé aussi de l'intérêt des ouvriers. Je puis dire, messieurs, que dans toute cette discussion je me suis principalement et je dirai presque exclusivement préoccupé de l'intérêt des ouvriers, et si j'avais pu trouver que le droit de coalition eût jamais amélioré le sort des ouvriers, eût jamais amélioré leur position, si j'avais pu trouver n'importe où que la faculté de se coaliser, de se concerter avait jamais fait augmenter le salaire de l'ouvrier, avait jamais amélioré la condition de sa famille, j'eusse été plus à admettre le droit illimité de la coalition et la suppression des mesures qui tendent à les empêcher ; mais je n'ai trouvé nulle part, dans les nombreux écrits publiés sur les coalitions dans les divers pays, nulle part je n'ai vu qu'elles aient jamais amélioré la position de l'ouvrier ; partout, au contraire il a été constaté que les coalitions n'avaient entassé que ruines sur ruines, la ruine du maître sur la ruine de l'ouvrier ; voilà ce qui est constaté et je ne pense pas que dans cette enceinte même on vienne soutenir que la coalition soit favorable aux intérêts de l'ouvrier, puisse améliorer sa position.
Eh bien, messieurs, quand je vois que les coalitions n'ont jamais produit que du mal et pour le maître et pour l'ouvrier, je n'ai aucune tendance à les favoriser, j'ai bien plutôt une tendance à faire en sorte qu'elles se produisent le moins souvent possible.
Qu'est-ce, messieurs, qui est admis pour vrai par tous ceux qui seront occupés de cette matière ? Il est admis pour vrai que les efforts qu'ont faits toutes les coalitions pour faire augmenter le prix du salaire sont restés impuissants, parce qu'elles luttaient contre une loi économique, contre laquelle elles étaient impuissantes.
Le prix du salaire, cela n'est plus contesté aujourd'hui par personne, le prix du salaire est réglé par l'offre et la demande comme le prix de toute marchandise.
Dès lors, messieurs, je ne sais pas si en favorisant les coalitions, on ne fait pas tout à fait le contraire de ce qu'on devrait faire et si l'on n'atteint pas un but diamétralement opposé à celui que l'on poursuit. Si c'est l'offre et la demande qui règlent le prix du salaire, il est évident que le prix du salaire haussera lorsque le travail sera demandé, lorsqu'on aura besoin de beaucoup de bras, lorsqu'il y aura beaucoup de travail à faire ; il me semble donc que ce qu'il faut avant tout dans l'intérêt de l'ouvrier, c'est de multiplier la quantité de travail à faire.
Pensez-vous qu'en permettant la violation des contrats, qu'en ne garantissant pas d'une manière satisfaisante leur exécution, vous augmenterez la quantité ce travail ? Je ne le crois pas, et ma grande anxiété c'est qu'en abandonnant toute mesure pénale comme on nous propose de le faire, vous ne détruisiez la confiance et qu'en détruisant la confiance, vous ne porterez une grave atteinte à l’industrie et ne diminuiez la quantité de travail et par conséquent le salaire de l'ouvrier. Voilà, messieurs, ce qui est à craindre. Si le fabricant ne trouve plus dans la législation les garanties qu'il croit nécessaires pour assurer la sécurité de son industrie, la durée de son industrie, il hésitera à s'engager et il transportera peut-être dans un autre pays, où il trouvera ces garanties, l'établissement qu'avec d'autres conditions il eût fondé chez nous. De cette manière, loin d'avoir fait une chose utile à la classe ouvrière, loin d'augmenter la quantité de travail qui détermine, je le répète, le taux des salaires, vous l'aurez diminué et porté aux intérêts des classes ouvrières une grave atteinte tout en voulant leur être favorable.
Voilà, messieurs, une crainte que je vous soumets. Je désire qu'elle ne se réalise pas, mais, je crois, en l'exprimant, être beaucoup plus dans le vrai que ceux qui prétendent amener la hausse des salaires en favorisant les coalitions.
Messieurs, les coalitions ont encore pour les classes ouvrières un autre danger, un danger qui est très grand.
C'est qu'il suffit de la coalition de certaines catégories d'ouvriers pour faire chômer instantanément une grande quantité d'autres ouvriers, qui n'ont aucune envie de se mettre en grève.
Supposons que les machinistes de certains établissements se coalisent et cessent leur travail ; la force motrice sera arrêtée et tous les autres ouvriers seront sans travail.
Il a été constaté que dans les filatures de coton, où le nombre des filateurs est au nombre des autres ouvriers dans la proportion de 1 à 10, à peu près, si les filateurs se mettent en grève, ils font immédiatement chômer tous les autres ouvriers, ils plongent dans la misère les familles de tous les autres ouvriers.
Voilà, messieurs, encore un inconvénient qui retombe exclusivement sur la classe ouvrière.
Je ne crois donc pas que le concert qui peut s'établir entre des ouvriers pour refuser le travail fasse jamais atteindre le but qu'on se propose. Il ne peut entraîner que la ruine du maître et la ruine des ouvriers et sous ce rapport nous ne devons pas, messieurs, favoriser des manœuvres qui, dans aucune circonstance, n'ont atteint le but que l'on se proposait.
Messieurs, l'intérêt des ouvriers dégagé de ce débat, j'examinerai en peu de mots les objections juridiques que l'on a faites au système qui vous est proposé.
On nous a dit d'abord que la peine que nous appliquons n'était pas légitime.
Cette objection ne me paraît pas sérieuse, et elle a été réfutée de la manière la plus péremptoire par l'honorable rapporteur de la commission. On ne peut pas contester que la violation d'un contrat ne soit un fait illicite. Le fait est illégitime, et l'illégitimité du fait établit la légitimité de la peine.
On nous dit : Mais ce fait, lorsqu'il est commis isolément, vous ne le punissez pas : et vous le punissez lorsqu'il se produit de la part de plusieurs individus à la fois et ensuite d'un concert entre eux.
Messieurs, certainement ; et il n'y a là aucune espèce de contradiction. La loi, et on l'a dit avant moi, ne punit pas et ne doit pas punir tout fait illicite. Ce n'est que lorsque ce fait s'élève à la hauteur d'un certain danger pour l'intérêt social, pour l'intérêt particulier que la loi doit intervenir pour punir. Eh bien, la violation d'un contrat par un seul individu ne met en danger ni la fortune de celui vis-à-vis duquel le contrat est violé, ni la tranquillité publique. Je comprends donc que la loi passe à côté et la laisse impunie. Mais lorsque le concert s'établit, lorsque de ce concert peut dépendre la tranquillité publique ; lorsque de ce concert peut dépendre la ruine de celui contre lequel on complote l’inexécution d'un contrat, quoi d'extraordinaire que la loi intervienne pour assurer l'exécution d'un contrat dont l'inexécution peut avoir des conséquences aussi graves ? Il n'y a évidemment rien d'illogique dans une semblable disposition. La loi pourrait aller jusqu'à punir l'acte isolé, et c'est-ce qu'elle fait dans beaucoup de cas.
Ainsi la Chambre a voté, il y a quelques jours, une peine contre les fournisseurs de l'armée qui ne remplissent pas leurs engagements ; et elle ne s'est pas bornée à punir seulement d'une peine l'inexécution volontaire d'un engagement, il y a même une peine pour l'inexécution d'un engagement, lorsqu'elle est le résultat d'une simple négligence. Pourquoi ? Parce que l'inexécution d'un contrat, dans un cas pareil, s'élève à la hauteur d'un danger public. Mais au fond le principe est le même ; c'est l'inexécution d'en engagement purement civil.
Un individu s'est engagé à fournir certaine quantité de vivres à une armée. C'est bien là un contrat civil dans toute sa simplicité. Mais comme l'inexécution de ce contrat peut, à un moment donné, entraîner un danger pour l'existence même du pays, la loi intervient pour en assurer l'exécution et punit non seulement l'inexécution volontaire du contrat, mais encore la simple négligence.
Nous ne dérogeons donc pas aux principes que notre propre législation consacre en votant les dispositions qui sont proposées.
Messieurs, on a déjà cité dans cette discussion une législation qui se lie intimement à la matière que nous discutons. Je veux parler des lois sur les faillites et les banqueroutes. Cette législation n'a pas d'autre raison d'être que la nécessité reconnue par le législateur d'assurer d'une manière certaine l'exécution des contrats, en matière commerciale.
Eh effet, messieurs, qu'est-ce que l'état de faillite ? Je laisse de côté les jugements qui pourraient intervenir pour banqueroute simple ou pour banqueroute frauduleuse. Je prends simplement l'état de faillite. L'état de faillite est un étal pénal. Le simple état de faillite frappe de peines très sévères, d'une déchéance de droits politiques, l'individu qui n'a pas rempli ses engagements.
Ainsi le failli qui aura dû cesser ses payements par suite de faillites qu'il aura éprouvées lui-même par suite d'événements tout à fait extraordinaires et qu'il n'aura pu prévoir, est déclaré déchu de son droit d'électeur et de son droit d'éligibilité.
L'état de faillite est donc, comme je le disais, un véritable état pénal, qui n'a d'autre but que d'assurer l'exécution des engagements qu'on a contractés ; et je trouve que les conséquences attachées à l'état de faillite par la loi elle-même, indépendamment des condamnations pour faillite simple ou pour banqueroute frauduleuse, sont même beaucoup plus graves que ne le sont les peines que nous proposons contre l’inexécution volontaire des engagements en cas de coalition.
Ainsi, il est bien certain que beaucoup d'entre nous, s'ils avaient à opter entre quelques jours de prison ou une déchéance des droits d'électeur et d'éligibilité, préféreraient faire ces quelques jours de prison que d'être privés du droit de citoyen.
Vous voyez donc que la législation édicte des peines très sérieuses pour assurer l'exécution de certains engagements. Et pourquoi, messieurs, cela est-il ? Mais parce qu'il est indispensable pour maintenir en certaine matière la confiance que l'exécution des contrats soit assurée d'une manière aussi puissante que possible ; parce que, sans confiance, il est impossible que l'industrie, que le commerce prospèrent.
Pourquoi, messieurs, si vous trouvez qu'il ne faut aucune espèce de garantie, que les contrats en cette matière doivent être mis tout à fait sur la même ligne que les autres contrats dans la vie civile, ne trouvez-vous pas la même chose pour toutes les conventions faites en matière commerciale ? Pourquoi n'abolirait-on pas aussi bien toute la législation sur les faillites et les banqueroutes ? Je pourrais prendre à peu près toutes les objections que l'on présente dans la matière actuelle, et les appliquer à la matière commerciale. Dans cette dernière matière, on peut trouver exorbitant que certains (page 1031) faits qui ne sont pas punis dans la vie civile, soient punis dans la vie commerciale ; que certaines dépenses, par exemple, qu'un tribunal trouvera trop élevées, puissent faire traduire un individu devant un tribunal correctionnel, tandis que, dans la vie civile, cela ne peut donner lieu à la moindre poursuite.
L'honorable député de Bruxelles, qui a parlé hier, ne peut se mettre dans la tête qu'un fait qui, posé isolément par un individu, est légitime devient illégitime quand plusieurs individus concourent à le commettre.
Messieurs, dans le Code pénal même, il y a certains faits qui ne sont pas punis, lorsque la résolution de les commettre est formée par un seul individu ; mais qui sont punis cependant, lorsqu'il y a concert de plusieurs individus.
Ainsi la résolution arrêtée par un seul individu de commettre certains crimes, n'est pas punissable ; dès que cette résolution est le résultat du concert de plusieurs individus, elle tombe sous l'application de la loi pénale.
Voici un autre exemple que je soumets à l'honorable M. Charles de Brouckere. Je lui demande s'il comprend bien qu'un fait qui, dans la vie civile, n'est pas puni, le soit dans la vie commerciale. Il y a là aussi quelque chose d'anomal.
Ainsi, un propriétaire peut complètement dissimuler à ses créanciers son avoir. Il peut se soustraire à ses engagements quoique étant en position de les remplir et il ne sera passible d'aucune peine.
Dans la vie commerciale, le même fait donne lieu à la peine des travaux forcés à temps. Voilà donc un fait qui, dans la vie commerciale, entraîne une des peines les plus sévères, et qui dans la vie civile, ne donne pas lieu à la moindre répression.
Et pourquoi ? Parce qu'on a senti qu'il fallait, dans la vie commerciale, assurer d'une manière aussi sévère que possible l'exécution des engagements.
Ici vous avez une matière qui se rattache à la vie commerciale et où il faut tout autant de confiance que dans la vie commerciale.
Les engagements de la vie commerciale et les engagements de la vie industrielle se tiennent de près, se lient étroitement. L'industriel qui achète du commerce sa matière première, doit, pour pouvoir remplir ses engagements, être sûr de pouvoir la faire fabriquer ; l'industriel qui s'engage à livrer doit être sûr de pouvoir produire ; il doit pouvoir compter, pour remplir ses engagements, que ceux qui ont traité avec lui, que les ouvriers les rempliront à leur tour.
Je suppose qu'il y ait deux pays où, dans l'un existe une législation commerciale qui punit de peines très sévères ceux qui manquent à leurs engagements, et, ou, dans l'autre, tous les rapports du commerce, se trouvent réglés par la législation civile. Il est bien certain que celui des deux pays où l'on préférera se livrer à des opérations commerciales c'est le pays où les engagements sont les plus garantis et où, par conséquent, l'on a le plus de certitude qu'ils seront exécutés.
L'on s'est souvent récrié contre la législation sur la contrainte par corps. Il y a une chose bien certaine, c'est que la contrainte par corps est pour le commerce un grand élément de crédit.
Vous voyez donc que les mesures que l'on prend pour assurer l'exécution des engagements, ne tourne pas, dans la réalité, contre ceux qui semblent devoir en être l'objet, mais tourne, au contraire, à leur profit.
Mais, nous a dit, hier, l'honorable M. Ch. de Brouckere, la peine n'est pas nécessaire. Elle n'est pas nécessaire, parce qu'il y a eu peu de coalitions dans le pays.
Messieurs, je comprendrais que si jusqu'à présent nous avions vécu sous une législation qui ne punit pas les coalitions, on vînt dire : « Il est inutile d’introduire une nouvelle peine contre un fait qui n'a pas présenté de danger jusqu'ici.
Mais le Code pénal actuel commine des peines contre les coalitions ; je puis donc rétorquer l'argument à l'honorable M. de Brouckere, et dire : La coalition est un mal que, grâce à notre législation, nous n'avons senti que rarement ; nous avons eu peu de coalitions ; maintenons dès lors cette législation.
L'honorable membre nous a dit que la loi civile suffisait. C'est là une expérience qu'il n'a pas faite.
La loi civile ne suffit pas, parce que la coalition, le concert entraînent souvent, d'une part, des dangers pour la tranquillité publique, et d'autre part, des pertes tellement grandes, que la fortune des gens les plus riches ne suffirait pas à les réparer.
Ainsi, comme je le disais tout à l’heure, une certaine quantité, par exemple, de machinistes se coaliseront pour faire cesser la force motrice dans un atelier ; ou bien que des filateurs se coaliseront pour arrêter le travail de l'atelier, jetant ainsi sur le pavé tous les autres ouvriers ; il est certain qu'en supposant même aux ouvriers coalisés une certaine fortune, cela ne suffirait pas pour réparer les dommages qu'ils auront causés en violation de leur contrat.
Mais si la loi civile suffit toujours, pourquoi avez-vous une législation commerciale ? Là aussi on pourrait dire que la loi civile suffit.
Mais pourquoi une législation spéciale ? Parce que, je le répète, il s'agit d'une matière spéciale pour laquelle il faut une législation qui assure la confiance, sans laquelle ni le commerce, ni l'industrie ne peuvent subsister. C'est ce que perdent continuellement de vue nos adversaires, et tous leurs raisonnements ont le même défaut.
Ils veulent faire régler une matière tout à fait spéciale, par les dispositions de la loi commune.
Messieurs, l'honorable M. Jamar nous disait avant-hier qu'il ne comprenait pas que nous persistions à vouloir intervenir entre maîtres et ouvriers, alors que c'était là une espèce de patronage qui n'était demandée par personne, que les ouvriers déclaraient ne pas en vouloir, que les maîtres s'étaient exprimés par l'organe des chambres de commerce et du conseil supérieur d'industrie, et qu'ils n'en voulaient pas davantage ; qu'ils ne désiraient pas voir donner aux engagements civils la sanction que nous proposons.
M. Jamar. - J'ai dit : excepté les chambres de commerce de Gand, de Termonde et d'Audenarde.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Permettez-moi de vous faire observer que c'est là une erreur de votre part ; je vais vous le démontrer.
Je prends d'abord le rapport de la chambre de commerce de Bruxelles et voici ce que j'y lis :
« Il peut arriver que la brusque interruption du travail dans l'un des ateliers d'un établissement industriel soit une cause d'un retard souvent fatal à une expédition lointaine, ou force le patron, pour éviter des pertes trop grandes, à subir les prétentions exorbitantes de ses ouvriers. Des faits de cette nature seraient regrettables, et l'action des conseils de prud'hommes ne semble pas suffisante pour les prévenir ou les réprimer. L'intervention de l'autorité peut être nécessaire et le législateur jugera sans doute convenable de considérer comme délit, même la coalition simple, lorsque les ouvriers, en dénonçant la grève, c'est-à-dire en déclarant qu'ils entendent modifier les conditions du travail, se refuseraient en même temps à l'acquit immédiat de leurs engagements qui résultent d'ordinaire ou d'un contrat spécial, ou des conditions d'un règlement affiché dans les ateliers et auxquelles les ouvriers doivent être soumis par le fait de leur entrée à l'usine, ou bien des usages locaux. »
Voilà ce que dit la chambre de commerce de Bruxelles.
Voici maintenant ce que je lis dans l'avis de la chambre de commerce de Tournai :
« Ainsi donc, nous croyons qu'il doit être permis à chacun de se concerter sur le taux des salaires et sur le prix des marchandises ; mais il faut que ce concert soit spontané, qu'il ne soit amené par aucune contrainte, qu'il ait lieu sans désordre et sans violation d'engagement. Au cas contraire, il faut que le désordre, la contrainte et la violation des contrats soient réprimés d'une manière sévère et efficace. »
Plus loin, je lis encore :
« De même encore, un concert entre maîtres ou ouvriers qui a pour but de rompre des engagements pris, et qui peut avoir des conséquences si fâcheuses dans certaines entreprises, ne paraît pas suffisamment réprimé par les lois civiles, et par les précautions édictées dans la législation sur les livrets ; une sanction pénale semble encore désirable. »
La chambre de commerce de Charleroi s'exprime d'une manière tout aussi catégorique :
« Nous estimons qu'en proclamant la liberté d'association appliquée aux intérêts matériels, il importe d'assurer les moyens d'en réprimer l'abus ; il importe surtout que la loi assure l’exécution fidèle des conventions intervenues entre les maires et les ouvriers, et réprime d'une manière efficace toutes menaces ou violences ayant pour but d'interrompre l'activité du travail, et de porter atteinte au droit de propriété ou à la liberté individuelle. »
La chambre de commerce de Namur s'exprime dans le même sens.
« Si des ouvriers inoccupés s'entendent entre eux pour ne travailler qu’à un certain prix, ils seront libres et la loi ne les attendra pas.
« Mais si, au contraire, ils sont engagés pour un temps déterminé ou s'ils ont contracté l'engagement de terminer un certain ouvrage, et que méconnaissant leurs obligations, ils s'entendent pour quitter simultanément leur tâche, alors ils sont coupables et il faut qu'ils soient punis. »
La chambre de commerce de Mons, que l'honorable M. Jamar a citée, à tort, est tout à fait du même avis ; seulement elle remettait l'examen des dispositions à introduire, sous ce rapport, à la loi sur les livrets d'ouvriers.
Voici en quels termes elle s'exprime :
« Mais, s'il est juste de restreindre, dans la mesure de ce qui est rigoureusement nécessaire, l'action des lois pénales, il est juste aussi d'assurer l’exécution loyale et complète des engagements civils entre le maître et l'ouvrier.
« Il ne faut pas que l'ouvrier puisse impunément abandonner une entreprise commencée ou quitter brusquement l'atelier, sans laisser au patron le temps nécessaire pour le remplacer. Il importe à ce point de vue, que la loi sur les livrets soit étudiée avec un soin tout particulier et que l'action des conseils de prud'hommes soit parfaitement régulière. »
Ainsi la chambre de commerce de Mons, celles de Bruxelles, de Tournai, de Charleroi et de Namur demandent que le concert, pour faire cesser le travail en violation des engagements pris, soit réprimé. La chambre de commerce de Mons ne diffère qu’en ce qui concerne la loi dans laquelle des dispositions devaient être introduites.
Le conseil supérieur d'industrie a admis les mêmes dispositions. Il est donc inexact de dire que les chefs d'industrie repoussent les dispositions proposées.
(page 1032) Les chambres de commerce les plus importantes du pays les réclament au contraire ; à Liège, il est vrai, il y a eu division sur la question.
Messieurs, l'honorable M. de Brouckere nous disait hier qu'il préférait de beaucoup le Code actuel aux propositions de la commission. Des goûts il ne faut pas discuter, mais j'avoue que je ne comprends pas cette préférence ; le Code pénal actuel établit l'inégalité entre les maîtres et les ouvriers, il comprend les faits que nous punissons, et il en comprend bien d'autres.
Je dis que le Code pénal établit l'inégalité entre maître et ouvrier, c'est cette inégalité contre laquelle on s'est récrié. La coalition simple de la part des ouvriers est punie sans que le juge ait à s'enquérir si elle est juste, légitime ou non, tandis que la coalition des maîtres n'est punie que dans certains cas et quand elle revêt certain caractère que l'autorité judiciaire a à apprécier. Sous ce rapport, il y avait des modifications à introduire pour rétablir l'égalité entre ces deux classes de citoyens.
Les dispositions que nous proposons sont donc, sous tous les rapports, moins sévères et plus justes que celles du Code actuel. Nous ne punissons plus la coalition simple, nous rétablissons l'égalité entre les ouvriers et les maîtres ; on peut même dire que nous faisons plus, que nous rompons cette égalité, mais contre les maîtres dont, dorénavant, le fait de la cessation du travail sans coalition sera atteint.
L'honorable M. de Brouckere, supputant les délais endéans lesquels les ouvriers seraient paralysés, prétendait que ces délais pouvaient être étendus à l’infini.
Il faisait un calcul d'après lequel l'ouvrier serait engagé pendant six semaines encore à dater du jour où il aurait pris la résolution de quitter l'atelier.
M. Ch. de Brouckere. - J'ai dit quatre semaines.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - D'après les renseignements que j'ai recueillis, la manière de procéder dont nous a parlé l'honorable membre, n'est pas admise ou du moins ne l'est pas d'une manière générale ; je ne veux pas dire que cela n'existe pas dans un ou l'autre établissement ; mais j'ai entendu d’honorables collègues qui appartiennent à l’industrie de Gand et de Charleroi et qui protestent contre les affirmations de l'honorable bourgmestre de Bruxelles. Un ouvrier dénonce aujourd'hui son intention de quitter l'atelier, quinze jours après on lui remet son livret, de sorte que quinze jours après avoir manifesté son intention, il peut quitter l'atelier ; on n'exige pas qu'il attende l'époque du payement, pour renoncer son engagement. (Interruption.)
Vous entendez l’honorable M. Sabatier qui vous le répète.
M. Ch. de Brouckere. - M. Sabatier dit que c'est à l'expiration de la première quinzaine qui suit la dénonciation qu'on remet le livret à l'ouvrier.
M. Sabatier. - Je demande la parole pour m'expliquer, c\st une chose très importante.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je désire continuer, je n'ai d'ailleurs plus que peu de chose à dire.
Messieurs, ce fait avait certainement son importance, il en aurait beaucoup moins d'après le nouvel amendement proposé, puisque les délais seraient fixés dans la loi.
Je termine, messieurs, en répétant que sans porter atteinte à aucune de nos libertés, dans l'intérêt de notre industrie et de notre commerce comme dans l'intérêt bien entendu des ouvriers, il y a lieu d'adopter les dispositions qui vous sont soumises.
- M. Orts remplace M. Vervoort au fauteuil.
M. Prévinaire. - Au point où en est arrivée la discussion, des trois questions que la commission avait envisagées, deux sont écartées. La commission s'était posé trois questions : celle de la suppression des peines contre la coalition simple ; 2° celle des mesures à prendre en cas de coalition accompagnée de violences, et en troisième lieu, les mesures à prendre en cas de coalition ayant pour but et pour effet la cessation du travail en violation de contrats.
Les deux premières questions me paraissent écartées et résolues de fait, en ce sens que la Chambre semble d'accord pour admettre le principe de la liberté des coalitions, qu'on est convenu d'appeler simples, et pour reconnaître en même temps la nécessité d’une répression des coalitions violentes portant atteinte à la liberté du travail.
La discussion porte donc aujourd'hui exclusivement sur le système de la commission.
Permettez-moi, messieurs, d'arrêter un instant votre attention sur ce système.
Une contradiction me paraît exister entre l'adoption du principe de la liberté des coalitions que la commission appuie et l'adoption d'un système qui déclare l'usage de la liberté de coalition subversive lorsqu'il a pour conséquence un concert ayant amené une cessation de travail en violation des contrats ou des usages admis.
J'ai peine à comprendre qu'on proclame la légitimité du droit d'association en faveur de l'ouvrier et qu'on attache le caractère d'un délit a un fait posé eu vertu de ce droit reconnu, fait qui, posé isolément, ne revêt que le caractère d'une violation d'intérêt civil. Je ne suis pas assez versé dans les questions juridiques pour discuter ce point. Toujours est-il que pour moi lorsque, dans l'exercice de son droit d'association, l'ouvrier pose un fait qui ne touche qu'à un intérét civil, et c'est là la portée d'une violation de contrat entre maître et ouvrier, il me paraît impossible de trouver une circonstance aggravante dans la circonstance que le fait a été posé par des ouvriers coalisés.
Messieurs, dans cette discussion, le contrat industriel a joué un grand rôle ; on en a argumenté comme d'une chose normale. Je crois être quelque peu familiarisé avec les usages de l'industrie, et je déclare que l'on a argumenté d'un fait exceptionnel. Je ne connais pas d'industriel qui ait prit d'engagement de la nature de ceux indiqués et je doute que beaucoup en aient exigé de leurs ouvriers.
Ceux qui invoquent aujourd'hui le respect des contrats, ceux qui insistent pour que la loi entraîne la création d'engagements formels, substitués à la liberté qui existe en fait, engagent les classes industrielles et ouvrières et le pays tout entier dans une voie périlleuse.
L'honorable M. de Theux me paraît avoir été préoccupé de ce danger, lorsqu'il s'est prononcé hier contre les contrats à longs termes, et ses observations nous ont valu une rédaction nouvelle qui définit et précise la durée des contrats que la loi a en vue.
Les contrats à longs termes seraient un acheminement vers ce principe fatal du droit au travail.
L'ouvrier dont la liberté serait enchaînée par un contrat de cette nature, dont le salaire serait en quelque sorte immobilisé en vertu d'une sanction pénale de nos lois ; celui qui dans un moment où le travail manque aurait accepté, contraint par la misère, un engagement qui le lierait alors qu'un camarade, plus heureux que lui, jouirait de la plénitude des bienfaits de la liberté et d'un salaire plus avantageux pour un travail équivalent, cet ouvrier auquel vous auriez imposé des devoirs de par la loi, quand le travail viendrait à lui manquer dans un moment de crise, ne pourrait-il pas à son tour réclamer pour lui l'intervention de la loi, et en face des devoirs accomplis pour satisfaire à une loi penale, réclamer le droit au travail ?
N'intervenons pas, messieurs, dans le domaine industriel en vue d'atténuer pour les maîtres les effets de la concurrence ; laissons ces intérêts se débattre en face de la grande loi de l'offre et de la demande.
Je vous ai donné, messieurs, mon opinion sur les effets de ces contrats industriels que le système de la commission tend à développer, par cela seul qu'elle les place sous l'égide de la loi pénale.
Fort heureusement que ces contrats n'existent pas aujourd'hui et que les industriels bien avisés y renonceront.
J'en appelle à tous les industriels.
Y en a-t-il un seul qui abdique le droit d'être maître chez lui, le droit de renvoyer, au premier instant où cela lui convient, les ouvriers récalcitrants, ceux qui troublent l’atelier, les ouvriers paresseux ? Croyez-vous que le maître se lie, s'il doit abdiquer ce droit ! Car son devoir est de sauvegarder son industrie dans l'intérêt de la classe ouvrière, comme dans l'intérêt des capitaux qu'il y applique. Le maître n'acceptera donc pas ces contrats ; il doit rester libre vis-à-vis de ses ouvriers. Si l'ouvrier s'engage, soyez-en sûrs, ce sera avec une restriction mentale, et lorsqu'il voudra reprendre sa liberté, il l'obtiendra toujours ; aucun industriel ne pourrait résister aux conséquences du mauvais vouloir de ses ouvriers fondé sur une cause aussi réelle qu'une infériorité de salaire. Sans encourir l'application de la loi pénale, un concert moral s'établira qui placera l'industriel dans l'alternative de rompre le contrat ou d'augmenter les salaires.
S'il résistait il verrait éclater, dans ses ateliers, cette révolte morale qui se traduirait par la négligence et par des circonstance cent fois plus préjudiciables pour l'industriel que la liberté que je réclame pour l'ouvrier.
Cet ouvrier quitte le travail.
M. Pirmez, rapporteur. - On ne le punit pas.
M. Prévinaire. - Comment ! il n'est pas p ni. Mais ce que je dis d'un ouvrier s'applique à quatre ouvriers, et quand quatre ouvriers voudront quitter le travail, votre loi interviendra.
M. Deliége. - Non.
M. Prévinaire. - Il n'y a pas là concert ? Il n'y a pas coalition ? Mais où commence et finit la coalition ? Est-ce quand on sera quatre ou est-ce quand on sera trois cents ?
Lorsque quatre ouvriers s'adresseront simultanément au maître et demanderont de concert un salaire supérieur, ils poseront un fait de coalition, le maître leur opposera le contrat en cours, et la loi pénale deviendra applicable.
Dans ma manière de voir, comme je le disais au début, il est impossible d'associer l'idée de la liberté de coalition avec l'idée que l'on puisse, sous prétexte de contrat, entraver la liberté de l'ouvrier.
Ce serait, en admettant, même le système des contrats réalisé, donner d'une main ce que vous enlevez de l'autre. Un point qu'il me paraît convenable de préciser, c'est celui de savoir si des ouvriers engageé dans un établissement pourront se coaliser en vue de renoncer à leur travail au terme de leur engagements sans que ce fait donne lieu à l'application de la loi. Je crois que cette coalition restera dans la catégorie des coalitions simples, à la condition, si j’ai bien compris le rapport qui nous a été fait aujourd’hui, que lle travail ne soit abandonné qu’après dénonciation préalable de l’engagement, donnée autant de jours à l’avance que la durée de l’engagement en comporte, de telle sorte que l’ouvrier (page 1033) engagé par quinzaine ne deviendrait libre que 15 jours après la dénonciation de son engagement.
Les délais ordinaires, me dit l'honorable M. Muller. Je ne connais pas les délais ordinaires ; je ne connais pas d'usages, je demande que la loi précise ; et je demande à l’honorable M. Manilius, qui m'interrompt, s'il entend, lui, s'engager, vis-à-vis d’un ouvrier dont il serait mécontent, à garder des délais ?
Je ne le pense pas et je suis convaincu que si des ouvriers lui donnent de légitimes motifs de plainte, il les renverra, comme de raison.
M. Manilius. - Je demande la parole.
M. Prévinaire. - Je répète, messieurs, qu'il est important de définir ce que l'on entend par ces délais d'usage.
Messieurs, j'ai quelque peu fait l'expérience des rapports qu'il convient d'entretenir avec les classes ouvrières et je me suis toujours félicité d'avoir établi es rapports de la manière la plus large, la plus libérale possible.
J'ai toujours trouvé que plus on laissait à l'ouvrier d'indépendance, de liberté pour débattre ses intérêts avec le maître, plus le maître avait lieu de se féliciter du travail de ses ouvriers.
Je suis donc, en principe, très grand partisan de la liberté la plus complète, et je dirai avec un honorable ami, que j'aime trop la liberté pour vouloir en enlever la plus légère parcelle à qui que ce soit.
Je répète qu'aujourd'hui les contrats véritables n'existent pas en industrie. Vous avez l'usage de payer les ouvriers, soit par semaine, soit par quinzaine, et rien de plus. Voilà la vérité dans son application générale. Aujourd'hui le maître ne se lie jamais vis-à-vis de l'ouvrier. Il conserve sa liberté complète d'appréciation. C'est un devoir pour lui, c'est la seule manière de sauvegarder son industrie.
L'honorable ministre de la justice nous disait tantôt qu'il fallait empêcher les ouvriers de se coaliser, parce que 1 exercice de ce droit est funeste à l'ouvrier.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je n'ai pas dit cela.
M. Prévinaire. - Je croyais avoir entendu exprimer cette opinion lorsque M. le ministre a exposé les conséquences funestes qu'entraîne pour la classe ouvrière la liberté de coalition.
Je déclare, au contraire, que dans ma conviction, le meilleur moyen d'empêcher les coalitions abusives, c'est d'abolir les mesures répressives.
L'exemple de l'Angleterre est là.
Les modifications que l'Angleterre a apportées à sa législation répressive n'ont sans doute pas fait disparaître immédiatement les coalitions dont ce pays a donné le long et triste spectacle ; mais un changement important s'est manifesté dans l'esprit des populations ouvrières sous l'empire de la législation nouvelle.
Je me demande pourquoi nous devons nous poser en tuteurs de la classe ouvrière et je regrette une intervention de la loi qui tend à affaiblir le sentiment de la responsabilité, que l'on devrait au contraire chercher à développer parmi nos travailleurs.
Je ne suis pas plus désireux que M. le ministre de la justice de voir des coalitions se produire ; je les considère comme funestes avant tout, et surtout à la classe ouvrière, dans leurs effets immédiats qui sont la misère et l'inconduite, et dans le déclassement des travailleurs, qui en est la conséquence.
Mais je réclame pour l'ouvrier le droit de se concerter pacifiquement avant comme après son entrée dans l'atelier, pour déterminer les conditions de son travail.
M. le ministre de la justice nous a dit, et cette fois je ne crois pas m'être trompé en prenant note de ses paroles, qu'il était important que la loi assurât au maire le concours de ses ouvriers liés à lui par un engagement, afin qu'à son tour il pût tenir ses engagements. Je dis que c’est là faire intervenir la loi dans un domaine qui devrait lui rester étranger. Assure-t-on au maître les autres éléments de sa production et pourquoi intervenir lorsqu'il s'agit d'ouvriers dont le concours est assuré moyennant une élévation des salaires ?
Le salaire de ses ouvriers n'est pas tellement variable, que cela puisse avoir une influence marquée sur le prix des produits. Un industriel peut parfaitement bien tenir ses engagements sans subir de pertes trop considérables, par suite du renchérissement qu'il éprouverait dans la main d’œuvre, et d'ailleurs se sont là des chances aléatoires auxquelles l'industrie est exposée.
Messieurs, je finis en me déclarant partisan de l'abolition pure et simple de l'article 346. Une législation répressive des coalitions est devenue un non-sens depuis que les coalitions des maîtres ont existé au vu et au su de l'autorité et sans amener la moindre intervention de sa part.
M. Manilius. - Messieurs, je n'avais pas l'intention de parler dans cette grave discussion, dans cette discussion que j'envisage comme très importante et surtout comme très délicate, mais l'observation faite par l'honorable préopinant que l'ouvrier qui dénonce la quinzaine est renvoyé immédiatement, cette observation me détermine à dire quelques mots.
Messieurs, dans les villes manufacturières des Flandres et notamment à Gand, le délai de quinzaine établi par l'usage est considéré comme un contrat et ce délai de quinzaine est très respecté. J'ajouterai que pendant le grand nombre d'années que j'exerce la profession de fabricant je n'ai jamais renvoyé un ouvrier pour avoir dénoncé sa quinzaine. Quand un ouvrier dénonce sa quinzaine, le contre-maître doit me prévenir ; j’entends l'ouvrier et très souvent il n'a d'autre motif que des changements survenus dans sa position, ce sont des considérations de famille, des malheurs ; un ouvrier perd sa femme ; il désire aller demeurer auprès de ses parents qui habitent loin de la fabrique ; on lui répond qu'il aura son livret aussitôt qu'il sera remplacé, ce qui doit toujours avoir lieu dans la quinzaine ; mais la plupart du temps l'ouvrier qui veut quitter arrive lui-même avec son remplaçant.
Les renvois d'ouvriers, messieurs, sont très rares ; presque toujours c'est l'ouvrier qui renonce à son travail, le maître ne renvoie l'ouvrier que pour inconduite.
Je crois, messieurs, que les usages que je viens d'indiquer existent à peu près partout où il y a des manufactures ; ils doivent exister à Bruxelles, l'honorable M. Charles de Brouckere pourrait nous le dire.
D'autres usages existent sans doute dans certaines usines ; il y a même des contrats écrits, mais, en général, lorsqu'il n'y a pas de conventions particulières, soit écrites, soit verbales, les usages sont considérés comme ayant la force d'un contrat.
Messieurs, je voterai pour la plus grande somme de liberté possible, en faveur de l'ouvrier comme en faveur de celui qui fait travailler ; mais il faut aussi maintenir l'ordre et je ferai tout ce qui s m a possible pour le sauvegarder tant à charge l'un que de l'autre.
M. Nothomb. - Messieurs, je n'abuserai pas de votre patience et je n'ai que deux mots à dire. Je tiens seulement à expliquer pourquoi je dois maintenir vis-à-vis des divers amendements la position que j'ai prise en déposant celui que j'ai eu l'honneur de vous soumettre avec d'honorables collègues
Je constate d'abord avec une véritable satisfaction que chaque modification qui se produit d'une séance à l'autre est un pas de plus que nos contradicteurs font vers notre système, c'est un hommage indirect et timide, rendu à la bonté du principe que nous défendons ; si incomplet qu'il soit, c'est toujours quelque chose, et à ce titre, nous devons le signaler.
Aussi, quoi qu'il arrive et quelle que soit la rédaction qui désormais prévale, ce sera finalement un progrès et les efforts de mes honorables collègues et les miens n'auront pas été entièrement perdus ; dans l'amélioration qui va avoir lieu, nous avons donc le droit de revendiquer une large part.
Je ne puis toutefois, messieurs, me rallier ni à l'amendement de M. Sabatier ni à celui de M. Muller, pas même à celui dont l'honorable comte de Theux a donné l'idée hier, parce qu'il reste, entre le système que j'ai soutenu et le système de ces divers amendements, une différence essentielle : ces amendements, sous quelque forme qu'ils se produisent, laissent debout le principe de l'article 346 du projet.
Ce principe, vous le savez, messieurs, c'est la punition comme délit de la simple rupture d'une convention civile. Que le délai soit de six semaines ou de quinze jours, peu importe, le principe que nous soutenons est violé, et dès lors nous ne pouvons pas admettre la disposition.
Dans l'amendement qui s'est produit en dernier lieu et que la commission a adopté, je ne puis m'empêcher de trouver quelque chose d'insolite, je dirai même de bizarre : si je comprends bien cet amendement, on punira comme délit la rupture d'un contrat qui n'excédera pas une durée déterminée, et quand cette durée sera dépassée, cette même non-exécution du contrat ne sera plus punissable. On punira de 6 mois d'emprisonnement la violation d'un engagement de 15 jours et on ne sévira pas contre la violation d'un engagement d’une durée plus longue ; délit en deçà, tolérance au-delà.
Voilà, je dois le dire, une morale bien capricieuse, une nuance que, pour ma part, je ne saisis pas, et qui me paraît renfermer quelque chose de bien illogique.
Mais le plus grand reproche que je fais au projet de la commission et qui s'applique à toutes les rédactions proposées, c'est qu'on y persiste à consacrer une inégalité manifeste entre les maîtres et les ouvriers ; or, c'est l'égalité que je veux avant tout voir établir par la loi nouvelle.
Lisez, messieurs, la rédaction que la commission a donnée à l'amendement de M. Muller, rédaction reproduite dans le dernier travail dont l'honorable rapporteur nous a donné lecture. J'y vois que le maître n'est puni que lorsqu'il y a cessation générale du travail et que les ouvriers sout punis lors même qu'il n'y a que cessation partielle du travail. Pourquoi cette différence ?
Je prends des exemples pour mieux faire comprendre ma pensée. Je suppose qu'un chef d'industrie cesse le travail trois jours sur six ; ce n'est pas une cessation générale du travail et ce chef d'industrie ne sera point puni. Je suppose, au contraire des ouvriers qui veulent réduire le travail de 10 heures par jour à 8 heures ; c’est une cessation partielle et ces ouvriers seront punis. N est-ce pas une flagrante inégalité ?
Plus loin, dans la rédaction que j'ai sous les yeux, il est de « cas de force majeure » en ce qui concerne les chefs d'industrie. Cette expression, messieurs, me paraît extrêmement vague, singulièrement élastique ; dans bien des cas elle fera excuser ou justifier le patron, tandis que l'ouvrier n'aura pas ce moyen de justification et tombera sous le coup de la loi pénale.
(page 1034) Je suppose qu'il y ait un renchérissement des matières premières, subit ou à peu près ; sera-ce un cas de force majeure ? Il éclate une crise financière, sera-ce un cas de foi ce majeure ? Ne pourra-t ou pas, dans ces deux cas, excuser le patron ? Je suppose maintenant qu'il y ait une crise alimentaire ou bien, si vous m'objectez qu'une crise alimentaire peut se prévoir quelque temps à l'avance, je suppose l'invasion d'une maladie contagieuse qui exige de plus grandes dépenses, qui met l'ouvrier aux prises avec la misère, sera-ce un cas de force majeure pour l'ouvrier réclamant un meilleur salaire, et sera-il également justifié ? et s'il ne l'est pas, n'est-ce pas une cruelle inégalité ?
Ce qui me paraît donc ressortir trop clairement de cette rédaction, c'est qu'elle maintient l'inégalité entre le chef d'industrie et l'ouvrier. C'est contre cela que je me suis élevé. Je veux le droit commun pour tout le monde et en toute chose.
Je ne veux de droit exceptionnel ni pour personne ni contre personne. Hors de là il n'est point de liberté réelle.
Quoi que l'on en puisse dire, messieurs, je ne puis, en terminant, m'empêcher de signaler et de regretter dans le projet une atteinte au principe qu'il faut entourer du plus religieux respect. Je veux conserver dans toute son intégrité ce qui est pour moi la plus grande, la plus chère des conquêtes de l'esprit moderne, la seule peut-être qui puisse momentanément consoler de la perte des autres, celle pour laquelle nos pères ont tant lutté, tant souffert, l'égalité dans le droit, l'égalité dans la répression, eu un mot, l'égalité devant la loi.
C'est pourquoi je voterai contre le projet de la commission et tous les amendements qu'elle nous a successivement soumis.
- La discussion sur l'article 346 est mise aux voix et prononcée.
Il n'y a pas d'amendement sur l'article 346, en dehors de la nouvelle rédaction proposée par la commission.
M. le président. - Les amendements de MM. Sabatier et Muller ont été fondus dans cette rédaction ; ces messieurs ont déclaré dès lors retirer leurs amendements il y a deux autres amendements, présentés l'un par M. Guillery, l'autre par M. Nothomb ; M. Guillery demande la suppression de l'article 346 ; le second amendement tend au même but.
Je mets aux voix la nouvelle rédaction que la commission propose pour l'article 346.
- La clôture est demandée.
M. Guillery (sur la clôture). - La demande de clôture s'applique-t-elle à la fois aux deux articles 346 et 348 ?
M. le président. - A l'article 346 seulement ; il y aura une discussion et un vote spécial sur l'article 348.
M. Guillery. - En ce cas, je ne m'oppose pas à la clôture sur l'article 346 ; je demanderai la parole sur l'article 348.
M. Nothomb (sur la position de la question) - Il me semble qu'il faudrait mettre d'abord aux voix les amendements, sinon vous allez embarrasser les membres qui seraient disposés à voter de préférence tel ou le tel amendement sauf à se reporter plus tard sur la dernière proposition de la commission.
M. le président. - Mais les deux articles tendent à la suppression de l'article 346 ; donc en votant contre la nouvelle rédaction de la commission, on votera sur les amendements.
M. Pirmez, rapporteur (sur la position de la question). - Toute la portée de la proposition de l'honorable M. Nothomb est celle-ci : c'est qu'au lieu de mettre aux voix l'adoption de l'article 346, on doit mettre aux voix la suppression de cet article.
M. le président. - Si personne ne demande plus la parole sur la position de la question, je mets aux voix l'article 346 (nouvelle rédaction de la commission).
- Des membres. - L'appel nominal.
- Il est procédé à cette opération.
85 membres répondent à l'appel nominal.
57 répondent oui.
28 répondent non.
En conséquence, l'article 346 est adopté.
Ont répondu oui : MM. Koeler, Lange, Laubry, J. Lebeau, Magherman, Manilius, Mercier, Moncheur, Moreau, Muller, Nélis, Neyt, Orban, Pirmez, A. Pirson V. Pirson, Rogier, Royer de Behr, Sabatier, Saeyman, Tack, Tesch, Thienpont, E. Vandenpeereboom, Vanderstichelen, Van Iseghem Van Leempoel, Van Volxem, Vervoort, Wasseige, Allard, Ansiau, Carlier Crombez, Dautrebande, de Baillet-Latour, de Bast, de Boe, Dechamps, de Florisone, de Gottal, Deliége, de Mérode-Westerloo, de Moor de Paul, de Rongé, de Terbecq, de Theux, d'Hoffschmidt, Dolez, d'Ursel, Faignart, Frère-Orban, Grandgagnage, Jacquemyns, J. Jouret et M. Jouret.
Ont répondu non : MM. Landeloos, Nothomb, Prévinaire, Rodenbach, Snoy, Vanden Branden de Reeth, Vander Donckt, Vermeire, Verwilghen, Beeckman Ch. de Brouckere, Dechentinnes, De Fré, De Lexhy, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Montpellier, de Naeyer, de Portemont, B. Dumortier, H. Dumortier, Goblet, Grosfils, Guillery, Hymans, Jamar, Janssens et Orts.
« Art. 347. Toute coalition de la part des ouvriers ou d'autres personnes chargées d'un travail salarié, soit pour suspendre, empêcher ou faire enchérir injustement ou arbitrairement les travaux, soit pour les interdire à ceux qui ne feraient pas partie de telle ou telle association, si elle est suivie d'un commencement d'exécution, sera punie d'un emprisonnement d'un mois au moins et de trois mois au plus.
« Les chefs ou moteurs seront punis d'un emprisonnement de trois mois à un an. »
- La commission, d'accord avec le gouvernement, propose la suppression de l'article 347.
L'article 347 est supprimé.
« Art. 348. Sera punie des mêmes peines toute personne qui aura commis des violences, prononcé des injures, des menaces, des amendes, des défenses, des interdictions ou toute proscription quelconque, soit contre ceux qui travaillent, soit contre ceux qui font travailler, et qui seraient attentatoires à la liberté du travail.
« Il en sera de même de tous ceux qui par des rassemblements près des établissements où s'exerce le travail ou près de la demeure de ceux qui le dirigent, auront porté atteinte à la liberté des maîtres ou des ouvriers. »
M. le président. - A cet article se rattache un amendement présenté par M. Guillery.
L'amendement de M. Nothomb au même article est venu à tomber.
L'amendement de M. Guillery est ainsi conçu :
« Art. 348. Seront punis d'une amende de vingt-six à cent francs et d'un emprisonnement de huit jours à trois mois, ou de l'une de ces peines seulement :
« Toute menace ou injure adressée, dans un rassemblement de plus de vingt personnes, à des ouvriers ou à ceux qui font travailler ; toute violence exercée contre les mêmes personnes ; tout rassemblement près des établissements où s'exerce le travail ou près de la demeure de ceux qui le dirigent, lorsque ces faits auront porté atteinte à la liberté des maîtres ou des ouvriers.
« Ces peines pourront être élevées jusqu'à mille francs d'amende et jusqu'à six mois d'emprisonnement à l'égard des chefs ou moteurs. »
M. Guillery. - Messieurs, j'attache plus d'importance à l'article 348 qu'à l'article 346.
Je reconnais que, malgré les dissentiments de principe qui m'ont amené à voter contre ce dernier article, il a subi de très notables améliorations. Mais l'article qui touche le plus directement au droit d'association, à la liberté d’association est l'article 348. Cet article (projet de la commission) est ainsi conçu :
« Sera punie des mêmes peines toute personne qui aura commis des violences, prononcé des injures, des menaces, des amendes, des défenses, des interdictions ou toute proscription quelconque, soit contre ceux qui travaillent, soit contre ceux qui font travailler, et qui seraient attentatoires à la liberté du travail.
« Il en sera de même de tous ceux qui par des rassemblements près des établissements où s'exerce le travail ou près de la demeure de ceux qui le dirigent, auront porté atteinte à la liberté des maîtres ou des ouvriers. »
Voilà donc la peine de huit jours à trois mois d'emprisonnement et de 26 fr. à 1,000 fr. d'amende, peine portée au double à l'égard des chefs ou moteurs, prononcée contre le seul fait d'avoir fait une défense, d'avoir fait une interdiction attentatoire à la liberté du travail. Serait-elle attentatoire à la liberté du travail, une interdiction par laquelle dans une société d'ouvriers on déclarera que celui qui, dans telle ou telle circonstance, travaillera dans tel ou tel atelier sera déchu de ses droits de sociétaire, exclu de la société.
Je suis convaincu que par ce système on arrivera à punir non seulement les coalitions, mais les associations les plus innocentes. J'en trouve la preuve dans un exemple cité par l'honorable M. Jamar, dans une précédente séance ; je veux parler des poursuites qui ont eu lieu à Bruxelles contre les ouvriers typographes qui s'étaient coalisés pour demander qu'on donnât dans leur atelier le même salaire que dans les autres. C'était une chose parfaitement juste ; ils ont été punis pour avoir fait des interdictions, « attendu, dit le jugement, que c'est vainement encore qu'on prétend qu'à défaut de menaces ou de pénalités, les interdictions dont il s'agit ne peuvent être rangées sous l'application de l'article 416 du Code pénal... »
Il y avait interdiction de la part des associés à leurs coassociés d'aller travailler dans un établissement typographique parce que cet établissement ne donnait pas, suivant eux, un salaire convenable.
Le jugement qui condamne ces hommes reconnaît « que les prévenus, en désertant les ateliers ont eu particulièrement en vue la généralisation d'une mesure reconnue juste par la plupart des patrons et dont l'application partielle plaçait certains maîtres dans une position de faveur vis-à-vis des autres ;
« Attendu que si l'on considère d'un autre côté que tous les prévenus ont des antécédents honorables et sont signalés comme des ouvriers (page 1035) paisibles et honnêtes, et que la coalition dont ils sont prévenus n'a été la cause d'aucun désordre apparent... »
Ce n'est pas le seul jugement rendu en matière de coalition qui se termine par des considérants semblables.
Si nous devons respecter le droit d'association, c'est surtout quand il est invoqué par des ouvriers qui formeront des associations ayant le but le plus honorable, le but de secourir ceux qui souffrent, les malades, les veuves, les orphelins des associés et ceux qui momentanément se trouveraient sans ouvrage. Voilà la base de la plupart des associations ouvrières donut j'ai pu avoir connaissance.
C'est ordinairement l'élite de la classe ouvrière dans chaque partie qui a l'idée de ces sociétés et les forme. Le premier principe qu'on insère dans le règlement des statuts, c'est l'exclusion de tout homme qui manquerait aux lois de l'honneur et de la probité de quelque manière que ce soit. Voilà pourtant des associations impossibles avec l'article 348, tel qu'il est proposé. Je défie qu'on me cite une association de ce genre où il ne soit pas question d'amendes, de défenses, d'interdiction contre ceux qui travaillent ou font travailler. L'exécution de leurs statuts, si le but est sérieux doit entraîner certaines interdictions.
M. le ministre de la justice a dit : On ne peut pas s'associer en vue d'un fait illicite. Mais ici il s'agit d'un fait parfaitement licite. Je n'admets pas, du reste, qu'on ne puisse pas s'associer pour un fait illicite ; ce qui est prohibé, c'est le fait lui-même et non l'association ; le droit d'association n'est limité en quoi que ce soit ; ce qui est licite pour l'individu est licite pour l'association, tout fait qui ne tombe pas sous la loi pénale étant posé par un individu, est permis à l'association.
Quand la Constitution a proclamé les principes fondamentaux sur lesquels reposent la liberté d'association, la liberté d'enseignement et la liberté des cultes, elle n'a voulu aucune espèce de contrôle de la part de l'autorité ; elle est allée jusqu'à permettre les abus ; elfe n'a pas voulu permettre le contrôle de l'autorité, parce qu'elle a craint que ce ne fût une brèche par laquelle entrerait l'arbitraire.
Quand on a proclamé la liberté d’enseignement, ce n'a pas été pour favoriser un enseignement immoral ; quand on a proclamé la liberté d'association, ce n'a pas été pour permettre l’association dans le but d'arriver au renversement de nos institutions ; mais le législateur n'a pas voulu poser de limite à ces droits, parce qu'ils n'ont pas voulu du contrôle de l'autorité, ils n'ont pas voulu qu'on pût invoquer dans notre pays, comme on le fait dans d'autres, les nécessités d'ordre pub lie. Pour justifier l’article 291 du Code pénal, qui limite à vingt personnes les réunions, quels motifs d'intérêt public, de nécessité publique a fait valoir le rapporteur au corps législatif ?
En 1834, quand sous une charte plus libérale on a trouvé que les articles du Code pénal n'étaient pas suffisants, qu'il fallait les renforcer, que disaient MM. Martin (du Nord) et Girod de l'Ain ? Tout ce qu'on peut dire pour restreindre le droit d'association, qu'il n'est permis en quoi que ce soit de restreindre ; les libertés sont toutes sur la même ligne.
D'après notre Constitution la liberté d'association, comme la liberté d'enseignement et la liberté des cultes, est illimitée. Sans doute il vaudrait mieux que le législateur pût réprimer tous les faits illicites.
Si un fait se présente avec un caractère peu favorable au progrès industriel dans l’exercice du droit d’association, il serait désirable qu’on pût l’empêcher ; mais on s’est plus défié du contrôle du gouvernement, du législateur même que de la liberté, c’est pour cela qu’on a posé le principe d’une manière absolue.
Qu'il s'agisse d'une association ouvrière, ou de toute autre, on ne peut punir que des actes contraires à l'ordre public.
Je comprendrais que, comme le fait le Cercle commercial et industriel de Gand, dont on ne contestera cènes pas la compétence, l'on considérât la coalition comme uue circonstance aggravante de tout délit ; mais ce que je ne puis comprendre, c'est que l'on crée des délits là où il n'y a qu'un acte parfaitement licite et parfaitement moral.
Ici l'on n'a pas seulement eu vue la coalition ; le législateur va plus loin. Il propose de punir toute défense dans un but de cessation de travaux ; et il n'exige même pas que cette défense soit faite par une coalition, par une société.
Ainsi un ouvrier interdira à un autre de travailler ; cette interdiction sera punie de 8 jours à 6 mois d'emprisonnement, si l'ouvrier est considéré comme chef ou moteur, ou tout au moins de 8 jours à 3 mois d'emprisonnement, et de 26 à 1.000 fr. d'amende.
D'après mon amendement, en ne punit que les faits coupables en eux-mêmes.
« Seront punis d'une amende de 26 à 100 francs et d'un emprisonnement, de 8 jours à 3 mois, ou de l'une de ces peines seulement :
« Toute menace ou injure adressée dans un rassemblement de plus de vingt personnes, à des ouvriers ou à ceux qui font travailler. »
(J'ai admis cette exception, parce que je comprends qu'une menace ou une injure adressée à des ouvriers dans un rassemblement dans le but d'attenter à la liberté du travail, et quand elle a réellement attenté à cette liberté, peut avoir un caractère dangereux.)
« Toute violence exercée contre les mêmes personnes ; tout rassemblement près des établissements où s'exerce le travail ou près de la demeure de ceux qui le dirigent, lorsque ces faits auront porté atteinte à la liberté des maîtres ou des ouvriers.
« Ces peines pourront être élevées jusqu'à mille francs d'amende et jusqu’à six mois d'emprisonnement à l'égard des chefs ou moteurs. »
Mon amendement satisfait à tout ce qu'exige la protection du travail. Lorsque la menace ou l'injure se produit dans un rassemblement, comme elle peut intimider le travailleur, elle sera punie ; si elle porte atteinte à la liberté du travail : mais j'exige qu'elle porte atteinte à la liberté du travail et non pas qu'elle soit attentatoire à cette liberté ; car c'est là une expression tellement vague, qu'elle prête à toutes les interprétations.
Ainsi, un ouvrier défendra à un autre d'aller à l'atelier. Evidemment cette interdiction est attentatoire à la liberté du travail, si elle est considérée comme sérieuse, puisqu'elle a pour but d'empêcher l'ouvrier de se rendre où il irait sans la défense. Ce mot est donc beaucoup trop vague pour figurer dans une loi pénale. Il faut que le fait ait réellement entravé la liberté du maître ou de l'ouvrier.
Dans le droit commun, la menace n'est punie que lorsqu'elle se rapporte à des faits d'une gravité extraordinaire. Cependant, d'après mon amendement, elle sera punie, parce que, vu le rassemblement, elle peut présenter un caractère d'intimidation.
L'injure n'est pas punie dans le droit commun. J'admets une aggravation dans le cas de rassemblement et d'atteinte à la liberté.
Je reconnais qu'il faut protéger l'ouvrier contre la tyrannie des autres ouvriers. Il ne faut pas admettre que ceux qui se coalisent pour cesser le travail, aient recours à des moyens qui forcent leurs camarades à le quitter eux-mêmes. Ce n'est pas l'usage d'un droit, c'est l’abus de la force. Je ne veux pas de la tyrannie du maître sur l'ouvrier ; mais je ne veux pas non plus de la tyrannie de l'ouvrier sur l'ouvrier, qui est cent fois plus cruelle, cent fois plus à craindre.
C'est une tyrannie qui vit avec le travailleur, qui ne le quitte pas, qui est à ses côtés jour et nuit pour ainsi dire ; c'est une tyrannie odieuse. Ceux qui veulent continuer à travailler doivent être protégés. Mais il me semble qu'ils seront efficacement protégés par les mesures que je propose.
Je ne vois pas qu'une simple défense, une simple interdiction puisse porter atteinte à la liberté du travail ; elle ne la gêne que relativement.
J'emploie l'exemple que j'ai déjà cité. Des ouvriers typographes forment une association ; ils décident qu'il est défendu d'offrir ou d'accepter du travail dans tel atelier sous peine d'être exclu de la société. L'ouvrier peut néanmoins le faire. Il ne tient qu'à lui de quitter la société, il est parfaitement libre. C'est une sanction sans laquelle il n'y a pas d'association.
Dès que nous permettons la coalition simple, et que par l'article 346, nous ne punissons que les ruptures de contrats, il me semble que nous ne pouvons pas punir une simple interdiction. Il faut que l'article 348 soit en rapport avec l'article 346.
En résumé je crois que s'il faut considérer certains fait comme délits, il faut se garder de créer des délits en dehors du droit commun, et surtout de porter atteinte au droit illimité d'association.
M. Pirmez. - Messieurs, je puis être très court. J'ai indiqué déjà les bases de l'article que nous discutons.
L'honorable M. Guillery vient de nous dire qu'il n'y a pas de plus odieuse tyrannie que celle de l'ouvrier sur l'ouvrier.
Nous le pensons avec lui, et c'est pour proscrire énergiquement cette tyrannie que nous frappons tous les faits qui pourraient la constituer.
On l'a dit souvent, il n'y a pas de droit contre le droit ; de même, il n'y a pas de liberté contre la liberté. Dès que l'acte de l'un entrave la libre action de l'autre, il n'y a plus d'usage de la liberté, mais attentat à la liberté.
Allons-nous trop loin dans la répression que contient notre article ? Faut-il resserrer dans des limites plus étroites cette répression, en modifiant l'article par l'amendement proposé ?
Evidemment non, et voici pourquoi :
Nous ne punissons aucun fait qui ne soit attentatoire à la liberté ; ces termes forment une condition essentielle de l'article.
Ainsi de deux choses l'une : ou les faits indiqués ne seront pas attentatoires à la liberté ou ils le seront.
S'ils ne le sont pas, les tribunaux doivent absoudre.
S'ils le sont, peut-on désirer qu'une peine ne soit pas encourue ?
Mais ne serait-ce pas un renversement complet des idées justes que de penser protéger la liberté en exemptant de la peine des faits attentatoires à la liberté ?
Notre honorable collègue nous demande : Mais pourquoi n'exigez-vous pas que l'atteinte à la liberté ait été portée ? La raison en est simple.
C'est surtout sur la nature des faits commis et non pas tant sur le résultat qu'il faut fonder la peine ; celle-ci peut dépendre de circonstances complètement étrangères à l’agent. Si des menaces très graves sont adressées à un homme d'une grande force, d'une grande énergie de caractère, elles manqueront leur effet, sans évidemment cesser d'être punissables.
Voyons maintenant plus en détail la différence qui nous sépare avec M. Guillery.
D'abord l'honorable membre ne veut frapper l'injure et la menace que lorsqu'elles se produisent dans un rassemblement de plus de vingt personnes.
(page 1036) Quant à l'injure, j'avoue qu'a mon sens personnel une nécessité de peine absolue et entière n'existe pas. Mais je crois qu'avec la restriction que je viens d'indiquer, à savoir qu’elle n'est punie que lorsqu’elle est attentatoire à la liberté, la peine est sans inconvénient parce qu'elle ne peut être appliquée qu'aux injures qui en réalité seront une espèce de flétrissure pour des faits passés ou une sorte de menace pour des faits futurs.
Quant à la menace, elle peut avoir, bien qu'elle ne soit pas publique, un caractère de gravité toute particulière. J'avais l'honneur de vous citer hier les faits qui se passent en Angleterre, où des associations puissantes portent des condamnations terribles et, qui plus est, trouvent des agents pour les exécuter. Eh bien, je suppose qu'un émissaire d'une de ces associations menace de la peine de mort les ouvriers qui ne quittent pas tel travail.
M. Guillery. - Cela est prévu par le droit commun.
M. Pirmez. - L'observation est juste pour ce cas ; mais mon argument subsiste si l'on suppose un mal qui ne constitue pas un crime de premier ordre. La menace faite dans les circonstances que j'indique n'est-elle pas aussi et même plus grave que si elle était publique ? Je passe à d'autres faits, aux défenses, interdictions, proscriptions.
Mais je suppose, messieurs, que des décisions semblables à celle que j'ai indiquée soient prises dans le comité directeur d'une association, je suppose que la mort même d'un homme soit décidée, ii n'y a pas aujourd'hui de peine contre une semblable décision, quelque précise qu'elle soit !
Ne serait-il pas imprudent de laisser des associations puissantes porter des atteintes semblables à la liberté ?
Je crois que les entendes peuvent avoir aussi leur danger.
L'honorable M. Guillery nous a fait l'éloge des associations.
D'abord, nous permettons de la manière la plus entière toute espèce d'association.
Mais remarquez bien que si l’ouvrier peut ère retenu dans une association par des peines sévères, en sorte qu’une fois engagé, il ne puisse plus s'en retirer, vous arrivez à l'anéantissement complet de la liberté du travail. Vous autorisez le rétablissement des anciennes corporations, non pas seulement avec tous leurs inconvénients, mais avec des résultats beaucoup plus graves. Les corporations avaient leur raison d'être, elles étaient une force opposée et la résistance nécessaire à d'autres forces qui ont disparu, elles se faisaient même entre elles mutuellement contre-poids. Aujourd'hui la société est divisée à l'infini, le morcellement des forces sociales est complet. Introduire des corporations isolées, c'est compromettre l'équilibre des éléments constitutifs de la société.
Une dernière remarque.
J'ai fait connaître hier à la Chambre les dispositions de la loi anglaise ; elles sont bien plus rigoureuses que celles que nous proposons de voter.
La Chambre peut adopter l'article qui lui est soumis avec la conviction qu'il n'est qu'une nécessaire protection donnée à la liberté.
M. Sabatier. - Messieurs, au risque d'être accusé de vouloir introduire de nouveaux délits dans le Code, je dois entretenir la Chambre d'un fait non prévu dans l'article en discussion et pouvant cependant porter une grave atteinte à la liberté du travail. Je suppose que des ouvriers, après s'être entendus pour réclamer de leur maître une augmentation de salaire, ne voient pas leur demande accueillie et qu'en rentrant dans leur atelier ils brisent un ou plusieurs outils et par là forcent le chômage de l'atelier. Certes ils auront causé un préjudice énorme au maître et à tous les autres ouvriers ; la pénalité prononcée contre eux ne sera pourtant pas autre que celle prévue pat l'article 479 et ne sera relative qu'à l'atteinte portée à la propriété mobilière, c'est-à-dire que le délit dont je parle ne sera puni que d'une amende de 10 à 15 francs.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Ce cas doit être prévu dans un autre titre.
M. Sabatier. - Nullement ; il pouvait être prévu au titre IX, article 631 ; mais il n'y est fait mention que des ruptures de machines à vapeur, et dans celles-ci ne sont pas compris les outils. Dès lors, messieurs, il devient urgent d'aviser. Un amendement à l'article 348 n'est cependant pas indispensable, puisque en assimilant les outils aux machines à vapeur, le délit que je prévois sera suffisamment puni, et qu'en présence de la gravité de la peine prononcée par l'article 631, il est superflu d'en édicter une autre spéciale aux conséquences d'une coalition.
Mon intention en prenant la parole est donc de prier la commission de révision du Code pénal de modifier dans le sens que je viens de dire l'article 631. Et remarquez-le bien, messieurs, il ne s'agit pas ici de faits seulement à prévoir ; je fais allusion à des faits qui se sont passés. L'un entre autres est assez grave pour que j'en dise deux mots : Un contremaître d'un établissement situé tout près de Bruxelles a été pris brisant nuitamment les dents d'un engrenage, entraînant par cette destruction d'outil le chômage de l'usine. La seule condamnation qui l'ait atteint est de 15 fr. d'amende. Cette condamnation serait la même aujourd'hui encore si, je le répète, l'article 631 ne recevait pas plus d'extension. Sauf cette observation, je voterai pour l'article 348.
M. Pirmez, rapporteur. - La commission prendra bonne note de l'observation de l'honorable M. Sabatier. Je crois en effet que l'article 631 doit être rédigé de manière à prévoir le cas dont il parle ; nous examinerons la question.
M. Guillery. - Je regrette de ne pouvoir admettre les objections de M. le rapporteur. Sans doute, je reconnais avec lui et je l'ai déclaré, qu'on ne saurait mettre trop de soin à défendre la liberté du travail, la liberté d'association, la liberté de l'ouvrier. Mais je ne vois pas pourquoi cette liberté du travail est l'objet d'une sollicitude dont, je l'avoue, je crains un peu les ardeurs. Est-ce que la liberté de la presse est protégée d'une manière si extraordinaire ? Cependant, c'est la plus précieuse de toutes les libertés. Est-ce qu'un homme qui aura, par une semblable défense, par une semblable interdiction, empêché d'acheter tel livre, tel ouvrage, de s'abonner à tel journal, sera puni ? Est-ce que l'idée viendrait à quelqu'un de protéger ainsi les journaux ? On ne les protège même pas en réalité contre des faits beaucoup plus graves et beaucoup moins justifiables.
Je ne vois d'atteinte véritable portée à la liberté du travail que dans les faits qui peuvent exposer celui auquel ils s'adressent. On a parlé des associations anglaises D'abord, nous n'en avons pas, et nous n'en aurons pas de semblables. Mais enfin le Code pénal a prévu ce cas. Il a prévu les menaces de mort. Ces menaces sont réprimées et même, dans certains cas, elles sont réprimées par la condamnation aux travaux forcés à temps. Aussi, il ne peut pas être question de régir des cas semblables.
Du reste, je reconnais que la menace est punissable et je la punis dans certains cas.
Vous serez exclu d'une société, dont tout le monde peut sortir du jour au lendemain, revient à dire : Vous aurez un franc ou 2 francs d'amende ; lorsque la menace n'est pas même sanctionnée par une amende ; lorsque Interdiction n'est sanctionnée par quoi que ce soit, lorsqu'il n'y a qu'une simple interdiction consistant à dire : Je vous défends de faire cela ; ce fait peut-il être puni de trois mois d'emprisonnement ?
Véritablement, messieurs, je ne comprends pas, ma raison se refuse à comprendre de pareilles choses.
On dit qu'il ne s'agit que d'interdictions attentatoires à la liberté du travail, mais dans la pensée de la commission, d'après les idées développées dans le rapport et qui ont été reproduites dans la discussion, l'interdiction sera attentatoire à la liberté du travail dans le cas que je viens d'indiquer. Lorsqu'un ouvrier dira à un autre ouvrier : « Je vous défends de travailler dans tel atelier, » cette interdiction, dépourvue de toute espèce de sanction, sera considérée comme attentatoire à ia liberté du travail.
Je dis, messieurs, que ces mots « attentatoire à la liberté du travail » n'ajoutent rien à l'article du Code pénal actuellement en vigueur. Cet article dit simplement « défense ou interdiction », mais il est bien évident que ces mots ne peuvent s'appliquer qu'au cas où un ou plusieurs ouvriers ont dit à un ou à plusieurs autres : Nous vous défendons d'aller travailler dans tel ou tel atelier. Eh bien, cette défense est par elle-même attentatoire à la liberté du travail, mais elle ne porte pas nécessairement atteinte à cette liberté, et c'est là une très grande différence.
Il ne faut pas supposer des puérilités. Il ne faut pas supposer que les ouvriers sont des enfants et que leur liberté est opprimée par cela seul qu'on leur dit : Je ne veux pas que vous fassiez telle chose. Leur liberté se trouve opprimée comme notre liberté à tous est chaque jour opprimée par des contrats, par des règlements, par le contact avec d'autres personnes, comme ma liberté est opprimée parce que je fais partie du Cercle artistique et littéraire et que je dois payer 5 francs lorsque je ne me rends pas à la réunion annuelle.
Lorsque, dans une société d'ouvriers, il est interdit de faire telle chose sous peine d'un franc d'amende, celui qui viole l’interdiction doit payer un franc, mais en payant ce franc on fait ce qu'on veut. On peut d'ailleurs se retirer de la société quand on le juge convenable. ; cela ne porte donc nullement atteinte à la liberté.
Il est certain que ces mots « attentatoire à la liberté du travail » sont les plus vagues que l'on puisse employer et que les tribunaux les appliqueront de manières tout à fait différentes. Il est très probable que si l'honorable rapporteur était juge, il les appliquerait tout autrement que je ne le ferais si j'avais l'honneur de siéger dans un tribunal.
Les lois pénales doivent être précises, et la commission l'a parfaitement compris dans une autre partie de son travail.
Le deuxième paragraphe prévoit un fait que je loue la commission d'avoir puni, c'est le fait de former des rassemblements près de l'établissement où s'exerce le travail ; mais ici on ne parle pas de rassemblements attentatoires à la liberté du travail, on exige qu'il ait été réellement porté atteinte. Vous avez là exigé le fait comme la loi exige le fait en toute circonstance, comme, par exemple, pour punir la tentative, elle exige qu'il y ait eu un commencement d'exécution.
Comme la commission, je veux punir ce rassemblement parce qu'il est clair que quand ou délibère avec 1,500 ouvriers devant sa porte on n'est pas aussi libre que quand on délibère à l'abri de toute espèce de pression. Mais si j'admets cette disposition, c'est parce qu’elle dit « qui auront porté atteinte à la liberté des maîtres ou des ouvriers », et qu’on ne se sert pas de ces expressions si élastiques : « attentatoire à la liberté du travail. »
Maintenant, messieurs, pour les défenses et les interdictions, je (page 1037) n’admettrais pas même les expressions que je viens d'approuver en ce qui concerne les menaces et les rassemblements.
En effet, je nie que ces défenses et ces interdictions puissent jamais porter atteinte à la liberté de personne, à moins, je le répète, que l'on ne considère les ouvriers comme des enfants qui se laissent intimider par de simples paroles.
Si la défense ou l'interdiction résulte d'un contrat, de deux choses l'une : ou bien l'objet du contrat est licite et alors la loi n'a pas à intervenir, ou bien l'objet du contrat n'est pas licite et alors il est nul de plein droit il ne lie pas ceux qui l'ont conclu. Dms le premier cas, l'ouvrier a usé de son droit et vous ne pouvez pas le punir pour avoir usé de son droit ; dans le second cas il a fait une chose sans valeur et qui, par conséquent, ne peut porter atteinte ni à la liberté, ni à quoi que ce soit.
Mais c'est bien réellement l'usage d'un droit que vous voulez punir. Le grand argument qu'on a fait valoir à l'appui de l'article 346, c'est qu'on ne punissait qu'une chose illicite, la violation d'un contrat. Dans l'opinion des adversaires de cet article, la violation d'un contrat n'est pas un délit, c'est un quasi-délit ; mais ici il n'y a pas même de quasi-délit. Ces défenses, ces interdictions ce sont des faits qu'on a le droit de poser en vertu du droit civil et en vertu du droit d'association ; ce sont des faits licites et vous n'avez pas le droit de punir des faits licites.
Je crois, messieurs, qu'il est inutile d'insister plus longuement sur ces principes, mais je déclare, quant à moi, que l'article dont il s'agit a beaucoup plus d'importance à mes yeux que l'article 346, qui a cependant eu l'honneur de quinze jours de discussion.
- Il est procédé au vote par appel nominal sur l'amendement de M. Guillery.
81 membres sont présents.
18 adoptent.
62 rejettent.
1 (M. Carlier) s'abstient.
En conséquence, l'amendement n'est pas adopté.
Ont voté l'adoption : MM. Landeloos, Prévinaire, Rodenbach, Vander Donckt, Beeckman, Dechentinnes, De Fré, De Lexhy, de Liedekerke, de Naeyer, de Rongé, B. Dumortier, d'Ursel, Goblet, Grosfils, Guillery, Hymans et Orts.
Ont voté le rejet : MM. Koeler, Lange, Laubry, J. Lebeau, Magherman, Manilius, Mercier, Moncheur, Moreau, Muller, Nélis, Neyt, Nothomb, Orban, Pirmez, A. Pirson, V. Pirson, Rogier, Sabatier, Saeyman, Snoy, Tack, Tesch, Thienpont, Vanden Branden de Reeth, E. Vandenpeereboom, Vanderstichelen, Van Dormael, Van Iseghem, Van Leempoel, Van Volxem, Vermeire, Vervoort, Verwilghen, Wasseige, Allard, Ansiau, Crombez, Dautrebande, de Baillet-Latour, de Bast, de Boe, H. de Brouckere, Dechamps, de Florisone, Deliége, de Man d'Attenrode, de Mérode-Westerloo, de Moor, de Paul, de Portemont, de Terbecq, de Theux, Dolez, Faignart, Frère-Orban, Grandgagnage, Jacquemyns, Jamar, Janssens, J. Jouret et M. Jouret.
M. le président. - M. Carlier, qui s'est abstenu, est prié de faire connaître les motifs de son abstention.
M. Carlier. - Messieurs, je me suis abstenu parce que, n'ayant pu admettre entièrement l'amendement, je n'ai pas voulu non plus le repousser dans tout ce qu'il comporte.
- L'article 348 du projet de la commission est mis aux voix et adopté.
M. le président. - Je demanderai à M. Landeloos s'il reproduit la demande des renseignements qu'il a faite, au commencement de la séance, en l'absence de M. te ministre des finances. Ces renseignements se rapportaient au projet de loi sur les octrois communaux.
M. Landeloos. - J'ai communiqué mon observation à M. le ministre des finances.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - En effet, l’honorable membre m'a entretenu de cette affaire. Je lui ai dit que les renseignements demandés par lui exigent beaucoup de temps pour être recueillis ; qu'antérieurement à sa motion d'ordre, j'avais moi-même fait faire les recherches nécessaires. Un de ces renseignements est déjà à l'impression ; si d'autres renseignements peuvent être recueillis en temps utile, je les ferai également imprimer pendant les vacances, pour qu'ils puissent être distribués aux membres de la Chambre.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre le rapport annuel sur les opérations de la caisse d'amortissement.
- Ce rapport sera imprimé et distribué.
L'article unique du projet de loi est ainsi conçu :
« Article unique. Le gouvernement est autorisé à vendre à main ferme à la ville de Spa, une partie du bois domanial de Heid-Fanard, comprenant 60 hectares 95 ares 97 centiares, moyennant la somme de cinquante-trois mille quarante-quatre francs et quinze centimes. »
La discussion générale se confond avec la discussion de l’article.
Personne ne demandant la parole, il est procédé à l'appel nominal.
Le projet de loi est adopté à l'unanimité des 75 membres présents.
Ce sont : MM. Koeler, Landeloos, Lange, Laubry, J. Lebeau, Magherman, Manilius, Mercier, Moncheur, Moreau, Muller, Nélis, Neyt, Nothomb, Orban, Pirmez, A. Pirson, V. Pirson, Rodenbach, Rogier, Sabatier, Saeyman, Snoy, Tack, Tesch, Thienpont, Vanden Branden de Reeth, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Dormael, Van Iseghem, Van Leempoel, Van Volxem, Vermeire, Vervoort, Verwilghen, Wasseige, Allard, Beeckman, Carlier, Crombez, Dautrebande, de Baillet-Latour, de Bast, de Boe, H. de Brouckere, Dechentinnes, de Florisone, De Fré, de Lexhy, de Liedekerke, Deliége, de Mérode-Westerloo, de Moor, de Naeyer, de Paul, de Portemont, de Rongé, de Terbecq, de Theux, Dolez, d'Ursel, Faignart, Frère-Orban, Goblet, Grosfils, Hymans, Jacquemyns, Jamar, Janssens, J. Jouret, M. Jouret et Orts.
M. le président. - La Chambre reprendra, à sa rentrée, la discussion sur le titre V, livre II, du Code pénal.
Conformément à la décision qu'elle a prise hier, elle s'ajourne à mardi 17 avril, à 2 heures.
- La séance est levée à 4 heures et demie.