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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 23 novembre 1859

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1859-1860)

(page 79) (Présidence de M. Orts.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Florisone procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. de Boe donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la Chambre

M. de Florisone communique l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Des meuniers de Pitthem demandent la réduction du droit de patente auquel ils sont assujettis. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Doucet, médecin vétérinaire diplômé, demande des modifications à la loi du 11 juin 1850, sur l'exercice de la médecine vétérinaire. »

« Même demande du sieur Van Eecke, médecin vétérinaire diplômé. »

- Même renvoi.


« Le sieur Scholberg demande qu'il soit donné à la Chambre des explications sur ce qui s'est passé à l'expiration du bail de l'usine de Moresnet, entre la Vieille-Montagne et le gouvernement. »

- Même renvoi.

Projet de loi relatif à la révision des évaluations cadastrales

Discussion générale

M. le président. - La section centrale a proposé deux amendements qui ont été acceptés par le gouvernement.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Nous sommes d’accord.

M. le président. - La discussion s'ouvre sur le projet.de la section centrale.

M. De Lexhy. - Il serait impossible, messieurs, de ne pas adhérer au projet proposé, parce qu'il repose sur un principe d'équité.

L'équilibre entre les différentes provinces, vis-à-vis de l'impôt foncier, est rompu, de l'avis de tous. Je crois, cependant, que les plaintes qui ont été formulées dans cette enceinte, sont exagérées. Mais quelque minime que puisse être l'inégalité dont on se plaint, la justice distributive commande de prendre des mesures pour rétablir l'égalité entre les différentes provinces. En corrigeant des abus, prenez cependant garde de tomber dans de plus grands encore.

S'il importe de faire régner l'égalité entre les provinces, il importe également de faire disparaître les inégalités qui existent entre les différentes parties d'une même province. En effet, qu'est-il arrivé depuis la confection du cadastre ? C'est que dans la province de Liège, par exemple, les parties les plus riches, celles dont le revenu était le plus considérable, notamment l'arrondissement de Waremme, ces mêmes régions n'ont pas vu leur richesse s'accroître dans une proportion aussi grande que dans d'autres régions plus pauvres. C'est là un fait qu'il importe de signaler, pour prouver que de grandes inégalités subsisteront encore après la révision partielle du cadastre que l'on va entreprendre.

Le gouvernement ne nous demande, pour le moment, que de sanctionner des mesures provisoires, qui pourront amener l'équilibre entre les provinces et d'entreprendre un travail préparatoire pour arriver à une nouvelle péréquation cadastrale. Nous attendrons les résultats de ce travail, pour nous prononcer ; nous bornant, actuellement, à formuler nos réserves.

Un des résultats probables de ce travail sera l'augmentation du contingent de la province de Liège dans l'impôt foncier ; cependant il est présumable que cette augmentation portera principalement sur les propriétés bâties et qu'elle aura peu d'influence sur les propriétés rurales.

Le projet soumis à nos délibérations a un but qui a été nettement défini par le gouvernement et par l'honorable M. Muller, rapporteur de la section centrale. Ce but consiste uniquement et exclusivement dans une répartition plus équitable de l'impôt foncier. Cette déclaration nous fait comprendre que le gouvernement ne veut pas faire peser trop lourdement l'impôt sur la propriété foncière et qu'il reconnaît que tous les revenus nationaux, de quelque nature qu'ils soient, doivent contribuer équitablement dans l'acquittement des charges de l'Etat.

M. Vander Donckt. - J'ai hésité longtemps avant de me décider à à prendre la parole dans cette discussion, parce qu'il me semble que la chose est tellement claire, tellement prouvée, qu'il n'y a pas lieu à discussion pour le moment.

Le gouvernement par le projet de loi demande tout simplement qu'il soit investi du pouvoir de procéder à une révision des évaluation cadastrales.

Or, la nécessité indispensable, absolue de cette révision a été constatée par une foule de preuves ; dois-je, par exemple, vous rappeler le passage du discours de la couronne où il est dit : (Voir la séance royale du 11 novembre 1856, page 101, ligne 8 et suivantes.)

Voilà, messieurs, le discours du trône, prononcé dans la séance d'ouverture des Chambres du 11 novembre 1856.

Depuis nombre d'années on a constaté les irrégularités et la nécessité absolue de procéder à une plus juste répartition de l'impôt foncier.

Le prédécesseur de l'honorable ministre actuel a présenté un projet de loi dans la séance du 19 mai 1857, et voici les motifs sur lesquels il s'appuie pour prouver la nécessité de procéder à cette révision :

« Tout en reconnaissant cette nécessité, le gouvernement pour éviter de nouvelles dépenses dans un moment où tant de services publics en réclament, ont désiré pouvoir ajourner encore cette vaste opération, mais en présence des disproportions si évidentes, si considérables et si multipliées que présentent les contingents des provinces, ceux des communes et les cotes des contribuables par rapport au revenu foncier, un plus long retard pourrait avec raison être envisagé comme un déni de justice, sinon comme une infraction au principe constitutionnel qui proscrit tout privilège en matière d'impôts. »

Il importe donc de prendre dès à présent des mesures propres à remédier à un aussi fâcheux état de choses conséquence des changements extraordinaires survenus dans le revenu relatif des immeubles, depuis la formation du cadastre actuel.

Vous voyez que la mesure est bien justifiée ; en présence du rapport très lucide, très important de la section centrale, on ne peut méconnaître que la révision de l'impôt foncier est parfaitement justifiée ; elle l'est encore davantage par l'exposé de motifs dans lequel l'honorable ministre des finances nous dit : (Voir l'exposé des motifs, n° 71, séance du 3 février 1859).

II me semble qu'en présence de ces considérations nous ne pouvons pas nous dispenser d'autoriser le gouvernement à procéder immédiatement à la révision des questions cadastrales, sauf à nous réserver une discussion sur le fond, alors que le gouvernement nous présentera le résultat des opérations préliminaires pour lesquelles il vous demande le crédit dont nous nous occupons.

Je crois donc qu'il ne peut pas y avoir de discussion sérieuse sur le fond.

La discussion ne saurait porter que sur les bases, et quand même ces bases ne conviendraient pas à quelques honorables membres, encore serait-il utile d'autoriser le gouvernement à les poser, parce que ce n'est, comme le dit l'exposé des motifs, ni du temps ni de la peine perdue. C'est un commencement pour procéder à une révision plus large, si toutefois la Chambre le juge à propos. J'ai dit !

M. Hymans. - Messieurs, je n'ai pas l'intention d'aborder la discussion technique du projet qui nous est soumis. J'avoue très humblement sous ce rapport mon incompétence. Je dois reconnaître d'ailleurs que, de l'avis des hommes spéciaux, de l'avis de tous ceux qui ont fait une étude approfondie de 1a matière, le système proposé par le projet de loi est le meilleur qui puisse être proposé pour la révision des opérations cadastrales.

Je veux me borner simplement à présenter quelques observations générales à propos du résultat que le gouvernement veut atteindre. J'ouvre le remarquable rapport de l'honorable M. Muller à la page 4, et j'y trouve ce qui suit :

« La 4e section est d'avis unanime que l'impôt foncier a atteint son plus haut degré, et qu'il y aura lieu d'inscrire dans la loi que la révision ne doit avoir d'autre effet qu'une répartition plus équitable et nullement une augmentation quelconque de cet impôt.

« La même section a chargé son rapporteur de s'enquérir si le projet est assez complet pour servir de base à la réforme de la contribution personnelle, et voici quelle a été l'explication donnée par le gouvernement :

« Il serait matériellement impossible d'achever en dix-huit mois ou en deux ans des travaux assez détaillés pour servir à la destination qu'on indique. Le projet est uniquement destiné à rendre meilleure la répartition du contingent de la contribution foncière. Si ultérieurement l'utilité d'établir la valeur locative des habitations d'après les évaluations du cadastre est admise par la législature, des mesures devront être prises pour l'application de ce principe. »

C'est sur ces deux points que je voudrais demander des éclaircissements à M. le ministre des finances.

Il résulte d'abord de la seconde partie de cette déclaration que si ultérieurement l'utilité d'établir la valeur locative des habitations d'après les évaluations du cadastre est admise par la législature, des mesures devront être prises pour l'application de ce principe. » ; Je ferai remarquer à la Chambre que, sur ce point, nous nous (page 80) trouvons en présence d'un vote formel de la législature. Le 10 mars 1851, la Chambre discuta le projet de loi relatif à la contribution personnelle présenté par l'honorable M. Frère en 1849 et amendé par la section centrale.

La Chambre, adoptant une proposition des honorables MM. Vermeire, Manilius. Osy, de Decker et plusieurs autres, ajourna la réforme de la contribution personnelle jusqu'après la r révision cadastrale qui devait être terminée le 1er novembre 1855 pour les propriétés bâties.

Ainsi en 1854. la réforme de la contribution personnelle a été ajournée jusqu'après la révision cadastrale en ce qui concerne les propriétés bâties.

Aujourd'hui le gouvernement veut ajourner cette révision pour les propriétés bâties jusqu'après une nouvelle décision de la Chambre, au sujet de l'utilité de prendre la valeur cadastrale comme base de la valeur locative.

Nous nous trouvons ainsi, pour la question de l'impôt personnel, dans un véritable cercle vicieux. Le gouvernement dit que la révision des propriétés bâties demandée en 1850, pourra être faite, si la Chambre se prononce de nouveau en faveur de cette révision.

Je me crois donc autorisé à demander à M. le ministre des finances, s'il a l’intention d'appeler bientôt la Chambre à se prononcer sur ce point important.

La question serait peut-être mieux placée à l'occasion du budget des voies et moyens. Mais je me suis cru autorisé à le faire à cause de la phrase du rapport de l'honorable M. Muller qui s'y rapporte.

Ma seconde observation a trait à un point peut-être plus important.

L'honorable ministre des finances, dans les déclarations qu'il a faites à la section centrale, a dit que le projet actuel est uniquement destiné à rendre meilleure la répartition de l'impôt foncier.

Je crains beaucoup que cette répartition, quelque soin qu'on prenne pour l'établir d'une manière équitable, ne soit toujours mauvaise. Il est généralement reconnu qu'une bonne péréquation cadastrale est une chose en quelque sorte impossible, et je demanderai à l'honorable ministre des finances s'il ne croirait point utile, au point de vue de l'avenir, d'examiner si l'équité, si l'économie, si l'intérêt du trésor, ne seraient pas en faveur de la transformation de l'impôt foncier, d'impôt de répartition qu'il est aujourd'hui, en impôt de quotité. Je sais que la question est très grave, mais assurément elle n'est pas neuve.

M. Deliége. - Il y a une loi.

M. Hymans. - Quelle loi ? Je dis que la question est très grave, mais qu'elle n'est pas neuve. On publie tous les jours des travaux très intéressants sur la matière, dans lesquels la question est examinée avec soin et qui concluent pour le maintien de l'impôt foncier comme impôt de répartition à cause de la fixité nécessaire à cet impôt.

D'autres auteurs soutiennent que l'intention du législateur, en établissant l'impôt de répartition, a été d'en faire un impôt de quotité, lorsque le cadastre serait terminé. On a écrit en France et répété en Belgique, que le cadastre n'avait jamais été considéré que comme un moyen de faire disparaître toute trace de l'impôt de répartition qui n'avait été établi qu'à titre provisoire.

Il est tout naturel que l'assemblée constituante faisant une révolution complète dans le système des impôts, voulant assurer à l'Etat une recette fixe par la contribution foncière, ait cru nécessaire de faire de cet impôt un impôt de répartition.

Mais je me demande i aujourd'hui que nous avons un cadastre convenablement établi, qui fonctionne parfaitement bien, que nous pouvons connaître le revenu net imposable de la propriété foncière, nous ne pourrions pas procéder sans danger à la transformation que j'indique.

Je n'ai jamais compris pourquoi l'impôt foncier n'est pas fondé sur le même principe que tous les autres impôts, pourquoi de tous les impôts il reste seul stationnaire, alors que la richesse publique augmente. Je ne comprends pas surtout pourquoi le trésor public ne profite pas de la plus-value provenant de nouvelles propriétés bâties, comme il profite de l'augmentation du mouvement industriel, comme il profite de l'augmentation du mouvement commercial.

J'ai lu beaucoup de dissertations très éloquentes sur le besoin de fixité de l'impôt foncier, mais j'ai cru comprendre, messieurs, que l'on plaidait cette théorie uniquement à cause de la crainte que l'on avait d'amener des bouleversements de provoquer des désordres, qui résulteraient précisément de ce que l'impôt foncier est un impôt de réparti-lion et qui cesseraient si l'on en faisait un impôt de quotité.

Je me hâte de dire, messieurs, qu'en faisant ces observations je n'ai pas le moins du monde l'intention de demander une augmentation du quantum de l'impôt foncier. La quatrième section a déclaré que la contribution foncière a atteint son plus haut degré ; je suis parfaitement de cet avis si l'on veut dire que le tantième prélevé sur le revenu de la propriété foncière est assez élevé ; mais je le demande, pourquoi ne pas faire profiter le trésor public de la plus-value de propriétés bâties ? Mon voisin fait bâtir une maison, il ne diminue pas la valeur de la mienne ; je ne vois pas pourquoi je dois payer moins, à la suite de cette construction. Il n'y a que les sophismes de l'intérêt privé qui puissent soutenir le maintien d’un pareil système.

Du reste, messieurs, il y a aujourd'hui beaucoup d'esprits très éclairés, beaucoup d'économistes éminents qui sont d'avis que l'impôt foncier doit être un impôt de quotité au lieu d'un impôt de répartition.

La différence qui existe entre l'organisation de l'impôt foncier et l'assiette de tous les autres impôts est purement le résultat de la routine. Il a fallu 50 ans pour confectionner le cadastre, au moins en France ; il a fallu beaucoup de temps pour faire les opérations en Belgique, et lorsque le cadastre a été fait, l'on a oublié sur quel principe était fondée la première loi relative à la contribution foncière.

Je ferai observer en terminant que, pour opérer la transformation que j'indique, aucun travail administratif ne serait nécessaire. Il suffirait que la législature votât le tantième à percevoir sur le revenu imposable de chaque propriété, et il ne faudrait qu'une très facile réorganisation du cadastre ; on se tiendrait au courant des changements de valeur en se fondant, par exemple, sur les mutations constatées par l'enregistrement ; on ferait alors tous les huit ou dix ans une révision générale du cadastre, en moins de six mois et d'une façon très économique.

Ce système aurait l'avantage de permettre la mise en recouvrement des rôles de la contribution foncière dès le 1er janvier de chaque année, tandis que maintenant ils ne sont mis en recouvrement qu'au 1er mars et même au 1er avril, parce qu'il faut auparavant que les opérations cadastrales soient terminées pour toute une province. Le gouvernement perd ainsi tous les ans quelques mois d'intérêt sur des sommes assez importantes.

Je bornerai là mes observations, en ls livrant à l'appréciation bienveillante de M. le ministre des finances, qui a toujours défendu dans cette enceinte la nécessité d'une répartition équitable des charges publiques.

Je saisirai cette occasion pour faire remarquer à M. le ministre des finances qu'il m'a adressé un reproche tout gratuit lorsqu'il m'a accusé récemment, dans la discussion de la loi sur les péages, de rechercher je ne sais quelle popularité éphémère au détriment des intérêts du trésor. J'ai examiné la question de péages comme se rattachant à l’ensemble de notre système financier. J’ai voté le dégrèvement d’une taxe que je crois injuste quoiqu’elle fût facile à percevoir, mais je voterai toujours tous les impôts justes, équitables et en harmonie avec l’esprit de nos institutions.

M. de Renesse. - Messieurs, l'honorable M. Hymans voudrait que l'impôt foncier devînt un impôt de quotité au lieu de répartition qu'il est actuellement et que cet impôt subît les accroissements de charges comme tout autre par suite de l'augmentation de sa valeur vénale et de son revenu ; sons ce rapport, je crois devoir faire remarquer que cet impôt est celui de tous qui offre le plus de ressources certaines au trésor de l’Etat, puisque la propriété foncière rapporte à l'Etat au-delà de 10 p., c. outre les 5 ou 6 p. c. dont elle est taxée pour la province et la commune, tandis que les autres industries, telles que les mines de houille ainsi que les sociétés anonymes, ne procurent au budget de l'Etat que 2 1/2 p. c, et 1 2/3 p. c. tout au plus dans les temps de crises ; la propriété immobilière contribue en outre presque toujours à fournir des ressources extraordinaires ; il faut donc la ménager en temps de calme ; ces ressources extraordinaires ne pourraient certes pas être procurées au trésor public par le commerce, par l'industrie et par les autres voies et moyens ordinaires, puisqu'ils se sentent frappés plus vivement de toutes les crises. Je crois que si l'on voulait changer l’impôt foncier en impôt de quotité, il y aurait dans le pays les plus vives réclamations, et quant à moi, je proteste d'avance contre une pareille modification à la contribution immobilière.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, l'honorable M. Hymans a présenté quelques observations sur deux points. Il désire connaître l'intention du gouvernement quant à la révision de la loi sur la contribution personnelle ; en second lieu, l'honorable membre demande s'il n'y a pas lieu de changer l'impôt foncier, d'impôt de répartition en impôt de quotité.

Sur le premier point, je ferai remarquer à l’honorable membre qu'à l'époque où la Chambre a ajourné le projet de loi sur la contribution personnelle, il était dans la pensée de tous qu'on procéderait dans un bref délai à une révision complète des opérations cadastrales.

La Chambre a alors pensé qu'avant de se prononcer sur la base de la valeur locative, une des bases de la contribution personnelle, il convenait d'attendre que toutes les opérations cadastrales fussent terminées.

En exécution des engagements qui avaient été pris, mon honorable prédécesseur a soumis à la Chambre une proposition relative à la révision complète des opérations cadastrales.

Mais, appelé, à mon tour, à m'occuper de cette question et remarquant que la dépense nécessaire. pour arriver à la révision des opérations cadastrales serait de 6 à 7 millions et exigerait 5 ou 6 ans, pour n'avoir en définitive d'autre résultat que d'amener, à l'expiration de ce terme ou d'un terme un peu plus long, une situation analogue à celle qu'on voulait faire cesser, j'ai cru que l'intérêt public commandait de rechercher quelque mode plus économique de nature à faire disparaître la plupart des griefs qui existent aujourd'hui, sans tendre à cette perfection qui devait absorber tant d'argent.

La Chambre d'après l'examen en sections, et les dispositions qui se manifestent en ce moment, semble se rallier à cette idée. On s'en tiendrait (page 81) donc au système que nous proposons, qui, au surplus, n'engage pas, qui sera de nouveau soumis à la Chambre, quand les opérations seront faites ; elle jugera si elles sont assez satisfaisantes pour être sanctionnées, sinon, elle pourra prescrire le complément de ces travaux.

En admettant que nos propositions soient définitivement admises, la décision par laquelle la Chambre a ajourné le projet de loi relatif à la contribution personnelle n'aurait plus de raison d'être ; quand le moment sera venu, nous pourrons reproduire nos propositions de 1849, sauf à la Chambre à se prononcer pour l'une ou l'autre des bases de la contribution : procédera-t-on à l'évaluation du revenu des propriétés bâties, pour en faire la base de la contribution personnelle, ou bien admettra-t-on la valeur locative déterminée par expertise ? C'est là une question qui se présentera quand le projet de loi sera soumis à la Chambre.

En second lieu, l'honorable membre a soulevé une question fort controversée, qui remonte presque à l'origine du cadastre moderne et qui toujours, je ne sais trop pourquoi, a eu le privilège de passionner. Chaque fois qu'on a parlé de changer l'impôt foncier d'impôt de répartition en impôt de quotité, il a paru qu'on proposait de faire quelque chose de peu favorable à la propriété foncière.

Pour ma part, je n'ai jamais compris cette opposition.

Pourquoi a-t-on fait des opérations cadastrales ? Evidemment pour arriver à un impôt de quotité, comme étant plus juste, plus équitable, et pour faire disparaître l'impôt de répartition.

L'impôt de répartition, c'est l'impôt primitif, c'est l'impôt inintelligent, c'est l'impôt qui opère au hasard ; n'ayant pas de base certaine pour atteindre les revenus de chaque contribuable, les revenus de la propriété foncière, on opère par voie de répartition. On fixe un contingent général ; on décide que telle province aura telle part dans ce contingent et ce contingent est réparti entre les communes pour arriver à quoi ? A prélever une quotité telle quelle du revenu des biens.

Au moyen des évaluations cadastrales on veut arriver à une répartition plus équitable ; on veut que la somme à demander à l'impôt foncier soit payée proportionnellement à son revenu par chaque contribuable, non seulement de la même commune, mais du pays entier. C'est en effet ce que l'Assemblée constituante s'était proposé de faire en décrétant les opérations cadastrales.

Le ministre des finances en 1807 le disait en termes exprès.

« Les inégalités de contribuable à contribuable, disait à cet égard le ministre des finances, lors de la présentation de la loi de 1807, disparaîtront sur-le-champ... Les inégalités de commune à commune seront également notifiées dans toutes celles qui composent une même justice de paix. Nous marchons pas à pas vers le rétablissement de l'égalité proportionnelle entre les communes, qui conduira par une gradation insensible au rapport à établir entre tous les départements.

« Ce rapport s'établira naturellement par le résultat général du cadastre, il présentera le montant du produit net imposable dans chacune des communes de France, et par conséquent dans l'ensemble de chaque département. Alors la contribution foncière reprendra le double caractère d'impôt proportionnel et d'impôt de quotité que l'Assemblée constituante avait voulu lui donner, mais dont elle n'était pas susceptible, tant que la matière imposable n’était pas connue. Cette base une fois acquise, la loi dira : La contribution foncière sera du neuvième, par exemple, des revenus nets constatés par les matrices cadastrales des diverses communes de chaque département. Il résultera de cette disposition générale que le gouvernement aura certainement telle somme à sa disposition, et qu'en même temps aucun propriétaire ne pourra être imposé au-delà du neuvième de son revenu.

Voilà ce qui était annoncé dès 1807, mais ce qui est également vrai, c'est que, dès 1807, cela a soulevé les susceptibilités des propriétaires.

M. Hymans. - Alors le cadastre n'était pas fait.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Le ministre annonçait que les opérations cadastrales allaient être reprises et qu'on arriverait au résultat qu'il indiquait. Nonobstant ce qui avait été annoncé et ce qui devait être la conséquence naturelle des opérations faites, l'impôt foncier est resté un impôt de répartition.

Il est vrai qu'en France les opérations n'ont pas été faites d'une manière complète, tandis qu'en Belgique elles ont été achevées et qu'une péréquation a été opérée.

Je n'attache pas pour ma part une grande importance au changement. Mais je reconnais qu'il vaudrait mieux que l'impôt fût de quotité.

Qu'arrive-t-il, grâce à ce que l'impôt est de répartition et qu'il y a un contingent pour chaque province ? C'est que dans les provinces où la prospérité est la plus grande, l'impôt diminue, chaque propriétaire paye moins, à mesure que des revenus nouveaux sont créés ; tandis que là où la prospérité n'est pas aussi grande, l'impôt reste le même.

Dans la province de Brabant, pour citer un exemple, les augmentations ayant été plus sensibles que partout ailleurs, l'impôt foncier, relativement au revenu, y est proportionnellement moindre que dans les autres provinces ; c'est là une inégalité que rien ne justifie.

Si l'impôt était de quotité, le revenu de chaque immeuble étant déterminé par l'opération cadastrale, la loi déterminant que la quotité serait de 7, de 8, de 9, de 10 p. c. du revenu, la situation serait égale pour tous les contribuables dans le pays, et lorsque de nouvelles valeurs viendraient à naître résultant de bâtisses nouvelles, ces nouvelles bâtisses viendraient contribuer à l'accroissement de l'impôt, sans nuire à la position d'aucun contribuable : il y aurait à cela un incontestable avantage.

Je suppose que l'on a craint que le changement de l'impôt de répartition en impôt de quotité n'eût pour effet un accroissement charges des contribuables. Mais il n'en serait pas ainsi. L'accroissement des charges des contribuables ne saurait avoir lieu sons l'un ou l'autre système qu'en raison des mêmes causes, en vertu d'une loi.

l.es Chambres peuvent dérider que le contingent de l'impôt foncier, au lieu d'être en principal de 13,800,000 fr. serait de 16 ou de 17 millions, de la même manière qu'elles peuvent déclarer que la quotité de l'impôt foncier par contribuable, au lieu d'être de 7, sera de 8 ou de 9 p. c. Mais, dans l'une ou l'autre hypothèse, le changement ne peut s'opérer dans la condition des contribuables que par la puissance législative.

Je ne vois donc pas, pour ma part, les inconvénients qui pourraient résulter de la substitution d'un mode à l'autre, tandis que je vois les avantages qui pourraient en résulter pour les contribuables.

Au point de vue du trésor, la question est pour ainsi dire indifférente. Elle n'aurait d'effet que pour les valeurs nouvelles. Or, la Chambre a déjà décidé plusieurs fois que les nouvelles matières imposables doivent être restituées à l'impôt.

M. de Mérode-Westerloo. - Une fois.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Pardon, plusieurs fois.

C'est une mesure qui, lorsqu'elle est expliquée, paraît tellement simple et naturelle, qu'on ne résiste pas. On y a fait opposition un moment, croyant que cela cachait autre chose. Mais la Chambre a parfaitement compris qu'on ne nuisait à personne. Si les valeurs nouvelles ne sont pas restituées à l'impôt, la contribution de certains contribuables dans certaines provinces, où les bâtisses sont considérables, se trouve réduite actuellement d'une fraction inappréciable, dont le contribuable ne se doute pas. Voilà tout le résultat du système tel qu'il fonctionne aujourd'hui. Or, il est plus juste que l'impôt s'accroisse naturellement au profit du trésor, que de dégrever inégalement certains contribuables.

Je suis d'ailleurs de cet avis qu'il n'y a pas lieu, le moins du monde, à augmenter l'impôt foncier.

A une certaine époque, l'impôt foncier était considéré comme l'impôt que payait le riche. La terre était censée possédée par un petit nombre de personnes, et c'est à elles qu'on croyait s'adressera pour obtenir l'impôt.

Maïs aujourd'hui l'impôt foncier est payé par l'immense majorité des habitants. La terre est tellement divisée, le taux des cotes est tellement peu élevé, qu'une forte partie de la contribution foncière est fournie par les cotes qui peut-être n'excèdent pas 15 à 20 fr. ; de telle sorte que l'impôt foncier est payé en grande partie par une masse de travailleurs qui sont occupés à cultiver la terre.

A ce seul point de vue, il n'y a pas lieu de l'augmenter sans nécessité, et à coup sûr la nécessité n'existe pas.

Ce n'est pas cependant à dire que l'impôt foncier soit élevé en Belgique, Il est au contraire extrêmement modéré.

M. de Mérode-Westerloo. - Et les centimes additionnels ?

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Y compris les centimes additionnels au profit de l'Etat.

M. E. Vandenpeereboom. - Il y en a aussi au profit des provinces et des communes.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Sans doute. Je constate seulement quelle est la situation de l'impôt foncier aujourd’hui, et si on le compare, tel qu'il est aujourd'hui, avec ce qu'il était, par exemple, sous l'empire et sous le gouvernement des Pays-Bas, on peut se convaincre que nous sommes dans une situation excellente sous ce rapport. Je ne m'en plains pas, remarquez-le bien ; je me félicite de ce qu'on paye aujourd'hui, en impôt foncier, moins qu'on ne payait sous l'empire.

M. Vilain XIIII. - Pas avec les centimes additionnels pour les provinces et les communes.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Mais autrefois les communes percevaient aussi quelque chose, et les départements percevaient aussi quelque chose.

Messieurs, si la Chambre le désire, je donnerai à cet égard quelques indications.

Les circonscriptions de nos provinces ont changé, certaines communes ont été détachées de ce qui forme aujourd'hui la Belgique pour être réunies aux départements français, et quelques portions de territoire étranger ont été réunies à la Belgique.

On a fait le compte afférent à chacune de ces localités pour connaître quelle était la somme d'impôts qui grevait les parties de territoire qui forment aujourd'hui la Belgique afin de pouvoir comparer les époques de 1800 à 1813, de 1813 à 1830, de 1830 à 1858.

La contribution foncière s'est élevée, en moyenne, pour la province d'Anvers de 1800 à 1813, à 1,862,000 fr.

Sous le gouvernement des Pays-Bas, de 1816 à 1830, à 1,792,000 fr.

(page 82) Sous le gouvernement actuel, de 1830 à 1858, à 1,618,000 fr.

M. de Theux. - Anvers a été dégrevé.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Les opérations cadastrales ont eu ce résultat de dégrever certaines provinces et d'ajouter un peu au contingent des autres. Mais lorsque nous aurons fait la comparaison pour les provinces, nous verrons quel est le total sous l'empire, sous le gouvernement des Pays-Bas et sous le gouvernement actuel.

(Suit un tableau de l’évolution du revenu cadastral pour les huit autres provinces)

En somme sous l'empire, l'impôt foncier était de 18,708,000 fr. Sous le gouvernement des Pays-Bas, il était de 17,830,000 fr. Sous le gouvernement actuel, il est de 18,060,000 fr., ainsi près de 700,000 fr. de moins que sous l'empire.

Mais, messieurs, ce serait se méprendre que de considérer seulement la différence en chiffres que je viens d'indiquer.

Le dégrèvement a été beaucoup plus considérable que celui que représente ce chiffre de 650,000 à 700,000 fr. Il faut tenir compte de la différence de valeur de la propriété, de la différence du revenu aux diverses époques, et nous allons voir quel est en réalité aujourd'hui le dégrèvement.

Si nous supposons qu'une propriété rurale donnait sous l'empire un revenu de 100 fr., nous reconnaîtrons que cette même propriété donnait sous le gouvernement des Pays-Bas 125 fr. et qu'à l'époque actuelle, elle donne 175 fr. Cette évaluation est modérée.

M. de Theux. - Il y aurait beaucoup à dire à cette évaluation.

M. de Muelenaere. - C'est très difficile à apprécier.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Non, ce n'est pas très difficile à apprécier. Je crois que la proportion que j'indique est admissible. Je suis, je le répète, extrêmement modéré dans cette évaluation.

Le cadastre, appliqué en 1835, pour sept de nos provinces, et en 1845, pour les deux autres, le Limbourg et le Luxembourg, a été basé sur le revenu de 1812 à 1826. En prenant pour base le résultat cadastral, modifié dans les proportions que je viens d'indiquer, nous avions pour l'ensemble des provinces, un revenu : Sous l'empire, de 111,095,000 francs ; sous le gouvernement des Pays-Bas, de 138,869,000 francs, et sous le gouvernement actuel de 194,416,000 francs.

Il résulte de là que l'impôt foncier, eu égard au revenu, est, comparativement à ce qu'il était sous l'empire, dans la proportion de 57 à 100 comparativement à ce qu'il était sous le gouvernement des Pays-Bas, dont la proportion de 72 à 100. En d'autres termes, le contribuable qui, sous l'empire, payait 100 fr. de contribution foncière, n'en paye plus, pour le même revenu, que 57 sous le gouvernement actuel.

Ce résultat est certes bien satisfaisant pour le pays.

Je proteste contre la supposition que des renseignements que je donne, il y aurait lieu de conclure qu'il faut augmenter la contribution foncière. Mais je dis que la condition des contribuables dans le pays s'est notablement améliorée. Le même individu, le même contribuable sous l'empire, devait faire un effort beaucoup plus considérable, un sacrifice beaucoup plus grand que celui qu'il fait aujourd'hui pour solder l'impôt foncier.

Il m'a paru que ces renseignements étaient utiles à connaître. Ils sont de nature à inspirer de plus en plus la confiance des habitants du pays, dans le gouvernement qui, depuis 1830 jusqu'aujourd'hui, ne s'est pas ingénié, comme on le voit, à obtenir la plus grande somme possible d'impôts, mais a laissé une part très large et très légitime de leur revenu à ceux qui travaillent la terre.

Projet de loi allouant un crédit supplémentaire au budget du ministère de l’intérieur

Rapport de la section centrale

M. Vander Donck. - J'ai l'honneur de déposer un rapport supplémentaire de la section centrale qui a examiné le projet de loi allouant des crédits extraordinaires au département de l'intérieur pour payer des dépenses de matériel de l'administration provinciale d'Anvers des exercices 1857, 1858 et 1859.

La section centrale conclut à l'unanimité au rejet de cette allocation.

- La Chambre ordonne l'impression, et la distribution de ce rapport et le met à la suite des objets à l'ordre du jour.

Projet de loi relatif à la révision des évaluations cadastrales

Discussion générale

M. de Theux. - J'ai d mandé la parole, non pas pour contester les bases du projet de loi que M. le ministre des finances a présenté ; il me semble, au contraire, acceptable. Mais j'ai demandé la parole simplement pour faire mes réserves quant aux appréciations que l'honorable ministre des finances a faites relativement à la situation de la propriété financière sous l'empire comparée avec sa situation actuelle.

Je crois que quant aux avantages que l'honorable ministre a indiqués en faveur de la situation actuelle, il y a énormément à rabattre. Il me serait très facile de démontrer, par des pièces authentiques, que ces appréciations sont extrêmement exagérées.

D'abord, M. le ministre ne tient aucun compte de la dépréciation monétaire.

On pourrait ensuite, par la statistique du prix des céréales et d'autres denrées, démontrer que, sous l'empire, la situation de l'agriculture était extrêmement favorable.

Quant à la valeur vénale, il est évident qu'il y a une différence très considérable ; mais quant aux produits de la terre, la situation n'est pas celle qu'indique M. le ministre des finances.

Il faut aussi tenir compte de la différence des prix de toutes choses Une somme d'argent ne représente pas aujourd'hui la valeur que représentait le même capital sous l'empire.

Je n'en dirai pas davantage, parce qu'il n'y a rien en discussion. Je me borne à faire mes réserves à cet égard.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ne ferai qu'une observation sur les derniers mots de 1 honorable comte de Theux. Il dit qu'il faut tenir compte de la dépréciation monétaire ; mais c'est un argument qui va directement contre l'idée émise par l'honorable membre. Cela prouve une chose, c'est que 18 millions, sous l'empire, représentaient beaucoup plus que 18 millions aujourd'hui, et par conséquent, l'observation vient fortifier ce que j'avais l'honneur d'exprimer.

Au surplus, je ne pense pas qu'il y ait lieu le moins du monde à faire des réserves sur les observations que j'ai eu l'honneur de présenter à la Chambre. J'ai cité des chiffres et celui qui concerne l'importance de l'impôt n'est pas contestable. Reste l'appréciation de l'accroissement de la valeur et du revenu des propriétés ; à cet égard on peut différer, j'en conviens.

J'ai indiqué un certain accroissement qui m'a paru raisonnable ; qui a paru raisonnable à l'administration, laquelle possède certains éléments pour contrôler ces appréciations. On peut les réduire, aujourd'hui qu'on paye beaucoup moins en impôt foncier qu'on ne payait aux époques que j'ai indiquées. C'est la seule chose que je voulais dire à la Chambre.

M. de Theux. - L'observation de M. le ministre des finances est vraie quant à l'impôt mais elle ne change rien à la question de la dépréciation monétaire. Il est certain que sous l'empire 100 francs de revenu valaient plus en réalité qu'aujourd'hui, cela ne peut pas être contesté.

M. Deliége. - J'avais dit, messieurs, que l'impôt foncier est un impôt de répartition et que cela avait été décidé par une loi ; l'honorable M. Hymans m'a demandé par quelle loi ? Messieurs, cette loi est celle du 9 mars 1848, la loi relative à la péréquation générale de la contribution foncière. Elle porte ce qui suit :

« Art. 1er. La somme de 15,500 fr. formant le prix capital de la contribution foncière à fixer par la loi du budget des voies et moyens pour l'exercice 1849, sera répartie entre les 9 provinces du royaume d'après le résultat du cadastre comme suit :

« Anvers, 1,346,105. Brabant, 2,817,374, etc., etc. »

Et plus loin :

« Art. 2. ..... Les augmentations et les diminutions qui surviendront entre-temps dans la matière imposable de chaque province ne donneront lieu à aucune modification du contingent provincial, etc., etc. »

Il s'ensuit, messieurs, qu'une loi décide que la contribution foncière est un impôt de répartition et non un impôt de quotité ; et que cette loi ne date que de quelques années.

Je sais fort bien, messieurs, qu'une loi nouvelle peut abroger une loi ancienne et qu'on pourrait décider qu'à l'avenir l'impôt foncier sera un impôt de quotité. Cependant, messieurs, il faut y prendre garde, l'agriculture a besoin de sécurité ; en ce moment-ci il y a assez d'élan, le revenu des terres est un peu plus élevé, je le crois, mais d'un autre côté il se fait des améliorations et si vous veniez à frapper ces améliorations immédiatement vous rendriez un très mauvais service au pays.

M. Hymans. - Voilà la deuxième fois en huit jours que l'honorable M. Deliége me sermonne ; j'avais parfaitement raison la première fois, j'avais cité textuellement d'après les Annales parlementaires un passage d'un de ses discours, et l'honorable membre est venu me reprocher de l'avoir travesti.

Aujourd'hui il me donne une leçon de législation. Il m'interrompt pour me dire qu'il y a une loi sur l'impôt foncier. Il me prouve que c'est un impôt de répartition alors que je demande précisément qu'on en fasse un impôt de quotité.

(page 83) Je n'ai pas demandé la parole pour cet objet ; je voulais faire remarquer à M. le ministre des finances que s'il a défendu sur le second point la même doctrine que moi, il n'a pas répondu d'une manière bien claire à la question que j'avais posée au sujet de l'impôt personnel. L'honorable ministre des finances nous a dit que la Chambre aurait à se prononcer de nouveau. J'ai demandé à quelle époque il appellerait notre attention sur cet objet.

Au surplus, je reviendrai sur cette question quand il s'agira du budget des voies et moyens.

M. Deliége. - Je n'ai que deux mots à répondre. Je n'ai pas entendu sermonner l'honorable M. Hymans.

Depuis que j'ai l’honneur de siéger dans cette Chambre, je n'ai jamais sermonné personne. L'honorable M. Hymans m'a interpellé, il m'a demandé de quelle loi j'avais voulu parler, et j'aurais cru manquer de politesse envers lui si je n'avais pas indiqué la loi.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je crois avoir fait à l’honorable M. Hymans une réponse très précise. J'ai dit que la Chambre serait appelée à se prononcer sur la question de l'impôt personnel ; je n'ai pas déterminé d’époque pour la présentation du projet de loi, mais l'honorable membre doit convenir que ce n'est point par embarras de présenter la loi ; la loi est faite, elle est faite depuis dix ans, je puis la présenter du jour au lendemain ; mais je dois me déterminer d'après l'état des travaux de la Chambre. Il y a d'autres objets dont la Chambre est saisie.

Si, dans la session actuelle, le temps le permet, je n'hésiterai pas un seul instant à déposer de nouveau le projet de loi sur la contribution personnelle.

M. De Lexhy. - En présence des théories étranges que l'honorable M. Hymans vient de développer, je crois de mon devoir de joindre mes protestations à celles qu'a fait entendre mon honorable ami le comte de Renesse ; je proteste énergiquement contre les idées émises par l'honorable député de Bruxelles, parce qu'elles sont de nature à jeter la perturbation et l'inquiétude parmi les populations rurales. En faisant cette protestation, je m'empresse de prendre acte de la déclaration qui vient de nous être faite par l'honorable ministre des finances, à savoir qu'il n'entre pas dans les intentions du gouvernement de proposer l'augmentation de l'impôt foncier. Cette déclaration me suffit.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je l'ai déjà dit dix fois.

Discussion des articles

Articles 1er et 2

« Art. 1. Il sera procédé à la révision des évaluations du cadastre. »

- Adopté.


« Art. 2. Les nouvelles évaluations seront établies sur le revenu net moyen des propriétés foncières pendant la période décennale de 1849 à 1858 inclus, et constatées par la ventilation :

« a. Des baux à ferme et à loyer pour des propriétés pouvant être données en location ;

« b. Des actes de vente de produits pour les autres natures de propriété.

« Des locations effectuées par adjudication publique, de même que les baux dont le prix sera reconnu exagéré ou atténué sous l'influence de circonstances exceptionnelles, seront écartés de la ventilation ».

- Adopté.

Article 3

« Art. 3. Cette révision aura pour objet de constater dans quelle proportion le revenu net moyen des propriétés, pendant la nouvelle période décennale de 1849 à 1858, diffère des évaluations cadastrales actuelles.

« Les résultats de la révision seront appliqués :

« Par canton, pour les communes rurales, en général, en y comprenant l'ensemble des propriétés bâties et non battes ;

« Par commune, pour celles des communes rurales où l'on pourra recueillir des actes de location en nombre suffisant pour établir le revenu moyen des propriétés foncières dans la localité ;

« Par parcelle, pour les villes et les communes formant faubourgs, en y comprenant de même les diverses natures de propriétés. »

M. Thibaut. - Messieurs, dans le projet du gouvernement, il y avait au paragraphe 4 un mot qui a disparu dans le projet de la section centrale.

Le projet du gouvernement disait : « Les résultats de la révision cadastrale seront appliqués : … par commune, exceptionnellement pour celles des communes rurales où l’on pourrait recueillir des actes de location en nombre suffisant pour établir le revenu moyen des propriétés foncières dans la localité. »

La section centrale a demandé au gouvernement s'il croyait que ce ne serait réellement que par exception que l'on procéderait par commune.

Le gouvernement a répondu que telle était son opinion, mais que c pendant il ne tenait pas à ce que le mot se trouvât dans le projet de loi ; et voilà comment il a disparu dans le projet de la section centrale.

Je demanderai à mon tour à M. le ministre des finances si, dans son opinion, l'opération serait plus longue et plus coûteuse si l'on appliquait les résultats par commune, au lieu de les appliquer par canton.

Je crois qu'en procédant de cette manière en arriverait à rétablir l'égalité entre les communes, tandis qu'en procédant d'après le mode indiqué dans le projet de loi, on ne rétablira l'égalité qu'entre les provinces et les cantons.

Pour mieux me faire comprendre, je suppose qu'une commune où aucune amélioration n'a pu être réalisée, se trouve dans un canton où d'autres communes ont prospéré ; la première verrait augmenter sa quotité d’impôt, quoique son revenu n'ait pas changé.

Si, au contraire, une ou deux communes seules, dans un canton, ont profité considérablement et que les autres soient restées stationnaires, la contribution de celles qui doivent peut-être leur prospérité à des circonstances extraordinaires ne subira pas d’augmentation.

Il me paraît qu'il y a sons ce rapport, dans le projet de loi, une imperfection que l'on pourrait faire disparaîtra.

M. Muller, rapporteur. - Messieurs, le motif de la suppression du mot « exceptionnellement » dans le paragraphe 4 de l'article 3 du projet de loi est expliqué dans le rapport de la section centrale.

Voici, à cet égard, les renseignements qui ont été recueillis et qui semblent constants : c'est qu'il sera très difficile d'obtenir pour un grand nombre de communes des baux en nombre suffisant, passés pour les propriétés situées dans une même localité et qui permettent d'établir le revenu par la ventilation des baux.

Là où la chose sera possible, la commune sera traitée isolément, sous le rapport de l'évaluation cadastrale. Quand les baux seront en nombre insuffisant, il faudra bien recourir à une ventilation basée sur les baux qui auront été recueillis dans les communes voisines et dans le canton.

Vous vous heurteriez, en effet, contre une impossibilité, si vous voulez obtenir une appréciation exacte pour chaque commune, alors que les baux n’existent pas en nombre assez considérable pour fournir une application équitable.

Il n'y aurait qu'un moyen, ce serait de recourir à une expertise parcellaire. Or, c'est cette expertise parcellaire qui entraînerait des frais énormes et qui ajournerait pendant de longues années le travail de la révision cadastrale, travail qui a été demandé par tant de voix et à tant de reprises au sein de la représentation nationale.

M. Thibaut. - On pourrait diviser les cantons dans lesquels se présentent de notables différences, en groupes de communes qui se trouvent dans les mêmes conditions.

M. Muller, rapporteur. - Messieurs, je ferai encore une observation, en réponse à celle que vient de présenter l'honorable M. Thibaut : c'est que le gouvernement ne fait jusqu'ici qu'un travail préparatoire ; il vous demande le moyen d'arriver à une révision cadastrale, de nature, selon lui, à faire cesser les plaintes les plus nombreuses et les plus légitimes qui se sont fait jour. Le gouvernement ne vous donne pas comme étant parfait ce travail dont il ne connaît pas encore les résultats. S’il venait à être convaincu, dans certains cas, qu'il y a justesse dans l'observation de l'honorable M. Thibaut, le gouvernement pourra en tenir compte dans le projet définitif qu'il soumettra à la Chambre.

Ce n'est que lors de ce dernier travail que nous aurons à statuer, et comme il est dit dans le rapport, il n'y a aucun engagement de la part de la Chambre.

Elle reste parfaitement libre, tout comme le gouvernement qui appréciera préalablement les résultats des opérations pour lesquelles il vous demande un premier crédit de 300,0U0 francs.

- Personne ne demandant plus la parole, l'article 3 est mis aux voix et adopté.

Articles 4 à 7

« Art. 4. Le ministre des finances réglementera les mesures et les moyens d'exécution. »

- Adopté.


« Art. 5. Les résultats de l'opération seront soumis à l’examen d'une commission, instituée par province et composée d'un délégué de chaque canton et de chacune des villes ou communes, ayant donné lieu à une révision isolée.

« Les délégués cantonaux seront choisis par les bourgmestres de toutes les communes du canton, réunis à cet effet par le commissaire de l'arrondissement.

« Les autres délégués seront choisis par les conseils communaux.

« Cette commission se réunira au chef-lieu de la province, sous la présidence du gouverneur ou d'un membre de la députation commissaire d’arrondissement. L'inspecteur du cadastre, ainsi que les contrôleurs spécialement désignés à cet effet par le ministre, y assisteront avec voix consultative.

« Les propositions et éventuellement les réclamations de la commission, seront adressées au gouverneur, qui, après avoir pris l'avis de la députation permanente du conseil provincial, transmettra le travail au ministre des finances, avec ses observations, s'il y a lieu. »

- Adopté.


« Art. 6. Les nouveaux chiffres du revenu imposable qui auront été admis par le ministre des finances, à la suite de ces opérations, deviendront la base d'une nouvelle péréquation cadastrale entre les neuf provinces du royaume, à soumettre à la législature. »

- Adopté.


« Art. 7. Un premier crédit de trois cent mille francs (fr. 300,000) est ouvert au département des finances pour pourvoir aux dépenses d'exécution ; il formera l'article 42 du budget de ce département, pour l'exercice 1859. »

- Adopté.

Vote sur l’ensemble

(page 84) Il est procédé an vote par appel nominal sur l’ensemble du projet de loi.

Le projet de loi est adopté à l'unanimité des 75 membres qui ont pris part au vote.

Ce sont : MM. J. Lebeau, Loos, Magherman, Manilius, Moreau, Muller, Nélis, Neyt, Notelteirs, Nothomb, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Saeyman, Savart, Snoy, Tack, Tesch, Thibaut, Thienpont, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vander Stichelen, Van Iseghem, Van Leempoel, Van Overloop, Van Renynghe, Van Volxem, Vermeire, Verwilghen, Vilain XIIII, Wasseige, Allard, Carlier, Coppieters 't Wallant, de Baillet-Latour, de Boe, de Breyne, H. de Brouckere, Dechentinnes, de Decker, de Florisone, de Gottal, De Lexhy, de Liedekerke, Deliége, de Mérode-Westerloo, de Montpellier, de Muelenaere, de Naeyer, de Paul, de Portemont, de Renesse, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Terbecq, de Theux, Devaux, B. Dumortier, H. Dumortier, Frère-Orban, Grosfils, Guillery, Hymans, Jacquemyns, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Koeler, Lange, Laubry, Le Bailly de Tilleghem et Orts.

- il sera transmis au Sénat.

Projet de loi relatif à la concession ferroviaire de Braine-le-Comte à Gand

M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à la concession du chemin de fer de Braine-le-Comte à Gand.

Motion d’ajournement

M. de Naeyer. - Messieurs, je pense qu'il y a lieu d'ajourner ce projet au moins à mardi prochain ; en effet, si je suis bien informé, le gouvernement est saisi ou sera bientôt saisi de propositions qui sont de nature à amener, pour la ligne de Braine-le-Comte à Gand, une convention s'écartant des dispositions du projet de loi. Il convient donc d’accorder un certain délai pour qu'on soit fixé sur le point de savoir si les propositions dont il s'agit peuvent aboutir ou non. Sous ce rapport, la discussion serait évidemment prématurée.

M. H. Dumortier. - Si mes renseignements sont exacts, il est vrai de dire que de nouvelles négociations sont ouvertes entre le gouvernement et les demandeurs en concession. Il me semble impossible, dans cette situation, de déterminer à jour fixe le moment où nous discuterons le projet de loi, à moins que M. le ministre ne nous donne l'assurance que d'ici à mardi les négociations auront abouti.

Je pense qu'il serait plus rationnel d'ajourner la discussion du projet jusqu'à ce que M. le ministre ait pu nous dire si les négociations ont abouti ou si la discussion doit être replacée sur le terrain où elle est aujourd'hui. Si, dès aujourd’hui, on fixe la discussion à mardi, on s'expose à devoir la renvoyer encore à un autre jour.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - La chambre sait comment cette affaire se présente ; le gouvernement a déposé un projet de loi d'après lequel il serait autorisé à concéder un chemin de fer de Braine-le-Comte à Gand aux conditions ordinaires, c'est-à-dire, moyennant l'exploitation, aux risques et périls des demandeurs. Mais une autre combinaison lui avait été soumise, d'après laquelle l'exploitation serait faite par l'Etat. Cette combinaison a été exclue par le gouvernement par le fait même de la présentation du projet de loi autorisant une concession pure et simple.

Depuis, d'honorables membres de cette Chambre sont venus me demander si le gouvernement excluait a priori et d'une manière absolue toute combinaison ayant pour objet de faire exploiter la nouvelle ligne par l'Etat.

Je ne pouvais pas, je ne voulais pas résoudre cette question dans un sens affirmatif. Si je n'ai pas accepté les propositions d'un des demandeurs en concession tendant à l'exploitation par l'Etat, telles qu'elles étaient formulées à l'origine, telles qu'elles le sont encore en ce moment, c'est que je ne pensais pas, et je conserve cette opinion, que le gouvernement pût se radier à une combinaison qui exposait l'Etat à exploiter à perte. Mais si l'Etat était complètement rendu indemne, je ne dis pas que le gouvernement maintiendrait son refus. Peut-être même le gouvernement accepterait-il à cette condition, mais encore faut-il qu'avant tout cette condition soit réalisée.

Aussi, ai-je répondu à ces honorables membres que j'étais disposé à examiner avec bienveillance toute combinaison nouvelle qui garantirait l'Etat contre les chances de perte. Je ne sais pas st l'un me fera des propositions dans ce sens ; il est possible qu'on m'en fasse ; dans le cas contraire je suis prêt à discuter le projet de loi tel que je l'ai déposé.

M. Muller. - Messieurs, il y a quelques jours, on nous a demandé d'intervertir l'ordre de discussion par suite d'une proposition qui pourrait être faite au ministre des travaux publics de modifier certaine partie du projet de lui relatif à la concession du chemin de fer de Braine-le-Comte à Gand.

J'apprends, avec quelque surprise, que le gouvernement n'a encore reçu aucune nouvelle de la part du demandeur en concession. Au point de vue de la législature, je pense que quand il n'y a pas de changement d’offre fait, ajourner un projet de loi déposé par le gouvernement parce qu'il est possible que des modifications soient réclamées, ce n'est pas chose très régulière. Je ne m'oppose pas, cette fois, à l'ajournement proposé, mais je fais observer qu'on ne peut pas discuter continuellement le point de savoir si le projet de concession du chemin de fer de Braine-le-Comte à Gand est en état d'être soumis à la législature.

Au reste, si de nouvelles propositions étaient présentées à bref délai par le demandeur en concession, elles devraient être renvoyées préalablement à l'examen de la section centrale.

M. de Naeyer. - On est d'accord.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Je suis d'accord avec l'honorable membre, mais la question ne peut pas être indéfiniment tenue en suspens. Si les demandeurs en concession ont de nouvelles propositions à faire, il convient de décider qu'elles devront être déposées dans un bref délai. Je propose de fixer la discussion du projet à la semaine prochaine pour le cas où de nouvelles propositions ne seraient pas déposées. Dans le cas où de pareilles propositions, propositions, reconnues acceptables par le gouvernement, seraient soumises, il est entendu, conformément à l'opinion que vient d'émettre l'honorable M. Muller, qu'elles devraient être déférées à la section centrale. Mais il resterait convenu que si les demandeurs ne se prononcent pas dans un bref délai, la Chambre discutera, dès la semaine prochaine, le projet du gouvernement tel que celui-ci l'a présenté.

- L'ajournement proposé est adopté.

Projet de loi accordant des crédits supplémentaires au budget du ministère de l’intérieur

Retrait

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Dans le cours de la séance, un rapport a été présenté par l’honorable M. Vander Donckt, relativement à un article de crédits supplémentaires et extraordinaires qui a été ajourné de mon consentement à la fin de la dernière session ; comme cet article a donné lieu à des contestations, pour ne pas en faire l'objet d'une discussion spéciale, je le retire, sauf à le représenter, s'il y a lieu, avec d’autres crédits supplémentaires et extraordinaires.

M. le président. - Cet article, sur lequel M. Vander Donckt a fait rapport, étant retiré, l'impression et la distribution qui en ont été ordonnées devenant sans objet, n’auront pas lieu.

Pour faciliter le travail en sections, je propose à la Chambre de fixer la séance de demain à 3 heures.

- Cette proposition est adoptée.

La séance est levée à 4 heures et un quart.