(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1859-1860)
(page 926) (Présidence de M. Dolez, premier vice-président.)
M. de Moor, secrétaire, fait l'appel nominal à deux heures et un quart.
M. Vermeire lit le procès-verbal de la séance d'hier.
- La rédaction est approuvée.
M. de Moor présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.
« Des habitants de Bousbrugge-Haringhe demandent qu'il soit donné cours légal en Belgique aux pièces décimales françaises en or ou que ces monnaies soient reçues pour leur valeur nominale dans les caisses de l'Etat, et proposent subsidiairement que le gouvernement soit autorisé à battre pour son compte et pour compte des particuliers, des monnaies d’or belges de même valeur, titre et module que l'or français. »
« Même demande d'habitants de Gheluvelt et de Gand. »
M. Rodenbach. - Je demande un prompt rapport tour cette pétition comme pour toutes celles qui ont le même objet.
- Adopté.
« Des habitants de Neufchâteau demandent qu'il soit donné cours légal en Belgique à la monnaie d'or de France. »
« Même demande d'industriels et négociants à Audeghem et Chimay. »
- Même décision.
« Des habitants de Diest présentent des observations centre le projet de loi qui supprime les octrois communaux. »
- Renvoi à la section centrale.
« Le sieur Dujardin demande que les opérations du tirage au sort de la milice qui ont eu lieu cette année à Gand, soient annulées. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur de Dure présente des observations relatives à la loi portant suppression du droit d'enregistrement sur les ventes publiques de marchandises réputées telles dans le commerce, »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.
« Des habitants de Glons demandent la construction d'un chemin de fer de Liège à Bilsen par Herstal, Glons et Tongres. »
M. de Renesse. - Je demande le renvoi de cette pétition à la commission des pétitions, avec invitation de faire un prompt rapport. Je fais la même demande pour une autre pétition qui a le même objet.
- Cette proposition est adoptée.
« Le conseil communal de Vechmael demande la construction d'un chemin de fer de Tongres à Bilsen, s'embranchant à la ligne de Maestricht à Hasselt, et prie la Chambre de rejeter toute autre ligue qui ne la comprendrait pas ou y serait contraire. »
- Même décision que pour la précédente.
« M. le ministre de l'intérieur adresse à la Chambre divers documents d'une enquête ouverte par son département relativement à la question des coalitions. »
- Distribution et dépôt sur le bureau pendant la discussion du Code pénal.
« M. Pirson adresse à la Chambre 140 exemplaires du compte rendu des opérations de la Banque de Belgique pendant l'année 1859. »
- Distribution aux membres et dépôt à la bibliothèque.
« M. J. Jouret, retenu chez lui par une indisposition, demande un congé de quelques jours. »
- Accordé.
M. Magherman. - Messieurs, je vois, dans le feuilleton de pétitions qui nous a ce distribué hier, plusieurs pétitions de bourgmestres et de conseils communaux qui sont relatives à l'objet qui va être mis en discussion tout à l'heure. Les conclusions de la commission sont le dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi ; si nous attendons pour prendre une décision que le rapport de la commission nous soit présenté, cette décision arrivera tardivement,
Par respect pour le droit des pétitionnaires, je demande que la Chambre ordonne immédiatement le dépôt.
- Cette proposition est adoptée.
M. le président. - Il importe que je fasse connaître le texte nouveau du projet de loi tel qu'il a été arrêté par M. le ministre des travaux publics d'accord avec la commission.
L'article premier est ainsi conçu :
« Le gouvernement et autorisé à concéder à la société anonyme des chemins de fer de l'Est belge, aux clauses et conditions de la convention et du cahier des charges en date du 29 février 1860, et sous les modifications portées par l’article 2, un chemin de fer de Morialmé à la frontière française pour s'y raccorder à la ligne des Ardennes. »
Le changement apporté au projet primitif consiste donc dans l'addition des mots : « sous la modification portée par l'article 2 au cahier des charges. »
Il faudrait maintenant un article 2 portant : « Le cahier des charges comprendra la disposition additionnelle suivante :
« Les chemins de fer de Charleroi à Louvain, de Châtelineau à la frontière française, et les embranchements industriels construits et à construire seront considérés, pour la perception des péages, comme ne formant qu'une seule ligne à laquelle on appliquera les tarifs en vigueur pour les chemins de fer de l'Etat.
« Il en sera de même pour la circulation du matériel de la Société concessionnaire et de celui des lignes étrangères admis en relation de service.
« Les livrets réglementaires de l'Etat seront appliqués à ces lignes. En conséquence, la perception des péages, la circulation du matériel, le mode et les conditions de transport seront réglés conformément à ces livrets.
« Toutes stipulations contraires sont annulées par le présent article additionnel.»
Son article 6 sera rédigé comme suit :
« Si le département des travaux publics le jugerait nécessaire, la société concessionnaire serait également tenue à établir la ligne de Châtelineau à Morialmé à double voie et à exproprier, le cas échéant, comme pour cause d'utilité publique, les terrains nécessaires à cet effet.»
Le projet comprend donc maintenant deux articles. La discussion générale est ouverte sur l'ensemble du projet.
M. Thibaut. - Messieurs. le rapport constate que toutes les sections, en s'occupant du projet de loi et en lui faisant un accueil favorable, n'ont pas perdu de vue les intérêts des populations répandues suc les bords de la Meuse, ni le chemin de fer qui leur est promis depuis si longtemps. « Dans la pensée des sections, dit le rapport, la ligue de Morialmé vers la frontière française ne devrait en rien retarder l'exécution de la ligne de Namur à Givet. »
Plus loin, je trouve dans le rapport une question adressée par la section centrale à M. le ministre des travaux publics, en ces termes : « La concession nouvelle doit-elle diminuer les obligations de la compagnie de Namur à Liège en ce qui concerne l'exécution de l'embranchement de Namur à Givet ? »
M. le ministre des travaux publics a répondu : « Nullement, l'obligation de la compagnie de Namur à Liège est absolue. »
Et en effet il n'y a jamais eu doute sur ce point. Mais, messieurs, il y a une autre question plus intéressante, me paraît-il, à adresser à M. le ministre des travaux publics ; ce que je me permettrai de faire. C'est celle-ci :
« M. le ministre des travaux publics a-t-il des garanties que, nonobstant l’adoption du projet de loi qui est soumis en ce moment aux délibérations de la Chambre, la compagnie de Namur à Liége ou plutôt la Compagnie du Nord mettra immédiatement la main à l'œuvre pour construire la ligne de Namur à Givet ? »
Je demanderai subsidiairement si par la décision qu'il prendra quant au tracé de la ligne de Morialmé vers les Ardennes françaises, le gouvernement ne pourrait exercer une influence favorable sur la commission concessionnaire pour la prompte exécution du chemin de fer de Namur à Givet.
J'espère que l'honorable ministre des travaux publics me donnera une réponse satisfaisante.
M. de Baillet-Latour. - Messieurs, je ne discuterai pas, je n'examinerai pas en détail les dispositions du projet et du cahier des charges qui est annexé à la convention puisque personne ne fait opposition. J'ai confiante dans l'expérience et dans la vigilance éclairée du gouvernement. Mais je tiens à signaler une disposition dont je dois savoir un gré particulier à M. le ministre des travaux publics. Son exposé des motifs contient le paragraphe suivant :
« Le cahier des charges annexé à la convention de concession réservant au gouvernement la faculté de déterminer le tracé du chemin de fer projeté, il examinera s'il y a convenance et possibilité de raccorder la ligne aux embranchements du chemin de fer de l'Entre-Sambre et-Meuse allant de Florennes à Philippeville. »
D'abord je prends acte de cette preuve de sollicitude de M. le ministre des travaux publics en faveur d'une localité déshéritée et qu'on n’a pas habituée à de pareilles marques d’intérêt. En second lieu, je dois dire que, dans mon opinion et dans celle des habitants de la contrée, il y a moyen de relier à la ligne concédée Florennes et Philippeville simultanément, soit par position directe sur le parcours, soit par voie d'embranchement. Ce n'est pas ici le lieu de discuter les questions de tracé et les moyens d'exécution. Ce sera l'œuvre de l'enquête scientifique que le gouvernement s'est réservée le droit de poursuivre. Tout ce que je puis dire, c'est que les études ne peuvent manquer de mettre en lumière la nécessité de relier à la ligne les deux localités les plus (page 927) considérables du parcours, celles qui sont destinées à voir s'accroître dans la plus grande proportion les exploitations industrielles de leurs environs et à fournir par là au mouvement commercial ses éléments les plus nombreux et les plus productifs pour la compagnie concessionnaire.
Je me confie, en somme, très volontiers dans la bonne volonté et dans les lumières de M. le ministre des travaux publics, en ce qui touche la décision finale qu'il aura à prendre sur la question du tracé, et puisqu'il a bien voulu diriger un regard de bienveillance sur les populations de mon arrondissement, il ne me reste, en terminant, qu'à le prier de persévérer dans ses bonnes dispositions, et de se faire, au besoin, éclairer sur les lieux mêmes, en cas de doute ou de contestations relatives aux conditions pratiques du tracé. Cela dit, je vote pour le projet de loi.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Messieurs, je n'ai qu'un mot à répondre à l'interpellation de l'honorable M. Thibaut.
L'honorable membre m'a demandé si le gouvernement avait des garanties quant à l'exécution du chemin de fer de Namur à Givet.
Il y a deux espèces de garanties : les garanties que j'appellerai officielles et les garanties que j'appellerai officieuses.
Quant aux garanties officielles, elles sont entières. Elles résultent directement da cahier des charges de la compagnie de Namur à Liège. Je n'admets pas que cette compagnie puisse échapper à ses obligations.
Quant aux garanties officieuses, je puis informer la Chambre qu'ayant eu occasion de voir les administrateurs de la compagnie du Nord, ces messieurs m'ont informé qu'ils prendraient des dispositions dans le courant de cette semaine pour mettre immédiatement la main à l'œuvre. Je pense que la compagnie du Nord a déjà fait depuis la semaine dernière, époque où j'ai vu ces messieurs, des diligences pour remplir ses engagements.
Voilà la déclaration satisfaisante que j'avais à faire en réponse à l'interpellation de l'honorable M. Thibaut.
- La discussion générale est close.
« Art. 1er. Le gouvernement est autorisé à concéder à la Société anonyme des chemins de fer de l'Est Belge, aux clauses et conditions de la convention et du cahier des charges en date du 29 février 1860, un chemin de fer de Morialmé à la frontière française pour s'y raccorder à la ligne des Ardennes. »
- Adopté.
« Art. 2. Le cahier des charges comprendra la disposition additionnelle suivante :
« Les chemins de fer de Charleroi à Louvain, de Châtelineau à la frontière française, et les embranchements industriels construits et à construire seront considérés, pour la perception des péages, comme ne formant qu'une seule ligne à laquelle on appliquera les tarifs en vigueur pour les chemins de fer de l'Etat.
« Il en sera de même pour la circulation du matériel de la Société concessionnaire et de celui des lignes étrangères adms en relation de service.
« Les livrets réglementaires de l'Etat seront appliqués à ces lignes. En conséquence, la perception des péages, la circulation du matériel, le mode et les conditions de transport seront réglés conformément à ces livrets.
« Toutes stipulations contraires sont annulées par le présent article additionnel.
« Si le département des travaux publics le jugeait, nécessaire, la Société concessionnaire serait également tenue à établir la ligne de Châtelineau à Morialmé, à double voie et à exproprier, le cas échéant, comme pour cause d'utilité publique, les terrains nécessaires à cet effet. »
- Adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi, qui est adopté à l'unanimité des 85 membres présents.
Ces membres sont : MM. Wasseige, Allard, Ansiau, Beeckman, Carlier, Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Boe, de Breyne, Dechamps. Dechentinnes, de Decker, de Florisone, De Fré, de Gottal, de Liedekerke, Deliége, de Mérode-Westerloo, de Montpellier, de Moor, de Muelenaere, de Paul, de Pitteurs-Hiegaerts, de Portemont, de Renesse, de Rongé, de Ruddere de Te Lokeren, de Smedt, de Terbecq, de Theux, d’Hoffschmidt, B. Dumortier, H. Dumortier, d’Ursel, Faignart, Frère-Orban, Frison, Goblet, Grandgagnage, Grosfils, Guillery, Hymans, Jacquemyns, Jamar, M. Jouret, Koeler, Landeloos, Lange, Laubry, Ch. Lebeau, J. Lebeau, Loos, Magherman, Manilius, Moncheur, Moreau, Muller, Nélis, Neyt, Nothomb, Orban, Pirmez, Rodenbach, Rogier, Royer de Behr, Sablier. Saeyman, Tack, Tesch, Thibaut, Thienpont, E. Vanden Branden de Reeth, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Iseghem, Van Leempoel, Van Overloop, Van Renynghe, Van Volxem, Vermeire, Vervoort, Verwilghen et Dolez.
M. B. Dumortier. - A l'occasion du vote que la Chambre vient d'émettre, je demanderai à M. le ministre des travaux publics si le gouvernement se prêtera à la réalisation du projet d'un chemin de fer de Lille à Tournai, dont il est fortement question en ce moment.
Je lis dans le Mémorial de Lille du 12 de ce mois :
« La commission renouvelle le vœu déjà émis en 1852 par le conseil municipal et confirmé récemment par la chamb-r de commerce, afin de permettre l'exécution des études qui pourront amener la réalisation du projet d'établissement d'un chemin de fer de Lille à Tournai. »
La chambre de commerce de Lille a fait la même demande.
Ce chemin de fer, messieurs, a une importance réelle et cette importance est d'autant plus grande, que ce serait le redressement du chemin de fer de Calais à Bruxelles.
Puisque le département du Nord et le gouvernement français s'occupent de cette affaire, je crois que nous devons profiter de l'occasion ; il s'agit d'un chemin de fer international qui ne peut se faire que du consentement des deux pays.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Messieurs, je n'ai aucune connaissance officielle de ce que fait le département du Nord, mais je suis assez disposé à croire que les renseignements fournis par le journal que l'honorable M. Dumortier vient de citer, ne sont pas complètement exacts.
Quant au fond de la question, je proposerai à l'honorable membre de l'ajourner jusqu'à ce que nous nous occupions des autres travaux publics que j'ai annoncés.
M. B. Dumortier. - Je remercie M. le ministre des travaux publics de ce qu'il vient de dire.
Je suis cependant charmé d'avoir soulevé la question, car les demandes qui se font en France pour obtenir l'exécution de ce chemin de fer pourront engager des personnes en Belgique à demander la concession de la section à construire sur le territoire belge.
M. le président. - M. le ministre se rallie-t-il aux amendements proposés par la commission ?
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - On pourrait ouvrir la discussion sur le projet de la commission, dont la rédaction a été presque entièrement concertée entre la commission et le gouvernement. Je présenterai à chaque article les observations que j'aurais à faire.
« Art. 301 (projet de la commission). Est qualifiée rébellion toute attaque, toute résistance avec violences ou menaces envers les officiers ministériels, les gardes champêtres ou forestiers, la force publique, les préposés à 1a perception des taxes et des contributions, les porteurs de contraintes, les préposés des douanes, les séquestres, les officiers ou agents de la police administrative ou judiciaire, agissant pour l'exécution des lois, des ordres ou ordonnances de l'autorité publique, des mandais de justice ou jugements. »
- Adopté.
« Art. 302 (projet de la commission). Est aussi qualifiée rébellion, toute attaque, toute résistance, avec violences ou menaces, soit contre les employés ou agents du service télégraphique de l'Etat et agissant dans l'exercice de leurs fonctions, soit contre les employés et agents attachés à des services télégraphiques privés et agissant pour la transmission des dépêches de l'autorité publique. »
- Adopté.
« Art. 303. La rébellion commise par une seule personne munie d'armes, sera punie d'un emprisonnement de trois mois à deux ans ; si elle a eu lieu sans armes, d'un emprisonnement de huit jours à six mois. »
- Adopté.
« Art. 304. Si la rébellion a été commise par deux ou plusieurs personnes, et par suite d'un concert préalable, les rebelles, porteurs d'armes apparentes ou cachées, seront condamnés à la réclusion et les autres à un emprisonnement d'un à cinq ans.
« Si la rébellion n'a pas été le résultat d'un concert préalable, les coupables qui étaient armés seront punis d'un emprisonnement d'un an à cinq ans, et les autres d'un emprisonnement de trois mois à deux ans. »
- Adopté.
« Art. 305. En cas de rébellion avec bande ou attroupement, l'article 129 du présent Code sera applicable aux rebelles sans fonctions ni emploi dans la bande, qui se seront retirés au premier avertissement de l'autorité publique, ou même depuis, s'ils n'ont été saisis que hors du lieu de la rébellion, sans nouvelle résistance et sans armes.
« Ils ne seront punis, dans ce cas, qu'à raison des crimes ou des délits particuliers qu'ils auraient personnellement commis. »
- Adopté.
« Art. 306. Dans tous les cas où il sera prononcé, pour fait de rébellion, la peine d'emprisonnement, les coupables pourront être condamnés en outre à une amende de vingt-six francs à deux cents francs. »
- Adopté.
« Art. 307. Seront punies comme réunion de rebelles conformément à l'article 304, celles qui auront été formées et accompagnées de violences ou de menaces contre l'autorité administrative, les officiers ou les agents de police, ou contre la force publique :
« 1° Par les ouvriers ou journaliers, dans les ateliers publics ou manufactures ;
« 2 °Par les individus admis dans les hospices, ou détenus dans les maisons de mendicité.
« 3° Par les prisonniers inculpés, prévenus, accusés ou condamnés. »
- La commission, d'accord avec M. le ministre de la justice, propose la suppression de cet article.
L'article 307 est supprimé.
« Art. 508. Les chefs d'une rébellion et ceux qui l'auront provoquée pourront être condamnés à la surveillance spéciale de la police pendant cinq ans au moins et dix ans au plus, et à l'interdiction conformément à l'article 44. »
- Adopté.
« Art. 309. Sera puni d'un emprisonnement d'un mois à un an ou d'une amende de cent francs à cinq cents francs, celui qui par des faits, des paroles, des gestes ou des menaces, aura adressé un outrage à un ou plusieurs magistrats de l'ordre administratif ou judiciaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions.
« Si l'outrage a eu lieu à l'audience d'une cour ou d'un tribunal, l'emprisonnement sera de deux mois à deux ans ou d'une amende de deux cents francs à mille francs. »
M. Ch. Lebeau. - Messieurs, d'après la contexture de l'article 309, il est évident que la présence du magistrat outragé est nécessaire pour que le délit existe. Sous l'empire du Code pénal de 1810, il y avait une divergence d'opinion entre les cours et les tribunaux, de même qu'entre les auteurs, sur le point de savoir si cette présence était ou non exigée pour qu'il y eût délit.
Maintenant la commission a rédigé son article différemment.
Sera puni d'un emprisonnement d'un mois à un an ou d'une amende de 100 francs à 500 fr. celui qui par des faits, des paroles, des gestes ou des menaces aura adressé un outrage à un ou plusieurs magistrats, etc.
Le projet disait « aura outragé ».
La commission semble exiger non seulement la présence du magistrat, mais que l'outrage soit fait en face, adressé directement au magistrat.
Or, je pense que si on interprétait rigoureusement cette expression on pourrait aller jusqu'à prétendre que l'outrage commis, le magistral étant présent, ne suffirait pas pour tomber sous l'application de la loi, qu'il faudrait encore que l'outrage fût dirigé directement contre la personne du magistrat, qu'il fût fait en face.
Je pense que ce serait aller trop loin ; il suffit, pour que le délit existe, que l'outrage soit commis quand le magistrat est présent, il ne faut pas qu'on profère des paroles à l'adresse directe du magistrat.
Je crois que c'est ainsi que la disposition est entendue par l'honorable rapporteur et par M. le ministre.
M. Pirmez, rapporteur. - Nous sommes d'accord avec l'honorable M. Ch. Lebeau. En changeant la rédaction de la disposition, le but de la commission a été d'exiger la présence du magistrat ; nous exigeons aussi que l'outrage lui soit adressé directement, mais non que la parole soit adressée au magistrat. Dès que le magistrat est présent, il est indifférent que la parole lui soit adressée ou qu'elle soit adressée à un tiers.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - C'est en ce sens que j'ai entendu l'article modifié par la commission. L'honorable membre demande si des paroles outrageantes pour un magistrat, prononcées en sa présence, mais dans une conversation avec une autre personne, tombent sous l'application de la loi, et je n'hésite pas à répondre d'une manière affirmative. Ainsi que vient de le dire l'honorable rapporteur, l'outrage est adressé au magistrat, quoique la parole soit adressée à un tiers.
- L'article 309 est mis aux voix et adopté.
« Art. 310. L'outrage par faits, par paroles, par gestes ou par menaces dirigé, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, contre tout corps constitué, tout officier ministériel ou agent dépositaire de l'autorité ou de la force publique, ou toute autre personne ayant agi dans un caractère public, sera puni d'un emprisonnement de huit jours à un mois ou d'une amende de vingt-six francs à deux cents francs. »
M. Guillery. - Je vois, dans le rapport, que M. le ministre de la justice demande la suppression de cet article.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Cette suppression avait été proposée en vue de certaines dispositions qui n'ont pas été adoptées ; cet article doit être maintenu par suite de votes antérieurs de la Chambre.
- L'article 310 est mis aux voix et adopté.
« Art. 311. Quiconque aura frappé un magistrat dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, sera puni d'un emprisonnement de deux mois à deux ans et d'une amende de cinquante francs à cinq cents francs.
« Si les coups ont été portés à l'audience d'une cour ou d'un tribunal, le coupable sera puni d'un emprisonnement de trois mois à trois ans et d'une amende de deux cents francs à mille francs.
« Dans l'un et l'autre cas, le coupable pourra être placé, pendant cinq à dix ans, sous la surveillance spéciale de la police. »
- Adopté.
« Art. 312. Si les coups portés ont été la cause d'effusion de sang, de blessures ou de maladie, le coupable sera condamné à un emprisonnement de six mois à cinq ans et à une amende de deux cents francs à quinze cents francs. »
- Adopté.
« Art. 313. Quiconque aura frappé un officier ministériel ou un agent dépositaire de l'autorité ou de la force publique dans l'exercice de ses fonctions ou à l'occasion de cet exercice, sera puni d'un emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende de cinquante francs à trois cents francs. »
- Adopté.
« Art. 314. Si les coups ont été la cause d'effusion de sang, de blessures ou de maladie, la peine sera un emprisonnement de trois mois à deux ans et une amende de cent francs à cinq cents francs. »
- Adopté.
« Art. 315. Les peines portées par les articles 309, 311 et 312 seront applicables dans le cas où l'on aura outragé ou frappé des jurés à raison de leurs fonctions, ou des témoins à raison de leurs dépositions. »
- Adopté.
« Art. 316. Les dispositions du présent chapitre ne s'appliquent qu'aux outrages et aux violences qui, par leur nature et les circonstances, ne donnent pas lieu à de plus fortes peines, d'après les autres dispositions du Code. »
- La commission d'accord avec le gouvernement propose la suppression de cet article.
La suppression est adoptée.
« Art. 317. Lorsque des scellés apposés par ordre du gouvernement ou par suite d’une ordonnance de justice rendue en quelque matière que ce soit, auront été brisés, les gardiens seront punis, pour simple négligence, de huit jours à six mois d'emprisonnement. »
M. Pirmez, rapporteur. - Messieurs, depuis que le rapport a été imprimé, j'ai reçu d'un juge de paix de Péruwelz une lettre qui contient une observation fort juste sur la rédaction de cet article.
Il porte : « Lorsque des scellés, apposés par ordre du gouvernement ou par suite d'une ordonnance de justice rendue en quelque matière que ce soit, auront été brisés. »
Or, la plupart des scellés sont apposés après décès sans aucune ordonnance préalable ; ce cas, qui est le plus fréquent, doit être prévu ; si on appliquait l'article à la lettre, le bris de ces scellés ne tomberait pas sous la disposition pénale.
Je propose de dire : « Lorsque des scellés apposés par l'autorité publique pour quelque matière que ce soit, etc. »
- L'article ainsi modifié est mis aux voix et adopté.
« Art. 318. Ceux qui auront, à dessein, brisé des scellés seront punis d'un emprisonnement de six mois à deux ans, et si c'est le gardien lui-même ou le fonctionnaire public qui a ordonné ou opéré l'apposition, il sera puni d'un emprisonnement d'un an à trois ans.
« La tentative de ce délit sera punie, dans le premier cas du présent article, d'un emprisonnement de trois mois à un an, et dans le second cas, d'un emprisonnement de six mois à deux ans. »
- Adopté.
« Art. 319. Si le bris des scellés s'applique à des papiers et effets d'un individu inculpé ou accusé d'un crime emportant la peine de mort, des travaux forcés à perpétuité ou de la détention perpétuelle, ou qui soit condamné à l'une de ces peines, le gardien négligent sera puni de trois mois à un an d'emprisonnement. »
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je propose de dire : « Si le bris de scellés s'applique à des papiers et effets d'un individu inculpé, prévenu ou accusé. »
- L'article ainsi modifié est adopté.
(page 929) « Art. 320. Quiconque aura, à dessein, brisé des scellés apposés sur des papiers ou effets de la qualité énoncée dans l'article précédent sera puni d'un emprisonnement d'un an à trois ans, et si c'est le gardien lui-même ou le fonctionnaire public qui a ordonné l'apposition, le coupable sera puni d'un emprisonnement de deux ans à cinq ans.
« La tentative de ce délit sera punie,, dans le premier cas prévu par le présent article, de six mois à deux ans d'emprisonnement, et, dans le second cas, d'un an à trois ans de la même peine. »
- Adopté.
« Art. 321. Si le bris des scellés est commis avec violence envers les personnes, le coupable sera puni d'un emprisonnement de deux ans à cinq ans.
« La tentative de ce bris de scellés sera punie d'un emprisonnement de six mois à trois ans. »
- Adopté.
« Art. 322. Dans les cas des articles 318, 320 et 321, le coupable pourra de plus être condamné à une amende de cinquante francs à deux mille francs. »
- Adopté.
« Art. 323. Quiconque, par des voies de fait, se sera opposé à l'exécution des travaux ordonnés par l'autorité publique, sera puni d'un emprisonnement de huit jours à trois mois. »
- Adopté.
« Art. 324. Ceux qui, par attroupement et par violences ou menaces, se seront opposés à l'exécution de ces travaux, seront condamnés à un emprisonnement de trois mois à deux ans.
« Les chefs ou moteurs seront punis d'un emprisonnement de six mois a trois ans. »
- Adopté.
« Art. 325. Dans les cas prévus par les articles précédents les coupables pourront de plus être condamnés à une amende de vingt-six francs à cinquante francs. »
- Adopté.
« Art. 326. Les personnes chargées comme membres de compagnie ou individuellement de fournitures, d'entreprises ou régies pour le compte de l'armée ou de la marine, qui auront volontairement fait manquer le service dont elles sont chargées, seront punies de la réclusion et d'une amende de deux cents francs à trois mille francs.
« Les mêmes peines seront appliquées aux agents des fournisseurs, si ces agents ont volontairement fait manquer le service. »
- Adopté.
« Art. 327. Les fonctionnaires publics ou les agents préposés ou salariés du gouvernement, qui auront provoqué ou aidé les coupables à faire manquer le service, seront condamnés au maximum de la réclusion, et à une amende de trois cents francs à trois mille francs. »
- Adopté.
« Art. 328. Lorsque la cessation du service sera le résultat d'une négligence de la part des fournisseurs, de leurs agents, des fonctionnaires publics ou des agents, préposés ou salariés du gouvernement, les coupables seront punis d'un emprisonnement de six mois à trois ans et d'une amende de cent francs à mille francs. »
- Adopté.
« Art. 329. Quoique le service n'ait pas manqué, si volontairement les livraisons ou les travaux ont été retardés, les coupables seront punis d'un emprisonnement de six mois à deux années, et d'une amende de deux cents francs à mille francs.
« Ils seront punis d'un emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende de cinquante francs à cinq cents francs, si le retard est le résultat d'une négligence. »
- Adopté.
« Art. 330. S'il y a eu fraude sur la nature, la qualité ou la quantité des travaux ou main-d'œuvre ou des choses fournies, les coupables seront punis d'un emprisonnement de six mois à trois ans et d'une amende de cent francs à dix mille francs.
« Ils pourront de plus être condamnés à l'interdiction, conformément à l’article 44. »
- Adopté.
« Art. 331. Les fonctionnaires publics on les agents, préposés ou salariés du gouvernement, qui auront participé à cette fraude, seront punis d'un emprisonnement de deux ans à cinq ans, et d'une amende de deux cents francs à dix mille francs.
« Ils seront de plus condamnés à l'interdiction, conformément à l'article 41. »
- Adopté.
« Art. 332. Dans les divers cas prévus par les articles composant le présent chapitre, la poursuite ne pourra être faite que sur la dénonciation du ministre que la chose concerne. »
- Adopté.
« Art. 333. Tome personne qui aura sciemment contribué à la publication ou distribution d'imprimés quelconques dans lesquels ne se trouverait pas l'indication vraie du nom et du domicile de l'auteur ou de l'imprimeur, sera punie d'une amende de vingt-six à deux cents francs et d'un emprisonnement de huit jours à deux mois ou de l'une de ces peines seulement.
« Toutefois, l'emprisonnement ne pourra être prononcé lorsque l'imprimé sans les indications requises fait partie d'une publication successive dont l'origine est connue par son apparition antérieure.
M. Pirmez, rapporteur. - Dans le paragraphe premier l'amende précède l'emprisonnement.
Or dans tous les articles du projet, l'emprisonnement précède toujours l'amende C'est une simple rectification à faire. Il faut dire : « sera puni d'un emprisonnement de huit jours à deux mois et d'une amende de vingt-six à deux cents francs. »
M. Guillery. - Comme vous le voyez, le délit ou plutôt la contravention prévue par l'article 333 consiste en ceci :
D'avoir contribué à la publication ou distribution d'ouvrages, écrits, avis, bulletins, affiches, journaux, feuilles périodiques, dans lesquels ne se trouverait pas l'indication vraie du nom et du domicile de l'auteur ou de l'imprimeur.
Pour ce seul fait, indépendamment de la qualité de l'écrit, que cet écrit soit complètement inoffensif ou non, la peine est une amende de 26 à 200 francs et un emprisonnement de 8 jours à 2 mois. Le maximum est donc une amende de 200 francs et un emprisonnement de 2 mois.
C'est trop considérable pour une simple contravention.
En définitive, le distributeur d'un écrit s'expose à être responsable de cet écrit, s'il ne fait pas connaître la personne dont il le tient. Mais la contravention résultant simplement de l'absence du nom de l'imprimeur me paraît ne devoir être punie que d'une peine de simple police. C'est une simple contravention sans gravité par elle-même, qui peut à la vérité ne pas permettre de trouver aussi facilement l'auteur, mais qui n'en est pas moins une simple contravention contre une loi de police.
Je crois donc qu'il y aurait lieu de réduire la peine.
M. le président. - M. Guillery dépose-t-il un amendement ?
M. Guillery. - Non, M. le président.
M. Pirmez, rapporteur. - Je dirai en deux mois pourquoi la commission a maintenu cette peine.
D'après la législation actuelle, la peine est de 6 jours à 6 mois d'emprisonnement. L’emprisonnement est prononcé dans tous les cas. La commission a cru que cette peine était trop sévère et elle a réduit la peine à un minimum de 26 francs d'amende et à un maximum de 2 ans d'emprisonnement. Ainsi, lorsque le fait de la publication ou de la distribution ne contiendra aucun délit, lorsqu'elle sera faite dans les circonstances désignées par l'honorable M. Guillery, il pourra être prononcé une simple amende de 26 francs.
Il ne faut pas oublier qu'il peut y avoir des faits très graves. Si, un imprimeur abuse des moyens qu'il a en son pouvoir par une série de publications, dont la source sera peut-être très difficile à trouver, s'il déjoue les recherches de la police pour calomnier de la manière la plus infâme un citoyen, je crois que la peine proposée n'est pas trop forte. L'honorable M. Guillery reconnaîtra qu'une peine de simple police serait tout à fait insuffisante par un cas pareil.
Je crois donc que la peine telle que la commission la propose, c'est-à-dire la peine variant de 26 francs d'amende à 2 ans d'emprisonnement, répond aux besoins de la répression et doit être maintenue.
- L'article modifié comme le propose M. Pirmez est adopté.
L'article 334, conformément à la proposition que fait la commission d’accord avec le gouvernement est supprimé.
« Art. 335. Seront exempts de la peine portée par l'article précédent :
« 1° Les crieurs, afficheurs, vendeurs ou distributeurs, qui auront fait connaître la personne de laquelle ils tiennent l'écrit imprimé ;
« 2° Quiconque aura fait connaître l'imprimeur. »
- Adopté.
« Art. 335 bis. Ceux qui auront sciemment contribué d'une manière quelconque à la publication ou distribution d'un écrit contenant une provocation à un crime ou à un délit, soit que la provocation ait été ou non suivie d'effet, seront punis comme complices des provocateurs, conformément à l’article 81.
« Néanmoins, lorsqu'ils ont fait connaître la personne de qui ils tiennent l'écrit ou lorsque l'auteur ou l'imprimeur sont connus (page 930) et domiciliés en Belgique, les crieurs, afficheurs, vendeurs ou distributeurs n'encourront, dans le cas où la provocation aurait été suivie d'effet, qu'un emprisonnement de huit jours à trois mois ; ils seront exempts de toute peine si la provocation n'a pas eu d'effet.
« Il en sera de même de l'éditeur ou de l'imprimeur, lorsque l'auteur est connu et domicilié en Belgique. »
M. Guillery. - La question soulevée par l'article 335bis est des plus importante. Cet article s'exprime ainsi :
« Tous ceux qui auront sciemment contribué d'une manière quelconque à la publication ou distribution d'un écrit contenant une provocation à un crime ou à un délit, soit que la provocation ait été ou non suivie d'effet, seront punis comme complices des provocateurs conformément à l'article 81. »
Il y a là, messieurs, un principe de complicité exorbitant du droit commun, quoi qu'elle ne soit peut-être pas nouvelle dans nos lois, mais je constate le fait. C'est la complicité résultant de la distribution d'un écrit, distribution faite sciemment, il est vrai.
« Néanmoins, dit le second paragraphe de l'article, lorsqu'ils ont fait connaître la personne de qui ils tiennent l'écrit ou lorsque l'auteur ou l'imprimeur sont connus et domiciliés en Belgique, les crieurs, afficheurs, vendeurs ou distributeurs n'encourront, dans le cas où la provocation aurait été suivie d'effet, qu'un emprisonnement de huit jours à trois mois ; ils seront exempts de toute peine si la provocation n'a pas eu d'effet.
« Il en sera de même de l'éditeur ou de l'imprimeur, lorsque l'auteur est connu et domicilié en Belgique. »
Aux termes de l'article 18 de la Constitution, lorsque l'auteur d'un écrit est connu et domicilié en Belgique, l'éditeur, l'imprimeur ou le distributeur ne peut être poursuivi.
C'est ici, messieurs, un principe d'une très grande importance. La faculté, pour l'éditeur, pour l'imprimeur, pour le distributeur, d'échapper à toute espèce de poursuite par la nomination de l'auteur, a été considérée par le pouvoir constituant comme l'affranchissement de la pensée, comme le fait de lever un obstacle qui aurait pu s'opposer à la libre expression de l'idée de l'auteur.
D'après les principes donc, ceux qui ont sciemment contribué, d'une manière quelconque, à la publication ou à la distribution d'un écrit, que cet écrit contienne une provocation, un crime ou un délit, que cet écrit constitue lui-même un délit ou non, doivent être mis hors de cause, du moment où ils font connaître l'auteur, s'il est domicilié en Belgique.
L'article qui vous est soumis ne va pas aussi loin à raison de circonstances spéciales. Comme il ne s'agit pas d'un délit de presse proprement dit, qu'il s'agit de la complicité à un autre délit, il ne croit pas pouvoir aller jusqu'à décharger de toute peine les personnes qui sont énumérées dans cet article. Il se borne à abaisser la peine à un emprisonnement de 8 jours à 3 mois. Il n'exempte de toute peine que pour le cas où la provocation n'a pas été suivie d'effet.
Je crois, messieurs, que le délit dont il s'agit, bien qu'il ait pour conséquence un délit commun qui n'est pas un délit de presse, constitue cependant par lui-même un délit de cette dernière catégorie. Il est bien vrai que le distributeur et l'éditeur sont tenus comme complices d'un autre crime. Mais il n'en est pas moins vrai que c'est le fait d'avoir commis un délit de presse qui se trouve puni, qui se trouve réprimé par la loi ; c'est à l'occasion de ce délit que la poursuite a lieu.
Messieurs, c’est ici une des questions les plus graves de la matière. Lorsque le distributeur fait connaître l’éditeur, il fait connaître en réalité l’auteur. L’auteur, pour le distributeur, c’est celui qui lui a remis la pièce ; de même que, pour 1 imprimeur, l'auteur c'est celui qui lui a remis le manuscrit.
L'imprimeur ne peut pas être tenu de prouver d'une manière péremptoire que celui qui lui a remis le manuscrit est véritablement l'auteur. Tout ce qu'il peut être tenu de prouver, c'est qu'il est l'auteur pour lui, puisqu'il lui a remis l'écrit.
Eh bien, messieurs, d'après ces principes, lorsque le distributeur fait connaître l'éditeur, lorsque l'éditeur ou l'imprimeur fait connaître l’auteur, le distributeur, l'éditeur ou l'imprimeur ne peuvent encourir aucune espèce de pénalité.
Il me semble donc qu'il faudrait dire :
« Lorsqu'ils ont fait connaître la personne dont ils tiennent l'écrit. »
M. le président. - Présentez-vous un amendement ?
M. Guillery. - Non, M. le président.
M. Pirmez, rapporteur. - Messieurs, cette matière est très grave.
Voici en deux mots les principes de projet.
La provocation à un crime ou à un délit est considérée sous deux aspects différents, selon qu'elle a été suivie d'effet ou qu'elle n'a pas été suivie d'effet.
La provocation non suivie d'effet est un délit de presse, et en ce cas si l'auteur est connu, l’éditeur, l'imprimeur et les distributeurs sont exempts de toute peine.
Lorsque la provocation est au contraire suivie d'effet, si, par exemple, il y a eu provocation à l'assassinat et que l'assassinat ait été commis, le délit de presse disparaît complétement derrière le crime de droit commun, derrière l'assassinat dans l'exemple que je citais.
Si l'auteur de l'écrit est connu, il est puni comme co-auteur de l'assassinat, d'après une disposition du décret sur la presse, reproduite dans le premier livre du projet du Code pénal ; ceux qui ont distribué l'écrit avec connaissance de ce qu'il contenait, sont considérés comme complices du crime qui a été commis. On conçoit très bien que dans ce cas il est impossible d'accorder l'exemption complète de la peine à ces distributeurs. Il n'y a plus délit de presse, mais participation à une infraction de toute autre nature.
Remarquez, messieurs, que le projet ne commine qu'une peine extrêmement légère contre ces complices lorsqu'ils font connaître les agents principaux de la provocation. Ainsi, quel que soit le crime qui ait été commis, les distributeurs et les autres agents de la publicité ne sont punis dans ce cas que d'un emprisonnement de 8 jours à 5 mois.
L'honorable M. Guillery critique, à un autre point de vue, la rédaction de l'article.
Le projet distingue entre l'imprimeur et l'éditeur, et les distributeurs, crieurs, afficheurs, vendeurs de la provocation. Il n'accorde l'exemption de la peine ou une diminution de peine à l'imprimeur et à l’éditeur, que dans le cas où l'auteur est connu. Le projet se borne à reproduire l'immunité constitutionnelle.
Quant aux agents subalternes de la publicité, ils sont exempts de toute peine dès qu'ils font connaître la personne de qui ils tiennent l'écrit ; le projet étend pour eux le privilège de la Constitution.
Voilà la différence que le projet établit et que critique l'honorable M. Guillery.
D'après l'honorable membre, il faudrait accorder l'exemption de la peine à l'imprimeur ou à l'éditeur dès qu'il fait connaître la personne de qui il tient l'écrit. Est-il possible d'admettre ce système ?
Mais l'imprimeur et l'éditeur doivent savoir ce qu'ils impriment. Ils sont, en réalité, les auteurs de la publicité ; ils peuvent se décharger de de la responsabilité, mais à la condition de mettre sous la main de la justice les autres agents responsables de l'écrit coupable .
S'il suffisait que l'imprimeur ou l'éditeur indiquassent la personne qui leur a remis l'écrit, ils pourraient ne faire connaître qu'un simple messager, la vindicte publique se trouverait entièrement désarmée ; elle ne pourrait s'adresser ni à l'imprimeur ni à l'éditeur qui seraient dans le cas d'exemption, et elle n'aurait, d'autre part, aucune poursuite à exercer contre la personne qui leur aurait remis l'écrit ; celle-ci étant à l'abri de toute peine pourrait se refuser à dire de qui elle tient cet écrit. L'impunité serait complète. Aujourd'hui dans les procès de presse on ne relâche l'éditeur ou l'imprimeur que lorsque l'auteur est judiciairement reconnu, et alors un agent responsable de l'écrit existe. D'après l'honorable M. Guillery, il suffirait de faire constater que telle personne a remis l'écrit à l'imprimeur pour que celui-ci fût relâché, et l'on serait immédiatement forcé de cesser toute poursuite si cette personne n'est pas l'auteur.
Une pareille conséquence est évidemment inadmissible.
Si le projet admet que le distributeur ou le vendeur jouisse de l'exemption sans que les agents principaux soient connus, c'est parce qu'eux ne sont pas, comme l'imprimeur ou l'éditeur, auteurs de la publication et qu'il y a plus d'intérêt à arriver à ces auteurs par l'offre de l'impunité que de sévir contre ces agents subalternes.
Je crois que l'honorable membre n'a pas bien pesé les conséquences de son système : elles me paraissent devoir en rendre l'adoption impossible.
M. Guillery. - Messieurs, quand des personnes ont distribué l'écrit, qu'elles aient eu connaissance ou non de ce qu'il contenait, de sa portée, il me semble que le législateur ne doit pas s'en préoccuper, puisque la Constitution ne s'en préoccupe pas, lorsqu'elle pose en principe que dans le cas où l'auteur est connu et domicilié en Belgique l'imprimeur, l'éditeur ou le distributeur ne peut être poursuivi.
La Constitution ne distingue pas entre les écrits de diverses natures. Un imprimeur peut publier l'œuvre la plus coupable, il se trouve hors de cause dès qu’il fait connaître l’auteur. Le législateur a poussé le principe dans ses dernières conséquences, il a voulu d’une manière générale et absolue que jamais l’auteur ne pût être enchaîné par le contrôle de l’imprimeur. Si l'imprimeur peut être compromis, il dira à l’auteur qui lui présente un écrit : « Je verrai, j'examinerai, c'est selon la nature de l’écrit que vous me confiez. »
Mais si l'imprimeur est à l'abri de toute poursuite par cela seul qu'il fait connaître l'auteur, il est évident que celui-ci peut livrer sa pensée à l'impression avec autant de facilité que s'il imprimait lui-même, que s’il avait le moyen de l'écrire à quelques milliers d'exemplaires.
Ainsi, messieurs, c’est un principe constitutionnel et un principe de la plus haute importance, que la connaissance que les agents de la publicité, quelle que soit la nature de l’écrit, ne puisse exercer aucune espèce d'influence sur leur position.
(page 931) Dans l'article qui nous occupe, l’imprimeur et le distributeur est placé dans une position toute spéciale parce que, dit-on, ils ont dû avoir connaissance (et l'article l'exige : ceux qui auront sciemment contribué, etc.), ils ont dû avoir connaissance de ce que l'écrit contient, de la provocation qu'il contient.
C'est déjà, je le répète, un principe tout à fait exceptionnel que celui qui rend l'auteur complice d'un crime par cela seul que son écrit a été répandu.
Mais lui assimiler le simple distributeur c'est encore étendre l'exception. Si nous adoptons ce principe, il faut lui donner au moins le bénéfice de l'article 18 de la Constitution. On nous dit : « Il ne s'agit plus ici d'un délit de presse. » Et l'on nous a cité le cas d'un individu considéré comme complice d'un assassinat lorsqu’il a provoqué à un assassinat. Puisqu'il s'agit de presse, je prendrais plus volontiers un délit politique, Quoi qu'il en soit, si un individu est considéré comme complice d'un délit, pour avoir distribué ou publié un écrit qui y provoque, le délit de presse disparaît, suivant nous, c'est le délit politique ou le délit commun qui régit le fait dont il s'agit.
Il est considéré comme complice, il est assimilé au complice, mais il n'est pas, en définitive, le complice du délit ; et il sera puni comme complice. Le projet de loi en discussion le dit lui-même.
Dans tous les cas, sans vouloir argumenter d'une expression plus ou moins exacte, il est bien certain que c'est la presse qui l'a placé dans la position où il se trouve ; c'est à raison d'un délit de presse qu'il est poursuivi ; c'est un délit de presse qui est réprimé par l’article 335 ; il s'agit donc de l'appréciation des conséquences d'un délit de presse, d'un délit de distribution, d'impression, qui est régi par l'article 18 de la Constitution.
Messieurs, veuillez remarquer que ce qu'il importe de régir par la loi, ce ne sont pas les écrits innocents, ce ne sont pas les écrits qui ne pourront exposer les imprimeurs ou les distributeurs à aucune espèce de poursuite ou de peine.
Pour ceux-là, l'article 18 de la Constitution était parfaitement inutile, le bénéfice consacré par le second paragraphe de cet article a été introduit précisément pour les écrits qui entraînent des poursuites et des peines ; et c'est dans ce cas qu'on a voulu affranchir le distributeur, l'éditeur ou l'imprimeur.
L'honorable préopinant n'admet pas ce que j'ai dit de la position respective de l'auteur, de l'éditeur ou de l'imprimeur. Cependant, si nous remontons aux discussions qui ont eu lieu dans le Congrès sur l'article 18 de la Constitution, nous trouverons que c'est ainsi que l'ont entendu la plupart des orateurs ; c'est qu'il y aurait une véritable cascade de responsabilité : l’imprimeur serait mis hors de cause par l'éditeur, et l'éditeur par l'auteur.
C'est ainsi que l'ont entendu plusieurs orateurs du Congrès, el, si j'ai bonne mémoire, plusieurs membres qui siègent encore dans cette enceinte, notamment l'honorable M. de Theux. L'éditeur devait affranchir l'imprimeur de toute peines de même que l'auteur devait affranchir l'éditeur.
Plusieurs tribunaux ont admis cette doctrine : c'est que pour l'imprimeur, comme je le disais tout à l'heure, le véritable auteur, c'est l'éditeur. L'imprimeur d'un journal est poursuivi, à raison d'un fait contenu dans une correspondance venant de l'étranger ; il demande à être mis hors de cause, en nommant l'éditeur responsable qui est domicilié en Belgique. On lui répond : « Pas du tout ; vous ne nommez pas l'auteur, aux termes de l'article 18 de la Constitution. Vous dites vous-même : C'est une correspondance étrangère. Vous affirmez donc que l'auteur était domicilié à l'étranger, que la correspondance a été faite à l'étranger, de sorte qu'à moins de prétendre que vous avez fait vous-même cette correspondance exotique, vous devez reconnaître que vous ne nommez pas l'auteur. Qu'a plaidé l’éditeur qui voulait également que l'imprimeur fût mis hors de cause ? On a dit : Le véritable autour, c'est l'éditeur ; c'est lui qui a remis à l'imprimeur le manuscrit, c'est lui qui fait le journal, c'est lui qui décide que telle ou telle correspondance sera modifiée d'après les lois en vigueur en Belgique et d'après les circonstances, d'après le contrôle qui est exercé au moyen d'autres correspondances ; c'est lui qui remet le manuscrit à l’imprimeur, L'imprimeur doit donc être déchargé de toute responsabilité. Sinon, le bénéfice de l'article 18 de la Constitution disparaîtrait complètement.
En effet, le jour où l'éditeur d'un journal aurait à subir le contrôle d'un imprimeur qui le plus souvent ne serait pas assez éclairé pour ne pas pousser ce contrôle beaucoup trop loin, loin d'avoir affranchi la pensée, vous l'auriez de nouveau assujettie à l'imprimeur. C'est dans la responsabilité de l’auteur et dans la mise hors de cause de l'imprimeur qu'on a toujours trouvé la plus grande garantie de la liberté de la presse.
En résumé, je crois que les personnes qui ont contribué à la publication ou à la distribution d'un écrit doivent échapper à toute peine du moment qu'elles ont fait connaître ceux qui leur ont remis l'écrit ; le distributeur, évidemment, n'a qu'à faire connaître l'auteur ; il a à faire connaître l'éditeur ou l'imprimeur qui lui a remis l'écrit ; l'imprimeur doit être mis hors de cause, quand il fait connaître l'éditeur, et l'éditeur doit être mis hors de cause, quand il nomme l’auteur.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, je ne pense pas qu'il puisse y avoir un meilleur interprète des intentions du Congrès constituant que le Congrès lui-même.
Or, je fais observer à la Chambre que l'article que nous discutons n'est en quelque sorte que la reproduction de l’article premier du décret du 20 juillet 1831.
Comme l'a dit l'honorable rapporteur, il faut faire une distinction entre ce qui est véritablement délit de presse et ce qui est délit de provocation à commettre un crime ou un délit. Or, un article déjà voté assimile le provocateur à l'auteur même du délit.
Lorsqu'il s'agit d'un délit de presse, l'imprimeur et le distributeur échappent à la peine du moment ou qu'ils font connaître l'auteur et que cet auteur est domicilié en Belgique ; mais il ne s'agit pas ici de complicité de délit de presse, il s'agit de complicité d'un délit commun, et l'on ne peut dans ce cas invoqué l'article 18 de la Constitution, qui ne s'occupe que du délit de presse.
Le provocateur devient co-auteur d'un délit de droit commun et les distributeurs sont réputés ses complices. Cela est en tous points conforme aux principes et à la législation actuelles, et les propositions de l'honorable M. Guillery constitueraient une innovation.
M. Muller. - Je comprends assez difficilement, au point de vue constitutionnel, la distinction à laquelle on se livre, pour démontrer que la provocation à un crime ou à un délit par la voie de la presse ne constitue pas un délit de presse. Sans doute, l'acte coupable qui a suivi la provocation ne rentre pas dans cette catégorie ; mais pour juger s'il y a eu distribution d'un écrit contenant une provocation, il faudra bien examiner la nature de cet écrit, en discuter et en apprécier la portée et les termes.
Or, n'y a-t-il pas là un délit de presse, de la compétence exclusive du jury, et pour la poursuite duquel il y a lieu de faire application de disposition constitutionnelle dont vous a parlé l'honorable M. Guillery ?
Je me borne actuellement à poser cette question, et comme la Chambre a implicitement décidé qu'on examinerait à part tout ce qui concerne les délits de presse, je demande s'ii ne serait pas convenable d'ajourner cet article.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - C'est la reproduction d'un article du décret de 1831.
M. Muller. - Pardon, je ne puis interpréter ces articles, dont la rédaction est tout autre, dans le sens extensif que lui donne M. le ministre de la justice ; mais en fût-il même ainsi, puisque la Chambre a décidé qu'elle examinerait à part tout ce qui concerne les délits de presse, puisque des doutes sérieux sur le caractère de la disposition qui nous occupe sont nés dans l'esprit d'un certain nombre de membres de cette assemblée, à la suite des observations présentées par M. Guillery, je pense qu'il y aurait lieu d'ajourner aujourd'hui toute décision et d'examiner si ce n'est pas dans la loi sur la presse que cet article, quelle qu'en soit sa signification, doit prendre place, plutôt que dans le Code pénal.
M. Pirmez, rapporteur. - La Chambre a décidé qu'elle laisserait en dehors du Code pénal la loi sur la presse ; mais toutes les dispositions relatives à la presse ne sont pas dans la loi spéciale ; il y en a aussi dans le Code pénal, celle que nous discutons est dans le Code pénal ; c’est un complément nécessaire ; l'article du décret de 1831 a été reproduit dans le premier livre ; la disposition placée sous l'article 285 serait abrogée si elle ne trouvait pas sa place ici.
Je comprends qu'il n'en soit pas de même pour les autres articles, parce que les dispositions du Code pénal n'ont pas abrogé le décret ; mais si on promulgue le Code pénal sans reproduire certaines dispositions du Code pénal en vigueur, elles se trouveront abrogées sans être remplacées par rien, ce qui me paraît impossible.
M. Guillery. - Veuillez remarquer, messieurs, que le Congrès constituant a posé un principe très sévère, mais qui ne touche pas à la question que j'ai soulevée. L'article premier du décret porte : Indépendamment des dispositions de l'article 60 du Code pénal et pour tous les cas non spécialement prévus par ce Code, seront réputés complices de tout crime ou délit commis ceux qui soit par des discours prononcés dons un lieu public devant une réunion d'individus, soit par des placards affichés, soit par des écrits imprimés ou non et vendus ou distribués, auront provoqués directement à les commettre.
Cette disposition sera également applicable lorsque la provocation n'aura été suivie que d'une tentative de crime ou de délit conformément aux articles 2 et 3 du Code pénal.
Voilà le principe, mais il n'est pas question de la manière dont l'éditeur, l'imprimeur ou le distributeur peuvent être mis hors de cause. On s'en réfère nécessairement à l'article 18 de la Constitution. Le reste du décret de 1831, bien qu'émané du Congrès constituant, n'est pas, parmi les œuvres émanées de cette illustre assemblée, celle qui est élaborée avec le plus de soin. L’article 18 de la Constitution a été l’objet d’études approfondies ; il n’en est pas de même du décret du 20 juillet, qui a été présenté et voté séance tenante ; qui, sauf un amendement relatif au droit de réponse, inséré sur la proposition de M. de Mérode, n’a été l’objet d’aucune discussion. Le décret a été improvisé et l’article premier est emprunté, si j’ai bonne mémoire, à un arrêté hollandais de 1829 ; le reste est puisé dans les lois françaises de 1822 et de 1819.
(page 932) Ce décret pourrait être révisé, élaboré avec soin ; il contient de très bons principes, mais il en contient d’autres aussi. Je crois que cette complicité consacrée par l’article premier est d'une très grande sévérité. Quant à la mise hors de cause de l’imprimeur et du distributeur, pour mettre la Chambre à même de se décider, je proposerai d’effacer au deuxième paragraphe les mots : « n’encourront… »
C'est-à-dire que j'assimile le cas où la provocation est suivie d'effet au cas contraire. Dans les deux cas, les vendeurs, crieurs, distributeurs seraient exempts de peine.
Du reste, j'appuie l'idée de M. Muller de renvoyer cet article au Code de la presse où il pourrait figurer plus heureusement. Là tous les grands principes qui se rattachent à la presse seront en discussion ; il est dangereux d’y toucher incidentellement à des principes de ce genre.
M. Muller. - La question est assez grave pour que j’insiste sur les considérations que j’ai présentées. Selon moi, l’article premier du décret du 21 juillet 1831 sur la presse ne comporte pas du tout l'extension qu'y a donnée M. le ministre de la justice, il est loin d’ailleurs d'avoir une rédaction identique à celle qu’on nous propose d'adopter.
Cet article premier dit que tous ceux qui par des discours ou des écrits ont provoqué à un crime ou à un délit, sont considérés comme complices ; mais il exige, pour que ces écrits puissent les faire considérer comme complices, qu’ils aient été affichés, vendus ou distribués.
Et aujourd’hui on veut considérer comme complice non seulement celui qui aura prononcé un discours, ou publié un écrit qui a été affiché, vendu ou distribué (ce qui peut être juste et constitutionnelle), mais encore, bien que l'auteur soit connu, l'éditeur, l'imprimeur, le crieur, et le distributeur de cet écrit, en recherchant s'ils l'ont édité, imprimé, crié ou distribué sciemment. J'avais donc quelque raison de dire tantôt que ce n'est pas l'article premier du décret de 1831 que vous reproduisez dans la loi. Vous y ajoutez beaucoup, vous élargissez le cercle des personnes à poursuivre.
En résumé, il est évident qu'il s'agit d'un délit de presse, puisque c'est de la nature de l’écrit que ressort le caractère de la provocation. Je persiste donc à émettre l'avis qu'il convient, au moins, d'ajourner la révision de cette disposition au moment où vous réviserez la législation sur la presse, et si vous trouvez qu’il soit absolument nécessaire de l'introduire dans le Code pénal, je désire la voir atténuer, car elle va plus loin que l'article premier du décret de 1831, auquel il m'est impossible de l'assimiler.
M. Pirmez, rapporteur. Il ne faut pas perdre de vue qu’il y a deux articles ; l’article premier du décret de 1831 sur la presse, et l’article 285 du Code pénal. Lorsque l'article premier du décret a été voté l'article 285 du Code pénal est resté en vigueur. Mais si en révisant le Code pénal vous n'y maintenez pas cet article 285, il se trouvera nécessairement abrogé.
On a demandé l'ajournement ; je ne m'y oppose pas ; la commission examinera l'article, bien qu'elle en ait déjà fait l'objet d’un examen très attentif.
M. Muller. - Une seule observation. L'honorable M. Pirmez préjuge la question de savoir si l'article 285 était resté complètement en vigueur en présence de la Constitution.
M. Guillery. - En supposant même qu'il en eût été ainsi, il faudrait encore combiner l’article avec la Constitution pour la mise hors de cause des imprimeurs.
- Le renvoi à la commission et mis aux voix et prononcé.
« Art. 336. Les auteurs, entrepreneurs, administrateurs, préposés ou agents des loteries belges et étrangères non autorisées légalement par la loi, seront punis d'un emprisonnement de huit jours à trois mois et d'une amende de cinquante francs à trois mille francs.
« Seront confisqués les objets mobiliers mis en loterie et ceux qui sont employés ou destines à son service.
« Lorsqu'un immeuble a été mis en loterie, la confiscation sera remplacée, à l'égard du propriétaire de cet immeuble, par une amende de cent francs à dix mille francs. »
- Adopté.
« Art. 337. Ceux qui auront placé, colporté ou distribué des billets, de loteries non autorisées légalement ; ceux qui, par des avis, annonces, affiches ou par tout autre moyen tie publication, auront fait connaître l'existence de ces loteries ou facilité l'émission de leurs billets, seront punis d'un emprisonnement de huit jours ù trois mois et d'une amende de vingt-six francs à deux mille francs.
« Dans tous les cas, ces billets, ainsi que les écrits, imprimés ou non, qui contiennent ces avis ou annonces ou qui forment ces affiches, seront saisis et anéantis. »
- Adopté.
« Art. 338. Seront exempts des peines portées par l'article précédent, les crieurs et les afficheurs qui auront fait connaître la personne de laquelle ils tiennent les billets ou les écrits ci-dessus mentionnés.
- Adopté.
« Art. 339. Sont réputées loteries toutes opérations offertes au public et destinées à procurer un gain par la voie du sort. »
-Adopté.
« Art. 340. Ceux qui auront tenu sans autorisation légale une maison de jeux de hasard, et y auront admis le public, soit librement, soit sur la présentation des intéressés ou affiliés, les banquiers, administrateurs, préposés ou agents de cette maison, seront punis d'un emprisonnement de huit jours à six mois et d'une amende de cent, francs à cinq mille francs.
« Les coupables pourront de plus être interdits conformément à l'article 44.
« Dans tous les cas, seront confisqués les fonds ou effets qui seront trouvés exposés au jeu, ainsi que les meubles, instruments, ustensiles, appareils employés ou destines au service des jeux.
« Les coupables pourront de plus être condamnés à l'interdiction, conformément à l'article 44. »
- Adopté.
« Art. 341. Ceux qui auront tenu des maisons de prêt sur gages ou nantissement., sans autorisation légale, ou qui, ayant une autorisation, n'auront pas tenu un registre conforme aux règlements contenant de suite, sans aucun blanc ni interligne, les sommes ou les objets prêtés, les noms, domiciles et professions des emprunteurs, la nature, la qualité, la valeur des objets mis en nantissement, seront punis d'un emprisonnement de huit jours à trois mois et d'une amende de vingt francs à mille francs. »
- Adopté.
« Art. 342. Seront aussi punis d'un emprisonnement da huit jours à trois mois et d'une amende de vingt-six francs à mille francs :
« Les individus qui auront porté habituellement des effets aux bureaux des monts-de-piété pour autrui et moyennant rétribution ;
« Ceux qui auront aidé ou acheté les reconnaissances de ces établissements constatant des prêts sur marchandises neuves. »
- Adopté.
« Art. 343. Toute violation des lois et règlements d'administration publique relatifs aux produits des manufactures belges destinés à l’exportation, et qui ont pour objet de garantir la bonne qualité, les dimensions et la nature de la fabrication, sera punie d'une amende de cent francs à trois mille francs et de la confiscation des marchandises. Ces deux peines pourront être prononcées cumulativement ou séparément, selon les circonstances. »
- Sur la proposition de la commission, à laquelle le gouvernement se rallie, les articles 343 et 344 sont supprimés.
« Art. 345. Tout directeur, commis ou ouvrier de fabrique, qui aura méchamment ou frauduleusement communiqué à des étrangers ou à des Belges résidant en pays étranger, des secrets de la fabrique où il est ou a été employé, sera puni d'un emprisonnement de six mois à cinq ans et d'une amende de cent francs à trois mille francs. Les coupables pourront de plus être condamnés à l'interdiction conformément à l'article 44.
« Si ces secrets ont été communiqués à des Belges résidant en Belgique, la peine sera un emprisonnement de trois mois à trois ans et une amende de cinquante francs à deux mille frênes. »
M. Pirmez, rapporteur. - La commission n'a pas été unanime sur l'adoption de cet article.
Il prononce des peines différentes selon que la communication du secret est faite à des étrangers ou à des litiges.
Je crois que cette distinction ne peut être maintenue.
(page 933) Tous les autres délits, sans exception, sont punis de la même peine, soit qu'ils soient commis par des étrangers, soit qu'ils soient commis par des Belges.
Je crois qu'il n'y a pas de raison pour s'écarter, dans l'article 345 de cette règle générale. Je proposerai donc de rédiger cet article comme suit : « Tout directeur, commis on ouvrier de fabrique qui aura méchamment ou frauduleusement communiqué des secrets de la fabriqua où il est ou a été employé, sera puni d'un emprisonnement de trois mois à trois ans, et d'une amende de cinquante francs à deux mille francs. »
J'ai soumis cette rédaction à M. le ministre de la justice qui s'y est rallié.
M. Muller. - Je demande la parole pour provoquer une explication ; pour qu'il n'y ait pas le moindre doute sur le sens dans lequel est conçu l'article.
Les secrets de la fabrique dont la communication est frappée d'une peine ni peuvent, sans doute, consister que dans des procédés ?
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Certainement.
M. Muller. - Il ne s'agit pas, par exemple, de secrets relatifs à l'état, à la situation financière de l'établissement ?
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Non, il s'agit uniquement des procédés.
- L'article, rédigé comme le propose M. Pirmez, est adopté.
La séance est levée à quatre heures et demie.