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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 4 février 1860

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1859-1860)

(page 635) ((Présidence de M. Vervoort, second vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Florisone procède à l'appel nominal à une heure et un quart.

M. de Boe donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Florisone communique l'analyse d'une pétition adressée à la Chambre.

« Le sieur Goddyn réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir copie de son bulletin de recensement. »

- Renvoi à la commission des pétitions.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l’exercice 1860

Discussion du tableau des crédits

Chapitre X. Légion d’honneur et croix de Fer

Article 50

« Art. 50. Pensions de 250 francs en faveur des légionnaires, des décorés de la croix de Fer et des blessés de septembre peu favorisés de la fortune ; subsides à leurs veuves ou orphelins ; charge extraordinaire : fr. 200,000. »

M. Rodenbach. - Dans le courant du mois de mai, nous avons reçu plusieurs requêtes. L'une d'elles nous a été adressée par les officiers qui avancent qu'ils ont combattu lors de nos glorieuses journées de septembre, et ils prétendent qu'ils n'ont reçu aucune faveur du gouvernement, bien qu'ils se soient distingués. Ils disent que les absents ont toujours tort, et que plusieurs d'entre eux se trouvaient à la frontière lorsqu'on a délivré la croix de Fer. D'autres pétitionnaires, décorés de la croix de Fer, se sont adressés à la Chambre pour être assimilés aux décorés de la Légion d'honneur, qui tous ont droit à une pension de 250 francs, tandis que la pension des décorés de la croix de Fer n'est accordée qu'aux nécessiteux à titre de secours. Ils signalent notamment que les veuves des décorés de la croix de Fer ne reçoivent qu'une pension de 100 francs, tandis que les veuves des légionnaires en reçoivent une de 200 francs. Ils voudraient être traités à tel égard comme les décorés de la Légion d’honneur.

Je sais qu'on a hâte d'en finir avec le budget. Je me bornerai donc à appuyer le vœu exprimé par la section centrale, et je demande que tous les décorés de la croix de Fer soient honorablement récompensés.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Rien ne serait plus agréable au gouvernement que de pouvoir distribuer les revenus publics à tous ceux qui ont concouru à l'établissement de l'ordre nouveau. Mais la Chambre reconnaîtra et leurs partisans mêmes les plus persévérants reconnaîtront l'impossibilité où se trouve le gouvernement d'accorder des récompenses à tous ceux qui se présentent comme ayant combattu

Des décorations ont été accordées à tous ceux qui ont été signalés comme ayant rendu des services signalés ; il y en a eu 1,650. Les décorés, non favorisés de la fortune, ont reçu une pension d'abord de 100 francs et ensuite de 250 fr. Ceux qui ont été blessés même très légèrement ont reçu des pensions spéciales. S’ils ont reçu la décoration en même temps, ils reçoivent deux pensions, l'une comme blessé et l'autre comme décoré. Ceux qui occupent des fonctions publiques reçoivent, en outre, le traitement de fonctionnaires publics.

Ajoutons ceux qui ayant été bissés n'ont pas été décorés ; ceux-là ont été assimilés aux décorés, en vertu d’une disposition qui a été adoptée l'année dernière sur ma proposition, et ils reçoivent la pension de décoré.

Vient enfin la catégorie des combattants non blessés ni décorés.

Je ne sais où l’on pourrait s’arrêter si on devait accorder des récompenses à tous ceux qui ont combattu ou qui prétendent avoir combattu pour la révolution.

Je ne puis certes être accusé d’indifférence, envers les soldats de révolution (Non ! non !) A toutes les époques, j'ai pris leur parti. Mais enfin, il faut un terme à ces réclamations. Il est très facile de se poser ici en protecteur spécial des hommes de la révolution ; mais encore faut-il savoir pratiquement ce qu'on veut. S'agit-il de donner des pensions à tous ceux qui ont combattu pour 1la révolution ? Cela n'est pas possible. Il ne faut donc pas encourager des pétitions qui ne sont pas susceptibles d’être accueillies.

Quant aux veuves des décorés de la croix de Fer et aux veuves des légionnaires, voici ce qui se passe : les veuves des légionnaires qui ont servi sous l'empire et dont les maris n'ont pas eu de pension jouissent d'une pension de 200 francs ; celles, au contraire, dont les maris ont eu une pension ne reçoivent rien du tout.

Il y a 243 veuves de décorés qui obtiennent une pension de 100 francs ou de 75 fr.

A mesure que des extinctions se font, on admet d'autres décorés à la pension.

On a dit qu'on admettait des hommes riches à la pension. Cela n'est pas exact. Mais je dois déclarer que l’administration se montre très large pour l'admission des personnes qui demandent la pension de la croix de Fer.

En général lorsqu'un citoyen, décoré de la croix de Fer, demande la pension de 250 fr., on la lui accorde. L'on suppose que le seul fait du soumettre l'état de sa fortune à une enquête administrative atteste de la part des postulants une position peu aisée.

A mesure que des extinctions arrivent, des admissions nouvelles ont lieu, et elles doivent inévitablement se faire dans des classes de personnes plus aisées que celles qui ont disparu.

Je ne demande pas mieux que de m'associer à toutes les mesures qui sont proposées en faveur des hommes de 1830.

Mais je supplie aussi qu'on ne vienne pas, par des recommandation trop fréquentes, exciter chez eux des prétentions exagérées, entretenir des espérances qui ne peuvent pas se réaliser.

L'honorable M. Rodenbach veut savoir à quoi s'en tenir : qu'il s'adresse à la Chambre, qu'il fasse des propositions ; quant à moi je n'ai pas à en faire ; j'ai assez fait preuve de bonne volonté ; toutes les demandes fondées sont accueillies ; quelquefois il s'en présente qu'on n'admet pas ; il ne suffit pas de venir déclarer qu'on a rendu des services, il faut que les services soient constatés. J'ai vu telle personne qui se prétendait blessée présenter des certificats qui l’attestaient ; j’étais sur le point d'accorder la pension, mais après une enquête plus rigoureuse, il s'est trouvé que ce personnage n'avait pas été blessé du tout ; je l'ai rayé. Parfois des individus, pour faire croire qu'ils ont joué un grand rôle dans la révolution, déclarent qu'un tel a été blessé à ses côtés, qu'il a combattu sous ses ordres. Le gouvernement doit prendre certaines précautions pour ne pas être dupe d'intrigants.

Nous mettons beaucoup de bienveillance dans l'accueil que nous faisons aux réclamations, nous les examinons toutes avec l'intention de donner satisfaction aux réclamants, mais je n'accepte pas aveuglément les certificats arrachés quelquefois à la connivence et souvent à la complaisance. Voilà des pratiques contre lesquelles chacun doit se tenir en garde.

Quant à moi je me suis toujours montré très large envers les citoyens qui ont rendu des services lors de la révolution, mais je demande aux membres de la Chambre de ne pas réveiller à chaque instant ces discussions sans résultat utile pour ceux qui les provoquent.

M. Rodenbach. - Je répudie les abus signales par l'honorable ministre de l’intérieur ; quand j’ai demanda la parole, je n'ai pas réclamé des récompenses pour tous ceux qui ont combattu dans la révolution. J'ai dit qu'au mois de mai diverses pétitions avaient été renvoyées à la section centrale qui en a proposé le dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de l’intérieur, en exprimant le vœu que le gouvernement n'oublie pas ceux qui ont combattu pour notre indépendance et concouru à fonder notre nationalité.

Eh bien, j'ai exprimé les mêmes vœux que la section centrale. Quant aux veuves des combattants de la révolution, je ne vois pas pourquoi elles n'auraient pas les mêmes droits que les chevaliers de la Légion d’honneur.

- Plusieurs voix. - Pour la Légion d'honneur il y avait une dotation !

M. Rodenbach. - Les dotations n'existent plus en Belgique ; c'est un fait ; je connais parfaitement cela, c'est de l’histoire ancienne que vos dotations, elles ont cessé d’être payées en Belgique ; cependant les veuves des légionnaires reçoivent actuellement 200 fr. et on ne veut pas mettre sur le même pied les veuves des décorés de la croix de Fer qui ne reçoivent que 100 fr.

Cependant leur époux ont combattu pour leur patrie. C'est le même principe. Ce sont toujours des Belges qui ont combattu pour leur pays.

Lorsqu'on voudra examiner consciencieusement les droits des légionnaires et ceux des décorés de la croix de Fer, on reconnaîtra que les uns ont autant de droit que les autres et que mes observations sont fondées.

On a parlé d’intrigants, d’hommes mal famés ; ces hommes, je les repousse autant que qui que ce soit ; mais je dois à la vérité de dire que dans les 442 décorés de la croix de Fer qui reçoivent une pension, il n’y (page 636) en a pas un seul qui ait été condamné correctionnellement ou criminellement.

J'ajouterai que jamais aucun d'eux n'a assisté aux émeutes et pillages qui ont eu lieu.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je ne sais pas où veut en venir l'honorable M. Rodenbach. Je n'ai point parlé de condamnés ni de gens mal famés. J'ai engagé les membres de la Chambre à se méfier de quelques intrigants, mais je n'ai point parlé des décorés de la croix de Fer ; je ne sais pas si parmi les 442 décorés qui reçoivent une pension, il y a eu des condamnés, je n'en sais rien, je n'ai pas parlé de cela. L'honorable M. Rodenbach prend avec chaleur la défense de gens qui ne sont pas accusés.

Quant aux décorés de la Légion d’honneur, s’ils ont figuré au budget avant les décorés de la croix de Fer, ce n'est point par mon fait.

M. Rodenbach. - Je ne vous ai pas fait de reproches ; j'ai dit seulement qu'en principe, les décorés de la croix de Fer ont autant de droits que les légionnaires.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je vais plus loin que vous ; je dis qu'ils ont plus de droits que les légionnaires, mais que réclamez-vous ?

M. Rodenbach. - Et les veuves ?

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Les veuves de ceux des légionnaires qui n'ont pas eu de pension en touchent une ; celles, au contraire, dont le mari a été pensionné, ne jouissent d'aucune pension.

Voilà la position, voulez-vous la changer ? Proposez quelque chose.

Il reste encore 84 légionnaires et 89 veuves de légionnaires ; et de jour en jour ces récriminations contre les légionnaires diminueront d'intensité, car l'âge en fait disparaître chaque année un certain nombre. Sous ce rapport il est peut-être un peu tard pour venir contester la pension dont ils jouissent depuis près de trente ans.

M. Allard. - Il est vraiment regrettable que tous les ans nous ayons une discussion sur des demandes de combattants de la révolution, et cela trente ans après les combats de septembre ! J'avoue franchement qu'il y a un certain nombre de combattants qui n'ont pas fait de réclamations pour avoir la croix de Fer et qui la méritaient, soit qu'ils ne se soient pas trouvés dans la possibilité de le faire, parce qu'ils se trouvaient en face de l’ennemi aux frontières, soit par d'autres circonstances, et qui avaient autant de droit que d'autres de l'obtenir ; mais c'est là un fait dont la Chambre ni le pays ne peut être responsable.

Cette discussion est regrettable, parce qu'il semblerait que le pays n'ait rien fait pour ces honorables citoyens qui ont combattu et versé leur sang pour la patrie, il y a près de trente ans.

D'abord c'est le Congrès, qui se réunit dans cette enceinte quelques jours après les combats de la révolution, qui institue en leur faveur des pensions civiques.

Qu'avons-nous fait ensuite ? Nous avons voté des subsides pour accorder des pensions minimes aux nécessiteux, plus tard nous avons augmenté les crédits pour majorer ces pensions jusqu’à concurrente de 250 francs.

Nous avons ensuite voté une loi en vertu de laquelle on a compté dix années de service à tous ceux qui ont pris part à la révolution.

M. Rodenbach. - Je le sais. C'est moi qui en ai fait la proposition.

M. Allard. - Ah ! oui, c'est vous qui avez tout fait ! La plupart des combattants de septembre sont entrés, soit dans l'armée, soit dans l'administration, et voilà une première récompense ; puis ils ont obtenu la croix de Fer, puis une pension de 250 francs, puis encore on leur a compté dix années de service, et on vient accuser le pays de n'avoir rien fait pour eux !

Messieurs, il faut des bornes à tout. Si le gouvernement reconnaissait que certains hommes qui n'ont pas eu la croix de Fer ont été victimes de certaines circonstances qui les ont empêchés de demander et d'obtenir cette récompense, il fera certainement quelque chose pour eux,

M. Rodenbach. - Qui dit cela ?

M. Allard. - Vous-même.

M. Rodenbach. - Du tout.

M. Allard. - Je ne sais, en définitive, ce que vous demandez. Il semblerait que les combattants de septembre n'ont que vous pour défenseur. Nous sommes tous les défenseurs des hommes qui se sont distingués en 1830, le pays les a dignement récompensés et il a eu raison. Je repousse de toutes mes forces cette espèce de reproche d'indifférence qu’on semble nous adresser.

- L'article est adopté.

Article 51

« Art. 51. Subside au fonds spécial des blessés de septembre et à leurs familles ; charge extraordinaire : fr. 22,000. »

- Adopté.

Chapitre XI. Agriculture

Articles 52 à 64

« Art. 52. Indemnité pour bestiaux abattus : fr. 150.000. »

- Adopté.


« Art. 53. Service vétérinaire : fr. 50,000. »

- Adopté.


« Art. 54. Traitements et indemnités du personnel du haras : fr. 39,150. »

- Adopté.


« Art. 55. Traitements et indemnités de disponibilité ; charge extraordinaire : fr. 1,600. »

- Adopté.


« Art. 56. Matériel du haras, frais de voyage du personnel et achat d'étalons : fr. 102,000. »

- Adopté.


« Art. 57. Amélioration de la race chevaline indigène ; exécution des règlements provinciaux sur la matière ; exécution des règlements provinciaux pour l'amélioration de la race bovine ; amélioration des espèces bovine, ovine et porcine : fr. 93,500. »

- Adopté.


« Art. 58. Conseil supérieur et commissions provinciales d'agriculture ; subsides pour concours et expositions ; encouragements aux sociétés et aux comices agricoles ; achats d'instruments aratoires nouveaux, destinés à servir de modèles ou à être distribués aux commissions d'agriculture, aux comices et sociétés agricoles ; achat de graines nouvelles à répartir par l'intermédiaire des commissions d'agriculture ; dépenses diverses : fr. 93,000. »

Le gouvernement, d'accord avec la section centrale, propose de porter ce subside à 100,700 fr.

- Le chiffre de 100,700 fr. est adopté.


« Art. 59. Enseignement professionnel de l'agriculture et de l'horticulture ; traitements de disponibilité : fr. 72,000.

« Charge extraordinaire : fr. 3,000. »

- Adopté.


« Art. 60. Service des défrichements eu Campine ; charge extraordinaire : fr. 25,100. »

- Adopté.


« Art. 61. Mesures relatives aux défrichements ; charge extraordinaire : fr. 60,000. »

- Adopté.


« Art. 62. Personnel enseignant, administratif, et gens de service de l'école de médecine vétérinaire de l'Etat : fr. 60,800. »

- Adopté.


« Art. 63. Matériel de l'école de médecine vétérinaire de l'Etat ; travaux d'entretien, de réparation, de construction ; jury vétérinaire : fr. 56,700.

« Charge extraordinaire : fr. 12,500. »

- Adopté.


« Art. 64. Subside à la société d'Horticulture de Bruxelles : fr. 24,000. »

- Adopté.

Chapitre XII. Voirie vicinale

Article 65

« Art. 65. Encouragements pour l'amélioration de la voirie vicinale et indemnités aux commissaires voyers : fr. 695,000. »

M. Magherman. - Messieurs, lors de la discussion du budget des travaux publics, j'ai démontré à la Chambre, les tableaux officiels en main, que les dépenses dans les différentes provinces pour construction de routes, étaient réparties d'une manière extrêmement inégale. J'ai démontré, entre autres, que dans la province de Flandre orientale, qui est la plus populeuse, il a exécuté le moins de travaux, qu'il n'a été dépensé dans cette province que la moitié de ce qui a été dépensé dans chacune des provinces de Namur, de Luxembourg et de Liège ; que le tiers de ce qui a été dépensé dans le Luxembourg. Je crois inutile de reproduire ici les chiffres.

L'honorable M. d’Hoffschmidt a répondu à cela, qu'il fallait prendre en considération non seulement les routes construites par l'Etat, mais encore les routes exécutées par voie de concession, et il a cité la province de Hainaut, dans laquelle un grand nombre de routes sont construites de cette manière. Je ne sais jusqu'à quel point cette allégation (page 637) est exacte ; je ne connais pas spécialement la province de Hainaut ; mais dans la Flandre orientale que j’habite, peu de routes ont été entreprises par voie de concession.

Du reste, ces routes fussent-elles nombreuses, il est certain que les subsides accordés pour des routes construites par voie de concession, doivent figurer parmi les allocations accordées par l’Etat, lorsque ces sommes sortent des caisses de l'Etat. Quant à celles construites sans l'intervention pécuniaire de l'Etat, s'il en existe, elles ne doivent pas entrer en ligne de compte.

J'ai donc recommandé à M. le ministre des travaux publics de vouloir avoir égard à cet état de choses, dans la répartition des sommes destinées pour construction de routes. Mais comme il reste très peu en de routes à construire par l'Etat parce que la plupart des voies de grande communication sont depuis longtemps achevées, et que d'ailleurs l'intérêt qu'elles présentent à la circulation a beaucoup diminué depuis la mise en exploitation .des voies ferrées, M. le ministre des travaux publics ne pourra probablement pas tenir grand compte de cet état de choses et l'équilibre ne pourra être rétabli par lui-seul.

Mais comme il existe également au budget de l'intérieur une somme assez considérable à dépenser en construction de routes, j'appelle sur ce point l'attention de l'honorable ministre de l’intérieur, afin qu'il redresse, autant qu'il est en lui,- le tort qui a été fait à différentes provinces.

Dans la Flandre orientale les besoins, en ce qui concerne la voire vicinale, sont grands, notamment dans les arrondissements d'Alost et d'Audenarde. Ces arrondissements se compos</hent de contrées assez accidentées, où le terrain est argileux ; pendant l’hiver, les chemins vicinaux y sont presque tous impraticables. Je pourrais citer telle commune de l'arrondissement d'Audenarde où il n'exista pas encore un mètre de pavage ou d'empierrement.

J'espère que M. le ministre de l’intérieur voudra bien prendre cet état de choses en grande considération et rétablir autant que possible l'équilibre que je considère comme rompu entre les différentes provinces, en ce qui concerne la répartition des deniers de l’Etat en matière de construction de routes.

- L'article est adopté.

Article 66

« Art. 66. Inspection des chemins vicinaux, des cours d'eau et de l'agriculture ; service du drainage : fr. 13,000.

« Charge extraordinaire : fr. 9,700. »

- Adopté.

Chapitre XIII. Industrie

Articles 67 à 69

« Art. 67. Frais du conseil supérieur de l'industrie et du commerce ; traitement de l'inspecteur pour les affaires d'industrie et du secrétaire du conseil : fr. 11,000. »

- Adopté.


« Art. 68. Enseignement industriel : fr. 70,000. »

- Adopté.


« Art. 69. Achat de modèles et de métiers perfectionnés ; voyages et missions ; publications utiles ; prix ou récompenses pour des ouvrages technologiques ou d'économie industrielle ; subsides en faveur d'industries nouvelles ; caisses de prévoyance : fr. 15,150. »

- Adopté.

Article 70

« Art. 70. Subsides aux ateliers d'apprentissage et écoles manufactures ; distribution de métiers, etc. ; charge extraordinaire : fr. 65,000. »

M. Janssens. - Messieurs j’ai toujours regretté de voir le gouvernement intervenir dans tous nos intérêts et j'ajouterai que je n'ai jamais compris cette intervention. Que dans un pays où la civilisation est peu avancée, un gouvernement autocratique prenne l'initiative de tous les progrès, cela se comprend, cela doit être, c'est lui qui dirige le pays. Mais que dans un pays comme le nôtre, un pouvoir émané de la nation se croie obligé de lui indiquer à chaque pas la route à suivre, cela m’a toujours paru contraire au bon sens. Quoi ! l'on a eu assez de confiance dans les populations belges pour leur abandonner la direction politique du pays, alors que pour apprécier les questions qui la concernent il faut une portée d’intelligence, un degré d'instruction qui ne se rencontrent pas toujours, alors que ce n'est qu'exceptionnellement que les masses s'occupent de ces questions. Et pour les intérêts qui font leur préoccupation principale et continuelle, l'Etat aurait la mission de diriger le mouvement, d'indiquer pour chaque branche ce qu'il y a à faire et de faire lui-même. N est-ce point là une inconséquence ?

Messieurs il est une pensée à laquelle cèdent facilement les hommes qui sont au pouvoir, et l'honorable M. Rogier l'adopte avec une certaine prédilection. C'est qu'il y a un intérêt gouvernemental à élargir le cercle des attributions de l'Etat. Cette pensée, je crois devoir la combattre. Il y a pour un gouvernement deux manières de se consolider. La première de s'imposer aux volontés, celle-là tous les amis sincères de nos libertés doivent la repousser ; la seconde, de gagner la confiance ; celle-là est parfaitement légitime. Si un gouvernement avait l'intention d'exercer sur le pays cette espèce de pression que j'indiquais d'abord, alors oui, il a intérêt à augmenter son intervention, à avoir partout des fonctionnaires qui dépendent de lui ou des citoyens qu'il subjugue par ses faveurs ; mais ce système-là, personne n'oserait l'avouer.

Si au contraire un gouvernement ne veut agir sur le pays que par la confiance qu'il inspire, alors la question est toute autre, alors le gouvernement a tout intérêt à ne pas se charger de devoirs qu'il ne saurait bien remplir, à ne pas se lancer dans des voies nouvelles dans lesquelles il y a pour lui des fautes inévitables à prévoir

Alors il a intérêt surtout à ne pas laisser grandir ce préjugé qui porte les populations à croire que le gouvernement peut les préserver de tous les maux, les sauver de toutes les crises. Alors il devrait, à des époques de prospérité, avoir le courage de refuser les honneurs qu'on veut en faire remonter jusqu'à lui pour ne pas se voir le lendemain rendu responsable des jours mauvais. Voilà un véritable intérêt gouvernemental chez un peuple libre et digne de l'être.

Je serais disposé à combattre, pour un grand nombre d'articles du budget de l'intérieur, cette intervention toujours croissante de l'Etat. Elle me paraît injuste chaque fois qu'un grand intérêt social ne la commande pas. Elle me semble dangereuse dans le domaine moral. Je la regarde comme souvent inutile, nuisible même dans les intérêts matériels. C'est cette dernière opinion surtout que j'éprouve le besoin d'exprimer au sujet des ateliers d’apprentissage.

Les premiers ateliers, vous le savez tous, messieurs, ont été créés par l'honorable comte de Theux, pour combattre une situation exceptionnelle. Plus tard l'honorable M. Rogier, dans le même but, en a augmenté considérablement le nombre Ces ateliers, ont-ils produit tout le bien qu'on s'en était promis et dont on se flatte aujourd'hui ?

Je ne le pense pas, un grand nombre de ces ateliers ont été loin d'être des modèles ; plusieurs industries nouvelles dont on a tâché d'opérer l'importation artificielle n'ont point pris racine ; le choix du personnel dirigeant n'a pas toujours été heureux. Mais je ne veux point m'occuper de récrimination ; pour le moment. Je reconnais sans peine que l’on a eu des temps fort difficiles à traverser, que l'on a agi dans de bonnes intentions, et que l'on aurait pu difficilement faire partout de très bons choix de personnes ; les industriels les plus capables ne s'offrant généralement pas pour la direction de ces établissements. Mais je soutiens que la continuation de ce système ne se justifie à aucun égard.

L'année dernière déjà, lors de la discussion de son budget, l’honorable ministre de l’intérieur a reconnu que l'on pourrait graduellement diminuer la somme portée au budget pour les ateliers d'apprentissage, et, en effet, le chiffre demandé pour 1860 est inférieur de cinq mille francs à celui qui avait été voté pour l'année dernière. J'avais cru que nous pouvions nous attendre à une réduction plus forte. On voudra bien remarquer qu'en ne diminuant chaque année le crédit que d'une somme de 5 mille francs, ce ne serait que dans 13 ans que ces ateliers seraient complètement sevrés du budget. C'est les tenir trop longtemps en nourrice.

L'industrie se trouve aujourd'hui dans un état satisfaisant. Quel motif y a-t-il donc de conserver des fabriques subsidiées quand tous les bras peuvent être occupés par l'industrie libre ? Est-ce pour améliorer les conditions de l'apprentissage ? La pensée serait louable sans doute et les associations charitables, les administrations locales obtiennent parfois de bons résultats, des efforts qu'ils font en ce sens ; mais permettez-moi de vous faire remarquer que le salaire des apprentis, comme celui de tout autre ouvrier, subit une influence que vous ne sauriez détruire, celle du besoin plus ou moins grand que la société a de leur travail. Est-ce pour introduire des procédés, des outillages perfectionnés que le département de l’intérieur fait de l'industrie ?Mais, messieurs, cela est-il séreux ? Qui donc est plus compétent et plus intéressé que les industriels à qui l'honorable ministre veut faire la leçon ? Trouve-t-on par hasard que le désir de gagner de l'argent ne soit pas assez développé de nos jours et que le besoin de soutenir et de devancer la concurrence ne soit pas un stimulant assez énergique ? Oublie-t-on que les inventeurs et les constructeurs de machines ont intérêt à aller au-devant de ceux qui ne les cherchent pas assez ; qu'ils disposent de moyens de publicité chaque jour plus grands, que les voies de communication les plus faciles nous relient avec les pays qui nous entourent et que nous sommes placés au centre de la partie la plus industrielle du monde ?

Si le système consacré par le budget de l'intérieur était adopté dans quelqu'île lointaine par le chef d'une peuplade qui a tout à apprendre, il pourrait être un moyen efficace de progrès. Mais pour un ministre belge, cela me semble insoutenable.

J'ai dit, messieurs, qu'en cette matière l’intervention de l'Etat était non seulement inutile, mais nuisible. En effet, ne s'expose-t-on pas à diminuer l'esprit d'initiative d'un peuple quand, au lieu de laisser jouir chacun du bénéfice de ses efforts, I'Etat s'ingénie à passer sur tous un niveau gouvernemental, cherchant le progrès pour ceux qui ne le cherchent pas, popularisant aux frais de tous les améliorations, que les plus actifs et les plus intelligents avaient déjà introduites à leurs propres frais ? Puis, les essais tentés n'ont pas toujours été heureux. Si quelques outils ont été, par l'influence du gouvernement, répandus un peu plus tôt qu'il ne l'auraient été par la libre concurrente, combien d’autres n'ont pas été favorisés du patronage officiel sans justifier cet appui et ces tentatives malheureuses n'ont-elles pas, pour ceux qui en ont été (page 638) dupes, jeté le ridicule sur les mécaniques gouvernementales et diminué le désir d'essayer de nouveaux perfectionnements ?

Et quand nous venons faire la critique des ateliers d'apprentissage on nous oppose les marques nombreuses d'approbation qu'on obtient en faveur de ceux-ci. Je crois pouvoir écarter d'abord les témoignages de ceux qui ont un intérêt direct dans la question, soit comme fonctionnaires attachés à ce service, soit comme propriétaires des bâtiments pris en location., etc.

Je récuse aussi ceux qui, étant à la tête de ces ateliers, mettent un empressement naïf à déclarer que l'honorable M. Rogier a sauvé les Flandres et que c’est par leur intermédiaire qu'il a réalisé ce prodige. Sans doute ils seront disposés à lui faire un piédestal et à s'asseoir sur les degrés. Tout cela, messieurs, ne peut paraître sérieux à personne d'entre vous.ni à l’honorable ministre lui-même.

Mais on n'a pas que ces seuls témoignages à produire. Un grand nombre de personnes qui ne peuvent avoir en vue que le bien-être des localités auxquelles elles s'intéressent demandent que le bienfait de ces ateliers sont continué. Mais ne se fait-on pas une fausse idée de ces cadeaux que semble faire le gouvernement au pays ? N'oublie-t-on pas que l'Etat ne donne rien, qu'il ne saurait rien donner, que chaque subside se prélève par l'impôt ? Eh bien, on ne peut soutenir qu’il y a pour le maintien de la dépense que nous discutons une nécessité suffisante pour justifier cette contribution forcée de tous ceux qui n’en profitent pas, de ceux mêmes auxquels les ateliers officiels font la concurrence. Voici à quoi se réduit le système que l'on adopte. On prend de l'argent à Pierre, à Jean et à Paul pour le donner à Jacques. Et c'est toujours à Jacques qu'on demande si l'on n'a pas bien fait, et quand nous disons que cela n'est pas juste, on nous objecte la satisfaction de Jacques. Il ne suffit donc pas, messieurs, pour justifier le maintien de ces ateliers, de prouver qu’ils ont fait quelque bien. Ce bien, du reste, a été obtenu ailleurs sans le secours du gouvernement et les villes où l'industrie est le plus eb progrès se trouvent encore parmi celles où l'Etat n'a pas établi d'ateliers.

Ce n'est pas, messieurs, que le gouvernement n'ait rien à faire pour l’industrie et pour les ouvriers qu'elle occupe.

Les coalitions sont venues démontrer la nécessité de réformer la législation sur cette matière, et ici encore, c'est par une confiance plus grande dans la liberté qu'on devra résoudre les difficultés qui se présentent.

La loi sur les livrets d'ouvriers a besoin d'être modifiée. Dans une session précédente déjà j'ai eu l’honneur d’appeler l'attention de M. le ministre de l’intérieur sur la nécessité d’introduire dans cette matière des réformes et de mieux sauvegarder les droits des ouvriers.

Une loi sur les dessins et sur les marques de fabrique pourrait être d'une grande utilité ; elle pourrait offrir un stimulant au vrai mérite et garantir la moralité de la concurrence.

Nous avons sur les brevets d'invention une loi assez récente ; mais qui nous a laissé beaucoup de progrès à faire. Pourquoi tardons-nous de reconnaître à l'intelligence des droits aussi étendus que ceux du capital ?

On le voit, messieurs, nous pouvons être utiles aux travailleurs de tous les degrés sans sortir de notre mission et nous en sortons quand nous nous occupons à couvrir le pays de ces petites fabriques gouvernementales.

Il me serait agréable que M. le ministre de l'intérieur voulût bien nous dire s'il espère pouvoir prochainement saisir la Chambre de projets de loi relatifs aux questions industrielles que je viens d'indiquer.

En finissant, messieurs, je me permettrai de dire que je ne doute aucunement que nous ne trouvions à chacune de ces questions la vraie solution qu'elle réclame, en appliquant les mêmes principes qui me portent à combattre les ateliers du gouvernement et qui sont :

Liberté la plus large.

Egalité de droits pour tous.

A chacun le produit de son travail.

Projet de loi modifiant les limites entre les communes d’Andrimont et de Dison

Rapport de la commission

M. Muller. - J’ai l’honneur de déposer le rapport de la commission spéciale qui a été chargée d'examiner le projet de loi de délimitation entre les communes d'Andrimont et de Dison (province de Liége).

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et le met à la suite des objets à l'ordre du jour.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l’exercice 1860

Discussion du tableau des crédits

Chapitre XIII. Industrie

Article 70

M. Rodenbach. - Je conviens avec l'honorable préopinant qu'en principe, le gouvernement ne doit pas se faire manufacturier, fabricant, ni commerçant. Mais il y a des crises dans certains pays, et nous en avons eu ici une énorme, vous devez vous le rappeler.

M. H. Dumortier. - C'est de l'histoire ancienne.

M. Rodenbach. - Non, c'est de l'histoire moderne ; les résultats dont nous sommes témoins prouvent que le gouvernement a très bien fait.

Je reprends mon discours ; libre à vous de m'interrompre ; je vous répondrai,

Je dis donc qu'en principe l’honorable préopinant a raison. Mais vous devez vous le rappeler, dans les calamiteuses années que nous avons eues, la misère était à son comble, nos ouvriers mouraient d'inanition C'est alors que le gouvernement nous en venu en aide, que l'initiative soit due à l'honorable M. de Theux, qu'elle soit due à l'honorable M. Rogier, ou à tous les deux, peu importe. Ils ont contribué puissamment à diminuer la misère, et je dois à la vérité de déclarer qu'ils ont rendu d'immenses services au pays.

Sans doute quelques tentatives n'ont pas réussi. Mais d'autres ont en beaucoup de succès. On a introduit dans nos contrées de nouvelles industries qui font beaucoup de bien.

Voyons d'abord les immenses sacrifices qu'on a faits. En 1852, je pense, le gouvernement allouait encore 140,000.fr. de subsides. D'année en année on a diminué les subsides, à ce point qu'aujourd'hui ils ne sont que de 65,000 fr. En six années de temps ils ont été réduits de 90,000 fr.

Messieurs, je vais faire un parallèle. On a parlé d'ateliers modèles ; eh bien, ces ateliers modèles d'apprentissage ont rendu d'éminents services notamment dans l'arrondissement de Roulers. C'est dans cette ville que j'ai vu fonder le premier établissement, on a organisé et amélioré considérablement le travail.

L'établissement de Roulers est le premier qui ait été créé dans le royaume, et c'est en grande partie aux honorables MM. Rogier et de Theux que nous devons ce bienfait. Il fait rendre justice à tout le monde, n’importe les couleurs politiques. Je ne fais pas de distinction, moi, quand il s’agit de services rendus.

Les ateliers d'apprentissage coûtent très peu de chose aujourd'hui et ils sont très utiles. Les pauvres y apprennent un métier pour gagner honorablement la vie. Vous consacrez annuellement 931,000 fr. pour les deux universités du gouvernement et vous ne dépensez que 65,000 fr. pour les ateliers d'apprentissage. Mais si le gouvernement n'intervenait pas dans l'instruction supérieure, il ne manquerait pas d'avocats ni de médecins ; il y a aux Etats-Unis d'Amérique de doctes savants comme partout, et là ils ne coûtent rien à l'Etat.

Vous dépensez également 920,000 fr. pour l'enseignement moyen.

Voilà près de deux millions pour l’instruction publique, indépendamment de l'enseignement primaire et autres branches d'instruction dont l'ensemble se monte bien à 3 millions et demi, et lorsqu'il s'agit de faire disparaître le vagabondage et d'apprendre un métier à de malheureux enfants, on se plaindrait d'une dépense qui est actuellement réduite à 65,000 francs, et qui diminue d'année en année !

Projet de loi modifiant les limites des communes de Chevetogne et de Leignon

Rapport de la commission

M. Thibaut dépose le rapport de la commission q ai a examiné le projet de loi relatif à la délimitation des communes de Chevetogne et de Leignon (province de Namur).

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et le met à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l’exercice 1860

Discussion du tableau des crédits

Chapitre XIII. Industrie

M. Vander Donckt. - (Nous donnerons son discours.) (Note du webmaster : ce discours ne semble pas avoir été reproduit dans les Annales parlementaires)

M. Janssens, pour un fait personnel. - Messieurs, l'honorable M. Vander Donckt a commencé par dire que j'avais lancé, contre M. le ministre de l'intérieur, des accusations qui n'étaient pas fondées. Je ne crois pas avoir accusé M. le ministre de l'intérieur ; j'ai moi-même reconnu que l'on avait agi dans de bonnes intentions ; je n'ai pas oublié les temps difficiles que nous avons eu à traverser ; mais ce que j'ai soutenu et ce que je soutiens encore, c’est que, dans les circonstances normales, le système suivi ne se justifie en aucune façon.

Voilà l'opinion que j'ai défendue et que je défends encore ; et que l'on a, me semble-t-il, très peu réfutée.

Messieurs, j’ai demandé la parole pour un fait personnel, parce que l'honorable M. Vander Donckt a prétendu que j'avais combattu les ateliers d'apprentissage à un point de vue mesquin, au point de vue de l'intérêt personnel.

Je ne crois pas avoir envisagé la question à un point de vue mesquin. J’ai tâché de me tenir sur le terrain des considérations générales. Si je n'avais pas craint de fatiguer la Chambre par des détails, j’aurais fait l'analyse des ateliers d'apprentissage pour lesquels ou sollicite une allocation ; j'aurais pu faire une comparaison entre ce qu'on nous dit de ces institutions et ce qu'elles sont réellement. Ces détails eussent présenté de l'intérêt pour ceux des membres de la Chambre qui ne connaissent qu'imparfaitement ces institutions.

Messieurs, pour repousser ce reproche d'avoir envisagé la question au point de vue d'un intérêt personnel, je n'ai qu'à faire remarquer qu'il est difficile d'avoir intérêt à ce qu'un crédit disparaisse du budget, tandis qu'il est bien facile d'être intéressé à ce que ce crédit soit vote. Si en me défendant de l'accusation de l'honorable M. Vander Donckt, je pouvais éprouver un embarras, ce serait la crainte de trop lui dire.

M. Jacquemyns. - Messieurs, depuis quelques temps, une certaine presse, dans les Flandres, attaque M. le ministre de l'intérieur de (page 639) toutes les manières, à propos de l'hommage public qui vient d'être rendu à ce haut fonctionnaire.

J'ai vu dans certain passage du discours de l'honorable M. Janssens refléter quelques-unes de ces attaques qu'on rencontre dans les journaux des Flandres ; c'est à ce moment que j'ai demandé la parole. J'ai cru qu'envoyé dans le parlement pour représenter un des arrondissements des Flandres, c'était un devoir pour moi de ne pas laisser sans réponse se reproduire dans cette enceinte les attaques dirigées par une partie de la presse flamande contre M. le ministre de l'intérieur, du chef des services rendus par lui à nos provinces.

J'ai vu avec plaisir que des membres appartenant à la même opinion politique que l'honorable M. Janssens aient senti qu'ils avaient le même devoir et je leur rends grâce de l'avoir rempli. Ils sont mieux placés que moi, pour défendre M. le ministre de l'intérieur ; ma défense devient superflue en présence de la leur, d'autant plus que celle-là exercera plus d'influence sur les lecteurs des journaux qui attaquent M. le ministre et cherchent à discréditer les services qu'il a rendus à l’industrie des Flandres. (Interruption.)

Vous avez pris texte d'un hommage public rendu dans les Flandres au ministre de l'intérieur, pour en faire l'objet de vos attaques. C'est à ces attaques que je réponds.

Voici sur quoi se fondait la souscription ouverte dans les Flandres. Avant que le ministre se fût occupé des ateliers d'apprentissage, quelle était la situation des choses ? Nous avions deux industries qui venaient en aide à l'agriculture ; car la prospérité agricole des Flandres provient de ce que les bras employés à l’agriculture trouvent de l'occupation dans des industries manufacturières, dans les moments où les travaux des champs ne les réclament pas ; deux branches d'industrie, surtout ,employaient les bras pendant l'intervalle où l'agriculture les laissait libres ; c'était l'industrie dentellière et le tissage et filage à la main. L’industrie dentellière était en souffrance ; le luxe avait cessé pendant l'état de crise et de malaise où se trouvait toute l'Europe ; l'industrie dentellière subissait le contre-coup.

Le filage à la main souffrait également à cause de la concurrence que lui faisait l'industrie de la filature à la mécanique qui s'était développée en Angleterre. A cette époque, le gouvernement a fait de très grands efforts pour encourager le filage à la main, il a lutté longtemps pour maintenir cette industrie ; cette lutte a été malheureuse ; tout le monde le sait. Il reste aujourd'hui peu de chose de l'intervention du gouvernement, en faveur de l'ancienne industrie linière.

Dans les adjudications de fil, pour compte du gouvernement, on prescrit d'accorder la préférence au fil fait à la main ; c'est le dernier vestige de 1’encouragement du gouvernement à la filature du lin à la main.

L'une des causes qui ont poussé certains partisans de l'ancienne industrie linière, à soutenir plus longtemps la lutte, c’est qu'en présentant leurs toiles comme fabriquées avec du fil à la main, ils faisaient passer des toiles plus mal faites ; ils avaient intérêt à discréditer tout ce qui se faisait dans un autre système, tous les efforts qu'on faisait pour remplacer le filage à la main par une autre industrie.

Il est un fait que j'ai connu personnellement ; parmi ceux qui soutenaient avec le plus de force l'ancienne industrie linière et prétendaient que le blanchiment par les procédés perfectionnés détruisait la toile, se trouvaient précisément les blanchisseurs qui employaient le plus de chlore ; la seule différence entre eux et eux qu'ils accusaient de détruire la toile en employant les procédés nouveaux, c'est qu'ils employaient plus de chlore, forcés qu'ils étaient de l'employer clandestinement ; ils altéraient réellement les tissus tandis que les concurrents accusés par eux recouraient à une action lente et graduée des agents chimiques, de manière à ne pas détruire le tissu.

Mais le gouvernement s'est enfin aperçu que cette lutte désespérée eu faveur d'une industrie qui offrait si peu d'avenir ne pouvait être utile au pays ; alors le ministre a cherché d'autres industries ; il a cherché à introduire dans les Flandres des industries qui n’y existaient pas. Voilà le service qu'a rendu l'honorable ministre de l'intérieur : c'est l'introduction d'industries nouvelles.

M. Vermeire. - Quelles sont-elles ?

M. Jacquemyns. - C'est la fabrication de la soie, le tissage de diverses étoffes mélangées. (Interruption.)

Cette industrie existait à Saint-Nicolas, dites-vous ; eh bien, quoique cette industrie ait été introduite dans d'autres localités, malgré tout ce que le ministre a fait, on a vu la population de Saint-Nicolas augmenter considérablement, et les fortunes s'y accumuler rapidement ; on a vu toutes les villes de deuxième ordre attendre une prospérité inconnue jusqu'ici sans faire aucun tort à la ville de Saint-Nicolas.

Il faut rendre justice à cette dernière pour son activité et son intelligence, mais elle et si prospère qu'elle serait mal venue à se plaindre de la concurrence que lui aurait suscitée M. le ministre de i intérieur.

Aujourd’hui, Renais, Courtrai, Roulers, Deynze, Alost, Eecloo jouissent d'une prospérité remarquable précisément à cause de l’élan qui a été donné à l'industrie.

Maintenant on se plaint des grands sacrifices faits en faveur de l'industrie des Flandres. Mais on se rappelle que les Flandres étaient dans une misère profonde ; leurs plaintes connues de l'Europe entière on tant de fois retenti dans cette enceinte que le pays en était douloureusement ému. A certain moment on ne voyait pas d'autre moyen de porter remède à leur misère que de transporter une partie de la population à Santo-Tomas ou dans quelque autre colonie qu'on aurait découverte. Comparez maintenant ce que l’on a fait de sacrifices pour ramener la prospérité dans une notable partie de la Belgique, à ce qu'on fait pour la prospérité de l'agriculture, de la marine marchandes et que l'on dise s'il est possible de regretter les sacrifices qu'on a faits pour tirer les Flandres de la misère où elles gémissaient, et où elles croupiraient encore si M. le ministre de l'intérieur n'avait pas fait, pour les en tirer, les efforts que l'on critique aujourd'hui !

M. de Haerne. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour répondre à l'honorable député de St-Nicolas.

Je suis loin d'avoir trouvé, dans les considérations qu'il a présentées à la Chambre, quelque chose de mesquin, où une inspiration d'intérêt privé. Je n'y ai pas même vu le mobile de l'intérêt local. Mais j'y ai vu, permettez-moi de le dire, une idée locale, qui provient de la différence qui existe entre l'organisation de l'industrie dans le district et notamment dans la ville de St-Nicolas et l’organisation de l'ancienne industrie linière, telle qu'elle existait dans la Flandre centrale.

C'est à cette différence de l'organisation de l’industrie qu'il faut attribuer les doctrines que professe notre honorable collègue et qu’il vient répéter de temps en temps. Je ne lui en veux pas, persuadé qu'il parle avec une pleine conviction et dans l'intérêt du pays. Mais, à mes yeux, il est dans l'erreur.

L'ancienne industrie linière était, comme le disait tout à l'heure l'honorable M. Jacquemyns, un appendice de l'agriculture ; elle venait au secours de l'agriculture et recevait en même temps l'impulsion de l'agriculture.

Il y avait une combinaison de diverses manipulations qui se succédaient les unes aux autres, qui remplissaient tout le temps de l’année et constituaient pour ainsi dire chaque maison d’ouvrier en une espèce de fabrque, fabriques qui mettaient à la disposition de l’agriculture un grand nombre de bras au moment nécessaire et qui formaient une des ressources principales de la richesse des Flandres. L’agriculture des Flandres n’est si prospère, qu’à cause de sa grande population, et cette population pour être à la disposition de l’agriculture, devait en même temps être industrielle.

C'était là l'ancienne organisation de l'industrie linière. Cette organisation était bonne ; elle était morale ; elle était, je le répète, une des principales sources de la richesse du pays.

Mais lorsque est survenue cette grande révolution industrielle à laquelle a fait allusion tout à l'heure l'honorable député de Gand, lorsque les machines sont venues remplacer le travail manuel dans les villages, il a fallu nécessairement suivre le progrès. C'était une nécessité d'entrer dans cette voie, si l'on ne voulait pas se trouver en peu de temps expulsé des marchés extérieurs, et si l'on ne voulait pas voir envahir le marché intérieur même.

Ceux qui comprenaient la situation de cette industrie sont entrés dans cette voie et pour ma part je n'ai jamais été hostile à l'introduction de cette innovation. J'y ai poussé de toutes mes forces, tout en respectant cependant a petite industrie, et c'est en cela que je dois un mot de réponse à l’honorable M. Jacquemyns.

Il se trompe lorsqu'il croit qu'il fallait proscrire entièrement l'ancienne industrie linière. Je dis que c'est une affaire d'application, une question qui dépend de la demande ; et aussi longtemps que je verrai dans les journaux du pays des annonces prévenant que tels et tels magasins vendent de la toile lissée avec du fil filé à la main, je dis qu'il ne faut pas renoncer à cette spécialité, ne fût-ce qu'en ce qui concerne la batiste et quelques autres tissus liniers pour lesquels certains consommateurs préfèrent le fil à la main. Ce fil d'ailleurs se file pendant des moments qu'on ne pourrait utiliser autrement. Nos villageoises ont pour adage qu'il vaut mieux gagner quelque chose que de s'adonner à l'oisiveté, qui est un tourment pour elles.

Je dirai même que, vu l'opinion et le goût qui existent dans le pays, il y aurait un certain danger à proscrire cette industrie d'une manière absolue, parce qu'elle existe encore en Allemagne, et que dans certaines parties du pays, notamment dans la province de Liège, on consomme des toiles d'Allemagne faites avec du fil à la main, ou supposé tel. Je connais des consommateurs et même des magasins qui en demandent tous les ans.

Vous n'avez qu'à parcourir les rues de Bruxelles ; vous verrez à bien des vitrines cette annonce : « Toiles en fil à la main. » On les demande, il faut par conséquent satisfaire à la demande. Voilà toute la question. Mais je répète qu’il faut accepter le progrès, qu'il faut marcher avec le progrès, qu'il faut pousser au progrès, et c'est ce qu'on a fait, particulièrement dans les ateliers d'apprentissage et de perfectionnement créés par les particuliers, par les communes et par le gouvernement.

Je n'admets pas d'une manière générale ce qui a été avancé tout à l'heure par l'honorable M. Janssens quant à la non-intervention du gouvernement en matière d'industrie. Je crois que ceci est trop absolu.

M. Vermeire. - Pas du tout.

M. de Haerne. - Pas du tout, dit l'honorable M. Vermeire. C'est son opinion. Je dis que ce n'est pas la mienne. Cela lui déplaît peut-être, mais j'ai le droit de le dire, je répète que je ne partage pas cette opinion d'une manière absolue.

(page 640) En Angleterre, ce pays pratique par excellence, on n'a pas cette opinion. Voyez comment ce pays subsidie, par exemple, les grandes lignes de bateaux à vapeur ; aussi par ces grandes lignes dépossède-t-elle les Etats-Unis pour les grandes communications. Ainsi, les lettres de New-York en destination pour le Brésil, pour Rio de Janeiro, passent par Liverpool grâce aux subsides qui ont été accordés en Angleterre aux grandes lignes de navigation.

Je dis donc qu'en cela on ne peut être radical, et qu'aucun gouvernement ne l'a jamais été dans cette matière. Quelle est la règle à suivre ? C'est la nécessité. Lorsque la nécessité se fait sentir, il faut en tenir compte et voir jusqu'à quel point la main du gouvernement peut se faire sentir utilement en faveur du progrès de l'industrie. C'est une question de fait encore une fois, et jamais nous ne l'avons envisagée autrement. Jamais nous n'avons entendu sanctionner le principe des ateliers nationaux de la France de 1848.

Lorsque, au moment de la grande calamité des Flandres, nous avons demandé avec insistance l'intervention du gouvernement en faveur de l'industrie périclitante et particulièrement en faveur des classes pauvres qui devaient vivre de cette manipulation, nous n'avons pas entendu introduire une théorie, un système.

Nous avons obéi aux besoins des circonstances. C'est d'après cette idée toute pratique qu'on a créé des ateliers d'apprentissage, ateliers, je dois le proclamer de nouveau, comme je l'ai fait plusieurs fois dans cette enceinte, qui ont rendu de grands et d'incontestables services.

Avec l’industrie, telle qu'elle était précédemment organisée, vous aviez le travail en chambre ou à domicile, généralement usité dans l'ancienne industrie linière. Pour amener les ouvriers dans les ateliers, il fallait faire des efforts, changer les habitudes ; nous n'avions pas, dans la Flandre centrale, des fabriques comme il en existait à Saint-Nicolas.

Eh bien, par l'action des particuliers et par l'intervention du gouvernement, d'abord, sous l'honorable M. de Theux, et ensuite sous l'honorable M. Rogier, qui a donné une grande impulsion à ce progrès, et aussi par les efforts des provinces et des communes, on est entré dans la voie du progrès ; on a vu s'élever de grandes fabriques ; à côté des ateliers fondés par l'Etat, on a vu surgir des ateliers privés qui ont rendu les plus grands services, surtout pour la propagation du lissage des étoffes mélangées, dont l'introduction est due aux efforts privés. Npn seulement ces étoffes se fabriquent à Saint-Nicolas, mais elles se fabriquent depuis longtemps dans la Flandre occidentale, à Courtrai, à Mouscron, à Roulers ainsi qu'à Tournai, et dans ces villes, les fabriques pour ces étoffes existaient avant que le gouvernement n'eût songé à ces ateliers.

Je dis donc qu'il fallait amener l'ouvrier à rompre avec ses anciennes habitudes et à marcher avec le progrès, c'était une nécessité, et c'est sous ce rapport que l'intervention du gouvernement a été très utile ; et c'est pour autant qu'elle était utile que je l'ai approuvée et que je l'approuve encore.

Mais quelle est la question, telle qu'elle se présente aujourd'hui ? Il me semble que le débat n'aurait pas dû sortir de ce cercle un peu restreint, il est vrai, mais qui est le véritable terrain sur lequel on doit se placer quant au vote à émettre.

La question est de savoir, messieurs, si ces nécessités que j'ai eu l'honneur de vous signaler existent encore aujourd'hui. Sans doute, si elles n'existaient plus en aucune manière, il faudrait renoncer à l'intervention du gouvernement. Aussi, remarquez que déjà depuis plusieurs années le gouvernement, sous l'honorable M. Piercot d'abord, puis sous l'honorable M. de Decker, et enfin sous l'honorable M. Rogier, a compris qu'il fallait diminuer le subside d'année en année. Pourquoi ? Parce que la nécessité ne s'en fait plus sentir au même degré. Cette année encore on diminue le crédit. Mais est-ce le moment de supprimer complétement cette intervention ? Je ne le pense pas. D'abord, il y a des engagements pris depuis longtemps avec des ateliers. On ne peut donc pas renoncer brusquement à cette intervention.

Puisqu'on a établi ces ateliers, il ne faut pas les tuer. Il faut retirer les subsides graduellement dans la proportion du possible, mais il ne faut pas les supprimer d'emblée. Ce serait non seulement une imprudente inconséquence, mais ce serait encore frapper de stérilité les subventions accordées précédemment. Ce serait poser un acte de très mauvaise administration.

Je concevrais, si l'on nous prouvait que certains subsides peuvent être retirés, que l’on demandât la réduction du chiffre. L'honorable M Janssens prétend qu'il en est qui doivent être retranchés. Il ferait bien de les faire connaître ; mais il serait difficile à la Chambre d'entrer dans ces détails. Je crois qu'à cet égard une intervention particulière auprès du gouvernement serait plus utile qu'une discussion publique, à moins qu'il n'y eût de véritables abus à signaler, comme cela s'est vu dans le temps.

Messieurs, j'ai dit tout à l'heure que non seulement le gouvernement était intervenu, mais que les provinces et les communes avaient aussi prêté dans les Flandres une main honorable au travail

Savez-vous à quoi l'on doit tendre aujourd'hui ? C'est à décentraliser le système de protection, c'est à dégager autant que possible l’action du gouvernement, pour s'en rapporter aux provinces, et après les provinces aux communes et aux particuliers. C'est là le bon système, selon moi ; c'est la décentralisation qu'il faut avoir pour but mais non la suppression.

Messieurs, il y a une autre considération par laquelle je finis. Je demande pardon à la Chambre de l'avoir occupée aussi longtemps. La cause de cette intervention administrative, ç'a été la crise industrielle, alimentaire et épidémique et l'accumulation des calamités, qui en a été la conséquence. Aujourd'hui il faut bien le reconnaître, les malheurs ont cessé ; la prospérité va croissant dans les Flandres.

Mais remarquez que nous avons une centaine de mille ouvriers qui travaillent en France. Il suffirait d'un coup de canon tiré dans une certaine direction, pour que d'ici à quinze jours, nous eussions 50,000 ouvriers sur les bras, et cela dans un moment de nouvelle crise, de détresse, alors que le crédit serait anéanti et que le travail ferait défaut. Voilà pourquoi je n'oserais pas, en conscience, être absolu dans une pareille matière. Alors peut-être vous qui vous déclarez aujourd'hui nos adversaires d'une manière si absolue, vous applaudiriez aux efforts de ceux qui ont provoqué, qui ont soutenu de leur parole et de leur vote l'institution des ateliers d'apprentissage, parce que vous en sentiriez tout le besoin, vous en comprendriez l'impérieuse nécessité.

Je dis que, dans ce moment-là, on serait heureux d'avoir une institution semblable afin de donner aux ouvriers du travail et du pain. Je me rappelle qu'en 1818, lorsque la crise industrielle eut éclaté en France, et menaçait d'envahir toute l'Europe, dans un seul village des Flandres 300 ouvriers se sont présentés au bourgmestre pour demander du pain ou de l'ouvrage ; il y avait dans ce village un atelier érigé avec le secours du gouvernement, et par les efforts de la commune. Eh bien, cet atelier a sauvé la communale bourgmestre l'a ouvert à ces ouvriers, il a ainsi donné du travail et du pain à ces hommes qui au fond n'étaient pas méchants, mais qui auraient pu faire naître des troubles dans la localité. C'est par des mesures semblables qu'on sut maintenir la tranquillité dans les Flandres.

Messieurs, ce que je viens de dire quant à la renaissance possible d'une crise politique et industrielle, ne tend pas à renforcer l'action du gouvernement, mais à maintenir le principe de l'institution des ateliers d'apprentissage, où le besoin le réclame par l'action des particuliers, des grands industriels avant tout, et en s'appuyant, lorsque cette action fait défaut, sur la commune d'abord, puis sur la province, et enfin, pour autant que le besoin s'en fait encore sentir, sur le gouvernement.

M. Vermeire. - Avant d'entrer dans quelques considérations pour combattre le crédit qui est pétitionné au budget de l'intérieur, je dois dire que mon vote sur cet article sera négatif.

Parmi les considérations qu'on a fait valoir en faveur du crédit il en est une que je ne croirais pas devoir être produite, c'est celle par laquelle vient de terminer l'honorable préopinant. Ainsi on devrait subsidier des ateliers nationaux par crainte de cette malheureuse éventualité de la guerre ? Cela ne peut pas être. Ce n'est pas là un argument solide en faveur du crédit.

Je ne répondrai pas longuement au discours qui a été prononcé par l'honorable M. Jacquemyns ; un seul mot suffira, je crois, pour détruire son argumentation. Plus d'une fois l'industrie gantoise a périclité ; plus d'une fois les ouvrier filateurs de Gand n'ont pas trouvé de l'ouvrage dans les fabriques. Qu'aurait dit l'industrie gantoise, si, pour donner de l'occupation aux ouvriers, le gouvernement avait imaginé d'établir une énorme filature, en concurrence avec l'industrie privée, sous prétexte de donner de l'ouvrage aux travailleurs ?

Une pareille entreprise aurait, certes, été couverte du blâme le plus énergique. Eh bien, messieurs, c'est là ce que le gouvernement fait, dans l'espèce, dans des proportions plus réduites, je veux bien le reconnaître.

Ainsi que je viens de le dire, j'ai demandé à plusieurs reprises que le chiffre pétitionné à l'article 70 du budget de l'intérieur fût supprimé. Je viens encore aujourd'hui me prononcer dans le même sens. Si, dans des temps calamiteux, alors que les populations étaient décimées par les maladies et la misère, alors que la transformation de la grande industrie linière, jointe à la disette la plus affreuse, ayant pour cause immédiate la mauvaise réussite de plusieurs récoltes successives, l'intervention du gouvernement, pour venir en aide à des populations si cruellement éprouvées, pouvait se justifier, à certains égards, il ne saurait plus en être de même aujourd'hui que ces motifs ont cessé d'exister.

Si plusieurs honorables membres pensent que c'est au. ateliers nationaux que nous sommes redevables de la renaissance de l'activité et de la prospérité dans nos provinces flamandes, ils se trompent, d'après moi, d'une manière évidente. S'ils pensent que c'est à l'avènement au pouvoir d'une opinion politique opposée à celle que nous représentons dans cette enceinte, leur erreur est plus grande encore. S'ils croient pouvoir justifier l'intervention du gouvernement d'une manière aussi directe dans les luttes de l'industrie privée, ils se mettent en opposition avec leur programme politique qui est basé sur la liberté des industries, s'exerçant entre les citoyens dans des conditions uniformes de travail, garanties à tous.

En effet, messieurs, nous établissons, en opposition à la première hypothèse, que les communes flamandes souffrant, au même degré, d'un mal identique, sont sorties de la crise plus robustes, mieux portantes que celles qui avaient cru devoir recourir à l'officine gouvernementale. Et pour qu'on ne nous accuse pas de ne point administrer de preuve à l'appui de notre thèse, nous citerons la ville de Saint-Nicolas et plusieurs communes de cet arrondissement comme de celui de l'arrondissement de Termonde.

Il semblerait, quand on établit cette comparaison, que les subsides (page 641) ont exercé sur l'industrie l'action d'un soporifique qui n'a fait que plonger l'industrie dans un sommeil de plus en plus profond.

En ce qui concerne la seconde supposition, à savoir que l'opinion politique, actuellement au pouvoir, serait plus favorable au développement de l'industrie et du commerce, nous répondons que jusqu'ici cela n'est point prouvé, et qu'il ne pourrait en être ainsi que si sa politique commerciale était réellement libérale ; c'est à-dire que tous ces soi-disant systèmes protecteurs eussent disparu et que l'on nous eût débarrassés de toutes les entraves fiscales qui lient encore l'industrie et le commerce.

Or, il n'en est point ainsi ; au contraire, il semble que l'industrie belge doit rester entouré d'un mur aussi inexpugnable que l'est celui du Céleste-Empire, que des peuples civilisés d'Europe veulent abattre.

Quand on nous aura proposé des lois qui auront leur motif d'être dans la liberté du commerce, et que celles-ci fonctionneront, nous dirons alors que c'est à l'opinion libérale, qui aura doté le pays d'institutions industrielles aussi libres, que nous sommes redevables du développement auquel, tous, nous rendrons hommage.

Quant aux nouvelles industries qui auraient été introduites, à la suite de la croisade ministérielle, ou elles ont disparu, ou elles trouvaient leur similaire dans l'industrie privée à laquelle elles venaient faire une concurrence, d'autant plus redoutable, que le subside accordé par le gouvernement était plus important. Eh bien, messieurs, reconnaissons-le de bonne foi, malgré cette condition d'infériorité dans laquelle semblait se trouver l'industrie privée, elle est sortie glorieuse de la lutte. La ville de Saint-Nicolas à laquelle on avait emprunté ses industries, pour, à force de subsides, les transporter ailleurs, etl restée debout, tandis que les concurrents sont tombés lorsque les subsides qui les soutenaient ont commencé à faire défaut. Je ne veux point exhumer ces ruines longtemps ensevelies dont le nom est encore présent à la mémoire de la plus grande partie des membres de cette Chambre !

Et aujourd'hui, messieurs, quelles sent les industries qui ont encore mérité les faveurs toutes spéciales du gouvernement ? Ne sont-ce pas la fabrication des toiles en lin et en chanvre ; les toiles à voile ; les basins et les mousselines ; les étoffes diverses eu laine pure et mélangée ; les châles tartans et écossais ; les flanelles, les nouveautés pour robes et pour pantalons ; les linges damassés, etc. etc. ? Enfin ne sont-ce pas là, toutes, des industries qui existaient au moment auquel le gouvernement est venu leur faire concurrence.

Si, maintenant, nous examinons la situation des ateliers d'apprentissage dans les Flandres, au point de vue de leur utilité pratique, nous devons reconnaître que celle-ci est nulle ou, du moins, bien peu importante.

D'après le relevé que je viens de faire, dans un document officiel publié par le gouvernement, je trouve que près de 600 individus, femmes, vieillards, hommes et enfants peuplaient encore 25 ateliers et recevaient, à titre de subsides, environ 24,500 fr., ou approximativement soixante francs, par individu.

Le reste est donc distribué, à titre d'encouragement à l'industrie privée, laquelle, je dois le reconnaître, en a témoigné toute sa reconnaissance dans une circonstance solennelle.

Mais, je le demande, ces subsides divers peuvent-ils, en quoi que ce soit, exercer sur le progrès industriel, cette influence salutaire que vous y attribuez ? Evidemment non. Et encore, si l'emploi de ces subsides était justifié par le bon usage qu'on en fait, on pourrait peut-être l'admettre, à cause de son exiguïté même. Mais en a-t-il toujours été ainsi ? Evidemment non. Ainsi nous lisons à la page 49 du document déjà cité que « l'atelier de Nazareth n'a pas produit d'amélioration sensible sous le rapport du bien-être et de la moralité. » Quand on trouve des observations pareilles dans un document qui, par sa nature, atténue les faits plutôt qu'il ne les aggrave, on doit reconnaître que le résultat n'est point satisfaisant. Mais cet atelier, qui a donné des résultats si déplorables, à quelles conditions avait-il été octroyé ?

Cet atelier, lit-on à la page 48 du même document, n'occasionne « pas de dépenses annuelles. Seulement, MM. C..., après avoir rempli, pendant cinq ans, à partir de 1854, les obligations, de leur contrat, obtiendront la remise d'une avance de fonds qui leur a été faite par le gouvernement en 1849. »

Ici se présentent deux questions : la première, celle de savoir si le gouvernement peut relever les débiteurs de l'Etat, des sommes qui lui sont dues ; la seconde la nécessité de faire connaître à la Chambre l'importance des avances qui ont été faites par le gouvernement à ces industriels, afin que la Chambre puisse apprécier le sacrifice auquel le gouvernement a souscrit.

Je demanderai, en outre, si les obligations contractées par ces industriel, ont été remplies et si, effectivement le gouvernement leur a fait remise des sommes qui étaient dues au trésor. Enfin, M. le ministre de l'intérieur aurait-il la bonté de faire connaître à la Chambre de quelle manière et en vertu de quelle loi, cette affaire a été liquidée ?

Messieurs, je crois que le temps est arrivé, auquel le gouvernement peut retirer son intervention, que je n'hésite point à qualifier de nuisible. Son action doit se mouvoir dans une sphère plus élevée.

Qu'il dise aux populations que, dorénavant, elles devront compter sur leurs efforts personnels pour se créer une position dans la société. Qu'il leur fasse comprendre qu'il ne peut point guérir tontes les infirmités. ni soulager toutes les misères ; que le rôle qui lui est assigné dans nos institutions modernes est plus noble, plus élevé et que celui-ci se borne à garantir aux citoyens la liberté, l'ordre et la sécurité ; que telles sont les obligations qu'il a contractées et que celles-ci ne peuvent point dépasser ces limites. En agissant ainsi, il rendra, à la société, les services autrement importants que ceux qui pourraient être le résultat d'une intervention aussi mesquine que peu productive.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, je dirai peu de mots des ateliers des Flandres et des résultats que cette institution a produits. Il y a dix ans, chacune de nos séances était remplie de plaines, de réclamations, de supplications adressées au gouvernement qui, disait-on, ne faisait rien pour soulager les souffrances des Flandres. Chaque jour, le gouvernement était mis en demeure d'agir. Le gouvernement s'est, enfin, décidé à agir ; il a posé des actes. Ces actes, on aura beau le nier, ont produit des résultats importants, et aujourd’hui, nous pouvons constater ces résultats par le fait seul de l'absence complète des plaintes d'autrefois.

Il s'est trouvé des voix impartiales, qui ont bien voulu reconnaître que l'action du gouvernement n'avait pas été inutile, pour faire obtenir ces résultats. D'autres voix plus sévères viennent aujourd'hui les contester, elles en ont la parfaite liberté, et je ne chercherai pas à répondre, sous ce rapport, aux honorables députés de Termonde et de Saint-Nicolas.

Messieurs, je dois dire que la thèse soutenue par ces honorables membres n'a pas bien choisi sa place. On vient de faire une démonstration, une charge à fond contre l’intervention outrée du gouvernement dans les affaires qui ne la concernent pas. Or, messieurs, à combien s'élève la totalité du chapitre de l'industrie ? Sur un budget de 8,500,000 fr. le gouvernement consacre 197,000 fr. à l'industrie, et encore quand on décompose cette somme on y voit figurer un conseil supérieur de l'industrie frais de rédaction, bulletin et brevets, musée de l’industrie, etc.

Toutes ces dépenses sont comprises dans la somme de 197,000 francs. Voilà, messieurs, jusqu'où s'étend l'intervention du gouvernement en matière d'industrie ! Et, chose encore plus remarquable, quand accuse-t-on le gouvernement d'une intervention excessive ? C'est lorsque le gouvernement vient lui-même demander une nouvelle réduction sur les allocations destinées aux ateliers d'apprentissage. Ces allocations diminuent d'année en année. En 1852, j'ai proposé moi-même une première réduction ; de nouvelles réductions ont été faites d'année en année, de telle sorte qu'on ne demande plus, en 1860, qu'une somme de 65,000 francs, à répartir entre 80 ateliers d'apprentissage. Voilà, messieurs, la grande intervention de l'Etat dans l'industrie !

Ces ateliers d'apprentissage feraient, dit-on, une concurrence fatale aux industriels depuis longtemps établis. Et où voit-on des traces de cette concurrence fatale ? Là où l'industrie jouit de la plus grande prospérité, à St-Nicolas. St-Nicolas a donné l'exemple ; nous n'avons pas inventé les étoffes nouvelles, nous les avons transportées sur d'autres points des Flandres et nous avons réussi. Tout ce qui est impartial dans les Flandres le reconnaît. On a beau le contester aujourd'hui, c'est un fait qu'on ne saurait détruire.

Je dois me défendre ici, messieurs, d'un reproche personnel. Il paraît que j'aurais, moi, introduit la politique de l'intervention de l'Etat en toutes matières, une intervention toujours croissante dans tous les intérêts. Voilà ce que l'honorable député de Termonde se plaît à combattre.

Messieurs, je l'ai déjà dit plusieurs fois dais cette enceinte, je ne suis point partisan d'un gouvernement inerte, stérile ; je suis partisan d'un gouvernement actif, qui cherche à introduire des améliorations dans tout le pays. Mais, autant je suis partisan d'une intervention sage, efficace, féconde, autant je détesterais l'intervention du gouvernement en toutes choses. Et toujours je combattrai ceux qui, gouvernement ou autres, interviennent dans les affaires qui ne les regardent pas.

Je suis, je le répète, messieurs, grand adversaire de toute intervention illégitime. Il faut dans un Etat bien réglé, que chacun reste à sa place. (Interruption.) Sommes-nous bien d'accord ?

Voyons, messieurs, froidement les choses. Qu'est-ce que c'est que le budget de l'intérieur ? C'est la réunion de toutes les dépenses par lesquelles le gouvernement intervient dans les choses d’intérêt gênerai. Voulez-vous parcourir le budget et voulez-vous m’indiquer, vous adversaires de l'intervention de l'Etat, quelles sont les dépenses que vous désirez voir supprimer ?

Nous avons d'abord l'administration centrale ; je ne sais pas s'il faut supprimer le ministère de l'intérieur ? Personnellement je n’y vois pas d’inconvénient. Pensions et secours à quelques malheureux anciens employés, veuves et enfants d'employés. Statistique générale. Il y en a pour 14,000 francs.

Nous avons aussi : « Frais d'administration dans les provinces, gouverneurs et membres des députations permanentes. »

Je ne sais pas si c'est là une intervention du gouvernement dans les affaires qui ne le concernent pas. Personne ne veut supprimer cela. « Fêtes nationales ; récompenses honorifiques et pécuniaires ; légionnaires et croix de Fer. » Tout à l’heure on ne proposât pas de (page 642) supprimer le chiffre de la croix de Fer ; on voulait l'augmenter. Nous avons l’agriculture. Ce chapitre vient de passer tout entier sans observation.

Le gouvernement est intervenu, il a favorisé le défrichement, il a favorisé le drainage ; il a favorisé la distribution de la chaux. Je n'ai entendu personne réclamer la suppression de ces articles ; personne n'a trouvé l'intervention du gouvernement déplacée. Au contraire, tous les cultivateurs savent gré à l'administration de ses efforts, et ne s'associent pas à ces récriminations. Eh bien, si pur hasard, au milieu de l'amertume doit on abreuve les hommes du pouvoir, il tombe quelquefois un peu de reconnaissance, est-ce le cas de crier à la courtisanerie ? Apparemment ce qu'il faut réserver aux hommes du pouvoir, ce sont les outrages, les injures, les calomnies ; voilà quel doit être leur lot.

Eh bien, toutes ces mesures par lesquelles le gouvernement est intervenu en faveur de l’agriculture, ont été bien accueillies, ont produit d’excellents résultats ; s'ils n'en ont pas produit de bons, proposez la suppression de ces allocations.

Le chapitre de l'agriculture vient d'être voté sans discussion. J’avais recueilli des renseignements très intéressants, pour faire voter à la Chambre quels avaient été les résultats de l'intervention du gouvernement ; je les mettrai en tête du budget de l'intérieur pour l'exercice prochain.

Vient maintenant le chapitre de la voirie vicinale. Le gouvernement intervient dans la voirie vicinale. Voulez-vous supprimer ce crédit ?

Voici le chapitre de l'industrie. Je viens de montrer jusqu'où va l'intervention de l'Etat. Il s'agit d'une somme de 65,000 fr. pour 80 ateliers d'apprentissage. A l’heure qu'il est, il est encore des communes qui, témoins des bienfaits que répandent sur la population les ateliers d'apprentissage dans des communes voisines, demandent l'établissement de semblables institutions, qui sont, non des fabriques, mais de véritables écoles professionnelles où l'on forme des jeunes gens au métier de tisserands. Eh bien, j'oppose aujourd'hui de la résistance, et quelquefois avec regret, aux communes qui demandent à être dotées d'un pareil atelier.

Nous voici au chapitre de l'instruction publique. Ah ! je comprends que sur les bancs de la droite, on trouve fort déplacée l'intervention de la société civile, représentée par l’Etat, en matière d'instruction publique. Sur un budget de 9 millions, il en est près de quatre que l'Etat consacre à l'éducation du peuple, à l'instruction de la classe moyenne, à l'instruction des classes supérieures ; une telle dépense peut paraître déplaire à certaine opinion, mas elle honore la Belgique. Trouvez-vous la dépense trop forte ? Proposez une réduction. Il y a 932,000 fr. pour les 2 universités, 921,000 francs pour les dix athénées, les 50 écoles moyennes et quelques établissements communaux subsidiés par l’Etat, et près de 1,900,000 francs pour l'instruction primaires.

- Des membres. - Ce n'est pas assez pour l'instruction primaire.

- D’autres membres. - Faites des propositions.

M. Goblet. - Nous en ferons.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Eh bien, voilà plus de 3,750,000 francs consacrés par le gouvernement belge à l’enseignement supérieur, à l'instruction moyenne et à l'éducation du peuple.

On vient dire : Pourquoi l'Etat se mêle-t-il d'instruction ? Pourquoi ne laisse-t-il pas l'institution à la concurrence ?

Messieurs, nous avons la concurrence, nous avons la liberté d'instruction, et certes nous n'entendons porter aucune atteinte à cette liberté.

Mais en quoi consiste cette liberté d'instruction qu'on a tant à cœur de sauvegarder ? En dehors de l'enseignement donné par l'Etat, il y a l'instruction donnée par le clergé séculier et régulier. Mais ne venez pas nous parler de l'instruction donnée par de simples particuliers. Cet enseignement est presque nul.

- Un membre. - Il y a beaucoup de particuliers qui donnent l'instruction primaire.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il y a peu d'écoles primaires tenues par des laïques. (Interruption.) On ne peut pas nier les faits libres. La Constitution consacre la liberté d'enseignement ; mais en fait l'instruction est partagée entre le clergé d'une part et le gouvernement de l'autre. Voilà ce qu'il y a...

- Un membre. - Et l’université libre de Bruxelles ?

M. Snoy. - Le gouvernement tend à absorber l'instruction primaire.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Si le gouvernement ne l'absorbait pas, quelque autre, le clergé, l'absorberait. (Interruption.) Je le conçois, cette perspective peut faire rire la droite ; mais cette perspective ne nous fait pas rire. Nous ne voudrions pas du monopole de l'instruction dans les mains du clergé. et voilà une des grandes questions qui nous divisent.

Je passe à un autre chapitre, et je demande toujours qu'on veuille indiquer une dépense quelconque qui ne devrait pas figurer au budget ; je passe au chapitre des lettres, des sciences et des beaux-arts.

Nous aurons peut-être à nous occuper spécialement de la question, à propos des lettres et des sciences ; on dira peut-être que dans quelques cas particuliers, l’intervention pécuniaire de l'Etat n'a pas été poussée trop loin ; quant à moi, je ne le pense pas,

Trouve-- on que le gouvernement intervienne trop dans les encouragements qu'il accorde aux lettres et aux sciences ? Faut-il supprimer l'Académie royal des sciences et des belles-lettres ? Quant aux beaux-arts, on a toujours reproché au gouvernement l'espèce de mesquinerie avec laquelle il encourageait les artistes et les arts. Ce reproche a été articulé, non sans raison, il faut le reconnaître. Aujourd'hui les artistes sans l'Etat seraient souvent abandonnés ; les arts, n'ayant pour encouragement que les efforts des particuliers, ne peuvent produire rien de grand. La société ancienne leur offrait, sous ce rapport, des ressources qu'ils ne trouvent plus dans la société moderne, telle qu'elle est constituée.

L'Etat a remplacé les forces collectives de l'ancienne société. Maintenant ces anciennes corporations, ces grandes fortunes que le Code civil ne morcelait pas, ces corporations, ces grandes fortunes, ces richesses accumulées aidaient beaucoup à la splendeur des arts ; nous en avons sous les yeux les résultats ; aujourd’hui ces corporations n'existent plus avec leurs privilèges, les grandes fortunes sont chaque jour morcelées par le Code civil ; on peut dire que le Code civil en morcelant les fortunes a morcelé l'art ; les grandes pages deviennent plus rares, elles sont remplacées par les petits tableaux de salon.

Il y a une ressource financière à substituer aux corporations et aux grandes fortunes, c'est le budget de l'Etat ; c'est l'Etat qui doit remplir l'office des corporations des grandes fortunes d'autrefois ; les sommes portées pour cet objet sont encore relativement minimes ; j'ai proposé une augmentation, j'espère qu'elle sera accordée par la Chambre, comme elle l’a été par la section centrale. Je ne pense pas qu'on trouve que c'est au budget des beaux-arts que le gouvernement pousse trop loin son intervention.

Reste le service de santé, qui coûte 100,000 fr., y compris l'Académie de médecine. Trouve-t-on que l'Etat a tort de s'occuper de la santé publique, de prendre des mesures préventives contre les épidémies ? Si on trouve que l’Etat a tort d'intervenir dans ces circonstances, qu'on propose la suppression de ces 100,000 fr. Hors de là, je voudrais qu'on m'indiquât où le gouvernement a manifesté le besoin de se mêler de toutes choses, de toutes les industries ; qu'on me cite un seul exemple, un seul fait, car il ne suffit de se livrer à des accusations vagues, d'énoncer des théories, il faut citer des faits ; on n'en a pas cite un seul.

M. Janssens. - Je vous en ai cité, vous n'avez pas répondu.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - J’ai répondu que d'année en année nous diminuons les subsides pour ateliers d'apprentissage. Est-ce la suppression que l'on veut ? Nous serions deux ou trois pour la voter, en supposant que ce fût mon avis Ce qui a été fait a été bien fait, on continuera à réduire le subside successivement jusqu'à ce qu'on arrive à l'état normal, si tant est qu'il faille un jour le supprimer entièrement.

Il faut d'ailleurs tenir compte des engagements de l'Etat. L'heure est avancée ; je n'en dirai pas davantage pour le moment. De pareilles discussions ont d'ailleurs leur intérêt et leur importance ; je sais gré à l'honorable député de St-Nicolas d'avoir relevé le débat et d'être sorti des premiers errements.

M. Tack. - Je n'ai pas à suivre M. le ministre de l'intérieur dans l'analyse qu'il vous a présentée des articles du budget de son département ; je me bornerai à dire quelques mois de l'article en discussion.

Je suis très peu partisan de l'intervention quand même du gouvernement dans les affaires privées, je dirai plus, je ne crois pas que personne ici soit partisan de l’intervention du gouvernement en toute chose ; je n'aime pas à le voir faire concurrence à l'industrie, et méconnaître ses droits de la liberté.

Mais, n'y a-t-il pas des cas d'exception, des cas de nécessité absolue, comme a dit l’honorable M. de Haerne, où le concours du gouvernement peut être désirable ? Quand on a créé les ateliers d'apprentissage, ne se trouvait-on point dans une de ces situations anomales où l'intervention du gouvernement était un devoir à cette époque.

Tous les fléaux venaient de fondre à la fois sur les Flandres, l'épidémie, la disette, la crise commerciale et industrielle s'étaient donné rendez-vous à la fois dans nos malheureuses contrées.

On ne saurait le contester, la création des ateliers d'apprentissage combinés avec d'autres mesures a rendu de grands services à l'industrie.

Il y a eu, il est vrai, des déconvenues, des mécomptes, des déceptions ; le gouvernement a essayé d'entreprendre eu même temps beaucoup de choses qu'il ne connaissait pas, faute d'expérience, et s'est trompé souvent ; il a dû nécessairement commettre des erreurs, mais n'est-il pas juste de tenir compte de la situation d'alors ; le mal était grand, il convenait d'aviser à des remèdes énergiques.

On a eu recours entre autres moyens à la création des ateliers d'apprentissage. Là où ils ont été convenablement organisés, on a eu à se louer de la mesure.

Est-ce à dire que c'est par les ateliers d'apprentissage que les Flandres ont été sauvées ? Nullement, ce serait là de l'exagération ; si les Flandres se sont relevées de la détresse où elles étaient jadis, si elles sont sorties de l'atonie dans laquelle elles ont langui pendant quelques années, elles le doivent avant tout à l'intelligence, à l'énergie, à l'initiative de nos industriels, au courage et l'aptitude de nos ouvriers ; elles le doivent aussi aux efforts des administrations locales, à l'intervention du gouvernement, au zèle des administrations de bienfaisance, au dévouement du clergé et des corporations charitables ; toutes ces forces réunies ont contribué à sauver les Flandres, à les tirer du marasme dans lequel elles étaient (page 643) plongées. Tout en rendant justice aux autorités constituées, je me garderai pour ma part de faire à nos industriels et à nos ouvriers l'injure de supposer qu'ils n'ont été pour rien dans la rénovation des Flandres.

Beaucoup de nos industries et entre autres le tissage des étoffes mélangées qu'on prétend avoir été introduit par le gouvernement dans notre pays, étaient florissantes longtemps avant qu'il ne fût question d'ateliers d'apprentissage, non seulement à St-Nicolas, mais aussi dans l'arrondissement de Courtrai, dans la ville de Courtrai même, à Mouscron et ailleurs.

M. B. Dumortier. - Et à Tournai depuis plus de cent ans.

M. Tack. - Cela confirme ce que je viens de dire ; d'autres industries ont été introduites à l'époque de la crise des Flandres par des particuliers ; de ce nombre l'industrie de la batiste que nous devons à notre honorable collègue M. de Haerne.

La fabrication des dentelles, grâce à l'impulsion que lui ont donnée les corporations religieuses, a été pour beaucoup dans le réveil des Flandres ; elle a ménagé la transition de l'ancienne industrie toilière à la nouvelle, elle a rendu des services immenses en répandant d'abondants salaires parmi les indigents.

Ci-devant la dentelle ne se fabriquait que dans quelques villes telles que Courtrai, Bruges, Ypres et Menin. Maintenant l'industrie dentellière s'exerce aussi à la campagne où elle a remplacé le filage à la main. Par une heureuse coïncidence en même temps qu'elle se développait d'une manière prodigieuse, de vastes débouchés s'ouvraient ; nous n'exportions autrefois nos produits qu'en Angleterre et en France ; aujourd'hui nous trouvons des marchés considérables en Russie et en Amérique, pays avec lesquels nos fabricants traitent directement.

Selon moi, tout le monde a droit de revendiquer si part dans ce qu'on est convenu d'appeler la résurrection des Flandres, fabricants, ouvriers, gouvernement, administrations de bienfaisance, clergé, associations charitables, un chacun a fait son devoir.

Quant à la question que nous discutons en ce moment, elle se réduit à ceci : faut-il supprimer brusquement le subside pour les ateliers d'apprentissage et laisser tomber ces établissements ? Je pense que ce serait une grande faute. Les ateliers d'apprentissage tels qu'ils existent aujourd'hui ont leur côté utile et pratique ; on y enseigne les méthodes perfectionnées et l'emploi judicieux des outils nouveaux ; ils sont devenus des écoles professionnelles annexées aux écoles primaires.

Que le gouvernement diminue successivement le subside, je le veux bien, mais qu'il ne provoque pas, en retirant tout à coup les subsides accordés jusqu'aujourd'hui, d'utiles institutions ; il serait bon qu'il engage les communes pour qu'elles prennent les mesures afin de maintenir les ateliers existants.

Je reconnais que les subsides alloués à des particuliers n'ont pas toujours eu d'heureux résultats ; ainsi dans le principe le gouvernement a été exploité, rançonné par certains chevaliers d'industrie ; mais en général les subsides aux ateliers d'apprentissage dirigés par les autorités communales ont été très favorables à l'industrie. C'est une chose incontestable.

On parle de concurrence à l'industrie privée ; mais ceux qui tiennent ce langage connaissent fort peu l'organisation des ateliers d'apprentissage. Remarquez que c'est l'industrie privée qui se sert des ateliers d'apprentissage ; ce sont les industriels qui leur fournissent les matières premières et qui y font travailler ; ce sont les fabricants qui payent le plus gros salaire à l'apprenti qui ont la préférence. Où est donc cette concurrence ? Elle n'existe pas. C'est un mythe.

L'honorable député de Saint-Nicolas a dit qu'il n'y avait pas d'ateliers d'apprentissage à Saint-Nicolas. Je le crois bien, Saint-Nicolas n'en a pas eu besoin. L'industrie linière n'existe pas là. Il n'y avait donc pas lieu de venir en aide dans la ville de Saint-Nicolas à une industrie en décadence.

J'insiste donc pour le maintien du crédit demandé par le gouvernement, et j'espère, comme lui, qu'il pourra se réduire successivement dans la suite.

M. de Theux. - Je voulais faire les observations que l'honorable M. Tack vient de présenter à la Chambre sur l'ensemble des causes qui ont changé la situation des communes qui ont eu tant à souffrir par suite soit du déplacement, soit de la transformation de l'industrie linière. J'ajouterai à ces causes ce qui a été fait dès le commencement de la crise linière pour conserver en partie le marché (erratum, page 647) de la France et pour diminuer la concurrence sur notre propre marché.

D'autre part le temps est venu en aide.

N'oublions pas non plus que le mal était énormément aggravé par la crise alimentaire qui a sévi (erratum, page 647) en 1845, 1846 et 1847 ; d'abondantes récoltes y ont apporté le principal remède.

Je n'en dirai pas davantage ; mais je désirerais savoir de l'honorable ministre de l’intérieur s'il y a beaucoup de contrats avec les particuliers pour les ateliers d'apprentissage, et si ces contrats ont encore une longue durée. Je lui demanderai s'il ne pourrait pas faire insérer au Moniteur des renseignements sur ce point.

M. le président. - Voici, messieurs, l'amendement qui vient d’être proposé :

« Nous proposons de réduire à 60,000 fr. le chiffre du crédit demandé pour les ateliers d'apprentissage.

« Signe, Vermeire, Janssens et Verlinghem. »

M. Vermeire. - Je n'abuserai pas de la parole. L'amendement que nous venons de proposer a cette portée que le chiffre du crédit demandé pour les ateliers d'apprentissage soit successivement réduit, et disparaisse le plus tôt possible. Je m'abstiendrai de répondre au discours de l'honorable ministre de l'intérieur, parce que M. le ministre a commencé par déclarer qu'il ne voulait pas rencontrer nos arguments. Il a préféré passer en revue d'autres articles du budget qui n'étaient pas en discussion. Nous saurons relever ses arguments lorsqu'il en sera temps, et présenter les observations que nous aurons à faire valoir en faveur de l'opinion que nous soutenons.

M. H. Dumortier. - J'ai renoncé à la parole, parce que la Chambre désire clore cette discussion.

Je désirerais cependant que l'honorable M. Vermeire voulût bien préciser la portée pratique de sa proposition.

II y a deux catégories bien distinctes d'ateliers subsidiés : ceux dirigés et contrôlés par des administrations publiques et ceux dirigés par des particuliers.

On n'a pas assez insisté sur la différence qui existe entre ces deux genres d'institutions.

Pour ce qui concerne les ateliers dirigés par des administrations publiques, je me rallie aux considérations qui ont été développées par mes honorables collègues de Courtrai, et si la réduction proposée par l'honorable M. Vermeire doit porter sur le subside alloué à ces ateliers, je ne puis l'admettre, en ce moment du moins.

Mais il en est autrement pour les ateliers privés. Là, je crois que le gouvernement doit aujourd'hui beaucoup restreindre son intervention. L'industrie privée ne doit être subsidiée que dans des cas exceptionnels.

- Plusieurs membres. - La clôture !

M. B. Dumortier. - Je demande la parole contre la clôture. L'observation de l'honorable préopinant a un caractère sérieux ; l'explication qu'il demande doit être fournie. Ensuite l'honorable M. de Theux a demandé l'insertion au Moniteur des contrats avec les particuliers qui reçoivent des subsides pour des ateliers d'apprentissage. Dans de telles circonstances il me paraît impossible que nous votions aujourd'hui. Nous sommes arrivés à l'heure où la Chambre à l'habitude de se séparer. Il me semble que nous pourrions parfaitement remettre la discussion à mardi, pour voter en connaissance de cause.

M. Janssens. - J'appuie les observations que vient de faire l'honorable M. Dumortier. Si des contrats qui sont déposés, il résulte qu'il y a engagements pris pour l'année courante, au-delà de la somme que nous proposons, nous pourrons peut-être nous rapprocher du chiffre demandé par le gouvernement. Mais je désire que le crédit disparaisse au plus tôt, et qu'on ne le conserve que pour faire face aux engagements pris.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je ne pense pas que l'honorable M. de Theux ait demandé l'insertion au Moniteur des contrats qui ont été passé avec des particuliers. Il a demandé seulement à quelle époque ces contrais expiraient. Eh bien, je donnerai ce renseignement soit dans le Moniteur, soit au budget prochain.

Les contrats avec les particuliers sont d'ailleurs en petit nombre, et les subsides qu'ils reçoivent ne sont pas des subsides personnels ; ils leur sont accordés à des conditions onéreuses. Ainsi ces particuliers sont tenus d'avoir des contre-maîtres, d'autres charges encore leur sont imposées.

Il y a d'autant moins lieu d'accepter l'amendement proposé, que, chaque année, le gouvernement a fait preuve du désir de diminuer le subside et que depuis cinq ans il est descendu à 65,000 fr.

- La discussion est close.

M. le président. - Je mets aux voix l'amendement de M. Janssens.

- L'appel nominal est demandé.

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'amendement.

76 membres prennent part au vote.

49 répondent non.

26 répondent oui.

1 membre s'abstient.

En conséquence l'amendement n'est pas adopté. Ont voté l'adoption :

MM. de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Mérode-Westerloo, de Montpellier, de Naeyer, de Pitteurs-Hiegaerts, de Portemont, de Rongé, de Ruddere de te Lokeren, de Smedt, de Theux, Frison, Goblet, Janssens, Landeloos, Moncheur, Pirmez, (erratum, page 647, Orts, Royer de Behr, Snoy, Thibaut, Van Dormael, Van Overloop, Vermeire, Verwilghen, Wasseige,

Ont voté le rejet : MM. Allard, Coppieters 't Wallant, Crombez, David, de Baillet-Latour, de Boe, H. de Brouckere, Dechentinnes, de Florisone, De Fré, de Gottal, de Haerne, de Paul, de Renesse, Desmaisières, de Terbecq, Devaux, B. Dumortier, d'Ursel, Frère-Orban, Guillery, Hymans, Jacquemyns, M. Jouret, Koeler, Laubry, Le Bailly de Tilleghem, Ch. Lebeau, Magherman, Manilius, Moreau, Muller, Nélis, Nothomb, Orban, Pierre, Victor Pirson, Rodenbach, Rogier, Sabatier, Saeyman, Tack, Ernest Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Iseghem, Van Leempoel de Nieuwmunster, Van Volxem, Vervoort.

(page 644) S'est abstenu : M. Henri Dumortier.

M. H. Dumortier. - Je me suis abstenu pour les motifs que j'ai indiqués tout à l'heure.

- Le chiffre du gouvernement est mis aux voix et adopté.

Articles 71 à 73

« Art. 71. Frais de rédaction et de publication du Recueil officiel des brevets : fr. 7,000. »

- Adopté.

Musée de l’industrie

« Art. 72. Traitement du personne : : fr. 18,338. »

- Adopté.


« Art. 73. Matériel et frais divers : fr. 10,252. »

- Adopté.

- Plusieurs membres. - A mardi !

M. le président. - Avec cette habitude de ne plus siéger le lundi, il y a trois jours pendant lesquels on ne fait rien en sections le lundi on ne vient pas du tout, le mardi on arrive trop tard, le samedi on part trop tôt.

La majorité paraît ne vouloir siéger que mardi.

La Chambre est prévenue ; ma responsabilité est à couvert.

- La séance est levée à quatre heures et un quart.