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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 15 mars 1860

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1859-1860)

(page 879) (Présidence de M. Orts.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Florisone, secrétaire, fait l'appel nominal à trois heures et un quart.

- La séance est ouverte.


M. de Boe, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Florisone, secrétaire, présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Des habitants de Moorslede demandent qu'il soit donné cours légal en Belgique aux pièces décimales françaises en or, ou que ces monnaies soient reçues, pour leur valeur nominale, dans les caisses de l’Etat, et proposent subsidiairement que le gouvernement soit autorisé à battre pour son compte et pour compte des particuliers, des monnaies d'or belges, de même valeur, titre et module que l'or français.

« Même demande d'habitants de Termonde, Baesrode, Hooglede, Poperinghe, Moerzeke, Vyncke, Bavichove, Bisseghem, Wevelghem, Meulebeke, Sweveghem, Overmeire, Tamise, Berchem, Bassevelde et Lebbeke. »

M. Rodenbach. - Messieurs, il paraît que le pétitionnement pour la monnaie d'or devient de jour en jour plus considérable ; je fais de nouveau la proposition que j'ai soumise à la Chambre dans des séances précédentes, sur des pétitions de ce genre.

Je demande le renvoi à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport.

M. Van Renynghe. - J'appuie cette proposition.

- Adopté.


« Plusieurs officiers pensionnés prient la Chambre de mettre leur pension en rapport avec la valeur actuelle de l'argent. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les sieurs Corr-Vandermaeren, Le Hardy de Beaulieu et autres membres de l'Association belge pour la réforme douanière demandent le maintien de la libre sortie du minerai de fer dit oligiste. »

- Renvoi à la commission permanente de l'industrie.


« Des habitants d'Orgeo demandent la construction d'une route reliant la route des Ardoisières de Herbeumont aux stations de Libramont et de Longlier, en traversantla commune d'Orgeo. »

« Même demande d'habitants de Biourge et de Rossard, sections de la commune d'Orgeo. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants de Hornu demandent qu'il soit donné cours légal en Belgique à la monnaie d'or de France. »

« Même demande d'industriels, fabricants et commerçants à Bruxelles, Dinant et Dour. »

- Renvoi à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.


« Le sieur Hunquct, brasseur à Tourinnes-Saint-Lambert, présente des observations contre la proposition de M. le ministre des finances d'augmenter le droit sur la bière. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi sur la suppression des octrois communaux.


« Les sieurs Tarte et Bonnevie, président et secrétaire du comité de l'association pour la défense de la propriété intellectuelle, soumettent à la Chambre un projet de loi sur cette matière, et la prient de rejeter le projet de loi sur la propriété artistique et littéraire. »

M. H. Dumortier. - Je demande que cette pétition soit renvoyée à l'examen de la section centrale qui est chargée de l'examen du projet de loi.

- Adopté.

Projet de loi supprimant les droits d’enregistrement sur la vente publique des marchandises

Rapport de la commission

M. Moreau. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre le rapport de la commission qui a examiné le projet de loi portant suppression des droits d'enregistrement sur la vente publique des marchandises réputées telles dans le commerce. »

- Impression, distribution et mise à la suite de l'ordre du jour.

Rapports sur des pétitions

M. Jacquemyns, rapporteur. - Le sieur Grégoir demande une loi qui déclare obligatoire l'enseignement du chant dans les écoles primaires.

Sans songer à contester l'utilité d'une mesure de ce genre, votre commission, ne se croyant à même ni d'en juger l'opportunité, ni de l'apprécier sous le rapport pratique, vous propose de renvoyer cette pétition à M. le ministre de l'intérieur.

- Adopté.


M. Jacquemyns, rapporteur. - Le sieur Coutelier, ancien sous-officier, demande une augmentation de pension.

Le sieur Coutelier, ex-sergent au huitième de ligne, jouit d'une pension de 250 francs, comme décoré de la croix de Fer, et demande une augmentation de pension.

Les motifs allégués par le sieur Coutelier, à l'appui de sa demande, n'étant pas suffisants, votre commission a l'honneur de vous proposer l'ordre du jour.

- Adopté.


M. Jacquemyns, rapporteur. - Le sieur Gravet, ancien préposé des douanes, demande qu'il lui soit fait application de l'article 50 de la loi sur les pensions.

Le sieur Gravet, ancien préposé des douanes à Nivezé, contrôle de Stavelot, fut révoqué de ses fonctions par décision de M. le ministre des finances, le 16 août 1859 ; mais il s'était fracturé la jambe gauche, dans l'exécution d'un service de nuit, le 4 du même mois ; il se trouve par suite, dit-il, dans l'incapacité de se livrer à aucun travail, et demande que l'article 50 de la loi sur les pensions civiles et ecclésiastiques lui soit appliqué.

La commission vous propose le renvoi de cette pétition à M. le ministre des finances.

- Adopté.


M. Jacquemyns, rapporteur. - Le sieur Lahoussée, imprimeur typographe à Charleroi, garde civique depuis 1830, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir la médaille commémorative instituée à l'occasion du 25ème anniversaire de l'inauguration du Roi.

Le sieur Lahoussée s'est adressé à Sa Majesté, par requête des 8 juin et 11 décembre 1859, et à M. le ministre de l'intérieur, par requête en date du 5 novembre de la même année, afin d'obtenir la médaille commémorative du 25ème anniversaire de l'inauguration du Roi : nous pensons devoir vous proposer le renvoi à M. le ministre de l'intérieur de la pétition par laquelle il réclame l'intervention de la Chambre à l'effet d'obtenir cette médaille.

- Adopté.


M. Jacquemyns, rapporteur. - Le sieur Perpeet-Uyttenbroek réclame l'intervention de la Chambre pour que son fils Jean-Henri-Adolphe, maréchal des logis fourrier au 4ème régiment d'artillerie, obtienne son congé définitif ou du moins un congé illimité.

Déjà le sieur Perpeet s'est adressé à M. le ministre de la guerre à l'effet d'obtenir le congé de son fils : ce congé ayant été formellement refusé, le renvoi à M. le ministre serait donc inutile et la commission ne peut que vous proposer l'ordre du jour.

- Adopté.


M. Jacquemyns, rapporteur. - Des propriétaires exploitants de moulins à vent à Lommel demandent que la contribution foncière de ces usines soit diminuée.

Diverses demandes ont été adressées à la Chambre par des propriétaires et exploitants de moulins à vent, à l'effet d'obtenir une réduction soit sur le droit de patente, soit sur la contribution foncière : ces pétitions sont basées sur l'exiguïté des bénéfices que réalisent les exploitants, à cause de la concurrence des moulins à vapeur. Elles ont été renvoyées à M. le ministre des finances, et nous pensons devoir vous proposer également la renvoi de la pétition de Lommel à ce haut fonctionnaire.

- Adopté.


M. Jacquemyns, rapporteur. - Le sieur Félin Havin, milicien attaché à la boulangerie militaire à Bruxelles, né à Amstenrade (partie cédée du Limbourg), demande que sa déclaration pour obtenir le bénéfice accordé par la loi du 4 juin 1839, soit considérée comme faite en temps utile.

Le sieur Havin, en sa qualité de milicien, est Belge de droit, sans avoir à faire la déclaration prescrite par la loi du 4 juin 1839, et nous avons en conséquence l'honneur de vous proposer de passer l'ordre du jour sur sa proposition.

- Adopté.


M. Jacquemyns, rapporteur. - Le sieur Costermans, ancien soldat, congédié pour infirmités contractées au service, demande une pension ou un secours.

Le sieur Costermans, réformé du service militaire, pour cause d'infirmités, a joui d'une pension provisoire, qui fut supprimée par disposition ministérielle du 2 juin 1859, et ce fut en vain qu'il réclama contre cette suppression, par requête du 21 octobre dernier. En présence du refus duM. le ministre de la guerre, la commission juge inutile de renvoyer la pétition du sieur Costermans à M. le ministre et vous propose l'ordre du jour.

M. de Theux. - Messieurs, d'après des renseignements officiels sur la position du sieur Costermans, cet ancien milicien a contracté des (page 880) infirmités très graves au service, infirmités qui le mettent dans l'impossibilité de gagner sa vie ; il est dans une situation malheureuse, et il réclame une pension ou un secours. Je ne sais quels ont été les rapports du pétitionnaire avec le département de la guerre. Je pense que la pension provisoire dont il jouissait lui a été retirée ; mais je demanderai que, par humanité, la pétition soit renvoyée à M. le ministre de la guerre pour qu'il veuille bien examiner s'il n'y a pas lieu d'accorder un secours au pétitionnaire.

Je ne demande pas que la Chambre se prononce sur cette question ; je demande le renvoi pur et simple de la pétition à M. le ministre de la guerre, pour qu'il veuille examiner. Il s'agit, je le répète, d'un homme qui a été appelé au service militaire, et qui, dans ce service, a contracté des infirmités graves qui le réduisent à la plus grande misère. Il me semble que c'est un motif pour ne pas procéder avec rigueur.

Je demande donc le renvoi pur et simple à M. le ministre de la guerre.


M. Jacquemyns, rapporteur. - La commission se rallie à la proposition de M. de Theux par humanité.

- Le renvoi à M. le ministre de la guerre est ordonné.


M. Jacquemyns, rapporteur. - Par pétition datée de Grammont, 6 février 1860, des cultivateurs à Grammont demandent qu'il soit pris des mesures pour que leurs récoltes ne soient plus ravagées par les lapins tenus dans une propriété qu’ils avoisinent.

De nombreuses réclamations ont été élevées par des cultivateurs au sujet des dommages causés par des lapins abrités dans des propriétés voisines de tours terres. Quelques-unes ont été renvoyées à M. le ministre des finances, d'autres à M. le ministre de l'intérieur, quelques-unes aux deux départements ministériels.

La pétition dont il s'agit expose un fait précis. Au dire des pétitionnaires, un propriétaire possède dans le voisinage de leurs cultures un parc enclos de simples haies et composé d'une vingtaine d'hectares de bois, de jardins, d'étangs, etc. et il y aurait établi des refuges artistement combinés pour l'élève des lapins qui s'y multiplieraient d'une manière prodigieuse, tout en se nourrissant en grande partie des récoltes des voisins.

Il s'agit donc ici d'une véritable garenne, d'un lieu disposé de manière à y conserver les lapins qui s'y trouvent. Le propriétaire du fonds est propriétaire des lapins, qu'il convient de ranger dans la classe des immeubles par destination, et le propriétaire est évidemment responsable de tous les dommages causés par les animaux qui lui appartiennent.

Les lois existantes sont pleinement suffisantes pour réprimer l'abus dont les pétitionnaires se plaignent. C'est aux tribunaux, et non pas à la législature ou au gouvernement qu'ils doivent demander cette répression.

Nous avons cru toutefois devoir vous proposer de renvoyer cette pétition à M. le ministre de 1 intérieur, comme vous en avez agi pour d’autres pétitions du même genre, afin que, si le propriétaire désigné ou ses voisins demandaient l'autorisation de détruire les lapins en dehors du temps de la chasse, cette autorisation fût accordée à cause des motifs allégués dans la pétition dont la Chambre se trouve saisie.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. Jacquemyns, rapporteur. - Par pétition datte d'Ypres, le 31 janvier 1860, le sieur Antony Van Boeckxsel demande que les agents de l'administration respectent la volonté des négociants qui se font adresser des marchandises sur un entrepôt de la douane.

Pour que la volonté des négociants qui se font adresser des marchandises soit respectée, il faut évidemment qu'elle soit nettement exprimée, et les indications fournies par les pièces que le sieur Van Boeckxsel a adressées à la Chambre laissent beaucoup de doute à cet égard.

D'une part, le pétitionnaire affirme dans sa requête à la Chambre qu'il avait fait adresser sur l’entrepôt de la douane à Courtrai, une caisse d’argenterie expédiée de la Prusse, dans le but de remplir lui-même les formalités en douane, et que, s'étant rendu à Courtrai, il apprit que la caisse en question avait été déclarée par l'agent en douane du chemin de fer, et qu'elle avait été préemptée par les employés de la douane !

Si tels étaient les faits, il était évident que l'adresse ; « Sur l'entrepôt de la douane » indiquait de la part de l'expéditeur l'intention de laisser au destinataire le soin de remplir par lui-même les formalités de douane ou de les faire remplir par un agent de son choix, et il est important à tous égards que cette indication soit respectée.

Mais dans sa lettre à M. le directeur général des chemins de fer, postes et télégraphes, le pétitionnaire affirme que la marchandise était arrivée à son adresse sur l'entrepôt et probablement bureau restant, ce qu’il ignore.

Il y a ici une distinction importante à faire. Si l'expédition d'une marchandise sur un entrepôt public indique de la part de l'expéditeur l’intention de laisser le soin de la déclaration en douane au destinataire même, l'expédition de la même marchandise bureau restant, indique au contraire le désir que l'administration se charge elle-même des formalités de douane, attendu que ce n'est qu'après l'accomplissement de ces formalités que la marchandise peut être mise à la disposition du destinataire., bureau restant. Vainement le destinataire invoquerait, dans ce dernier, qu’il avait voulu se ménager les moyens de déclarer les marchandises en transit ou de les travailler en entrepôt : l’administration n'a pu remplir les intentions formelles de l'expéditeur qu'en mettant les marchandises à la disposition du destinataire bureau restant, et par conséquent en les déclarant en consommation, et s'il y a erreur, elle provient de l'expéditeur et n'est point le fait de l'administration.

Enfin, dans la pétition adressée à la Chambre, le pétitionnaire assure que la caisse était inscrite en son nom jusqu'à Courtrai en indiquant sur la lettre de voiture la destination d'Ypres, et en effet l'administration soutient que la caisse était adressée à Ypres, et le pétitionnaire ne le nie point.

Par ces motifs, et bien qu'elle soit d'avis qu'il importe qu'en cette matière l'administration se conforme aux intentions manifestées par l'expéditeur, la commission propose l'ordre du jour.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. Jacquemyns, rapporteur. - Par pétition sans date, le sieur Stippelmans, sous-brigadier des douanes, demande une augmentation de pension.

Tout en se plaignant de l'insuffisance de sa pension, le sieur Stippelmans ne fonde sa demande en augmentation sur aucun motif légal et la commission vous propose, en conséquence, l'ordre du jour.

- Adopté.


M. Jacquemyns, rapporteur. - Par pétition sans date, le sieur Larivière, ancien militaire congédié provisoirement pour infirmité contractée au service, demande une pension.

Entré au service militaire en 1838, le sieur Larivière contracta l'ophtalmie en 1839 : après un an de traitement, il sortit de l'hôpital militaire sans être guéri, perdit l'œil droit, et fut congédié provisoirement en 1841. Au moment de l'envoi de sa pétition, il souffrait de l'œil gauche au point de ne pouvoir se livrer aux travaux de sa profession et craignait de devenir complètement aveugle.

L'exactitude de ces faits est d'ailleurs attestée par le bourgmestre de la commune.

Le pétitionnaire n'a reçu que des secours provisoires, et ils ont cessé depuis 1855.

Ces considérations nous ont portés à vous proposer le renvoi à M. le ministre de la justice,

- Ces conclusions sont adoptées.


M. Jacquemyns, rapporteur. - Par pétition d'Andenne le 8 janvier 1860, le sieur Troisvallet, ancien gendarme, demande une augmentation de pension.

Le sieur Troisvallet n'alléguant pas de motif légal à l'appui de sa demande, la commission vous propose l'ordre du jour.

- Adopté.


M. Jacquemyns, rapporteur. - Par pétition datée de Cortil-Noirmont, le 14 janvier 1860, le sieur Warnier, cultivateur à Cortil-Noirmont, réclame l'intervention de la Chambre pour être indemnité des pertes qu'il a subies dans ses récoltes par les ouragans du mois de mai 1857.

La commission a l'honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition à M. le ministre de l’intérieur, qui a dans ses attributions les crédits destinés aux indemnités de ce genre.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. Jacquemyns, rapporteur. - Par pétition datée d'Anvers, le 17 janvier 1860, le sieur Mertens demande une loi sur l'organisation du crédit agricole et transmet des brochures qui se i attachent à cette question.

M. Alexandre Mertens, conseiller provincial à Anvers, persuadé que la Chambre sera saisie, durant cette session, d'une loi sur l'organisation du crédit agricole, adresse deux brochures, l'une sur un mode de crédit que le gouvernement accorderait en vue de favoriser les défrichements, l’autre sur la culture du houblon dans les bruyères de Belgique et des Pays-Bas.

Votre commission n'a pas cru devoir se livrer prématurément à une discussion de la question si grave du crédit agricole, et elle vous propose le renvoi de ces documents à M. le ministre des finances, tans rien préjuger.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. De Fré, autre rapporteur. - Par pétition datée de Saint-Josse-ten-Noode, le 26 juillet 1859, le sieur Fafchamps réclame l'intervention de la Chambre pour que le gouvernement donne suite à sa demande tendante à obtenir une récompense nationale pour les services qu'il a rendus à l'industrie houillère par son invention de la machine à vapeur à traction directe.

Par pétition datée de Saint-Josse-ten-Noode, le 5 avril 1858, le sieur Fafchamps présente des observations en réponse aux explications sur sa pétition, qui ont été transmises par M. le ministre de l'intérieur, dans la séance du 19 mars dernier.

Par pétition datée de Mons, le 20 mai 1858, le sieur Letoret réclame contre les prétentions du sieur Fafchamps à l'invention de la machine à traction directe.

Par pétition datée de Saint-Josse-ten-Noode, le 18 mai 1858, le sieur Fafchamps transmet à la Chambre oepie d'un rapport adressé à M. le ministre de l'intérieur sur le point de savoir s'il est réellement l'inventeur de la machine à vapeur d'exhaure à traction directe.

Par pétition datée de Mons, le 5 mai 1858, le sieur Letoret demande làanomination d'une commission chargée d'examiner si le principe de la traction directe était une innovation lorsque le sieur Fafchamps s'est occupé de son application aux machines d'exhaure, et puis de constater quelle est la personne qui aurait le plus contribué à le rendre pratique et à le faire généralement adopter en Belgique.

(page 881) J'ai donné lecture de l'analyse de ces diverses pétitions, parce qu'elles soulèvent la même question.

Le sieur Fafchamps est connu du monde industriel et il est connu de la Chambre ; il est venu souvent frapper à la porte de la Chambre des représentants et à la porte du Sénat à l'effet d'obtenir une récompense nationale pour les services qu'il a rendus à l'industrie.

Quelle que soit l'opinion qu'on ait sur la question de savoir si Fafchamps est réellement le créateur de la traction directe, il est incontestable que la machine pour laquelle il a été breveté a produit deux grands résultats : le premier, c'est qu'il a diminué le prix de la main-d'œuvre et qu'il a donné aux exploitants des mines des bénéfices considérables ; et en second lieu le sieur Fafchamps par son invention a fait entrer dans la caisse de l'Etat des sommes considérables. Le gouvernement perçoit 2 1/2 p. c. sur le produit des mines, cela s'appelle redevance proportionnelle. Or, il est constaté, par des documents authentiques, que depuis que la machine à traction directe fonctionne dans les mines, le produit de la redevance annuelle a sextuplé.

La commission des pétitions a sérieusement examiné les prétentions du sieur Fafchamps. Elle a été tellement pénétrée de la justesse de ses réclamations, que, sur cinq membres, quatre ont résolu, si le gouvernement restait inactif, et s'il ne proposait pas une récompense nationale pour l'inventeur Fafchamps, qu'ils useraient de leur initiative parlementaire pour soumettre à la Chambre une proposition de ce genre.

Maintenant, messieurs, voyons quel est pour le moment le débat soulevé par les pétitions dont il s'agit.

Vous voyez qu'il arrivé à M. Fafchamps ce qui est arrivé à tous les in venti ms : il se voit contester la propriété de son œuvre ; M. Le tore i, par trois pestions envoyées à la Chambre, coutesti à M. Fafch mps ia création de la machine dont il s'agit. M. Lctoret, dem mde que la Chambre nomme une commission et que cette commission examine la-question de savoir si M, Fafchamps est réellcmeut l'auteur de la machine à traction directe.

Mais il est établi qu'en 1848 et en 1855, deux commissions ont été nommées par le gouvernement avec mission d'examiner la question de savoir si M. Fafchamps était l'auteur de la machine nouvelle, et ces deux commissions ont déclaré que M. Fafchamps est le créateur de cette machine. La dernière de ces commissions a fait un parallèle entre M. Letoret et M. Fafchamps, et elle a décidé la question de propriété au profit de M. Fafchamps.

Le rapport du comité consultatif, relativement à la demande du sieur Fafchamps, sous la date du 20 octobre 1848, s'exprime ainsi :

« Le sieur Fafchamps a obtenu, il y a à peu près vingt ans, un brevet d'invention pour une nouvelle machine d'épuisement.

« Cette machine a été construite à Charleroi par l’inventeur et soumise à des essais comparatifs.

« A l'exposition de l'industrie de 1835, M. Fafchamps a exposé un modèle de sa machine d'épuisement : ce modèle, dont le cylindre avait environ 14 à 15 pouces de hauteur sur 3 à 4 pouces de diamètre, a fonctionné d'une manière satisfaisante pendant toute la durée de l'exposition, et deux membres du comité consultatif, signataires du présent rapport, faisant partie du jury de l'exposition de 1835, ont eu occasion d'examiner et de juger dès cette époque l'invention du sieur Fafchamps.

« Le jury de 1835 a rendu justice au mérite des dispositions nouvelles qui caractérisent la machine Fafchamps.

« L'extrême simplicité de ce système de machine qui permet de supprimer le balancier, la bielle, le volant, etc., etc., avait fixé l'attention du jury, et bien que le modèle, sous le rapport de l'exécution, fût loin d'être irréprochable, une médaille en vermeil fut décernée à T.H.J. Fafchamps.

« Plus tard, le même système de traction directe fut appliqué aux machines soufflantes.

« Cette invention du sieur Fafchamps ou plutôt cette application de son premier système fut brevetée en 1833 et nous en voyons l'application en grand à l'usine de Seraing.

« De nombreuses objections furent faites pendant plus de dix années contre le système Fafchamps. L’inventeur n'en continua qu'avec plus de persévérance ses essais et ses efforts de conviction auprès des constructeurs et des exploitants de charbonnagcs.et c'est aujourd’hui le système de traction directe qui a prévalu.

« M. Fafchamps nous a fourni une liste de 30 machines à épuisement de son système aujourd'hui construites, placées et en activité. Il est à notre connaissance que les trois dernières machines d'épuisement de 300 à 400 chevaux de force que l'on a montées dans les charbonnages du couchant de Mons sont des machines à traction directe et enfin M. Waroquier vient d'en placer une de ce système à Mariemont pour l’épuisement des eaux de ses riches exploitations.

« Les faits prouvent d'une manière incontestable que le système de traction directe est le meilleur L'expérience en a constaté les nombreux avantages,

« M. Fafchamps est-il l'inventeur de ce système ? est-ce à lui que l'industrie doit cette invention heureuse ? Jusqu'à démonstration du contraire, le brevet de M. Fafchamps, obtenu il y a dix ans, fait foi de sa qualité et de ses droits :

« Et par le fait, c'est bien M. Fafchamps qui a appelé l'attention des mécaniciens et des exploitants des mines sur les avantages du système à traction directe. Ce sont ses essais, ses démarches auprès des industriels, ses expériences sur des machines construites par lui-même, ses démonstrations par des modèles et mis en activité par lui ; ses brevets, ses publications, ses dépenses et ses peines pendant vingt années consécutives, qui ont concouru à éclairer les constructeurs et les exploitants.

« Et c'est par ces motifs réunis et par la connaissance que nous avons que les sacrifiées du sieur Fafchamps, pour faire apprécier et adopter son système, l'ont plutôt appauvri qu'enrichi, parce qu'il n'a tiré aucun bénéfice de son invention, que nous le croyons digne sous tous les rapports, des encouragements et de l'appui du gouvernement ; nous croyons qu'une indemnité lui est due et par le gouvernement qui représente l'industrie en général, et par les exploitants qui ont adopté son système. »

Ce rapport est signé : Guillery, Kindt et Nollet. Pour copie conforme : le secrétaire général du ministère de l'intérieur, Stevens.

Un rapport du même comité, de juin 1855, s'énonce dans des termes beaucoup plus formels :

« En réponse au mémoire ci-joint de M. l'ingénieur Gonot, nous nous empressons, M. le ministre, de vous adresser les quelques observations suivantes. Nous pensons qu'il suffira de rappeler les dates, et de donner surtout aux pièces essentielles leurs et dates respectives, pour mettre hors de doute les droits de M. Fafchamps.

« Nous devons commencer par déclarer que nous approuvons la juste susceptibilité de M. l'ingénieur Letoret, que des articles de journaux ont mis très maladroitement en cause, et qu'il n'est jamais entré dans notre pensée, en insistant sur les services de M. Fafchamps, de mettre en doute le caractère parfaitement honorable, les talents et les services de M. Letoret.

« Quant au fond de la question :

« Les brevets de M. Letoret sont de 1836 et 1837 ;

« Ceux de M. Fafchamps de 1827 et 1833.

« M Fafchamps n'a donc rien emprunté à M. Letoret.

« Mais deux brevets ont été successivement accordés en 1822 et 1826 à M. Frimot, en France.

« e brevet de 1822 n'ayant pas pour objet la traction directe, nous n'avons pas à nous en occuper.

« Tout l'argumentation de M. 1 ingénieur Gonot contre les prétentions de M. Fafchamps est fondée sur le brevet de 1826.

« M. l'ingénieur cite eu entier la spécification de ce brevet Frimot, pour prouver l'antériorité de celui-ci ; mais il ne dit pas que cette description n'a été publiée, rendue publique qu'en 1838 ! que le volume des publications officielles auquel il emprunte celtt longue citation est de 1838, tandis que les brevets Fafchamps sont de 1827 et de 1833.

« Le titre même du brevet Frimot du 16 septembre 1826, titre que l'on cite avec raison comme très explicite, mais que l'on cite erronément de spécification, ce titre même n'a été livré au domaine public que dans je second catalogue de 1827, tandis que nous avons sous les yeux la lettre imprimée et signée par le professeur Vander Heyden, de Liège, sous la date du 6 mars 1827, lettre dans laquelle le professeur donne les éloges les plus concluants à l'invention du sieur Fafchamps.

« Il est donc évident, incontestable qu'aucun brevet relatif à la traction directe n'avait été accordé en Belgique avant le brevet du sieur Fafchamps ; et que le brevet accordé en France à M. Frimot n'ayant été publié qu'en 1838, cette publication ne saurait infirmer légalement les droits de l'inventeur belge.

« M. Fafchamps reste donc bien légitimement et incontestablement l’inventeur légal de la traction directe en Belgique.

« Enfin, dès 1828, M. Fafchamps montait plusieurs machines de son système ; mais simple conducteur des mines, inventeur sans fortune, pouvait-il lutter victorieusement contre l'esprit de routine et les mécomptes des premiers essais toujours peu satisfaisants ?

« Aujourd'hui M. Fafchamps est dans sa 72ème année. N'est-ce pas là l'excuse de l’insistance et des termes chaque fois trop vifs de ses réclamations ?

« Nous concluons donc avec M. l'ingénieur Gonot, mais par les motifs du droit réel du sieur Fafchamps, à ce qu'il lui soit accordé une récompense nationale.

« (Signé : L'inspecteur, J. Kindt, Guillery, P. de Bavay. »

Vous voyez donc, messieurs, que le sieur Letoret, lorsqu'il vient demander une commission qui doit juger entre lui et M. Fafchamps, doit être déclaré non-recevable dans sa demande. Deux commissions successives ont été instituées par le gouvernement, et la question que M. Letoret veut soulever a été résolue contre lui.

Maintenant, il y a eu postérieurement un rapport envoyé au ministre des travaux publics. Ce rapport, nous ne l'avons pas, mais nous avons (page 882) la lettre de l'ingénieur en chef des mines à Liège, M. Wellekens qui écrit au sieur Fafchamps ce qui suit ;

« Liège, le 11 juin 1855.

« Monsieur,

« Je vous prie de ne pas m'envoyer les pièces indiquées en votre lettre datée d'hier : je n'en ai pas besoin pour apprécier la proposition de récompense nationale que vous avez méritée pour l'invention de la machine à vapeur d'épuisement à traction directe qui a déjà rendu et qui est destinée à rendre d'immenses services à l'industrie minière. Je joindrai au dossier les pièces que vous venez de m'adresser.

« Avant d'émettre une opinion, j'ai voulu connaître l'avis des ingénieurs des 5ème et 6ème districts dans le ressort desquels la machine à traction directe fonctionne depuis plusieurs années avec tout le succès désirable. M. Mueseler s'est déjà prononcé favorablement, et j'attends le rapport de son collègue Roucloux pour retourner le dossier, avec mon avis, à M. le ministre des travaux publics.

« Je vous conseille, monsieur, de verser au dossier les pièces officielles mentionnées dans votre lettre précitée. »

L'année suivante, le sieur Fafchamps s’est adressé au gouverneur de la province de Liège, afin d'avoir de lui le rapport de la députation permanente de 1856, dans lequel se trouvait indiqué, par des chiffres, quels avaient été, pour l'exploitation des mines, les heureux résultats produits par l'invention du sieur Fafchamps ; voici la lettre que l'honorable baron de Macar, écrite sous la date du 25 mars 1857 au sieur Fafchamps :

« Monsieur l'ingénieur,

« Je me fais un plaisir de vous adresser, suivant le désir que vous m'exprimez, un exemplaire de l'exposé de 1a situation administrative de la province en 1856, où il est effectivement fait mention, dans les termes que vous rapportez, des avantages qui sont résultés de l'usage dans les exploitations houillères de la machine à vapeur à traction directe. Certainement, M. l'ingénieur, je n'ai pas oublié vos premiers travaux (et je me souviens fort bien de cette audience royale à Charleroi, en 1829, où vous avez eu l'honneur d'être présenté à S. M. par moi-même). Je sais également que la machine de votre invention fut l'objet de l'attention du Roi, lorsque vous la fîtes fonctionner en sa présence.

« Je serais heureux que ma déclaration pût vous être de quelque utilité, et vous ne devez pas douter du plaisir que j'aurais à voir prendre en favorable considération la réclamation que vous m'annoncez avoir adressée au gouvernement sur la justice duquel vous pouvez compter avec la plus grande confiance.

« Veuillez agréez, M. l'ingénieur, l'expression de mes sentiments très distingués.

« Le gouverneur de la province de Liège,

< (Signé) : baron de Macar. »

Le sieur Fafchamps, comme cela est arrivé à beaucoup d'inventeurs, a vu, contrairement aux droits de son brevet, sa machine exploitée par d'autres, et il a été obligé de faire deux procès ; il a perdu ses procès, l'un sans doute, parce que la législation de 1817, qu'on a changée depuis, était mauvaise ; l'autre, parce que les fonds lui manquaient pour pouvoir faire faire l'expertise qui avait été ordonnée par le tribunal de Charleroi.

Dans la première affaire, la justice a décidé que sons la législation de 1817, on pouvait, pour son usage personnel, contrefaire une machine brevetée.

Je n'ai pas à juger cette jurisprudence. C'est une décision du tribunal de Charleroi qui a été confirmée par la cour d'appel de Bruxelles ; ce principe a été admis par la cour de cassation.

C'est cette jurisprudence qui a servi d'argument à M. le ministre de l'intérieur de l'époque pour changer la législation de 1817. Eh bien, dans ces deux procès, on n'est jamais venu contester au sieur Fafchamps l'invention de la machine de la traction directe.

Si le sieur Fafchamps n'avait pas été l'inventeur et le propriétaire de la machine, il est certain qu'on lui aurait opposé une fin de non-recevoir invincible. On lui aurait dit : Vous n'êtes pas l'inventeur de cette machine. Mais, ni devant le tribunal de Charleroi, ni devant la cour d'appel de Bruxelles, cet argument n'a été produit.

Indépendamment des preuves directes que je viens d'exposer, il y a encore une autre preuve indirecte : c'est que le sieur Fafchamps, après qu'il avait inventé sa machine, fut appelé, au mois de décembre 1835, dans la société anonyme des charbonnages du Levant du Flénu dont le sieur Letoret était directeur.

D'après les pièces de la correspondance que j'ai ici en mains, on lui a demandé de faire fonctionner sa machine, de venir sur les lieux afin de la faire marcher.

Eh bien, il est certain que si le sieur Letoret avait été le propriétaire de cette machine, lui qui était administrateur de cette société, le sieur Letoret n'aurait pas fait venir Fafchamps pour avoir des renseignements sur une machine dont M. Letoret aurait été l'inventeur ; cela est incontestable.

Ainsi, indépendamment des deux rapports qui ont été produits et qui prouvent que le sieur Fafchamps est réellement l'inventeur de la machine, il y a toutes les preuves indirectes que je viens d'indiquer.

Messieurs, je dois vous dire que chaque fois que le sieur Fafchamps est venu produire sa réclamation dans cette enceinte, il a reçu de vous tous l'accueil le plus sympathique.

Voici ce que disait, en 1854, le rapporteur de la commission des pétitions, M. Mathieu :

« Par pétition datée de St-Josse-ten-Noole, le 17 janvier 1854, le sieur Fafchamps, ingénieur civil, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir une prolongation de la durée du brevet d'invention qu'il a obtenu le 11 octobre 1833, ou une indemnité pour les services que son invention a rendus à la société.

« La pétition dont il s'agit nous fournit une preuve nouvelle et péremptoire pour démontrer à l'évidence l'imperfection de l'ancienne loi des brevets, son impuissance à protéger la propriété et l'intelligence contre l'égoïsme de la fraude et le cynisme de la contrefaçon.

« En effet, de toutes les inventions qui se sont produites depuis longtemps aucune peut-être n'a atteint au même degré l'importance et la portée d'utilité industrielle que présente la découverte du pétitionnaire ; aucune, pensons-nous, n'a contribué plus puissamment à augmenter la richesse nationale.

« Ce système, consistant en une machine à fraction directe, réunit à la simplification des agrès une économie considérable dans les frais de construction, une puissance de traction telle, qu'on n'aurait pu y atteindre qu'au moyen de machines très dispendieuses, dont l'effet économique aurait été en partie paralysé par une consommation trop considérable de combustible.

« Ce système, appliqué plus particulièrement à l'industrie houillère, a permis d'enfoncer l'extraction à la profondeur de certaines couches de houilles que, sans ce nouveau mode de traction, on aurait dû, pour longtemps peut-être, renoncer à exploiter par les moyens ordinaires.

« La machine à traction directe de l'ingénieur Fafchamps n'est qu'un perfectionnement, mais un perfectionnement bien précieux par les conséquences de son application ; il consiste dans la suppression des pièces les plus pesantes, les plus encombrantes et en partie les plus dispendieuses de la machine à vapeur, telles que balancier, volant, bielle, manivelle, et se réduit à un cylindre vertical à piston posé directement sur l'orifice de la bure.

« Pour ce perfectionnement, aussi simple qu'ingénieux, le pétitionnaire avait obtenu un brevet d'invention de 15 années par arrêté royal du 11 octobre 1833 ; ce brevet expiré, l'invention est désormais tombée dans le domaine public sans que l'inventeur en ait réellement retiré le moindre fruit pendant le terme de son brevet.

« La simplicité même qui constituait un des mérites de l'invention de l'ingénieur Fafchamps, a été un appât de plus à la fraude par la facilité de la contrefaçon ; le breveté a voulu défendre ses droits, mais il n'a pas trouvé une protection efficace dans la loi des brevets d'invention ; en d'autres circonstances, où les faits étaient patents, les ressources pécuniaires du breveté ne lui ont pas permis de suivre de puissants contrefacteurs dans les incidents et les détours de la chicane ; bref, au mépris de droits incontestables, il a dû se résigner pendant la durée du brevet à voir piller sous ses yeux par la fraude une découverte, fruit de ses études ; une propriété de son intelligence, qui, sous l'empire de la loi actuelle des brevets, aurait été une source de haute prospérité, tandis qu'elle n'a été pour lui qu'une cause de privations, d'infortune.

« En effet, il est prouvé que le système perfectionné de l'ingénieur Fafchamps est aujourd'hui d'une application générale et qu'il procure des avantages considérables à nos grandes industries ; pour l'inventeur seul, il n'a produit que les fruits amers de la déception et le regret de l'avoir mis en pratique 20 ans trop tôt. »

L'honorable M. Lesoinne disait en 1858 :

« Messieurs, comme dans les sessions précédentes, je viens me joindre aux honorables MM. Rodenbach et Vermeire, pour recommander la demande de M. Fafchamps à toute la bienveillance de M. le ministre de l'intérieur.

« Les services que l'invention de M. l'ingénieur Fafchamps a rendus à l'industrie et au pays sont incontestables et incontestés. Je crois donc que cet ingénieur aurait droit à une récompense nationale, dût-on même imposer aux charbonnages, qui profitent de cette invention, une taxe spéciale pour cet objet, et pour ma part, comme exploitant de charbons, je prendrai volontiers part à cette souscription, si elle était ouverte. »

« Je recommande donc la demande de M. Fafchamps à toute la bienveillance de M. le ministre de l'intérieur. »

Messieurs, il résulte de ces pièces deux choses : que le sieur Fafchamps est l'auteur de la machine à traction directe, et en second lieu qu'il revient au sieur Fafchamps une récompense nationale pour le bien qu'il a fait au pays.

Voyons de plus quelle est l'utilité de la machine du sieur Fafchamps ?

Sans la machine à traction directe, beaucoup de nos mines de houille et de fer seraient remplies d'eau et beaucoup de nos carrières seraient inexploitées.

Lorsqu'on a appliqué la machine Fafchamps, on était obligé de faire des frais considérables de charbon à l'effet d'extraire l'eau, et d'un autre (page 883) côté, on était obligé d'employer aux vieilles machines un nombre considérable d'ouvriers. L'ancien système qui était impuissant à faire disparaître l'eau des mines brûlait en pure perte une quantité considérable de charbon ; on économise aujourd'hui ce charbon.

Il résulte des documents fournis à la commission, que par l'invention de la machine Fafchamps, les propriétaires de mines ont pu épargner journellement 17,740 ouvriers.

II y a donc eu cette double conséquence, c'est que la prix de la main-d'œuvre ayant diminué, les propriétaires de mines ont fait de plus grands bénéfices ; et comme l'Etat perçut 2 1/2 p. c. sur les bénéfices da mines l'Etat a perçu, par suite de l'invention de la machine à traction directe, des sommes beaucoup plus considérables.

Voici d'après l'exposé de la situation administrative de la province de Liège pour 1856, quelles ont été les conséquences de l'application de cette machine.

« Il résulte de ces données que dans un espace de 20 ans, de 1835 à 1855, la production a triplé : de 591,931 tonneaux, elle est montée à 1,720,053. La valeur de cette production a été à peu près quadruplée : de 5,062,891 fr., elle est parvenue à 19,683,045 fr.

« Une grande progression ascendante se remarque également dans la production par siège d'exploitation en activité. De 6,804 tonneaux qu'elle était en 1835, et e s'est élevée à 11,432 en 1845, et à 18,696 tonneaux en 1855. Ainsi la production a pu tripler, la valeur quadrupler sans accroître le nombre de sièges d'extraction ; pour obtenir un résultat aussi favorable, il n'a pas été nécessaire de tripler le nombre des ouvriers ; car il était de 6,927 en 1835, de 10,955 en 1845 et de 17,933 en 1855 ; pour arriver au triple de 1835 à 1855, il aurait dû atteindre dans cette dernière année le chiffre de 20,781. Il y a donc une différence en moins, soit une économie de 3,548 ouvriers.

« De 1835 à 1845, six machines à vapeur d'épuisement développant une force de 834 chevaux seulement, ont été établies, tandis que de 1845 à 1855, dix nouvelles machines d'exhaure, d'une puissance collective de 2,685 chevaux, ont été construites, En vingt années, bien que le nombre de ces appareils ne se soit accru que de seize, leur puissance a plus que doublé : de 3,219 chevaux, elle s'est élevée à 6,738. Ces disproportions s'expliquent par l’adoption du système de machine à vapeur d'épuisement, dit à traction directe, qui offre de grands avantages et notamment une économie sensible de consommation de charbon.

« Une observation non moins digne d’intérêt, c'est le salaire annuel de l'ouvrier mineur qui n'était, en moyenne, que de 415 fr. en 1835, de 517 fr., en 1845 et qui s'est élevé à 630 fr. en 1855. Il a donc été majoré de plus de moitié dans l'espace de vingt ans.

« Nos meilleurs ouvriers mineurs gagnent de 3 à 5 fr. par jour, tandis que les enfants de 10 à 15 ans ne touchent que 50 centimes à 1 fr. C'est ce qui expliqué le peu d’élévation de la moyenne du salaire de l'ouvrier mineur, qui n'est que de 630 fr., alors que plusieurs d'entre eux gagnent néanmoins de 900 à 1,100 fr. par an. »

Vous voyez messieurs, qu'il résulte de ce document qui émane de la députation permanente de Liége, que la production des mines augmente avec moins de frais.

Maintenant lorsque en 1858 Fafchamps s'est adressé à la Chambre, le département de l'intérieur, en réponse à un renvoi avec demande d'explications à répondu par la dépêche suivante :

« Par décision du 8 mai dernier n° 12101/12055, qui est parvenue à mon département seulement le 26, la Chambre m'a renvoyé, avec demande d'explications, une nouvelle pétition du sieur Fafchamps.

« Dans cette pétition, le sieur Fafchamps se borne à répondre aux premières explications que j'ai adressées à ta Chambre, et dont il n'a point été donné connaissance à celle-ci, d'après les Annales parlementaires.

« Je ne pourrai que reproduire ici ces éclaircissements, auxquels je dois me référer. En définitive, toute la question, à mes yeux, se réduit à savoir si M. Fafchamps ayant demandé et obtenu un brevet qu’il a exploité ou pu exploiter, pendant le terme le plus long fixé par la loi est encore fondé aujourd'hui à réclamer une récompensa nationale. Cette question me semble devoir être résolue négativement, ainsi que je l'ai dit dans ma lettre du 18 mars.

« Dès lors, à moins que la Chambre n'en décide autrement, je crois sans opportunité de rechercher si le sieur Fafchamps possède ou non tous les titres qu'il allègue à l'invention de la machine à traction directe, titres qui sont formellement contestés par le sieur Letoret, dont le gouvernement ne croit pas non plus avoir à juger la réclamation.

« Quant au point de savoir si le sieur Fafchamps a été, comme ii le déclare, empêché de tirer parti de soninvention, à raison des vices de la loi du 25 janvier 1817, c'est là une question extrêmement délicate, dont la solution, dans un sens favorable au réclamant, pourrait donner lieu à une multitude de plaintes et de prétentions de même nature,

« Agréez. »

Messieurs, je dois finir par répondre, au nom de la commission, à l'opinion qui a été émise par le département de l'intérieur.

Voici l'argument de sa dépêche. On dit à la Chambre : M. Fafchamps n'a pas droit à une récompense nationale, parce que M. Fafchamps est victime d'une loi mauvaise. Moi, gouvernement, j'ai fait ce que j'ai pu ; j'ai changé la loi. Si je donnais à M. Fafchamps une récompense nationale ou une indemnité, parce qu'il a été victime d'une mauvaise loi, nous serions obligés de donner des indemnités à beaucoup de personnes, parce qu'il arrive très souvent que nous reconnaissons qu'une loi est mauvaise, et quand nous l'avons reconnu, nous la changeons.

Voilà l'argument qui se trouve dans h dépêche que je viens de lire à la Chambre, et cet argument je le reproduis dans toute sa force.

Messieurs, le sieur Fafchamps se trouve dans une position toute spéciale.

Le gouvernement a parfaitement raison de dire qu'il ne doit pas indemniser les victimes d'une mauvaise loi, mais ce principe vrai n'est pas applicable au sieur Fafchamps. Il résulte, messieurs, de l'exposé de la députation permanente de Liège, que la production minière a sextuplé grâce à la machine à traction directe. Ce fait est établi. Aux termes de la loi du 21 avril 1810, l'Etat prend sur le produit des mines une redevance de 2 1/2 p. c.

Il est évident que plus les mines produisent, plus la part de l'Etat est grande. Il résulte des documents statistiques de l’Etat, de la statistique de 1842, de la statistique de 1839 à 1844, de la statistique de 1845 à 1849, enfin des budgets de 1857 et de 1859, que la portion que l’Etat recevait en 1836 et qui était de 69,318 francs, s’élève aujourd’hui à 655,000 francs.

Maintenant, je fais appel au gouvernement. Je demande si l'on peut mettre M Fafchamps, victime d'une mauvaise loi, sur la même ligne que le premier citoyen venu, victime d'une mauvaise loi.

Un homme, sous l'empire de la loi de 1817, se trouve dépouillé da sa propriété. Les décisions de la justice ne sont pas favorables. Il s'adresse à l'Etat. L'Etat dit : Je ne puis rien faire pour vous. J'ai changé ma loi ; c’est tout ce que je pouvais faire. Mais M. Fafchamps dit : cette invention qui m'a appauvri, elle a fait entrer dans votre caisse 300,000 francs de plus, et M. Fafchamps ajoute : Sur le fonds spécial il me revient quelque chose, aux termes de l'article 39. La redevance proportionnelle que l'Etat perçoit sur le produit des mines forme un fonds dans lequel M. Fafchamps peut venir demander une part.

Voici ce que porte cet article 39 : « Les produits de la redevance fixe et de la redevance proportionnelle formeront un fonds spécial dont il sera tenu un compte particulier au trésor public et qui sera applicable aux dépenses de l'administration des minés, et à celles des recherches, ouvertures et mises en activité de mines nouvelles ou au rétablissement des mines anciennes. »

M. Fafchamps demande donc que sur ce fonds il lui soit alloué une récompense.

Le sieur Fafchamps ne peut pas s'adresser aux industriels qui ne sont guidés que par leur intérêt particulier.

Il s'adresse à l'Etat parce que l’Etat est guidé par des sentiments plus élevés, parce que l’Etat et les hommes qui conduisent l'Etat doivent faire en sorte que ceux qui ont inventé quelque chose de sérieux, qui ont enrichi leur pays, qui ont fait rayonner leur pays à l'étranger, ne meurent pas de faim, lorsqu'ils arrivent à l'âge de 75 ans.

La commission, messieurs, m'a chargé d'entrer dans ces développements. Elle se borne à conclure au dépôt des pétitions au bureau des renseignements, et comme je l'ai dit en commençant, la question, dans la commission, a fait l'objet d'un examen sérieux, et quatre membres de la commission sur cinq ont décidé qu'usant de leur initiative parlementaire, ils proposeraient un projet de loi, pour donner à M. Fafchamps une récompense nationale, si le gouvernement croyait inopportun de le faire lui-même. J'ai été chargé, comme rapporteur de la commission, d'être auprès de la Chambre l'expression de la conviction qui l'animait.

M. Van Overloop. - Il me semble qu'à la suite des développements que vient de donner l'honorable rapporteur, il serait plus convenable de renvoyer les pétitions au ministre dans les attributions duquel rentre l'objet de la pétition.

Quant à moi, je crois devoir appuyer la réclamation de M. Fafchamps. Il faut certainement que nous soyons sobres des deniers de l'Etat. Mais il faut avant tout que nous soyons justes.

La question n'est pas ici, me semble-t-il, de savoir si M. Fafchamps est victime ou non d'une mauvaise loi. La question doit être posée à un point de vue beaucoup plus élevé. Il s'agit de savoir si, en réalité, M. Fafchamps a rendu un service signalé au pays. Or cela me paraît incontestable, les faits rapportés étant exacts.

Certainement, les services rendus par le sieur Fafchamps profitent avant tout directement aux exploitants des houillères ; à ce point de (page 884) vue, il serait très équitable de la part des exploitants des houillères de se coaliser entre eux pour venir en aide au sieur Fafchamps, et de réaliser ce que l'un d'entre eux, je crois que c'est M. Lesoinne, disait être prêt à exécuter. Mais les exploitants de houillères ne faisant rien, faut-il que cet homme, qui a atteint presque l’âge de 80 ans, reste abandonné sans secours, alors qu'il a rendu un service signalé à son pays ?

J'espère, messieurs, que le gouvernement usera de son initiative pour nous proposer un projet de loi. Si le gouvernement ne le faisait pas, je serais prêt à m'adjoindre aux honorables membres qui ont annoncé l'intention de soumettre à la Chambre une proposition de loi tendante à reconnaître les services que M. Fafchamps a rendus à son pays.

M. Guillery. - Il me semble que la proposition de l'honorable M. Van Overloop demande quelques explications de la part du gouvernement. Si nous renvoyons purement et simplement à M. le ministre de l’intérieur une demande qui s’est déjà reproduite plusieurs fois dans cette Chambre et si ce renvoi ne doit pas avoir de suite, il est évident que nous tournerons toujours dans un cercle vicieux.

Les droits de M. Fafchamps ont été reconnus par la Chambre des représentants, par les hommes les plus compétents tant au sein du parlement qu'en dehors du parlementât tout en reconnaissant ces droits, on ne fait rien pour lui. Il me semble que véritablement l'inaction du gouvernement dans cette circonstance est bien regrettable.

Si la loi ne permet pas de reconnaître des droits sacrés, c'est le cas, me paraît-il, de proposer une loi spéciale, de voter une récompense nationale, d'allouer une pension viagère à la personne qui a rendu un service aussi éminent. Peut-il, en effet, y avoir un service plus signalé rendu au pays, que celui de produire une invention dont le mérite est proclamé par tous les hommes compétents ?

L'initiative de quelques membres de cette Chambre pourrait bien ne pas être efficace. Si ces quelques membres prenaient l'initiative d'une proposition, certainement, comme l’honorable préopinant, je l'appuierais, Mais cette proposition n'aurait pas les mêmes chances de succès que si elle émanait du gouvernement.

Je me joins donc à la commission des pétitions pour engager vivement M. le ministre de l'intérieur à prendre l'initiative d'un projet de loi.

Nous examinons en ce moment une loi destinée à proclamer, à consacrer le principe des droits de l'intelligence, de la propriété artistique et littéraire. Il me semble que la propriété d'un inventeur est aussi respectable. Si au lieu d'inventé une machine qui a répandu la richesse dans le pays et qui procure à l'Etat des revenus considérables, M. Fafchamps avait produit une belle statue, on aurait trouvé tout naturel qu'il fût grand-croix de l'ordre de Leopold, et qu'une somme considérable lui fût allouée ; et ce n'est certainement pas moi qui y trouverais à redire. Loin de moi de décourager le gouvernement dans la noble mission qu'il s'est donnée d'encourager les arts et de les récompenser. Mais il y a quelque chose d'aussi respectable et d'aussi utile tout au moins dans ce qu'a fait l’inventeur d'une machine aussi importante. La propriété d'un homme qui fait une invention n'est pas moins sacrée que la propriété d'un homme qui possède un immeuble, qui possède de l'argent, qui possède des actions. Si l'on avait usurpé un immeuble, fût-il même d'un mètre carré, à un propriétaire, immédiatement les tribunaux lui rendraient justice.

Nous reconnaissons que M. Fafchamps est victime d'une loi mauvaise. Eh bien, comme l'a très bien dit l'honorable M. De Fré, il ne faut pas se borner à dire : Toutes les victimes des lois mauvaises viendront réclamer. Non, il faut voir si les services rendus méritent une récompense. Il n'y a pas un homme qui voulût consentir à recevoir un service de cette importance, sans en tenir compte à celui dont il serait débiteur. Eh bien, l'Etat va-t-il donner l'exemple de l'ingratitude ? L'Etat, à qui on a rendu service, ne reconnaîtra-t-il pas qu'il est débiteur de celui qui a rendu cet immense service, va-t-il décourager ceux qui voudraient imiter M. Fafchamps et répandre à leur tour la richesse en développant l'industrie ?

Je suis convaincu que personne, mieux que M. le ministre de l'intérieur ne possède en lui-même tout ce qu'il faut pour apprécier la grandeur de la question qui nous est soumise et que personne n'est plus désireux que lui de consacrer les droits de cette propriété intellectuelle qui est une source féconde de richesse et d'honneur pour un pays.

C'est donc avec confiance que je me joins aux honorables préopinants, pour recommander à sa sollicitude et à son initiative la question qui nous est soumise.

M. Goblet. - M. le ministre de l'intérieur n'a-t-il pas quelque explication à nous donner ?

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il s'agit d'une question fort ancienne, qui a été introduite dans cette Chambre depuis de longues années, qui a fait l'objet de débats très nombreux, très étendus. Cependant je ne puis admettre, avec un des honorables préopinants, que la question ait été jugée par la Chambre. On vient de dire tout à l'heure que la Chambre avait reconnu les droits du réclamant. Je ne sache pas que jamais la Chambre, par une résolution quelconque, ait reconnu ces droits. Je sais que très souvent il a été question du pétitionnaire à la Chambre ; mais je ne pense pas que jamais la Chambre ait reconnu que ses droits étaient fondés, et je me trouve dans un grand embarras vis-à-vis de cette question.

Si j'avais la conviction que le pétitionnaire est l'inventeur malheureux d'un procédé qui aurait rendu de très grands services à l'industrie, l'inventeur incontestable et incontesté, je serais très disposé à venir proposer à la Chambre une récompense nationale. Mais je n'ai pu jusqu'à présent acquérir cette conviction.

Je ne sais pas si l'honorable M. De Fré, dans le très long rapport qu'il a présenté à la Chambre, a produit de nouveaux arguments. Je n'ai entendu que la fin du rapport. Mais, dans l'état actuel des choses, il m'est impossible de prononcer, quel que soit mon désir de rendre hommage à l'intelligence, de reconnaître ses droits, de proposer à la Chambre de récompenser les hommes qui rendent de grands services et qui font honneur au pays ; dans la situation des choses, je ne puis que m'en référer au rapport que j'ai déjà fait à la Chambre.

Je n'y mets, messieurs, aucune espèce de mauvaise volonté ; je n'aimerais pas mieux que de faire une proposition en faveur du sieur Fafchamps, mais ma conviction n'est pas faite, et s'il ne m'arrive pas de nouvelles lumières, on ne peut rien attendre de mon initiative. Si quelques membres de la Chambre sont plus convaincus que moi, qu'ils fassent une proposition.

Du reste, j'examinerai avec attention le rapport de l'honorable M. De Fré quand il sera imprimé.

M. J. Lebeau. - Messieurs, je ne voulais dire qu'un mot : le sieur Fafchamps est, par son âge, dans une situation telle, qu'il peut dire à l'appui de sa pétition, comme cet ancien : « Je n'ai pas le temps d'attendre. »

Si, messieurs, la question était portée devant les tribunaux, je me garderais d'intervenir. (Interruption.)

Mais si cela n'est pas, je me permettrai d'appuyer le renvoi à M. le ministre de l'intérieur, en le priant de soumettre la question à un nouvel et très sérieux examen.

Voici, messieurs, sous quel patronage la réclamation du sieur Fafchamps s'est produite devant la Chambre.

Voici comment un homme du métier, parlant en pleine connaissance de cause, s'est exprimé dans cette enceinte, le 2 mai 1856 :

« M. Brixhe. - En conscience, messieurs, je ne puis me dispenser d'appuyer vivement le renvoi proposé par votre commission des pétitions ; et ce n'est point une recommandation banale que je vous adresse ici. L'instruction la plus laborieuse a été faîte sur la pétition du sieur Fafchamps, et les faits allégués sont aujourd'hui reconnus, admis de la manière la plus éclatante.

« Votre commission des pétitions n'a certainement pas besoin du secours de mes propres attestations ; aussi n'est-ce pas pour elle, mais pour moi-même, que je me fais un devoir de déclarer que les services rendus par M. Fafchamps à l'exploitation des mines sont considérables. J'ajoute que son invention, il l'a faite, elle est née en quelque sorte sous mes yeux, et que j'ai été témoin de sou développement, M. Fafchamps étant alors attaché au deuxième district des mines dont j'étais l'ingénieur.

« La Chambre et l'honorable ministre de l'intérieur comprendront que je recommande chaleureusement cette pétition intéressante d'un vieillard qui ne peut plus attendre longtemps quelque marque sérieuse de la gratitude nationale. »

M. Lesoinne, aussi homme du métier et qui, vous le savez tous, n'engage pas légèrement sa responsabilité, M. Lesoinne ajouta immédiatement ce qui suit :

« Messieurs, je me joins aux honorables MM. Rodenbach et Brixhe pour recommander le pétitionnaire à la bienveillance de M. le ministre de l'intérieur. Les services rendus par l'invention de M. Fafchamps ne sont contestés par personne. Tous les rapports faits sur les pétitions qui ont été adressées à la Chambre par M. Fafchamps ont été très favorables et la Chambre a renvoyé ces pétitions au gouvernement avec un sentiment de bienveillant appui. Je pense que ce sentiment ne doit pas rester stérile et qu'à l'âge où est arrivé M. Fafchamps, on peut lui accorder une récompense qu'il a méritée à tous égards. »

Voilà, messieurs, ce que disaient en 1856, deux de hommes les plus compétents de la Chambre, en cette matière.

Le pétitionnaire fait preuve d'une grande persévérance dans ses réclamations, mais cette persévérance lui est commandée par la position où il se trouve.

J'appuie le renvoi à M. le ministre de l'intérieur et je recommande cette pétition à sa bienveillante sollicitude.

M. De Fré, rapporteur. - Messieurs, la question de savoir si M. Fafchamps est le créateur de la machine à traction directe est jugée. Il n'est pas un des fonctionnaires auxquels le département de l'intérieur s'est adressé, qui n'ait décidé la question en ce sens.

J'ai eu l'honneur de lire à la Chambre deux rapports, l'un de 1848, l'autre de 1855, et il en existe un troisième au département des travaux publics ; tous reconnaissent que le sieur Fafchamps est l'inventeur de la machine à traction directe.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - M. Letoret le conteste.

M. De Fré. - Le département de l'intérieur a nommé une (page 885) commission pour juger entre M. Letoret et M. Fafchamps, et cette commission a donné raison à M. Fafchamps. Le gouvernement ne peut donc plus venir dire que « c'est peut-être M. Letoret qui est l'inventeur. »

Une commission nommée par le gouvernement en 1855, a condamné les prétentions de M. Letoret, et le gouvernement n'a jamais dit à cette commission : « Vous vous êtes trompée. » Pour pouvoir le dire, il aurait dû nommer une autre commission et faire examiner de nouveau la question. Il ne l’a pas fait.

Le gouvernement est donc lié par ses propres actes. Il est lié par l'opinion de tous les fonctionnaires qu'il a consultés.

Eh bien, messieurs, s'il est vrai que M. Fafchamps est l'inventeur, il est vrai aussi que M. Fafchamps a fait entrer dans la caisse de l'Etat plus de 500,000 francs. (Interruption.)

Cela résulte de documents que j'ai sous les yeux ; je ferai insérer le tableau dans les Annales parlementaires.

Ce sont les chiffres mêmes du gouvernement que je produis.

Eh bien, si ces deux points sont admis, à savoir, d'abord, que la machine est bien de l'invention du sieur Fafchamps, et en second lieu, que l'invention est utile, pouvez-vous manquer à la logique, manquer aux antécédents, manquer à la justice, jusqu'à refuser au sieur Fafchamps la récompense à laquelle il a droit ?

L'étranger verrait avec plaisir qu'en Belgique nous récompensons les hommes de génie, les hommes marquants qui la font rayonner au loin. (Aux voix ! aux voix !)

M. Goblet. - Messieurs, j'ai une proposition à faire.

En présence des diverses assertions qui se sont produites, en présence du rapport long et fort remarquable de l'honorable M De Fré, en présence de la déclaration de M. le ministre de l'intérieur qui dit n'avoir pas entendu ce rapport tout entier, ne serait-il pas dans les convenances de laisser imprimer ce rapport dans les Annales parlementaires et de fixer un jour pour terminer cette discussion ?

Sinon, nous allons tourner dans un cercle vicieux. Nous renvoyons à M. le ministre de l'intérieur, M. le ministre de l'intérieur dit qu'il examinera. Une solution n'arrivera pas, le sieur Fafchamps devra de nouveau nous adresser des réclamations. Ces réclamations donneront lieu à un nouveau débat, il vaut mieux en finir maintenant.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, il s'agit de s'entendre sur la portée du renvoi de la pétition à mon département. J'accepte le renvoi, s'il s'agit d'un nouvel examen à faire par le ministère ; mais s'il s'agit d'un renvoi, avec injonction de présenter un projet de loi, je ne l'accepte pas.

- La suite de la discussion est remise à demain à 2 heures.

La séance est levée à 5 heures.